Les prémices d'une mutation - Picking 100 % automatisé
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DOSSIER Automatisation ©JL.ROGNON Picking 100 % automatisé : les prémices d’une mutation La préparation de commandes a-t-elle vocation à être automatisée à 100 % ? Des réalisations en ce sens commencent à voir le jour en France dans le domaine de la grande distribution alimentaire. Si l’état actuel de la technologie limite jusqu’à présent les applications à la préparation de palettes homogènes et hétérogènes, il semble vraisemblable que la tendance s’étende à la préparation de détail dans les 10 ans qui viennent. 84 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015
ter de répondre dans ce dossier, qui abordera éga- lement une problématique non moins essentielle : celle de la place de l’homme dans ces entrepôts automatisés (voir page 91). La réponse n’est d’ail- leurs pas aussi catégorique qu’on pourrait le pen- ser d’emblée, à en croire la première expérience chez Leclerc Scapalsace qui tendrait à prouver qu’il est tout à fait possible de former les anciens J usqu’à l’année dernière, mis à part sur cer- préparateurs de commandes à de nouveaux taines niches très particulières, la prépara- métiers dans un entrepôt largement automatisé tion de commandes entièrement automa- (voir page 94). tisée n’avait encore jamais vraiment fran- chi les frontières de l’Hexagone. C’est dés- L’intérêt de la grande distribution ormais chose faite dans le secteur de la L’apparition récente des premières installations de grande distribution, avec des projets opé- préparation de commandes entièrement automa- rationnels, en cours de réalisation ou à l’état de tisée dans le domaine de la grande distribution réflexion sur certaines plates-formes d’enseignes française tient à plusieurs facteurs. « Le modèle de la grande distribution comme Leclerc, Inter- français, avec ses grands hypermarchés, est un marché, Système U ou encore Auchan. Comment peu différent de celui de l’Allemagne ou de l’Es- expliquer un tel changement, qui a déjà com- pagne, où l’on trouve encore énormément de supé- ©C.POLGE mencé depuis plusieurs années en Allemagne ou rettes. Mais le développement en France des en Espagne ? Quels autres secteurs pourraient être magasins de proximité de plus petit format en concernés à l’avenir ? Où se trouvent aujourd’hui Jean-Marc centre-ville et des drives a changé la donne et Heilig, les limites technologiques à cette préparation de complexifié les process logistiques », tente d’ex- Responsable commandes qui se passe de manutentionnaire ? pliquer Jean-Marc Heilig, Responsable Commer- Commercial Autant de questions auxquelles nous allons ten- cial France de Witron. La conséquence de cette France de Witron JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 85
DOSSIER Automatisation ©SSI SCHAEFER ©SSI SCHAEFER Sylvain Cerise, Le système Robo-Pick de SSI Schaefer ©KNAPP Directeur du département Automation de SSI Schaefer évolution, c’est que les commandes sont de plus entrepôts, les opérateurs portent quotidiennement France en plus fragmentées, en moins grandes quantités jusqu’à 18 t de colis en cumulé, et ce malgré les qu’avant, avec des préparations au colis, voire à normes en vigueur depuis quelques années (NF l’unité de vente, et que les livraisons sont plus fré- X35-109) qui limitent le tonnage cumulé admis- quentes. Pour suivre cette accélération des flux et sible quotidiennement à 7,5 t par personne, sans ce besoin croissant en réactivité, les enseignes assistance mécanique. Résultat, la grande distri- prennent de plus en plus au sérieux la solution bution est sous le feu des projecteurs en ce qui d’automatisation comme une alternative plus éco- concerne les problèmes de TMS (troubles mus- nomique que l’agrandissement de leurs entrepôts culo-squelettiques). « Si nous étions restés sur des et l’embauche de davantage de personnel. « La flux de préparation de commandes au colis rela- réactivité est un facteur à prendre en compte pour tivement faibles comme il y a cinq ans, l’attrait ©ALSTEF expliquer le développement de la préparation actuel de l’automatisation ne serait pas aussi Pierre Marol, automatique, car le processus manuel, avec ses important », souligne Pierre Marol, PDG d’Alstef. Président longs chemins de picking, prend beaucoup plus de D’autant que la réglementation est en constante Directeur Général temps que l’installation automatisée pour prépa- évolution, avec notamment la future entrée en d’Alstef rer une ou deux palettes. Cela permet donc de vigueur du compte pénibilité pour la plupart des repousser l’heure du cut-off des commandes », opérations en entrepôt à partir du 1er janvier note en outre Sylvain Cerise, Directeur du dépar- 2016. Les seuils de déclenchement de ce compte tement Automation de SSI Schaefer France. pénibilité seront définis par exemple à partir de l’action de lever ou de porter une charge unitaire Limiter, voire supprimer la pénibilité de 15 kg, ou de pousser ou de tirer des charges L’autre conséquence de cette fragmentation des unitaires de 250 kg, pendant plus de 600 h par commandes dans la grande distribution, avec de an, ou bien si l’on dépasse un cumul de manu- moins en moins d’expéditions de palettes com- tentions de charges de 7,5 t quotidiennement pen- plètes, est l’augmentation de la pénibilité du tra- dant 120 jours par an. L’automatisation peut être vail de la préparation. Les volumes sont impor- ainsi vue comme un moyen de limiter l’impact tants, les colis sont souvent lourds. Dans certains physique des opérations de manutention dans les 86 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015
entrepôts. Voire de le supprimer, en même temps cycle de préparation, qui permet d’augmenter la que le poste de préparateur de commandes… plage horaire de préparation et d’accepter des commandes plus tard dans la journée et troisiè- Réduire les temps de cycle mement, la réduction de la pénibilité et l’amélio- Sur la préparation de commandes automatisée, la ration de l’ergonomie. » grande distribution fait figure de pionnière. « La grosse nouveauté depuis cinq ou six ans, c’est la L’exception du secteur pharmaceutique capacité technique à séquencer les colis complets D’autres secteurs que la grande distribution pour- pour constituer une palette hétérogène, qui res- raient-ils être concernés dans un avenir pro- pecte l’ordre de mise en rayon », affirme Sylvain che par la préparation automatisée ? La priorité Cerise. Plus généralement, la réflexion des entre- semble se trouver d’abord là où les charges sont prises face à l’automatisation semble avoir un peu les plus lourdes et les plus pénibles à manuten- évolué. « Durant les 20 dernières années, l’objec- tionner, comme c’est le cas pour les sacs de farine tif des projets logistiques était essentiellement de Moulins Bourgeois (équipés d’une solution lié à la productivité, en mettant en place des Viastore Systems), ou encore les bobines de papier systèmes à gares, puis des systèmes de type de Norske Skog, sur son site de Golbey, équipés de «goods-to-man» dont le retour sur investissements chariots autoguidés préparateurs de commandes était essentiellement justifié par la réduction du de BA Systèmes. Le secteur pharmaceutique fait nombre d’emplois dans l’entrepôt, constate Jean- figure d’exception à cette règle empirique : les David Attal, Directeur Général de Viastore Sys- médicaments ont beau avoir un poids relative- tems France. Personnellement, depuis quelques ment faible, il existe depuis des années des sys- années, j’ai vu trois autres problématiques arri- tèmes de type « A-frame » pour préparer les ver : premièrement, la recherche d’un concept glo- commandes de détail de quelques dizaines ou bal, qui irait de la réception à l’expédition en centaines de références à forte rotation. Des solu- passant par le stockage et la préparation de com- tions ont été également développées pour la pré- mandes ; deuxièmement, la réduction du temps de paration de détail dans le domaine du multimédia JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 87
DOSSIER Automatisation Système COM de Witron ©JL.ROGNON ©JP.GUILLAUME Jean-David ©JL.ROGNON Attal, Directeur Général ©FIMEC de Viastore Systems France (CD, DVD) ou des cosmétiques. Le point commun existe des centres automatisées de préparation de entre ces différents cas : les caractéristiques des palettes homogènes, car il s’agit d’objets suffi- produits sont relativement homogènes, standar- samment standardisés pour être maîtrisables par disées, avec de petits formats parallélépipédiques. un outil automatique. Automatiser la palettisa- A l’inverse, dans les entrepôts e-commerce, le pré- tion hétérogène des colis s’avère plus compliqué lèvement des articles dont les caractéristiques, les techniquement : les flux sont 100 fois plus impor- poids et les dimensions peuvent varier considéra- tants et les typologies des emballages peuvent être blement, n’est pas automatisé. Même si des socié- diverses. Ce sont les systèmes qui commencent à ©M ETIS CONSULTING tés comme Amazon commencent à encourager les être mis en place actuellement dans la grande dis- efforts de recherche en ce sens (voir encadré tribution alimentaire et qui vont continuer à pro- page 89). Dans ces entrepôts, la problématique est gresser. Et les fournisseurs travaillent déjà sur Frédéric surtout de réduire le nombre de km parcourus par l’étape suivante, celle de la préparation 100 % Mancion, les préparateurs et les projets d’automatisation automatisée à l’UVC, qui est encore plus complexe Directeur Associé de Metis s’orientent généralement vers des systèmes de du fait de la diversité des produits à manipuler et Consulting type « goods-to-man », où le prélèvement de l’ar- du volume encore plus important de flux à traiter. ticle dans un bac et sa dépose dans un carton sont C’est l’une des tendances de la prochaine décen- effectués par un opérateur qui n’a plus besoin de nie. » Une avancée considérable a déjà été accom- se déplacer. plie grâce au progrès effectués ces 10 dernières années sur les systèmes à navettes de type « goods La préparation à l’UVC to man », à présent capables de séquencer les colis fait de la résistance dans un ordre prédéterminé à une cadence très « L’évolution de la préparation 100 % automatisée rapide. Le système de palettisation automatique s’analyse moins en fonction des secteurs que par imaginé et breveté par Witron, il y a plus de type de charges à manipuler, à savoir les palettes, 10 ans, qui utilise sur des tablettes « à trous » ser- les colis et les UVC (unités de vente consomma- vant de support porteur aux colis dans le teurs), affirme Frédéric Mancion, Directeur Associé convoyeur, a aussi contribué au succès actuel des de Metis Consulting. Cela fait plus de 10 ans qu’il systèmes de préparation automatisée. Pas besoin SUITE PAGE 90 88 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015
Picking robotisé : Amazon y réfléchit sérieusement L’intérêt d’Amazon pour les robots n’est pas nouveau. On d’effectuer dans un temps donné le plus de tâches de se rappelle que le géant américain de l’e-commerce a picking sur 27 types de produits rangés sur des étagères racheté la société Kiva Systems en mars 2012 et que ce (des boîtes, des objets divers, des jouets pour chiens, des concept de déplacement automatique d’étagères vers les livres, des paquets de gâteaux, etc.), et de les poser sur zones de préparation de commandes est déjà en place une table. Pour le robot, qui ne doit pas forcément avoir dans certains de ses entrepôts aux Etats-Unis. Ce qui est une forme humanoïde, la tâche n’est pas simple car il lui en revanche inédit depuis cette année, c’est qu’Amazon faudra à la fois maîtriser la reconnaissance d’objets et de commence déjà à réfléchir à l’étape suivante, celle de leur position en 3D, savoir planifier une manipulation remplacer dans le futur les préparateurs de commandes adéquate en fonction de leurs caractéristiques, et piloter humains par des robots. Pour stimuler la recherche dans le mouvement pour exécuter cette tâche sans erreur. ce domaine, Amazon a lancé une compétition ouverte 26.000 $ de prix sont en jeu, dont 20.000 pour le aux chercheurs en robotique dans le cadre de l’ICRA gagnant, 5.000 pour le second et 1.000 pour le troisième. 2015 (IEEE Robotics and Automation), la conférence Les participants seront encouragés à faire profiter la com- phare de l’IEEE Robotics and Automation Society qui aura munauté robotique de leurs travaux…pour améliorer les lieu du 26 au 30 mai à Seattle. Les concurrents de l’Ama- résultats des futures éditions de ce concours. Le rendez- zon Robot Picking Challenge 2015 devront concevoir vous est pris fin mai à Seattle. ■ JLR un système robotique (hardware et software) capable ©AMAZON JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 89
DOSSIER Automatisation SUITE DE LA PAGE 88 de bras articulé ou de préhenseur, les colis sont une certaine vision de stabilité de l’avenir en soulevés du support par une multitude de petites termes de typologie de produits et de com- aiguilles, puis simplement poussés à la bonne mandes », fait remarquer Hugues Doligez, Consul- place sur la palette en cours de constitution. tant Associé chez Diagma. Idéalement, le préhen- seur du robot doit ainsi être capable de prendre Le défi de la diversité et de déposer un sac de litière, un pack de six Les progrès de la robotique dans l’industrie pour- bouteilles de coca, mais aussi un tournevis, une raient néanmoins laisser présager une percée raquette de tennis, etc. Faudra-t-il imaginer des similaire dans la préparation automatisée en robots capables de changer en temps réel de pré- entrepôt. Des sociétés comme l’Américain Rethink henseur en fonction des produits sans trop ralen- Robotics et son robot de recherche Baxter ou les tir le flux, comme la solution présentée par Knapp ©DIAGMA Français Sileane (robot Kamido) et Fimec (solu- sur la Foire de Hanovre l’année dernière ? Ou tion de palettisation hétérogène Packtris) s’y inté- trouvera-t-on le préhenseur « universel» capable Hugues ressent de près. La société SPIL est également en de traiter 10.000 types d’objets ? La reconnais- Doligez, train de développer une offre de prestation (voir sance des objets et la vision en 3D de leur posi- Consultant Associé ci-dessous). Le gros enjeu actuel, sur lequel les tionnement ont également des progrès à accom- chez Diagma intégrateurs continuent à travailler, ne vient pas plir avant que ces solutions 100 % automatisées tant du robot que du logiciel de palettisation et ne concurrencent réellement les systèmes « pick d’ordonnancement qui doit constituer la palette by light » et « goods to man ». A moins que la en fonction du poids, de la volumétrie mais éga- réponse ne vienne de la modularité. « L’avenir, ce lement de la forme, de la portabilité ou de la résis- sont des modules robotisés, transférables, repro- tance à l’écrasement des colis (pack d’eau ou de grammables, déplaçables en fonction des flux de la bière, par exemple). En ce qui concerne spécifi- semaine, du mois, du trimestre, et qui permettent quement le prélèvement à l’article, le problème de traiter différents types de produits en conservant vient aussi de l’extrême diversité des objets à pré- une certaine flexibilité », prévoit Hervé Vallée, lever, sur un référentiel qui peut atteindre les Consultant chez Elcimaï Conseil. Une perspective 10.000 unités. « Le problème est aussi qu’on ne d’autant plus séduisante que l’intelligence et la peut pas forcément prévoir toutes les modifica- connaissance métier des hommes y aurait (encore) tions à l’intérieur des gammes de produits. Or, toute sa place ! ■ JEAN-LUC ROGNON l’automatisation est très structurante, elle suppose SPIL se positionne comme 3PL de la préparation automatisée Il y a un an et demi, le groupe SPI, spécialisé ment de site et nous portons la totalité du risque dans le conditionnement à façon et le copacking pour son bon fonctionnement. La partie méca- (76 M€ de CA, 57.000m2 d’ateliers et d’entre- nique est aujourd’hui complètement finalisée, et pôts en France) prend la décision de mettre au nous sommes en passe, avec nos partenaires tech- point une solution de préparation de com- niques, d’affiner notre algorithme de palettisation mandes automatisée de palettes hétérogènes, pour être capable de traiter près de 100 % de qui sera proposée aux industriels comme aux toutes les commandes de façon cohérente et cor- retailers sous la forme d’une prestation logistique recte », affirme Philippe Illiano, qui insiste sur le par sa nouvelle filiale, SPIL. « Les réflexions sur fait qu’aucun logiciel de palettisation au monde ne l’automatisation de la préparation de commandes sait pour le moment correctement traiter la palet- Philippe sont dans l’air du temps en France, et j’observe tisation de 100 % des volumes en fonction de la Illiano, PDG de SPI d’ailleurs une certaine accélération du phénomène commande, de la portabilité, du regroupement sur le deuxième semestre 2014 », déclare Philippe des références, de l’optimisation du volume de la Illiano, PDG de SPI. Fort de son expérience de palette, de sa tenue, etc. ». ■ JLR plus de 15 ans, durant lesquels SPI a investi plus de 80 M€ dans des systèmes de conditionne- ment à façon pour de grands clients dans le domaine des PGC, le département d’ingénierie du groupe a développé le module A2P (Auto- matisation Préparation de Picking), installé aujourd’hui dans l’entrepôt SPI de Saint Vulbas dans l’Ain. Investissement : près de 800.000 €. « La grande force du système est sa souplesse : il ©SPIL peut être déménagé aisément en cas de change- 90 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015
Entrepôts 100 % automatisés : où sont les Hommes ? Les entrepôts 100 % automatisés, tant au niveau du stockage que de la préparation de commandes, ont besoin pour fonctionner d’un personnel de maintenance et de conduite de l’exploitation. A en croire les intégrateurs, il est tout à fait possible et souhaitable de reconvertir tout ou partie des équipes existantes pour s’acquitter de ces tâches. D ans « La vie des 12 Césars », l’auteur latin déclenche, une croissance des commandes Suétone raconte que l’empereur Vespasien, annuelles. Néanmoins, la rentabilité économique à qui l’on vient de présenter un projet auda- de ces projets s’appuie souvent sur la réduction cieux de transport « mécanisé » de colonnes au d’un certain nombre d’emplois non qualifiés. Capitole, lui oppose une fin de non-recevoir. « Per- Certes, ce sont généralement des tâches pénibles mettez-moi de nourrir le pauvre peuple », aurait-il et mal payées, voire dangereuses pour la santé, qui lancé. La preuve que la question de l’impact de l’au- disparaissent. Et parallèlement, de nouveaux tomatisation sur les emplois se pose depuis près de emplois sont créés, non plus pour porter ou mani- 2000 ans. Inutile de se voiler la face, la perspective puler des charges, mais davantage pour organiser de voir fleurir des entrepôts 100 % automatisés, y les flux et s’assurer du pilotage et du bon fonc- compris pour la préparation de commandes, devrait tionnement des machines. Mais que devient le per- logiquement engendrer des suppressions d’emplois, sonnel de l’ancien entrepôt ? ©KNAPP à commencer par les contrats d’intérim, qui peuvent représenter 30 à 35 % des effectifs logistiques dans Qualifié ne veut pas forcément dire diplômé Stéphane la grande distribution. Cela n’entraîne pas forcément Premier constat : il n’existe aucun système 100 % Conjard, des licenciements, en particulier quand la mise en automatisé en préparation de commandes. « Il y a Directeur Général place du nouvel outil logistique accompagne, voire presque toujours des produits non mécanisables qui de Knapp France JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 91
DOSSIER Automatisation doivent être préparés manuellement, que ce soit tout de les faire participer pleinement à la phase de parce qu’ils sont hors gabarit, trop difficilement mise en place des processus. « Chez SSI Schaefer, manipulables, ou que les emballages sont trop fra- nous considérons la reconversion comme l’une des giles », relève Bruno Maisonneuve, Chef d’entreprise clés du succès des projets, et nous accompagnons d’Actemium Lyon Logistics. D’autres maillons res- systématiquement nos clients dans cette démarche, tent souvent manuels, du déchargement de camions jusqu’à la qualification de l’autonomie du person- ou de conteneurs à l’expédition, en passant par la nel une fois le basculement effectué », insiste pour dépalettisation. « Il y aura toujours des personnes sa part Sylvain Cerise. Non seulement les métiers pour prendre en compte les aléas d’une installation, changent, mais l’organisation va s’adapter, avec réorienter les activités, prioriser les commandes, nettement moins de « middle management » entre équilibrer les flux car il faut toujours conserver de la le personnel de pilotage et les opérateurs de ter- souplesse dans une installation automatisée », rain. En amont, les gestionnaires de commandes explique Sylvain Cerise, Directeur du département sont chargés d’ordonnancer sur la journée et de Automation de SSI Schaefer France. Généralement prioriser les vagues de préparations en fonction de plus valorisants, ces nouveaux métiers requièrent leur connaissance du métier (type de client, enga- une qualification, une formation particulière mais gements de taux de service, promotions, saisonna- pas forcément un niveau d’études supérieures. lités, etc.) et de différents aléas (camions en retard, « C’est un mal purement français de vouloir mettre commandes urgentes, etc.). Ces « pilotes de lignes » des diplômés, des Bac+2, des Bac+3 là où il y a sur- doivent avoir des qualités de vrais communicants, tout besoin de débrouillardise et de motivation », écoutés de leurs collaborateurs lorsqu’ils leur estime Jean-Marc Heilig, Responsable Commercial demandent d’effectuer rapidement une modifica- France de Witron, qui insiste sur le fait que la tech- tion dans le processus d’exécution. Sont logique- nologie et l’interface des lignes de préparation de ment les plus « éligibles » à ce genre de poste les commandes doivent rester les plus simples et chefs d’équipe ou les responsables d’exploitation, robustes possibles. qui ont déjà une bonne connaissance des proces- sus globaux de l’entrepôt, mais qui devront évi- Reconversion rime avec anticipation demment être préalablement formés au système de « La prise en compte de la reconversion est une pro- supervision et de pilotage de l’installation. blématique que nous rencontrons très souvent chez nos clients », reconnaît Stéphane Conjard, Direc- Des opérateurs autonomes teur Général de Knapp France. La première chose à Il faut également des personnes sur le « terrain », au faire est d’anticiper suffisamment les choses pour plus près des lignes de préparation de commandes, pouvoir détecter les connaissances acquises et les pour accompagner le processus et surveiller que potentiels de chacun et avoir le temps de les faire L’opérateur doit être capable de reprendre la main évoluer avant le démarrage de l’installation, et sur- sur le système automatisé en cas d’anomalie, si un ©JL.ROGNON 92 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015
carton intercalaire s’est détaché et bloque la plus d’installations automatisées, les constructeurs machine, par exemple. Et de faire de la mainte- ne pour- ront pas assurer un service de dépannage nance « curative » de niveau 1, d’établir un diag- 24h/24 suffisamment réactif, à moins de s’orienter nostic, de changer rapidement un consommable vers un schéma mixte associant des personnes de avant de redémarrer le système le plus rapidement l’entreprise cliente qui vont prendre petit à petit la possible. A condition d’être motivé et débrouillard, main sur le système et des techniciens du construc- il n’est pas forcément besoin d’être au départ un teur, pour des interventions préventives quelques fois technicien chevronné en électricité ou en électro- par an », décrit Frédéric Mancion, Directeur Asso- nique. Les anciennes équipes d’opérateurs peuvent cié de Metis Consulting. ■ JEAN-LUC ROGNON être formées par l’intégrateur ou le constructeur pour les familiariser avec la chaîne de commandes (capteur, collecteur d’info, automate), les diverses manières de réagir en cas d’in- cident, l’utilisation de l’interface homme machine pour établir un pré- diagnostic. La technologie va permet- tre de rendre ce métier encore plus accessible puisque les intégrateurs commencent à mettre au point des solutions à base de lunettes à réalité augmentée ou de tablettes connectées pour que l’opérateur puisse être assisté ©RETHINK ROBOTICS à distance par un expert dans des opé- rations de maintenance ou de dépan- nage. « Comme il va y avoir de plus en JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 93
DOSSIER Automatisation Scapalsace : Perle garde un côté humain Scapalsace a inauguré l’année dernière le premier entrepôt de la grande distribution française à automatiser à grande échelle la préparation de commande. Une aventure technologique… mais aussi humaine. P erle, comme Premier Entrepôt Robotisé palettes de 41.000 emplacements qui culmine à Leclerc. Entrée en exploitation en mai der- 32 m de hauteur, deux buffers d’expéditions. nier, la nouvelle plate-forme 100 % auto- matisée de Scapalsace, basée à Niederhergheim, à Un travail de formation en amont quelques km de Colmar, fait figure de pionnier de Pas de doute, l’ensemble du processus de traite- la grande distribution française. Cette usine logis- ment de commandes, de la dépalettisation jusqu’à tique de 32.000 m² divisée en six cellules, avec la préparation des expéditions, est entièrement 35 quais de chargement, fonctionne 21 h sur 24 automatisé pour la grande majorité des références (les 3 h restantes étant dédiées à la maintenance (mis à part les hors gabarits ou les produits dont préventive). Elle gère actuellement 11.000 réfé- les emballages sont trop fragiles). Mais les rences en PGC non périssables à température hommes et les femmes n’ont pas pour autant ©SCAPALSACE ambiante et prépare des commandes expédiées déserté l’entrepôt : 120 personnes s’activent sur dans 10 départements du Grand Est (46 hypers, le site, dont une moitié travaillaient déjà sur un Saïd Bindou, 24 supermarchés Leclerc express et 28 drives). Sa des sites de Scapalsace, l’autre moitié ayant été Directeur Général capacité de préparation (par palettes complètes, embauchée. « La dimension humaine est au cœur de Scapalsace couches et colis individuels) peut atteindre de notre projet, dont les grands objectifs sont 254.000 unités en période de pointe. Ce petit d’améliorer le travail et la sécurité de notre per- bijou, qui a coûté 60 M€ (bâtiment compris), est sonnel, de réduire la pénibilité, et bien sûr, d’aug- bardé de modules automatisés conçus par l’entre- menter la qualité de service aux magasins et la prise allemande Witron : cinq dépalettiseurs, traçabilité produits », nous confie Saïd Bindou, le 10 machines de palettisation, un magasin de Directeur Général de Scapalsace. « Les métiers 360.000 emplacements colis, un magasin à sont totalement différents de ce que l’on a pu ©JL.ROGNON 94 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015
connaître auparavant, mis à part le chargement et le déchargement des camions, qui ne sont pas automatisés. Cela implique de nouvelles qualifi- cations qu’un ancien préparateur par exemple doit acquérir pour devenir conducteur de machines, travailler sur pupitre et savoir répondre aux aléas comme un problème de colis coincé, ou de cour- roie cassée », explique-t-il. Scapalsace a com- mencé ce travail très en amont, pratiquement deux ans avant l’ouverture du nouvel entrepôt, en proposant à son personnel de suivre des niveaux de formation « basiques » sur les capaci- tés à suivre les consignes, à analyser une situation donnée, à utiliser un ordinateur. Vers davantage d’autonomie Sur les 80 personnes ayant participé à ce socle commun, une soixantaine a pu accéder, compte- tenu des choix personnels et des aptitudes de chacun, à un niveau de formation plus élevé, en rapport avec le processus industriel automatisé. Certains ont appris à utiliser des équipements d’escalade pour l’intervention en hauteur dans les transstockeurs et la plupart, en plus d’une for- mation théorique, ont été amenés à découvrir pendant un mois une nouvelle manière de tra- vailler dans d’autres sites automatisés installés par Witron, en Allemagne, au Québec ou en Suisse. Durant la phase de lancement opération- nel de Perle, le personnel a pu également bénéfi- cier du « coaching » de personnes expérimentées venant de ces autres sites automatisés. Par ail- leurs, Witron a créé et formé sa propre équipe de techniciens et d’électromécaniciens d’un peu plus de 10 personnes pour la maintenance sur site. « En termes de management, il y a moins de couches managériales que dans un entrepôt tra- ditionnel. Les collaborateurs deviennent auto- nomes dans leurs ateliers, dans leurs zones. Il faut qu’ils puissent identifier un problème, déter- miner rapidement quel niveau d’intervention est nécessaire, s’ils peuvent régler le problème seul ou s’ils doivent alerter le helpdesk ou l’équipe de maintenance. C’est toute cette expertise et cette capacité à analyser une situation donnée qui leur a été enseignée lors de leur formation », souligne Saïd Bindou. Par ailleurs, la volonté de Scapal- sace a été dès le départ de favoriser la polyva- lence, de manière à ce que dans chaque zone de l’entrepôt, les employés soit capables d’occuper deux à trois postes différents. ■ JEAN-LUC ROGNON JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 95
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