LISBONNE : un nouveau rapport au fleuve

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LISBONNE : un nouveau rapport au fleuve

                                      © Cámara Municipal de Lisboa

« Retrouver le fleuve sans perdre le port » : dès le 1er Plan stratégique de 1992 la Ville de Lisbonne
considérait l’estuaire du Tage comme un patrimoine global mais soulignait également le potentiel
d’ouverture sur le monde et de développement économique que représente le port. Le Port quant à lui
affirmait, notamment à l’occasion de la 9è Conférence mondiale de l’AIVP organisée à Lisbonne en
2004, vouloir faire en sorte que le paysage portuaire soit naturellement perçu comme faisant partie du
paysage urbain. Plus de 10 ans sont passés. L’occasion de faire le point avec Arch. Manuel
Salgado, adjoint au Maire en charge de l’urbanisme et de la planification stratégique, sur ce qui a été
réalisé et les défis qui sont encore à relever.

AIVP - Suite au 1er Plan stratégique de 1992, le Plan d’aménagement riverain va alors mettre en
œuvre une stratégie dite du « collier de perles » pour différents secteurs de la zone riveraine. Le
second plan stratégique confirmera par la suite cette volonté d’articuler la ville avec le port.
L’intégration du front riverain reste l’un des axes majeurs et l’un des objectifs principaux pour la Ville
que cela soit dans son Plan Directeur 2012 ou sa Vision Stratégique pour Lisbonne 2012.

Les aménagements réalisés sur la Zona Riberinha Oriental, le site qui a accueilli l’exposition
universelle de 1998, sont sans doute parmi les plus connus à l’international. Ils sont aussi un symbole
de cette volonté de trouver un nouveau rapport au fleuve. Au-delà de l’impact évident de l’Expo 98
pour l’image de Lisbonne sur la scène internationale, quel bilan tirez-vous de l’évolution fonctionnelle
du site à ce jour ?

                 Arch. Manuel Salgado – Avec la construction du port et des décharges à la fin du
                 19ème siècle, la ville de Lisbonne a été séparée d’un fleuve avec lequel elle
                 entretenait des liens ancestraux. À côté de ces travaux, la construction de voies
                 ferrées, de gares et les implantations industrielles sur les rives du Tage ont fait
                 disparaitre le fleuve de la vie urbaine. Le développement urbanistique a peu à peu
                 dévalorisé le waterfront, obligeant la ville à s’étendre vers le nord, limitant les
                 échanges avec le fleuve à certains secteurs spécifiques de la ville.

À partir de la fin des années 80, dans une nouvelle façon de concevoir sa relation au Tage, Lisbonne
a progressivement de nouveau porté son attention sur celui-ci pour se repenser comme une ville
fluviale. À titre d’exemples, l’on peut citer le concours lancé par l’Association Nationale des Architectes
en 1998 pour l’aménagement de la zone riveraine, à l’époque un vaste ensemble industriel en partie
abandonné qui se détériorait rapidement avec de lourdes conséquences sur l’environnement ; la

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construction du Centro Cultural de Belém (1988-92) ; les Plan stratégique et Plan Directeur de
Lisbonne (1992-94) ainsi que le choix de la Zona Riberinha Oriental comme site d’accueil de
l’exposition universelle de 1998.

L’exposition universelle de 1998, associée à la
construction de plusieurs infrastructures de transport
importantes, notamment le nouveau pont sur le Tage,
Ponte Vasco da Gama, a donné à ce projet
d’aménagement urbain et à l’aire métropolitaine une
importance indéniable. Outre la création de nouvelles
centralités urbaines et régionales, elle constitue une
référence significative dans l’élaboration de l’image de la
ville et indique la voie à suivre pour le réaménagement
du front riverain.

En 2008, la Ville de Lisbonne a élaboré le Plan Général
du front riverain devant orienter les projets
d’aménagement public le long des 19 km des berges du
Tage pour une période de 10 ans. Parallèlement à ce
plan, des zones portuaires et littorales étaient en voie
d’être libérées pour être converties à des usages publics.

Grâce à l’adoption en 2012 de l’actuel Master Plan, le
front riverain de Lisbonne ne se limite plus à une frange
appartenant au domaine portuaire, mais comprend
également le territoire qui s’étend des berges jusqu’à la
première ligne de crête des collines, formant un
amphithéâtre ouvert sur le Tage.                                               Expo 98 © AIVP

© Cámara Municipal de Lisboa

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Au cours des dernières années, la Ville a réalisé plusieurs opérations d’aménagement ayant contribué
à la transformation du front riverain de Lisbonne. Des opérations à court terme ont été achevées à
Terreiro do Paço et à Ribeira das Naus et nous mettons actuellement la dernière main à de nouveaux
projets concernant les secteurs de Cais do Sodré / Corpo Santo, pour la gare sud par le sud-est, et de
Campo das Cebolas.

                             Ribeira das Naus © Cámara Municipal de Lisboa

                        Campo das Cebolas © Cámara Municipal de Lisboa

                    Cais do Sodré / Corpo Santo © Cámara Municipal de Lisboa

En ce qui concerne les investissements privés réalisés sur le front riverain, j’aimerais mentionner la
fondation Champalimaud conçue par l’architecte Charles Correia en 2011, le New Coach Museum,
conçu par Mendes da Rocha en 2015, le projet de Centre culturel de l’EDP conçu par Amanda
Levete, ainsi que le nouveau siège de l’EDP conçu par Manuel Aires Mateus, en cours d’achèvement.

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AIVP - Un certain nombre de zones portuaires ont depuis été libérées par le port et plusieurs projets
peuvent être évoqués comme exemples de cette nouvelle relation au fleuve que vous voulez mettre
en oeuvre. C’est le cas par exemple du Centre culturel de la fondation EDP dont les travaux ont
récemment démarré à Belém et qui prévoit notamment un toit promenade, véritable balcon ouvrant
sur la ville et le fleuve. Le terminal croisière conçu par l’architecte João Luís Carrilho da Graça
fonctionnera également sur ce principe. Il avait été retenu pour la qualité de l’intégration du terminal
croisière à la ville. Il sera en effet notamment complété par un parc urbain et une promenade menant
à travers les différents niveaux du bâtiment jusque sur le toit pour offrir des vues sur la ville et le Tage.

Centre Culturel EDP © Amanda Levete Architects

                           Terminal croisière, Arch. João Luís Carrilho da Graça © Cámara Municipal de Lisboa

Mais nous sommes là précisément sur la question de l’intégration urbaine
de fonctions portuaires. Il en est de même finalement pour une opération
telle que la promenade cycliste aménagée sur 11 km de waterfront, et le
service de vélo en partage qui l’accompagne depuis 2013 : elle est une
autre proposition de relation au fleuve mais suppose toutefois d’imaginer
des solutions pour les secteurs où les activités portuaires sont encore
présentes.

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Quelles stratégies avez-vous mises en œuvre pour
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                                                   portuaires existantes ? Quelles sont en particulier les
                                                   solutions déjà appliquées ou programmées sur le
                                                   secteur d’Alcantara où l’activité conteneur est très
                                                   présente (197,279 EVP en 2014), ou celui de Santa
                                                   Apolonia avec là une activité croisière ?

                                                   Alcantara – un espace multifonctionnel
                                                   © Porto de Lisboa

Arch. Manuel Salgado – Lisbonne est, par nature, une ville portuaire. Elle jouit d’une situation
privilégiée et de parfaites conditions naturelles et constitue une infrastructure essentielle pour le pays.
Elle dispose de liaisons régulières vers les principaux ports d’Europe du Nord et d’Espagne, et les
terminaux de Santa Apolonia et d’Alcantara et le terminal multifonctionnel ont réalisé un trafic total de
339 931 conteneurs en 2014.

Le waterfront de la ville de Lisbonne ne se limite plus à la frange portuaire et a été étendu par l’actuel
Master Plan. La reconfiguration de l’infrastructure portuaire par la spécialisation des fonctions, la
concentration de certaines activités et le déplacement d’autres activités vers d’autres ports de la
région ont déjà libéré de vastes territoires pour des usages non portuaires, partant du principe que,
dans un futur proche, d’autres secteurs portuaires peu spécialisés et peu développés pourraient être
transformés pour accueillir de nouveaux usages urbains.

La construction du nouveau terminal croisière de Lisbonne offre de nombreuses opportunités de
renouvellement et de redéfinition des fonctions de ce grand espace du front riverain de Lisbonne. Le
terminal aura un impact positif sur l’économie de la ville qu’il valorisera contribuant à accroitre sa
compétitivité. Situé à proximité du centre historique, et accessible immédiatement aux passagers des
navires de croisière, il a déjà permis d’accélérer la requalification de l’ensemble de la zone comprise
entre Cais do Sodré et Santa Apolonia, grâce à la création d’un parcours doté d’un ascenseur qui
permet de rejoindre la colline du château Saint-Georges.

             Terminal croisière, Arch. João Luís Carrilho da Graça © Cámara Municipal de Lisboa

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En bordure ouest de la ville, le plan d’aménagement urbain d’Alcântara, mis en œuvre en février
dernier, est destiné à créer une nouvelle centralité urbaine, offrant de nouveaux espaces et
équipements, des commerces, des services et des activités relatives aux technologies. Le plan prévoit
la réalisation d’un parcours vert entre Monsanto et le fleuve, comprenant un nouveau parc urbain qui
reliera Alcântara-Terra (terre) et Alcântara-Mar (fleuve) et qui s’achèvera par une vaste esplanade
devant la gare maritime d’Alcântara.

La stratégie d’aménagement urbain du front riverain a été le moteur de l’accroissement de la
compétitivité de Lisbonne en tant que ville ouverte aux visiteurs et aux investisseurs.

AIVP – Vous venez de lancer un concours international pour le Parque Ribeirinho Oriente. La
compatibilité avec les activités portuaires sera là aussi l’un des critères essentiels. Quels usages sont
actuellement présents sur ce site et quelles sont vos attentes ?

Arch. Manuel Salgado – Le concours pour l’aménagement du Parque Ribeirinho Oriente, ouvert
jusqu’au 20 avril, prévoit l’aménagement d’approximativement 86000 m² de berges compris entre la
société « Braço de Prata » et les zones concernées par le plan de détail Matinha.

                         Parque Ribeirinho Oriente © Cámara Municipal de Lisboa

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Parque Ribeirinho Oriente – Competition area © Cámara Municipal de Lisboa

Il a pour objectif la requalification d’un secteur dédié pendant des années à des usages industriels et
portuaires, et le développement des espaces de loisirs, en particulier les marinas, les pistes cyclables
et les voies piétonnes à l’intention des jeunes et des moins jeunes ainsi que des aménagements
paysagers pour relier le fleuve à la ville.

                  Parque Ribeirinho Oriente – Zones vertes © Cámara Municipal de Lisboa

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Les propositions doivent prévoir l’aménagement de plages, des piscines flottantes, des restaurants et
des activités culturelles en accordant la priorité à la mise en place de mesures en faveur de la
réduction de la consommation d’eau et d’énergie et à l’intégration du projet dans la structure
écologique ; garantir la continuité des pistes cyclables le long du fleuve, créer une gamme diversifiée
d’activités récréatives et sportives qui soit compatible avec les nouveaux usages et le maintien des
activités portuaires ; articuler et façonner les nouveaux espaces urbains autour du fleuve ; et anticiper
la montée des eaux due au changement climatique.

AIVP – La dimension environnementale et la nécessaire prise en compte du changement climatique,
notamment de la montée des eaux, sont également soulignées dans ce concours. Il s’agit là en effet
d’une dimension essentielle tant pour Lisbonne et toutes les zones concernées le long de ces 19 km
de waterfront, ou plus globalement pour les municipalités de l’Aire métropolitaine présentes le long de
l’estuaire du Tage. Résister ? S’adapter ? Les villes portuaires du monde en entier ont engagé la
réflexion.
Quelles stratégies de résilience avez-vous programmées et quelles mesures sont d’ores et déjà mises
en œuvre ? Et envisagez-vous un concours sur ce sujet à l’instar par exemple de New York et du
concours « Rebuild by design » qui avait été lancé suite notamment à l’ouragan Sandy ?

Arch. Manuel Salgado – La question du changement climatique, et son impact potentiel sur
l’élévation du niveau des mers, est actuellement traitée sous l’angle de la planification urbaine,
notamment dans la Stratégie municipale d’adaptation au changement climatique (en cours
d’élaboration) menée dans le cadre du programme local ClimAdapt coordonné par l’Université des
sciences de Lisbonne et impliquant plusieurs municipalités. Toutefois, dans le cadre du projet Expo 98
il avait été décidé de réévaluer les quotas d’aménagement pour prendre en compte les risques
d’inondation et, concernant le Masterplan de Lisbonne, les zones inondables ont été recensées dans
une Charte sur la Vulnérabilité aux inondations.

Par ailleurs, un Plan Directeur de drainage comprenant la construction de bassins de rétention d’eau
et l’amélioration des réseaux d’évacuation est actuellement en phase de mise en œuvre. Dans le
cadre d’une opération de requalification du secteur de Terreiro do Paço, un système de chambres de
rétention et de clapets anti-retour a été aménagé, en tant que partie intégrante d’un système de
rétention installé dans tout le centre-ville, pour permettre à la ville d’exercer un contrôle en amont sur
l’écoulement des eaux pluviales.
La Ville a également pris des mesures destinées à atténuer les conséquences des inondations par
des interventions systématiques dans l’entretien et la remise en état de collecteurs et par la
construction de chaussées poreuses. Le Masterplan de Lisbonne règlemente également l’occupation
des arrière-cours des propriétaires privés.

AIVP – Pour conclure, vous avez fait de la participation citoyenne un axe fort de votre stratégie de
planification urbaine. Pouvez-vous nous en résumer les principaux objectifs et évoquer les retours et
les éventuelles propositions que vous avez pu avoir sur les sites où la question de la mixité des
fonctions urbaines et portuaires se pose ?

Arch. Manuel Salgado – Nous souhaitions développer la coopération et la participation citoyenne.
Pour ce faire, deux programmes, financés par les autorités locales et ayant rencontré un vif succès,
ont été mis sur pied en vue de promouvoir la participation active des citoyens : le programme de
« Budget participatif » et le programme Bip-Zip.
La première édition du « Budget participatif », d’environ 5M€, a été lancée en 2008. Le programme fait
l’objet de propositions de participation de plus en plus nombreuses et mobilise un nombre croissant de
votants. Les habitants se prononcent sur des propositions concrètes pour la ville et celles retenues
sont mises en œuvre par le Conseil municipal dans un délai de 2 ans. Plus récemment, et dans
l’objectif de faire naître chez les plus jeunes une culture de citoyenneté active et responsable, une
autre expérience de budget participatif a été mise en place à l’intention des élèves de l’enseignement
primaire (6-10 ans).

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Budget participatif, programme 6-10 ans © Cámara Municipal de Lisboa

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Le second programme, Bip-Zip, doté d’un budget d’environ 3M€, soutient essentiellement les
communautés d’agglomération, les associations locales ou les organisations non-gouvernementales
en apportant les moyens financiers nécessaires à la réalisation de projets d’amélioration des quartiers
ou des zones d’intervention prioritaires.

En plus de ces programmes, il est dans la pratique de la Ville de Lisbonne d’être à l’écoute des parties
prenantes et d’encourager la participation du public pour chaque opération réalisée dans un secteur
spécifique de la ville. Les citoyens ont ainsi la possibilité de s’impliquer auprès des autorités
municipales.

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Sont membres de l’AIVP :

-   CÂMARA MUNICIPAL DE LISBOA : www.cm-lisboa.pt
-   AREA METROPOLITANA DE LISBOA : www.aml.pt
-   ADMINISTRACAO DO PORTO DE LISBOA : www.portodelisboa.pt

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