Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info

 
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Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
Trimestriel - Centre universitaire d’enseignement du journalisme - N˚ ISSN 0996-9624 - 3 €   Décembre 2018 > n° 123

Mobilité :
Transition à vitesse
réduite

Entre une voiture
toujours indispensable
et des transports
alternatifs qui ont du
mal à convaincre, les
déplacements peinent
à prendre le virage
Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
L’Alsace en mouvement                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   NEWS D’ILL
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Centre
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        universitaire

F
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        d’enseignement
        avoriser le covoiturage, le                                                                        cieraient, puisque c’est aussi bien                                                                                                                                                    De la réforme SNCF ce printemps                                                                                                                                       du journalisme
        vélo, les moyens de trans-                                                                         notre environnement que notre                                                                                                                                                          au mouvement des gilets jaunes à                                                                                                                                      (CUEJ),
        port électriques, bannir                                                                           santé qui sont mises à mal par les                                                                                                                                                     l’automne, les problématiques de                                                                                                                                      Université de
        les véhicules polluants                                                                            gaz d’échappement, les nuisances                                                                                                                                                       mobilité ont rythmé l’année 2018.                                                                                                                                     Strasbourg.
des centres-villes, désenclaver                                                                            sonores ou les bouchons.                                                                                                                                                               Car les points de tension sont                                                                                                                                        11 rue du Maréchal-
les territoires ruraux. Les me-                                                                            Aujourd’hui devenue incontour-                                                                                                                                                         nombreux. Comment concilier                                                                                                                                           Juin
sures du nouveau Plan mobilité,                                                                            nable, la mobilité doit aussi être                                                                                                                                                     écologie et transport lorsqu’on                                                                                                                                       CS 10068 67046
présenté par le gouvernement                                                                               propre. Les usagers adoptent                                                                                                                                                           vit dans la commune de la Petite                                                                                                                                      Strasbourg
lundi 26 novembre, sont aussi                                                                              pour cela de nouveaux moyens de                                                                                                                                                        Pierre où, sans voiture, rien n’est                                                                                                                                   Tél : 03 68 85 83 00
ambitieuses que nécessaires. Car                                                                           transport. Vélo, trottinette élec-                                                                                                                                                     possible ? Comment réformer                                                                                                                                           cuej.unistra.fr
face à l’urgence écologique, tout                                                                          trique ou covoiturage : le choix est                                                                                                                                                   un secteur tel que les transports                                                                                                                                     www.cuej.info
le monde est concerné.                                                                                     large. Si l’impact environnemen-                                                                                                                                                       sanitaires qui embauche et fait
De l’habitant de l’Eurométropole                                                                           tal des entreprises est non négli-                                                                                                                                                     vivre près de 12 000 personnes en                                                                                                                                     DIRECTRICE DE
de Strasbourg au résidant de la                                                                            geable, ces dernières aussi ont                                                                                                                                                        Alsace ? La mobilité est un sujet                                                                                                                                     LA PUBLICATION
commune rurale de Unger-                                                                                   dû innover, avec, par exemple, la                                                                                                                                                      conflictuel, justement parce que,                                                                                                                                     Nicole Gauthier
sheim, des changements dans                                                                                mise en place de télétravail ou de                                                                                                                                                     de la santé, à l’emploi, en passant
nos modes de déplacement sont                                                                              plans de déplacement entreprise.                                                                                                                                                       par l’environnement, il touche                                                                                                                                        ENCADREMENT
à prévoir. La planète mais aussi                                                                           Ces évolutions, bien que néces-                                                                                                                                                        différents aspects de nos vies.                                                                                                                                       Quentin Descamps,
notre qualité de vie en bénéfi-                                                                            saires, ne se font pas sans heurt.                                                                                                                                                               Lucie Duboua-Lorsch                                                                                                                                         Nicole Gauthier,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Daniel Muller,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Stéphanie Peurière
Et si on changeait ?                                                                                .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .                   3-4                        RÉDACTRICE
Déplacement : peu de mouvements                                                                                                              .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .    5   EN CHEF
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Lucie
Jaune de colère     .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .   6-7            Duboua-Lorsch

Horizons bouchons                         .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .    8   ICONOGRAPHE
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Pierre Griner
Bouger moins, travailler plus                                                                      .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .    9
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        CHEF D’EDITION
Sortir les voitures du port                                                     .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .      10       Marie Dédéban
Le mal des transports                                   .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .      11
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        RÉALISATION
France-Allemagne : 6-4                                           .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .      12       Florian Bouhot,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Augustin
L’auto résiste au village écolo                                                                      .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .      13       Campos, Louise

Employés en liberté                                                                                        .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .                14-15                                             Claerebouldt,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Tifenn
Une voiture sinon rien                                     .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .      16       Clinkemaillie,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Marie Dédéban,
Dans mon camion y a du bio                                                                      .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .     17       Lucie Duboua-
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Lorsch, Boris
Strasbourg guide ses aveugles                                                                                .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .    18       Granger, Martin
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Greenacre, Nicolas
Concurrence sur l’ambulance                                                                          .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .      19       Grellier, Pierre
Jamais sans ma bagnole                                                                                                                                 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .              20-21                                             Griner, Phoebé
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Humbertjean,
Le pont manquant                      .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .      19       Louay Kerdouss,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Melina Lang,
Bouger d’un pouce                        .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .      23       Stefanie Ludwig,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Juliette Mariage,
Trajets courts toujours                                     .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .     23       Mathilde Obert,

Once upon a tram                                                                         .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .                24-25                                             Corentin Parbaud,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Clémentine Rigot,
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Tom Vergez
La trottinette à l’assaut de la ville                                                                                        .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .      27
Les maillots jaunes de l’incivilité                                                                                    .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .   28-29                         PHOTO DE UNE
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Phoebé
Le vélo dans la peau                                                                                          .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .                30-31                                             Humberthjean

2 < NEWS   D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018
Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
Et si on changeait ?
Laurine, 22 ans, étudiante                                                        Karine, 46 ans, artisane
« Je polluais beaucoup »                                 Depuis quelques          « Un plein d’essence me
Cigarette à la main, Laurine Chaunono (photo)
                                                         mois, Laurine
                                                         prend le tram.           coûtait 65 euros »
                                                         Louise Claerboudt/Cuej
comble les quatre heures de pause avant son pro-                                  Gagner du temps et de l’argent, pourquoi s’en
chain cours de psychologie. Il y a quelques temps,                                priver ? C’est la réflexion que s’est faite Ka-
elle n’aurait pas hésité à retourner chez elle, à                                 rine Delon. Attachée à sa voiture et à la liberté
Eschau, en voiture. Mais depuis mars, plusieurs                                   qu’elle lui procure, elle a néanmoins décidé de la
constats l’ont poussée à prendre le tramway à                                     délaisser pour rejoindre les quais bondés de la
Illkirch. « J’ai réalisé que dans les bouchons chaque                             gare. « Un plein d’essence me coûtait 65 euros, j’en
personne était seule dans sa voiture », explique-t-                               ai eu marre », se scandalise l’artisane. Quarante
elle. « Puis j’ai vu que ma voiture était en catégo-                              minutes la séparent maintenant de Phalsbourg,
rie 4 selon la vignette Crit’Air et que je polluais                               où elle habite. C’est cinq minutes de moins que
beaucoup. » En réduisant ses émissions de CO2,                                    quand elle conduisait. Les bouchons, la fatigue
l’étudiante fait des économies : « Maintenant je                                  et le compteur de la pompe à essence sont loin
fais un plein par mois au lieu de deux à trois. »                                 derrière elle.

Michel, policier                                                                  Amaury, 29 ans, psychiatre
« Un vélo, c’était plus                                                           « Mon vélo va dans le train »
compliqué à transporter »                                                         Laisser son nouveau vélo à la gare et le voir dis-
Dans le train en direction de Gries, Michel plie sa                               paraître : un fléau bien connu des Strasbourgeois.
trottinette électrique. Quelques secondes avant le                                Amaury Mengin, psychiatre originaire de Barr,
départ, le policier trouve un siège libre et coince                               refuse d’envisager cette possibilité : « Maintenant,
sa machine entre ses pieds : « Avant, j’avais un                                  je mets mon vélo dans le train. » Son nouvel engin
vélo mais c’était plus compliqué à transporter. »                                 lui permet de ne plus se fatiguer à marcher pour
À côté de lui, les cyclistes peinent à trouver un                                 rejoindre son bureau. Son cadenas n’étant pas as-
crochet disponible. En début d’année, le quadra-                                  sez résistant pour laisser son vélo sans surveillan-
génaire a investi dans une patinette pour relier la                               ce, il l’emporte partout avec lui. Un changement
gare et son travail. « Elle va à 20 km/h alors je fais                            d’habitude qui l’avantage, puisque le trajet jusqu’à
rapidement les derniers mètres. »                                                 son travail ne lui prend plus que cinq minutes.

                                                                                            NEWS D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018 > 3
Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
Patricia, chargée d’orientation
                                                                                                                     à l’Université de Strasbourg
                                                                                                                     « Le covoiturage, c’était
                                                                                                                     trop compliqué »
                                                                                                                     L’expérience du covoiturage aura duré trois ans
                                                                                                                     pour Patricia Démonieux. « C’est devenu trop
                                                                                                                     compliqué pour moi, cela prend trop de temps »
                                                                                                                     raconte la chargée de l’orientation à l’espace

                                                                                       Tifenn Clinkemaillié / Cuej
                                                                                                                     Avenir au sein de l’Université de Strasbourg. « J’ai
                                                                                                                     été rattrapée par l’envie d’améliorer ma qualité de
                                                                                                                     vie. » Patricia Démonieux privilégie aujourd’hui
                                                                                                                     son véhicule personnel pour venir de Truchter-
                                                                                                                     seim. Un choix par défaut puisqu’elle « culpabilise
                                                                                                                     d’être seule dans la voiture ». Ses horaires de tra-
                                                                                                                     vail fluctuants l’empêchent de faire le chemin re-
                                                                                                                     tour à heure fixe. « Avec le covoiturage, je ne peux
Emmanuel, 42 ans, chef de service                                                                                    pas faire attendre les gens », regrette l’employée,
à la préfecture                                                                                                      qui voudrait faire le trajet avec des collègues.
« À vélo, c’était plus
agréable »
Fini le temps où Emmanuel Kehr travaillait à
Molsheim à quelques coups de pédale de son
domicile. Son nouveau poste de chef d’un service
coordination à la préfecture de Strasbourg l’a
contraint à changer ses habitudes. Aujourd’hui,
son voyage entre Strasbourg et Molsheim lui
prend environ quarante minutes en train. « Ça
serait un peu loin à vélo », concède-t-il, rieur.
                                                           Louise Claereboudt / Cuej

« C’était quand même un peu plus agréable
avant. » Si le trajet lui permet de se relaxer et de
décompresser, il ne lâche pas pour autant des
yeux le panneau des départs. Le papa est pressé,
ses enfants l’attendent à la maison.

Christophe, 32 ans, employé                                                                                          Christophe, 42 ans, coordinateur
dans une compagnie d’assurance                                                                                       logistique à l’Eurométropole
« Plus en sécurité                                                                                                   « Cela me permet de faire
sur ma trottinette »                                                                                                 des économies »
D’un pas décidé, Christophe Burgy dégaine sa                                                                         Enveloppé dans son large manteau orange vif,
trottinette électrique dans le couloir de la gare                                                                    Christophe Matt s’engouffre dans un train et
de Strasbourg. Direction la voie numéro 9. Droit                                                                     suspend son vélo dans la rame. Le coordina-
comme un piquet, le jeune cadre slalome pru-                                                                         teur logistique et technique à l’Eurométropole a
demment mais promptement entre les voyageurs.                                                                        laissé sa voiture au garage il y a trois ans et opté
« Je roulais n’importe comment à vélo. Je me sens                                                                    pour le train et le vélo, pour rallier Strasbourg
plus en sécurité sur ma trottinette car je vais moins                                                                depuis Wittersheim. « Cela me permet de faire des
vite. » C’est en voyant de nombreux collègues se                                                                     économies. Depuis que je travaille pour la Ville,
balader sur leurs patinettes électriques high-tech                                                                   le remboursement pour les transports en commun
qu’il s’est laissé tenter par le gadget. Et il n’est pas                                                             est plus important, et le coût de l’essence était trop
déçu de son nouveau jouet : « Avant, je perdais                                                                      élevé », détaille-t-il. Avec son nouveau poste, il
un temps fou dans les parkings à vélo. Maintenant                                                                    a changé ses habitudes. Le premier train ne per-
j’installe ma trottinette dans mon bureau, c’est                                                                     mettait pas à Christophe d’arriver à l’heure à son
pratique et plus sûr. » Pour lui, comme pour les                                                                     ancien travail.
autres.                                                                                                                   Louise Claereboudt et Tifenn Clinkemaillié

4 < NEWS   D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018
Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
Déplacements : peu de changement
                                            Dans les trajets domicile - travail (*)

                 Marche à pied                                Deux-roues                             Véhicule léger          Transports en commun

   Strasbourg

                       10,4%                                      15,4%                                    43%                         27,8%
                        11,7%                                      12,5%                                   46,6%                       26,3%

 Eurométropole

                        7,7%                                      11,7%                                    55,2%                       22%
                         8,5%                                       10%                                    57%                         21%

       Alsace
                        5,9%                                       5,5%                                    73,9%                       10,8%
                         6,7%                                       5,3%                                   73,7%                       10,6%

      France
                        6,5%                                       3,9%                                    70,2%                       15%
                         7,4%                                         4%                                   69,7%                       14,5%

            * Une cinquième catégorie intitulée « pas de déplacement » apparaît dans l’étude de l’Insee.               2015 : 10,4%
            © Cuej Infographies / Source : Insee, recensement de la population                                          2010 : 11,7%

            E   n 1999, le protocole de Kyoto
                était signé au terme de lon-
            gues négociations. Il prévoyait
                                                                                 La comparaison des chiffres
                                                                                 ne permet de dégager aucune
                                                                                 tendance solide, si ce n’est une
                                                                                                                          18,3 millions de visiteurs an-
                                                                                                                          nuels en 2016 est pourtant en
                                                                                                                          augmentation, à l’inverse de l’aé-
            une baisse de 5% des émissions                                       stagnation générale de tous les          roport de Strasbourg-Entzheim,
            de gaz à effet de serre pour la                                      indicateurs. Pire, les actifs mar-       en perte de vitesse depuis l’arri-
            période 2008-2012, une mesure                                        chent moins et empruntent plu-           vée de la ligne à grande vitesse
            censée incarner un virage vers                                       tôt plus la voiture qu’auparavant,       dans la capitale alsacienne qui
            des modes de consommation                                            exception faite des zones urbai-         permet de rallier Paris en 1h46.
            plus écologiques. Au cœur de la                                      nes. Pour autant, les grandes            Le déclic tant attendu du chan-
            problématique environnemen-                                          villes n’affichent pas non plus          gement des mentalités n’a pas
            tale : le transport. Pourtant, la                                    de révolution dans leurs modes           eu lieu avant 2015, date de la
            transition énergétique annoncée                                      de déplacement, rien de plus             COP 21 dont a résulté l’accord
            n’a pas été au rendez-vous : les                                     qu’une lente évolution vers plus         de Paris qui prévoit de contenir
            moyens de transport empruntés                                        de transports en commun et de            le réchauffement climatique net-
            par les Français pour se rendre                                      trajets à vélo.                          tement en dessous de 2° d’ici à
            sur leur lieu de travail n’ont que                                   La fréquentation de la gare cen-         2100.
            peu varié entre 2010 et 2015.                                        trale de l’Eurométropole et ses                            Boris Granger

                                                                                                                   NEWS D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018 > 5
Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
Jaune de colère
L   e 17 novembre, plus d’une centaine de gilets jau-
    nes bloque le principal rond-point d’Altkirch, dans
le Haut-Rhin. La majorité d’entre eux travaille à Mul-
                                                           la frontière. Peu de trains, pas de bus, pour eux la seule
                                                           solution, c’est la voiture.
                                                                                     Texte et photos : Marie Dédéban
house, à vingt kilomètres, ou à Bâle, de l’autre côté de                                      et Phoebé Humbertjean

6 < NEWS   D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018
Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
NEWS D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018 > 7
Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
Horizon bouchons
  Prévu pour 2022, le TSPO proposera
  un autocar sur voie propre. Ce projet
  est censé fluidifier le trafic dans le
  Kochersberg

C
          haque matin, il y a du     offre de transports telle qu’on        7H40, les           gés sur l’axe emprunté. Malgré
          suspense, un chrono,       peut le faire sur Strasbourg,          bouchons            cela, et des temps de trajets en-
          et à la fin un temps de    avec des bus toutes les quinze         étouffent la        core fluctuants, « le temps de par-
                                                                            D41 entre
          course souvent déce-       minutes », avance Eric Fontenit,       Oberhausbergen      cours en car est déjà inférieur à
vant. Rémy Gentner a le choix,       adjoint au chef du service mobi-       et Stutzheim-       celui de la voiture grâce à la voie
à 8h15 : depuis Truchtersheim,       lités à l’Eurométropole.               Offenheim.          réservée et au système de priorité
chef-lieu du Kochersberg, il                                                Photo : Augustin
                                                                            Campos/Cuej
                                                                                                aux feux tricolores », souligne
peut prendre la D41, la plus évi-    Un projet tant attendu                                     Virginie Alberty, responsable du
dente, un bout de la D228 avant      Pour remédier à ces embou-                                 Pôle transport à la Région.
de rejoindre l’A351, ou tenter la    teillages quotidiens, le projet
D31 pour rallier Strasbourg, où      de Transport en site propre de                             L'offre de bus améliorée
il travaille.                        l’ouest strasbourgeois (TSPO)                              Dans la continuité du TSPO,
Dans sa Kia Sportage blanche, le     est censé désengorger cette ré-                            au nord de celui-ci, des voies
matin, en semaine, il sera bloqué    gion à la périphérie de l’Euro-                            de bus propres devraient aussi
à un moment ou à un autre, quel-     métropole.                                                 fluidifier le trafic en partance de
le que soit la route empruntée. Il   Le bus, qui traverse le sud du                             Truchtersheim : sur la D31 (pro-
lui faut entre quarante-cinq mi-     Kochersberg, doit relier Wasse-                            longement de celle existante) et
nutes et une heure pour rejoin-
dre la place de l’Etoile, à 20 kms
                                     lonne à la capitale alsacienne (26
                                     km) sur la D1004 en quarante           Sur                 sur la D41, en amont des deux
                                                                                                ronds-points les plus chargés.
de chez lui.                         minutes garanties. L’ambition de       la D1004, la        Sandrine, auxiliaire de puéri-
Il pourrait prendre le bus 220,      l’autocar, qui disposera à terme       fréquence des       culture à Strasbourg, prend ce
                                                                            passages du 230
« mais il est dans les mêmes bou-    de sa voie réservée sur l’ensemble     a augmenté à        bus tous les jours. « Il y en a très
chons que moi », et terminer par     de l’itinéraire et de feux trico-      la rentrée, et sa   régulièrement (41 allers-retours
quinze minutes de tram pour          lores qui lui donneront la priori-     fréquentation       en semaine, NDLR), et à l’heure
arriver à destination.               té : « Offrir une qualité de service   suit la même        où je le prends, en général après
Pour ce responsable des cours        qui se rapproche le plus possible      tendance :          9h, il y a moins de trafic », note la
d’eau à l’Eurométropole, comme       du train, avec de meilleures fré-      +10% entre          quadragénaire, qui vit temporai-
                                                                            2015 et 2017
pour nombre d’autres actifs          quences, et une augmentation ca-                           rement à Furdenheim.
parmi les 12 300 que compte le       pacitaire, explique Eric Fontenit.                         Au sein de l’Espace européen, au
Kochersberg (80% travaillent         Nous voulons faire en sorte que les                        nord de Strasbourg, où il travaille
dans l’Eurométropole), chaque        gens se rabattent vers les parkings-                       comme ingénieur informatique,
lever du jour est une nouvelle       relais pour prendre le bus. »                              Mathieu Frey a le luxe de la flexi-
histoire de bouchons. Le train       Initialement programmé pour                                bilité horaire. « Je préfère aller
n’y passe plus depuis le milieu      2020, le projet TSPO n’aboutira                            travailler tôt, comme ça le soir je
du XXes siècle. Dans cette région    pas avant 2022. Plusieurs tron-                            peux rentrer plus tôt », assure-t-il.
rurale, la plupart des 33 villages   çons de l’itinéraire du bus 230                            Lui prend le bus 210 ou 203 qui
dépasse à peine le millier d’habi-   manquent à l’appel aujourd’hui,                            disposent d’une voie propre sur la
tants. « Le nombre de personnes      et de nouveaux arrêts et des par-                          D31, puis finit à pied.
ne suffit pas pour développer une    kings-relais doivent être aména-                                           Augustin Campos

8 < NEWS   D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018
Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
Télétravail : Bouger moins, travailler plus
Plus de travail pour moins de déplacements. Les adeptes du télétravail doivent éviter
l’isolement et préserver le droit à la deconnexion.

D     ’ h a b i t u d e , Va l e n t i n e
      Heimlich se lève vers 8h
pour affronter le froid et passer
                                                                  tigue en moins ce jour-là. » Il éco-
                                                                  nomise ainsi plus de deux heures
                                                                  par semaine dans les transports
                                                                                                         augmentation de leur temps de
                                                                                                         travail, selon l’enquête Obergo.

vingt minutes dans le tram avant                                  pour venir d’Obernai. Environ          Garder le lien social
d’arriver au boulot. Pas ce matin.                                450 de ses collègues profitent         En Alsace, une quinzaine d’es-
Aujourd’hui, elle se lève à 9h et                                 de cette solution. D’après les         paces de coworking offrent une
elle est prête à bosser à 9h02, tou-                              chiffres de l’Eurométropole,           alternative au bureau à la maison.
jours en pyjama et avec un thé à                                  entre 2014 et 2016, 40 000 km          Employé par l’Agence Sentinel,
la main. Valentine est rédactrice                                 en voiture ont été évités par les      une start-up dans l’informatique
à Epopia, une start-up qui pro-
duit des histoires pour enfants,
                                             Plus                 télétravailleurs, soit un tour de
                                                                  la Terre.
                                                                                                         installée à Colmar, Josselin Ou-
                                                                                                         dry vient à la Plage Digitale à Ri-
                                              de 703 accords
installée dans une pépinière d’en-           d’entreprises        La préoccupation environne-            vetoile à Strasbourg trois fois par
treprises à Hautepierre, mais au             sur le télétravail   mentale fait partie des moti-          semaine. Avant, il travaillait pour
moins une fois par semaine, elle             signés en 2018       vations de la collectivité, qui a      une autre entreprise de Colmar
travaille chez elle à Strasbourg.            contre 560 en        instauré le télétravail temporaire     et prenait le train depuis Stras-
En septembre 2017, l’exécutif a              2017, selon la       lors des pics de pollution et des      bourg tous les jours. « J’avais déjà
                                             ministre du
réformé le code du travail, faci-            Travail, Muriel      jours de circulation alternée.         conscience que passer dix heures
litant l’accès au télétravail. L’em-         Pénicaud.            Cette opportunité est limitée aux      dans les transports par semaine
ployeur doit désormais motiver                                    agents déjà engagés dans cette         était une folle perte de temps et
son refus d’autoriser un salarié à                                voie, car elle nécessite des solu-     d’énergie. » Mais le vrai déclic
exercer à distance.                                               tions adaptées, comme un ordi-         est arrivé il y a deux ans, avec la
                                                                  nateur portable relié au réseau de     naissance de sa fille. Il a quitté
Plus de flexibilité                                               l’administration. Chaque année,        son poste et, dans l’entretien avec
Les ordonnances Macron ont                                        les salariés sont invités à candi-     son futur employeur, a soulevé la
également créé la possibilité de                                  dater ; ceux qui habitent loin ou      question du télétravail. « C’était
télétravailler de manière occa-                                                                                             important d’ar-
sionnelle, lors des grèves des                                                                                              river à trouver
transports ou des pics de pollu-                                                                                            un é qui l ib re
tion.                                                                                                                       famille-travail. »
A Epopia, cette flexibilité exis-                                                                                           C om me Jo s -
tait déjà. « Si on est prévenu de                                                                                           s elin Oudr y,
la grève, on va rapporter des                                                                                               la plupart des
dossiers à la maison, et c’est un                                                                                           utilisateurs de
gain de productivité pour l’entre-                                                                                          la Plage digitale
prise, explique Valentine. C’est                                                                                            exercent pour
bien aussi de bosser à la maison                                                                                            des entreprises
quand il fait très moche ou très                                                                                            dispersées à
froid. » Pour Rémy Perla, fon-                                                                                              travers l’Alsace,
dateur d’Epopia, « le but est de                                                                                            ou plus loin,
pouvoir travailler dans l’environ-                                                                                          souvent dans
nement le plus agréable ou le plus                                                                                          la communica-
pratique. »                                                                                                                 tion digitale ou
L’enquête de l’Observatoire du té-                                                                                          le développe-
létravail, des conditions de travail                                                                                        ment web. « La
et de l’ergostressie (Obergo) met                                                                                           majorité d’entre
en évidence qu’en 2018, 89% des              Le télétravail       qui sont en situation de handicap      eux commencent à venir chez nous
télétravailleurs notent un impact            permet à             sont prioritaires.                     après environ un an de travail à
positif sur la qualité de leur vie           Josselin Oudry       Sabine Gies, secrétaire générale       la maison ; ils veulent retrou-
                                             de passer plus
familiale et la fatigue physique             de temps avec sa     de la CFDT Alsace, tempère l’en-       ver le côté social de l’entreprise »,
liée aux transports.                         petite famille.      thousiasme général lié au télétra-     explique Sophie Charpentier,
Claude Harter, responsable de                Photo : Martin       vail : « Il faut se demander com-      responsable à la Plage Digitale.
la communication interne pour                Greenacre/Cuej
                                                                  ment on aménage le poste pour          Pourtant, selon les estimations
l’Eurométropole de Strasbourg,                                    que le salarié ne soit pas isolé,      du cabinet de conseil RH Kronos,
qui travaille chez lui tous les                                   et que le droit à la déconnexion       64% des télétravailleurs restent
vendredis depuis quelques mois,                                   soit respecté ». 57% des télétra-      chez eux.
confirme : « C’est beaucoup de fa-                                vailleurs constatent en effet une                      Martin Greenacre

                                                                                                NEWS D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018 > 9
Mobilité : Transition à vitesse réduite - CUEJ.info
Sortir les voitures du port
Pour faciliter la vie des cyclistes et des travailleurs nocturnes, le Port autonome de Strasbourg
a décidé d’impliquer ses entreprises et leurs salariés.

D
        ix kilomètres du nord au     d’entre eux vivent dans l’Euro-                            l’automobile. « C’est un secteur
        sud, 320 entreprises et      métropole. Une vaste démarche                              qui n’est pas contraignant en ter-
        10 000 salariés. Le Port     de concertation a alors été me-                            mes de stationnement, il y a des
autonome de Strasbourg est un        née au sein des entreprises de la                          grands parkings partout, note
monde à part. Et si Strasbourg-      zone. Les discussions accouchent                           Bénédicte Sénèque, chef de pro-
sur-l’Ill est l’auto-proclamée ca-   en 2014 d’un plan inter-entre-                             jet au sein de la direction du
pitale du vélo, sa voisine Stras-    prises de déplacement (Pied),                              développement portuaire. Cela
bourg-sur-le-Rhin en est bien        cosigné par les différents acteurs                         n’incite pas les salariés à changer
loin.                                du port (Région, Eurométropole,                            leurs habitudes. »
Entre usines et entrepôts, c’est     CCI…).                                                     Pour y parvenir, le port et l’Euro-
un incessant ballet de camions                                                                  métropole ont vu les choses en
et de trains de marchandises qui
prend toute la place. Les quel-
                                     2 millions pour les pistes
                                     cyclables                              75 %                grand. 2,3 millions d’euros, ré-
                                                                                                partis à 50-50 entre les deux ins-
ques cyclistes qui s’aventurent      Quatre ans plus tard, une bonne        des salariés du     titutions, ont été débloqués pour
dans les parages ne s’éloignent      partie des mesures suggérées dans      Port utilisent      aménager le secteur. Le Pied
guère de la zone centrale, celle     le document sont en place. Le sys-     leur voiture pour   prévoit que six kilomètres de
                                                                            se rendre au
qui est accessible depuis 2017       tème de transports en commun,          travail.            pistes cyclables sécurisées sup-
par la ligne de tram D. Au nord      pas vraiment adapté aux spécifi-       6 km de pistes      plémentaires seront construites
et au sud, l’absence de deux-        cités du port, a ainsi été réétudié.   cyclables           d’ici 2020.
roues doit autant à la distance      Les lignes 14 et 27, qui desservent    sécurisées
                                                                            supplémentaires
à parcourir qu’aux équipements       la zone sud, sont désormais cel-       sont en             La zone nord délaissée
(in)existants. Les parcelles les     les dont les rotations débutent        construction        En plus des investissements des
mieux loties ne disposent que        le plus tôt dans l’Eurométropole       (photo ci-          collectivités, des initiatives pri-
d’une étroite bande cyclable, en     (à 4 h 45, contre 6 heures aupa-       dessous).           vées sont menées. Punch Power-
bordure d’une route où voiture       ravant). Cela permet aux salariés      Photo : Juliette    glide, plus gros employeur de la
et camions se soucient assez peu     aux horaires décalés de se passer      Mariage/Cuej
                                                                                                zone, offre à ses 1000 salariés
de la limitation à 50 km/h.          de leur voiture, et aux entreprises                        un système de navettes. Ces bus
75% des salariés du Port utilisent   de ne plus exiger un véhicule lors                         transportent 30% des salariés de
leur voiture pour se rendre au       des embauches.                                             l’entreprise, en allant les chercher
travail. Des chiffres conformes      Mais il n’est pas simple de faire                          dans plus de 80 communes du
à la moyenne nationale, mais         abandonner leurs voitures à des                            Bas-Rhin. Plusieurs sociétés voi-
qui offraient une grande marge       gens qui travaillent dans une                              sines aimeraient pouvoir profiter
de progression, puisqu’un tiers      zone entièrement pensée pour                               de ce réseau, notamment celles
                                                                                                dont les ouvriers travaillent en
                                                                                                horaires décalés. Une mutuali-
                                                                                                sation était évoquée dans le plan
                                                                                                de 2014, avant que des restruc-
                                                                                                turations chez Punch ne la mette
                                                                                                en sommeil.
                                                                                                Les discussions pourraient re-
                                                                                                prendre en 2019, notamment
                                                                                                avec Blue Paper. Le fabricant
                                                                                                de papiers d’emballage est prêt
                                                                                                à changer ses horaires de pro-
                                                                                                duction pour s’adapter à ceux de
                                                                                                Punch et permettre à ses 160 sa-
                                                                                                lariés de profiter des navettes.
                                                                                                La zone nord, bien moins dense,
                                                                                                n’est pas prioritaire dans les res-
                                                                                                tructurations. Elle reste délaissée
                                                                                                par la CTS, tandis que la circula-
                                                                                                tion des vélos y est déconseillée
                                                                                                car trop dangereuse, en l’absence
                                                                                                de pistes cyclables.
                                                                                                                       Tom Vergez

10 < N E W S   D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018
Photo : Tifenn Clinkemaillé/Cuej

Le mal des transports
Stress, fatigue, dépression, obésité… Au quotidien, les trajets longs
dégradent la santé des travailleurs

P                                        66 %
         our 81% des Français, vivre                        rement aux chanceux qui ont un            ture comme un espace de détente,
         à la campagne représente                           temps de trajet inférieur à trente        il y a un sentiment de liberté. Mais
         la vie idéale. Les principa-    des Français       minutes et bénéficient de sept jours      il ne faut pas oublier que le stress et
         les raisons évoquées sont       mettent plus       de productivité en plus par an, les       la tension restent présents », expli-
                                         d’une demi-
le calme, une pollution moins forte      heure à se         navetteurs déclarent avoir peu de         que-t-il.
qu’en ville et un moindre coût de la     rendre sur leur    moments libres. Cela se répercute
vie. Mais cette qualité de vie doit      lieu de travail.   aussi sur l’alimentation avec une         Risque de dépression
être à nuancée : le temps de dépla-                         majoration de 21% de risques              À la fatigue et au stress s’ajoute le
cement influe sur la santé mentale                          d’obésité. « Sept heures de sommeil,      risque de dépression, plus élevé
et physique des navetteurs.                                 j’y suis rarement, j’ai moins de temps    chez les personnes qui effectuent
Claude Mertz, psychiatre à Stras-                           pour moi, je suis fatiguée », confir-     plus d’une heure de transport. Des
bourg, insiste sur l’importance                             me l’étudiante.                           horaires flexibles et une meilleure
de savoir opérer une coupure
en rentrant chez soi. « Le trajet        1,2 %              « Quand on rentre à 19 heures, on
                                                            n’a pas envie de se coucher à 22 heu-
                                                                                                      organisation du travail pourraient
                                                                                                      être des remèdes efficaces, selon
du retour devrait être un sas de         C’est              res mais il faut se reposer », reprend    Dominique Hen, directeur de
décompression, cela ne fonctionne        l’augmentation     Claude Mertz. Un sommeil récu-            l’Agence régionale pour l’améliora-
                                         en France,
pas toujours. Pour certains, c’est       en 2016,           pérateur est un sommeil régulier,         tion des conditions de travail. « En
un facteur de stress en plus »,          du nombre          rappelle le psychiatre. Patricia Dé-      France, on reste dans une culture
analyse-t-il.                            d’accidents sur    monieux, chargée de l’orientation         managériale ancienne, on n’a pas
Sarah Chevalier, habitante de            le chemin du       professionnelle à l’espace Avenir au      pour habitude d’être dans la sou-
Gresswiller et étudiante en scien-       travail.           sein de l’Université de Strasbourg,       plesse », souligne-t-il.
ces du langage, tente de rentabili-                         vient de Truchtersheim en voiture.        Selon lui, l’essor du télétravail et des
ser ses cinquante-cinq minutes de                           Le passage à l’heure d’hiver pertur-      espaces de co-working réduira le
voyage : « Comme j’arrive chez moi                          be son rythme jusqu’alors établi et       temps de trajet des employés. Seul
plus tard que d’autres, j’essaye d’ap-
prendre dans le train, . »
                                         28 %               modifie sa conduite. « Avec la nuit,
                                                            la pluie, le brouillard, il faut faire
                                                                                                      point noir : aux managers d’être
                                                                                                      formés pour gérer des équipes à
                                         des personnes      vraiment attention, cela fatigue »,       distance et assurer le bien-être de
                                         pour lesquelles
Trop peu d'heures de sommeil             le trajet          explique-t-elle.                          leurs employés au travail, comme
Selon une étude publiée en mai           domicile-travail   Pour les actifs qui privilégient la       à la maison.
2017 par l’assureur britannique          est supérieur      voiture, le risque d’accident est ac-                    Tifenn Clinkemaillié
Vitaly Health, les actifs qui mettent    à une heure        centué par la fatigue. Michel Rich,
plus d’une heure (aller-retour) à se     et demie           directeur des comités du Bas-Rhin         1. Enquête réalisée en octobre 2018 par
rendre au bureau sont 12 % de plus       présentent         et du Haut-Rhin de la Prévention          l’Ifop pour Familles rurales.
                                         « une détresse
à évoquer le stress lié au travail.      psychique          routière, rappelle que la moitié des      2. Enquête épidémiologique de la
Ils ont également 46 % de risques        orientant vers     accidents du travail sont des ac-         Fondation Pierre Deniker pour la
supplémentaires de dormir moins          un trouble         cidents de trajets. « À la fin de la      recherche et la prévention en santé
de sept heures par nuit. Contrai-        mental ».          journée, les gens considèrent la voi-     mentale, publiée le 26 novembre 2018.

                                                                                          N E W S D ’ I L L n ° 1 2 3 - D É C E M B R E 2 0 1 8 > 11
France-Allemagne : 6-4
Crit’Air français, Eco-pastille allemande : les deux certifications visent à réduire le niveau
de pollution dans les villes européennes.

I
   l y a 22 ans, l’Union euro-       bourg, n’entre en vigueur qu’en                           moteur diesel du trafic. En juin,
   péenne décide pour la pre-
   mière fois de mettre en place
                                     cas de pic de pollution. Mise en
                                     place en novembre 2017, cette
                                                                            2018               Hambourg a été la première ville
                                                                                               allemande à mettre en place
                                                                            Mise en place
des mesures pour réduire les         ZPA oblige à se munir d’une            de zones à         une telle interdiction. Berlin,
taux de polluants dans l’air.        vignette Crit’Air, qui comporte        circulation        Francfort et Cologne devraient
Le Conseil de l’UE souhaite          six échelons. Sans cette pastille      restreinte à       suivre en 2019. L’association de
réduire la quantité du dioxyde       ou avec une vignette de catégo-        Strasbourg.        protection de l’environnement
de souffre et des particules fines   rie quatre ou cinq, les véhicules                         Deutsche Umwelthilfe a porté
qui, autour des grandes métro-       sont interdits à la circulation.                          plainte contre plusieurs Länder
poles, minent la santé des ha-       Le but : bannir progressivement                           dont le taux de particules pol-
bitants. Pour cela, Bruxelles        les véhicules diesel, notamment                           luantes dans l’air a été réguliè-
préconise en 1996 aux États          les plus polluants, immatriculés                          rement dépassé. Selon elle, les
membres la mise en place de          avant 2006.                                               interdictions de circuler sont les
zones à circulation restreinte                                                                 seules mesures fiables pour faire
(ZCR).                               Zones environnementales                                   baisser les émissions polluantes.
                                     allemandes
                                     En Allemagne, les zones à cir-
                                        culation restreinte ont fait
                                           leur apparition dès 2008
                                             avec l’instauration de
                                               quatre catégories de
                                                 véhicules. Les plus
                                                  vieux ne disposent
                                                  pas de macarons et
                                                   les autres ont droit à
                                                   une vignette rouge,
                                                   jaune ou verte, se-
                                                  lon la norme euro-
                                                 péenne anti-pollu-
                                                tion Euro.
                                              En 2008, toutes les
                                            voitures avec une vi-
                                          gnette pouvaient circuler
                                       librement dans les zones res-
                                     treintes. Aujourd’hui, seules les
                                     pastilles vertes des véhicules
Crit'air, classement en six          les moins polluants, donnent           La norme Euro      Pas d'uniformisation
                                                                            repose sur
catégories                           encore accès aux 58 « zones            des méthodes       européenne
À Strasbourg, les premières me-      environnementales ».                   de tests           Actuellement, il n’existe au-
sures ont été prises il y a trois    Cependant, puisqu’aucune               controversées      cune reconnaissance mutuelle
ans. Alors que la qualité de l’air   mise à jour de ce système n’a          car les            des vignettes entre France et
dans l’agglomération alsacienne      été faite en Allemagne, les cri-       conditions de      Allemagne. Le Conseil rhé-
laisse à désirer, avec de fré-       tères s’avèrent moins stricts          laboratoire ne     nan, institution trinationale
                                                                            correspondent
quents pics de pollution, l’Euro-    qu’en France. Ainsi, la vignette       pas à cellles de   (France, Allemagne et Suisse),
métropole s’engage à mettre en       allemande la plus propre cor-          la route.          ainsi que le centre européen de
place en 2015, dans le cadre du      respond à la vignette Crit’Air                            la consommation souhaitent
projet « Ville respirable en cinq    numéro 3.                                                 néanmoins aller dans ce sens.
ans », différentes zones à circu-    Les mesures allemandes ont                                Jusqu’ici, leur proposition a été
lation restreinte. Sur la Grande-    permis de faire baisser les taux                          refusée par le gouvernement du
Île, la ZCR, permanente, ne          de particules fines dans l’air. Et                        Land de Bade-Wurtemberg. La
concerne que les camions tan-        d’autres réformes sont prévues.                           collectivité d’Alsace, qui réunira
dis que la zone de protection        En février 2018, le Tribunal ad-                          les deux départements alsaciens
de l’air (ZPA), qui englobe          ministratif fédéral allemand a                            actuels en 2021, pourrait se sai-
l’ensemble du réseau routier         autorisé les villes et communes à                         sir de la question.
de l’Eurométropole de Stras-         exclure totalement les véhicules à                                            Melina Lang

12 < N E W S   D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018
L’auto résiste au village écolo
Malgré des tentatives
écologiques de la part
                                        ils ne sont pas efficients. » Les
                                        Ungersheimois continuent d’uti-
                                        liser leurs propres véhicules pour
                                                                               3000                    gens, c’est plus facile d’aller au su-
                                                                                                       permarché et de remplir le chariot
                                                                                                       que de faire les courses à plusieurs
du maire, les habitants                 leurs trajets personnels. « On a
                                                                               kilomètres de
                                                                               trajet en voiture       endroits», regrette le maire. Aux
restent attachés à leurs                tellement l’habitude, reconnaît        sont économisés         jardins du Trèfle rouge, les abon-
véhicules.                              Mireille, propriétaire du tabac-       par année
                                                                               grâce à la filière
                                                                                                       nés viennent souvent en voiture
                                        presse. S’il y avait des transports                            récupérer leur panier garni. « C’est

A
                                                                               De la graine à
        u cœur d’Ungersheim,            en commun plus réguliers, pas          l’assiette.             impossible de transporter tous les
        commune rurale à une            sûr que les gens les prendraient. »                            légumes pour la semaine sur un
        vingtaine de kilomètres         Pourtant, la commune a mis en                                  vélo, note un des employés des
de Mulhouse, l’unique arrêt de          place un transport à la carte, Fi-                             jardins. Et c’est difficile d’instaurer
bus est à l’abandon : aucune grille     léa, en partenariat avec Soléa, la                             un système de livraison à domicile,
horaire n’y est affichée. La gare la    compagnie de transport de l’ag-                                les clients viennent chercher leur
plus proche est à deux kilomètres,      glomération mulhousienne. En                                   commande après le travail ou à la
à Raedersheim. Les plus témérai-        réservant à l’avance, une navette                              sortie de l’école. »
res des Ungersheimois s’y rendent       vient chercher les usagers et les
à pied ou à vélo. Mais la majorité      dépose dans l’une des 30 commu-                                Sensibiliser les enfants
d’entre eux préfèrent la voiture.       nes desservies.                                                Conscient que le chemin vers une
Pourtant, Jean-Claude Mensch,                                                                          transition écologique totale est
maire de gauche à la sensibilité        La voiture, plus pratique                                      encore long, Jean-Claude Mensch
écologique, tente de faire vivre        Marie-Estelle, infirmière intéri-                              mise sur l’exemple et la sensibili-
ses 2000 administrés au rythme          maire, assure que la voiture lui est                           sation. La mairie a innové pour le
de la transition énergétique. La        indispensable : « J’ai des horaires                            ramassage scolaire.Depuis 2008,
commune mène 21 projets pour            décalés, je fais souvent des longs                             tous les jours, entre 12h et 14h,
« préparer l’après-pétrole et s’adap-   trajets. Je ne peux pas faire autre-                           les enfants peuvent rentrer déjeu-
ter aux désordres du climat ». Un-      ment. » Pour les courses de Suzan-                             ner chez eux en calèche. La fré-
gersheim a investi dans une cen-        ne, boulangère, la voiture est un                              quentation varie selon la météo,
trale photovoltaïque de 4000 m2,        gain de temps. « Avec mon rythme                               mais Jean-Claude Mensch espère
mis en place un potager bio pour        de travail, je n’ai pas une minute à                           ainsi sensibiliser les plus jeunes
alimenter la cantine scolaire et        perdre dans les transports », expli-   Tous les jours          à l’impact écologique des petits
chauffe au bois sept de ses bâti-       que-t-elle.                            entre 12h et            trajets en voiture. La calèche per-
ments municipaux.                       Selon Jean-Claude Mensch, le po-       14h, les enfants        met également de désengorger le
                                                                               peuvent rentrer
« La mobilité, c’est le point noir de   tager bio doit permettre de limiter    déjeuner en             parking devant l’école. Et de ga-
notre projet, regrette le maire. Les    l’utilisation de la voiture. « Mais    calèche.                gner du temps : en vingt minutes
transports collectifs existent, mais    ce n’est pas encore gagné. Pour les    Photo : Marie           en moyenne, tous les passagers
                                                                               Dédéban/Cuej
                                                                                                       sont déposés chez eux. Difficile
                                                                                                       de mesurer l’impact réel de ce
                                                                                                       transport scolaire vert, mais les
                                                                                                       trois chevaux comtois, Richelieu,
                                                                                                       Kozack et Diabolo ont leur petit
                                                                                                       effet. « J’ai constaté qu’il y a plus
                                                                                                       de particuliers qui vont au travail
                                                                                                       ensemble, lorsqu’ils sont dans la
                                                                                                       même entreprise », note le maire.
                                                                                                       Des voitures hybrides ont égale-
                                                                                                       ment fait leur apparition dans les
                                                                                                       rues du village. Mais ces véhicules
                                                                                                       onéreux sont souvent inaccessi-
                                                                                                       bles à la plupart des Ungershei-
                                                                                                       mois.
                                                                                                       Lesquels ont du mal à s’appro-
                                                                                                       prier les alternatives proposées
                                                                                                       par la commune. Difficile de se
                                                                                                       défaire totalement de sa voiture,
                                                                                                       même lorsqu’on habite un village
                                                                                                       à cheval sur son empreinte car-
                                                                                                       bone.
                                                                                                                          Marie Dédéban

                                                                                           N E W S D ’ I L L n ° 1 2 3 - D É C E M B R E 2 0 1 8 > 13
Employés en liberté
Bateliers                                                                         Nomades digitaux
« Sur les bateaux, c’est un                                                       « Quand je travaille en
peu un métier d’aventure »                                                        Thaïlande, je suis content »
L    e Rhin et ses affluents n’ont plus de secret
     pour Benjamin Leclere qui y navigue depuis
bientôt huit ans entre Suisse, France, Allemagne,
                                                                                  T     ravailler en voyageant et voyager en tra-
                                                                                        vaillant, c’est ainsi que Daniel Rico, « nomade
                                                                                  digital » définit sa vie. En Thaïlande, à Berlin,
Belgique et Pays-Bas. En tant que capitaine du                                    Madrid ou au Chili, le meilleur compagnon de
chimiquier Macan, il rythme sa vie par périodes                                   route de Daniel Rico, c’est le wifi. « Avant de par-
de deux semaines : une quinzaine à descendre et                                   tir, je me renseigne juste sur la couverture internet
remonter le Rhin, une autre en repos, chez lui à                                  dans le pays, c’est le critère le plus important »,
Eckbolsheim ou en voyage personnel. Anthony                                       raconte ce web designer salarié, qui a un loge-
De Sousa est lui aussi batelier sur le Rhin. Il                                   ment stable à Strasbourg.
navigue quatre semaines, puis est en congé les                                    Le sac à dos léger, ces nomades, qu’ils soient
deux semaines suivantes.                                                                         freelance – une majorité – ou salariés,
Pour les deux hommes de 26 ans, ori-                                                             peuvent bouger au gré de leurs envies.
ginaires de la région de Strasbourg, la                                                          Tous les ans, Daniel Rico part en Asie
mobilité est un style de vie : « Avec un                                                         ou au Chili « deux ou trois mois »,
rythme normal, tu te lèves, tu prends                                                            pendant l’hiver, et quelques semaines
ton petit déjeuner, tu vas au boulot, le                                                         en Europe, chez les amis de sa femme
soir tu rentres, tu es fatigué, tu regardes                                                      chilienne.
la télé, et le lendemain c’est reparti »,                                                        Une demi-journée de travail avec son
caricature Benjamin Leclere.                                                                     patron « très flexible », ponctuée d’une
Anthony De Sousa trouve un                                                                       visioconférence : c’est ce qu’il s’impose,
équilibre à être régulièrement en                                                                malgré le décalage horaire, parfois
déplacement, une façon de prendre                                                                « pour faire le point sur les projets ».
de la distance par rapport à « une                                                               A coup de 25 heures hebdomadaires
vie stressante dans notre société de                                                             – cinq matinées de travail – au lieu
l’instantané ». C’est pour lui « un                                                              de 40, Paul Chobert jouissait d’un
bol d’oxygène, une forme d’isolement                                                             rythme de travail confortable lorsqu’il
qui fait du bien ». Benjamin Leclere                                                             était nomade. En Nouvelle-Zélande,
poursuit : « Sur les bateaux, c’est un                                                           ce développeur web tirait profit de
peu un métier d’aventure, on voyage,                                                             douze heures d’avance à l’autre bout
parfois à force d’escales on connaît des                                                         du monde. « Le travail est mieux
villes d’Europe comme si on y vivait, et                                                         perçu quand il arrive le matin », note
puis le salaire est très avantageux avec les primes     Le jour de                le jeune homme, qui « essaye à tout prix de garder
de déplacement. »                                       ses 18 ans,               sa routine dans le travail ».
Pourtant, il y a des inconvénients à ce mode de         Benjamin Leclere          Pour eux, les vacances ne sont jamais longues –
                                                        travaillait à bord
vie, et le premier est l’absence. « On fait sa vie en   d’un bateau en            « deux semaines et quelques jours par-ci par-là »
fonction du travail », explique Benjamin Leclere,       mangeant des              pour Daniel Rico, « une semaine quand j’ai envie
se remémorant son dix-huitième anniversaire             sandwichs.                de faire de longues aventures » pour Paul Cho-
qu’il a passé à travailler à bord d’un bateau, à        Photos : Pierre Griner/   bert – malgré la sensation, au fond, qu’elles ne
manger un sandwitch. Il ne peut en effet pas            Cuej
                                                                                  sont jamais loin. « Quand je travaille dans un café
ou peu choisir ses périodes de repos et, dans ce                                  en Thaïlande, je relève la tête et je me dis c’est le
milieu, il n’est pas rare de rater le mariage d’un                                mois de février, grand soleil, et dans deux heures je
ami ou la naissance de son propre enfant. Pour                                    vais aller me baigner, je suis content ! », s’enthou-
Anthony De Sousa, si cette absence répétée                                        siasme Daniel Rico.
permet de prendre du recul, elle est aussi, de son                                A force de mouvement durant trois ans, Paul
propre aveu, le principal défaut du métier : « Ça                                 Chobert, pour qui « l’essentiel est de travailler à
peut parfois poser problème dans les relations                                    distance », a ressenti un besoin de stabilité et est
amoureuses. Même si ça marche pour certains, de                                   devenu père. Point d’atterrissage : le Canada. Mais
nombreux bateliers sont des divorcés. Je dirais que                               « plus libre » depuis qu’il a goûté au nomadisme
c’est un métier qui convient bien quand on a entre                                digital, Daniel Rico ne changera pas. Du moins
22 et 30 ans », développe celui qui n’exclut pas de                               pas avant que ne se pose la question de la
« se ranger » plus tard s’il le faut.                                             scolarisation de son enfant.

14 < N E W S   D’ILL n° 123 - DÉCEMBRE 2018
Son travail fait rêver. Tout n’est pourtant pas
                                                                         rose : « Tout le monde voit le bon côté, développe-
                                                                         t-elle, mais c’est un travail fatigant avec les vols
                                                                         long-courriers, le décalage horaire et des escales
                                                                         parfois difficiles politiquement, où l’on est par
                                                                         exemple escorté par l’armée dans des voitures
                                                                         blindées. Sans compter le travail de nuit, en week-
                                                                         end ou en jour férié. » Malgré ces contraintes,
                                                                         elle se satisfait d’échapper à « la routine ». Le plus
                                                                         délicat reste la vie de famille. Elle élève seule son
                                                                         fils, et il n’est pas toujours aisé de s’organiser : « Le
                                                                         planning sort le 25 du mois, n’est pas modifiable
                                                                         et n’est jamais fixe. Pour prendre des rendez-vous
                                                                         médicaux, ça pose problème. J’arrive à mettre
                                                                         en place un système de garde mais ce n’est pas
                                                                         toujours évident. »

                                                                         Chauffeur routier
                                                                         « Sur la route, on fait parfois
                                                                         de belles rencontres »
                                                                         L   a semaine, Martin Walter parcourt les routes
                                                                             d’Alsace, d’Allemagne, de Belgique et de
                                                                         Hollande en camion. Le week-end, il rentre chez
                                                                         lui, quand tout se passe bien. Être à l’étranger lui
                                                                         inspire un sentiment de liberté et lui permet de
                                                                         faire des découvertes : « On voit et on apprend
                                                                         plein de choses dans ce métier, sur les processus
                                                                         industriels, ou dans les malteries, où j’ai appris
                                                                         comment était fabriquée la bière. Et puis sur la
                                                                         route, on fait parfois de belles rencontres. »
                                                                         Si son entreprise assure de bonnes conditions
                                                                         de travail par rapport à d’autres, être en dépla-
                                                                                                           cement comporte
                                                                                                            aux yeux de
                                                                                                            Martin Walter
                                                                                                            son lot de désa-
                                                                                                            gréments :
                                                                                                            la fatigue phy-
                                                                                                            sique provoquée
                                                                                                            par la conduite,
                                                                                                            la solitude…
                                                                                                            Fils de routier,
                                                                                                            il connaît bien
                                                     À 19 ans, Martin                                       l’impact que le
Dessin : Juliette Mariage / CUEJ                       Walter a choisi                                      métier a sur les
                                                          de suivre la                                      familles. Il em-
                                                          même voie
Hôtesse de l’air                                        que son père                                        barquait enfant
                                                                                                            dans le camion
« C’est un travail fatigant                              en devenant
                                                           chauffeur     de son père parfois pendant une semaine parce
avec les vols long-courriers »                                routier.   que c’était le seul moyen de le voir.
                                                                         Selon Martin Walter, cette mobilité implique

É   lodie est personnel navigant commercial chez
    Air France depuis dix ans et ne changerait de
métier pour rien au monde.
                                                                         des sacrifices sur le plan amical et fami-
                                                                         lial : « C’est plus compliqué de trouver une
                                                                         copine lorsqu’on est jamais là de la semaine,
À raison de quatorze jours par mois, cette hôtesse                       et pour une famille ce n’est pas tenable. » Pour
de l’air fait halte aux quatre coins du monde, ce                        toutes ces raisons, il n’envisage pas de « finir
qui suffit à lui faire oublier les inconvénients                         là-dedans », mais plutôt de se tourner dans
du métier : « Voyager à cette fréquence reste une                        quelques années vers un métier où son emploi
chance incroyable, c’est une chose qui enrichit et                       du temps sera plus stable.
ouvre l’esprit. »                                                                        Augustin Campos et Pierre Griner

                                                                                  N E W S D ’ I L L n ° 1 2 3 - D É C E M B R E 2 0 1 8 > 15
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