MORTE D'EMPLOIS PAS - Plus Jamais ça
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PAS D’EMPLOIS SUR UNE PLANÈTE MORTE c l i m a t v e r l e i ts Sau d es d r o e r is gagn es e m p lo r d crée
Vous trouverez dans ce document des propositions de notre collectif pour une transition écologique créatrice d'emploi. Dans la période particulière que nous vivons, les crises sanitaires, sociales et environnementales remettent au centre des débats les questions de l’accès de toutes et tous à un emploi et à un revenu dignes. Nous ne pouvons collectivement nous résoudre à rester dans l’opposition, entretenue par beaucoup, entre la préservation de la planète et la création d’emplois. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre en commun nos réflexions, nos propositions et, parfois, nos débats. Cet ensemble de constats et propositions n’est évidemment pas la somme de l’ensemble des propositions de chacune de nos organisations mais le produit de nos débats et actions communes. Il veut être un outil pour lutter contre certaines idées reçues, alimenter les débats et proposer des solutions qui répondent à la fois aux urgences sociales et aux urgences environnementales.
SOMMAIRE 1. EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT Introduction Les idées reçues sur l’environnement et l’emploi Priorité à l’économie, la planète pourrait attendre La transition écologique détruirait l’emploi Il ne servirait à rien d’agir au niveau local ou national car l’enjeu serait à l’échelle planétaire Nos propositions Créer des emplois pour le climat : un choix politique Contraindre les entreprises à réduire leurs émissions Inscrire la transition dans la durée pour créer des millions d’emplois 2. UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE QUI REDONNE DU SENS AU TRAVAIL Introduction Idées reçues sur le travail et la transition écologique Les dirigeants et les actionnaires savent mieux que nous ce qu’il faut produire et comment Les emplois dans la transition seraient réservés aux jeunes Nos propositions Interdire des licenciements dans les entreprises qui font du profit De nouveaux pouvoirs pour les salarié·es et leurs représentant·es Partager le temps de travail et gagner en qualité de vie Une hausse des rémunérations minimales et du SMIC Sécuriser les reconversions professionnelles Pour des pôles publics de l’énergie, des transports et de l’eau Soutenir les expériences de gestion démocratique d’entreprises Face à la démesure : fixer un salaire et un revenu maximum En débat 4
3. POUR UNE RELOCALISATION SOLIDAIRE Introduction Idées reçues La mondialisation serait bénéfique aux pays pauvres On ne saurait plus produire à coût compétitif ce qui a été délocalisé Concevoir au Nord et produire au Sud garantirait une « mondialisation heureuse » Nos propositions Stopper la dérégulation du commerce international et les traités de libre-échange Se donner des règles ambitieuses en matière environnementale Coopération mondiale et partage des connaissances Produire en fonction des besoins réels Mettre l’argent public au service de la coopération entre territoires Favoriser la prise de conscience des consommateur·trices En débat 4. TECHNO-SCIENCE SANS CONSCIENCE NE SAUVERA PAS LA PLANÈTE ! Introduction Les idées reçues sur la technologie et la transition écologique La technologie seule pourrait sauver la planète et l’emploi Les nouvelles technologies seraient indispensables pour améliorer notre qualité de vie Il n’y aurait pas d’emploi sans croissance, et pas de croissance sans innovation Nos propositions Dans les entreprises : des droits nouveaux sur les choix technologiques Renforcer la démocratie pour les politiques publiques de recherche et d’innovation Développer les communs de la connaissance, pour une mutualisation des savoirs et des brevets En débat 5. FINANCER LA RUPTURE ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE, UN CHOIX POLITIQUE Introduction Idées reçues Il y aurait trop de dépenses publiques Il y aurait trop d’impôts et de charges dans ce pays Nous sommes trop endetté·es ? Nos propositions pour une fiscalité plus juste Mettre en place une fiscalité progressive Taxer les transactions financières : une urgence ! Lutter contre l’évasion fiscale Supprimer les niches fiscales inutiles Les recettes sociales : pour un autre partage de la valeur ajoutée En débat 5
INTRODUCTION « Pour sauver la planète, il faudrait faire des sacrifices » ; mais aussi « les propositions de la Convention citoyenne pour le climat sont inapplicables, elles détruiraient trop d’emplois » : pour justifier alternativement les politiques d’austérité et l’inaction climatique, le discours dominant ne cesse d’opposer les causes sociale et environnementale. Pour nos organisations, au contraire, la pandémie confirme le double diagnostic qui fonde notre coalition : on ne pourra préserver l’environnement sans justice sociale, il n’y aura pas d’emplois sur une planète morte. La crise sanitaire mondiale manifeste brutalement les limites d’un système capitaliste et productiviste qui détruit à la fois les équilibres sociaux et environnementaux en prétendant justement refuser toute limite. Les mesures de lutte contre la pandémie et les confinements ont entraîné une réduction temporaire des émissions de gaz à effet de serre et autres polluants, mais au prix d’une flambée de la précarité et des inégalités. La récession, la crise économique ne sont en aucun cas une solution à la crise écologique. Dans l’urgence, des entreprises ont réorienté leur production, démontrant une capacité d’adaptation. Les gouvernements et les banques centrales ont déployé d’énormes moyens financiers. Mais en l’absence d’une pression sociale suffisante, les plans de relance ne cherchent qu’à reconduire et accélérer les trajectoires antérieures. Les moyens consacrés à la relocalisation et à la reconversion du système productif vont du dérisoire à l’inexistant. Au lieu de mettre la science et la technologie au service des besoins humains vitaux, le système les instrumentalise pour entretenir une fuite en avant irresponsable : l’intelligence artificielle, les biotechnologies, la géoingénierie seraient notre seul salut. De nombreux scientifiques nous alertent sur les nouvelles crises sanitaires, sociales, écologiques et démocratiques encore plus graves qui se préparent si nous continuons à ravager la planète : pour les éviter, nous devons vite réorienter et relocaliser nos systèmes productifs, redistribuer les richesses, approfondir la démocratie politique et économique. Depuis un an, mise en place des gestes barrières, confinement et couvre-feux ont conduit à la limitation de l’action collective, à des tentatives de nous empêcher de nous réunir, de manifester, d’agir ensemble pour la justice sociale et environnementale. Comme le dit le philosophe Jacques Rancière, la « politique » a dû laisser la place à la « police », l’inventivité sociale à la gestion sanitaire et sécuritaire. Mais l’épidémie a renforcé notre volonté de travailler ensemble. Dans ces circonstances adverses, nous avons travaillé et élaboré ensemble ce document destiné à nourrir les débats et les mobilisations sociales à venir. Pour chacun des thèmes évoqués, nous sommes partis de quelques idées reçues qui trottent dans beaucoup de têtes et bloquent la pensée et l’action commune entre les luttes pour les « fins de mois » et contre la « fin du monde ». Puis nous avons cherché à définir des principes et des propositions communes, sans chercher à masquer les débats et controverses qui demeurent. Nous avons souvent été surpris, au cours de ce travail, par l’étendue de nos points d’accord. Mais nous n’avons pas réponse à tout : nous avons laissé certains débats ouverts, pour les approfondir par la confrontation et l’expérimentation sur le terrain, par la délibération démocratique. Notre pari : que les citoyen·nes de notre pays s’emparent de ces propositions et de ces controverses pour leur donner vie et les imposer dans le débat public. 7
Action du collectif « Plus jamais ça » sur le quai d’accostage de Bercy pour dénoncer l’inaction du gouvernement quant à la reprise de l’usine de papeterie de Chapelle Darblay.
1. EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT Introduction La protection de l’environnement, sociaux, de licenciements ou de fail- bitieuses pour relever ces défis envi- de la biodiversité et la lutte contre lites se multiplient, tandis que les ronnementaux, tout en garantissant le changement climatique sont- entreprises continuent à verser des la réduction des inégalités sociales, elles par définition opposées à l’ac- dividendes à leurs actionnaires, tout l’emploi et une redistribution des ri- tivité économique, aux entreprises, en maintenant des investissements chesses. au profit et à l’emploi ? A en croire en contradiction avec la préserva- certaines voix néo-libérales ou pro- tion de l’environnement. Les des- Aujourd’hui, les mouvements syndi- ductivistes, la lutte contre le chan- tructions d’emplois explosent, avec caux et les associations environne- gement climatique ne serait pas comme conséquence un accroisse- mentales s’associent pour mener en- compatible avec la croissance éco- ment du chômage de masse et de la semble ces combats contre la fin du nomique qu’ils considèrent comme précarité. monde et la fin du mois. Il n’y aura nécessaire à l’emploi. Pour cette pas d’emplois sur une planète morte, raison, la lutte contre le réchauffe- Nous sommes régulièrement et les salarié·es souhaitent s’engager ment devrait passer au second plan. soumis·es à des contradictions : dans les transitions nécessaires pour C’est pourquoi toute politique am- consommer moins cher mais à des un mode de production au service bitieuse et systémique de transition conditions que nous n’accepterions des besoins sociaux et environne- est constamment repoussée. Une pas nous-mêmes en travaillant pour mentaux. La transition écologique soi-disant défense de l’emploi sert des salaires de misère ; préférer des ne doit pas conduire des salarié·es surtout d’épouvantail pour justifier énergies renouvelables à la pollution à se retrouver privé·es d’emplois. l’inaction face à l’urgence clima- existante mais résister à l’implanta- Ce principe doit déterminer les po- tique. Ce carcan idéologique existe tion de celles-ci dans nos lieux de litiques permettant la bifurcation à tous les niveaux de décision, pour vie ; vouloir la transition écologique écologique et sociale de nos so- preuve le récent maintien des ga- de l’économie mais vouloir garder ciétés. Des millions d’emplois sont ranties d’État à l’export pour les in- les secteurs d’activité tels quels pour nécessaires pour garder la planète dustries pétrolières et gazières ou garder les emplois. Engager la tran- vivable et nos sociétés solidaires. avec la réautorisation des néonicoti- sition écologique et sociale, c’est se noïdes. Il en va de même dans tous donner le maximum de moyens de La loi Climat, les mesures de relance les secteurs économiques : énergie, résoudre ces difficultés. économiques françaises et euro- transports, industrie, agriculture et péennes auraient dû être l’occasion alimentation… Nous défendons une transition juste, d’engager des politiques en faveur avec pour objectif le maintien du ré- du climat et de la justice sociale. Il Alors que les milliards d’euros chauffement climatique en dessous est possible de créer des centaines d’aides aux grandes entreprises ne de 1,5 °C comme le recommandent de milliers d’emplois de qualité, parviennent pas à créer d’emplois les rapports du GIEC sur le climat. bons pour le climat et la biodiversité ni à réduire le chômage, le gouver- Nous défendons la reconstitution de dès maintenant dans le cadre de la nement et Emmanuel Macron am- la biodiversité et des écosystèmes, relance des économies et de la sortie plifient cette politique de subven- par la protection d’au moins 30 % de la crise du Covid. La conservation tion, avec les plans de relance, sans des terres et mers pour enrayer la des écosystèmes est elle aussi créa- aucune conditionnalité sociale ni disparition massive des espèces. Cet trice d’emplois directs et elle contri- écologique. Les annonces de plans objectif nécessite des politiques am- bue à reconstituer les ressources et EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT 9
donc à développer des filières en- ses besoins (selon l’Ademe en 2019, agriculteur·trices ne peuvent être tières, pêche artisanale, forestière et 40 % de la population n’avait pas soumis aux bénéfices de l’agro-in- agroforestière. accès à des moyens de transports dustrie. Dans un tel contexte, il est collectifs). Il faut agir à la fois sur la nécessaire de mettre en place avec Les gilets jaunes ont montré qu’il ne réduction du trafic automobile, la les organisations syndicales, ci- peut pas y avoir d’action sur le tra- transformation des mobilités et le toyennes, écologistes, les associa- fic automobile sans transformation développement des infrastructures tions locales, un suivi de ces trans- des mobilités et des infrastructures de transport alternatives à la voiture. formations en faveur du climat. C’est de transport, parce qu’une part im- le sens que pourrait prendre une dé- portante de la population n’a pas D’autre part, les salarié·es des sec- mocratie énergétique et écologique. accès aujourd’hui à des transports teurs polluants ne peuvent sacrifier collectifs répondant à l’ensemble de leurs fins de mois, pas plus que les Les idées reçues sur l’environnement et l’emploi ´ Priorité à l’économie, la planète pourrait attendre Avec la crise économique l’envi- point de vue social et économique mais aussi pour l’emploi. Or l’ab- ronnement ne pourrait pas être la s’ajoutent aux impacts sanitaires en sence d’éco-conditionnalité au sou- priorité, il faudrait faire des choix : touchant davantage les plus fragiles, tien apporté aux entreprises montre l’urgence serait d’éviter l’effondre- dont une majorité de femmes. Re- que, pour le gouvernement, la prio- ment de l’économie et un chômage lancer sans condition écologique et rité reste de renouer au plus vite avec de masse alors que la crise envi- sociale l’économie dans le contexte le monde d’avant. Ainsi, dans le plan ronnementale est de plus en plus de cette crise est le pire des choix. de relance de 100 milliards d’euros, palpable. C’est la mise en opposition Pour échapper aux prochaines seulement 28 milliards contribuent permanente du social et de l’envi- crises et pour garder une planète à la réduction des émissions de gaz ronnement : au nom de la préser- vivable, il est urgent d’effectuer un à effets de serre alors que 70 mil- vation de l’emploi, il ne faudrait pas profond changement d’approche. liards d’euros s’inscrivent dans la imposer de nouvelles régulations C’est maintenant que les pouvoirs continuité, annulant les effets des environnementales ou sociales, ni publics doivent agir en conformité investissements favorables à la lutte de conditionnalité des aides pour avec les exigences de la lutte contre contre le changement climatique, les entreprises. Il est toujours plus le réchauffement climatique et ré- voire augmentant les émissions ac- urgent d’attendre à cause de l’actua- orienter la politique de soutien à tuelles. Les créations d’emplois y lité, de la conjoncture économique, l’économie. Le PNUE (Programme sont marginales, et dans les 36 mil- de la concurrence internationale, du des Nations unies pour l’environ- liards du volet cohésion, l’investisse- besoin de confiance pour l’investis- nement), dans un rapport publié ment pour la formation vers la tran- sement ou désormais de la situation en décembre 2020, souligne que les sition est faible. Dans le projet de loi sanitaire du Covid. Pourtant la crise plans de relance peuvent être une climat, les mesures proposées par la sanitaire actuelle démontre que les opportunité inédite, s’ils sont orien- Convention citoyenne pour le climat activités humaines à l’origine du tés vers la transition, la fin des sub- ont systématiquement été éliminées, changement climatique, de la perte ventions aux fossiles, ou encore la que ce soit pour l’isolation des loge- de biodiversité sont les mêmes que conditionnalité des aides. La situa- ments, la taxation des dividendes celles qui nous conduisent aux pan- tion actuelle est donc également une ou encore le moratoire sur la 5G. démies. Les impacts dévastateurs du véritable opportunité pour le climat, ´ La transition écologique détruirait l’emploi La transition écologique détruirait croissance. Pourtant depuis des dé- tion de l’environnement en France les emplois et ferait disparaître des cennies le modèle néolibéral et la et dans le monde. L’industrialisation secteurs entiers de l’industrie, alors globalisation ont tout autant entraî- de l’agriculture et de l’alimentation a qu’ils seraient indispensables au né la suppression et la détérioration eu pour effet la destruction massive développement économique et à la de millions d’emplois que la destruc- d’emplois paysans. Par exemple, l’ar- 10 EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT
rachage de haies ou l’application de libéralisation des économies dans poursuite de la politique de ces vingt glyphosate permettent de traiter des le cadre de la globalisation, le pro- dernières années si elle est dès à pré- parcelles de plus en plus grandes ductivisme sont à la fois les causes sent anticipée et planifiée avec l’en- avec le moins de travail possible. de l’emballement du changement semble des acteurs. En d’autres mots Depuis des décennies, le secteur de climatique et celles de la crise éco- la transition ne sera pas synonyme la construction automobile, entre nomique et du chômage structurel. de casse d’emplois massive. Bien au délocalisation de la production et contraire, son potentiel de création automatisation, perd des emplois. Le potentiel de création d’emplois est largement supérieur au modèle Dans le secteur de l’aérien, la déré- dans la transition est beaucoup plus actuel et à son chômage structurel. gulation du ciel a provoqué une dé- élevé que le nombre d’emplois per- gradation salariale et des conditions dus depuis des décennies. La transi- Ainsi, en l’absence d’un vaste plan de travail. Avant même la pandémie, tion écologique s’accompagnera de de politique publique d’anticipation, l’Organisation internationale du tra- nombreuses créations ou transfor- de soutien et de contrôle de la tran- vail (OIT) a évalué que le réchauffe- mations d’emplois dans des secteurs sition écologique, de plus en plus ment climatique et la dégradation variés comme la rénovation ther- d’entreprises multinationales uti- de l’environnement étaient d’ores et mique des bâtiments, les transports lisent la transition comme un effet déjà responsables de la perte de 80 en commun, les énergies renouve- d’aubaine pour poursuivre la même millions d’emplois dans le monde. lables, l’agriculture paysanne, la ré- politique de restructuration, de dé- paration de biens domestiques ou le localisation et de plans sociaux. C’est La transition ferait perdre de la pro- recyclage. le cas, par exemple, à Grandpuits où, ductivité et donc des emplois : en sous couvert d’une transformation contrepartie, il nous faudrait accep- L’OIT1 considère que 60 millions de la raffinerie en « plateforme 0 pé- ter de faire des sacrifices sociaux d’emplois peuvent être créés dans le trole », 700 emplois dont 200 directs (salaires, temps de travail, retraites). monde par la transition écologique, sont menacés : le plan de Total n’est Or, depuis près de quarante ans dont 18 millions par la seule mise en rien que de l’affichage alors que les que ces politiques sont menées, la œuvre de la transition énergétique. salarié·es sont porteur·euses d’alter- France connaît un chômage massif Il en va de même en France : la tran- natives véritablement écologiques qui oscille entre 8 % et 10 % de la po- sition écologique aura un effet po- et pourvoyeuses d’emplois durables. pulation active. La dérégulation, la sitif sur l’emploi bien supérieur à la ´ Il ne servirait à rien d’agir au niveau local ou national car l’enjeu serait à l’échelle planétaire La France ne représente que 1 % sont responsables dans de nom- carbures (400 milliards d’euros de des émissions mondiales, les crises breux pays de destructions écolo- 2017 à 2050 selon négaWatt) qui écologiques étant des enjeux pla- giques et d’activités fortement émet- pourront être réinjectées dans les nétaires, nos efforts ne serviraient à trices2. secteurs répondant à des besoins rien. L’effondrement de la biodiver- vitaux et des centaines de milliers sité ou le dérèglement climatique Il faut engager la transition partout d’emplois de qualité, durables et non sont des enjeux mondiaux et les où cela est possible, en agissant délocalisables seront créés. S’agis- économies sont globalisées, inter- maintenant, au niveau local et natio- sant de la mobilité et des transports, dépendantes et les chaînes de va- nal : ce qui sera bon pour la planète les impacts positifs sont nombreux : leurs sont très interconnectées. Or le sera pour toutes et tous ! amélioration de la qualité de l’air, l’impact sur le climat de notre pays du pouvoir d’achat, diminution des ne se résume pas aux émissions Les bénéfices attendus vont bien accidents de la route. Pour l’agricul- sur notre territoire : on ne peut pas au-delà du seul objectif de réduc- ture, les bénéfices sont multiples : ignorer les émissions « importées » tion des émissions : la rénovation la santé dans l’assiette, sans pesti- qui sont en très forte hausse, ni l’im- thermique des bâtiments sortira des cides, avec moins de viande mais pact des activités des entreprises ou millions de personnes de la précari- mieux produite, une diminution de des politiques françaises à l’étranger. té énergétique, avec des gains pour la pollution de l’air, des sols, de l’eau, Ainsi, Total, dont les émissions sont leur pouvoir d’achat et leur santé ; le la préservation de la biodiversité, équivalentes à celles de la France, développement des énergies renou- l’autonomie alimentaire, l’encoura- est surtout actif hors de France. Les velables va engendrer une baisse gement des circuits courts, la reter- banques et investisseurs français massive des importation d’hydro- ritorialisation des filières longues, EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT 11
la revalorisation des rémunérations considérables en termes de fiscalité, modèle de société soutenable aux des paysan·nes, la préservation de d’activité économique et d’emploi. multiples co-bénéfices pour les po- leur santé. Pour les territoires et leurs pulations et leur environnement. acteurs économiques et sociaux, Ainsi la transition écologique est un cela entraîne des retombées locales véritable levier pour construire un Nos propositions Nous sommes convaincus que des La transition écologique implique modes de vie. Elle entraînera ainsi politiques volontaristes et en rup- d’aller vers davantage de sobriété, des baisses d’emplois dans certains ture avec le dogme libéral actuel, en vers des ruptures technologiques et secteurs à mesure que la proportion donnant la priorité aux enjeux so- vers davantage d’efficacité, comme d’activités fortement émettrices di- ciaux et environnementaux, ne sont dans les secteurs des transports, du minuera. Des secteurs comme ce- un frein qu’aux bénéfices des action- bâtiment et de l’énergie, mais aussi lui des hydrocarbures sont amenés naires et au maintien d’un statu quo de repenser les mobilités ou l’ali- à évoluer radicalement pour aller invivable, mais pas au développe- mentation en changeant nos ha- progressivement vers les énergies ment économique et à l’emploi. bitudes de consommation et nos renouvelables. X Créer des emplois pour le climat : un choix politique Des millions d’emplois restent à les plus précaires qui ont le plus de médiatement orienter les plans de consolider et à créer. Les gisements difficultés financières pour changer relance afin que toutes les activités d’emplois dans les secteurs d’utilité de véhicule, de mode de chauffage, ou secteurs soient favorables au cli- sociale et écologique sont connus : qui sont logées dans des conditions mat, orienter les subventions vers personnel soignant et éducatif, recy- de « passoires énergétiques ». les personnes socialement les plus clage et réparation, agriculture éco- en difficulté, travailler en lien avec logique et alimentation de qualité… La dynamique de création d’em- les organisations syndicales à des plois-climat doit fortement s’accélé- plans de reconversion industrielle et Les données et les projections rer pour s’aligner sur les recomman- professionnelle pour les secteurs qui montrent ce qui existe et ce qui dations du GIEC, l’objectif européen vont connaître le plus d’impact. pourrait être fait avec une planifi- d’au moins 55 % de baisse des émis- cation des politiques publiques vo- sions de gaz à effet de serre d’ici Aucune aide publique ne doit être lontaristes3. Dans les très nombreux 2030, et la nécessité de réduire les versée aux entreprises qui dé- secteurs qui peuvent contribuer à émissions de 7 % par an. truisent de l’emploi et ne respectent créer des emplois positifs pour le pas les objectifs climatiques. Il faut climat, les politiques publiques sont Avec une politique résolument orien- aussi développer les dispositifs de essentielles, de façon directe par des tée vers la lutte contre le réchauffe- soutien au secteur privé contribuant aides aux filières professionnelles, à ment climatique, il est possible de à la création d’emploi de qualité en la recherche, l’aide à la reconversion créer des millions d’emplois-climats particulier dans les secteurs de la professionnelle ou de façon indi- dans les années qui viennent4, en transition écologique et dépasser recte par des aides en faveur du pu- portant attention à l’égal accès pour l’opposition entre protection du cli- blic et en particulier des personnes les femmes à ces emplois. Il faut im- mat et perte d’emplois. X Contraindre les entreprises à réduire leurs émissions L’enjeu climatique comme les autres à la nature et au vivant. Des batailles Paris d’un réchauffement en des- enjeux écologiques nécessite des politiques et démocratiques sur des sous de 1,5 °C. ruptures fortes avec le mode de enjeux globaux sont nécessaires. production capitaliste globalisé. La Néanmoins l’urgence climatique Nous exigeons donc du gouver- surconsommation, l’étalement ur- implique d’enclencher des ruptures nement et des institutions euro- bain et la centralisation des activités immédiates et significatives pour péennes qu’ils agissent immédia- nécessitent de changer notre rapport atteindre les objectifs de l’accord de tement dans ce sens pour mettre 12 EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT
en place dès maintenant, comme en réductions d’impôts et en aides Il faut inverser la logique et rendre un élément majeur des plans de diverses. Aucune condition éco- contraignante pour l’État et pour les sortie de crise et de relance, des logique ou sociale n’est pourtant entreprises des objectifs de réduc- politiques imposant des condi- imposée : les grands groupes du tions des gaz à effets de serre avec tionnalités sociales et environne- CAC 40 continuent leurs stratégies un système de sanctions permettant mentales aux aides publiques, des comme avant. Ces financements de respecter les objectifs de l’ac- investissements massifs vers les ne doivent plus servir à préparer la cord de Paris. C’est le sens de l’arrêt secteurs de la transition et la créa- relance d’un modèle insoutenable, du Conseil d’État dans « l’Affaire du tion d’emplois publics. Trouver des mais à organiser la transition, avec siècle » qui impose des trajectoires financements est possible, on l’a vu de fortes conditionnalités et une in- annuelles de réduction des émis- avec le « quoi qu’il en coûte » : outre tervention des travailleur·euses et sions de gaz à effet de serre pour res- le chômage partiel, des dizaines de la société dans la définition des pecter l’objectif de limitation à 1,5 °C. de milliards d’euros sont accordés projets de reconversion. X Inscrire la transition dans la durée pour créer des millions d’emplois Les créations d’emploi nécessaires engendre bien plus d’emplois que la le voulaient, pourraient jouer un sont nombreuses dans différents production de masse. Développer la rôle décisif en coordonnant les ini- secteurs5 : pêche artisanale en lui donnant un tiatives, en organisant les filières accès privilégié à la ressource (quo- de formation et en dégageant les La baisse de la consommation éner- tas, zones de pêches, etc.) permet moyens financiers nécessaires. Il le gétique exige le développement de créer de l’emploi tout en proté- faudra, si l’on veut réellement ré- d’emplois qualifiés en particulier geant la biodiversité et en limitant duire les émissions de gaz à effet dans le bâtiment pour l’isolation. Il l’exploitation des travailleur·euses de serre pour se conformer aux ob- faut former les femmes à ces secteurs de la mer sur les navires usines. De jectifs climatiques affichés et créer pour qu’elles puissent bénéficier de même, la création d’emplois publics des emplois de qualité en nombre ces créations d’emplois au même dans la conservation (aires marines suffisant, non seulement pour la re- titre que les hommes. Les marchés protégées, ONF…), au-delà des nom- conversion des salarié·es mais aussi publics doivent être moteurs dans ce breux emplois directs créés, permet pour éliminer le chômage de masse. domaine et le secteur du bâtiment la reconstitution des écosystèmes, et doit être encouragé avec des enjeux l’augmentation des ressources dis- Remettre des trains, favoriser le co- de qualifications nouvelles. Le déve- ponibles, donc la création d’emplois voiturage et les déplacements en loppement de transports collectifs dans ces secteurs (pêche, forêt et vélo, est nécessaire et doit accom- créateurs d’emplois doit s’accompa- agroforesterie, tourisme durable). Les pagner la remise en cause de l’éta- gner d’une politique visant à limiter emplois créés devront être de qualité, lement des villes et plus largement la circulation automobile et à ap- non délocalisables, emplois soumis de notre urbanisme, de la centrali- puyer sur les reconversions favori- aux mêmes normes sociales et écolo- sation des services publics, de celle sant la transformation de la produc- giques quand ils sont le fait d’entre- des entreprises et des services. tion de véhicules thermiques vers prises multinationales sur notre terri- des véhicules sans émissions. toire. La qualité des emplois doit aller Les services publics sont des ac- de pair avec une valorisation de la teurs essentiels de la réduction des Ainsi, pour limiter les effets néga- production d’énergies renouvelables inégalités, de la protection des po- tifs sur l’emploi de la limitation de au plus près des ressources et des be- pulations en matière de santé et la circulation automobile, la diver- soins de chaque territoire. de normes sanitaires et de la mise sification des activités doit être pré- en application des mesures pour la parée dans toute la filière et avec les Les reconversions peuvent être or- transition écologique définies par le entreprises sous-traitantes. L’inté- ganisées par les pouvoirs publics et/ politique. C’est pourquoi il faut les gration des enjeux écologiques dans ou les travailleurs·euses eux·elles- renforcer, en embauchant des fonc- la production agricole aura pour mêmes, en prévoyant les formations tionnaires, protégé·es des pressions conséquence de créer du travail et et réorientations professionnelles au des lobbies par leur statut. Au ni- nécessitera l’installation de pay- regard des compétences et des pro- veau des territoires, il appartient aux san·nes en grand nombre. La trans- jets des personnes concernées. mouvements sociaux et aux élu·es formation agroalimentaire liée à un de définir les besoins en embauches terroir et à des savoir-faire locaux L’État et l’Union européenne, s’ils pour les services publics et les pro- EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT 13
jets de développement éco-sociaux. construction d’un autre modèle de Créer des millions d’emplois ne re- Réinvestir massivement dans l’école développement et d’émancipation lève pas de l’utopie, mais de la né- de la maternelle au supérieur et for- citoyenne. Il faut arrêter de considé- cessité pour faire face à l’urgence mer à la transition et aux nouveaux rer la culture et l’éducation comme environnementale. Lors de la signa- emplois. Soutenir davantage les des secteurs non prioritaires dont ture de l’Accord de Paris, les gou- métiers de l’associatif, de la culture on pourrait se passer : ils permettent vernements ont affiché une volonté et du sport : injustement considé- une meilleure compréhension du de changement, mais on en est vite rés comme « non rentables », ils monde et donnent des clés aux ci- revenu au « business as usual » avec sont pourtant productifs de multi- toyen·nes pour leur vie profession- le profit des grands groupes comme ples manières, et cruciaux dans la nelle et personnelle. boussole des décisions politiques. Notes 1. Rapport de l’OIT, mai 2018. 2. Rapport du RAN : https://www.ran.org/bankingonclimatechaos2021/ 3. À titre d’exemple, les potentiels de création d’emplois verts : La feuille de route du gouvernement pour l’économie circulaire (recyclage, réparation) en 2019 prévoit 300 000 emplois supplémentaires à l’horizon 2030 ; selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), le volume d’emploi dans la rénovation énergétique a connu une augmentation de 59 % entre 2006 et 2017 pour atteindre 218 000 emplois, 86 000 pour la même année dans les énergies renouvelables et de récupération, 94 000 pour les transports concourants à la transition énergétique (véhicules moins émetteurs de CO2, modes de transport alternatifs au transport routier individuel) ; selon le Syndicat des énergies renouvelables, celles-ci devaient représenter 220 000 emplois en 2020 en France ; l’agriculture biologique a vu ses effectifs croître à 179 500 emplois en 2019, soit 15 % de plus qu’en 2018, selon l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique. Dans le même temps, les actifs agricoles continuent à diminuer à un rythme de – 2 à – 3 % par an en France. 4. Différentes études, antérieures à l’objectif de la baisse de 55 % des GES, ont évalué le potentiel de création d’emplois-climat : « L’effet net sur l’emploi de la transition énergétique en France : Une analyse input-output du scénario négaWatt de 2011 », 2013, Philippe Quirion : de 570 000 à 820 000 d’emplois net en 2030 ; « Rapport Un million d’emplois pour le climat », 2017, Plateforme emploi climat rassemblant des syndicats et des associations environnementales, sociales et d’éducation populaire (9) : création d’un million d’emplois nets en quatre ans ; « L’évaluation macroéconomique des visions énergétiques 2030-2050 », 2018, Ademe : + 330 000 emplois en 2030 et 825 000 emplois en 2050 ; « Monde d’après : L’emploi au cœur d’une relance verte », juillet 2020, WWF : + 1 million d’emplois soutenus en 2020 et 1, 8 million en 2030. 5. Exemples de créations d’emplois possibles dans différents secteurs selon le triptyque Sobriété/Efficacité/Développement des énergies renouvelables : Dans le bâtiment, développer la recherche et le marché des matériaux biosourcés ou géosourcés à faible énergie grise, efficacité énergétique : rénovation globale et performante, fabrication de pompes à chaleur ; ENR : solaire thermique, photovoltaïque, géothermie… Dans les transports : sobriété : report modal des déplacements en voiture grâce au développement des transports en commun urbains avec des voies dédiées pour ces transports, développement de réseaux de transports ferroviaires pour les voyageurs et le fret (avec la fabrication de milliers de locomotives et wagons économes en matériaux et en énergie) développement des pistes cyclables… Efficacité : recherche sur la réduction des consommations des véhicules légers et PL, alimenté par des ENR biogaz, hydrogène vert, électricité… Dans l’industrie : sobriété : recherche et développement : éco-conception, utilisation de matériaux biosourcés, économie circulaire, gestion, valorisation et recyclage des déchets, relocalisation ; efficacité : amélioration des process ENR : développement de technologies d’énergies renouvelables et de récupération permettant de produire et d’auto-consommer de l’énergie sur un site industriel, que ce soit de la chaleur ou de l’électricité, complémentaires des énergies conventionnelles… Dans l’agriculture : sobriété et efficacité par l’agriculture biologique, l’agroécologie, l’agroforesterie, la production intégrée, ENR : comme producteur (méthanisation et photovoltaïque) et/ou utilisateur – l’éolien, le bois-énergie, solaire, thermique… Dans les ENR : 15 filières de production d’énergie renouvelable, qu’il s’agisse d’électricité ou de chaleur renouvelable (15) : éoliens, hydrauliques, solaire thermique, photovoltaïque, biomasse, géothermie, biogaz, biocarburants, chaleur cogénération… 14 EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT
2. UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE QUI REDONNE DU SENS AU TRAVAIL Introduction Depuis le début de la pandémie, des Von der Leyen pour accompagner ont un impact sur l’organisation de secteurs entiers ont été durement les travailleur·euses dans cette re- notre travail, sur notre santé, notre touchés et ne pourront sans doute conversion, n’est doté que de 7,5 emploi et nos salaires, et donc nos pas revenir au « monde d’avant ». milliards d’euros sur sept ans, ce qui moyens d’existence. Elles condi- Une partie du commerce, des trans- semble terriblement insuffisant… tionnent également le choix des in- ports et le tourisme international, Pourtant, selon le rapport du bureau vestissements, des productions, et par exemple, vont devoir renoncer européen pour l’environnement, un par conséquent des pollutions. Au- à la croissance insoutenable qu’ils tel plan d’action est possible6. cune transition digne de ce nom ne connaissaient. Cela aura nécessai- peut laisser inchangée cette aber- rement un impact sur l’industrie En ce xxie siècle, 230 ans après la ration antidémocratique. De nou- (automobile, aéronautique, mé- Révolution qui a supprimé les pri- velles règles, de nouveaux droits tallurgie, pétrochimie, etc.). Avec vilèges de l’Ancien Régime, l’entre- doivent permettre aux salarié·es, aux les plans de centaines de milliers prise demeure un espace profondé- citoyen·nes, à la société civile et aux de suppression d’emplois en cours ment inégalitaire dans nos sociétés, élu·es de prendre part à la transition ou en préparation, des trésors de où les femmes sont moins payées productive. compétences et de savoir-faire sont que les hommes pour des postes menacés. Il faudrait définir une tra- identiques. Certes, le droit du travail Des formations pour les salarié·es jectoire de reconversion productive et la protection sociale ont limité les des secteurs en déclin, mais aussi développant l’emploi et obéissant à pires formes d’exploitation, mais les pour les demandeur·euses d’em- une planification écologique et so- actionnaires demeurent les seuls ploi, peuvent permettre l’émer- ciale. La Commission européenne décisionnaires. De ce fait, ils ont un gence de parcours de reconversion parle d’un « Green Deal » mais le impact sur la vie de millions de per- qui doivent pouvoir être financés, « Fonds de transition juste », nouvel sonnes et sur tous les écosystèmes notamment pour installer des pay- outil introduit par la commission et la biodiversité. Leurs décisions san·nes en grand nombre, dévelop- UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE QUI REDONNE DU SENS AU TRAVAIL 15
per des activités industrielles et de nous permettre d’avoir davantage Les « travailleurs et travailleuses es- services économes en énergie, ren- de temps pour nous investir dans la sentiels » ou « premier·es de corvée » forcer les services publics sur l’en- vie collective : il s’agit d’un impératif sont aussi les plus mal rémunéré·es. semble du territoire et répondre au pour que la démocratie vive pleine- Les femmes y sont d’ailleurs majo- défi écologique et climatique. ment et ne soit pas le seul fait d’une ritaires ! La transition suppose de minorité « éclairée ». reconnaître en premier lieu l’utili- Réduire le temps de travail de tou·tes té sociale et environnementale des permettrait de lutter contre le chô- Enfin, la crise sanitaire du Co- métiers, leur capacité à prendre soin mage de masse, d’améliorer les vid-19 a montré combien la hié- des autres et de la nature. conditions de travail des salarié·es, rarchie des rémunérations n’était tout en améliorant la protection de clairement pas corrélée à l’utilité Pour réorienter le travail et lui re- la santé des femmes et des hommes sociale des métiers indispensables donner du sens, c’est une toute autre et en préservant l’environnement. à nos vies. Personnel soignant, politique qu’il faut engager. Et cela Réduire le temps de travail c’est éboueurs·euses, caissier·es, ensei- passe par la réfutation de quelques aussi augmenter notre temps libre, gnant·es, paysan·nes, routier·es… idées reçues… Idées reçues sur le travail et la transition écologique ´ Les dirigeants et les actionnaires savent mieux que nous ce qu’il faut produire et comment Actuellement, au sein des grands préserver le niveau actuel de renta- béralisme. Comme si les salarié·es, groupes, seuls les états-majors dé- bilité. Mais ce niveau de croissance qui n’ont le plus souvent que leur sa- cident quoi, où et comment pro- est insoutenable dans un monde au laire pour vivre, couraient moins de duire. Les plans d’investissement ne bord de la rupture sociale (explosion risques que les actionnaires ! sont discutés qu’en petits comités, des inégalités) et écologique (climat, entre dirigeants et avec les plus gros biodiversité, etc.). L’aveuglement causé par la pour- actionnaires. Leur seule boussole : suite du profit à court-terme rend la valorisation en bourse, mais cer- Pour les économistes libéraux, les impossible l’organisation d’une tainement pas le maintien ou le dé- actionnaires prennent des risques grande bifurcation productive qui veloppement de l’emploi ni les ob- en investissant dans une entreprise, s’impose pour respecter les objectifs jectifs climatiques. ils devraient donc pouvoir décider climatiques. Comme le dit Patrick de sa gestion. Les dirigeants n’ont Pouyanné (PDG du groupe Total), Ils ne se retirent d’un secteur pol- « aucune responsabilité sociale autre « Les actionnaires… ce qu’ils veulent luant ou n’investissent dans des que celle de faire le plus d’argent pos- surtout s’assurer, c’est la durabilité de secteurs soutenables que s’ils y sont sible pour leurs actionnaires », disait nos dividendes7 ». contraints, ou qu’ils sont certains de Milton Friedman, le pape du néoli- ´ Les emplois dans la transition seraient réservés aux jeunes Celles et ceux qui travaillent depuis trouver du travail, sur un marché en au lieu d’automobiles individuelles longtemps dans le même secteur pleine dépression ? et camions. Beaucoup de salarié·es ont peur de ne pas pouvoir retrouver souffrent de travailler dans des sec- du travail. Les récents plans sociaux Pourtant les savoir-faire acquis teurs à l’avenir incertain, accusé·es – comme ceux de Continental, Goo- peuvent se révéler précieux en cas de en outre de polluer la planète. Re- dyear ou Bridgestone – ne semblent reconversion de l’activité, puisqu’ils penser collectivement les finalités pas laisser beaucoup d’espoirs, permettent d’envisager une autre de la production, c’est une aventure au-delà de la lutte pour les com- issue que la perte d’emploi. Par qui peut redonner du sens au travail, pensations de départ. Mais passé 50 exemple, l’industrie automobile peut la fierté de porter un nouveau projet ans, comment changer de métier, re- fabriquer des trains ou des autobus productif plus juste et plus propre. 16 UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE QUI REDONNE DU SENS AU TRAVAIL
Nos propositions Par nos mobilisations et nos reven- puissent s’appuyer sur une mobi- et elles connaissent leur travail, leurs dications, nous voulons peser sur les lisation citoyenne et construire un outils, leurs clients actuels ou poten- décisions d’investissement et d’em- rapport de forces autour de projets tiels, et ont les compétences pour ploi des grands groupes et des gou- alternatifs. Ainsi, en soutien aux sala- discuter et décider de productions vernements, déterminantes pour rié·es de la papeterie de La Chapelle alternatives, utiles socialement et notre avenir et celui de la planète. Darblay, syndicats et associations soutenables écologiquement. Ils et se mobilisent ensemble pour im- elles peuvent en débattre avec les as- Les annonces de suppressions d’em- poser la poursuite de la production. sociations de consommateur·trices plois ont commencé à déferler et ou d’usager·es, les associations de vont malheureusement s’accélérer. Sans attendre, face aux restructu- défense de l’environnement, et pro- Nous devons tout faire pour que les rations imposées dans les secteurs poser ensemble des contre-projets salarié·es ne se retrouvent pas seul·es en difficulté (automobile, aéronau- qui auront souvent le soutien des face à leur employeur·euse, en pos- tique, etc.), les salarié·es peuvent dé- collectivités territoriales, désireuses ture essentiellement défensive, mais cider de faire entendre leur voix. Ils de sauvegarder les emplois locaux. X Interdire des licenciements dans les entreprises qui font du profit La distribution de dividendes doit de la chaîne de sous-traitance qui juridiques qui organisent les pertes être un des motifs d’interdiction des dépend de lui, y compris à l’interna- comptables ou l’insolvabilité. licenciements boursiers, du don- tional. Cela suppose une vigilance neur d’ordre général jusqu’au bout particulière vis-à-vis des montages X De nouveaux pouvoirs pour les salarié·es et leurs représentant·es Dès lors que les salarié·es décident tées au moins en proportion de leur nécessaire. Les réorganisations du de peser sur les choix d’investisse- part parmi les salarié·es. travail liées notamment à la réduc- ment et de production pour sauve- tion du temps de travail ne doivent garder l’emploi et la biosphère, elles Nous revendiquons le maintien d’un pas se traduire par une intensifica- et ils contestent les actuels rapports comité d’hygiène, de sécurité et des tion des cadences et de nouveaux de pouvoir dans les entreprises et conditions de travail (CHSCT), avec droits doivent être donnés aux CSE la recherche unique de rentabilité à des droits d’intervention élargis aux pour les contrôler. Les CSE doivent court terme. De nouveaux droits de- questions environnementales. Cette également disposer d’un droit de vraient leur être reconnus pour faire instance est importante pour veil- veto suspensif sur les projets portant valoir leurs aspirations et leurs pro- ler à la santé et aux conditions de potentiellement atteinte à l’emploi, positions dans la marche de l’entre- travail des salarié·es. Ces comités la santé ou l’environnement prise, dont ils sont une composante travailleront en concertation avec essentielle. les associations de riverain·es, de Il faut pleinement intégrer les tra- consommateur·trices, d’usager·es, vailleur·euses dans les processus Pour faire valoir les aspirations so- de défense de l’environnement, pour de décision, car elles et ils sont les ciales et écologiques, il faut ins- définir ensemble leur vision de l’in- plus à même de proposer des chan- taurer davantage de démocratie térêt et des finalités de l’entreprise. gements en profondeur vers la pro- jusqu’au cœur des entreprises. Pour duction de biens et de services de cela, de nouveaux pouvoirs doivent La création d’un droit de veto des co- qualité, répondant à l’urgence so- être attribués aux représentant·es mités sociaux et économiques (CSE) ciale et écologique. Les questions de des salarié·es dans les entreprises sur les licenciements qui ne sont la socialisation et de la structure des privées et publiques, en veillant à ce pas justifiés par des difficultés éco- entreprises doivent par conséquent que les femmes y soient représen- nomiques graves et immédiates est être posées. UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE QUI REDONNE DU SENS AU TRAVAIL 17
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