MORTE D'EMPLOIS PAS - Plus Jamais ça

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MORTE D'EMPLOIS PAS - Plus Jamais ça
PAS
D’EMPLOIS
        SUR

UNE       PLANÈTE
      MORTE
              c l i m a t
   v e r l e            i ts
Sau       d es  d   r o
     e r                  is
gagn      es  e m   p lo
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MORTE D'EMPLOIS PAS - Plus Jamais ça
MORTE D'EMPLOIS PAS - Plus Jamais ça
Vous trouverez dans ce document des propositions
de notre collectif pour une transition écologique créatrice
d'emploi. Dans la période particulière que nous vivons,
les crises sanitaires, sociales et environnementales remettent
au centre des débats les questions de l’accès de toutes
et tous à un emploi et à un revenu dignes. Nous ne pouvons
collectivement nous résoudre à rester dans l’opposition,
entretenue par beaucoup, entre la préservation de la planète
et la création d’emplois. C’est pourquoi nous avons décidé
de mettre en commun nos réflexions, nos propositions et,
parfois, nos débats. Cet ensemble de constats et propositions
n’est évidemment pas la somme de l’ensemble des
propositions de chacune de nos organisations mais le produit
de nos débats et actions communes. Il veut être un outil
pour lutter contre certaines idées reçues, alimenter les débats
et proposer des solutions qui répondent à la fois aux
urgences sociales et aux urgences environnementales.
MORTE D'EMPLOIS PAS - Plus Jamais ça
SOMMAIRE
1. EMPLOI ET ENVIRONNEMENT,
UN MÊME COMBAT
Introduction
Les idées reçues sur l’environnement et l’emploi
Priorité à l’économie, la planète pourrait attendre
La transition écologique détruirait l’emploi
Il ne servirait à rien d’agir au niveau local ou national car l’enjeu serait à l’échelle planétaire
Nos propositions
Créer des emplois pour le climat : un choix politique
Contraindre les entreprises à réduire leurs émissions
Inscrire la transition dans la durée pour créer des millions d’emplois

2. UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET SOCIALE QUI REDONNE
DU SENS AU TRAVAIL
Introduction
Idées reçues sur le travail et la transition écologique
Les dirigeants et les actionnaires savent mieux que nous ce qu’il faut produire et comment
Les emplois dans la transition seraient réservés aux jeunes
Nos propositions
Interdire des licenciements dans les entreprises qui font du profit
De nouveaux pouvoirs pour les salarié·es et leurs représentant·es
Partager le temps de travail et gagner en qualité de vie
Une hausse des rémunérations minimales et du SMIC
Sécuriser les reconversions professionnelles
Pour des pôles publics de l’énergie, des transports et de l’eau
Soutenir les expériences de gestion démocratique d’entreprises
Face à la démesure : fixer un salaire et un revenu maximum
En débat

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3. POUR UNE RELOCALISATION SOLIDAIRE
Introduction
Idées reçues
La mondialisation serait bénéfique aux pays pauvres
On ne saurait plus produire à coût compétitif ce qui a été délocalisé
Concevoir au Nord et produire au Sud garantirait une « mondialisation heureuse »
Nos propositions
Stopper la dérégulation du commerce international et les traités de libre-échange
Se donner des règles ambitieuses en matière environnementale
Coopération mondiale et partage des connaissances
Produire en fonction des besoins réels
Mettre l’argent public au service de la coopération entre territoires
Favoriser la prise de conscience des consommateur·trices
En débat

4. TECHNO-SCIENCE SANS CONSCIENCE
NE SAUVERA PAS LA PLANÈTE !
Introduction
Les idées reçues sur la technologie et la transition écologique
La technologie seule pourrait sauver la planète et l’emploi
Les nouvelles technologies seraient indispensables pour améliorer notre qualité de vie
Il n’y aurait pas d’emploi sans croissance, et pas de croissance sans innovation
Nos propositions
Dans les entreprises : des droits nouveaux sur les choix technologiques
Renforcer la démocratie pour les politiques publiques de recherche et d’innovation
Développer les communs de la connaissance, pour une mutualisation des savoirs et des brevets
En débat

5. FINANCER LA RUPTURE ÉCOLOGIQUE
ET SOCIALE, UN CHOIX POLITIQUE
Introduction
Idées reçues
Il y aurait trop de dépenses publiques
Il y aurait trop d’impôts et de charges dans ce pays
Nous sommes trop endetté·es ?
Nos propositions pour une fiscalité plus juste
Mettre en place une fiscalité progressive
Taxer les transactions financières : une urgence !
Lutter contre l’évasion fiscale
Supprimer les niches fiscales inutiles
Les recettes sociales : pour un autre partage de la valeur ajoutée
En débat

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INTRODUCTION
« Pour sauver la planète, il faudrait faire des sacrifices » ; mais aussi « les
propositions de la Convention citoyenne pour le climat sont inapplicables,
elles détruiraient trop d’emplois » : pour justifier alternativement les politiques
d’austérité et l’inaction climatique, le discours dominant ne cesse d’opposer
les causes sociale et environnementale.
Pour nos organisations, au contraire, la pandémie confirme le double diagnostic
qui fonde notre coalition : on ne pourra préserver l’environnement sans justice
sociale, il n’y aura pas d’emplois sur une planète morte. La crise sanitaire
mondiale manifeste brutalement les limites d’un système capitaliste
et productiviste qui détruit à la fois les équilibres sociaux et environnementaux
en prétendant justement refuser toute limite.
Les mesures de lutte contre la pandémie et les confinements ont entraîné une
réduction temporaire des émissions de gaz à effet de serre et autres polluants,
mais au prix d’une flambée de la précarité et des inégalités. La récession,
la crise économique ne sont en aucun cas une solution à la crise écologique.
Dans l’urgence, des entreprises ont réorienté leur production, démontrant
une capacité d’adaptation. Les gouvernements et les banques centrales
ont déployé d’énormes moyens financiers. Mais en l’absence d’une pression
sociale suffisante, les plans de relance ne cherchent qu’à reconduire
et accélérer les trajectoires antérieures. Les moyens consacrés à la relocalisation
et à la reconversion du système productif vont du dérisoire à l’inexistant.
Au lieu de mettre la science et la technologie au service des besoins humains
vitaux, le système les instrumentalise pour entretenir une fuite en avant
irresponsable : l’intelligence artificielle, les biotechnologies, la géoingénierie
seraient notre seul salut. De nombreux scientifiques nous alertent sur les nouvelles
crises sanitaires, sociales, écologiques et démocratiques encore plus graves
qui se préparent si nous continuons à ravager la planète : pour les éviter,
nous devons vite réorienter et relocaliser nos systèmes productifs, redistribuer
les richesses, approfondir la démocratie politique et économique.
Depuis un an, mise en place des gestes barrières, confinement et couvre-feux
ont conduit à la limitation de l’action collective, à des tentatives de nous
empêcher de nous réunir, de manifester, d’agir ensemble pour la justice sociale
et environnementale. Comme le dit le philosophe Jacques Rancière, la « politique »
a dû laisser la place à la « police », l’inventivité sociale à la gestion sanitaire
et sécuritaire.
Mais l’épidémie a renforcé notre volonté de travailler ensemble. Dans ces
circonstances adverses, nous avons travaillé et élaboré ensemble ce document
destiné à nourrir les débats et les mobilisations sociales à venir. Pour chacun
des thèmes évoqués, nous sommes partis de quelques idées reçues qui trottent
dans beaucoup de têtes et bloquent la pensée et l’action commune entre les luttes
pour les « fins de mois » et contre la « fin du monde ». Puis nous avons cherché
à définir des principes et des propositions communes, sans chercher à masquer
les débats et controverses qui demeurent. Nous avons souvent été surpris, au
cours de ce travail, par l’étendue de nos points d’accord. Mais nous n’avons pas
réponse à tout : nous avons laissé certains débats ouverts, pour les approfondir
par la confrontation et l’expérimentation sur le terrain, par la délibération
démocratique. Notre pari : que les citoyen·nes de notre pays s’emparent
de ces propositions et de ces controverses pour leur donner vie et les imposer
dans le débat public.

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Action du collectif « Plus jamais ça » sur le quai d’accostage de Bercy pour dénoncer l’inaction du gouvernement quant à la reprise de l’usine de papeterie de Chapelle Darblay.
1. EMPLOI ET
ENVIRONNEMENT,
UN MÊME COMBAT
Introduction
La protection de l’environnement,        sociaux, de licenciements ou de fail-     bitieuses pour relever ces défis envi-
de la biodiversité et la lutte contre    lites se multiplient, tandis que les      ronnementaux, tout en garantissant
le changement climatique sont-           entreprises continuent à verser des       la réduction des inégalités sociales,
elles par définition opposées à l’ac-    dividendes à leurs actionnaires, tout     l’emploi et une redistribution des ri-
tivité économique, aux entreprises,      en maintenant des investissements         chesses.
au profit et à l’emploi ? A en croire    en contradiction avec la préserva-
certaines voix néo-libérales ou pro-     tion de l’environnement. Les des-         Aujourd’hui, les mouvements syndi-
ductivistes, la lutte contre le chan-    tructions d’emplois explosent, avec       caux et les associations environne-
gement climatique ne serait pas          comme conséquence un accroisse-           mentales s’associent pour mener en-
compatible avec la croissance éco-       ment du chômage de masse et de la         semble ces combats contre la fin du
nomique qu’ils considèrent comme         précarité.                                monde et la fin du mois. Il n’y aura
nécessaire à l’emploi. Pour cette                                                  pas d’emplois sur une planète morte,
raison, la lutte contre le réchauffe-    Nous      sommes         régulièrement    et les salarié·es souhaitent s’engager
ment devrait passer au second plan.      soumis·es à des contradictions :          dans les transitions nécessaires pour
C’est pourquoi toute politique am-       consommer moins cher mais à des           un mode de production au service
bitieuse et systémique de transition     conditions que nous n’accepterions        des besoins sociaux et environne-
est constamment repoussée. Une           pas nous-mêmes en travaillant pour        mentaux. La transition écologique
soi-disant défense de l’emploi sert      des salaires de misère ; préférer des     ne doit pas conduire des salarié·es
surtout d’épouvantail pour justifier     énergies renouvelables à la pollution     à se retrouver privé·es d’emplois.
l’inaction face à l’urgence clima-       existante mais résister à l’implanta-     Ce principe doit déterminer les po-
tique. Ce carcan idéologique existe      tion de celles-ci dans nos lieux de       litiques permettant la bifurcation
à tous les niveaux de décision, pour     vie ; vouloir la transition écologique    écologique et sociale de nos so-
preuve le récent maintien des ga-        de l’économie mais vouloir garder         ciétés. Des millions d’emplois sont
ranties d’État à l’export pour les in-   les secteurs d’activité tels quels pour   nécessaires pour garder la planète
dustries pétrolières et gazières ou      garder les emplois. Engager la tran-      vivable et nos sociétés solidaires.
avec la réautorisation des néonicoti-    sition écologique et sociale, c’est se
noïdes. Il en va de même dans tous       donner le maximum de moyens de            La loi Climat, les mesures de relance
les secteurs économiques : énergie,      résoudre ces difficultés.                 économiques françaises et euro-
transports, industrie, agriculture et                                              péennes auraient dû être l’occasion
alimentation…                            Nous défendons une transition juste,      d’engager des politiques en faveur
                                         avec pour objectif le maintien du ré-     du climat et de la justice sociale. Il
Alors que les milliards d’euros          chauffement climatique en dessous         est possible de créer des centaines
d’aides aux grandes entreprises ne       de 1,5 °C comme le recommandent           de milliers d’emplois de qualité,
parviennent pas à créer d’emplois        les rapports du GIEC sur le climat.       bons pour le climat et la biodiversité
ni à réduire le chômage, le gouver-      Nous défendons la reconstitution de       dès maintenant dans le cadre de la
nement et Emmanuel Macron am-            la biodiversité et des écosystèmes,       relance des économies et de la sortie
plifient cette politique de subven-      par la protection d’au moins 30 %         de la crise du Covid. La conservation
tion, avec les plans de relance, sans    des terres et mers pour enrayer la        des écosystèmes est elle aussi créa-
aucune conditionnalité sociale ni        disparition massive des espèces. Cet      trice d’emplois directs et elle contri-
écologique. Les annonces de plans        objectif nécessite des politiques am-     bue à reconstituer les ressources et

                                                                        EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT         9
donc à développer des filières en-        ses besoins (selon l’Ademe en 2019,          agriculteur·trices ne peuvent être
tières, pêche artisanale, forestière et   40 % de la population n’avait pas            soumis aux bénéfices de l’agro-in-
agroforestière.                           accès à des moyens de transports             dustrie. Dans un tel contexte, il est
                                          collectifs). Il faut agir à la fois sur la   nécessaire de mettre en place avec
Les gilets jaunes ont montré qu’il ne     réduction du trafic automobile, la           les organisations syndicales, ci-
peut pas y avoir d’action sur le tra-     transformation des mobilités et le           toyennes, écologistes, les associa-
fic automobile sans transformation        développement des infrastructures            tions locales, un suivi de ces trans-
des mobilités et des infrastructures      de transport alternatives à la voiture.      formations en faveur du climat. C’est
de transport, parce qu’une part im-                                                    le sens que pourrait prendre une dé-
portante de la population n’a pas         D’autre part, les salarié·es des sec-        mocratie énergétique et écologique.
accès aujourd’hui à des transports        teurs polluants ne peuvent sacrifier
collectifs répondant à l’ensemble de      leurs fins de mois, pas plus que les

Les idées reçues sur l’environnement et l’emploi
       ´ Priorité à l’économie,
         la planète pourrait attendre
Avec la crise économique l’envi-          point de vue social et économique            mais aussi pour l’emploi. Or l’ab-
ronnement ne pourrait pas être la         s’ajoutent aux impacts sanitaires en         sence d’éco-conditionnalité au sou-
priorité, il faudrait faire des choix :   touchant davantage les plus fragiles,        tien apporté aux entreprises montre
l’urgence serait d’éviter l’effondre-     dont une majorité de femmes. Re-             que, pour le gouvernement, la prio-
ment de l’économie et un chômage          lancer sans condition écologique et          rité reste de renouer au plus vite avec
de masse alors que la crise envi-         sociale l’économie dans le contexte          le monde d’avant. Ainsi, dans le plan
ronnementale est de plus en plus          de cette crise est le pire des choix.        de relance de 100 milliards d’euros,
palpable. C’est la mise en opposition     Pour échapper aux prochaines                 seulement 28 milliards contribuent
permanente du social et de l’envi-        crises et pour garder une planète            à la réduction des émissions de gaz
ronnement : au nom de la préser-          vivable, il est urgent d’effectuer un        à effets de serre alors que 70 mil-
vation de l’emploi, il ne faudrait pas    profond changement d’approche.               liards d’euros s’inscrivent dans la
imposer de nouvelles régulations          C’est maintenant que les pouvoirs            continuité, annulant les effets des
environnementales ou sociales, ni         publics doivent agir en conformité           investissements favorables à la lutte
de conditionnalité des aides pour         avec les exigences de la lutte contre        contre le changement climatique,
les entreprises. Il est toujours plus     le réchauffement climatique et ré-           voire augmentant les émissions ac-
urgent d’attendre à cause de l’actua-     orienter la politique de soutien à           tuelles. Les créations d’emplois y
lité, de la conjoncture économique,       l’économie. Le PNUE (Programme               sont marginales, et dans les 36 mil-
de la concurrence internationale, du      des Nations unies pour l’environ-            liards du volet cohésion, l’investisse-
besoin de confiance pour l’investis-      nement), dans un rapport publié              ment pour la formation vers la tran-
sement ou désormais de la situation       en décembre 2020, souligne que les           sition est faible. Dans le projet de loi
sanitaire du Covid. Pourtant la crise     plans de relance peuvent être une            climat, les mesures proposées par la
sanitaire actuelle démontre que les       opportunité inédite, s’ils sont orien-       Convention citoyenne pour le climat
activités humaines à l’origine du         tés vers la transition, la fin des sub-      ont systématiquement été éliminées,
changement climatique, de la perte        ventions aux fossiles, ou encore la          que ce soit pour l’isolation des loge-
de biodiversité sont les mêmes que        conditionnalité des aides. La situa-         ments, la taxation des dividendes
celles qui nous conduisent aux pan-       tion actuelle est donc également une         ou encore le moratoire sur la 5G.
démies. Les impacts dévastateurs du       véritable opportunité pour le climat,

       ´ La transition écologique
         détruirait l’emploi
La transition écologique détruirait       croissance. Pourtant depuis des dé-          tion de l’environnement en France
les emplois et ferait disparaître des     cennies le modèle néolibéral et la           et dans le monde. L’industrialisation
secteurs entiers de l’industrie, alors    globalisation ont tout autant entraî-        de l’agriculture et de l’alimentation a
qu’ils seraient indispensables au         né la suppression et la détérioration        eu pour effet la destruction massive
développement économique et à la          de millions d’emplois que la destruc-        d’emplois paysans. Par exemple, l’ar-

10   EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT
rachage de haies ou l’application de       libéralisation des économies dans         poursuite de la politique de ces vingt
glyphosate permettent de traiter des       le cadre de la globalisation, le pro-     dernières années si elle est dès à pré-
parcelles de plus en plus grandes          ductivisme sont à la fois les causes      sent anticipée et planifiée avec l’en-
avec le moins de travail possible.         de l’emballement du changement            semble des acteurs. En d’autres mots
Depuis des décennies, le secteur de        climatique et celles de la crise éco-     la transition ne sera pas synonyme
la construction automobile, entre          nomique et du chômage structurel.         de casse d’emplois massive. Bien au
délocalisation de la production et                                                   contraire, son potentiel de création
automatisation, perd des emplois.          Le potentiel de création d’emplois        est largement supérieur au modèle
Dans le secteur de l’aérien, la déré-      dans la transition est beaucoup plus      actuel et à son chômage structurel.
gulation du ciel a provoqué une dé-        élevé que le nombre d’emplois per-
gradation salariale et des conditions      dus depuis des décennies. La transi-      Ainsi, en l’absence d’un vaste plan
de travail. Avant même la pandémie,        tion écologique s’accompagnera de         de politique publique d’anticipation,
l’Organisation internationale du tra-      nombreuses créations ou transfor-         de soutien et de contrôle de la tran-
vail (OIT) a évalué que le réchauffe-      mations d’emplois dans des secteurs       sition écologique, de plus en plus
ment climatique et la dégradation          variés comme la rénovation ther-          d’entreprises multinationales uti-
de l’environnement étaient d’ores et       mique des bâtiments, les transports       lisent la transition comme un effet
déjà responsables de la perte de 80        en commun, les énergies renouve-          d’aubaine pour poursuivre la même
millions d’emplois dans le monde.          lables, l’agriculture paysanne, la ré-    politique de restructuration, de dé-
                                           paration de biens domestiques ou le       localisation et de plans sociaux. C’est
La transition ferait perdre de la pro-     recyclage.                                le cas, par exemple, à Grandpuits où,
ductivité et donc des emplois : en                                                   sous couvert d’une transformation
contrepartie, il nous faudrait accep-      L’OIT1 considère que 60 millions          de la raffinerie en « plateforme 0 pé-
ter de faire des sacrifices sociaux        d’emplois peuvent être créés dans le      trole », 700 emplois dont 200 directs
(salaires, temps de travail, retraites).   monde par la transition écologique,       sont menacés : le plan de Total n’est
Or, depuis près de quarante ans            dont 18 millions par la seule mise en     rien que de l’affichage alors que les
que ces politiques sont menées, la         œuvre de la transition énergétique.       salarié·es sont porteur·euses d’alter-
France connaît un chômage massif           Il en va de même en France : la tran-     natives véritablement écologiques
qui oscille entre 8 % et 10 % de la po-    sition écologique aura un effet po-       et pourvoyeuses d’emplois durables.
pulation active. La dérégulation, la       sitif sur l’emploi bien supérieur à la

        ´ Il ne servirait à rien d’agir
          au niveau local ou national
          car l’enjeu serait à l’échelle
          planétaire
La France ne représente que 1 %            sont responsables dans de nom-            carbures (400 milliards d’euros de
des émissions mondiales, les crises        breux pays de destructions écolo-         2017 à 2050 selon négaWatt) qui
écologiques étant des enjeux pla-          giques et d’activités fortement émet-     pourront être réinjectées dans les
nétaires, nos efforts ne serviraient à     trices2.                                  secteurs répondant à des besoins
rien. L’effondrement de la biodiver-                                                 vitaux et des centaines de milliers
sité ou le dérèglement climatique          Il faut engager la transition partout     d’emplois de qualité, durables et non
sont des enjeux mondiaux et les            où cela est possible, en agissant         délocalisables seront créés. S’agis-
économies sont globalisées, inter-         maintenant, au niveau local et natio-     sant de la mobilité et des transports,
dépendantes et les chaînes de va-          nal : ce qui sera bon pour la planète     les impacts positifs sont nombreux :
leurs sont très interconnectées. Or        le sera pour toutes et tous !             amélioration de la qualité de l’air,
l’impact sur le climat de notre pays                                                 du pouvoir d’achat, diminution des
ne se résume pas aux émissions             Les bénéfices attendus vont bien          accidents de la route. Pour l’agricul-
sur notre territoire : on ne peut pas      au-delà du seul objectif de réduc-        ture, les bénéfices sont multiples :
ignorer les émissions « importées »        tion des émissions : la rénovation        la santé dans l’assiette, sans pesti-
qui sont en très forte hausse, ni l’im-    thermique des bâtiments sortira des       cides, avec moins de viande mais
pact des activités des entreprises ou      millions de personnes de la précari-      mieux produite, une diminution de
des politiques françaises à l’étranger.    té énergétique, avec des gains pour       la pollution de l’air, des sols, de l’eau,
Ainsi, Total, dont les émissions sont      leur pouvoir d’achat et leur santé ; le   la préservation de la biodiversité,
équivalentes à celles de la France,        développement des énergies renou-         l’autonomie alimentaire, l’encoura-
est surtout actif hors de France. Les      velables va engendrer une baisse          gement des circuits courts, la reter-
banques et investisseurs français          massive des importation d’hydro-          ritorialisation des filières longues,

                                                                          EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT           11
la revalorisation des rémunérations         considérables en termes de fiscalité,     modèle de société soutenable aux
des paysan·nes, la préservation de          d’activité économique et d’emploi.        multiples co-bénéfices pour les po-
leur santé. Pour les territoires et leurs                                             pulations et leur environnement.
acteurs économiques et sociaux,             Ainsi la transition écologique est un
cela entraîne des retombées locales         véritable levier pour construire un

Nos propositions
Nous sommes convaincus que des              La transition écologique implique         modes de vie. Elle entraînera ainsi
politiques volontaristes et en rup-         d’aller vers davantage de sobriété,       des baisses d’emplois dans certains
ture avec le dogme libéral actuel, en       vers des ruptures technologiques et       secteurs à mesure que la proportion
donnant la priorité aux enjeux so-          vers davantage d’efficacité, comme        d’activités fortement émettrices di-
ciaux et environnementaux, ne sont          dans les secteurs des transports, du      minuera. Des secteurs comme ce-
un frein qu’aux bénéfices des action-       bâtiment et de l’énergie, mais aussi      lui des hydrocarbures sont amenés
naires et au maintien d’un statu quo        de repenser les mobilités ou l’ali-       à évoluer radicalement pour aller
invivable, mais pas au développe-           mentation en changeant nos ha-            progressivement vers les énergies
ment économique et à l’emploi.              bitudes de consommation et nos            renouvelables.

        X Créer des emplois pour
          le climat : un choix politique
Des millions d’emplois restent à            les plus précaires qui ont le plus de     médiatement orienter les plans de
consolider et à créer. Les gisements        difficultés financières pour changer      relance afin que toutes les activités
d’emplois dans les secteurs d’utilité       de véhicule, de mode de chauffage,        ou secteurs soient favorables au cli-
sociale et écologique sont connus :         qui sont logées dans des conditions       mat, orienter les subventions vers
personnel soignant et éducatif, recy-       de « passoires énergétiques ».            les personnes socialement les plus
clage et réparation, agriculture éco-                                                 en difficulté, travailler en lien avec
logique et alimentation de qualité…         La dynamique de création d’em-            les organisations syndicales à des
                                            plois-climat doit fortement s’accélé-     plans de reconversion industrielle et
Les données et les projections              rer pour s’aligner sur les recomman-      professionnelle pour les secteurs qui
montrent ce qui existe et ce qui            dations du GIEC, l’objectif européen      vont connaître le plus d’impact.
pourrait être fait avec une planifi-        d’au moins 55 % de baisse des émis-
cation des politiques publiques vo-         sions de gaz à effet de serre d’ici       Aucune aide publique ne doit être
lontaristes3. Dans les très nombreux        2030, et la nécessité de réduire les      versée aux entreprises qui dé-
secteurs qui peuvent contribuer à           émissions de 7 % par an.                  truisent de l’emploi et ne respectent
créer des emplois positifs pour le                                                    pas les objectifs climatiques. Il faut
climat, les politiques publiques sont       Avec une politique résolument orien-      aussi développer les dispositifs de
essentielles, de façon directe par des      tée vers la lutte contre le réchauffe-    soutien au secteur privé contribuant
aides aux filières professionnelles, à      ment climatique, il est possible de       à la création d’emploi de qualité en
la recherche, l’aide à la reconversion      créer des millions d’emplois-climats      particulier dans les secteurs de la
professionnelle ou de façon indi-           dans les années qui viennent4, en         transition écologique et dépasser
recte par des aides en faveur du pu-        portant attention à l’égal accès pour     l’opposition entre protection du cli-
blic et en particulier des personnes        les femmes à ces emplois. Il faut im-     mat et perte d’emplois.

        X Contraindre les entreprises
          à réduire leurs émissions
L’enjeu climatique comme les autres         à la nature et au vivant. Des batailles   Paris d’un réchauffement en des-
enjeux écologiques nécessite des            politiques et démocratiques sur des       sous de 1,5 °C.
ruptures fortes avec le mode de             enjeux globaux sont nécessaires.
production capitaliste globalisé. La        Néanmoins l’urgence climatique            Nous exigeons donc du gouver-
surconsommation, l’étalement ur-            implique d’enclencher des ruptures        nement et des institutions euro-
bain et la centralisation des activités     immédiates et significatives pour         péennes qu’ils agissent immédia-
nécessitent de changer notre rapport        atteindre les objectifs de l’accord de    tement dans ce sens pour mettre

12   EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT
en place dès maintenant, comme            en réductions d’impôts et en aides         Il faut inverser la logique et rendre
un élément majeur des plans de            diverses. Aucune condition éco-            contraignante pour l’État et pour les
sortie de crise et de relance, des        logique ou sociale n’est pourtant          entreprises des objectifs de réduc-
politiques imposant des condi-            imposée : les grands groupes du            tions des gaz à effets de serre avec
tionnalités sociales et environne-        CAC 40 continuent leurs stratégies         un système de sanctions permettant
mentales aux aides publiques, des         comme avant. Ces financements              de respecter les objectifs de l’ac-
investissements massifs vers les          ne doivent plus servir à préparer la       cord de Paris. C’est le sens de l’arrêt
secteurs de la transition et la créa-     relance d’un modèle insoutenable,          du Conseil d’État dans « l’Affaire du
tion d’emplois publics. Trouver des       mais à organiser la transition, avec       siècle » qui impose des trajectoires
financements est possible, on l’a vu      de fortes conditionnalités et une in-      annuelles de réduction des émis-
avec le « quoi qu’il en coûte » : outre   tervention des travailleur·euses et        sions de gaz à effet de serre pour res-
le chômage partiel, des dizaines          de la société dans la définition des       pecter l’objectif de limitation à 1,5 °C.
de milliards d’euros sont accordés        projets de reconversion.

       X Inscrire la transition
         dans la durée pour créer
         des millions d’emplois
Les créations d’emploi nécessaires        engendre bien plus d’emplois que la        le voulaient, pourraient jouer un
sont nombreuses dans différents           production de masse. Développer la         rôle décisif en coordonnant les ini-
secteurs5 :                               pêche artisanale en lui donnant un         tiatives, en organisant les filières
                                          accès privilégié à la ressource (quo-      de formation et en dégageant les
La baisse de la consommation éner-        tas, zones de pêches, etc.) permet         moyens financiers nécessaires. Il le
gétique exige le développement            de créer de l’emploi tout en proté-        faudra, si l’on veut réellement ré-
d’emplois qualifiés en particulier        geant la biodiversité et en limitant       duire les émissions de gaz à effet
dans le bâtiment pour l’isolation. Il     l’exploitation des travailleur·euses       de serre pour se conformer aux ob-
faut former les femmes à ces secteurs     de la mer sur les navires usines. De       jectifs climatiques affichés et créer
pour qu’elles puissent bénéficier de      même, la création d’emplois publics        des emplois de qualité en nombre
ces créations d’emplois au même           dans la conservation (aires marines        suffisant, non seulement pour la re-
titre que les hommes. Les marchés         protégées, ONF…), au-delà des nom-         conversion des salarié·es mais aussi
publics doivent être moteurs dans ce      breux emplois directs créés, permet        pour éliminer le chômage de masse.
domaine et le secteur du bâtiment         la reconstitution des écosystèmes, et
doit être encouragé avec des enjeux       l’augmentation des ressources dis-         Remettre des trains, favoriser le co-
de qualifications nouvelles. Le déve-     ponibles, donc la création d’emplois       voiturage et les déplacements en
loppement de transports collectifs        dans ces secteurs (pêche, forêt et         vélo, est nécessaire et doit accom-
créateurs d’emplois doit s’accompa-       agroforesterie, tourisme durable). Les     pagner la remise en cause de l’éta-
gner d’une politique visant à limiter     emplois créés devront être de qualité,     lement des villes et plus largement
la circulation automobile et à ap-        non délocalisables, emplois soumis         de notre urbanisme, de la centrali-
puyer sur les reconversions favori-       aux mêmes normes sociales et écolo-        sation des services publics, de celle
sant la transformation de la produc-      giques quand ils sont le fait d’entre-     des entreprises et des services.
tion de véhicules thermiques vers         prises multinationales sur notre terri-
des véhicules sans émissions.             toire. La qualité des emplois doit aller   Les services publics sont des ac-
                                          de pair avec une valorisation de la        teurs essentiels de la réduction des
Ainsi, pour limiter les effets néga-      production d’énergies renouvelables        inégalités, de la protection des po-
tifs sur l’emploi de la limitation de     au plus près des ressources et des be-     pulations en matière de santé et
la circulation automobile, la diver-      soins de chaque territoire.                de normes sanitaires et de la mise
sification des activités doit être pré-                                              en application des mesures pour la
parée dans toute la filière et avec les   Les reconversions peuvent être or-         transition écologique définies par le
entreprises sous-traitantes. L’inté-      ganisées par les pouvoirs publics et/      politique. C’est pourquoi il faut les
gration des enjeux écologiques dans       ou les travailleurs·euses eux·elles-       renforcer, en embauchant des fonc-
la production agricole aura pour          mêmes, en prévoyant les formations         tionnaires, protégé·es des pressions
conséquence de créer du travail et        et réorientations professionnelles au      des lobbies par leur statut. Au ni-
nécessitera l’installation de pay-        regard des compétences et des pro-         veau des territoires, il appartient aux
san·nes en grand nombre. La trans-        jets des personnes concernées.             mouvements sociaux et aux élu·es
formation agroalimentaire liée à un                                                  de définir les besoins en embauches
terroir et à des savoir-faire locaux      L’État et l’Union européenne, s’ils        pour les services publics et les pro-

                                                                         EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT           13
jets de développement éco-sociaux.                    construction d’un autre modèle de                     Créer des millions d’emplois ne re-
Réinvestir massivement dans l’école                   développement et d’émancipation                       lève pas de l’utopie, mais de la né-
de la maternelle au supérieur et for-                 citoyenne. Il faut arrêter de considé-                cessité pour faire face à l’urgence
mer à la transition et aux nouveaux                   rer la culture et l’éducation comme                   environnementale. Lors de la signa-
emplois. Soutenir davantage les                       des secteurs non prioritaires dont                    ture de l’Accord de Paris, les gou-
métiers de l’associatif, de la culture                on pourrait se passer : ils permettent                vernements ont affiché une volonté
et du sport : injustement considé-                    une meilleure compréhension du                        de changement, mais on en est vite
rés comme « non rentables », ils                      monde et donnent des clés aux ci-                     revenu au « business as usual » avec
sont pourtant productifs de multi-                    toyen·nes pour leur vie profession-                   le profit des grands groupes comme
ples manières, et cruciaux dans la                    nelle et personnelle.                                 boussole des décisions politiques.

Notes
1. Rapport de l’OIT, mai 2018.
2. Rapport du RAN : https://www.ran.org/bankingonclimatechaos2021/
3. À titre d’exemple, les potentiels de création d’emplois verts :
   La feuille de route du gouvernement pour l’économie circulaire (recyclage, réparation) en 2019 prévoit 300 000 emplois supplémentaires à l’horizon 2030 ;
   selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), le volume d’emploi dans la rénovation énergétique a connu une augmentation
   de 59 % entre 2006 et 2017 pour atteindre 218 000 emplois, 86 000 pour la même année dans les énergies renouvelables et de récupération, 94 000
   pour les transports concourants à la transition énergétique (véhicules moins émetteurs de CO2, modes de transport alternatifs au transport routier
   individuel) ; selon le Syndicat des énergies renouvelables, celles-ci devaient représenter 220 000 emplois en 2020 en France ; l’agriculture biologique
   a vu ses effectifs croître à 179 500 emplois en 2019, soit 15 % de plus qu’en 2018, selon l’Agence française pour le développement et la promotion de
   l’agriculture biologique. Dans le même temps, les actifs agricoles continuent à diminuer à un rythme de – 2 à – 3 % par an en France.
4. Différentes études, antérieures à l’objectif de la baisse de 55 % des GES, ont évalué le potentiel de création d’emplois-climat : « L’effet net sur l’emploi
   de la transition énergétique en France : Une analyse input-output du scénario négaWatt de 2011 », 2013, Philippe Quirion : de 570 000 à 820 000
   d’emplois net en 2030 ; « Rapport Un million d’emplois pour le climat », 2017, Plateforme emploi climat rassemblant des syndicats et des associations
   environnementales, sociales et d’éducation populaire (9) : création d’un million d’emplois nets en quatre ans ; « L’évaluation macroéconomique des
   visions énergétiques 2030-2050 », 2018, Ademe : + 330 000 emplois en 2030 et 825 000 emplois en 2050 ; « Monde d’après : L’emploi au cœur d’une relance
   verte », juillet 2020, WWF : + 1 million d’emplois soutenus en 2020 et 1, 8 million en 2030.
5. Exemples de créations d’emplois possibles dans différents secteurs selon le triptyque Sobriété/Efficacité/Développement des énergies renouvelables :
   Dans le bâtiment, développer la recherche et le marché des matériaux biosourcés ou géosourcés à faible énergie grise, efficacité énergétique : rénovation
   globale et performante, fabrication de pompes à chaleur ; ENR : solaire thermique, photovoltaïque, géothermie…
   Dans les transports : sobriété : report modal des déplacements en voiture grâce au développement des transports en commun urbains avec des
   voies dédiées pour ces transports, développement de réseaux de transports ferroviaires pour les voyageurs et le fret (avec la fabrication de milliers
   de locomotives et wagons économes en matériaux et en énergie) développement des pistes cyclables… Efficacité : recherche sur la réduction des
   consommations des véhicules légers et PL, alimenté par des ENR biogaz, hydrogène vert, électricité…
   Dans l’industrie : sobriété : recherche et développement : éco-conception, utilisation de matériaux biosourcés, économie circulaire, gestion, valorisation
   et recyclage des déchets, relocalisation ; efficacité : amélioration des process ENR : développement de technologies d’énergies renouvelables et de
   récupération permettant de produire et d’auto-consommer de l’énergie sur un site industriel, que ce soit de la chaleur ou de l’électricité, complémentaires
   des énergies conventionnelles…
   Dans l’agriculture : sobriété et efficacité par l’agriculture biologique, l’agroécologie, l’agroforesterie, la production intégrée, ENR : comme producteur
   (méthanisation et photovoltaïque) et/ou utilisateur – l’éolien, le bois-énergie, solaire, thermique… Dans les ENR : 15 filières de production d’énergie
   renouvelable, qu’il s’agisse d’électricité ou de chaleur renouvelable (15) : éoliens, hydrauliques, solaire thermique, photovoltaïque, biomasse,
   géothermie, biogaz, biocarburants, chaleur cogénération…

14    EMPLOI ET ENVIRONNEMENT, UN MÊME COMBAT
2. UNE
TRANSITION
ÉCOLOGIQUE
ET SOCIALE
QUI REDONNE
DU SENS
AU TRAVAIL
Introduction
Depuis le début de la pandémie, des     Von der Leyen pour accompagner            ont un impact sur l’organisation de
secteurs entiers ont été durement       les travailleur·euses dans cette re-      notre travail, sur notre santé, notre
touchés et ne pourront sans doute       conversion, n’est doté que de 7,5         emploi et nos salaires, et donc nos
pas revenir au « monde d’avant ».       milliards d’euros sur sept ans, ce qui    moyens d’existence. Elles condi-
Une partie du commerce, des trans-      semble terriblement insuffisant…          tionnent également le choix des in-
ports et le tourisme international,     Pourtant, selon le rapport du bureau      vestissements, des productions, et
par exemple, vont devoir renoncer       européen pour l’environnement, un         par conséquent des pollutions. Au-
à la croissance insoutenable qu’ils     tel plan d’action est possible6.          cune transition digne de ce nom ne
connaissaient. Cela aura nécessai-                                                peut laisser inchangée cette aber-
rement un impact sur l’industrie        En ce xxie siècle, 230 ans après la       ration antidémocratique. De nou-
(automobile, aéronautique, mé-          Révolution qui a supprimé les pri-        velles règles, de nouveaux droits
tallurgie, pétrochimie, etc.). Avec     vilèges de l’Ancien Régime, l’entre-      doivent permettre aux salarié·es, aux
les plans de centaines de milliers      prise demeure un espace profondé-         citoyen·nes, à la société civile et aux
de suppression d’emplois en cours       ment inégalitaire dans nos sociétés,      élu·es de prendre part à la transition
ou en préparation, des trésors de       où les femmes sont moins payées           productive.
compétences et de savoir-faire sont     que les hommes pour des postes
menacés. Il faudrait définir une tra-   identiques. Certes, le droit du travail   Des formations pour les salarié·es
jectoire de reconversion productive     et la protection sociale ont limité les   des secteurs en déclin, mais aussi
développant l’emploi et obéissant à     pires formes d’exploitation, mais les     pour les demandeur·euses d’em-
une planification écologique et so-     actionnaires demeurent les seuls          ploi, peuvent permettre l’émer-
ciale. La Commission européenne         décisionnaires. De ce fait, ils ont un    gence de parcours de reconversion
parle d’un « Green Deal » mais le       impact sur la vie de millions de per-     qui doivent pouvoir être financés,
« Fonds de transition juste », nouvel   sonnes et sur tous les écosystèmes        notamment pour installer des pay-
outil introduit par la commission       et la biodiversité. Leurs décisions       san·nes en grand nombre, dévelop-

                                         UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE QUI REDONNE DU SENS AU TRAVAIL          15
per des activités industrielles et de    nous permettre d’avoir davantage            Les « travailleurs et travailleuses es-
services économes en énergie, ren-       de temps pour nous investir dans la         sentiels » ou « premier·es de corvée »
forcer les services publics sur l’en-    vie collective : il s’agit d’un impératif   sont aussi les plus mal rémunéré·es.
semble du territoire et répondre au      pour que la démocratie vive pleine-         Les femmes y sont d’ailleurs majo-
défi écologique et climatique.           ment et ne soit pas le seul fait d’une      ritaires ! La transition suppose de
                                         minorité « éclairée ».                      reconnaître en premier lieu l’utili-
Réduire le temps de travail de tou·tes                                               té sociale et environnementale des
permettrait de lutter contre le chô-     Enfin, la crise sanitaire du Co-            métiers, leur capacité à prendre soin
mage de masse, d’améliorer les           vid-19 a montré combien la hié-             des autres et de la nature.
conditions de travail des salarié·es,    rarchie des rémunérations n’était
tout en améliorant la protection de      clairement pas corrélée à l’utilité         Pour réorienter le travail et lui re-
la santé des femmes et des hommes        sociale des métiers indispensables          donner du sens, c’est une toute autre
et en préservant l’environnement.        à nos vies. Personnel soignant,             politique qu’il faut engager. Et cela
Réduire le temps de travail c’est        éboueurs·euses, caissier·es, ensei-         passe par la réfutation de quelques
aussi augmenter notre temps libre,       gnant·es, paysan·nes, routier·es…           idées reçues…

Idées reçues sur le travail et la transition écologique
       ´ Les dirigeants et les actionnaires
         savent mieux que nous ce qu’il faut
         produire et comment
Actuellement, au sein des grands         préserver le niveau actuel de renta-        béralisme. Comme si les salarié·es,
groupes, seuls les états-majors dé-      bilité. Mais ce niveau de croissance        qui n’ont le plus souvent que leur sa-
cident quoi, où et comment pro-          est insoutenable dans un monde au           laire pour vivre, couraient moins de
duire. Les plans d’investissement ne     bord de la rupture sociale (explosion       risques que les actionnaires !
sont discutés qu’en petits comités,      des inégalités) et écologique (climat,
entre dirigeants et avec les plus gros   biodiversité, etc.).                        L’aveuglement causé par la pour-
actionnaires. Leur seule boussole :                                                  suite du profit à court-terme rend
la valorisation en bourse, mais cer-     Pour les économistes libéraux, les          impossible l’organisation d’une
tainement pas le maintien ou le dé-      actionnaires prennent des risques           grande bifurcation productive qui
veloppement de l’emploi ni les ob-       en investissant dans une entreprise,        s’impose pour respecter les objectifs
jectifs climatiques.                     ils devraient donc pouvoir décider          climatiques. Comme le dit Patrick
                                         de sa gestion. Les dirigeants n’ont         Pouyanné (PDG du groupe Total),
Ils ne se retirent d’un secteur pol-     « aucune responsabilité sociale autre       « Les actionnaires… ce qu’ils veulent
luant ou n’investissent dans des         que celle de faire le plus d’argent pos-    surtout s’assurer, c’est la durabilité de
secteurs soutenables que s’ils y sont    sible pour leurs actionnaires », disait     nos dividendes7 ».
contraints, ou qu’ils sont certains de   Milton Friedman, le pape du néoli-

       ´ Les emplois dans la transition
         seraient réservés aux jeunes
Celles et ceux qui travaillent depuis    trouver du travail, sur un marché en        au lieu d’automobiles individuelles
longtemps dans le même secteur           pleine dépression ?                         et camions. Beaucoup de salarié·es
ont peur de ne pas pouvoir retrouver                                                 souffrent de travailler dans des sec-
du travail. Les récents plans sociaux    Pourtant les savoir-faire acquis            teurs à l’avenir incertain, accusé·es
– comme ceux de Continental, Goo-        peuvent se révéler précieux en cas de       en outre de polluer la planète. Re-
dyear ou Bridgestone – ne semblent       reconversion de l’activité, puisqu’ils      penser collectivement les finalités
pas laisser beaucoup d’espoirs,          permettent d’envisager une autre            de la production, c’est une aventure
au-delà de la lutte pour les com-        issue que la perte d’emploi. Par            qui peut redonner du sens au travail,
pensations de départ. Mais passé 50      exemple, l’industrie automobile peut        la fierté de porter un nouveau projet
ans, comment changer de métier, re-      fabriquer des trains ou des autobus         productif plus juste et plus propre.

16   UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE QUI REDONNE DU SENS AU TRAVAIL
Nos propositions
Par nos mobilisations et nos reven-       puissent s’appuyer sur une mobi-           et elles connaissent leur travail, leurs
dications, nous voulons peser sur les     lisation citoyenne et construire un        outils, leurs clients actuels ou poten-
décisions d’investissement et d’em-       rapport de forces autour de projets        tiels, et ont les compétences pour
ploi des grands groupes et des gou-       alternatifs. Ainsi, en soutien aux sala-   discuter et décider de productions
vernements, déterminantes pour            rié·es de la papeterie de La Chapelle      alternatives, utiles socialement et
notre avenir et celui de la planète.      Darblay, syndicats et associations         soutenables écologiquement. Ils et
                                          se mobilisent ensemble pour im-            elles peuvent en débattre avec les as-
Les annonces de suppressions d’em-        poser la poursuite de la production.       sociations de consommateur·trices
plois ont commencé à déferler et                                                     ou d’usager·es, les associations de
vont malheureusement s’accélérer.         Sans attendre, face aux restructu-         défense de l’environnement, et pro-
Nous devons tout faire pour que les       rations imposées dans les secteurs         poser ensemble des contre-projets
salarié·es ne se retrouvent pas seul·es   en difficulté (automobile, aéronau-        qui auront souvent le soutien des
face à leur employeur·euse, en pos-       tique, etc.), les salarié·es peuvent dé-   collectivités territoriales, désireuses
ture essentiellement défensive, mais      cider de faire entendre leur voix. Ils     de sauvegarder les emplois locaux.

       X Interdire des licenciements
         dans les entreprises
         qui font du profit
La distribution de dividendes doit        de la chaîne de sous-traitance qui         juridiques qui organisent les pertes
être un des motifs d’interdiction des     dépend de lui, y compris à l’interna-      comptables ou l’insolvabilité.
licenciements boursiers, du don-          tional. Cela suppose une vigilance
neur d’ordre général jusqu’au bout        particulière vis-à-vis des montages

       X De nouveaux pouvoirs
         pour les salarié·es
         et leurs représentant·es
Dès lors que les salarié·es décident      tées au moins en proportion de leur        nécessaire. Les réorganisations du
de peser sur les choix d’investisse-      part parmi les salarié·es.                 travail liées notamment à la réduc-
ment et de production pour sauve-                                                    tion du temps de travail ne doivent
garder l’emploi et la biosphère, elles    Nous revendiquons le maintien d’un         pas se traduire par une intensifica-
et ils contestent les actuels rapports    comité d’hygiène, de sécurité et des       tion des cadences et de nouveaux
de pouvoir dans les entreprises et        conditions de travail (CHSCT), avec        droits doivent être donnés aux CSE
la recherche unique de rentabilité à      des droits d’intervention élargis aux      pour les contrôler. Les CSE doivent
court terme. De nouveaux droits de-       questions environnementales. Cette         également disposer d’un droit de
vraient leur être reconnus pour faire     instance est importante pour veil-         veto suspensif sur les projets portant
valoir leurs aspirations et leurs pro-    ler à la santé et aux conditions de        potentiellement atteinte à l’emploi,
positions dans la marche de l’entre-      travail des salarié·es. Ces comités        la santé ou l’environnement
prise, dont ils sont une composante       travailleront en concertation avec
essentielle.                              les associations de riverain·es, de        Il faut pleinement intégrer les tra-
                                          consommateur·trices, d’usager·es,          vailleur·euses dans les processus
Pour faire valoir les aspirations so-     de défense de l’environnement, pour        de décision, car elles et ils sont les
ciales et écologiques, il faut ins-       définir ensemble leur vision de l’in-      plus à même de proposer des chan-
taurer davantage de démocratie            térêt et des finalités de l’entreprise.    gements en profondeur vers la pro-
jusqu’au cœur des entreprises. Pour                                                  duction de biens et de services de
cela, de nouveaux pouvoirs doivent        La création d’un droit de veto des co-     qualité, répondant à l’urgence so-
être attribués aux représentant·es        mités sociaux et économiques (CSE)         ciale et écologique. Les questions de
des salarié·es dans les entreprises       sur les licenciements qui ne sont          la socialisation et de la structure des
privées et publiques, en veillant à ce    pas justifiés par des difficultés éco-     entreprises doivent par conséquent
que les femmes y soient représen-         nomiques graves et immédiates est          être posées.

                                           UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE QUI REDONNE DU SENS AU TRAVAIL            17
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