Musique et contestation- la résistance musicale
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– Musique et contestation – la résistance musicale Dans le cadre de notre programmation "Musique et constestation", La Rumeur vous invite à découvrir son travail en amont des concerts. Avec son flow unique, son mépris pour les productions au goût du jour, son credo sans concession, La Rumeur s'est bâti un public de fidèles dépassant le cadre du rap. Le groupe vous invite à venir voir sa répétition avant son concert du soir à La Carène. "93, la belle rebelle" raconte comment la musique s'est faite porte-parole des contestations en Seine Saint Denis. Le regard du réalisateur Jean Pierre Thorn va faire défiler devant vos yeux toute une histoire- du rock au slam en passant par le punk et le hip hop - incarnant un demi-siècle de résistance musicale en Seine-Saint-Denis et se faisant porte-voix d’une jeunesse et de territoires en perte d’identité, sous les coups des mutations industrielles, des désillusions politiques et de l’agression constante des pouvoirs successifs. La banlieue - à contrario des clichés – se révèle un espace incroyablement riche de métissages engendrant une créativité époustouflante. Ce document, rédigé par nos soins, vous invite à aller plus loin et à réellement entendre, comment la musique peut dépasser les simples rîmes et pousser les contestations.
Sommaire: – Le rôle politique et social de la Black music – De la liberté au free Le retour à l'Afrique Des mots sur les maux La blaxploitation: BO d'une époque – Le punk était contestataire ou n'était pas – Du rock au punk-rock : la contestation Du punk-rock au street-punk : la radicalisation – La contestation n'est pas morte : les descendants du punk Le rap: une musique contestataire par nature En Tunisie, le rap rythme la révolution – Portraits de quelques contestataires endurcis – The Clash Berurier Noir Gainsbourg Dj Dee Nasty Tiken Jah Fakoly Public Enemy – Place aux mots – – Pour aller plus loin: les ressources de La Carène –
– Le rôle politique et social de la Black music – La révolte noire entamée dans les années 1960 aux Etats-Unis sous l'impulsion de figures comme Martin Luther King ou Malcolm X porte aujourd'hui ses fruits avec l'accession au pouvoir du premier président afro-américain de l'histoire du pays. Si on a beaucoup insisté sur le rôle des hommes politiques à cette occasion, la face musicale de cette révolution est aussi essentielle. Retour sur le free jazz et la blaxploitation, méconnus de ce côté-ci de l'océan. James Brown (1933-2006), Isaac Hayes(1942-2008), Nina Simone (1933-2003), trois figures essentielles de la revendication d'égalité souhaitée par les Afro-Américains, n'auront malheureusement pas pu assister à l'arrivée au pouvoir de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis. Cet événement est l'occasion de revenir sur le pouvoir de ces musiciens noirs sur les consciences lors de l'irruption d'un black power au début des années 1960, sur les caractéristiques de leur musique et sur son véritable rôle (bande-son d'une révolte ou détonateur ?). De la liberté au free Pour comprendre l'aspect musical du black power, il faut se tourner vers un genre mal-aimé et souvent incompris : le free jazz. En se penchant sur la genèse de cette branche libertaire des héritiers du blues, on comprend le processus de pensée des Afro-Américains de l'époque. C'est la thèse d'un des seuls livres en français consacré au sujet, 'Free Jazz Black Power' de Philippe Carles et Jean-Louis Comolli. À l'inverse de l'opinion commune qui déclare que "la musique apaise les moeurs", cet ouvrage affirme qu'il n'existe pas de musique asociale ou apolitique. Vouloir imposer, comme à notre époque, une musique unifiée, une musique de supermarché, une "uni-musique qui forme les corps à une écoute indifférente", est un acte politique loin d'être neutre. Le free jazz prône et défend l'inverse de cette idéologie. Comme le dit Archie Shepp : "Il n'est pas possible de voir sauter trois enfants et une église sans qu'il en reste quelque chose dans votre expérience culturelle."Loin d'être le reflet des luttes de Noirs aux Etats-Unis, le free en est l'effet, la manifestation symbolique. Musique diverse, hétéroclite, variée à l'outrance, il est même aujourd'hui difficile de la circonscrire. Ses représentants principaux se nomment Archie Shepp, Ornette Coleman, Albert Ayler, Don Cherry. On les accuse souvent de "ne pas savoir jouer", de faire "n'importe quoi", de créer le "bordel"… et ils le font exprès ! Le retour à l'Afrique Le chaos (apparent) du free jazz se présente comme une réponse de l'esclave au maître blanc. Musique afro-américaine par excellence descendante du blues, le jazz a été "récupéré" par les Blancs après-guerre. Aux premiers rangs du jazz "cool" des années 1950 on ne trouve que des stars blanches (à l'exception notable de Miles Davis) : Chet Baker, Lee Konitz, Dave Brubeck, Gerry Mulligan ou Stan Getz. Le free jazz réalisera donc de manière symbolique le voeu de nombreux hommes politiques noirs : le retour à l'Afrique. Comment cela se manifeste-t-il ? Par une prééminence du rythme sur la mélodie : les jazzmen multiplient différents rythmes en même temps, tout en jouant sur les dissonances. Les piliers du free jazz ne jouent plus d'un, mais de plusieurs instruments, parfois en même temps, et cherchent à remettre au goût du jour une foule d'instruments folkloriques ou traditionnels d'Afrique, mais aussi d'Inde, d'Asie, d'Amérique du Sud… La musique n'est plus pur esprit, mais laisse le corps s'exprimer : on distingue sur les enregistrements des jazzmen free grognements, cris, onomatopées… Bref les tensions et les blessures vécues par les Noirs réapparaissent dans leur musique : le black power vu par le free jazz, c'est surtout la volonté instrumentale de symboliser les violences vécues par les Noirs. Et si les Blancs ne le comprennent pas, tant mieux : pour les tenants du free jazz les plus extrêmes, les Blancs ne pourront jamais comprendre leurs douleurs héritées de l'esclavage. Des mots sur les maux Si le free jazz est la face instrumentale du black power, un appel à la liberté opéré par une musique libérée de toute entrave, les Afro-Américains ont aussi tenté à cette époque de mettre des mots sur leurs maux. Deux personnalités capitales symbolisent cette démarche : James Brown et Nina Simone, soit la fière affirmation d'une "négritude" pour reprendre le lexique d'Aimé Césaire.'Young, Gifted and Black' de la diva Nina, symbolise totalement cette démarche. Enregistrée en 1969, cette chanson composée par la chanteuse-pianiste elle-même et écrite par Weldon Irvine s'est imposée comme un hymne dans la lutte pour les droits civiques, lutte couronnée d'un premier succès en 1964 avec le vote du Civil Rights Act qui interdit toute discrimination dans les lieux publics : son titre parle de lui-même. Engagé dans ce même combat, James Brown apparaît comme le complément funk et viril de la chanson soul et délicate de Nina Simone. Son morceau phare lui aussi ne nécessite que peu d'explications : 'Say It Loud – I'm Black and I'm Proud' ("dites-le bien fort : je suis noir et j'en suis fier"). Même destin que 'Young, Gifted and Black' pour cette chanson sortie un an plus tôt : 'Say It Loud…' fera presque office de slogan du combat des Afro-Américains. Au point que la Sex Machine regrettera quelque peu l'impact de ce morceau : son but était d'apprendre la fierté aux enfants noirs, et non d'opérer une séparation entre Noirs et Blancs.
La blaxploitation: BO d'une époque James Brown craignait que son morceau ne soit perçu comme un appel aux Noirs à se renfermer sur eux-mêmes. Son hymne louait la fierté, quelle que soit sa couleur. Pourtant, une des conséquences du black power, justement, fut de pousser certains Afro-Américains à se créer une sorte de communauté culturelle autonome. C'est la démarche inédite de ce qu'on a appelé la blaxploitation (contraction de "black" et "exploitation"), industrie culturelle principalement cinématographique et musicale faite par les Noirs pour les Noirs dans les années 1970. La musique du black power, sous toutes ses formes, de la soul au free, a surtout rappelé rythmes et mélodies à leurs rôles social et politique. Qu'on le veuille ou non, la musique exerce un pouvoir presque magique sur ses auditeurs. Si ce ne sont pas les musiciens qui ont amené Barack Obama au pouvoir, ni poussé Rosa Parks à dire non un jour de décembre 1955, ces artistes du black power ont participé activement à rendre les Afro-Américains fiers de leur couleur, de leur histoire, de leurs racines. Extrait de l'article "Noir c'est groire, Black power" de Mathieu Durand en janvier 2009 pour le site Evene que que vous pouvez retrouver sur: http://www.evene.fr/musique/actualite/black-power-musique-noir-1757.php – Le punk était contestataire ou n'était pas – Le punk a fourni une pensée (textes de chansons, presse alternative, fanzines), un graphisme et une esthétique (Sex Pistols, The Clash, Jamie Reid, ...) et ses variantes dans le temps. Son action liée au Do it yourself est ouvertement politique, liée à la contestation de l'ordre établi, à la notion de liberté individuelle, à l'anarchisme (Crass, Jello Biafra, Bérurier Noir, etc). De nombreux auteurs comme Greil Marcus ont, après 1977, éclairé d'un jour nouveau les origines d'un mouvement qui a son importance dans la culture occidentale depuis son apparition à la fin des années 1970. Soulignons aussi que l'idéologie punk est basée sur le concept existentialiste de l'être humain. Tout ce que l'on peut comme comportement punk est relié à la pensée de liberté sociale soutenue par les existentialistes. L'anarchie, par exemple, est un acte de répréhension de la loi revendiquant la liberté personnelle. À l'origine, les punks, qui baignent dans la fin des illusions hippies des années 1970, sont souvent des individus créatifs qui redoublent d'énergie devant la vision très négative du monde et de l'avenir, l'ennui et l'asphyxie qui se présente à la jeunesse. Alors que le Disco est dominant, ils vivent l'amusement frivole comme une tromperie ringarde et se tournent vers une autre musique brute et rebelle, expression du désœuvrement moral de la jeunesse. Beaucoup plongent dans la drogue, le refus de tout, la musique non-conventionnelle, etc. C'est aussi par esprit de révolte contre un système qui ne leur offrait pas cet avenir que les Sex Pistols lancèrent le « No Future », appelant à la révolte contre l'ordre établi et la morale bourgeoise. Un membre de Métal Urbain a écrit qu'à cette époque, le monde n'était pas en couleurs mais en noir et blanc. Ce discours, souvent à l'origine extrêmement sombre et pour certains tourné vers l'auto-destruction cohabite avec l'ambiance fun et destroy, des concerts et une certaine insouciance alcoolisée à la bière qui règne souvent dans les concerts. Dès le début des années 1980, une nouvelle forme de révolte prend la place : beaucoup de groupes punk se politisent et abandonnent le nihilisme des débuts on se bat pour avoir un avenir, on lutte pour le droit des femmes, contre le racisme, etc. Il ne s'agit plus de se shooter pour se couper d'un mondedégueulasse, on agit pour l'améliorer. Au désespoir des premiers temps a succédé l'espoir d'un autre monde. C'est notamment ce que portent les Bérurier Noir, dénonçant l'état du monde, l'égoïsme des hommes, et militant en musique pour un monde plus noble, plus libre, d'où seraient éradiqués racisme, sexisme, pollution, guerres, etc. Extrait de l'article Philisophie Punk du siute Xikipédia que vous pouvez retrouver sur: http://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophie_punk
Du rock au punk-rock : la contestation Cela a souvent été dit et écrit : depuis la dernière guerre, et plus encore durant les années 60 avec l’émergence de l’adolescence comme classe d’âge particulière et comme creuset d’une culture spécifique, la musique aura joué un rôle particulièrement important en accompagnant et révélant, jusqu’à en devenir le symbole, les différents changements d’ordre sociologique qui s’opéraient alors dans divers pays occidentaux. Pendant un temps, le rock, avec ses variations folk et psychédélique, aura ainsi fait office de « bande son » de la contestation de l’ordre établi en exprimant les désirs et les attentes d’une jeunesse revendicatrice érigée en force autonome. Mais, à la fin des années 70, ce rock, symbole de la contestation juvénile, semblera s’être assoupi, voire pire, « embourgeoisé ». Les grandes figures de la rébellion, gagnés par l’âge, le succès et la gloire étaient en effet devenus pour la plupart des stars inaccessibles vivant désormais dans un monde de faste et d’opulence bien éloigné de celui de leur public. Constatant cela, une partie de ce public s’estimera trahie par les tenants de ce « rock d’apparat », sophistiqué mais aseptisé, dont le « radicalisme », vécu et exprimé, était devenu largement symbolique. Le contact étant rompu, le temps semblera alors venu pour beaucoup d’opérer une nouvelle « révolution de la jeunesse » qui passerait par une urgente et nécessaire « ré-appropriation » de la musique en général afin de revenir à plus d’authenticité. Partant de là, quelques précurseurs audacieux, aux Etats-Unis d’abord puis en Angleterre, franchiront le pas et passeront à la production artisanale opérant ainsi « une régénération du rock considéré du point de vue de l’accessibilité de la musique et de la créativité». Ce faisant, ils bouleverseront entièrement le paysage de la musique rock, ses normes d’écoute, de production, les critères de jugement et les modèles de comportement. En ce début de l’année 1976, les protagonistes de ce futur « séisme musicale » ne sont encore que des jeunes gens issus de Londres ou de ses banlieues partageant le même sentiment de vacuité. « Sociologiquement, ces proto-punks n’avaient pas grand chose en commun. Ils n’étaient pas tous, comme on l’a dit souvent, des enfants des milieux ouvriers habitant dans les bidonvilles. Quelques-uns l’étaient, mais la plupart sortaient des classes moyennes, même ceux des banlieues. Ce qui les réunissait était une certaine haine des restes de la contre-culture baba et une nette détermination à les pousser par-dessus bord ». Par l’intermédiaire d’artistes et de personnalités issues d’un « underground » foisonnant et avec pour appui une jeunesse décidée à rompre radicalement avec le passé, le punk était donc en train de se construire en façonnant les formes d’expression musicales et esthétiques qui allaient, dans le même esprit de controverse, caractériser ce mouvement : le son brut contre les préoccupations techniques, le « look destroy » contre les strass et les paillettes, la culture de rue contre le star- system… bref, en ce milieu des années 70, le punk se pose en s’opposant et s’apprête à devenir à son tour la « bande-son » de la contestation de l’ordre établi en exprimant cette fois les doutes et les incertitudes d’une jeunesse frappée par la crise économique. Le nihiliste « no future » des punks n’allait pas tarder à supplanter, dans ce contexte, l’idéaliste « peace and love » des hippies. Du punk-rock au street-punk : la radicalisation Le punk ouvrira donc une brèche et nombreux seront les groupes qui s’y engouffreront, prenant à leur tour la musique à bras-le-corps pour y exprimer leur révolte, leur haine ou leurs désillusions, compensant souvent le manque de moyens techniques et financiers par la sincérité et la motivation. Cependant, rapidement, dès la fin de l’année 1977, l’inscription « Punk is dead » pourra s’apercevoir sur divers murs de Londres : ce qui avait commencé dans une fièvre créatrice débridée, entre amis et initiés, était en passe de devenir pour beaucoup, en grande partie et de par son fort succès, un mouvement stéréotypé, une attraction médiatique managée commercialement par quelques producteurs opportunistes. Les rebelles d’hier, si fiers de leur anticonformisme, semblaient avoir accouché d’une nuée de clones, qui, vêtue du prêt-à-porter estampillé « punk », se limitaient désormais à jouer dans les rues de Londres le rôle de modèles photogéniques pour touristes en mal d’exotisme urbain. Ainsi, malgré ses outrances et ses provocations, le punk se trouvait à son tour confronté à une dérive commerciale et risquait de devenir, après le rock, une rébellion de pure forme. Le caractère anarchisant de ce mouvement, par trop confus, ne suffisant pas à tenir à distance une industrie du disque aussi opportuniste que pragmatique qui montrera, là encore, sa remarquable capacité à se renouveler et à maintenir sa position dominante en adoptant/adaptant, avec profit, tout ce qui pouvait s’y prêter. Marque d’une inflexible volonté, ou peut-être plus sûrement, signe d’une insouciante juvénilité, il restera en tous cas quelques groupes issus de cette vague punk, alors menacée dans son intégrité, qui sauront se faire admettre, sinon par la théorie du moins par la pratique, comme les tenants d’une tendance « pure et dure » en ne montrant d’autre ambition que de vouloir continuer à jouer avec énergie et conviction de la « street-music » pour leurs « pairs », les « street kids », et que,
pour tout succès, ils se contenteront de la reconnaissance et de l’estime acquise auprès de ce public. Là se bornaient leurs prétentions en matière de réussite et le reste leur importerait peu. Parmi les groupes répondant à cette profession de foi et qui seront les interprètes de ce « punk issu de la rue » peu enclin à s’élever à un autre niveau, il faut citer les Cock Sparrer, considérés comme les pères spirituels de cette « musique d’en bas » qui prendra bientôt le nom destreet-punk, les Cockney Rejects et surtout les Sham 69, qui deviendront rapidement le groupe de référence de cette nouvelle scène. Plus qu’à leur musique, une sorte de punk étonnamment rapide et violent, les Sham devront l’essentiel de leur notoriété au charisme de leur chanteur, le fougueux Jimmy Pursey. Ce dernier, entre sa vie, son répertoire de chansons à connotation réalistes et sociales et ses énergiques prestations scéniques, ne tardera pas à faire figure de véritable « working class hero ». La tumultueuse jeunesse de ce personnage haut en couleur, ses diverses aventures rocambolesques, ses rapports conflictuels avec tous ceux qui prétendront avoir autorité sur lui, contribueront grandement à asseoir et à rendre crédible son image de vrai « dur » instruit à « l’école de la rue », sachant et pouvant parler d’expérience de ce que peut être la vie lorsque l’on est issu des « bas quartiers ». Mais en plus de cette disposition, doublée de sa motivation, à être « la voix » des « poor white looser up against the law », Jimmy Pursey se révélera être également un « show man » accompli capable de tenir ce rôle avec autant de talent que de conviction, sachant transformer chacun de ses concerts en un grand moment de fusion entre lui et son public. La passion, l’intensité qu’il mettait dans l’interprétation de ses chansons, aux thèmes simplistes mais fédérateurs, lui était d’ailleurs largement rendues par la ferveur de ses fans, rassemblés en une turbulente « Sham Army », qui connaissaient et reprenaient en chœur couplets et refrains. La scène étant ouverte à tout le public, les concerts de Sham 69 prenaient rapidement l’allure d’une fête débridée entre « potes » ou chacun pouvait prendre part au tumulte. En ouvrant ensuite les « backstages » à qui le souhaitait, Jimmy Pursey complétait son image d’homme du peuple resté simple et accessible en jouant cette fois le rôle du grand frère attentif avec qui il est toujours possible de discuter. « C’est que Jimmy Pursey prenait très au sérieux l’influence qu’il pouvait exercer sur les « kids » et qu’il pensera sincèrement que Sham 69pourrait changer les choses. Pas le monde, il n’était pas aussi naïf, mais peut-être, disait-il, qu’il pourrait au moins intervenir favorablement sur la vie de ceux qui suivaient le groupe assez régulièrement ». Jimmy Pursey avait donc su renouer, à sa manière franche et instinctive, avec les « normes mythiques du vedettariat initialement fixées par le Rock’n’roll » qui exigeaient du « porteur du micro » qu’il sache privilégier le contact direct avec ses fans, qu’il soit porteur des mêmes valeurs que son public et qu’il puisse faire preuve partout de cette « sincérité expressive » consistant à se donner à voir comme étant le même personnage sur scène comme dans la vie. En cela, Jimmy Pursey aura finalement tenu, au travers du street-punk et de Sham 69, les promesses trahies d’un rock’n’roll oublieux. Les autres groupes de street-punk ne seront pas en reste et tous auront à cœur d’adopter cette ligne de conduite, les Cockney Rejects, par exemple, loin de se mettre en retrait, n’hésiteront jamais à établir un contact direct avec le public, notamment pour y faire le « coup de poing ». Extrait de l'article de Gildas Lescop « Honnie soit la oi ! » Histoire d’une forme musicale de protestation sociale vous pouvez retrouver sur http://tempspresents.wordpress.com/2009/03/12/histoire-de-la-oi-skinheads-gildas-lescop/
– La contestation n'est pas morte: les descendants du punk – La chanson française semble avoir pris dès ses origines le parti de privilégier le texte avant la mélodie. Ce positionnement perpétuait l'image de noblesse des belles lettres dans la culture hexagonale. Aujourd'hui, alors que le rock s'éloigne des quartiers populaires ou de la contestation, le rap et le slam prennent le relais. Mais ces successeurs sont-ils des héritiers? S'il est un homme qui a lui seul symbolise la chanson française, c'est incontestablement Georges Brassens. Méfiant à l'égard d'orchestrations trop envahissantes, trahissant selon lui la profondeur des textes, il avait choisit de chanter sa poésie. Anarchiste, poète, solitaire, Brassens est l'archétype français d'un certain idéal artistique. Au son d'une guitare rustique, sa voix authentique, gouailleuse, aussi virile que malicieuse, amenait à chacun une poésie irréprochable, respectueuse de ses héritages (influence de Villon par exemple) et sans le moindre compromis avec la bienséance. « Je suis d'la mauvaise herbe, braves gens », chantait-il. La mauvaise herbe, celle qui repousse là-même où on l'arrache, celle qui apporte une touche de couleur à un monde gris-béton, celle que l'on s'échange avidement dans les quartiers sordides, en guise d'évasion... Le sous-prolétariat végétal, allégorie de la chanson « à la française », art mineur, disait Gainsbourg, mais qui donne au peuple la voix que les bulletins de vote ne crieront jamais. Filiations et incompréhensions. Le rock alternatif, à la façon des Garçons Bouchers ou de la Mano Negra, semblait poursuivre cette lutte. Les références aux prédécesseurs étaient toujours respectueuses. En effet, la génération des trois B (Brassens, Brel, Barbara), sans remonter à Aristide Bruant, semblait avoir légué un capital de crédibilité artistique aux plus jeunes, leur permettant ainsi d'éviter à leurs discours le mépris des élites. Lorsque le rap émigra en France, sa venue ne pouvait être que le prolongement de ce lignage. Il ne pouvait d'ailleurs être défendu qu'à ce titre! Le groove des samples de funk? Pas assez sérieux pour chez nous! Le rap américain avait une vocation musicale, son petit frère français une mission sociale. Il se devait de « représenter ». Représenter quoi? Qui? Espoirs, voisins, épouvantail, etc... Mais de là à l'accepter comme membre de la famille de la Chanson Françaoui, il y avait un pas que personne n'osait franchir. NTM et Jean Ferrat? MC Solaar et Serge Gainsbourg? Comment évoquer ce genre de parallèle, lorsque les uns intéressaient en tant que culture, et les autres en tant que phénomènes liés à la jeunesse, voire à l'immigration? Pourtant, la filiation des ambitions étaient à l'époque évidente. Et petit à petit, cette exigence qui rendait le peuple fier de ses hérauts capables d'aller jouer sur les terrains bourgeois, devint une revendication communautaire au droit à la médiocrité: « On fait des fautes et on t'emmerde! », dixit Diam's. A ses débuts, le rap français privilégie la pertinence du propos contre la musicalité du flow. En 1994, l'amendement Pelcha impose aux médias que 40% des morceaux diffusés soient des productions hexagonales. Pour Skyrock, il s'agit de saisir une opportunité de repositionnement sur un marché ultra-concurrentiel. L'ex-rockeuse devient d'un coup LA radio rap. Les maisons disques, rassurées par la structuration du marché, décident donc de signer massivement les artistes de cette scène jusqu'ici infréquentable. Mais comme dans la fable du loup et du chien, il fallait au préalable dresser la bête. A l'engagement on préféra la provocation. Petit à petit, les phases calibrées de ceux qui « visaient justes » (Assassin, NTM) et s'adressaient à tous, sont remplacées par les punch lines des champions de la Street Credibility. Ainsi, cette culture, héritière de la scène rock alternative, est en 2010 représentée par une formation dont même le nom aurait paru jadis un peu louche: Sexion d'Assaut. Comme si les mots ne voulaient plus rien dire... Les bons et les mauvais. En 2001, avec le premier album de Grand Corps Malade, le grand public découvre le Slam. Avec des artistes comme Saül Williams aux Etats-Unis, ce genre de spoken word (Last Poets) représente une élite contre-culturelle. En France, très vite, on veut en faire le bon élève de la classe où dorment les cancres du Rap. Alors que partout dans le pays fleurissent les scènes ouvertes, seuls deux slameurs perceront réellement: GCM et Abd-el-Malik (tous deux récompensés aux Victoires de la musique). Deux banlieusards à en émouvoir Mamie... On ne fâche personne, la morale est sauve, la subversion aux oubliettes. GCM est même nommé chevalier des Arts et Lettres! Le slam devient un catéchisme républicain démagogique vers lequel sont envoyés les sauvageons en mal d'expression, au travers d'ateliers d'écriture encore une fois gérés par les services Jeunesse plutôt que Culture. Ni Ferrat ni Ferré n'auraient cautionné un tel biais. Autre époque, autres enjeux, autres effets? Le refus des ayant-droits de Brassens de laisser Joey Starr revisite Gare Au Gorille, montre que le problème est plus profond. Chacun reste entre soi. Voilà la racine du mal dont souffre la chanson française aujourd'hui, à l'image de son public. La pop s'adresse aux blancs des pavillons, le rap aux prolétaires des grands ensembles, et le slam construit des ponts là où il n'y a pas de rivière. Mais
la mauvaise herbe est vivace! Comme sur les terrains vagues, zones en jachères, elle pousse hors des sentiers battus, loin des sillons des allez-retours du déjà-vu. Chaque vérité allant au bout d'elle-même pour mieux se contre-dire, il est certain que là où on ne la cultive pas, la chanson française nous en prépare de belles, revenant à ses racines pour mieux nourrir ses fruits de la révolte, ses raisins de la colère, ses hymnes à la raison populaire... Parce que lorsque le monde est pourri, il est humain d'espérer qu'au moins, cela soit magnifiquement dit! Extrait de l'article d'Eddy Maaroufi « Chanson, rock, rap: une histoire de la contestation musicale – Ressources Urbaines » que vous pouvez retrouver sur http://www.presseetcite.info/journal-officiel-des-banlieues/chanson-rock-rap-une-histoire-de- la-contestation-musicale-ru Le rap: une musique contestataire par nature A voir : Au programme de l'émission La Grande Table sur France Culture: Le rap : une culture contestataire... et contestée. Un débat sur la culture rap, sa mission, son engagement, ses artistes... Avec les invités: Olivier Cachin, journaliste et écrivain (auterur de Rap Stories, L'Offensive Rap...), Anthony Pecqueux, sociologue (auteur du dictionnaire du rap, de A jusqu'à Z, le grand remix du hip hop, Voix du rap : essai de sociologie de l'action musicale) et Rocé, rappeur (lire ci-dessous). Vous pouvez retrouver cette émission sur http://www.franceculture.com/emission-la-grande-table-le-rap-une-culture- contestataire-et-contestee-2010-09-16.html Rocé : “Les rappeurs veulent trouver la rime, moi j’ai trouvé le stock”. Rocé n’y va pas par quatre chemins, il est même connu pour ça. Depuis 1996, date de son tout premier maxi, cet amoureux des musiques au pluriel trace un chemin résolument en dehors des sentiers rebattus du rap français. Car s’il est passionné de style old school, ce rebelle philosophe à l’insatiable curiosité préfère l’école buissonnière, celle qui symbolise l’évasion et la nouveauté. Ainsi, après “Top Départ” son premier opus en 2001, son avant-dernier album, “Identité en crescendo”, salué il y a trois ans par une presse unanime, rassemblait des musiciens de free jazz, du légendaire saxophoniste Archie Shepp au trompettiste et linguiste Jacques Coursil, en passant par Gonzales le pianiste fou, Antoine Paganotti, chanteur et batteur de Magma, ou samplait Tony Hymas, le claviériste de jazz rock qui adore Erik Satie. Un éclectisme à la mesure du personnage : né à Bab El-Oued d’une mère algérienne et d’un père argentin d’origine russe, élevé à Thiais en banlieue parisienne, Rocé n’a jamais pu se contenter d’un seul paysage, d’une seule culture. Si le hip hop est sa véritable passion (forgée dès l’âge de douze ans à l’écoute des pionniers du rap français qu’il découvrait sur Radio Nova), il a toujours cherché à le transcender, à l’enrichir pour aller ailleurs, le plus loin possible. Son troisième album au titre digne d’un tableau de Magritte, “L’être humain et le réverbère”, le voit pourtant renouer avec ses racines musicales. Un disque fait maison, à l’aide des samples qu’il extirpe de son imposante collection de disques glanés dans les vide-greniers. Fou de musique, il l’est aussi de poésie : “La poésie est pour moi un exemple, car, contrairement au musicien, le poète ne formate pas son art pour s’adapter au lecteur, c’est au lecteur de se déplacer vers la poésie. La poésie n’a rien à vendre”. Les textes de Rocé, incisifs et musicaux, tentent de suivre cette voie. Qu’il fasse l’éloge de la mobilité et de l’ouverture aux autres (“L’être humain et le réverbère”), l’apologie du doute dans un monde où l’hésitation est perçu comme une faiblesse (“Des questions à vos réponses”), qu’il fustige la crasse du quotidien et le stress des métro-poles (“Mon crâne sur la paillasson”) ou une société prétendument égalitaire (“Le cartable renversé”, “Au pays de l’égalité”), c’est toujours au moyen de formules saisissantes. Un grand livre d’images évocatrices plutôt qu’un dictionnaire de clichés revendicatifs. Ainsi, quand il s’offre le luxe de reprendre une chanson de Brel métamorphosée (“Les singes de mon quartier”), ça sonne encore comme du Rocé. Il est parti d’un concept simple, concis et direct : le rap, c’est surtout ce qu’on en fait. S’il regrette que le mouvement hip hop
n’ait pas assez évolué et mûri à son goût, il se considère avant tout comme un rappeur, un styliste des mots et un artisan des sons. Avec un discours à méditer, plus qu’un message à marteler. “Voici le retour du rappeur à l’ancienne, à la vapeur”, scande t-il dans “Jeux d’enfants”, un morceau qui joue avec le paradoxe de la futilité du monde des adultes par rapport au sérieux ludique de l’enfance. Dans “L’Objectif”, co-écrit et interprété avec l’artiste Hayet, il ironise sur la “pipolisation”, ces gens qui “n’existent que pixellisés”, ne vivent que pour leur image, jusqu’à l’auto-caricature. “Le savoir en kimono” fait allusion à ce besoin universel de se trouver des héros, des icônes, jusqu’à n’en faire qu’un simple logo, un emballage vidé de son contenu. “De pauvres petits bourreaux” évoque le monde masochiste du travail, et “Carnet de voyage d’un être sur place” la richesse que l’on peut trouver dans les livres, les disques, ces extraordinaires moyens de locomotion immobile qui vous embarquent dans un autre monde. Bousculer les idées reçues pour mieux avoir foi en l’individu, si Rocé avait un credo, ce serait celui là. “J’aime les expériences, la témérité artistique, même s’il y a plus fou que moi. J’aime emprunter plusieurs chemins différents. Dans le futur mes prochains albums pourraient être punk, ska, rock’n’roll, qui sait…” A suivre donc. De quoi donner définitivement envie de se détacher de son réverbère. Extrait de la biographie de son site internet que vous pouvez retrouver sur http://www.rocemusic.com/2.html Retrouvez également ses idées et ses combats sur: http://roce.ka.free.fr/ En Tunisie, le rap rythme la révolution En Tunisie, le rap underground a précédé et accompagné les manifestations. Jusqu’ici, le régime de Ben Ali ne tolérait que son pendant à paillettes... Le jeudi 6 janvier, une poignée de francs-tireurs tunisiens, bloggeurs, cinéastes, informaticiens ou musiciens étaient arrêtés par des représentants de la sûreté de l'Etat et mis sous clef pour 48 heures. Parmi eux, Hamada Ben-Amor, un rappeur de 24 ans originaire de Sfax qui affole le net depuis quelques semaines sous le nom d'El General. Si aucun motif officiel n'a été invoqué, la cause la plus probable de cette arrestation serait, selon de proches observateurs, un morceau de rap intituléRaïs Lebled ("chef du pays"), mis en ligne en novembre dernier, dans lequel El General, par ailleurs excellent rappeur, s'adresse au président Ben Ali en des termes durs, l'exhortant à prendre la mesure de la poudrière qui n'allait pas tarder pas à lui péter au visage : "Descends dans la rue et regarde autour de toi, là où les gens sont traités comme des bêtes/Là où les flics tapent sur des femmes voilées." Totalement inconnu avant que la police ne lui mette la main dessus et fasse grimper sa cote de popularité (son compte Facebook est passé de 3 500 amis à plus de 20 000 en deux jours), El General fait partie, aux côtés de Psyco-M ou Lak3y, de cette poignée de rimeurs underground parvenus au devant de la scène à la faveur de la révolte populaire en Tunisie. Certains de leurs titres, du Besoin d'expression de Lak3y au Raïs Lebled d'El General - qui en rajoutait une couche en décembre avec Tounis Bledna -,sont devenus de véritables hymnes au sein de la jeunesse, attisant logiquement la colère du pouvoir central : "L'arrestation d'El General intervient dans le cadre d'une campagne menée contre les rappeurs depuis le début du mouvement contestataire, commente le journaliste indépendant Thameur Mekki, qui observe la scène rap locale pour le magazine Tekiano.com.Même les rappeurs qui n'ont pas été arrêtés ont été avertis, intimidés." Pour Fawez Zahmoul, fondateur de Rebel Records, un label de rap établi à Tunis, il s'agit d'un véritable réveil : "Le rap underground trouve enfin son terrain, il prend du galon, ça fait longtemps qu'il observe." Voir le rap accompagner un mouvement social avec autant de fureur est en effet une première en Tunisie, où cette musique n'a pas encore eu l'occasion de produire de grands révolutionnaires. Et pour cause : occulté par un mainstream pailleté et phagocyté par la culture officielle, le rap contestataire erre à l'écart des projecteurs depuis son apparition, quitte à s'inventer parfois dans l'ombre des options politiques troubles. Une polarisation extrême que son histoire explique. Marginalisé par les instances officielles
en dépit des efforts de Slim Larnaout, un des premiers rappeurs à susciter un enthousiasme dès 1993, le rap tunisien n'a vraiment commencé à agiter le pays qu'au tournant des années 2000. "Deux choses sont à l'origine de l'explosion du rap en Tunisie, détaille Fawez. L'arrivée d'internet, en particulier les réseaux sociaux, et la miniaturisation des studios ». Le mouvement se développe alors dans les home-studios qui fleurissent à travers le pays, tandis que sortent les premiers disques de Filozof, T-Men ou Wled Bled. Mais face à un piratage massif qui exclut toute possibilité de rentabilité, la scène devient la seule planche de salut. Le rap tente alors de se frayer un passage dans les festivals organisés par les institutions culturelles, mais au-delà de l'économie, dans un pays où un seul rappeur détient le statut d'artiste professionnel (Wajdi, du groupe Mascott), c'est la censure qui s'exerce : "Il n'y a pas de secret, le rap contestataire se fait marcher dessus. Si tu veux passer dans les festivals, il faut filer droit, faire du mainstream", reconnaît Fawez. Dont acte : les quelques rappeurs qui vivent aujourd'hui de leur musique pratiquent ce rap sympathique et poli, parfois bordé de quelques obscénités pour la forme, à l'instar de Balti (membre de Wled Bled), signé sur le label américain Raw Poetix. "Le vide laissé par les médias et les festivals provoque un mouvement mainstream:un rap qui parle des souvenirs d'enfance, des relations familiales ou de ce qui se passe dans les cités, mais sans réelle contestation",précise Thameur. Et ce n'est pas ce rap qui va s'opposer au régime : en 2004 et 2009, Balti et Mascott ont même participé à des concerts dans le cadre de la campagne électorale de Ben Ali, tandis que d'autres prêtent leur image à la publicité. Sous la surface, l'underground survit : "A côté, les autres rappeurs ne font que partager les miettes du gâteau médiatique." Et le gâteau est maigre : "Le rap reste considéré comme un phénomène, non comme un art. Les journalistes ne sont pas du tout formés, il n'y a pas de critiques capables d'évaluer le niveau artistique." L'écart n'a ainsi cessé de se creuser entre un rap bon élève et cet underground radicalisé qui montre aujourd'hui son visage : "Si quelques-uns demeurent fidèles à la culture hip-hop en étant moins mainstream, en vivant une vraie contre-culture, à l'instar de Lak3y, L'Imbattable ou DJ Costa, le peu de rappeurs qui se veulent engagés adoptent un discours religieux et moralisateur." En effet, si El General ou Mohamed Jendoubi, alias Psyco-M, déplorent en rimes la dilution de leurs idéaux, valeurs et cultures dans les mouvements affairistes et méprisants du gouvernement Ben Ali, ils font peu de mystère quant à l'alternative qu'ils prônent. Extrait de l'article "En Tunisie, le rap rythme la révolution" de Thomas Blondeau, janvier 2011 que vous pouvez retrouver en intégralité sur: http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/58151/date/2011-01-24/article/en-tunisie-le-rap- rythme-la-revolution/
– Portraits de quelques contestataires endurcis – – The Clash – Groupe né de la première grande vague punk britannique des années 70, The Clash se démarque immédiatement : leur talent musical, leurs paroles intelligentes et engagées, leur énergie inépuisable, leur style unique et leur idéalisme passionné croquent avec ferveur et humour une époque, un mouvement culturel et les inquiétudes de toute une génération. Le son de The Clash, métissé de reggae, de ska et de rock, a traversé les générations et les frontières. Une carrière fulgurante qui a marqué le mouvement punk, mais également des générations entières de musiciens, par son originalité, son engagement politique, son inventivité et son esprit provocateur. Né en 52 à Ankara, Joe Strummer s’intéresse très vite à la musique, et fonde en 1975 son premier groupe : The 101′ers, qu’il quitte en 1976 pour fonder The Clash avec un certain Mick Jones. A noter que leur première scène fut en première partie de l’autre grand groupe punk de l’époque : The sex pistols. Connu pour ses positions contestataires, The Clash ne cessa jamais d’étonner et voire même choquer l’opinion, tout en proposant des merveilles musicales, on en veut pour preuve leur légendaire « London Calling » (Cité depuis par de nombreux artistes comme un album référence). Après un second album sans le succès escompté et de retour en Angleterre, le groupe se sépare de son manager Bernard Rhodes. Durant l'été 1979, le groupe commence à travailler à l'écriture et à la composition des chansons de l'album, suivant leurs influences rockabilly, ska, reggae et jazz. En août de la même année, il investit les studios Wessex à Highbury, réputés pour avoir accueilli des groupes comme les Rolling Stones, Queen, les Sex Pistols ou encore The Sinceros. Le texte de London Calling est très engagé politiquement, s'attaquant violemment aux symboles du passé («cette beatlemania ringarde a mordu la poussière»), en réaction à l'arrivée de Margaret Thatcher au pouvoir. Le titre de la chanson fait allusion au slogan «This is London calling ...» qu'utilisait la BBC durant la seconde guerre mondiale, souvent sur les ondes des pays occupés. Strummer parle ici de tous les événements néfastes liés à l'Angleterre à la fin des années 1970, comme la mise en place du gouvernement de Margaret Thatcher (exprimé par «the ice age»), la «nuclear error» de la chanson London is drowning, qui fait référence aux fréquentes inondations de Londres par la Tamise, avant la construction d'une digue dans les années 1970. La chanson possède également un message typique du mouvement punk: l'adresse aux jeunes. London Calling incite les jeunes à se réveiller de leur torpeur et de participer activement à la vie de leur pays (Come out of the cupboard, all you boys and girls / […] now don't look at us), tout en cassant les anciennes références (All that phoney Beatlemania has bitten the dust). London Calling est considéré comme un manifeste social de l'Angleterre.
– Berurier Noir – « On a mis nos masques de clown pour affronter la société, On a mis nos masques de clown pour effrayer les policiers » « Combien êtes-vous dans la salle? Formez des groupes de rock... LIBRES! ». Ces derniers mots lâchés par François à la fin de la dernière nuit noire bérurière, le 11 novembre 1989, résonne comme un passage de témoin entre deux générations. Deux époques, deux visions du monde également. Car le paysage musical français est bien différent dix années auparavant. Si la vague punk britannique a su faire quelques émules de ce côté-ci de la Manche (Starshooter et surtout Métal Urbain), la jeunesse hexagonale préfère encore s’enthousiasmer pour des formations plus consensuels (Téléphone), laissant aux seuls Trust le soin de cracher révolte et mépris sur ces années Giscardiennes. Le climat social est mauvais, le chômage augmente, en banlieue les cités-dortoirs se transforment en ghettos, et l’on commence déjà à pointer du doigt les délires urbanistes des années 60/70. C’est dans ce climat maussade que François rejoint en 1980 Olaf et Pierrot, rescapés du quintet chaotique de la première époque. Le groupe est baptisé du nom du célèbre bras droit du commissaire San Antonio, incarnation de tout les maux du beauf’ moyen : con, raciste, borné, grande gueule, porté sur le sexe et la bouteille, en bref une caricature à échelle humaine de ce qu’une société civilisée peut engendrer de pire. Une foultitude de défauts contrebalancée par une faconde intarissable et un humour désopilant. Le trio s’adjoint d’une boite à rythmes, une Electro-Harmonix D.R.M. 16 baptisée Dédé en guise d’organe rythmique. Les concerts s’enchaînent dans les squatts du XIXe et du XXe ainsi qu’en banlieue. Mais si le groupe commence à étoffer un répertoire encore bien léger, il n’est jamais bien loin d’un chaos fatal. Ainsi, Pierrot gravement accro à l’alcool est envoyé en cure de désintoxication, puis sous les drapeaux, avant d’être interné en hôpital psychiatrique. En matérialisant l’inhumanité d’un système où la force et l’aliénation physique et psychiques font loi, la descente aux enfers de Pierrot va dès lors stigmatiser nombre des futurs discours Béruréens. Pour pallier à cette défection forcée, les deux rescapés font appel au guitariste de Guernica, Loran, qui devient rapidement la seconde moitié des Bérus lorsqu’Olaf quitte à son tour le navire en 1982. Réduits à un simple duo, François et Loran décident de suicider Bérurier lors d’un ultime concert à l’Usine Pali-Kao. Baptisé pour cette funeste circonstance Bérurier Noir, le groupe surprend son auditoire par un show spontané et original. Une prestation théâtrale au cours de laquelle François intronise les célèbres déguisements, masques et autres ustensiles qui deviendront la marque de fabrique du groupe. La performance, ce soir-là, subjugue un public qui, contre toute attente, en redemande. En ce 19 février 1983, Pali-Kao signe donc d’une main l’acte de décès de Bérurier tout en saluant de l’autre la naissance des Bérurier Noir. Le nom ne tarde guère à faire le tour d’un underground parisien qui se presse aux concerts toujours plus furax du binôme masqué. En mars, celui-ci entre au Studio Mesa pour y enregistrer un album dix titres mais juge au final la production bien trop propre. Loran et François décident néanmoins de garder quatre d’entre eux, « Nada », « La mort au choix », « Bûcherons » et le déjà très culte « Amputé », en vue d’un split maxi-45 tour avec Guernica. Glaciales et oppressantes, soutenues par l’obsédante boîte à rythmes et déchirées par les riffs simplistes d’une guitare abrasive, les quatre pièces de « Nada » sont d’un minimalisme taillé au scalpel qui fait froid dans le dos. Une musique d’aliéné tout droit sorti d’un bloc opératoire dans lequel résonne de terrifiants échos : « ...Torture mentale physique psychose... ». Fort de cette première trace vinylique, le duo continue plus que jamais ses expériences live et ses prestations sauvages. Guitare, boîte à rythmes et amplis à piles, donnent en effet une grande liberté de mouvement au groupe qui se meut de squats en squats, allant même jusqu’à jouer à cache-cache avec la RATP dans le métro lors de la fête de la musique 1983. Une véritable « Unité Mobile de la Guérilla Urbaine » qui annonce déjà le « Petit Théâtre de Force » des futures années Bérurières. En décembre, la paire retourne brièvement en studio pour y enregistrer « Macadam Massacre », un premier album dans lequel l’influence de Métal Urbain se fait plus que présente. Pourtant, la singularité du son Bérurier apparaît d’ores et déjà comme évidente ; largement esquissé sur « Nada », leur style neurasthénique et hypnotique prend sa pleine dimension sur dix titres glauques à souhaits, comptines industrielles parfumées d’éther, de napalm et de béton. Las d’une humanité barbare et d’un monde où seule la force fait loi, le duo égrène ses peurs et ses haines (« J’ai peur », « Frères d’armes ! ») jusqu’à arriver au nihilisme le plus total de « Manifeste ». Pour les Béruriers version 1983, le monde est déjà une vraie porcherie et les lendemains ne chanteront sûrement pas, si ce n’est un requiem bien mérité... Cette réalisation à taille réelle va permettre à un public de plus en plus nombreux et curieux, d’apprivoiser l’alchimie conceptuelle du groupe et son style unique. Un singularisme qui les distingue d’entrée de la seconde génération punk, celle du « Punk’s not dead » d’Exploited ou GBH, et qui lance, sans le savoir, les graines d’un « keupon à la française » qui s’auto-baptisera bientôt « alternatif ». Mais certaines formations ne goûteront pas de leur vivant à ce mouvement bouillonnant de créativité. Ainsi les frappadingues Lucrate Milk, premiers compagnons d’infortune des Bérus se sabordent en 1984. Un split duquel Fanfan et Loran sauront tirer avantage en intégrant le saxophoniste Masto ainsi qu’ Helno, Marsu et Laul, amis de longue date qui se sont progressivement invités comme « choristes », ajoutant une touche bordélique et festive aux performances, jusqu’ici plutôt cliniques, du duo. Mais devant le nombre croissant de squats murés par un gouvernement Mauroy qui redoute la prolifération de foyers d’extrême gauche, les Bérus décident d’approfondir leur
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