NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX

La page est créée Raphaël Maury
 
CONTINUER À LIRE
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
JUILLET 2021 | N ° 414 BIS

                     NUCLÉAIRE :
                    			LA FRANCE
                    			 À L’HEURE DU CHOIX
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
CARTE

Qui veut encore
du nucléaire
en Europe ?
Source : WNISR

UE à 27 + Royaume-Uni
       Part du nucléaire dans la production d’électricité                                                                 Suède
       en 2019, en %                                                                                                      34,0 %      6

       Nombre de réacteurs en activité en mai 2021

       Nombre de réacteurs en construction
                                                                                                                                                                Finlande
      Pays sans nucléaire*                                                                                                                                      34,7 %        4
                                                                                                                                                                              1
      Pays étant sortis ou sortant du nucléaire
      ou ayant renoncé de fait à de nouvelles constructions
      Pays avec nucléaire sans projet connu de sortie ni de construction
      Pays construisant de nouveaux réacteurs
* Seule la Pologne envisage de construire des réacteurs.

                                               13                          Pays-Bas
                                Roy.-Uni
                                                                           3,2 % 1
                                15,6 %
                                               2                                                           6
                                                                                               Allemagne
                                                             Belgique                           12,3 %
                                                             47,6 % 7

                                                                                                               Rép. tchèque   6
                                                                                                               35,2 %                       Slovaquie     4
                                                                                                                                            53,9 %
                                                    France
                                                    70,6 %                            Suisse
                                                                                      35,2 % 4
                                                                                                                                  Hongrie   4
                                                                 56                                            Slovénie
                                                                                                                                  49,2 %                       Roumanie
                                                                                                                                                                           2
                                                                                                                37 % 1                                          18,5 %

                                                             1
                                                                                                                                                                   Bulgarie
                                                                                                                                                                   34,7 %
                                                                                                                                                                               2

                               Espagne
                               21,4 %      7

                                                                                                                                                        N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
Fondateur : Denis Clerc
Président d’honneur : Philippe Frémeaux (1949-2020)
Directeur des publications, président du conseil d’administration :
Christian Chavagneux
Directeur général : Jérémy Dousson                                                             Viser les 100 % renouvelable
                                                                                         donnerait une occasion de relancer
RÉDACTION : 28 rue du Sentier 75002 Paris                                                                                                                                 © HBS PARIS
Pour joindre directement votre correspondant, composez le 01 44 88 suivi
des quatre chiffres entre parenthèses.
Directeur de la rédaction : Laurent Jeanneau (95 38)
Rédacteur en chef : Marc Chevallier (27 39)
                                                                                             le tandem franco-allemand
Editorialiste : Christian Chavagneux (27 38)
Rédacteur en chef international : Yann Mens (95 94)
Rédactrice en chef numérique : Sandrine Foulon (95 91)
Rédacteurs en chef adjoints : Catherine André (98 75),
Xavier Molénat (98 76), Antoine de Ravignan (95 92)
Secrétaire générale de la rédaction : Charlotte Chartan (28 98)
                                                                                   Editorial
Economie : Christian Chavagneux (27 38), Vincent Grimault (58 82),                                                                                                       © HBS PARIS
Aude Martin (27 32), Sandra Moatti (95 36)                                         par Jens Althoff, directeur du bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll,
Entreprise : Marc Chevallier (27 39), Justin Delépine (28 95)
Société : Xavier Molénat (98 76), Céline Mouzon, Naïri Nahapétian (23 85)
                                                                                   et Jules Hebert, coordinateur du programme Transition énergétique,
Travail, social : Sandrine Foulon (95 91)                                          bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll
Environnement : Antoine de Ravignan (95 92)

                                                                                   L’IMPOSSIBLE « EN MÊME TEMPS »
International : Yann Mens (95 94)
Grands entretiens : Catherine André (98 75)
Agir : Céline Mouzon (98 74)
Agenda : Justin Delépine (28 95)
Histoire : Gérard Vindt                                                            Il ne peut pas y avoir de politique             du nucléaire, une décision confirmée
Livres : Christian Chavagneux (27 38), Igor Martinache
Culture, opinions : Naïri Nahapétian (23 85)
                                                                                   du « en même temps » en matière                 en 2011. Depuis, ces dernières
Premières secrétaires de rédaction, iconographes :                                 énergétique. C’est une des leçons               produisent plus de 50 % de l’électricité,
Martine Dortée (27 37), Nathalie Zemour-Khorsi (28 96)
Editeur Web : Jean-Christophe Catalon (23 86)                                      de cette publication, sur la base de            et la part du charbon – bien qu’encore
Community manageuse : Marie-Laure Gardaz                                           recherches et d’interviews d’experts            trop haute – est désormais en forte
Directeur marketing : Frédéric Desiles (27 34)
Directrice diffusion : Hélène Reithler (27 33)                                     menées par l’équipe du journal                  baisse. L’Allemagne amorce ainsi
Chargée de promotion diffusion, relations extérieures :
Véronique Orlandi (95 90)
                                                                                   Alternatives Economiques. Il n’est pas          une double sortie du nucléaire
Chargée de diversification : Marianne Thibaut (58 81)                              possible de maintenir l’énergie                 (en 2022) et du charbon (avant 2038).
Chef de projets numériques : Arnaud Julieno (58 84)
Association des lecteurs : Marianne Thibaut (58 81)
                                                                                   nucléaire et de développer                      Et une grande part des bénéfices de
PUBLICITÉ : L’autre régie, 28 rue du Sentier, 75002 Paris, www.lautre-regie.fr     sérieusement les énergies                       cette transition énergétique va dans
Directrice de régie : Anne Boulain (58 85)
Cheffe de publicité : Véronique Génot (28 93)
                                                                                   renouvelables. Ni le marché européen            les poches des citoyens et collectivités
RELATIONS CLIENTS, FABRICATION, SIÈGE SOCIAL :                                     de l’électricité – de plus en plus              locales, qui possèdent aujourd’hui
12, rue du Cap-Vert, CS 40010, 21801 Quetigny Cedex
Tél. 03 80 48 10 25 - Fax 03 80 48 10 34
                                                                                   dominé par des énergies issues                  presque la moitié des capacités
Relations clients : Stéphanie Claudel (cheffe de service), Delphine Dorey          de sources renouvelables de plus                installées.
(cheffe de projet technique), Marilyn Fleutot, Philippe Glommeau, Isabelle
Ménétrier, Claude Pettinaroli, Yolande Puchaux, Laure Trillo, Sonia Varichon       en plus compétitives –, ni la situation
Courriel : abonnements@alternatives-economiques.fr                                 budgétaire de la France, que                    La France, quant à elle, n’a, en dépit
Directeur administratif et financier : François Colas
Comptabilité : Odile Villard                                                       la pandémie a aggravée, ni les volumes          de plusieurs lois sur le sujet, toujours
Direction artistique : Marie-July Berthelier, Christophe Durand (28 91)
Maquette, infographies : Marie-July Berthelier, Odile Chesnot, Christophe Durand
                                                                                   financiers colossaux en jeu ne vont             pas de vision claire de son futur
Dessins couverture et pages intérieures : Terreur Graphique                        le permettre. La France est devant              énergétique. Choisir le nucléaire
Inspection des ventes (dépositaires et diffuseurs) :
Destination média, tél. : 01 56 82 12 06
                                                                                   un choix structurel qui l’engagera              renforcerait le clivage profond
Diffusion : En kiosque : MLP                                                       sur les prochaines décennies.                   sur les questions énergétiques
En librairie : Interforum, 3 allée de la Seine,
94854 Ivry-sur-Seine Cedex ; tél. 01 49 59 58 80                                                                                   entre la France et l’Allemagne. Viser
Mensuel édité par la Scop-SA Alternatives Economiques à capital variable,          Les centrales nucléaires, qui assurent          les 100 % d’énergies renouvelables
partagé entre les salariés (67 %),
la Société civile des lecteurs d’Alternatives Economiques (18 %),                  les deux tiers de la production                 donnerait une occasion de relancer
l’Association des lecteurs (0,5 %),
des anciens salariés (7 %) et des associés extérieurs                              d’électricité du pays, se montrent              le tandem franco-allemand en tant
compagnons de route (7,5 %).                                                       vieillissantes et leur prolongation,            que moteur décisif pour la transition
RC 84 B 221 Dijon, Siret 330 394 479 00043
Ce numéro a été tiré à 3 000 exemplaires                                           comme l’indique ce dossier, pose                énergétique en Europe.
CPPAP : 0324 D 84446
ISSN : 0247-3739
                                                                                   des problèmes en matière de risques
Dépôt légal : juin 2021                                                            et de coûts. Faut-il alors réinvestir           Il n’est désormais plus possible de
Tarif d’abonnement 1 an (11 nos) : 48 €
Imprimé en France/printed in France par Léonce
                                                                                   pour sauver le fleuron industriel               différer la décision en France. L’heure
Deprez (62128 Wancourt), sur papier fabriqué en                                    (et militaire) français et construire           du choix est venue et, avec elle, celle
Allemagne, taux de fibres recyclées : 100 %,
eutrophisation : Ptot : 0,002 kg/tonne de papier                                   de nouveaux réacteurs – et ce                   d’ouvrir la discussion. Ce dossier
© Alternatives Economiques. Toute reproduction,
même partielle, des textes, infographies et
                                                                                   malgré l’échec patent de l’EPR                  entend ainsi contribuer à un débat
documents parus dans le présent numéro est                                         de Flamanville – ou faut-il plutôt              rationnel, pragmatique et démocratique,
soumise à l’autorisation préalable de l’éditeur, quel
que soit le support de la reproduction. Toute copie                                investir massivement pour                       qui, au vu des enjeux, est indispensable
destinée à un usage collectif doit avoir l’accord du
Centre français du droit de copie (CFC) : 20 rue des
                                                                                   atteindre un mix électrique proche              et ne saurait être confisqué par
Grands-Augustins, 75006 Paris, tél. : 01 44 07 47 70,                              des 100 % d’énergies renouvelables ?            quelques-uns au détriment de tous
fax : 01 46 34 67 19.
Alternatives Economiques est membre du collectif                                                                                   les autres. L’avenir de la politique
1 % for the Planet.                                                                Le voisin allemand a fait le choix,             énergétique d’une démocratie
Relations abonnés : 03 80 48 10 25 (8h-12h30 et 13h30-17h)
                                                                                   dès les années 2000, de développer              ne peut se passer ni de l’opinion
12 rue du Cap-Vert, CS40010, 21801 Quetigny Cedex                                  les énergies renouvelables et de sortir         ni de l’implication de ses citoyens.
abonnements@alternatives-economiques.fr
                                                                                                                                                                                 3
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
SÛRETÉ

      Réacteurs : une prolongation
            à hauts risques
                Le manque d’anticipation du vieillissement du parc nucléaire français
                 et les difficultés financières d’EDF ont réduit les marges de sûreté
                                    face au risque d’accident grave.

L         a question de la sûreté nucléaire
          se pose en des termes plus
          compliqués aujourd’hui qu’il
y a trente ans, lorsque la France avait
commencé à développer l’EPR, en pré-
                                              qu’ils atteignent aujourd’hui. Sur les
                                              56 réacteurs actuels, 46 ont été mis en
                                              service entre 1978 et 1988 : la France
                                              est désormais au pied d’une falaise
                                              d’investissements.
                                                                                          puis d’autres ensuite, de telle sorte
                                                                                          que la part du nucléaire dans le mix
                                                                                          électrique de la France se maintienne
                                                                                          à 50 % (contre 70,6 % en 2019).
                                                                                            Les déboires de l’EPR de Flamanville,
vision du renouvellement de ses cen-            Les énormes retards très vite accumu-     dont la mise en service a déjà été déca-
trales, jeunes à l’époque.                    lés sur le chantier de l’EPR ont conduit    lée d’une dizaine d’années, entraînent
  Sur le plan technique, l’EPR reste          dès 2009 EDF à changer de stratégie :       un double problème de sûreté. D’une
dans la continuité des générations            prolonger la durée de vie du parc actuel    part, cette dérive a suscité une révision à
précédentes [1]. Son apport consiste          de quarante à cinquante, voire soixante     la baisse des performances attendues du
en des dispositifs de sûreté renforcés        ans, le temps que de nouveaux réac-         nucléaire neuf face au risque d’accident.
pour d’abord éviter l’accident et ensuite     teurs puissent être construits. Compte      D’autre part, elle conduit au prolonge-
y faire face s’il survient, en intégrant      tenu de la réalité des délais, ils seront   ment inquiétant du nucléaire ancien.
les leçons des expériences passées en         opérationnels au mieux à partir de
France et à l’étranger. La principale         2035, et encore, à condition qu’une           UNE PERTE DE LA CULTURE
menace, la fusion du cœur du réacteur,        décision soit prise rapidement après          DE SÛRETÉ
le percement de la cuve qui le contient       2022. EDF veut construire six nou-            En France, les promesses du nucléaire
et la dispersion de son contenu (comme        veaux EPR dans un premier temps,            neuf ont d’abord été écornées en ce qui
à Fukushima), est ainsi bien mieux trai-                                                  concerne le réacteur de Flamanville lui-
tée. Il en va de même de la protection                                                    même. Les multiples retards et surcoûts
du combustible usé entreposé sous eau                                                     associés sont en large part liés à des opé-
dans les piscines de refroidissement,                                                     rations non conformes traduisant une
un autre maillon faible des centrales                                                     perte de la culture de sûreté. Certaines
actuelles et qui n’avait pas non plus                                                     ont été découvertes par hasard, comme
résisté à Fukushima.                                                                      la fragilité de la fixation du pont de
                                                                                          manutention du combustible surplom-
  LES MÉSAVENTURES DE L’EPR                                                               bant la cuve du réacteur. D’autres ont
  L’EPR de Flamanville, dont le chan-          Les déboires de l’EPR de                   traîné à être signalées à l’Autorité de
tier a été lancé en 2005, devait ainsi                                                    sûreté nucléaire (ASN), voire ont été
préparer la construction puis la mise          Flamanville ont entraîné                   dissimulées. C’est le cas des défauts
en service à partir des années 2020            une révision à la baisse                   du couvercle et du fond de la cuve, qui
d’une nouvelle série de réacteurs pour                                                    amoindrissent la résistance de l’acier
commencer à remplacer les réacteurs
                                               des performances                           aux chocs thermiques, ou encore de sou-
actuels. Leurs éléments non rempla-            attendues du                               dures sur les circuits d’eau sortant du
çables, la cuve notamment, ont en
effet été conçus pour une quarantaine
                                               nucléaire neuf face                        réacteur, dont la réalisation ne respecte
                                                                                          pas le cahier des charges. Ces problèmes
d’années de fonctionnement, un âge             au risque d’accident                       graves ont été traités ou doivent l’être,
4                                                                                                  N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
que le niveau de sûreté de tel ou tel élé-
                                                                                                        ment est si élevé qu’il n’est pas néces-
                                                                                                        saire de prévoir des parades en cas de
                                                                                                        rupture, ce qui représente bien sûr une
                                                                                                        importante économie. Or, c’est préci-
                                                                                                        sément un point sur lequel EDF a failli
                                                                                                        avec son premier EPR. L’ASN doit tran-
                                                                                                        cher ce sujet cet été.

                                                                                                          UNE FRAGILITÉ ACCRUE
                                                                                                          Le retard sur le nucléaire neuf a paral-
                                                                                                        lèlement conduit EDF à demander à
                                                                                                        l’ASN une nouvelle autorisation décen-
                                                                                                        nale [2] pour exploiter les réacteurs ayant
                                                                                                        atteint ou en passe d’atteindre le seuil
                                                                                                        des 40 ans. Est à ce stade concerné le
                                                                                                        parc le plus ancien, celui des 32 réac-
                                                                                                        teurs de 900 MW de puissance qui sont
                                                                                                        déjà parvenus à cet âge ou y seront d’ici
                                                                                                        à 2027. Le principe de cette prolonga-
                                                                                                        tion a été accepté le 23 février dernier
                                                                                                        par l’ASN, après une longue phase d’ins-
                                                                                                        truction, mais les autorisations seront
sauf l’écart au référentiel de sûreté du             EDF veut par ailleurs obtenir de l’ASN             données réacteur par réacteur, au regard
fond de cuve, qui ne pourra jamais être              la reconduction du principe « d’exclu-             du respect d’un important cahier des
résolu, cette partie logée dans un puits             sion de rupture » que l’autorité avait
de béton étant inaccessible. Si cette                accepté à Flamanville pour la réali-               [1] Il s’agit d’un réacteur à eau pressurisée (REP).
pièce a été jugée par l’ASN, après une               sation des fameuses soudures. Cela                 [2] En France, l’autorisation de fonctionnement d’un réac-
                                                                                                        teur est donnée pour dix ans, période renouvelable au
longue et difficile instruction, « bonne             consiste, pour l’exploitant, à démontrer           terme d’une « visite décennale ».
pour le service », elle n’en présente pas
moins un niveau de résistance inférieur
à ce qui était initialement prescrit.
  Les promesses du nucléaire neuf ne
vont pas non plus être tenues en ce qui                     DE QUOI PARLE-T-ON ?
concerne les EPR en projet. Même si                                                                                          civile est sous l’autorité
on les construit en série, leurs coûts                 Sûreté et sécurité nucléaire                                          des préfets. Et la lutte contre
seront trop élevés par rapport aux éner-                 Selon le code de                l’ensemble de la population),       les actes de malveillance
gies renouvelables. Aussi, la concep-                    l’environnement, la sécurité    les actions de sécurité civile      relève du haut fonctionnaire
tion de l’EPR 2 a-t-elle été « simplifiée »              nucléaire comprend              en cas d’accident et, enfin, la     de défense et de sécurité,
                                                         la sûreté des installations     prévention et la lutte contre       placé auprès du ministre
par rapport à Flamanville. Ce réacteur
                                                         nucléaires face au risque       des actes de malveillance.          de la Transition écologique.
aura une enceinte de confinement à
                                                         d’accident (depuis              En France, la responsabilité        Quant au nucléaire militaire,
simple et non double paroi. Au lieu de                   leur conception jusqu’à leur    sur ces sujets est très             il reste le domaine exclusif
quatre systèmes de défense redondants                    démantèlement, en passant       éclatée. L’Autorité de sûreté       de l’armée en dépit
en cas de panne de refroidissement du                    par leur fonctionnement),       nucléaire (ASN), autorité           de l’existence d’impacts
réacteur, l’EPR 2 en comportera trois.                   la protection contre les        administrative indépendante,        sur l’environnement, les
Cela reste toujours mieux que les vieux                  radiations (aussi bien pour     est chargée de la sûreté et         populations et les travailleurs.
modèles, mais c’est un recul par rap-                    les travailleurs du nucléaire   de la radioprotection pour les      C’est notamment le cas
port à ce que l’on pourrait attendre de                  que ceux de la santé et         activités civiles. La sécurité      des anciens essais atomiques.
la sûreté d’un réacteur du XXIe siècle.
N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES                                                                                                              5
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
SÛRETÉ

                                                                           Il n’est évidemment pas prévu de                      Ainsi, même en renforçant les élé-
Malgré les travaux très                                                  doubler l’enceinte de confinement                     ments physiques et une culture de la
                                                                         de ces vieux réacteurs. Leurs pis-                    sûreté, qui pour l’heure laisse à désirer
importants programmés                                                    cines ne seront pas « bunkérisées »                   si l’on en juge par le nombre impor-
sur les réacteurs                                                        et l’ajout d’un système de récupéra-                  tant d’incidents graves rapportés par
anciens, l’objectif de                                                   tion du magma radioactif en cas de
                                                                         fusion du cœur et de percement du
                                                                                                                               l’ASN [4], la prolongation des réacteurs
                                                                                                                               représente une prise de risque accrue.
se rapprocher du niveau                                                  fond de cuve sera moins efficace qu’un                Et ce d’autant plus qu’EDF est inca-
de sûreté d’un EPR                                                       dispositif qui aurait été prévu à l’ori-              pable, sur un plan financier et industriel,
                                                                         gine. Par ailleurs, la prolongation du                de réaliser tous ces travaux au moment
ne pourra être atteint                                                   fonctionnement des cuves, élément                     où ils devront l’être, en raison du trop
                                                                         non remplaçable, accroît leur fragi-                  grand nombre de réacteurs concernés
                                                                         lité. Plus elles sont vieilles, plus les              sur un laps de temps trop court.
charges pour remettre ces vieilles cen-                                  radiations modifient la structure de
trales à niveau, non seulement par rap-                                  l’acier, qui devient davantage sujet à                  INQUIÉTANT ÉTALEMENT
port à leurs normes d’origine, mais aussi                                un risque de fracture en cas de choc                    DANS LE TEMPS
par rapport à des exigences de sécurité                                  thermique, par exemple s’il fallait                     Cette réalité économique a conduit
qui se sont élevées au fil du temps, et                                  refroidir d’urgence le réacteur dans                  l’ASN à consentir un étalement des tra-
particulièrement depuis Fukushima.                                       une situation de panne de refroidis-                  vaux qui va se traduire par des décalages
L’objectif est de se rapprocher du niveau                                sement. Et ce phénomène semble évo-                   qui atteindront plus de huit années pour
de sûreté d’un EPR. Malgré les travaux                                   luer beaucoup plus rapidement qu’on                   20 réacteurs sur 32 entre leur qua-
très importants qui sont programmés,                                     ne l’a calculé au moment où ces cuves                 rantième année de fonctionnement
ce ne sera cependant pas le cas.                                         ont été construites [3].                              et l’achèvement c­ omplet des travaux
                                                                                                                               d’amélioration. Soit une prise de risque
                                                                                                                               supplémentaire considérable, comme l’a
                                                                                                                               dénoncé un rapport de Global Chance
                                                                                                                               à l’attention du Parlement [5]. Et encore
    DE PLUS EN PLUS DE RÉACTEURS TRÈS ÂGÉS                                                                                     faudra-t-il qu’EDF respecte ce calen-
                                                                                                                               drier, ce qui est tout sauf acquis.
    Nombre de réacteurs ayant 40 ans de mise en service ou plus sur la période 2020-2035*
    Source : Alternatives Economiques                                                                                            L’actuelle programmation pluri­
                                                                                                                               annuelle de l’énergie, publiée en
                                                                                                                               2020, prévoit qu’en 2035, 44 réacteurs
    50
                                                                                                                               auront plus de 40 ans, dont 15 plus
                                  Nombre cumulé de réacteurs
                               ayant plus de 40 ans de service*                                                         39     de 50 ans. Ce choix risqué – qui reste
    40                                                                                                                         à valider au cas par cas par l’ASN – le
                                                                                                                               sera encore plus si, en 2035, la France
    30                                                                                                                         devait encore prolonger son vieux parc,
                                                                                                                               faute de capacités de production non
    20
                                                                                                                               fossiles pour assurer la relève. Ce qui
                                                                                 Nombre cumulé de réacteurs             15     arrivera fatalement si elle ne prend pas
                                                                              ayant plus de 50 ans de service*                 à très brève échéance (très vite après
     10
                                                                                                                               la présidentielle) une décision straté-
          9                                                                                                                    gique : construire de nouveaux réac-
      0
                                                                                                                               teurs ou y renoncer et accélérer sur les
      2020      2021      2022      2023   2024   2025   2026   2027   2028   2029   2030   2031   2032   2033   2034   2035
                                                                                                                               renouvelables.            Antoine de Ravignan
                                                                                                                               [3] Voir sur cutt.ly/NnoqLPA
    * Nous avons supposé que la fermeture de douze réacteurs sur les années 2029-2035 inscrite dans la PPE serait              [4] Voir sur cutt.ly/ynoqVr6 et cutt.ly/Bnoq1eX
    effective et répartie de manière homogène sur cette période, en commençant par les unités les plus anciennes.              [5] Voir « Les risques de prolongement de la durée de
    Nous avons également supposé une autorisation de prolongation de l’ASN pour tous les réacteurs.                            fonctionnement des réacteurs de 900 MW d’EDF », Global
                                                                                                                               Chance, cutt.ly/ynoqmMZ

6                                                                                                                                         N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
ne peut garantir une absence de relar-
                                                                                                    gage dans l’environnement. C’est un
                                                                                                    argument fort des opposants au projet
                                                                                                    Cigéo (Centre industriel de stockage
                                                                                                    géologique) dans la Meuse, visant à
                                                                                                    enfouir ces résidus dans une installa-
                                                                                                    tion bétonnée construite à 500 mètres
                                                                                                    sous terre, au cœur d’une couche argi-
                                                                                                    leuse. Un point que ne contestent pas les
                                                                                                    promoteurs de cette solution. Il s’agit de
                                                                                                    construire un stockage le plus résistant
                                                                                                    possible à l’inévitable corrosion liée à
                                                                                                    des infiltrations d’eau dans une couche
                                                                                                    géologique la plus profonde et la plus
                                                                                                    hermétique possible (d’où l’intérêt du
                                                                                                    site retenu pour Cigéo). Ainsi, l’inéluc-
                                                                                                    table relargage d’éléments radioactifs
                                                                                                    qui pourront migrer jusqu’à la surface
                                                                                                    surviendra à des horizons si lointains
                                                                                                    qu’ils auront perdu leur nocivité. C’est
                                                                                                    du moins le pari.

       Déchets :
                                                                                                      Ce projet est pharaonique. Entre le
                                                                                                    moment où débuteront les travaux et
                                                                                                    celui où l’on aura fini de descendre les
                                                                                                    derniers colis de déchets produits par le

   quand les poubelles
                                                                                                    parc actuel de réacteurs, une centaine
                                                                                                    d’années se seront écoulées. Et ce sont
                                                                                                    des milliards et des milliards d’euros

       débordent
                                                                                                    de dépenses. Etudié depuis une tren-
                                                                                                    taine d’années, Cigéo est encore loin
                                                                                                    de voir le jour. Le maître d’ouvrage,
                                                                                                    l’Agence nationale pour la gestion des
                                                                                                    déchets radioactifs (Andra), a déposé
           La France est en train d’adopter son cinquième                                           une demande de déclaration d’utilité
                                                                                                    publique en août 2020, mais son dos-
               plan de gestion des déchets radioactifs.                                             sier a fait l’objet d’un rapport critique
              Leur volume est devenu très préoccupant,                                              de l’Autorité environnementale en jan-
                                                                                                    vier 2021, notamment parce qu’il ne
          en particulier pour les déchets les plus dangereux.                                       présentait pas les études de sécurité
                                                                                                    et que l’étude d’impact était lacunaire
                                                                                                    concernant les situations d’accident.

Q
                                                                                                      Un risque important pendant la phase
          ui dit centrale nucléaire dit              des milliers ou des millions d’années          d’exploitation (entre le moment où l’on
          production de résidus très                 avant de disparaître.                          commencera à descendre les contai-
          radioactifs que sont les assem-                                                           ners de déchets radioactifs et celui où
blages de combustible usé. Ce sont                    ENFOUIR AVEC CIGÉO                            l’on scellera définitivement le stockage)
des tonnes et des tonnes de matières                  Face à de telles échelles de temps,           est l’incendie souterrain. En particu-
radioactives dont la dangerosité va                  aucun mode de confinement de ces               lier, beaucoup de containers enferme-
mettre, selon leur nature, des centaines,            déchets très radioactifs et « à vie longue »   ront des colis bitumineux. Il s’agit de
N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES                                                                                          7
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
SÛRETÉ

boues radioactives issues des activités        Le retraitement                         François Besnus, directeur de l’environ-
de retraitement du combustible usé
pour en extraire du plutonium. Ces
                                               n’a de sens que si la                   nement à l’Institut de radioprotection
                                                                                       et de sûreté nucléaire (IRSN).
boues ont été fixées dans une matrice          production de plutonium                   Il est par ailleurs des déchets pour
de bitume puis conditionnées dans des          a une rationalité                       lesquels il semble parfaitement illu-
fûts d’acier. Environ 11 000 m3 sont                                                   soire d’imaginer une alternative à
entreposés à Marcoule et 2 700 m3 à            économique. Ce n’est                    l’enfouissement définitif, y compris
La Hague. Or, le rayonnement de ces            pas le cas aujourd’hui,                 en se projetant à très long terme. Il
matières radioactives casse les molé-                                                  s’agit des déchets de l’industrie du
cules présentes dans le bitume, ce qui
                                               et cela ne risque pas                   retraitement des combustibles usés,
libère de l’hydrogène, qui peut sponta-        de l’être demain                        pratiqué par la Russie, la France et,
nément s’enflammer et exploser à un                                                    jusqu’à récemment, le Royaume-Uni.
certain niveau de concentration dans                                                   En France, l’extraction à des fins éner-
l’air. Descendre ces fûts en l’état serait   afin que diminuent suffisamment leur gétiques du plutonium contenu dans le
une menace grave et la reprise de ces        radioactivité et le dégagement ther- combustible usé à l’usine de La Hague
conditionnements, à l’étude, représen-       mique associé. Ce n’est pas un choix donne lieu à une énorme concentration
tera des surcoûts conséquents. Cela fait     satisfaisant sur le long terme, mais il de déchets à vie longue extrêmement
partie des sujets en discussion.             laisse une porte ouverte à la recherche radioactifs qui ont été isolés et vitrifiés.
                                             de solutions techniques pour faire dimi- Reprendre et dissoudre les verres de ces
  INGÉRABLES                                 nuer artificiellement la radioactivité. colis vitrifiés pour en extraire et traiter
  Y a-t-il des alternatives à l’enfouis-     De telles solutions ne sont toutefois les radionucléides est mission quasi
sement définitif des déchets radio­          pas imaginables à une échelle indus- impossible. Certains experts très cri-
actifs à vie longue ? Répondre à cette       trielle avant de nombreuses décennies. tiques sur le nucléaire jugent que pour
question conduit à poser celle de la         Souvent évoquée, la séparation-­ cette catégorie de déchets au moins,
nature des déchets produits par l’in-        transmutation, qui consiste à isoler l’enfouissement de type Cigéo est la
dustrie nucléaire.                           puis transformer des éléments à vie moins mauvaise des solutions. Des voix
  A la différence de la France et de         longue en éléments à vie plus courte, très minoritaires chez les écologistes.
la Russie, tous les pays nucléaires          n’existe qu’en laboratoire. Passer à un
considèrent les combustibles usés qui        stade industriel impliquerait des inves-    RECYCLAGE À TOUT PRIX
sortent de leurs centrales comme des         tissements colossaux et cette indus-        Mais pourquoi la France poursuit-elle
déchets ultimes. Ils les entreposent,        trialisation comporterait elle-même le retraitement et, par voie de consé-
en attendant mieux, dans des installa-       de nombreux risques de dissémina- quence, continue-t-elle à produire
tions de surface ou subsurface, après        tion de substances radioactives. « Les ce qu’il y a de pire en matière de
un séjour de quelques années dans            risques pourraient être supérieurs à déchets nucléaires ? Historiquement,
les piscines attenantes aux réacteurs        ceux que l’on cherche à éviter », indique le retraitement visait l’extraction du

 IL Y A MATIÈRE À DÉCHETS                                            métalliques produits lors          du parc actuel de réacteurs.
 La seule partie du combustible   uranium, 94 %. Les 5 %             du cisaillage des assemblages      Si la France devait un jour
 usé que la France qualifie       restants concentrent une           de combustibles, que le projet     abandonner le retraitement,
 de « déchet » est ce qui reste   énorme radioactivité, dont         Cigéo a été conçu. Il a été        les assemblages irradiés sortis
 après récupération des           une fraction importante est        dimensionné pour stocker           de ses réacteurs seraient
 « matières » valorisables :      à vie longue, voire très longue.   les déchets radioactifs à vie      des déchets définitifs. Et donc
 plutonium, 1 % de la masse       C’est pour s’en débarrasser,       longue produits à La Hague         des charges à provisionner et
 des combustibles usés, et        ainsi que des éléments             sur toute la durée de vie          non des actifs inscrits au bilan.

8                                                                                                     N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
LE CYCLE PAS TRÈS CYCLIQUE
     DU COMBUSTIBLE NUCLÉAIRE
                                                                                                                                             Usines Orano de La Hague

     Source : commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires
                                                                                                                                                                   Déchets
                                                                                                     Parc EDF               Piscines                                                               Stockage
                                                                                                                                                               du retraitement
                                                                                                  de 56 réacteurs          réacteurs        Piscines          (actinides mineurs                   définitif
                                                                                                                                           La Hague          et produits de fission)                 (projet)
     Importations                                                                                                                       (saturation 2030)

                                                                                                    30 réacteurs
           UOX                                              UNE                                           +                                                                                      Plutonium
                                                                                                                                                                Retraitement
         (oxyde                                       (combustible                                   4 réacteurs
       d’uranium)                                       à uranium                                     de Cruas                                                                                   Uranium
                                                     naturel enrichi)
                                                                                                    depuis 2013                                                                                  de retraitement

                                                                                                                                                                                                          Depuis
                                                                                                                                                                                                          2013

        Uranium                                             MOX                                     22 réacteurs
        appauvri                                   (uranium appauvri                                                                                                                              Entreposage
                                                     et plutonium)                                  de 900 MW

                                                                                                                                                              Entreposage
                                                                                                                                                               en attente
                                                                                                                                                            (selon perspectives
                                                                                                                                                             de mise en œuvre
                                                                                                                                                                de réacteurs
                                                            URE                                                                                              de 4e génération)
                                                       (uranium de
                                                       retraitement
                                                          enrichi)                                  4 réacteurs
                                                                                                     de Cruas
                                                                                                    (jusqu’en 2013)

                                                                                                                                                                                                    Jusqu’en 2013

plutonium à des fins militaires. Le                                                              Le MOX est un mélange de plutonium                         après réenrichissement de l’uranium
stock militaire étant devenu suffisant                                                         et d’uranium appauvri, ce dernier étant                      de retraitement issu de La Hague. Sa
fin des années 1960, cette production                                                          un sous-produit de la fabrication de                         fabrication pose beaucoup de pro-
a cependant été poursuivie dans les                                                            combustible à base d’uranium naturel                         blèmes et son usage a été abandonné.
années 1970-1980 dans la perspec-                                                              enrichi (UNE, voir encadré ci-dessous).                        Le retraitement, à supposer que l’on
tive d’un usage civil. Le plutonium                                                            En réalité, l’UNE représente l’essen-                        veuille continuer à s’exposer à tous les
peut en effet alimenter les réacteurs                                                          tiel du combustible utilisé dans le                          risques de pollution radioactive qu’il
surgénérateurs, très séduisants sur le                                                         parc français, contre 10 % pour le                           induit, n’a de sens que si la production
plan énergétique, que l’on a cherché à                                                         MOX. Par rapport au combustible à                            de plutonium a une rationalité écono-
industrialiser en France avec le réacteur                                                      base d’UNE, le MOX coûte en effet                            mique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et
Superphénix. Les énormes problèmes                                                             cinq fois plus cher et sa manipulation                       cela ne risque pas de l’être demain, en
de sûreté ont conduit à l’arrêt défini-                                                        impose beaucoup plus de contraintes                          l’absence de perspectives pour la sur-
tif en 1997 de ce qui avait été pensé                                                          en matière de sûreté (il est notamment                       génération. Que l’on soit pro ou anti-
comme une tête de série.                                                                       bien plus radioactif), explique Jean-                        nucléaire, il y a au moins d’horribles
  Cet échec n’a pas fait renoncer la                                                           Claude Zerbib, de l’association Global                       déchets que l’on pourrait cesser de pro-
France au retraitement. D’une part,                                                            Chance. Quant à l’URE, il est obtenu                         duire et ne pas avoir à enfouir.    A. R.
elle n’a jamais abandonné l’idée de
construire des surgénérateurs, même
si le Commissariat à l’énergie atomique
et aux énergies alternatives (CEA) a
annoncé en août 2019 qu’il renonçait à                                                               DE QUOI PARLE-T-ON ?
réaliser le prototype Astrid (un avatar de
Superphénix) « avant la deuxième moitié
                                                                                                 Uranium enrichi et appauvri
de ce siècle ». D’autre part, dans l’attente                                                       L’uranium est un élément             Ces atomes existent                            3 % à 5 %), par le biais de
                                                                                                   naturel contenant                    cependant en quantité                          différents procédés, ce que
d’un déploiement de la surgénération et
                                                                                                   de la matière fissile                insuffisante dans l’uranium                    l’on appelle l’enrichissement.
pour justifier le maintien d’une industrie
                                                                                                   (l’isotope 235), c’est-à-dire        naturel (0,72 %) pour que                      Cet uranium naturel
du retraitement, la France a développé                                                             des atomes instables pouvant         cette réaction nucléaire                       enrichi (UNE) sert à fabriquer
dès les années 1980 un autre débou-                                                                être cassés en deux parties          puisse être entretenue. Il est                 le combustible des réacteurs,
ché pour le plutonium : la fabrication de                                                          radioactives sous l’effet            donc nécessaire d’augmenter                    tandis que l’uranium appauvri
combustibles pour les réacteurs en acti-                                                           d’un flux de neutrons et dégager     la teneur de l’uranium naturel                 est un sous-produit de
vité, le MOX (mixed oxide, en anglais) et                                                          de l’énergie lors de ces fissions.   en isotope 235 (de l’ordre de                  l’opération d’enrichissement.
l’URE (uranium de retraitement enrichi).
N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES                                                                                                                                                                      9
NUCLÉAIRE : LA FRANCE À L'HEURE DU CHOIX
COMPÉTITIVITÉ

              Une industrie
            sans grand avenir
                 Le nucléaire a beau ne pas émettre de CO2,
               c’est une technologie dépassée par l’éolien et
           le solaire. Sa place dans le mix électrique décarboné
                de demain devrait être marginale. Au mieux.

P         eu importe que vous soyez pour ou
          contre le nucléaire. Ce n’est plus
          le sujet. Tout simplement parce
que le nucléaire est devenu hors sujet. »
Mycle Schneider, consultant et coordi-
                                                         Evidemment, quand il n’y a pas de
                                                         vent ou pas de soleil, ces sources ne
                                                         fonctionnent pas. Il faut donc regar-
                                                         der les volumes produits. Depuis 2012,
                                                         la production électronucléaire mon-
                                                                                                                     progressé de 1 522 TWh. En 2019, ins-
                                                                                                                     tallations éoliennes et solaires avaient
                                                                                                                     déjà produit 2 154 TWh.
                                                                                                                       Ces deux sources vont dépasser d’au-
                                                                                                                     tant plus rapidement le nucléaire que
nateur d’un rapport annuel qui fait réfé-                diale a de nouveau progressé, après                         sa reprise depuis 2012 va s’essouffler.
rence sur l’état de l’industrie nucléaire                avoir atteint un maximum historique                         Sur 325 TWh de hausse, 250 TWh sont
dans le monde [1], cite deux chiffres. En                en 2006 et reculé ensuite. Elle avait                       le fait de la seule Chine. Or, dans l’em-
2020, entre mises en service et arrêts                   presque retrouvé en 2019, avant la                          pire du Milieu, l’essor rapide de ces
définitifs de réacteurs, les capacités                   crise du Covid, son point haut de 2006,                     dernières années semble déjà toucher
nucléaires nettes à l’échelle de la planète              près de 2 800 TWh [3], soit 10,3 % de                       à sa fin. En effet, c’est le résultat d’une
ont progressé de 0,4 GW. De leur côté,                   la demande électrique mondiale (les                         forte croissance de la construction de
les capacités électriques renouvelables                  énergies fossiles comptant pour 62,8 %                      réacteurs dans ce (seul) pays durant
ont augmenté de 260 GW (un nouveau                       et les renouvelables, hydraulique y                         les années 2000 et qui a culminé en
record malgré le Covid), le solaire et l’éo-             ­compris, pour 26 %). De 2012 à 2019,                       2010. Depuis, le nombre des mises en
lien représentant 91 % de ce total [2].                   la production des réacteurs en activité                    chantier a été divisé par deux, ce qui
  Ces deux données disent assez                           a crû de 325 TWh. Mais, dans le même                       va mécaniquement se traduire dans
bien dans quel sens pousse le vent.                       temps, celle des éoliennes et du solaire a                 les années 2020 par une progression

HORMIS LA CHINE, LE MONDE NE CONSTRUIT PRATIQUEMENT PLUS DE RÉACTEURS
Nombre de mises en chantier de nouveaux réacteurs chaque année dans le monde entre 1951 et 2020
Source : WNISR
                                                              44
     40

                                                                                        Chine          Autres pays
     30

     20
                                                                                                                                            15
     10                                                                                                                                             10    8
                                                                                                                                                                    6 5
      0
          1951   1955    1960       1965        1970       1975       1980       1985           1990        1995     2000     2005         2010          2015         2020

10                                                                                                                            N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES
PEU D’OPPORTUNITÉS
                                                     À L’INTERNATIONAL
                                                     Même à supposer que la construction de nouveaux réacteurs redémarre
                                                     à l’international, il y a peu de chances que la France en profite. La Chine a jusqu’ici
                                                     poursuivi une stratégie de maîtrise technologique pour fournir son propre marché.
                                                     Mais avec le développement de son réacteur Hualong (« dragon » en chinois) et
                                                     d’autres succès comme la construction de deux EPR en joint-venture avec la France,
                                                     elle démontre son savoir-faire au reste du monde. Elle est devenue un dangereux
                                                     compétiteur de l’Hexagone, notamment au Royaume-Uni, qui réfléchit à la mise
                                                     en chantier de nouvelles unités. Quant à la France, avec ses contre-performances
                                                     sur les chantiers de l’EPR à Flamanville et en Finlande, elle a perdu de son aura. Elle
                                                     avait déjà raté le contrat avec Abu Dhabi en 2009 face à la Corée du Sud, et cherche
                                                     désespérément depuis 2008 à vendre six EPR à l’Inde, qui préfère investir dans
                                                     du solaire et de l’éolien deux à trois fois moins chers, ou passer des contrats avec
                                                     la Russie pour ses centrales nucléaires. Le coût de l’EPR français ou son équivalent
                                                     américain (AP1000) s’élève entre 7 500 et 10 500 dollars le kilowatt, contre 2 800
                                                     à 5 400 dollars pour le Hualong chinois, l’APR1400 coréen ou le VVER-120 russe [1].
                                                     [1] L’Usine nouvelle, cutt.ly/enqQ5zt

beaucoup plus faible de la produc-          production de l’EPR de Flamanville                    nucléaire occupe en définitive une place
tion d’origine nucléaire, tandis que        pourrait se situer entre 110 et 120 €/                marginale dans le mix électrique mon-
les renouvelables poursuivent leur          MWh [4]. Mais selon les bilans des appels             dial décarboné de demain. Son impor-
ascension fulgurante. Pire, la pour-        d’offres de la Commission de régulation               tance (très relative) dépend par ailleurs
suite des mises en chantier est deve-       de l’énergie (CRE) [5], les prix de vente             des efforts qui seront faits ou non sur
nue très incertaine.                        de l’électricité s’établissaient en 2020              les économies d’énergie. Selon le scé-
                                            à 59,50 €/MWh pour l’éolien terrestre                 nario de l’Irena paru au printemps et
  UNE QUESTION DE COÛTS                     et 52,60 €/MWh (parcs au sol de puis-                 construit sur une hypothèse raisonnable
  Cette évolution n’a rien de surprenant. sance supérieure à 5 MW). EDF, qui                      de maîtrise de la demande énergétique
Alors que la meilleure prise en compte veut construire une première série de                      totale [7], la production d’électricité
des risques du nucléaire en accroît les six EPR, mise à terme sur des coûts de                    devrait tripler et couvrir la moitié des
coûts et la complexité                                          70 €/MWh (avec une                besoins énergétiques mondiaux en 2050
industrielle, l’éolien                                          estimation de 85 €/               (contre un cinquième aujourd’hui). Mais

                                          0,4 GW
et le photovoltaïque                                            MWh pour les trois                dans ce mix électrique de demain, le
– beaucoup plus                                                 premières unités).                nucléaire ne compterait que pour 4 %,
modulables, faciles à                                           En France, la baisse              contre 90 % pour les renouvelables.
maîtriser et à instal-                                          maximale de coûts                   Le nucléaire est clairement sans réelles
                            C’est la progression des
ler, dont les marges                                            par rapport à une                 perspectives face à la concurrence du
                            capacités nucléaires nettes
de progression sont                                             tête de série jamais              solaire et de l’éolien qui le cantonne
                            enregistrée dans le monde
encore très impor-                                              observée a atteint                à un rôle d’ajustement de l’offre à la
                            en 2020, contre + 260 GW
tantes avant que leur                                           16 % [6]. Et si ces nou-          demande d’électricité. Reste une ques-
                            pour les renouvelables.
variabilité ne puisse                                           veaux EPR voient le               tion : est-il seulement nécessaire pour
plus être gérée par                                             jour, ce ne sera pas              gérer les fluctuations des productions
les capacités pilotables existantes – ont avant 2035, tandis que les renouve-                     éolienne et solaire ? Viser un mix élec-
vu ces deux dernières décennies leurs lables auront entre-temps encore vu                         trique 100 % renouvelable ne serait-il
coûts s’effondrer au fur et à mesure leurs coûts baisser.                                         pas une meilleure option ?           A. R.
de leur développement. Aux Etats-
                                                                                                  [1] « World Nuclear Industry Status Report », www.world
Unis, le coût de production moyen du          UN RÔLE D’AJUSTEMENT                                nuclearreport.org
nucléaire neuf, fin 2019, est estimé          Sur le long terme, même lorsque                     [2] Irena, cutt.ly/VnqWn0j
                                                                                                  [3] « BP Statistical Review of World Energy », cutt.ly/
par le cabinet Lazard à 155 $/MWh les scénarios prospectifs lui font une                          qnqWRmB
(117 $/MWh en 2015), contre 40 $/ place, c’est le cas des travaux du Giec,                        [4] Cour des comptes, cutt.ly/HnqWhQc
MWh pour le photovoltaïque (65 $ en de l’Agence internationale de l’éner-                         [5] www.cre.fr/Documents
                                                                                                  [6] Global Chance, cutt.ly/8nqWplR
2015) et 41 $ pour l’éolien terrestre gie (AIE) ou de l’Agence internationale                     [7] La consommation mondiale d’énergie finale baisserait
(55 $ en 2015). En France, le coût de des énergies renouvelables (Irena), le                      de 8 % d’ici à 2050. Voir cutt.ly/vnqWyxC

N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES                                                                                                     11
COMPÉTITIVITÉ

                               100 % renouvelable,
                                 c’est possible !
             Répondre à la demande d’électricité sans émettre de CO2 et sans nucléaire
         à l’horizon 2050 : un choix qui tient la route, techniquement et économiquement.

L          a France est à un tournant.
           Grâce au poids du nucléaire, sa
           production d’électricité émet
très peu de CO2. Mais ses réacteurs sont
âgés. Et même si l’Autorité de sûreté
                                                      engagé mi-2019, à la demande de
                                                      l’exécutif, une étude de deux familles
                                                      de scénarios, avec ou sans nucléaire à
                                                      l’horizon 2050. Fin janvier 2021, il a
                                                      remis un premier rapport sur la faisa-
                                                                                                  développement de moyens pour s’as-
                                                                                                  surer que l’offre répondra en perma-
                                                                                                  nence à la demande : stockage (moyens
                                                                                                  hydrauliques, batteries…), capacités
                                                                                                  supplémentaires de puissance pilo-
nucléaire devrait valider leur prolon-                bilité technique [1] d’un mix électrique    table (centrales à biogaz ou hydrogène
gement de dix ans, il n’y a aucune dis-               100 % renouvelable, qui était une condi-    vert…), flexibilisation dans la mesure
cussion sur le fait que quasiment aucun               tion dirimante. Viendra cet automne un      du possible de la demande (pour réduire
ne fonctionnera encore en 2050, date à                second rapport sur l’évaluation écono-      les besoins de capacités à la pointe),
laquelle la France est supposée atteindre             mique, sociétale et environnementale        meilleure connexion des réseaux élec-
la neutralité climatique*. D’où la ques-              des deux grandes options sur la table.      triques. Il faudra, ensuite, développer
tion : par quoi les remplacer au cours                                                            des systèmes pour garantir la stabilité de
des trente prochaines années, sachant                                                             la fréquence de l’onde électrique sur le
qu’il est exclu de recourir à des techno-                                                         réseau (50 Hertz), aujourd’hui assurée
logies émettant du CO2 ?                                                                          par la rotation des alternateurs des cen-
                                                                                                  trales classiques. S’ajoutent également
  DES INVESTISSEMENTS                                                                             des besoins d’adaptation du réseau et,
  NÉCESSAIRES                                                                                     enfin, de capacités de réserve en cas
  Faut-il, comme le veulent EDF et la
majorité de la classe politique, lancer
                                                       Les gains économiques                      de défaillance.
                                                                                                    Tous ces impératifs techniques repré-
un programme de construction de nou-                   à attendre d’un scénario                   sentent des coûts, même si tous ne sont
veaux réacteurs ? Ou doit-on s’appuyer                 « avec » nucléaire par                     pas additionnels. Sans nucléaire ou avec,
sur les seules énergies renouvelables                                                             des réserves opérationnelles sont néces-
pour atteindre un « mix électrique »                   rapport à un scénario                      saires. Et une large partie du réseau,
décarboné ? En sachant qu’il serait                    « sans » sont faibles                      construite avant les années 1970, va
essentiellement fondé sur des sources                                                             devoir de toute façon être renouvelée.
variables et non pilotables (l’éolien et                                                            Quel serait alors le coût total d’un
le solaire), compte tenu des potentiels                 Le rapport technique de RTE abou-         système électrique décarboné avec un
limités de développement des autres                   tit aux mêmes conclusions qu’une            peu, pas mal ou pas du tout de nucléaire
filières, comme l’hydraulique.                        étude de l’Ademe de 2015 [2] : un sys-      en France ? En attendant de voir ce
  Ce débat ultrasensible en France                    tème électrique 100 % renouvelable          qu’en dira cet automne l’étude très
semble enfin progresser. L’opérateur                  avec une forte pénétration de sources       attendue de RTE, les travaux menés par
public RTE (Réseau de transport d’élec-               variables peut répondre à chaque ins-       l’Ademe en 2015 et en 2018 [3] ainsi que
tricité, détenu à 50,1 % par EDF) a                   tant t à la demande. S’il n’y a pas d’im-   ceux d’une équipe du Cired en 2020 [4]
                                                      passe techno­logique, des actions très      donnent déjà des éléments de réponse.

*   Neutralité climatique : état où les émissions
de gaz à effet de serre ne dépassent pas la capture
du CO2 (par les forêts notamment).
                                                      importantes sont toutefois à mener
                                                      dans quatre domaines, prévient
                                                      RTE. D’abord, et principalement, le
                                                                                                    En 2015, l’Ademe avait déjà modélisé
                                                                                                  le coût d’un système 100 % renouve-
                                                                                                  lable en 2050. Il atteindrait, sur la base
12                                                                                                         N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES
sont faibles : 14,5 % du total. Quant au
                                                                                                                             mix optimal, il fait apparaître une part
                                                                                                                             d’ENR de 75 %. Le nucléaire n’y a de
                                                                                                                             place que si la tonne de CO2 dépasse
                                                                                                                             100 euros, seuil au-delà duquel les
                                                                                                                             centrales à gaz avec capture du CO2 ne
                                                                                                                             sont plus compétitives. Et encore. Car
                                                                                                                             les chercheurs du Cired ont retenu les
                                                                                                                             hypothèses de coût du JRC, le centre
                                                                                                                             scientifique lié à la Commission euro-
                                                                                                                             péenne, très optimistes pour le nucléaire
                                                                                                                             neuf : une baisse de 50 % par rapport
                                                                                                                             aux coûts d’investissement des trois EPR
                                                                                                                             actuellement en construction en Europe.
                                                                                                                             Si l’on retient une baisse de 40 %, ce
                                                                                                                             qui serait déjà beaucoup, le nucléaire
                                                                                                                             est éliminé du mix optimal, indiquent
                                                                                                                             les chercheurs.
d’une consommation de 422 TWh [5],                   le coût total d’un scénario électrique
50,4 milliards d’euros par an (11,9 cts              100 % renouvelable (optimalement                                         INCERTITUDES
par kWh). Soit un coût quasiment égal                composé de 57 % d’éolien et de 31 %                                      Beaucoup d’incertitudes pèsent sur
à celui d’un système décarboné où le                 de solaire) atteint, hors coûts de réseau,                              deux variables clés de l’équation : la
nucléaire atteindrait 50 % (49,5 mil-                5 centimes par kWh. Soit autant que le                                  demande électrique future et les coûts
liards d’euros/an). En revanche, pour                système actuel. A noter que les coûts de                                du nucléaire de demain. Mais ces
un système 100 % renouvelable avec                   gestion de la variabilité de la production                              études, comme d’autres, n’en délivrent
peu d’efforts sur la demande (hypothèse                                                                                      pas moins un message clair : la place du
d’environ 500 TWh/an), le coût annuel                                                                                        nucléaire dans un mix électrique opti-
pour les Français atteindrait 63,6 mil-
                                                     ÉOLIEN ET SOLAIRE DOMINENT                                              mal est faible et les gains économiques à
liards d’euros (12,5 cts par kWh).                   DANS UN MIX 100 % RENOUVELABLE,                                         attendre d’un scénario « avec » par rap-
  Publiée trois ans plus tard, une autre             MAIS LE COÛT DE STOCKAGE EST FAIBLE                                     port à un scénario « sans » sont minces.
étude de l’Ademe a tourné autrement                  Répartition de la production par source et répartition                  Si le nucléaire ne doit jouer qu’un rôle
                                                     des coûts entre production et stockage dans
la question : quel serait le système                 un système électrique 100 % renouvelable optimal                        d’appoint, est-il bien justifié au regard
électrique le moins coûteux à ces hori-              en France à l’horizon 2050, en %                                        de l’énorme appareil industriel qu’il
zons ? Conclusion : en 2050, pour une                Source : Cired
                                                                                                                             mobilise ? Et si les gains économiques
demande située entre 430 TWh et                       46,4 %                                                        10,6 %   à attendre sont réduits (à supposer qu’ils
                                                      Eolien terrestre                                     Eolien offshore
600 TWh par an, le bouquet optimal                                                                                           existent), peuvent-ils encore être oppo-
serait celui où les renouvelables attein-                                                                                    sés aux risques ? Il est tout sauf certain
                                                                                                                    31,2 %
draient 85 %. A l’horizon 2060 : 90 %.                                                                     Photovoltaïque    que la France ait intérêt à construire de
Inversement, décider de la construction                                                                                      nouveaux réacteurs.                   A. R.
d’une quinzaine d’EPR se traduirait à cet
horizon par un surcoût de 39 milliards                2,9 %                                                         8,9 %    [1] RTE, voir cutt.ly/vnqR9uf et cutt.ly/WnqR5Qt
                                                      Biogaz                                              Hydroélectricité   [2] Voir « Demain, 100 % d’électricité renouvelable ? »,
d’euros par rapport à un scénario de                                                                                         juin 2015, alternatives-economiques.fr, cutt.ly/CnqThAb
sortie progressive du nucléaire.                                      Coût total : 21,4 Mds €/an, soit 52 €/MWh              [3] Voir cutt.ly/dnqTnSd
                                                                       (hors coûts de transport de l’électricité)            [4] Voir cutt.ly/mnqTUSZ et cutt.ly/TnqTDOM
  En 2020, deux nouvelles modélisa-
                                                                                                                             [5] Contre environ 480 TWh ces dernières années (2015-
tions publiées par des chercheurs du                                                                                14,6 %   2019). Le scénario de l’Ademe à 2050 assume ainsi une baisse
                                                                                                                Stockage
Cired ont également jeté un pavé dans                 85,4 %                                                                 de la consommation d’électricité (422 TWh) et diverge de
                                                      Production                                                             celui de la Stratégie nationale bas carbone, qui envisage
la mare. En 2050, pour une hypothèse                                                                                         une hausse importante non seulement de la consommation
                                                                                                                             directe (510 TWh à cet horizon), mais aussi de la produc-
de demande correspondant au scénario                                                                                         tion (600 à 650 TWh, contre 540 TWh actuellement) pour
de référence de l’Ademe (422 TWh),                                                                                           alimenter une filière hydrogène.

N° 414 BIS JUILLET 2021 / ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES                                                                                                                                   13
Vous pouvez aussi lire