Orchestre Philharmonique de Radio France - Si l'Orchestre m'était conté - Maison de la Radio

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Orchestre Philharmonique de Radio France - Si l'Orchestre m'était conté - Maison de la Radio
© Jean-François Leclercq
                               © Svetlin Roussev

Orchestre Philharmonique
de Radio France
Si l’Orchestre m’était conté
Antonio Vivaldi / Astor Piazzolla
Les Saisons

Nancy Huston auteur et récitante
Svetlin Roussev violon et direction

Dossier de préparation au concert du 7 mars 2o14

                                                   Ambassadeurs de l’UNICEF
Orchestre Philharmonique de Radio France - Si l'Orchestre m'était conté - Maison de la Radio
Si l’Orchestre m’était conté
                                                            Les Saisons
                                                        Vivaldi / Piazzolla

                                  Concert du 7 mars 2014
15h30 – Salle Pleyel
Nancy Huston, auteur et récitante
Svetlin Roussev, violon et direction
Orchestre Philharmonique de Radio France

Concert réservé aux classes de CM1-CM2-6e-5e

En coproduction avec France Culture. Date de diffusion à venir.

Ce concert sera également diffusé sur France Musique

                                            Orchestre Philharmonique de Radio France
                                                             Programme pédagogique

                                                  Cécile Kauffmann-Nègre, responsable
                                Tél. 01 56 40 34 92, cecile.kauffmann@radiofrance.com

                             Myriam Zanutto, professeur-relais de l’Education nationale
                                  Tél. 01 56 40 36 53, myriam.zanutto@radiofrance.com

                               Floriane Gauffre, chargée des relations avec les publics
                                  Tél. 01 56 40 35 63, floriane.gauffre@radiofrance.com

                                                                          Pièce 10424
                                                    116, avenue du Président Kennedy
                                                                 75220 Paris Cedex 16

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Orchestre Philharmonique de Radio France - Si l'Orchestre m'était conté - Maison de la Radio
Venir au concert

Accueil des classes à partir de 14h45

Durée estimée : environ 1h

                                                                  A votre arrivée,
                                                     présentez-vous au guichet
                                        pour retirer vos billets et votre facture.

Lors du placement, veillez à
répartir les accompagnateurs
au milieu des élèves
pour un encadrement efficace.

                                                        Rappelez à vos élèves
                                       la nécessité d’une attention soutenue,
                                           tant pour la qualité de leur écoute
                                           que pour le respect des musiciens.

                                   2
Sommaire

Les deux œuvres                                                            p. 5
  I. Le Quattro Stagioni, Antonio Vivaldi
     A. Il Cimento dell’ harmonia e dell’ invenzione
     B. Qu’est-ce qu’un concerto ?
 II. Las Cuatro Estaciones Porteñas, Astor Piazzolla

Musique à programme ou musique descriptive ?                               p. 7
 I. Vivaldi, Les Quatre Saisons : une musique à programme
      A. Principe de l’œuvre
      B. Correspondances texte/musique – Activités pédagogiques
 II. Piazzolla, Les Quatre Saisons de Buenos Aires : une musique descriptive
      A. A chacun son interprétation
      B. Quatre saisons. Quatre tangos
          1. A propos du tango
                a. Origines
                b. Caractéristiques musicales
          2. Quatre saisons, quatre atmosphères
                a. “ Verano Porteño”- L’Eté de Buenos Aires
                b. “Otoño Porteño” - L’Automne de Buenos Aires
                c. “Primavera Porteña” - Le Printemps de Buenos Aires
                d. “Invierno Porteño” - L’Hiver de Buenos Aires

Ce que vous allez entendre au concert                                      p.16
   I. L’effectif instrumental
   II. Le déroulement du concert
   III. Le regard de nos artistes sur cette création
          A. Svetlin Roussev
          B. Nancy Huston

Contextes…                                                                 p. 20
 I. Vivaldi
      A. Musical
      B. Scientifique
      C. Littéraire
      D. Historique et politique

                                         3
II. Piazzolla
        A. Historique, économique, social
        B. Musical
        C. Pictural
        D. Littéraire

Musique populaire et musique savante                                    p. 25
 I. Vivaldi : musique savante
 II. Piazzolla : musique populaire et savante
        A. Un environnement musical hétérogène
        B. « La grande révélation de ma vie »
        C. Le bandonéon

Deux modernistes                                                        p. 29
 I. Vivaldi
        A. Le concerto de soliste
        B. L’écriture pour violon : virtuosité et expression
        C. Toutes sortes de concertos, pour tous les instruments !
 II. Piazzolla
        A. Le style Piazzolla
             1. L’écriture
             2. Le rythme
        B. Le « tango nuevo »
        C. Pourquoi tant de passion ?

Sources et prolongements : bibliographie, sitographie, discographie     p. 33

Annexes
Annexe 1 : Les sonnets accompagnant la partition                        p. 36
Annexe 2 : Idées d’exploitations pédagogiques                           p. 37
Annexe 3 : Les thèmes de la musique descriptive et leurs compositeurs   p. 39
Annexe 4 : Vivaldi en quelques dates                                    p. 40
Annexe 5 : Piazzolla en quelques dates                                  p. 41

Le concert                                                              p. 42
Svetlin Roussev, violon et direction
Nancy Houston, auteur et récitante
Orchestre Philharmonique de Radio France

Des livres, disques et DVD pour mieux connaître                         p. 45
l’Orchestre Philharmonique de Radio France

Ce dossier a été réalisé par Myriam Zanutto

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Les deux œuvres

Les Quatre Saisons de Vivaldi comptent parmi les œuvres les plus populaires
de la musique classique. Dans les années 60, Astor Piazzolla compose Les
Quatre Saisons Portègnes1 – que l’on peut aussi nommer Les Quatre Saisons
de Buenos Aires. Deux siècles et demi séparent ces œuvres.

I. Le Quattro Stagioni (Les Quatre Saisons), Antonio
   Vivaldi (1678-1741)
       A. Il Cimento dell’ harmonia e dell’ invenzione (opus 8, 1725)

Les Quatre Saisons sont tellement populaires et ancrées dans notre
“inconscient musical collectif” que nous employons ce titre comme s’il ne
désignait qu’une seule œuvre. Il s’agit en réalité des quatre premiers
concertos pour violon d’un recueil
qui en comporte douze. Ce recueil
s’intitule Il Cimento dell’ harmonia e   Concerto n°1: « Primavera » - Le Printemps
dell’ invenzione, ce qui signifie en     mi majeur, op.8, R. 269
                                         Allegro     Largo      Allegro
français       “Le   combat2     entre
l’harmonie et l’invention”. Ce titre     Concerto n°2: « L’Estade » - L’Eté
résume presque à lui seul le             sol mineur, op.8, R. 315
                                         Allegro non molto        Adagio      Presto
paradoxe baroque : confrontation
entre raison (symbolisée ici par         Concerto n°3 : « L’Autunno » - L’Automne
l’harmonie) et imagination, entre        fa majeur, op.8, R. 293
                                         Allegro     Adagio molto       Allegro
technique et inspiration, cadres
formels et inventivité, à laquelle se    Concerto n°4: « L’Inverno » - L’Hiver
                                         fa mineur, op.8, R. 297
frottent tous les artistes de cette      Allegro non molto       Largo     Allegro
époque.

1
    portègne : adjectif dérivé de Porteño. Un Porteño est un habitant de Buenos Aires.
2
    ou encore : la lutte, le duel

                                                         5
B. Qu’est-ce qu’un concerto ?

Les philologues et musicologues se disputent quant à l’étymologie du terme
“concerto”. Ce mot vient du latin, certes, mais de concertare, ou de
conserere ? “Lutter” ou “unir” ? Ce n’est au fond pas la peine d’en venir aux
mains… Les deux se justifient : les groupes instrumentaux luttent ensemble,
mais finissent par s’unir au sein d’une même forme musicale.
Un concerto oppose deux ou plusieurs masses instrumentales de volume
inégal. Cette forme est partie du concerto grosso (un petit groupe de solistes
+ le “gros des forces orchestrales”) pour en arriver, avec Vivaldi, au concerto
de soliste encore en vigueur aujourd’hui (un instrument soliste + un orchestre).

II. Las Cuatro Estaciones Porteñas (Les Quatre Saisons de
Buenos Aires), Astor Piazzolla (1921-1992)

Entre 1965 et 1970, Astor Piazzolla compose Las Cuatro Estaciones Porteñas
(“Les Quatre Saisons Portègnes” ou “Les Quatre Saisons de Buenos Aires”),
pour son Quinteto Nuevo Tango (violon, piano, guitare électrique,
contrebasse et bandonéon).
Cette œuvre est à présent présentée comme une Suite, mais n’a pas été
                                     conçue comme telle par Piazzolla. Il a
                                     tout    d’abord       composé     “Verano
    “Verano Porteño”                 Porteño” en 1965 (“L’été de Buenos
    “L’été de Buenos Aires”          Aires”), qui était à l’origine destinée à
                                     accompagner une pièce de théâtre3 ;
    “Otoño Porteño”                  ont suivi “Otoño          Porteño”, 1969
    “L’automne de Buenos Aires”      (“L’automne        de    Buenos    Aires”),
                                     “Primavera       Porteña”,    1970    (“Le
    “Primavera Porteña”              printemps de Buenos Aires”) et enfin
    “Le printemps de Buenos Aires”   “Invierno Porteño”, 1970 (“L’hiver de
                                     Buenos Aires”). Cet ordre n’est pas
    “Invierno Porteño”
    “L’hiver de Buenos Aires”        immuable : les pièces peuvent être
                                     interverties, ou jouées séparément.

3
    Une pièce du dramaturge et comédien argentin Alberto Rodriguez Muñoz.

                                                      6
Musique à programme ou musique
 descriptive ?

 La musique descriptive s’attache à évoquer – ou parfois imiter – des
 phénomènes naturels, des événements, des personnages, des lieux ; elle
 renvoie à un élément extramusical. On l’oppose à la musique “pure” qui,
 elle, ne contient aucune référence extramusicale.
 La musique à programme dépasse la seule inspiration descriptive en ceci
 qu’elle implique une histoire, une évolution dans le temps.
 Camille Saint-Saëns, en composant “Poules et Coqs” (extrait du Carnaval
 des Animaux) n’a pas cherché à évoquer musicalement l’évolution de
 l’apparence de la poule (ses premières rides, le ternissement de sa crête,
 etc.) au cours de sa vie, ni ses états d’âmes face à la complexité de ses
 rapports avec le représentant mâle de la basse-cour… Maurice Ravel, dans
 ses Jeux d’eau, s’inspire « du bruit de l'eau et des sons musicaux que font
 entendre les jets d'eau, les cascades et les ruisseaux », mais ne raconte
 aucune histoire.

I. Vivaldi, Les Quatre Saisons : une musique à
   programme
    A. Principe de l’œuvre
 Le principe des Quatre Saisons est simple : un concerto, une saison. Nos
 quatre concertos de Vivaldi s’inscrivent bien dans le domaine de la musique
 à programme puisque le compositeur s’applique à nous décrire
 musicalement l’évolution du cycle des saisons. Il s’appuie pour cela sur un
 support littéraire - quatre sonnets – dont on ignore s’il en est ou non l’auteur.
 La partition de chaque saison (de chaque concerto) est précédée du
 sonnet correspondant, dont la quasi intégralité des vers est reportée sur les
 parties instrumentales (au-dessus des notes de musique).

    B. Correspondances texte/musique
 NB : Les indications de minutage correspondent à l’enregistrement de l’Academy of St
 Martin in the Fields, dir. Neuville Mariner, violon Alan Loveday, disponible gratuitement sur
 Youtube : http://www.youtube.com/watch?v=ByZx6oBd4yA

                                                 7
VIVALDI - Concerto n°1 : “Primavera” - Le Printemps

 Mouvements                    Texte du sonnet                                   Texte du sonnet                                                  Correspondances musicales
                                   (en italien)                                  (traduction française)

                   Giunt’è la Primavera e festosetti               Voici le Printemps,                                A Ritournelle/refrain au tutti : thème joyeux et serein ; tonalité majeure (mi M) ;
                                                                                                                      registre aigu ; nuance forte ; thème joué 2 fois (la 2de en écho, nuance piano)
1er
mouvement          La salutan gl’augei con lieto canto,            Que les oiseaux saluent d’un chant joyeux.         B Solo 1 : Canon entre violon soliste et violons 1 et 2. Trilles, registre très aigu,
                                                                                                                      rythme rapide en doubles croches.

                   E i fonti allo Spirar de’zeffiretti             Et les fontaines, au souffle des zéphyrs,          C Tutti : broderies répétées, nuance piano, registre médium, souffle très doux.
Allegro            Con dolce mormorio Scorrono intanto;            Jaillissent en un doux murmure.

                   Vengon’ coprendo l’aer di nero                  Ils viennent, couvrant l’air d’un manteau          D Tutti : nuance forte, trémolos dans le grave, rythme très rapide (triple croches),
                   amanto                                          noir,                                              gammes ascendantes
mesure :           E Lampi, e tuoni ad annunziarla eletti          Le tonnerre et l’éclair messagers de l’orage.      Solo 2 : triolets rapides en arpèges (triples croches aussi) ; le tutti, menaçant,
4 temps                                                                                                               ponctue en trémolos quand le soliste se tait.
(4/4)
                   Indi tacendo questi, gli August                 Enfin, le calme revenu, les oisillons              E. Solo 3 : notes répétées (stabilité) suivie d’une gamme chromatique ascendante,
                   Tornan di nuovo al lor canoro incanto.          Reprennent leur chant mélodieux.                   trilles ; tonalité mineure, nuance piano. Canon avec les violons 1.
                                                                                                                                                                           * tutti : l’orchestre dans sa totalité
Activités
Musique : relever les correspondances texte/musique ; chanter le thème ; frapper le rythme caractéristique (croche deux doubles) ; acquérir le vocabulaire spécifique.
Français : à l’aide du dictionnaire, trouver la signification du mot “zéphyr” (situer dans le temps ; effectuer une recherche afin de pouvoir raconter un épisode mythologique
dans lequel il apparaît) ; relever tous les mots relevant de la saison du printemps ; découper temporellement le sonnet (3 moments) et trouver l’adverbe indiquant que tout
revient “à la normale”.
Arts visuels et Histoire des arts : effectuer des recherches sur les représentations iconographiques de Zéphyr et les comparer.
Géographie : savoir situer l’Italie et la Grèce.

                                                                          VIVALDI - Concerto n°2 : “L’Estade” - L’Eté

 Mouvements                         Texte du sonnet                                       Texte du sonnet                                             Correspondances musicales
                                        (en italien)                                      (traduction française)

                    Ah che pur troppo i Suo timor Son veri                  Ah, ses craintes n’étaient que trop vraies,       Tutti : thème impétueux, registre grave, tonalité mineure (sol m), nuance
3e mouvement
                    Tuona e fulmina (il Ciel e grandioso                    Le ciel tonne et fulmine (et la grêle             forte. Trémolos rageurs (précédés d’un saut d’8ve inférieure). Caractère
Presto              Tronca il capo alle Spiche e a’ grani alteri.)          Coupe les têtes des épis et des tiges.)           renforcé par l’unisson du tutti (toutes les cordes jouent les mêmes notes).
mesure : 3 temps    NB : ne sont reportés sur la partition que les mots     NB : ne sont reportés sur la partition que les
(3/4)               en gras.                                                vers en gras.

                                                                                                          8
VIVALDI - Concerto n°3 : “L’Autunno” - L’Automne

 Mouvements                 Texte du sonnet                          Texte du sonnet                                            Correspondances musicales
                                (en italien)                        (traduction française)

                   Celebra il Vilanel con balli e Canti   Par des chants et par des danses,      A. Tutti : thème très joyeux, vif, entraînant ; registre aigu ; tonalité majeure (fa M) ;
                   Del felice raccolto il bel piacere     Le paysan célèbre l’heureuse récolte   nuance forte ; thèmes joué 2 fois (la 2de en écho, nuance piano).

                   E del liquor de Bacco accesi tanti     Et la liqueur de Bacchus               Solo : plusieurs moments illustrant les différents états de l’ébriété.
                                                                                                 - arpèges descendants et ascendants → euphorie (à 1mn 02sec);
                                                                                                 - gammes descendantes encore plus rapides (triples croches) → chutes ? (à 1mn 10sec)
1er mouvement                                                                                    - entrecoupé de moments où le violon se fait plaintif, rythme plus lent (croches), tonalité
                                                                                                 mineure → attendrissement, épanchements affectifs ? (à 1mn 28 sec).
                                                                                                 - notes en contretemps (le temps fort est marqué par le violoncelle et clavecin), un peu
Allegro                                                                                          incertaines → démarche titubante ? élocution difficile ? (à 1mn 55sec)

mesure : 4 temps   Finiscono col Sonno il lor godere.     Conclut la joie par le sommeil.        - Tempo ralenti, rythme lent (notes tenues) ; tonalité mineure ; nuance piano ; intervalles
(4/4)                                                                                            disjoints → bâillements ? (à 3mn 26sec)
                                                                                                 - longues notes tenues en descente chromatique ; nuance pianissimo → lutte vaine contre
                                                                                                 le sommeil, qui se profile... inexorablement… (à 4mn 07sec)
                                                                                                 - note tenue pendant 20 temps → le sommeil est là (à 4mn 22sec)
                                                                                                 - Tutti : soudain, reprise du thème initial, de son tempo vif, de sa nuance forte →
                                                                                                 l’ivrogne se réveille-t-il brusquement pour continuer la fête ou bien l’attention se reporte-
                                                                                                 t-elle sur les autres villageois, alors qu’il dort d’un sommeil pesant ? (à 4mn 46sec)

Activités
Musique : relever les correspondances texte/musique ; chanter le thème, en réalisant un travail d’interprétation sur l’effet d’écho (forte/piano) ; frapper le rythme
caractéristique (croche deux doubles) et faire le rapprochement avec celui du 1er mouvement du Printemps ; acquérir le vocabulaire spécifique.
Français : chercher la signification du mot “Bacchus” (être capable de raconter un épisode mythologique dans lequel il apparaît) et trouver son correspondant grec ; relever le
vocabulaire illustrant la saison de l’automne ; travailler sur le vocabulaire exprimant l’état d’ébriété, puis essayer de placer les mots sur la musique (ou l’inverse, commencer
par écouter, réfléchir au vocabulaire).
Arts visuels et Histoire des arts : effectuer des recherches sur les représentations iconographiques de Bacchus.
Histoire et géographie : les mythes antiques ont-ils perduré après la christianisation du monde gallo-romain ?
Sciences expérimentales et technologie : pourquoi de nombreuses récoltes s’effectuent-elles en automne ?

                                                                                             9
VIVALDI - Concerto n°4 : “L’Inverno” - L’Hiver

 Mouvements                 Texte du sonnet                             Texte du sonnet                                                 Correspondances musicales
                                (en italien)                            (traduction française)

                   Aggiacciato tremar trà nevi algenti   Trembler violemment dans la neige étincelante,      A. Tutti : entrée en canon (fuguée) ; notes répétées avec un petit trille sur chaque ;
                                                                                                             tonalité mineure (fa m) → frissons. Petits sauts pour se réchauffer ?

1er mouvement

                   Al Severo Spirar d’orrido Vento,      Au souffle rude d’un vent terrible,                 B. Solo 1 : arpèges suivis de gammes descendantes sur un rythme rapide (triples
Allegro non                                                                                                  croches) → bourrasques de vent glacial.
molto

                   Correr battendo i piedi ogni          Courir, taper des pieds à tout moment               C. Tutti : trémolos (à 4mn 22sec) → course, sauts sur place.
mesure : 4 temps   momento;
(4/4)

                   E pel Soverchio gel batter i denti;   Et, dans l’excessive froidure, claquer des dents;   D. Tutti + violon solo (en doubles cordes) : trémolos (en triples croches) et dans
                                                                                                             l’extrême aigu, âpres malgré la nuance piano → claquements de dents.

Activités
Musique : relever les correspondances texte/musique ; percevoir l’écriture fuguée ; repérer les différents effets de l’écriture violonistique (tremolos, trilles...) ; acquérir le
vocabulaire spécifique.
Français : relever les adverbes et adjectifs qui renforcent la sensation de froid ; rédiger un petit récit sur le même modèle, exprimant cette fois-ci la chaleur pesante de l’été.

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II. Piazzolla, Les Quatre Saisons de Buenos Aires : une
    musique descriptive

    A. A Chacun son interprétation
  Une œuvre descriptive peut imiter un phénomène sonore (chant d’oiseau,
scène de chasse, scène de guerre…). Mais imposer l’imitation acoustique
comme principe musical serait trop restrictif. Nous pouvons aussi décrire
musicalement un phénomène silencieux (comme le fait Debussy avec ses
Nuages) ou même une idée. Un propos peut à la fois être descriptif et
abstrait.
   Les Quatre Saisons de Buenos Aires n’est pas une œuvre qui imite –
d’ailleurs, comment “imiter” une ville ? Il s’agirait plutôt d’une évocation des
différentes atmosphères de la capitale argentine en fonction des différentes
saisons. Ou peut-être Piazzolla nous donne-t-il à entendre sa lecture, son
ressenti face à sa capitale, en fonction de la manière dont il vit les saisons.
  Peut-être encore a-t-il voulu jouer sur la notion de climat : climat
atmosphérique, climat urbain... Nous pourrions pousser jusqu’à climat social,
en le reliant au contexte historique mouvementé qui régnait à Buenos Aires
dans les années 60.
    A la lecture du titre, nous pourrions aussi penser que Piazzolla nous propose
une version tango des concertos de Vivaldi. Un arrangement, un remix. Ou
bien qu’il s’est amusé à injecter des citations des thèmes de Vivaldi à
l’intérieur de ses pièces. Il n’en est rien4.
   De toute façon, inutile de se perdre en conjectures diverses… Aucun
argument littéraire, aucune note d’intention ne vient préciser sa démarche.
Et c’est très bien ainsi !

    B. Quatre saisons. Quatre tangos

      1. A propos du tango

          a. Origines

A partir du XIXe siècle, le port de Buenos Aires connaît une extraordinaire
croissance démographique. Venues d’Europe mais aussi des provinces
argentines, des foules démunies convergent vers la capitale : créoles
argentins ou uruguayens, immigrés européens principalement issus du
pourtour méditerranéen, gauchos de la pampa argentine.... De ce

4
  Las Cuatro Estaciones porteñas ont été transcrites de nombreuses fois, pour des formations musicales très
variées. Dans certains arrangements figurent des citations de thèmes de Vivaldi, non présentes dans la version
originale de Piazzolla.

                                                     11
métissage va naître une musique et une danse où se mélangent les rythmes
du candomble africain, la milonga argentine, la habanera cubaine, le
flamenco, la valse et la mazurka. Peu à peu, le tango parviendra à réaliser
une alchimie entre les nostalgies, les espoirs des étrangers et ceux des
hommes venus de l’intérieur du pays. Entre douleur et déracinement, il
exprimera ce qui est perdu pour toujours.
Dans les années 1870, le tango se danse dans les milieux de la prostitution
ainsi que dans les conventillos5 (du mot convento, couvent). Ces vastes
immeubles souvent insalubres, où s’entassent les familles les plus pauvres, ont
été le berceau populaire de cette musique.

          b. Caractéristiques musicales

C’est le rythme qui va fédérer tous ces éléments disparates. Le tango
emploie le rythme de la habanera (cf. Carmen) ; la variation de ce rythme6,
avec son accentuation caractéristique 123 123 12 ; la formule du choro
brésilien.
  • La mesure : à 4 temps (4/4, 2/4, 4/8)
  • De nombreuses marches harmoniques, sur le schéma II V I, le II étant
      toujours mineur (même pour moduler en majeur) et attaqué
      disjointement.
  • Le mode mineur

       2. Quatre saisons, quatre atmosphères

Parmi les points communs entre l’écriture de Piazzolla et celle de Vivaldi
figurent des changements fréquents de tempo, de forts contrastes de
nuances, l’emploi de la virtuosité, la présence d’unissons revigorants et, enfin,
des passages lents très expressifs.
Mais – et là, nous sommes bien dans le tango – ces passages expressifs sont
déchirants, poignants voire tragiques, souvent associés à une rythmique libre,
une pulsation non identifiable – et là, nous sommes bien chez Piazzolla... C’est
une musique théâtrale, qui exprime des sentiments exacerbés.
L’atmosphère de chacune des pièces n’est jamais franchement joyeuse, ni
complètement triste, ce qui est aussi une des caractéristiques de la musique
de tango : le tragique et la joie se côtoient et s’interpénètrent. Piazzolla
bouscule le tango traditionnel en y incorporant de petites piques grinçantes,
mordantes, parfois agressives qui font que, sur l’ensemble des quatre
morceaux, nous sommes toujours sur le qui-vive.

5
   En 1904, il y avait à Buenos Aires 2468 conventillos abritant 133 188 personnes, soit 14% de la population
urbaine.
6
   Dans le cas d’une mesure à 4 temps, le 3e temps ne sera pas marqué. S’il s’agit d’une mesure à 2 temps, c’est le
  d
2 temps qui est muet.

                                                       12
Certains éléments musicaux sont récurrents d’une saison à l’autre :
      • de fréquents unissons
      • la variation : dès qu’un thème est repris, il est présenté de façon
        différente.
              o changement de registre : repris une octave plus haut ou plus bas
                (dans l’aigu ou dans le grave)
              o changement d’instrument : le thème, joué au bandonéon, sera
                joué la seconde fois au violon.
                Dans le cadre d’une version pour ensemble à cordes, le thème est
                joué initialement par l'ensemble des cordes, puis sera repris au
                violon solo (ou vice versa).
              o Thème ornementé : broderies, appogiatures, digressions
              o le rythme du tango (123 123 12) : jamais présent d’un bout à l’autre
                du morceau, il apparaît par moments, de façon plus ou moins
                évidente.
      • des effets percussifs saisissants, réalisés par les cordes qui, par moments,
        jouent presque le rôle d’une batterie.

NB : Les indications de minutage correspondent à l’enregistrement de Piazzolla disponible
gratuitement sur Youtube : http://www.youtube.com/watch?v=x6Jv_JrjJIY

              a. “Verano Porteño” - L’Eté de Buenos Aires

Atmosphère : électrique, sombre, agressive, tendue, brusque, âpre etc.
Alternance avec des passages langoureux.

                                                       ECOUTER ET REPERER

                      Ce qui frappe l’oreille                                             Dans un second temps

- effets percussifs (chicharra7 + con legno). Présence d’une        - à 6’57, on souffle un peu (marches harmoniques) mais pas
batterie légère. Thème au bandonéon.                                pour longtemps…
- de 5’14 à 6’57 : de plus en plus angoissant, grinçant,            - 7’10 : la tension revient, accords dissonants.
dissonant : amplification (nuance, registre)                        - 7’40 : rythme implacable de la contrebasse (en noires)
- à 7’40 partie lente : bandonéon très expressif, avec              - 8’ modulation très abrupte (au ½ ton inférieur), donc
beaucoup de glissades et de rubato. Passage nostalgique.            perturbante.
- 8’49 : aïe!                                                       - 9’03 la contrebasse quitte ses noires pour devenir plus
- à partir de 9’29 : climat délirant, perçant (glissandi),          rythmique.
effrayant, hypnotique.

                                   Activité : chanter le début du thème de la partie lente.

7
    Chicharra (criquet) : effet percussif qui consiste à frotter les cordes du violon entre le chevalet et le cordier.

                                                                   13
b. “Otoño Porteño” - L’Automne de Buenos Aires

Atmosphère : plus légère (ça swingue), mais toujours un peu grinçante
(dissonances + chicharra), parfois romantique (cadences du bandonéon et
du violon), plaintive (“sanglots” des passages lents).

                                                    ECOUTER ET REPERER

                 Ce qui frappe l’oreille                                            Dans un second temps

- effets percussifs: chicharra au violon solo.               - mélange net : influence musique savante (présence des cadences)
- thème léger, avec des accents très marqués et des          et jazz (accompagnement très syncopé, accents).
notes piquées. Thème qui swingue.                            - dissonances dans les accords de l’introduction (frottement de ½
- à 15’23 : accord dissonant au piano.                       ton entre 1ers et 2ds violons)
- présence de deux cadences (15’36 au bandonéon et à         - rythme tango quasiment absent : on l’entend une fois 8 mesures
17’24 au violon), à la manière des concertos de la           (1ère fois à 15’20, avant la 1ère cadence à la contrebasse (sur pédale
période romantique.                                          de la) et au piano.
- 15’49 partie lente intimiste                               - forme plus complexe : intro A1 cadence B1 A2 cadence B2
- forme différente : il y a plus de 3 parties (pas             Pont A3
seulement A B A).                                            A chaque nouvelle présentation (A2, B2 ou A3), les thèmes sont
- 18’10 contrebasse : glissandi puis pizz.                   variés et/ou transposés, ou présentés à différents instruments.

                    Activité : travailler et refrapper le rythme de la chicharra de l’introduction

          c. “Primavera Porteña” - Le Printemps de Buenos Aires

Atmosphère : intense vitalité, avec quelques éléments venant “déglinguer” le
tout (accords dissonants, glissandi et chicharra grinçants...).

                                                    ECOUTER ET REPERER

          Ce qui frappe l’oreille                                            Dans un second temps

- effets percussifs aux cordes : percussion    - paradoxe : printemps, mais tonalité mineure (sol m)
sur éclisse8, col legno9, chicharra.           - forme : A       B     A      (Vif Lent Vif).
- beaucoup de glissandi descendants : au                       1’50 3’18
violon (à 1’02, à 1’44...), à la contrebasse     Si on compare au concerto, les 3 mouvements sont en un seul.
(de 2’41 à 3’)                                 - écriture : au début, thème entendu au violon solo, puis aux violoncelles, puis aux
- passages en unisson (de 0’40 à 1’, à         1ers violons. Écriture contrapuntique (horizontale), les 3 groupes d’instruments
1’46, à 3’33...) conclusif.                    sont très bavards. Chacun parle dans son coin, mais ce n’est pas pour autant la
- passages en homorythmie10                    cacophonie (Cf définition du contrepoint selon Piazzolla dans l’encadré du chap.
- accords perçants et dissonants (de 3’18      “Deux modernistes”, II. A. 1.)
à 3’33)                                        - rythme : à 0’40, quand la contrebasse entre*, c’est sur un rythme stable, en
- contrastes de nuances (f, puis p)            noires (Cf chap. “Deux modernistes”, II. A. 2.). Le rythme du tango apparaît
- changements de tempi                         enfin, aux autres instruments à cordes (sauf contrebasse et soliste). Puis on
                                               l’entend bien à la contrebasse, juste avant la partie lente.
                                               - à 1’50 partie lente : très libre, on ne peut plus battre la mesure.
                                               - contrebasse : passage pizz/arco
                                               * mélodiquement (en jouant des notes) ; avant, elle est percussive.

             Activité : frapper le rythme du tango pour pouvoir le repérer ensuite dans la musique.

8
   Les éclisses sont les fines planchettes de bois formant le côté de l’instrument (la tranche).
9
  Col legno : frapper les cordes avec la baguette de l’archet, et non avec les crins.
10
   Homorythmie : tous les instruments jouent le même rythme.

                                                               14
d. “Invierno Porteño” - L’Hiver de Buenos Aires

Atmosphère : la structure (l’architecture, la forme) “hachée” de cette pièce
installe un climat instable, renforcé par une écriture très libre du violon (on
dirait presque, parfois, des cadences accompagnées). Cette atmosphère
s’éclaircit sur la fin du morceau, avec un clin d’œil évident à Pachelbel (son
fameux Canon) et une écriture contrapuntique travaillée.

                                                   ECOUTER ET REPERER

                       Ce qui frappe l’oreille                                           Dans un second temps

- alternance des tempi / alternance des parties                         - forme rondo : alternance refrain / couplets
- le thème est présenté à chaque fois à des instruments différents et   → A1 (thème) B (1er couplet) A2 (thème) C (2e
dans des registres différents :                                         couplet) A3 D A4 E etc.
à 20’13 : à l’unisson
à 20’50 : au piano                                                      - à 22’05 : piano, violon et bandonéon se taisent. Juste
à 22’05 : au violoncelle                                                contrebasse + guitare.
à 24’15 : bandonéon + violon (tempo vif)
etc.

- à 25’12 : coda. Tonalité majeure (mib M) → éclaircie.
Clin d’œil au Canon de Pachelbel (c’est presque une citation). La
phrase de 4 mesures sera répétée 6 fois (24 mesures), à chaque fois
variée. Écriture contrapuntique.

Activité : chanter le thème du refrain. Puis, lors de l’écoute, lever le doigt lors qu’il apparaît ; chanter le
thème du Canon de Pachelbel, l’écouter, puis comparer avec la fin de l’”Invierno”.

                                                               15
Ce que vous allez entendre au concert

   I. L’effectif instrumental

L’Orchestre Philharmonique de Radio France présentera un arrangement de
Ludovic Michel, pour ensemble à cordes. L’effectif instrumental est constitué
de 21 instruments, dont 20 instruments à cordes frottées et un instrument à
cordes pincées :
     - 10 violons (5 violons1, 5 violons 2)
     - 4 altos
     - 4 violoncelles
     - 2 contrebasses
     - 1 clavecin (cordes pincées)
A cette formation s’ajoute un violon solo et une récitante.

Activités : effectuer des recherches sur la famille des instruments à cordes afin d’identifier
les cordes frottées, pincées et frappées ; réfléchir à ce qu’implique cet arrangement : qui va
remplacer le bandonéon ?

   II. Le déroulement du concert

                                                      Au     regard    de     l’essence
                                                      narrative de ces huit Saisons, il
   Vivaldi     Le printemps / 1. Allegro
   Piazzolla   L’été à Buenos Aires                   était naturel de demander à un
   Vivaldi     L'été / 3. Presto                      auteur d’écrire une histoire
   Piazzolla   L'automne à Buenos Aires               inspirée des différents climats
   Vivaldi     L'automne / 1. Allegro                 émanant      de    ces     pièces.
   Piazzolla   L’hiver à Buenos Aires                 Création littéraire donc, mais
   Vivaldi     L’hiver / 1. Allegro non molto
   Piazzolla   Le printemps à Buenos Aires            aussi recréation musicale, par le
                                                      biais de ce nouvel arrangement
                                                      des Saisons de Piazzolla.

Les extraits de Vivaldi auront également une autre saveur du fait de l’effectif
instrumental réduit (par rapport à la version originale de Vivaldi).

                                                16
III.Le regard des artistes sur cette création

      A. Svetlin Roussev
      Voyager dans les saisons

 Svetlin Roussev, vous êtes violon solo de l’Orchestre Philharmonique de Radio France et vous êtes à
l’origine de ce programme associant Antonio Vivaldi et Astor Piazzolla. Quatre saisons chez l’un et
l’autre, mais deux mondes radicalement différents : un univers bucolique et un univers urbain, le
monde européen et l’Amérique latine, et deux siècles et demi d’écart !

- « L’idée de ce concert était de faire voyager le public entre ces deux univers. Vivaldi,
lorsqu’il écrit ses Quatre saisons, a des images précises à l’esprit. Nous les connaissons grâce
à quatre sonnets qu’il a écrits lui-même. Celui qui évoque le printemps décrit le chant joyeux
des oiseaux, le souffle de l’air doux, puis un orage, suivi rapidement par le retour du chant
des oiseaux et du murmure des feuillages. Un orage traverse aussi l’évocation de l’été dans
le sonnet suivant, qui s’ouvre sur le tableau de la nature se desséchant sous l’air trop chaud.
L’automne montre l’homme célébrant les fruits de la moisson, se régalant de vin, partant
chasser le gibier au son des cors, et des aboiements des chiens. L’hiver, enfin, est vent glacé,
froid redoutable, douceur du feu quand la pluie se déverse au dehors, et glissades sur le sol
gelé, redoutable pour le marcheur, qui dérape, tombe et se relève, tandis que les vents font
rage. Tout cela est suggéré dans la musique. On entend les oiseaux, la glace qui craque …
Les saisons de Piazzolla font référence à Vivaldi, mais elles sont urbaines. Ce sont quatre
saisons de Buenos Aires.
Ainsi, au cours du concert, il faut imaginer qu’il y a huit saisons différentes, celles écrites pour
et dans l'hémisphère sud, et celles écrites sous le soleil de l'Italie, dans l'hémisphère nord.
Celles de la ville et celles de la campagne, celles empreintes de danse urbaine, le tango, et
se référant aux relations entre hommes et femmes, et celles plus descriptives de la nature et
se référant plutôt au rapport entre l'homme et la nature. »

Pourquoi cet hommage à Vivaldi d’Astor Piazzolla ?

- « Le monde de Piazzolla est celui d’un tango revisité par la musique classique, ce que l’on a
appelé le « nuevo tango ». Vous connaissez l’anecdote ? On raconte que Piazzolla, qui
cherchait sa voie comme compositeur, était allé voir Nadia Boulanger dans les années 50.
Nadia Boulanger était une grande personnalité auprès de qui des compositeurs et des
interprètes du monde entier venaient travailler. Elle a été éblouie le jour où elle a entendu
Piazzolla jouer sur son bandonéon. Elle l’a poussé dans cette voie. Les Cuatro Estaciones
porteñas s'ouvrent de manière classique, avant d'introduire brusquement des rythmes de
tango. Je fais du tango depuis plus de quinze ans, j’ai fondé le groupe Tanguisimo. J’aime
cette musique. Elle est un enrichissement indéniable pour un artiste classique. Le tango laisse
une grande liberté. Sur une base rythmique fixe, les instruments disposent d’une grande
flexibilité. C’est aussi une école de sensualité. »

- Vivaldi et Piazzolla, c’est aussi un même bonheur de la virtuosité ?

« Les Saisons de Piazzolla sont extrêmement virtuoses, avec des portamentos, ces passages
où le doigt glisse d’une note à une autre. Il y a aussi la technique chicharra. Chicharra veut
dire « criquet » et l’effet est celui de l’insecte. L’archet racle la corde sous le chevalet. Il existe
différentes versions des saisons de Piazzolla. Nous les donnons aujourd’hui dans une nouvelle
version, écrite spécialement pour moi par Ludovic Michel.
Les Saisons de Vivaldi sont aussi un défi pour le violon, avec toutes sortes d’effets que
réclame le compositeur. Nous les jouerons comme à l’époque, sans chef. L’orchestre suit le

                                                  17
premier violon. C’est une pratique difficile, mais qui conduit à une écoute encore plus
grande des musiciens les uns par les autres. Jouer sans chef c’est faire comme de la musique
de chambre, mais à l’échelle d’un nombre plus important d’instrumentistes. C’est un
moment merveilleux pour des musiciens d’un orchestre symphonique. »

      B. Nancy Huston
      « Je me suis transformée en chef d’orchestre »
Pour Nancy Huston, littérature et musique sont indissociables. L’une et l’autre se sont ancrées dès
l’enfance et elles sont dans son œuvre très étroitement liées. Comme la quête de soi, la filiation, les
rapports entre les deux sexes, la musique est une dimension profonde de son écriture :« simplement
parce que cela occupe une grande place dans ma vie, que je fréquente beaucoup de musiciens et qu'il
existe une analogie entre le respect du tempo, de l'esprit, de l'humeur d'un morceau de musique et le
respect que l'on doit à ses héros" a confié Nancy Huston à l’Express en 1999. Plus de saisons, créé
aujourd’hui, est un texte écrit pour les Saisons de Vivaldi et Piazzolla.

Nancy Huston, vous avez écrit Plus de saisons pour un concert jeune public dont le programme trouve
sûrement en vous des résonances particulières : Vivaldi, Piazzolla. On sait que la musique baroque
est l’un de vos domaines de prédilection. La musique d’Amérique latine vous est également proche.
On pense par exemple à la capoeira brésilienne qui joue un rôle important dans votre dernier
roman Danse Noire. Qu’est-ce qui vous touche dans ces répertoires précisément ?

- « Je pense que ces musiques incarnent deux élans contradictoires en moi : disons très
sommairement la tête et le corps, ou le besoin de structure et le besoin de liberté. J'ai
découvert la musique baroque à New York vers l'âge de 17 ans et, à une époque où la
jeunesse s'éclatait, se défoulait avec Joplin, Hendrix, etc., je me suis mise à étudier le
clavecin et à pratiquer cette musique hyper-contrôlée, hyper-civilisée, tout en douceur et en
harmonies rassurantes. Mais, parallèlement, j'étais fascinée par l'intensité de l'univers musical
latino : la samba, le tango, le flamenco, plus tard le fado. Ces musiques déchirantes,
dansantes, souvent liées à la mélancolie, à la lutte érotique et à la mort, m'ont attirée
comme une espèce de territoire interdit. »

Comment Vivaldi et Piazzolla vous vous ont-ils portée dans l’écriture de ce texte ?

- « Cela faisait de longues années que je n'avais pas lu une partition d'orchestre, et quelle joie
de découvrir que je savais encore le faire ! Enfermée dans mon bureau, je me suis
transformée en chef d'orchestre, dirigeant cette musique (que je recevais par casque à fort
volume) avec de grandes gesticulations des bras, me laissant emporter par "la geste" des
deux compositeurs. Et, bien sûr, une fois dedans, je me suis aperçue que la dichotomie
tête/corps ne tenait pas : Vivaldi est hautement émotif, et Piazzolla, très structuré, très pensé.
J'ai éprouvé un plaisir tout particulier à écrire le texte V - la scène où Violine voit Jean Brun
partir à la chasse dans le brouillard du petit matin - sur la partie lente de l'Automne de
Vivaldi, à coordonner le déploiement des mots comme s'ils étaient une ligne musicale pure,
exactement superposée à la parole des instruments. »

Plus de saisons s’entend comme un conte contemporain, plein d’humour mais grave, sur
l’enfance moderne, sur la solitude et l’ouverture au monde. Votre Aurore est une Belle au
bois dormant moderne, sans prince charmant. Elle vit dans une cité et se réfugie dans ses
rêves. On sourit parce que vous prenez à rebrousse-poil avec drôlerie et finesse les clichés du
conte : la princesse s’ennuie, elle s’empiffre de Nutella, comme Raiponce – ou comme la
Mélisande de Debussy, elle « laisse descendre ses cheveux tout le long de la tour ». Mais le

                                                  18
fond du propos est violent : grandir, pour une enfant d’aujourd’hui, c’est renoncer au rêve ?
Briser le miroir en y jetant un sécateur ?

- « Je tenais à préserver une tension entre Violine et Aurélie, les héroïnes médiévale et
contemporaine, qui correspondent aux musiques ancienne et moderne. Il ne fallait ni
idéaliser le passé, être dans la nostalgie, l'idée d'un âge d'or révolu, ni, à l'inverse, se dire qu'à
l'époque moderne tout va bien, qu'on a résolu tous les problèmes et guéri toutes les injustices.
A force de faire l'aller-retour entre ces deux univers, on s'aperçoit que chacun a ses dièses et
ses bémols ! En fait bien sûr, Violine est un rêve ou un fantasme d'Aurélie, grâce auquel elle
s'échappe d’un quotidien banal, mais les deux fillettes se ressemblent de plus en plus à
mesure qu'on avance dans l'histoire : on se rend compte que Violine n'a pas vraiment de
frères et sœurs ; que son père a beau être le roi, il est moins présent, moins attentif et
sympathique que la mère d'Aurélie, et ainsi de suite. »

Votre texte est intitulé Plus de saisons. Comment entendre ce « plus » ?

- « Pour ma part je l'entends sans ambiguïté au négatif (les saisons disparaissent), et non à
l'augmentatif (il y en a de plus en plus). Je l'entends comme ces gens qui disent en
soupirant: "Ah là là ! On ne sait pas comment s'habiller, il n'y a plus de saison !" Les avantages
de la modernité sur le plan politique – l'éducation des filles, notamment ! – s'accompagnent
de graves inconvénients sur le plan écologique. En raison de la manière agressive dont
l'homme s'est mis à exploiter les richesses de la Terre, de nombreuses espèces sont en voie de
disparition, le climat se réchauffe, on a introduit dans notre environnement un déséquilibre
dangereux. Sans vouloir leur faire peur (!), j'ai pensé que les enfants même petits pouvaient
capter la gravité de cette situation et l'importance d'agir pour préserver la planète ! «

Souvent dans vos livres la musique est évoquée directement. On pense bien sûr à votre roman
Instrument des ténèbres, à Prodige, à Danse noire.
Ici, pas de musique, sinon le chant des oiseaux et le bruissement des abeilles dans le rêve ; et
dans le petit appartement de la cité où habite Aurore, le seul fond sonore de la circulation
automobile. Pourquoi?

- « Les musiques de Vivaldi et de Piazzolla étaient tout autour, ce n'était pas la peine d'en
rajouter ! Le texte baigne littéralement dans la musique. Et j'espère qu'il est lui-même musical,
par ses rythmes, ses reprises.... On verra bien, sur scène ! »

Où est la musique dans l’enfance d’aujourd’hui ?

- « Il est évident que grâce aux médias, grâce à la technologie moderne, les enfants de nos
jours ont un accès à la musique qui est sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Ils sont
gâtés même comparés à ceux de ma génération : en tapotant simplement sur un clavier, ils
peuvent écouter, sans même déranger leurs parents, des musiques de tous genres et de
toutes époques ! C'est bien sûr un grand enrichissement mais on court peut-être le risque, ici
comme ailleurs, de rester à la surface, c'est-à-dire passer à côté de ce que la musique peut
nous apporter de plus profond : sacralisation des instants, ritualisation du quotidien,
émerveillement devant des beautés rares.

                                                            Propos recueillis par Laetitia Le Guay

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Contextes…

I.      Vivaldi
           A. Musical
 La période baroque s’étend du début du XVIIe siècle jusqu’à la moitié du
 XVIIIe siècle. Vivaldi, le “Prêtre roux” vénitien, a donc vécu et composé sur la
 fin de cette période. Citons quelques-uns de ses éminents collègues
 contemporains : Bach et Teleman en Allemagne, Haendel et Purcell en
 Angleterre, Couperin et Rameau en France.
 Le baroque musical est né avec la monodie accompagnée et l’invention de
 la basse continue11. Le stile antico – style antique – hérité de la Renaissance
 et le stile moderno – style moderne – coexistent, mais s’opposent. Le stile
 antico demeure polyphonique12 tandis que le stile moderno émane de la
 monodie accompagnée13. La basse continue assume désormais la continuité
 harmonique, libérant ainsi la mélodie, qui va pouvoir donner libre cours à
 l’expressivité et la virtuosité. La musique doit désormais représenter les
 sentiments que le texte exprime, elle doit être “affective”, se concentrer sur
 l’émotion.
 Cette caractéristique s’étendra à la musique instrumentale par le biais des
 instruments solistes et la forme du concerto de soliste, fixée par Vivaldi.
 Parallèlement vont se préciser différents styles musicaux : italien, français et
 allemand, perméables les uns aux autres mais avec leurs spécificités propres.
 Bach, à travers son œuvre monumentale, sera celui qui effectuera la
 synthèse de tous ces styles.
           B.     Scientifique
 Vivaldi a vécu à une époque marquée par de grandes découvertes
 scientifiques :

 11
    Basse continue : partie de basse instrumentale confiée à un instrument polyphonique (qui peut jouer des
 accords → orgue, clavecin, guitare, luth…) renforcé par un autre instrument au timbre grave (violoncelle,
 basson…). Cette basse sert de guide pour que les autres parties instrumentales puissent improviser un
 accompagnement.
 12
     Polyphonie : musique où se font entendre simultanément plusieurs parties différentes, mélodiquement
 indépendantes.
 13
    Monodie accompagnée : mélodie chantée par une seule voix (ou plusieurs à l’unisson) accompagnée d’un ou
 plusieurs instruments. Les éléments essentiels en sont le récitatif et l’aria. Par extension, le terme de monodie
 s’applique aussi à tout solo instrumental, accompagné ou non, et destiné au concert ou à la musique de chambre.

                                                       20
• en 1687, dans son ouvrage Philosophiae naturalis principia mathematica,
   Isaac Newton énonce sa loi de la gravitation universelle14 : la gravité est
   la force responsable de la chute des corps et du mouvement des corps
   célestes. Autrement dit, la chute de la fameuse pomme et le mouvement
   circulaire de la Lune autour de la Terre sont causés par la même force : la
   gravité. Les lois physiques valables à la surface de la terre sont valables
   également dans l'univers entier. Ce principe aura un énorme
   retentissement, dans le domaine de la philosophie comme celui des arts
   en général.
   N’oublions pas enfin la révolution scientifique qu’a représentée, deux
   siècles auparavant (XVe-XVIe siècle), la théorie de l’héliocentrisme de
   Copernic, défendue et développée ensuite par Galilée (XVIe-XVIIe s) et
   sans laquelle Les Quatre Saisons n’auraient peut-être pas existé… ou pas
   de la même manière.
 • en 1660, Antoni van Leeuwenhoek15, élabore son “microscope simple” –
   les premiers microscopes du XVIIe siècle étaient peu efficaces voire
   défaillants, faisant ainsi progresser de façon décisive l’histologie et
   l’anatomie pathologique. Il observe des micro-organismes inconnus
   jusqu’alors (protozoaires, spermatozoïdes, bactéries, globules rouges...).
   Clifford Dowell16, trois siècles plus tard, le considérera comme le « père de
   la protozoologie et de la bactériologie ».

          C. Littéraire
 • de 1765 à 1770, Jean-Jacques Rousseau rédige Les Confessions. Entre
   autres idées se trouve celle selon laquelle aucune vertu ne peut exister
   sans plaisir des sens, pensée que l’on peut rapprocher de l’esthétique
   baroque.

     “Les climats, les saisons, les sons, les couleurs, l'obscurité, la lumière, les éléments, les
     aliments, le bruit, le silence, le mouvement, le repos, tout agit sur notre machine, et sur
     notre âme [...]”
                                                                          Les Confessions, Livre IX

     Il est à noter que Rousseau, également musicien, compose en 1775 Le
     Printemps di Vivaldi, transcription pour flûte traversière du premier
     concerto des Quatre Saisons.
 • en 1719, Daniel Defoe publie Robinson Crusoé, roman dans lequel le
   rapport à la nature est abordé sous l’angle de la domestication : l’Homme
   peut se rendre maître de la Nature, en utiliser ses ressources et
   l’aménager selon ses besoins. Robinson parvient à la rendre “commode
   et agréable”.

14
   Loi de la gravitation universelle : deux corps quelconques s'attirent en raison directe de leur masse et en raison
inverse du carré de la distance de leurs centres de gravité.
15
   Antoni van Leeuwenhoek (1632-1723) : artisan drapier et naturaliste hollandais.
16
   Clifford Dowell (1886-1949) : protozoologiste anglais.

                                                        21
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