Outre mont Royal 1694-1875 - Ludger Beauregard - Érudit
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Document generated on 07/14/2022 5:11 p.m. Histoire Québec Outre mont Royal 1694-1875 Ludger Beauregard Volume 8, Number 2, November 2002 De La Rochelle au Témiscouata URI: https://id.erudit.org/iderudit/11201ac See table of contents Publisher(s) Les Éditions Histoire Québec ISSN 1201-4710 (print) 1923-2101 (digital) Explore this journal Cite this article Beauregard, L. (2002). Outre mont Royal 1694-1875. Histoire Québec, 8(2), 9–18. Tous droits réservés © La Fédération des sociétés d'histoire du Québec, 2002 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
le plan terrier de 1702 Le 15 octobre 1702, le nouveau sei- gneur délégué, François Vachon de Outre mont Royal Belmont, p.s.s., produit un plan terrier de la seigneurie, qui en montre la division par côtes et indique le nom des concessionnai- res ainsi que la dimension de leur terre. 16941875 On y voit la côte Sainte-Catherine entre le mont Royal au sud et la côte Saint- Laurent (1700) au nord, à l'est de la côte PAR LUDGER BEAUREGARD Notre-Dame-des-Neiges (1698). Il s'agit de PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D'HISTOIRE D'OUTREMONT la première carte qui localise la côte Sainte- Catherine comme on peut le voir dans la au 30 mars 1701, alors que les frères Fran- reproduction partiellefigurantà gauche du çois et Jean Lemaître, sieurs de La Morille titre de ce texte. À partir de Ville-Marie, et de Lalongée, obtiennent une terre de 6 on accédait à la nouvelle côte en suivant arpents sur 20, encore plus à l'ouest. Voilà un sentier depuis longtemps battu par les ce qu'était la côte Sainte-Catherine à la Indiens, à l'est et au nord de la Montagne. veille de la Paix de Montréal en juillet 1701. Le seigneur y a d'ailleurs fait des conces- sions de l'est à l'ouest, en commençant près Ligne de base l'origine François Dollier de Casson, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice à Ville-Marie et tx seigneur délégué de l'île de Montréal, pour- tu LU CO suit le peuplement de la seigneurie vers la CO tx LU CO LU CO LU tu CO tx < fin du 17" siècle, malgré la guérilla iro- r- CO < LU > quoise. Le 9 novembre 1694, il concède six terres de cent arpents chacune (3 x 33 ?) H 0) CO UJ 1- > tx LU O tx LU CO CO LU tx LU O c e ? Q. c/> O 1- a au-delà du mont Royal, créant ainsi la côte « Œ> 05 v> C CO m © CO Sainte-Catherine. Les concessionnaires i CT O k- 3 CO o n c CO co O e o -^ sont les trois frères Tessier (Jean-Baptiste, CO - 5 xz _l CO • (D O Z CO Jacques, Jean) et les trois frères Gervaise (Charles, Louis, Nicolas), des cousins et fils de deux pionniers de Ville-Marie, Urbain Tessier dit Lavigne et Jean Gervaise, son beau-frère (carte 1). Le 14 novembre 1694, François- 4> Xavier Prudhomme reçoit du seigneur une / f terre de 2 arpents de front sur 20, située à Oj c l'ouest des précédentes. Il était lefilsaîné < x> Q. de Louis Prudhomme, capitaine de milice OUTREMONT J \ L. CO et brasseur, et avait épousé unefillede Jean CO Gervaise en 1684. C'est donc un groupe de Carte 1 : Concession des parents qui participent à l'ouverture de la premières terres A côte. Il faudra ensuite attendre au 30 avril à la côte 1 MONTRÉAL 1699 avant que le seigneur concède une Sainte-Catherine, autre terre de 4 arpents sur 20, à Charles le 9 novembre 1694. Limite / actuelle Juchereau de Saint-Denis et, finalement, HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 200) PAfiE 9
de la rue Hutchison actuelle jusqu'à l'ave- Le générique de côte dans le topo- passés les concessionnaires des premières nue Rockland, dans un premier temps (9 nyme désigne ici une forme d'habitat ru- années? novembre 1694), et ensuite plus à l'ouest. ral en rangée, une unité de voisinage, un L'Aveu et dénombrement des Mes- L'arpenteur, qui a préalablement borné les cadre de peuplement et non pas une pente sieurs de Saint-Sulpice, seigneurs de Mon- concessions, a d'abord tiré une ligne au ou une rive. Le mot a pris cette significa- tréal, soumis à l'intendant Hocquart en milieu de l'île, de sorte que la ligne de base tion au 17" siècle en Nouvelle-France et a 1731, relève dix terres de l'est à l'ouest, à de la côte se trouve au nord. C'est à partir été principalement utilisé dans l'île de Mon- savoir : de là que Gédéon de Catalogne a marqué tréal. • Claude Carron: (3 x 33 arpents), 1 les terres à concéder en allant vers le mont Il semble que le Sulpicien Dollier de grange, 20 arpents de terre labourable; Royal. Le fait est confirmé par la conces- Casson vénérait sainte Catherine, «sage • Veuve d'Urbain Gervais: (3 x 33 ar- sion qui a été accordée à Charles Juchereau conseillère» et «patronne des philosophes» pents), 1 grange, 18 arpents de terre en 1699, «depuis le bas de la Montagne, et ce serait pour cette raison qu'il aurait labourable; du côté nord-ouest, jusques à la ligne de donné son nom à la côte. Côte Sainte-Ca- • Jean Tessier dit Lavigne, désigné Jean base de la côte Sainte-Catherine». Le plan therine a été un lieu-dit dans l'île de Mon- Lavigne: (3 x 33 arpents), 1 grange, 25 de 1702 montre que le prolongement de tréal de 1694 à 1875, alors qu'il a été rem- arpents de terre labourable; cette ligne de base a servi de limite à la placé par Outremont. • Périn dit Lamarche: (3 x 33 arpents), 1 côte Notre-Dame-des-Neiges, orientée maison, 1 grange, 1 étable, 30 arpents nord-sud, et à la côte Notre-Dame-de- Les premiers développements de terre labourable; Liesse, plus à l'ouest. Les habitants de la côte Sainte-Ca- • Charles Gervais: (3 x 33 arpents), 1 La côte Sainte-Catherine est «nou- therine sont des censitaires, propriétaires maison, 1 grange, 1 étable, 30 arpents vellement et bien habitée» en 1702, peut- d'une censive «en bois debout», et soumis de terre labourable; on lire au bas du document. Elle est alors à certaines obligations par contrat nota- • Jacques Tessier dit Lavigne, désigné occupée de l'ouest à l'est par: La Morille rié: tenir feu et lieu sur la terre concédée Jacques Lavigne: (3 x 33 arpents), 1 (6 x 20 arp.), Juchereau (4 x 20), Prud- par le seigneur, donner du découvert aux grange, 32 arpents de terre labourable; homme (3 x 33 ?), J.-B. Tessier (id.), Jac- voisins (défricher), enclore mitoyennement • Veuve et héritiers Lapierre: (3 x 33 ar- ques Tessier (id.), Ch. Gervaise (id.), avec eux (clôturer), payerfidèlementleurs pents), 1 maison, 1 grange, 1 étable, 35 Lamarche (id.), Jean Tessier (id.), U. dûs au seigneur (cens, rentes, redevances, arpents de terre labourable; Gervaise (id.), Caron et Tessier, Basset et banalités, lods et ventes), sans compter les • Héritiers de François-Xavier Prud- Couturier. Ce relevé indique que le nom- servitudes et réserves inscrites au contrat, homme: (3 x 33 arpents), aucun bâti- bre des propriétaires fonciers a légèrement concernant les chemins, les corvées, etc. ment, 15 arpents de terre labourable; augmenté à l'est cette fois. Quelques con- Leurs premiers devoirs consistaient à dé- • Héritiers de Charles Juchereau : (3 x 33 cessionnaires de 1694 ont déjà lâché prise fricher et à se bâtir. Il semble que quel- arpents), aucun défrichement et aucun et ont été remplacés par de nouveaux cen- ques concessionnaires de 1694 les aient bâtiment; sitaires. négligés. • Chartier: (6 x 20 arpents), 1 maison, 1 Cependant, signe d'un certain dé- grange, 1 étable, 19 arpents de terre Le toponijme veloppement, l'intendant Antoine-Denis labourable. Le peuplement de l'île de Montréal Raudot fixe, le 12 juin 1709, un nouveau s'est réalisé de façon originale. Hors de chemin dans la côte Sainte-Catherine, qui À cette époque, la côte Sainte-Ca- Ville-Marie, le seigneur a établi des «cô- emprunte un ancien sentier indien à la base therine compte dix censives, dont quatre tes». Les premières côtes, ouvertes au bord de la Montagne. L'ordonnance de l'inten- seulement sont réellement habitées comme du Saint-Laurent, comprenaient une ran- dant donnait suite au procédé élaboré par dix ans auparavant. Environ 20 % de la côte gée de censives étroites, mais très profon- les sieurs Raimbault et de Catalogne en sont défrichés, essouchés et labourables. des, formant des unités géographiques bien novembre 1707 et endossé par une majo- La présence de granges et d'étables dans délimitées et nommées. Quand est venu le rité d'habitants de la côte, l'année suivante. la plupart des censives laisse entendre temps de peupler l'intérieur, il y a trans- Dans un mémoire daté du 7 novembre qu'on y produisait au moins du foin, sinon posé la «côte» (ensemble de censives) sans 1712, Gédéon de Catalogne écrira que la des céréales, et qu'on y gardait des ani- référence au bord de l'eau, de sorte que la côte Sainte-Catherine et ses voisines, nou- maux, surtout des bœufs et des chevaux. carte d'André Jobin (1834) présente l'île vellement établies, sont formées de belles Une terre demeurait dans son état originel de Montréal tout occupée par un système terres «bonnes pour les arbres fruitiers et dans l'ouest et l'on peut se demander pour- de côtes. La petite côte Sainte-Catherine toutes sortes de grains et légumes». Néan- quoi le seigneur ne l'avait pas rentrée dans apparaît la première aux environs du cen- moins, en 1721, la côte ne compte que qua- son domaine après plus de vingt ans tre de l'île. tre chefs de famille sur place, dont deux d'inexploitation, comme c'était son droit, sont bourgeois de Montréal. Où sont donc sinon son devoir. HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 2003 PAfiE 10
Moins de cinquante ans plus tard, plus ou moins rattachées à la côte plus tard • Louis Malet (1 1/2 x 33 arp.), maison, le plan de l'arpenteur Jean Péladeau (1778) (carte 2). grange, étable, 4 arpents de verger, 30 montre la côte Sainte-Catherine formée Dans l'Aveu et dénombrement de arpents de désert, au bout de la terre d'une douzaine de terres identifiées. De 1781, les seigneurs sulpiciens notent de suivante; l'est à l'ouest, on y lit: Carignan, Zacarie l'est à l'ouest dans la côte Sainte-Catherine : • Zacharie Heurteubise (6 x 12 arp.), Urtubise, François Berthelet, Lapierre, • Joseph Perrault (2 3/4 x 33 arp.), mai- maison, grange, verger, tannerie en Malet, Mr Boite, Paul Tessier, Lapierre, son, 5 arpents de verger, 15 arpents de pierre; Malet, Simonet, Juchereau et, dans un pe- désert; • Sieur Buate (3 x 33 arp.), maison, tit rectangle au sud des dernières terres, • Pierre Bardet (1x33 arp.), maison, écu- grange, étable, 12 arpents de verger, 8 les Sœurs de la Congrégation (1712). La rie, 2 arpents de verger, 18 arpents de arpents de prairie; côte cadre alors dans un rectangle de 24 désert, 2 arpents de prairie; • Héritiers de Jacques Tessier (3 x 33 arpents à la ligne de base sur 33? de hau- • François Berthelet (3 x 33 arp.), maison, arp.) maison, grange, étable, 6 arpents teur. Le plan exclut la terre de Claude grange, étable, 9 arpents de verger, 60 de prairie, 35 arpents de désert; Carron, pourtant comprise dans l'Aveu et arpents de désert; • François Bardet et Louis Guilbaut dénombrement de 1731, ainsi que les ter- • André Roy (1 1/2 x 33 arp.), maison, (3 x 30 arp.), maison, grange, étable, 8 res de Toussaint Cavellier, Barsaloue et Bte grange, 5 arpents de verger, 30 arpents arpents de prairie, 50 arpents de terre Cavellier, situées plus au sud, qui seront de désert, 3 arpents de verger (sic); labourable; • Sœurs de la Congrégation de Notre- Dame : 30 arpents en taillis au bout de la terre suivante; • Simon Sanguinet (3x9 arp.), maison, 4 arpents de verger, au bout de la terre suivante; • Louis Courtin (3 x 20 arp.), en taillis; * • Héritiers de Baujeu ; terrain irrégulier en bois debout; • Sieur Guy (6 x 20 arp.) en bois et taillis. rs Ce relevé indique 14 propriétés, dont une seule appartient encore à un des 4 pionniers de la côte, celle des héritiers de Jacques Tessier dit Lavigne. Les grandes terres à l'est de la côte ont été divisées et ^ l'on observe un morcellement au sud-ouest, sur leflancde la colline. Les progrès réali- ^ sés depuis le dénombrement de 1731 pa- raissent évidents. Neuf terres semblent ha- bitées en comparaison de quatre, un demi- siècle plus tôt. Quelque 200 arpents sont défrichés et un bon nombre portent des prairies et des vergers (plus ou moins 50 arpents). Cinq fermes possèdent une éta- ô\j^ > t -^ a -^"- ble et élèvent quelques vaches en plus de ^ chevaux. Il reste encore 500 arpents en s ^uJ JO • LtlsQArCsOCUK. bois ou taillis dans la côte. les travaux Au début du siècle, le défrichement d'une terre avec une hache comme seul instrument s'avère une tâche longue et pénible. Le nouveau censitaire doit d'abord Carte 2 : Extrait de la carte de Jean Péladeau (1778) montrant abattre les arbres nécessaires à la cons- la côte Sainte-Catherine. truction d'une cabane de bois rond d'envi- HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 200} PAfiE 11
ron 15 pieds sur 20. Ce premier bâtiment, et garde peu déjeunes animaux, tout juste et, comme certains propriétaires demeu- sans plancher ni foyer, doit être assez étan- pour assurer le renouvellement. Le che- rent à la ville, quelques habitations sont che pour permettre d'y vivre au moins un val n'apparaît que vers 1715 dans l'île pour exploitées par un fermier ou métayer. Le hiver, à moins que le défricheur aille le charrier, herser, se déplacer, plus rarement paysage d'ensemble de la côte se présente passer en ville comme ce fut probablement pour labourer, une tâche encore mieux encore plus boisé que défriché avec des le cas de plusieurs pionniers de la côte adaptée aux bœufs. La ferme moyenne bâtiments de bois près du chemin, un jar- Sainte-Catherine. compte une douzaine de poules et un coq, din et quelques arbres fruitiers. Les clôtu- Une fois installé dans sa cabane, le quatre ou cinq porcs, dont une truie. Le res demeurent rares dans cette rangée de défricheur-habitant entreprend la coupe potager fournit choux, carottes, navets, terres en longueur s'étirant presque indis- d'arbres d'égale taille et de meilleure qua- oignons, échalotes, ail, concombres, ci- tinctement de la Montagne jusqu'au fond lité, qui serviront à construire la maison. trouilles, courges et melons et l'on ramasse des bois. Il lui faut plusieurs semaines pour complé- des baies indigènes à l'orée du bois ter ce travail à la hache, sans attelage pour (bleuets, atocas). Il y a déjà des vergers Les chemins haler les troncs. Il commence ensuite à dans plusieurs fermes et sur la terrasse de Vers lafindu siècle et au début du suivant, nettoyer l'espace ainsi dégagé, en arra- la Montagne. Bref, l'agriculture de l'épo- les chemins prennent de l'importance. Le chant les souches d'un pied ou moins de que reste essentiellement vivrière avec un 28 juin 1790, René-Amable Boucher de diamètre et en entaillant les plus grosses régime d'alimentation basé sur le pain. Boucherville, grand-voyer du district de au ras du sol pour les faire pourrir, ce qui L'exploitation moyenne d'une cen- Montréal, examine la difficulté concernant prend environ cinq ans. Les rebuts de bois taine d'arpents est composée de la façon le chemin de la Montagne. Celui-ci a été sont débités et cordés près de la cabane ou suivante: cour, potager, bâtiments (2 %); bouché par Jean-Baptiste Moray au détri- de la maison pour le chauffage. Tout ce qui terres labourables (35 %)-, prairies (5 %); ment de ses voisins d'amont. Or, le che- reste sur le sol est ensuite brûlé. Il faut un boisés et déserts non cultivés (58 %).2 Les min existe depuis au moins 1746, la preuve bon mois pour défricher un arpent. ventes et les échanges sont assez fréquents reposant sur un contrat de vente daté du Une fois que la terre est «nette», elle est prête au piochage. C'est le travail LIMITES A C T U E L L E S de l'automne, qui consiste à ramollir le sol et les cendres entre les gros troncs pour le préparer à recevoir la première semence de grains au printemps. Au bout d'un an de dur labeur, le défricheur peut avoir un arpent «en labour de pioche» et deux ar- pents d'abattis. Il ajoute ensuite deux ar- pents à ses emblavures chaque année, tout en bâtissant sa maison de «pièce sur pièce» avec plancher de madrier, toit de planche, cheminée de bousillage. Il achète une taure, une truie, quelques volailles et la cabane est transformée en étable. Cinq ans après le début du défrichement, il peut, avec un bœuf ou deux, arracher les sou- ches pourries et mettre graduellement sa terre en labours de charrue. Au bout de trente ans, «Upossède 30 arpents de terre arable, une pièce de prairie, une grange, une étable, une maison un peu plus grande, un chemin devant sa porte, des voisins, un banc à l'église. Sa vie a passé à défricher, à bâtir»1 L'élevage n'est que le complément de la culture. Après une quinzaine d'an- Carte 3 : nées de labeur, l'habitant moyen cultive Premiers chemins de la côte entre 20 et 40 arpents, possède deux pai- Sainte-Catherine. res de bœufs, deux à trois vaches laitières HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 2003 PAfiE 12
24 avril, qui marque un chemin pour aller aux terres des héritiers de Beaujeu et du Sieur Guy. Un procès-verbal de l'arpenteur Jean Péladeau en 1758 confirme le che- min de même que plusieurs autres contrats notariés. Le procès-verbal du grand-voyer Boucher de Boucherville reconnaît que le chemin a été légalement établi et recom- mande, le 14 janvier 1791, que ce dernier soit homologué comme chemin de front (Gray, Lapierre, Lamouche, Jacques Imbault, Pater, Abner Bagg) et chemin de sortie (J.-B. Imbault, Provost, Girard, Lamouche, Goyer) (carte 3). Le 30 novembre 1799, Paul Lacroix, député grand-voyer du district de Montréal, légalise un chemin de ligne, joignant la côte Saint-Laurent à la côte Sainte-Catherine depuis un siècle: c'est l'origine de l'ave- nue Rockland d'aujourd'hui. Celui-ci a porté divers noms: chemin de Saint-Lau- rent, chemin de Sainte-Catherine avant ce- lui de Rocky Road. C'était, dans le langage Côte de l'époque, une montée ou une descente Saint-Antoine selon la direction entre les deux côtes. Une carte de l'inspecteur des che- mins, Louis Charland, en date du 9 avril Carte 4: Extrait du plan terrier de l'île de Montréal de 1805. 1800, retrace le chemin de la côte Sainte- Catherine à partir de la montée de Saint- seph Perrault, et par plusieurs autres, dont seconde suggère une éventuelle extension Laurent, nouvellement établie, jusqu'au Jean-Baptiste Berthelette, Jean-Baptiste de la première au sud-ouest. prolongement éventuel de la rue Saint-Lau- Imbault dit Mata, Pierre Provost, John Gray, Ce plan peut être considéré comme rent à l'est. Le but de l'exercice visait à Stanley et Abner Bagg, etc. Le chemin a le premier cadastre de l'île de Montréal. redresser le chemin entre les propriétés et été ouvert à la grande satisfaction des ha- à le raccorder, par deux angles à travers bitants de la côte Sainte-Catherine, mal- Le recensement de 1825 les fermes de Morrisson et de Joseph Per- gré la contestation de plusieurs résidants Le recensement de Montréal, effectué par rault, à une nouvelle voie allant rejoindre de l'autre côte. Il passait entre les lots 902 Louis Guy et Jacques Viger en 1825, four- la rue des Tanneries à l'est de la rue Saint- et 903, perpendiculaires au chemin de la nit des données sur la population de la di- Laurent. Cette nouvelle voie deviendra côte des Neiges. C'était le prolongement du vision Sainte-Catherine. Il relève 46 famil- l'avenue du Mont-Royal. Elle remplaçait la chemin de la côte Sainte-Catherine à l'ouest les habitant 39 maisons, où vivent 256 per- «descente de Sainte-Catherine» qui suivait de l'avenue Vincent-D'Indy actuelle. sonnes. On compte autant de familles le contour de la Montagne, à travers les anglaises que françaises, soit 23 dans cha- terres de Joseph Perrault, des Sœurs de le plan terrier de 1805 que groupe, mais la population anglaise l'Hôtel-Dieu et des Sœurs Grises, pour at- Un second plan terrier de l'île de Montréal dépasse la population française en repré- teindre la porte Saint-Laurent, permettant a été retranscrit par le Sulpicien Charles sentant 59 % de l'ensemble. La plus grosse d'entrer dans la ville fortifiée. Bédard en 1805 (carte 4). Il la divise en famille est celle de A.L. MacNider avec 15 En 1817, une requête adressée à côtes identifiées et numérote les lots de 1 à membres, suivie de très près de celle de Jacques Viger, inspecteur des chemins pour 1376 d'un bout de l'île (ouest) à l'autre. Les Joseph Perrault avec 14. Cinq familles an- la ville et la paroisse de Montréal, par cer- lots de la côte Sainte-Catherine vont de 931 glaises comptent dix personnes et plus con- tains propriétaires des côtes Sainte-Cathe- à 939, auxquels s'ajoute une petite partie tre une seule française. Quatre maisons rine et Notre-Dame-des-Neiges, demande du lot 637. La démarcation des côtes abritent deux familles françaises et une en l'ouverture d'un chemin public entre les Sainte-Catherine et Notre-Dame-des-Nei- loge trois (8 personnes) en comparaison deux côtes. Elle était signée par le sous- ges n'est pas indiquée, mais le découpage d'une seule maison hébergeant deux fa- voyer de la division Sainte-Catherine, Jo- d'arrière-lots dans les lots 904 à 912 de la milles anglaises (11 personnes). Il semble HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 2003 PAfiE 13
que la majorité des familles anglaises vi- supérieur à Montréal. Quand ses héritiers puté de Terrebonne en 1841-1843 à la suite vent à l'est de la côte Sainte-Catherine et la demandent en 1837 à l'architecte arpen- du désistement de L.-H. Lafontaine. majorité des familles françaises à l'ouest teur, John Ostell, de placer leurs proprié- En 1856, l'arpenteur-géomètre, (photo 1). tés sur un plan, celui-ci en relève d'une H.M. Perrault, établit un plan de lotissement Les jeunes de moins de 18 ans for- étendue de 250 arpents plus ou moins. El- de ses propriétés à la demande de ses héri- ment 38% de la popula- tiers. Le plan localise les tion avec 40 enfants de lots 9 à 39 au sud du che- moins de six ans et autant min de la côte Sainte-Cathe- de six à 14 ans. Dans le rine, de la propriété Hall à groupe des 86 hommes de l'est à celle de Pierre Beau- 18 ans et plus, 49 ont de bien et des voisines à 25 à 40 ans et 27 sont l'ouest. Si l'on tient compte mariés. Dans le groupe du cimetière Mount Royal, des 80 femmes de 14 ans dont il a vendu l'emplace- et plus, 71 ont moins de 45 ment en 1847 (75 arpents), ans et 39 sont mariées. le docteur M"Culluch avait Ces chiffres montrent à rassemblé quelque 240 ar- l'évidence que les familles pents de terrain avant sa sont jeunes et aptes à as- mort. Il laissait en héritage surer le travail sur la la vaste «Spring Grove ferme et la relève. Property», traversée par un Ce recensement ruisseau coulant à l'ouest ne fournit pas de données de sa villa, sise sur le replat sur la production agricole, qu'occupent actuellement mais certaines fermes les Sœurs Missionnaires de pratiquent déjà une agri- l'Immaculée-Conception. culture commerciale. Photo 1: Maison Imbeault (c. 1820) A (afin du 18e siècle, plusieurs La spéculation fon- John Clarke exploite un familles Imbault dit Matta (sic) habitent dans l'ouest de la côte cière a progressé avec le troupeau de 27 vaches et Sainte-Catherine. Le jardinier François-Xavier y construit une regroupement des terres et les familles Marion, maison de pierre de type français vers 1820. Celle-ci, rénovée les projets de lotissement, Durand et Langlois, vivant plusieurs fois, se trouve encore sous même apparence au 637, du milieu à la fin du siècle. chemin de la Côte-Sainte-Catherine. sous le même toit (8 per- Les nouveaux propriétaires sonnes), élèvent un troupeau de 16 vaches. les se situent du côté nord du mont Royal, n'hésitaient pas à se construire de belles Joseph Perrault, qui compte 8 hommes de de la côte des Neiges à l'ouest à l'avenue villas et de grands manoirs (photo 2). 25 à 40 ans dans sa nombreuse famille, du Parc actuelle et quelques-unes descen- cultive de grands jardins et possède une dent jusqu'au chemin de la côte Sainte-Ca- Des changements socio politiques fromagerie. Six fermiers exploitent des ver- therine. Elles ont été acquises par John En 1840, une entente intervient entre la gers et John Gray en a plusieurs en plus Gray entre 1806 et 1824, des Plessis-Bélair Reine et le séminaire Saint-Sulpice, condui- d'une fonderie. Bref, la côte Sainte-Cathe- (50 arpents), Laurent dit Huot (50 arp.), sant à l'abolition du régime seigneurial dans rine a dépassé le stade de la colonisation et Foucher (90 arp.), Durocher, Ross et autres. l'île de Montréal. Elle a permis au Sémi- de l'agriculture vivrière pour devenir une Il faut leur ajouter les terres que Sydney naire de se faire reconnaître par la Cou- banlieue agricole de Montréal. Bellingham avait achetées des héritiers et ronne et de recevoir des remboursements que Gray avait acquises des Sœurs de la pour la cession de ses droits seigneuriaux. la spéculation foncière Congrégation en 1810 (40 arp.) et de Les propriétaires, libérés des cens et lods, Le début du 19" siècle marque l'arrivée des Aymond en 1812 (30 arp.) ont par la suite pu acquérir leur terre en Anglais à la côte Sainte-Catherine et, en Le docteur Michael M'Culloch franc-aleu, c'est-à-dire affranchis de toute même temps, les premiers regroupements (1797-1854) fournit un autre bel exemple servitude, et obtenir une commutation de importants de terres. Prenons l'exemple de de concentration foncière. Né en Irlande, il l'ancien seigneur en payant tous les arré- John Gray, né à Londres en 1755 et décédé arrive à Monréal en 1822 et est admis à rages de cens et redevances, s'il y avait heu. ici en 1829. Il s'est illustré comme homme l'exercice de la médecine au Bas-Canada, C'est ainsi que Hugh Taylor a acquis le lot d'affaires (premier président de la Banque l'année suivante. Il enseigne l'obstétrique 932 en franc-aleu, le 28 avril 1843, et de Montréal, 1817), officier de milice, juge à M"Gill et recevra un doctorat honorifique William Bremner, le lot 938 en 1858. Des de paix et promoteur de l'enseignement de cette institution en 1843. Il sera élu dé- commutations étaient délivrées aux ache- HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 2003 PAfiE 14
teurs qui voulaient des titres de propriété mins supprime les municipalités de comté rent-Olivier David, son adversaire libéral. clairs et nets, notamment les anglophones pour revenir aux municipalités de paroisse : Il a poursuivi sa carrière politique pendant qui achetaient des anciens censitaires fran- la côte Sainte-Catherine retourne à la mu- un quart de siècle. cophones. nicipalité de la Paroisse de Montréal, où En 1721, un règlement tiré des elle restera jusqu'en 1875. les dernières années Édits et Ordonnances, en date du 20 sep- Aucun habitant de la côte n'a été Situons les dernières années de la côte tembre, délimite la paroisse de Montréal. élu au conseil de cette municipalité, qui a Sainte-Catherine de l'élection de Louis Celle-ci comprend alors «les côtes de la Vi- cependant nommé François Imbeault dit Beaubien comme député à l'Assemblée lé- sitation..., de Notre-Dame-des-Neiges... et Matha comme inspecteur en 1868 et gislative (1867) à la création de la munici- la côte de Sainte-Catherine tout entière...». Alexander Bremner en 1870.3 L'inspecteur palité du village d'Outremont en 1875, dans Il s'agit du premier encadrement légal de devait surtout surveiller les auberges éta- laquelle il a joué un rôle capital. cette dernière. blies sur le chemin de la côte Sainte-Ca- Un document géographique excep- Le l"r juillet 1845, la paroisse de therine et munies d'un certificat. D'une en tionnel permet de visualiser l'endroit. Il Montréal, qui déborde les limites de la cité 1866, tenue par Marie Emond, le nombre s'agit de la carte topographique établie en de Montréal, est incorporée sous le nom en est passé à 3, 4 ou 5 quelques années 1868-69 par des militaires, sous la direc- de municipalité d'Hochelaga. La côte plus tard, au grand dam de la population tion du lieutenant H.S. Sitwell, dans le ca- Sainte-Catherine, qui en faisait partie, sera locale. dre des Fortification Surveys (1866-1872). désormais administrée par le conseil de Avec la Confédération en 1867, les Le relevé couvre entièrement la côte Sainte- cette nouvelle municipalité. Dès l'année premières élections ont lieu dans le comté Catherine indiquant les chemins, les bâti- suivante toutefois, les municipalités de pa- d'Hochelaga, une des deux divisions de l'île ments, les cotes et les courbes de niveau roisse sont remplacées par des municipa- de Montréal en dehors de la ville même. ainsi que la végétation, distinguant verger lités de comté. La municipalité d'Hoche- Ce comté englobe la côte Sainte-Catherine et forêt (carte 5). laga fut alors divisée en cinq municipalités de même qu'une dizaine de localités. Louis À la jonction du chemin de la côte de comté et la côte Sainte-Catherine fit Beaubien, qui vient tout juste d'emména- Sainte-Catherine et de l'avenue Mont- partie de celle de la Côte-des-Neiges. En ger dans la ferme de son père, se présente Royal, englobant le chemin du Cimetière 1855, l'Acte des municipalités et des che- pour le Parti conservateur et défait Lau- (1850), la carte localise l'hôtel Delmonico, Photo 2 : Maison Bouthillier (c. 1830) Louis-Tancrède Bouthillier, homme d'affaires et shérif de Montréal, se fait bâtir une grande maison au début des années 1830, qui sera plus tard désignée «la maison Outre-Mont». Après avoir servi de manoir à D.L. MacDougall, agent de change, et de siège à l'Institution catholique des sourds-muets (Clercs de Saint-Viateur), elle a été agrandie, rénovée et recouverte de stuc après 1910. Elle se trouve toujours au 221, avenue M'Dougall. HISTOIRE QUÉBEC NOVEMBRE 2003 PAfiE 15
un établissement rural désigné Cherrygrove péage, le chemin de la côte Sainte-Cathe- Cette carte topographique montre et, un peu plus à l'est, une barrière à péage rine étant administré par la Montreal la côte Sainte-Catherine dans un état de sur l'avenue Mont-Royal. À la jonction Turnpike depuis 1859. La carte montre développement avancé. Le déboisement est même, une cote de niveau indique 234 pieds nettement le bâtiment central de l'hôtel de prononcé, surtout au nord du chemin de la d'altitude dans un milieu très déboisé, qui ville, qui était alors un ajout en pierre côte Sainte-Catherine, beaucoup moins du accueille des vergers. Entre le chemin et (1817) à la vieille maison de bois du fer- côté du mont Royal, et les vergers ont sou- l'avenue, qui mène aux cimetières juif et mier. vent remplacé les boisés. Des clôtures divi- protestant, la partie étroite est exploitée À l'ouest du Rocky Road, deux bel- sent les lots et les champs, des chemins de (champs et vergers) et habitée: le Spring les villas sont bâties sur les hauteurs et ferme pénètrent vers le fond des terres, de Grove Cottage donne sur l'avenue, au bout dominent le chemin. Ce sont le Thornbury grosses maisons de ferme et de grandes des champs mis en culture. Dans la partie (photo 3), magnifique cottage victorien villas jalonnent le «chemin de la Reine» suivante, qui s'élargit considérablement, la construit pour John Boston, qui y a reçu le ainsi que plusieurs auberges. Le chemin lui- forêt règne de part et d'autre du ruisseau prince de Galles, futur Edouard VII, lors de même a été amélioré depuis que le Montreal qui descend de la Montagne et passe à côté l'inauguration du pont Victoria en 1860, et Turnpike Trust l'a pris en charge. Certains de la villa installée sur un replat dominant le Dunany, construit pour Sydney propriétaires ont découpé et «nettoyé» des le chemin de la côte Sainte-Catherine: cette Bellingham. De l'autre côté du chemin, au parcelles au bord du chemin en vue d'y propriété surnommée Spring Grove par nord, deux hôtels se suivent, dont celui de construire des maisons à vendre ou à louer, Michael M'Culloch appartient alors à Geor- J.-B. Emond, le Mount Royal Hotel, de biais le meilleur exemple étant celui de George ges-P. Languedoc depuis un quart de siè- avec le Dunany Cottage. Plus loin du che- E. Cooke, futur maire lui aussi, entre les cle. min, derrière les hôtels, se trouve un en- Dunany et Woodside Cottages. Bref, la côte Si l'on suit le chemin de la côte trepôt de poudre à fusil, qui inquiète beau- demeure champêtre, mais semble à la veille Sainte-Catherine, on longe d'anciennes fer- coup les voisins. Sydney Bellingham s'en d'un plus grand changement. mes du côté nord appartenant à MacNider, était plaint au conseil municipal en août Bremner (dite Bloomfield), MacDougall 1864. Plus à l'ouest encore, trois autres vil- le recensement de 1871 (dite Outremont), Wiseman, Beaubien et las se rattachent au chemin par une entrée À partir des données du recensement no- Dease pour arriver au Rocky Road, qui fait en fer à cheval, dont le Woodside Cottage, minatif et agricole de 1871, disponibles aux la liaison avec la côte Saint-Laurent. On lit habité par David Edward, qui deviendra le Archives nationales du Canada, il est pos- à cet endroit sur la carte: Halfway House, premier maire d'Outremont, et le sible de décrire la population de la côte en face de l'ancien hôtel de ville. C'est le Woodbury, au milieu d'un boisé, sinon d'un Sainte-Catherine avec cependant des res- point tout indiqué pour une barrière à verger. trictions, étant donné que celle-ci n'est pas ,"VN/ '".''''..• .< ">».••• I: *V-*#*£> . - - * i \ - •- '„• ai'. - "«"."•^•aJ' '' i".N[>. •/'.'. • '-r'.^'J c. -•-:,«" :-"• •. ..-. » •... •.;';• • , H 4 >'Y. . . v v c - •'"•"'^•'i- ; : .'.•••^.•••.'-'..;- -,S; . / V ' , ' ^ / # v - : ^ •>,.«'• ••' ' l.-.i -" -'•" ''-,a2'.V*aî * " ••" l*'iy* > « • •'•' . • ^ . y . ' X ^ & Ï P i J & ' f . K/ i. "* —**L.*' a .'i *>•. ,-.a»v« 0 _ A » .f.ry , / ,~J t ' a ..S*-'-, ~ r « ' . \ i ' .,i.V' !*•: x J v •.«. «j* *i • - ^ y / C * V '-"t*'-»»*•';>'- I•-•»'-; «Kf» fcWfcai* ltgt*Srh ¥ i, F&S %i? i ii">A.»>, 'rffc.»*3« •**»s< i*i"*af\ - V »*f4i mm T » " > M H i " '. ? " V u !*« :W. fH4 87; » \, 'i. «/-V>«JW K **5s WÀ &m / V. A Carte 5: Extrait de la carte militaire de c. 1868 montrant la partie orientale de la côte Sainte-Catherine entre le chemin du Cimetière et le chemin de la côte Sainte-Catherine. HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 2003 PAfiE 16
individualisée, mais comprise dans la Pa- roisse de Montréal. Nous avons néanmoins réussi à trouver des données sur une cin- quantaine de familles bien identifiées, qui vivaient probablement à la côte Sainte-Ca- therine sans limites géographiques préci- ses à cette date. Bien qu'approximatif, le tableau suivant est très représentatif de la situation de la côte à cette époque. Nous avons relevé 47 chefs de fa- mille, dont 18 sont canadiens-français, 12 anglais, 11 irlandais et 6 écossais. Plus de 60% sont donc d'origine britannique, peu importe l'origine ethnique proprement dite, ce que le recensement ne donne pas tou- jours correctement. Les familles compren- nent 291 personnes réparties de la façon suivante: 86 françaises, 83 irlandaises, 70 anglaises, 43 écossaises et 9 autres. La population totale s'avère à plus des deux tiers d'origine britannique. Dans l'ensemble, on compte un peu plus d'hommes (151) que de femmes (140). Les jeunes de moins de 20 ans forment 47% de la population et les gens de 20 à 40 ans comptent pour 31 % et ceux de 40 à 60 ans, pour 16%. Huit individus seulement dépas- sent 70 ans, dont sept femmes. La réparti- tion des sexes varie selon les tranches d'âge. La cohorte des enfants de moins de 10 ans groupe 35 garçons et 25 filles, alors Photo 3 : Villa Thornbury (c. 1860). L'avocat John Boston, shérif de Montréal et homme d'affaires, fait ériger cette magnifique villa en brique, de style que celle des 10-19 ans s'équilibre (37-40). victorien, vers 1860, laquelle deviendra une école et un foyer pour les Sœurs La tranche des 20-29 ans réunit 28 jeunes de Saints-Noms de Jésus et de Marie au tournant du siècle. Le bâtiment sera hommes et 35 jeunes femmes, alors que démoli en 1914 à l'ouverture de l'avenue Belœil. celle des 30-39 ans assemble 17 hommes et 10 femmes. Les hommes sont également fermiers, dont 3 ont moins de 20 ans, et 2 hôtelier et engage deux hommes de service. plus nombreux que les femmes entre 40 et servantes de 14 à 19 ans. Donald Lorn Comme on le voit, la plupart des chefs de 60 ans (28 par rapport à 19). MacDougall a 59 ans et son épouse, 39. Ils famille sont dans la force de l'âge. Quel- Les occupations déclarées par les sont écossais et ont 4 enfants de 3 à 12 ques-uns parmi les plus connus dépassent chefs de famille en font 17 jardiniers, 8 fer- ans. Le père est propriétaire d'une agence la cinquantaine tels que le laitier, Richard miers, 4 hôteliers, 4 domestiques, 1 bou- de change à Montréal. Le couple, qui vit Fletcher (50 ans), le marchand George cher et 15 autres (marchands, journaliers, dans un manoir, sur la ferme dite Horn (51), l'avocat Charles Dunlop (60), avocats, etc.). En 1871, James Gorman a Outremont, recourt à 4 servantes, deux l'avocat Sydney Bellingham (62), le jardi- 50 ans et son épouse, 45. Il est irlandais, écossaises méthodistes et deux irlandaises nier François Imbeault (58), et la veuve catholique et jardinier. Il a six enfants, dont catholiques. Louis Beaubien a 33 ans et son Jane Wiseman (55). 4fillesde 11 à 16 ans. Il garde sa mère de épouse d'origine écossaise en a 26. Il est Le recensement agricole s'avère 80 ans et se fait aider par deux domesti- canadien-français catholique et se dit agri- moins utile. Nous avons retenu les données ques d'une vingtaine d'années. Alex culteur. Le couple a 4 enfants, dont trois d'une quarantaine de fermes, petites et Bremner a 32 ans et sa femme, 29. Il est garçons, et se fait aider par 3 servantes de grandes, qui comptent 1 386 arpents oc- écossais, presbytérien et jardinier. Il 19 à 20 ans. Quatre familles canadiennes- cupés, 899 arpents améliorés, 413 arpents n'élève qu'unefillede 5 ans, mais garde sa françaises travaillent comme fermiers et en pâturage et 237 arpents en jardins et mère veuve de 67 ans et son frère de 22 vivent sur la ferme. Jean-Baptiste Emond vergers. Les superficies consacrées au pâ- ans. Il engage et loge 5 hommes comme a 40 ans et sa femme, Marie, aussi. Il est turage, au jardinage et au verger mon- HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 2003 PAfiE 17
trent l'importance croissante de l'élevage les résidants l'intention des habitants de la côte Sainte- et des cultures de fruits et légumes. Dans Nous avons fait le relevé des chefs de fa- Catherine de demander au parlement leur ce dernier cas, on obtient une moyenne de mille résidant à la côte Sainte-Catherine incorporation en municipalité de village six arpents par ferme. inscrits dans le Montreal Directory de Lovell. «conformément au procès-verbal rédigé et La production des céréales place En juin 1871, yfigurent37 noms, en 1872,53 signé par J.-B. Morin en date du 17 août l'avoine et le maïs en tête largement en noms, en 1873,45 noms, en 1874,38 noms et 1874, et homologué par le conseil du comté avance sur l'orge, le blé et le sarrasin. Par en 1875, 49 noms. Il y a donc une corres- d'Hochelaga, le 28 octobre 1874». Le ré- exemple, on récolte 13 900 minots pondance entre le recensement et le bottin. dacteur du procès-verbal avait produit une d'avoine, 300 d'orge ou 250 de blé, 1 189 En juin 1875, le bottin de Lovell in- carte localisant les 40 habitations de la côte minots de maïs contre 154 de sarrasin. dique le nom d'une dizaine de jardiniers, et la délimitation de l'éventuelle municipa- Deux plantes font partie de la production, de huit fermiers, de quatre laitiers, de qua- lité. On dit que pour y arriver, il a fallu à savoir les fèves et les pois, en quantité à tre hôteliers, de quatre hommes d'affaires, inclure quelques granges. L'historien peu près égale (250 minots). de trois artisans, de deux commis, d'un mi- Rumilly prétend que Louis Beaubien s'est Le foin occupe quelque 160 arpents litaire, d'un tailleur, d'un cordonnier, d'un confessé, sinon vanté, de cette tricherie! et on en a récolté 41 600 tonnes en 1870, député et de quelques contremaîtres et ou- Le 23 février 1875, l'Assemblée lé- ce qui représente environ mille tonnes en vriers. Il indique une population de 100 per- gislative sanctionne l'«Acte pour incorpo- moyenne par ferme. C'est beaucoup, mais sonnes environ, ce qui est nettement faux. rer la municipalité du village d'Outre-Mont». il faut comprendre que si le foin sert à nour- Elle était plutôt voisine de 300 personnes. Le toponyme reprend le surnom de la ferme rir les animaux de la ferme, il est aussi de Tancrède Bouthillier (1832), qui appar- vendu aux marchés de Montréal. Conclusion tenait depuis une vingtaine d'années à Do- La production des racines fournit Voilà un bref historique de la côte Sainte- nald Lorn MacDougall, très favorable à la 20 000 minots de pommes de terre, culti- Catherine de 1694 à 1875. Celle-ci gardait création de la municipalité. Le chemin de la vées sur plus de 150 arpents. Elle donne encore des traits champêtres après 180 ans Côte-Sainte-Catherine rappelle aujourd'hui autant de betteraves que de carottes (plus d'existence. La forêt avait cédé la place à l'existence de cette petite côte, établie, il y a de 3 000 minots) et moms de navets (1 250). des fermes rentables, qui appartenaient à plus de trois siècles, outre mont. • La récolte des pommes avec 3 500 des gentlemen-farmers, à des bourgeois, minots déclasse largement celle des poires mais aussi à des fermiers et petits jardi- RÉFÉRENCES et des prunes (200). Il faut ajouter ici la niers. De française à ses débuts, la popu- 1. Dechéne, Louise (1974), Habitants et cueillette de 1 150 livres de raisins et de lation de la côte était devenue à majorité marchands de Montréal au XVII' siècle, anglaise au cours du 19" siècle. page 273. 160 livres de tabac. 2. Id., page 300. Le relevé des animaux permet Cette population de très petite taille 3. Tessier, Hector (1954), Saint-Viateur d'identifier les principales fermes d'élevage ne manque pas de projets. Elle veut s'af- d'Outremont, page 59. de la côte. Le jardinier Dennis Horrigan franchir du conseil municipal de la Paroisse garde 1 cheval et une vache laitière seule- de Montréal et organiser sa propre vie com- BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE ment, mais exploite une quarantaine de munautaire. Elle compte parmi les siens Beauregard, Ludger (1984), Géographie ruches d'abeilles, qui lui donnent 500 li- l'homme tout désigné pour obtenir l'érec- historique des côtes de l'île de Montréal, Cahiers de géographie du Québec, Univer- vres de miel. Emery Tessier, qui est bou- tion d'une nouvelle municipalité : le député sité Laval, Québec, 28 (73-74), pp. 47-62. cher, élève des bovins et des cochons pour résidant, Louis Beaubien. Celui-ci jouit la boucherie. Richard Fletcher, qui a 8 en- d'une grande influence et peut aussi bien Bisson, Pierre-Richard et associés (1993), fants, est fermier et laitier. Il a 4 chevaux, rallier les francophones que les anglopho- Le patrimoine d'Outremont, Synthèse, vol. 2 poulains, 2 porcs, mais 12 vaches laitiè- nes, son épouse étant écossaise. 1, Ville d'Outremont, 195 pages. res. Louis Beaubien possède 10 chevaux Dès l'été 1874, deux avocats prépa- Dechéne, Louise (1974), Habitants et mar- de race, dont les premiers percherons de rent un bill que Louis Beaubien présentera chands de Montréal au XVIT siècle, Pion, la côte, 5 poulains, 25 vaches, 10 bovins, au parlement. La loi permet à tout village d'au Paris et Montréal, 588 pages. 19 porcs et 3 ruches. Il produit du lait, du moins quarante feux sur une superficie de beurre, du miel, du bœuf et du porc de bou- trente arpents, de demander son érection en Rumilly, Robert (1975), Histoire cherie. Charles Dunlop garde 4 chevaux, d'Outremont (1875-1975), Leméac, Mont- municipalité. Cependant la dispersion des réal, 469 pages. 12 vaches laitières, 3 bovins, 2 porcs et s'oc- habitations de part et d'autre du chemin de cupe de 23 ruches d'abeilles. Il vend beau- la côte Sainte-Catherine ne correspond pas Société d'histoire d'Outremont (2000), coup de beurre et du miel. Alex McGibbon, tout à fait à la conception de village. Mais, Outremont 1875-2000, Outremont, 127 pages. fermier et marchand, élève 10 chevaux, 6 surtout, y a-t-il les 40 maisons nécessaires? poulains, 2 vaches, mais 30 porcs. Tessier, c.s.v., Hector (1954J, Saint-Viateur Des avis paraissent dans la Gazette d'Outremont, Presbytère Saint-Viateur, de Québec vers la fin de 1874, annonçant Outremont, 675 pages. HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 2003 PAfiE 18
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