PERSONNE ÂGÉE AUX URGENCES : L'ORGANE QUI PARLE EST-IL L'ORGANE MALADE ? - Dre Véronique Trombert Hôpital des Trois-Chêne Genève - Quadrimed
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PERSONNE ÂGÉE AUX URGENCES : L’ORGANE QUI PARLE EST-IL L’ORGANE MALADE ? Dre Véronique Trombert Hôpital des Trois-Chêne 23/01/2018 1 Genève
Ouverture le 1er novembre 2016 7j/7j 8h-19h Patient ≥ 75 ans Urgence non vitale Qui ne nécessite pas de spécialiste Qui ne nécessite pas de chirurgie, (pas de plâtre)
U3C : BILAN À 1 AN Près de 3’000 patients sur 1 an: 65% ♀ , 35% ♂ Âge médian 85 ans (91% >75 ans) 30% degré d’urgence 1 et 2, 70% degré d’urgence 3 et 4 (EST) Temps d’attente 0h Temps moyen passé en zone d’évaluation: 4,7h 20% RAD, 80% hospitalisations (2/3 aux 3C)
PARTICULARITÉS DE LA PERSONNE ÂGÉE Anamnèse difficile et parfois peu fiable : l’anamnèse doit être élargie aux proches, au médecin traitant, aux intervenants à domicile (soignants, AS). Les symptômes d’appel sont souvent peu spécifiques confusion, chute, globe vésical… Mode de présentation atypique : l’organe qui parle n’est pas toujours l’organe malade (confusion.) Pathologies intriquées : une pathologie X chez un patient polymorbide entraîne des complications (infection urinaire chez parkinsonien => mobilité ↘ , tr. de la déglutition, BPN aspiration, malnutrition, escarres…) Bouchon 1+2+3 : illustre la diminution de la réserve fonctionnelle d’organe et l’importance des facteurs intercurrents Bouchon JP. Particularités diagnostiques et grands principes thérapeutiques en gériatrie. Traité de médecine AKOS, 2003 : 7-19.
Fonction d’organe 1 Vieillissement physiologique 2 Maladie chronique de l’organe 3 Maladie aiguë : affection intercurrente 100% 1 2 3 3 Seuil de défaillance Perte de fonctionnalité 0 Age 1OO ans J.B. Bouchon, 1+2+3 ou comment tenter d’être efficace en gériatrie, Rev Prat 1984, 34:888
PATHOLOGIES EN CASCADE 12
CAS CLINIQUE N°1 Patiente de 83 ans, amenée en ambulance pour CHUTES TA: 155/83 mm Hg, Pouls: 84/min, Satu: 91% (AA), T°: 37,6°C ATCD : - insuffisance cardiaque diastolique - HTA - insuffisance veineuse - PTH droite (coxarthrose) TRAITEMENT : -Co-Diovan (valsartan) 80/12.5 -Dafalgan en réserve - Anxiolit 7,5 mg au coucher AA : Peu fiable mais hétéro-anamnèse révèle 3-4 chutes depuis la veille selon infirmières à domicile, instabilité à la marche, « comportement inhabituel » STATUS : B1B2 sp, Ø souffle, qq râles aux 2 bases (collaboration limitée), abdomen sp, LRSI, Ø masse sus-pubienne, neuro : désorientée T+E , NC et VL sp mais déambulation, contact difficile à établir. 13 => CONFUSION ?
CAS N°1 : CONFUSION Fréquent : 7-10% des patients âgés arrivant aux urgences ont une confusion. 50% d’entre eux ont une démence sous-jacente. Mortalité augmentée. La confusion est le révélateur d’une pathologie à rechercher Samaras N. Older patients in the emergency department: a review. Ann Emerg Med .2010 Sep;56(3):261-9. 14
CONFUSION Diagnostic difficile : démence ? Hyperactif (25%) ? Hypovigile (25%) ? Échelle CAM. Rechercher une cause sous-jacente.
ET PLUS OU Présence de 1+2 + (3 ou 4): diagnostic d’état confusionnel
Infection Hypoxie SCA, arythmie AVC, épilepsie Hypercalcémie, hypoglycémie, dysthyroïdie Déshydratation Médicaments (anticholinergiques,…) Sevrage (alcool ou drogues) Encéphalopathie hépatique, urémique Douleur Constipation ou rétention d’urine
CAS CLINIQUE N°1 Labo : discret syndrome inflammatoire ECG : sp RXthorax : BPN base D => BPN avec état confusionnel entraînant des chutes 18
CAS N°1: PNEUMONIE CHEZ L’ÂGÉ paucisymptomatique : la triade usuelle, toux, fièvre, dyspnée, peut manquer dans plus d'un tiers des cas. Les patients 75 ans ont jusqu’à 3,3 fois moins de symptômes de pneumonie comparés à ceux de 18-44 ans. atypique : la confusion ou la chute peuvent être la seule manifestation clinique d’une infection (absence de symptômes typiques tels que dyspnée, tachycardie et fièvre chez l’âgé). Confusion dans près de la moitié des patients âgés (78,5 ans) présentant une pneumonie Marrie T. Community-acquired pneumonia in the elderly. Clin Infect Dis 2000 ; 31 :1066-78. Metlay J. Does this patient have community-acquired pneumonia ? Diagnosing pneumonia by history and physical examination. JAMA 1997 ; 278 :1440-5. Riquelme R. Community-acquired pneumonia in the elderly. Am J Resp CritCare Med 1997;19 156 :1908-14.
CAS CLINIQUE N°2 Patient de 88 ans, amené en ambulance pour DYSPNEE TA : 140/80 mm Hg, Pouls : 96/min, Satu : 94% (AA), FR: 20/min, T°: 34,5°C (34.7°C), Gly : 8,1 ATCD : - CPI FEVG=40% en 2013 - Diabète - HTA - AVC - Adénocarcinome de la prostate T1N0M0 traité par radiothérapie (2001). - Ostéoporose TRAITEMENT : - Aspirine cardio 100mg 1-0-0 - Enalapril 5mg 1/2-0-1 - Torem 5mg - Crestor 5mg 20 - Targin 10mg 2x/j
CAS CLINIQUE N°2 AA : Un épisode de diarrhée et vomissement alimentaire (Ø douleurs abdominales), puis dyspnée (Ø DRS), notion de chute dans les jours précédents STATUS : Mauvais état général, déshydraté, hypotherme, B1B2 sp, Ø souffle, auscultation pulmonaire sp, abdomen sp, LRSI, Ø matité sus-pubienne, neuro : désorienté T+E, reste sp 21
CAS CLINIQUE N°2 RSR, BBG connu 22
CAS CLINIQUE N°2 Labo : GB 15’700, CRP = 2 mg/l, urée=16 mmol/, créat=150 µmol/l Troponines US = 103 ng/l (N surveillance HD au 13+ et antibiothérapie large 23
CAS CLINIQUE N°2 : ÉVOLUTION Normotherme. Tendance hypotension artérielle => remplissage. Apparition de décompensation cardiaque sur remplissage. Oligurique. Patient commence à devenir opposant aux soins (arrache ses équipements). => Ad CT thoraco-abdominal: recherche de foyer profond 24
CAS CLINIQUE N°2 : ÉVOLUTION CT scan : embolie pulmonaire massive bilatérale25
CAS N°2 : EMBOLIE PULMONAIRE MTEV survient principalement après l’âge de 65 ans. Chez le sujet âgé ≥ 65 ans, le taux de décès après un événement thrombo- embolique est de 11% à 30 jours et 31% à 1 an. Les autopsies démontrent que les EP sont sous-diagnostiquées : TVP moins symptomatiques chez l’âgé. Facteurs confondants : insuffisance cardiaque, comorbidités pulmonaires préexistantes. D-dimères moins utiles chez l’âgé : seuil à 500µgl/l permet d’exclure 5% des EP chez sujets >80 ans. Si on élève le seuil des D-dimères avec l’âge, on diminue la sensibilité et la VPN maintien seuil 500µgl/l. Scintigraphie ventilation-perfusion : moindre apport chez l’âgé car fréquemment ininterprétable Mean M. Maladie thromboembolique veineuse chez la personne âgée. Rev Med Suisse 2009; volume 5. 2142-2146. Righini M. Effects of age on the performance of common diagnostic tests for pulmonary embolism. Am J Med 2000 ;109 26 :357-61.
CAS CLINIQUE N°3 Patiente de 86 ans, amenée par son fils pour VOMISSEMENTS, CÉPHALÉES ET DOULEURS ABDOMINALES depuis des semaines. TA : 81/58 mmHg, Pouls : 91/min, Satu : 94% (AA), FR 18/min, T°: 36°C ATCD : - HTA - Fractures TRAITEMENT : - Tenormine - Stilnox 27
CAS CLINIQUE N°3 AA : Ce jour un épisode de vomissement (Ø sang), Ø diarrhées, douleurs abdominales depuis des semaines, puis céphalées. STATUS : Bon état général mais hypotendue, B1B2 lointains, irréguliers, Ø souffle, auscultation pulmonaire antérieure sp, abdomen sp hormis sensibilité FIG, LRSI, neuro : sp 28
CAS CLINIQUE N°3 Labo : en cours Gazométrie artérielle : alcalose respiratoire partiellement compensée, Lactates 3,3 mmol/l ECG : RSR, BBG Hypotension, DRS irradiant dans le dos, dyspnée avec désaturation 29
CAS CLINIQUE N°3 : ECG INITIAL ECG d’entrée: RSR, BBG non daté 30
CAS CLINIQUE N°3 : ECG APRÈS 30 MIN 31 DRS + : FA, BBG avec critères de Sgarbossa+
BBG TYPIQUE Discordance appropriée entre QRS et ST
SCA CHEZ BBG : CRITÈRES DE SGARBOSSA 5 points : ST + ≥ 1 mm si QRS > 0 (concordance « positive ») 3 points : ST - ≥ 1 mm si QRS < 0 en V1, V2 ou V3 (concordance « négative ») 2 points : ST + ≥ 5 mm si QRS < 0 («majoration de la discordance»). Concordance/discordance majorée entre QRS et ST
SCA CHEZ BBG : CRITÈRES DE SGARBOSSA Concordance/discordance majorée entre QRS et ST Sgarbossa EB (1996).Electrocardiographic diagnosis of evolving Acute Myocardial infarction in the presence of LBBB. N Engl J Med 1996; 334:481-487.
CAS CLINIQUE N°3 : ÉVOLUTION ECG : FA, BBG avec critères de Sgarbossa+ ETT : akinésie antéro-septo-apicale, FE VG 40%, IM modérée Choc cardiogène, alerte STEMI => transfert au SU Coronarographie : impossible à faire car OAP et impossibilité de rester à plat sans être intubée. Limitation de soins discutée avec le fils => traitement conservateur, amines transitoirement Labo : GB10’500, CRP=1,8mg/l, urée=11mmol/, créat=150 µmol/l Troponines US=265ng/l (N
SCA CHEZ LE PATIENT ÂGÉ Les patients sans DRS, hommes ou femmes, sont banalisés et non thrombolysés, pourtant leur mortalité va être supérieure. La mortalité est plus élevée chez la femme, ajustée à l’âge et aux comorbidités (moins de recours à l’angioplastie chez l’âgé et la femme). Le Dg d’infarctus s’appuie sur une triade : DRS, anomalies ECG, Troponines MAIS Le diagnostic d’infarctus (clinique et électrique) est plus difficile chez l’âgé CAR Chez les patients ≥ 75 ans, l’infarctus se manifeste de façon atypique dans 40% des cas (contre 10% d’atypie chez les plus jeunes): douleurs dorsale ou épigastrique, manifestations digestives isolées. Anomalies ECG fréquentes chez les âgés: BAV 1er degré, axe G, HBAG, BBD, ESV: bénin FA, BBG, HVG, troubles de repolarisation, ondes Q: mauvais pronostic Then KL. Atypical presentation of acute myocardial infarction in 3 age groups. Heart Lung 2001 Jul- Aug;30(4):285-93. Canto JG. Association of age and sex with myocardial infarction symptom presentation and in-hospital mortality. JAMA 2012 Feb 22;307(8):813-22. Juliard JM. Infarctus du myocarde chez le sujet âgé Sang Thrombose Vaisseaux 2008;6:295-301. 36 Bensaid J. Électrocardiogramme du sujet âgé. Cardiologie Angéiologie 1 (2004) 11–22.
CAS CLINIQUE N°4 Patient de 78 ans, amené par sa fille pour baisse de l’état général TA : 120/70 mm Hg, Pouls: 38/min, Satu : 95% (AA), T : 37,2°C, Gly 7,4 ATCD : - Démence Alzheimer probablement discrète - Glaucome - TURP, CCK TRAITEMENT : - Aspirine 100 mg - Gingko biloba - Vitamines - Collyres 37
CAS CLINIQUE N°4 AA : Depuis environ une semaine, asthénie importante, se mobilise de moins en moins, tendance aux chutes, Ø fièvre, Ø toux, Ø dyspnée, Ø troubles du transit mais s’alimente moins. STATUS : Etat général diminué (ralentissement psychomoteur), normohydraté, B1B2 sp, Ø souffle, mais bradycardie au scope, auscultation pulmonaire sp, abdomen sp, neuro : sp 38
CAS CLINIQUE N°4 Labo : en cours ECG : bradycardie sinusale 38/min, reste sp => Transfert au 13+ immédiat pour surveillance rythmique 39
CAS CLINIQUE N°4 Infirmier : équipement par 2 venflons, mise en place d’une sonde urinaire. Globe vésical 800ml : disparition quasi immédiate de la bradycardie sinusale 38/min, reste sp. 40
GLOBE VÉSICAL ET BRADYCARDIE Un globe vésical va classiquement stimuler le système nerveux sympathique (HTA, tachycardie), mais peut exceptionnellement se manifester par une réponse paradoxale parasympathique. Mécanismes ? Koch HJ. Severe bradyarrhytmia …by acute distension of the bladder. Int J Clin Pract. 2001 Jun;55(5):323-5 Lee TM. Acute effects of urinary bladder distension on the coronary circulation in patients with early atherosclerosis. J Am Coll Cardiol 2000 Aug ;36(2) :453-60. Lee TM. Distension of urinary bladder induces exaggerated coronary constriction in smokers with early atherosclerosis. See comment in PubMed Commons below Am J Physiol Heart Circ Physiol. 2000 Dec;279(6):H2838-45 Wells R. Clinical approach to autonomic dysfunction. Intern Med J. 2016 Oct;46(10):1134-1139. Fagius J.Sympathetic activity and blood pressure increases with bladder distension in humans.Hypertension. 41 1989 Nov;14(5):511-7
LES TROUBLES SPHINCTÉRIENS Rétention urinaire : 10% de la population âgée. Fécalome : fréquent. Attention aux diarrhées paradoxales.
TAKE HOME MESSAGE Les pathologies de l’âgé ne diffèrent pas fondamentalement des pathologies de l’adulte, mais leur présentation peut être différente. Le sujet âgé fait moins de syndrome inflammatoire (moins de fièvre). Une TA normale à basse doit être interprétée comme une « hypotension relative » chez un patient HTA. Le sujet âgé a moins de sensation de soif => risque de déshydratation. Présentations atypiques possibles de : SCA : DRS atypique ou absence de DRS Pneumonie : absence de dyspnée, toux, fièvre Pathologies abdominales : absence de douleur Pyélonéphrite : absence de douleur loge rénale Toujours éliminer la possibilité d’un globe vésical, d’un fécalome. Regarder ce qui se cache derrière une chute, derrière une confusion. L’organe qui parle est-il l’organe malade ? 43
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