Principaux tableaux cliniques de toxidermie médicamenteuse - Dr Bénédicte Lebrun-Vignes Centre de Pharmacovigilance Pitié-Salpêtrière
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Principaux tableaux cliniques de toxidermie médicamenteuse Dr Bénédicte Lebrun-Vignes Centre de Pharmacovigilance Pitié-Salpêtrière
Toxidermies Effets indésirables médicamenteux à expression cutanée • Effets indésirables les plus fréquemment notifiés > 1/4 des notifications spontanées • Santé Publique: Enquête systématique 1 jour donné Bichat (902 pts): 10% effet indésirable Effets indésirables dermato=14% 1% des consultations en Dermatologie 5% des hospitalisations en Dermatologie
Interrogation base nationale de pharmacovigilance mi 2018 747 418 observations de suspicion d’effets indésirables (61% graves) Affections de la peau et du tissu sous-cutané 185 018 (25 %) (47% graves) Affections psychiatriques: (5,6%) Affections pulmonaires: (6,8%) Affections hépatiques: (4,5%) Affections cardiaques: (5,4%) Affections rein : (4,3%) Affections hématologiques: (10,3%)
Présentations cliniques des toxidermies Nombreuses et variées Non spécifiques du médicament: diagnostics étiologiques différentiels !!! Informations indispensables (pharmacovigilance) - Analyse chronologique précise prises médicamenteuses, début des signes, évolution - Analyse sémiologique (dermatologue) Description du tableau clinique et biologique « boutons » n’existe pas dans la terminologie dermatologique « rash » = « éruption » : trop imprécis ! Elimination des diagnostics différentiels - Bibliographie
Sémiologie - Diagnostic précis de la toxidermie - Elimination des diagnostics étiologiques différentiels
Fréquence des types de toxidermie Fonction de la structure (cs/H) Conditions de recueil Géographie … Exanthème maculo-papuleux 30% Urticaire/angioedème 20% Erythème pigmenté fixe 8% PEAG
Absence de spécificité étiologique Type de toxidermie Étiologie médicamenteuse Exanthème maculopapuleux 50-80% Urticaire aiguë 10% Érythème Pigmenté Fixe 100% (mais) Érythème polymorphe
Exanthème maculo-papuleux Eruption polymorphe (lésions d’aspect variable) Délai d’apparition 5 à 21 jours (moy 10 j), < si réintroduction Macules et/ou papules érythémateuses ± confluentes ± diffuses Prédominant tronc et racine des membres Aspect purpurique aux membres inférieurs Prurit et/ou fièvre modérée (< 38,5°) Atteinte muqueuse (énanthème) rare Evolution à l’arrêt • favorable sans séquelle 1-2 semaines • desquamation Traitement symptomatique: anti-H1 si prurit et dermocorticoïdes
Exanthème maculo-papuleux
Exanthème maculo-papuleux Médicaments impliqués La plupart des médicaments peuvent induire un EMP chez environ 1% des patients traités Risque d’EMP > 3% allopurinol aminopénicillines céphalosporines anti-épileptiques sulfamides anti-bactériens
Exanthème maculo-papuleux Histologie peu spécifique: infiltrat lympho-histiocytaire péri- vasculaire du derme, infiltrat mononucléé lichénoïde, présence de nécroses kératinocytaires Diagnostics différentiels: primo-infections/réactivations virales, causes bactériennes, parasitaires et inflammatoires Risque augmenté au cours de certaines infections virales EBV, 80 à 100% d’EMP sous pénicilline A, surestimée (33%) VIH en particulier avec le sulfaméthoxazole
Exanthème maculo-papuleux Variantes: évolution plus chronique, délai plus long Toxidermies eczématiformes (IgIV) Toxidermies lichénoïdes
Syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique (NET) • Toxidermie bulleuse rares et grave (2 cas/million) • Arrêt immédiat du ou des médicaments suspects • Hospitalisation en milieu spécialisé (Dermato CR/CC, USI) • Bilan clinique, biologique et radiologique de l’atteinte cutanée et viscérale • Traitement symptomatique …
Syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique (NET) Mortalité à 6 semaines = 23% à 1 an = 34% Décollements bulleux cutanéomuqueux par apoptose kératinocytaire < 10% surface décollée/décollable: syndrome de Stevens Johnson > 30% syndrome de Lyell 10 à 30% syndrome de « chevauchement » Délai d’apparition de 5 à 28 jours (attention au biais protopathique)
Syndromes de Stevens- Johnson et de Lyell Quantification surface corporelle atteinte Paume d’une main = 1% surface corporelle totale
Syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique (NET) • Signes inauguraux: syndrome grippal puis érosions muqueuses au moins 2 sites et éruption maculo-papuleuse érythémateuse en pseudo-cocarde • Evolution purpurique puis bulleuse, décollements cutanés, signe de Nikolski, atteinte muqueuse érosive douloureuse, anorexie totale, atteinte trachéo- bronchique et/ou digestive • Insuffisance rénale, atteinte hématologique, cytolyse hépatique possibles • Extension du détachement sur une dizaine de jours puis ré-épithélialisation en 2-3 semaines • Complications: infectieuses (surinfection locale, septicémie, pneumopathies…), troubles hydro-électrolytiques secondaires à l’hyperthermie et à l’effraction de la barrière cutanée, détresse respiratoire
Syndromes de Stevens- Johnson et de Lyell SCORTEN: score de gravité Risk factor 0 1 Age < 40 years > 40 years Associated malignancy no yes Heart rate (beats/min) 120 Serum BUN (mg/dL) 27 Detached or compromised body surface 10% Serum bicarbonate (mEq/L) >20 90% Bastuji-Garin S, Fouchard N, Bertocchi M, et al.. SCORTEN: a severity-of-illness score for toxic epidermal necrolysis. J Invest Dermatol 2000. pp. 149–53.
Syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique (NET) Séquelles fréquentes, syndrome stress post-traumatique, altération de la qualité de vie • Cutanées dyschromies (hypo ou hyper pigmentation) cicatrices dystrophiques dystrophies unguéales prurit • Muqueuses Sécheresse Synéchies oculaires, oesophagiennes, bronchiques, urétrales, vaginales et anales Atteinte ophtalmologique invalidante: photophobie, une perte d’acuité visuelle
Syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique (NET) Facteurs de risque • VIH, collagénoses, radiothérapie • Génétique ethnie chinoise Han HLA-B*5801 et allopurinol HLA-B*1502 et carbamazépine Europe (RegiSCAR) HLA-B*5801 et allopurinol HLA-B*38 et sulfamethoxazole ou lamotrigine HLA-B*73 et oxicam Pas de lien HLA-B*1502 et carbamazépine
Syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique (NET) Médicaments inducteurs (cas-témoins EuroSCAR) Sulfamides antibactériens, allopurinol, carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne, AINS de la famille des oxicams, névirapine, lamotrigine, sertraline, pantoprazole, tramadol
Syndromes de Stevens- ALDEN: Algorithme spécifique d’imputabilité Johnson et de Lyell (étude cas-témoins EuroSCAR) ►Date Index Probable: premiers signes Délai d’apparition - 3 à +3 spécifiques (cutanés) (début de prise du médicament Date INDEX Probable ►Date Index possible: Premiers signes cliniques non Médicament présent à la DATE -3 à 0 spécifiques INDEX (PK) Préchallenge / Rechallenge -2 à 4 ►Notoriété: « strongly associated » = 3 Déchallenge -2 ou 0 « associated » = 2 « suspected » = 1 Notoriété -1 à 3 « unknown » = 0 « not suspected » = -1 Calcul Score intermédiaire et classement des médicaments ►Résultat final: imputabilité Score 3 -1 (autres médicaments) improbable » Score 2-3: «possible» Score final -12 à 10 Score 4-5: «probable» Score ≥ 6: «très probable» Sassolas, B. et al. ALDEN, an Algorithm for Assessment of Drug Causality in Stevens-Johnson Syndrome and Toxic Epidermal Necrolysis: Comparison With Case-Control Analysis, Clin Pharmacol Ther. 2010;88,60-68
Syndromes de Stevens- Johnson et de Lyell Diagnostic différentiel sémiologique et étiologique: "SSSS" ou « Lyell » staphylococcique Staphylococcal scaled skin syndrom Syndrome toxinique
Érythème polymorphe • Etiologie 80% infectieuse (HSV, mycoplasme) 20% médicamenteux • Peau: Cocardes typiques: lésions en cible avec au moins 3 cercles concentriques individualisables • Respect du tronc et prédominance des lésions en distalité (paumes et plantes) • Absence de signe de Nikolski • Muqueuses: érosions post-bulleuses • Caractère récidivant (herpès)
Syndrome d’hypersensibilité (DRESS) Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms • Sémiologie: – Tableau: atteinte multiviscérale • Atteinte cutanée (non obligatoire ou au second plan) • Atteinte viscérale (foie, rein, poumon, sang, gg, coeur) – Diagnostics différentiels: • Primo-infections virales (HHV-6, CMV, EBV…) • Virus = co-facteur avec réactivation virale (PCR+) • Lymphome (lymphocytes tumoraux) • Chronologie d’apparition: de quelques jours à 8 semaines • Evolution: – Mortalité: 5 à 10%?, défaillance multiviscérale – Evolution fluctuante dans le temps, rechutes après l’arrêt…. • Traitement: corticosensible (topique ou général si atteinte viscérale grave) – Mais corticodépendance (co-infection virale ?)
DRESS SCORE diagnostic RegiSCAR
DRESS Médicaments les plus à risque • Antiépileptiques (phénobarbital, carbamazépine, phénytoïne, lamotrigine) • Minocycline • Allopurinol • Dapsone • antirétroviraux (névirapine, abacavir) • Sulfamides « antibactériens » (sulfadiazine, sulfaméthoxazole) et sulfasalazine • Inhibiteurs de la pompe à protons • Vémurafenib…
Urticaire et angiœdème Vasodilatation à l’origine d’un œdème • Urticaire: œdème dermique papules œdémateuses prurigineuses, halo érythémateux, labiles dans le temps et dans l’espace, disparaissant en 24 à 48 h sans laisser de trace • Angiœdème: œdème dermo-hypodermique =œdème de Quincke urticaire profonde touchant plus volontiers les muqueuses, œdème rosé paupières, lèvres, oreilles et/ou des muqueuses. associé à une sensation de tension parfois douloureuse
Urticaire et angiœdème Urticaires médicamenteuses: mécanismes Pharmacologiques Immuno-allergiques (pseudo-allergiques) 5% 95% • libération d’histamine Médiées par IgE (ex: morphiniques) (ex: pénicilline) • bradykinines (IEC++, Risque: choc sartans, gliptines) anaphylactique, asphyxie • blocage prostaglandines, Tests allergologiques +++ accumulation de (prick, IDR, réintro) leucotriènes (AINS)
Pustulose Exanthématique Aiguë Généralisée (PEAG) • Eruption pustuleuse fébrile > 38,5° • Délai de 24 à 72 h (sensibilisation antérieure ?) mais parfois plus retardé • Grave, mise en jeu du pronostic vital • Pustules non folliculaires et aseptiques reposant sur des nappes érythémateuses • Prédominant au visage et aux grands plis • Confluence: décollements superficiels • Biologie: polynucléose neutrophile, syndrome inflammatoire, hypercalcémie, rarement éosinophilie • Manifestations systémiques parfois associées (hépatique, rénale, médullaire, pulmonaire)
Pustulose Exanthématique Aiguë Généralisée (PEAG) • Evolution favorable en 1 à 2 semaines avec desquamation superficielle • Diagnostic différentiel: psoriasis pustuleux (antécédents de psoriasis, évolution récidivante), mercure • Formes sévères parfois confondues avec un syndrome de Lyell, du fait de la confluence des pustules, mais respect des muqueuses, caractère superficiel du décollement • Médicaments impliqués (EuroScar): pristinamycine, ampicilline, quinolones, hydroxychloroquine, sulfamides antibactériens, terbinafine, diltiazem. • Etiologies infectieuse, alimentaire ou morsure d’araignée !
SDRIFE (Symmetrical Drug-Related Intertriginous and Flexural Exanthema) e • Erythème symétrique bien limité région fessière/péri-anale et/ou un érythème en V de la région inguinale ou péri-génitale et au moins un autre grand pli. • Micropapules, pustules, vésicules, rarement bulles • Atteinte rare palmo-plantaires, visage et muqueuses • Pas de signes systémiques • Délai d’apparition quelques heures à quelques jours • Histologie variable, présence constante d’un infiltrat périvasculaire superficiel composé de cellules mononuclées
Syndrome Babouin et SDRIFE Définitions Sd Babouin: sensibilisation topique et provocation systémique. Atteinte du siège essentiellement SDRIFE : sensibilisation systémique et provocation voie systémique Médicaments impliqués antibiotiques (bêta-lactamines), produits de contraste iodés, cetuximab, allopurinol, mitomycine, pseudoéphédrine, corticoïdes, terbinafine, valaciclovir
Erythème pigmenté fixe • Rare en occident, fréquent Asie et Afrique • Délai d’apparition < 48-72 heures • Sémiologie: – lésion(s) arrondie(s) rouge(s) puis pigmentée(s), bulle parfois – Récidive au même endroit si réintroduction – Diagnostic différentiel: formes muqueuses pures, EPF bulleux étendu (SSJ/NET) • Médicaments: paracétamol, AINS (oxicams), antibiotiques (bêtalactamines, quinolones, sulfamides, cyclines, macrolides), carbocystéine, antiépileptiques, benzodiazépines, IPP, antihistaminiques, antifongiques (terbinafine, fluconazole)
Erythème pigmenté fixe Pathognominique médicament Mais étiologies alimentaires…
Erythème pigmenté fixe Localisation buccale Sudip Kumar Ghosh and Debabrata Bandyopadhyay. J Sex Med 2009;6:3500–3503 Esen Özkaya. J Am Acad Dermatol 2013;69:e51-8.
Photosensibilité médicamenteuse
Photosensibilité médicamenteuse Photo-toxicité: diminution du seuil de sensibilité/soleil Toxique (pas immuno-allergique): concerne tout le monde, dose dépendant Gros coup de soleil (brûlure) zones exposées Photo-allergie: Réaction immuno-allergique: certains sujets sensibilisés Eruption polymorphe, débordant zone exposée Evolution parfois photosensibilité rémanente Ex: AINS, médicaments topiques (kétoprofène) Exploration par photo-patch-tests
Photosensibilité médicamenteuse Phototoxicité Doxycycline Photoallergie Acide nalidixique Naproxène Piroxicam Sulfamides antibactériens Voriconazole Pyréthamine Amiodarone, Fluoroquinolones Hydrochlorothiazide Phénothiazine Chlorpromazine Diurétiques thiazidiques Vemurafenib AINS: kétoprofène ++
Effets indésirables cutanés des chimiothérapies anticancéreuses Variés Spécifiques de chaque famille chimique Mécanismes toxicité directe sur cellules saines effet pharmacologique réaction immuno-allergique Touchent les annexes de la peau (cheveux, ongles)
Effets indésirables cutanés des chimiothérapies anticancéreuses Alopécie Syndrome mains-pieds Lignes de Beau
Effets indésirables cutanés des chimiothérapies anticancéreuses Nouvelles molécules, nouveaux effets indésirables Ex: Inhibiteurs de l’EGFR (cetuximab, gefitinib, erlotinib, lapatinib) • Effets pharmacologiques : blocage de l’EGFR et désorganisation des kératinocytes épidermiques/phanériens • Dose-dépendants : témoins de l’efficacité du blocage de l’EGFR et donc de l’efficacité du traitement – Papulo-pustules ou paronychie/granulomes pyogéniques – Anomalies de régulation des poils – Prurit – Xérose
Les autres toxidermies dont on ne parlera pas • Pigmentations cutanées (hydroxychloroquine, cyclines, amiodarone) • Vascularites cutanées (purpura nécrotique) • Halogénides • prurit/prurigo • Dermatose bulleuse auto-immune induites (DIGAL, PB, pemphigus) • Cancers épidermiques (immunosuppresseurs et photosensibilisants) • Psoriasis • Éruptions acnéiformes
Signes de gravité ? Fièvre > 38°5 Atteinte muqueuse Décollement bulleux (Nikolsky) Érythrodermie (érythème >90% surface corporelle) Œdème du visage Adénopathies périphériques Ex compl: sang, foie, rein, poumon, cœur
Principaux tableaux cliniques de toxidermie médicamenteuse Chronologie/sémiologie J0 ERUPTION DRESS J-60 à J-7 SJS/NET J-28 à J-5 E Maculo- J-21 à J-5 papuleux PEAG J-3 à J-1 EPF J-3 à J-1 Urticaire J-1 H-1
Principaux tableaux cliniques de toxidermie médicamenteuse Bibliographie
Références Lebrun-Vignes B, Valeyrie-Allanore L. Toxidermies. Rev Med Interne. 2015;36:256-70
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