Quand l'art renaît des ruines - FR - Museum zu Allerheiligen

 
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Quand l’art FR
                                      Guide de l’exposition

renaît des ruines
Solidarité suisse après le
bombardement de Schaffhouse en 1944
18 mai–20 octobre 2019
1er étage                                                                                           S’orienter dans l’exposition
Exposition temporaire               Histoire culturelle
100 Escalier principal / Entrée     110 Ancien salon schaffhousois
      Quand l’art renaît des        125 Schaffhouse durant la
      ruines                               Seconde Guerre mondiale
      Avant que ne pleuvent les
                                                                                                    Bienvenue au Museum zu Allerheiligen.
      bombes

                                                WC
                                                                                                    La majeure partie de l’exposition Quand l’art renaît des ruines est
                                                                                                    présentée dans notre hall d’exposition temporaire dans le Kamm­
                                  Kidscorner                                                        garn, que l’on rejoint par la passerelle au second étage.
                                                                         125
                                                                                                    Vous commencez à vous y préparer dès l’escalier. À titre de pro­
                                                                                                    logue, la situation du musée et de la Suisse avant le bombarde­
                                               100
                                                                                                    ment de Schaffhouse le 1er avril 1944 est mise en lumière dans
                                                                                                    l’entrée du premier étage.
                      110
                                                                                                    Vous plongez ensuite dans l’événement tragique au second étage
                                                                                                    – annoncé par une horloge d’usine arrêtée à 10h58. Dans les salles
                                                                                                    suivantes, vous découvrez les conséquences du bombardement
                                                                                                    pour notre institution.
2e étage
                                                                                                    Au premier étage, l’exposition permanente Schaffhouse dans la
100    Escalier principal           K200 Kammgarnhalle                   Histoire culturelle
                                                                         215 Salle en croix
                                                                                                    Seconde Guerre mondiale complète le parcours de l’exposition
Exposition temporaire               Collection d’art                                                temporaire et replace ce drame dans un contexte historique plus
201 Quand l’art renaît des          210 La collection d’art disparue
      ruines                        213 Ancien cabinet Stimmer
                                                                                                    large. Veuillez noter la signalétique au sol.
      43 secondes                   214 La restauration de La Vierge
      Le musée de ce qui n’est            aux raisins de Lucas Cranach                              Visitez également les salles du musée directement touchées par
      plus                                l’Ancien                                                  les bombes, où vous découvrirez l’ampleur de la destruction. Ce
                                                                                                    sont, dans la section d’art, les trois cabinets au second étage et
                                                                                                    l’ancien salon schaffhousois au premier. Orientez-vous grâce au
                                                                                                    plan situé sur la page de droite ainsi qu’à la signalétique au sol ou
                  215
                                                                                                    demandez aux agents d’accueil et de surveillance.
      213
214                                              100

                    210                        201                       Kammgarnhalle
                                                                         K200

                                                                                               WC
                                                         WC

                            2                                                                                                                                          3
Textes de l’exposition

    Exposition temporaire

    Quand l’art renaît des ruines
          6
    Avant que ne pleuvent les bombes
          8
    43 secondes
         10
    Le musée de ce qui n’est plus
         11
    Sauvetage chaotique, restauration délicate
         13
    Résurrection au Allerheiligen
         15
    La perte comme pierre angulaire
         18
    De l’art neuf pour un musée détruit
         20
    Un phénix renaît de ses cendres
         22
    Une solidarité visible
         24

    Lieux touchés de l’exposition permanente
         26

    Principaux textes de l’exposition permanente
    Schaffhouse durant la Seconde Guerre mondiale
         30

4                                                   5
Quand l’art
renaît des ruines
Solidarité suisse après le bombardement
de Schaffhouse en 1944

                                                                           Des nuages de fumée
                                                                           s’échappent de la
                                                                           section d’art du Mu­
                                                                           seum zu Allerheiligen
Le bombardement par erreur de Schaffhouse le 1er avril 1944 sème           durement touché.
la mort et la destruction dans la ville. Le Museum zu Allerheili­          Photo du 1er avril 1944,
                                                                           © Stadtarchiv Schaff­
gen et l’ancien Musée d’histoire naturelle sur l’Herrenacker sont
                                                                           hausen
également touchés. Des joyaux du patrimoine artistique et cultu­
rel partent en flamme. De nombreuses œuvres d’art parviennent
à être sauvées, parfois dans des conditions rocambolesques.
D’autres sont irrémédiablement perdues.
      Cet événement tragique déclenche une vague de solidarité
sans égale dans toute la Suisse. Des communes, des cantons, des
musées et des particuliers font des dons et lèguent des œuvres
d’art.
      L’exposition présente pour la première fois les plus de 80
œuvres de ce don culturel dans toute leur diversité. Les dons mo­
nétaires permettent d’acheter des pièces majeures. Les indemni­
tés versées par les États-Unis donnent naissance à la Fondation
Peyer pour Tobias Stimmer, qui s’engage pour préserver le patri­
moine culturel de Schaffhouse.
      Tandis que le Musée d’histoire naturelle ne se relève pas du
sinistre, le Museum zu Allerheiligen peut rouvrir ses portes dès
1946. Porté par une grande vague de solidarité, il ose sortir de son
cocon de musée régional pour devenir un grand musée d’enver­
gure internationale.

6                                                                      7
Avant que ne                                                               ailleurs ou dans l’abri antiaérien aménagé en 1938. Malheureuse­
                                                                           ment, les conditions climatiques de cet abri s’avèrent inadaptées

pleuvent les bombes                                                        à la conservation des tableaux. Le 1er avril 1944, les pièces de l’aile
                                                                           ouest sont ainsi livrées à la merci des bombes.
                                                                                 Il faut attendre longtemps avant de trouver une solution pé­
                                                                           renne pour protéger le patrimoine culturel. Ce n’est qu’en 1995
                                                                           que peut être construite une salle moderne sous la cour intérieure
                                                                           du musée. Jusqu’à cette date, certaines collections de grande va­
Le Museum zu Allerheiligen a moins de seize ans lorsqu’il est tou­         leur sont stockées notamment dans des combles ou des coffres
ché par les bombes le 1er avril 1944. La Ville de Schaffhouse avait        bancaires.
érigé un musée régional sur le site d’une ancienne abbaye béné­
dictine. La nouvelle aile ouest du bâtiment, construite en 1938,
est détruite.

De l’abbaye bénédictine au temple des muses
L’histoire du Museum zu Allerheiligen est presque centenaire. En
1921, la Ville de Schaffhouse commence à transformer le couvent
et ses bâtiments en musée. Le 1er septembre 1928, 42 premières
salles sont ouvertes au public. Le musée est baptisé Museum zu
Allerheiligen.
      Après la construction d’autres bâtiments, le musée agrandi
peut être solennellement inauguré le 11 septembre 1938. Les col­
lections d’art et d’histoire culturelle, que le canton, la Ville, des
associations et des particuliers ont rassemblées pendant des dé­
cennies, disposent désormais d’un « lieu digne de conservation et
de présentation ».

Un démarrage réussi
Après l’ouverture en 1938, d’autres salles d’exposition sont amé­
nagées et les collections sont constamment étoffées. En 1939, le
diorama de Kesslerloch et la copie de la peinture du plafond de la
salle de réception de la corporation des tanneurs sont achevés.
                                                                                                                                                     Affiche annonçant
En 1942, le musée ouvre une section sur l’histoire de l’industrie.
                                                                                                                                                     l’ouverture du musée
Des expositions temporaires sont régulièrement consacrées à des                                                                                      Nohl Druck Schaff­
thèmes artistiques et historiques.                                                                                                                   hausen, 1938
      Dès 1943 sort la troisième édition du guide illustré du musée.
Il compte alors 70 salles pour près de 4000m² de surface d’expo­
sition, divisée en trois collections : « Préhistoire et protohistoire »,
« Histoire médiévale et contemporaine » et « Art ».

Vains efforts de protection
Pendant les années de guerre, la priorité absolue est de protéger
les objets du musée, dont l’activité d’exposition est fortement
réduite. Des objets importants sont temporairement entreposés

8                                                                                                                                               9
43 secondes                                                             Le musée de ce qui
                                                                                                n’est plus
                        L’heure zéro de Schaffhouse dure moins d’une minute. Suite à
                        une erreur d’itinéraire et d’horaire, trois escadrilles de bombar­
                        diers de la 8e Air Force américaine surgissent au-dessus de la ville.   Brûlé, enseveli, anéanti.
                        L’alarme usuelle attire de nombreux Schaffhousois dans la rue, qui      Une dernière exposition pour des œuvres d’art détruites.
                        veulent admirer les avions. Au Museum zu Allerheiligen, on vient        Seul ce qui est oublié, n’est plus.
                        juste de sortir les chefs-d’œuvre de l’abri pour les raccrocher dans
                        les salles d’exposition. Les 378 bombes incendiaires et explosives
                        prennent la ville par surprise.                                         Un sinistre pour l’éternité
                                                                                                Les bombes s’abattent sur l’aile ouest du musée et frappent les
                                                                                                pièces historiques et la section d’art. Le toit s’effondre, les flammes
                                                                                                détruisent des chefs-d’œuvre. Parmi elles, neuf portraits de To­
                                                                                                bias Stimmer et celui de Martin Luther par Lucas Cranach l’Ancien.
                                                                                                Une grande partie de l’art schaffhousois du XVIe au XVIIIe siècle est
                                                                                                également réduite à néant. Au total, 66 peintures disparaissent
                                                                                                – une grave perte culturelle et des dégâts financiers de plus d’un
                                                                                                million de CHF pour la Ville, l’État fédéral et les particuliers.

                                                                                                Les jours suivants
                                                                                                Schaffhouse est meurtrie et la Suisse entière affectée. Le bombar­
                                                                                                dement de la ville du Munot suscite la consternation dans tout le
                                                                                                pays. L’écho dans les médias culmine dans l’appel à la solidarité et
                                                                                                au don culturel.

                                                                                                Le plus grave bombardement de la Suisse
                                                                                                Malgré sa neutralité, la Suisse est bombardée à plusieurs reprises
                                                                                                par des avions alliés au cours de la Seconde Guerre mondiale.
                                                                                                Dans le canton de Schaffhouse, Neuhausen am Rheinfall, Thayn­
                                                                                                gen et Stein am Rhein en sont victimes. Mais le bombardement
                                                                                                de Schaffhouse est le plus lourd de conséquences. 40 personnes
                                                                                                y laissent la vie, 270 sont blessées, certaines grièvement, plus de
                                                                                                400 se retrouvent sans abri.
Vue depuis la rive
opposée du Rhin
                                                                                                Bombes sur le Musée d’histoire naturelle et
sur les bâtiments en                                                                            le Museum zu Allerheiligen
flamme du Kammgarn                                                                              Au moins une bombe incendiaire frappe le Musée d’histoire natu­
et du musée. Photo                                                                              relle sur l’Herrenacker. Certaines salles et des collections entières
du 1er avril 1944,
© Stadtarchiv Schaff­                                                                           sont anéanties. Le bâtiment du musée doit être rasé. Les fonds
hausen                                                                                          sauvés sont entreposés ailleurs.

                        10                                                                                                                                          11
Au Museum zu Allerheiligen, les bombes touchent l’aile ouest et
                       provoquent de gros dégâts. Les étages supérieurs doivent être            Sauvetage chaotique,
                       intégralement démontés et reconstruits. De nombreuses œuvres
                       sont irrémédiablement perdues.                                           restauration délicate
                       Appel aux dons
                       Quelques jours à peine après le bombardement, un appel au don
                       culturel est lancé à Zurich. Il se veut un signe spontané « de solida­
                       rité cordiale de Zurich avec son voisin » et s’adresse à tous ceux qui   Après le bombardement, il s’agit d’agir vite : éteindre les foyers
                       « ont une sensibilité particulière pour l’idée de ce don ». L’argent     d’incendie, évacuer les objets intacts ou abîmés et les mettre à
                       récolté permet d’acheter des œuvres d’art majeures et d’ériger un        l’abri de l’eau d’extinction comme du vol. Seul ce sauvetage cou­
                       monument commémoratif.                                                   rageux permet de restaurer plus tard de nombreuses œuvres d’art.

                       Un mémorial pour les victimes                                            Mémoriaux de la destruction
                       Un tiers du don culturel zurichois est destiné à la création d’un        L’ampleur de la destruction se révèle une fois le patrimoine dé­
                       mémorial. Un jury de concours recommande le projet de sculp­             gagé des décombres : outre le feu et la chaleur, l’eau d’extinction
                       ture de Karl Geiser. Son emplacement déclenche ultérieurement            et les avaries mécaniques ont provoqué des ravages. Certaines
                       un débat. Karl Geiser n’a pas le temps d’achever son bronze, car il      pièces abîmées ne peuvent pas être restaurées, mais demeurent
                       meurt brutalement en 1957.                                               dans les collections. Des bris de porcelaine, des fiches d’inventaire
                                                                                                roussies ou le portrait de Martin Luther par Lucas Cranach l’An­
                                                                                                cien, désormais méconnaissable, sont conservés comme mémo­
                                                                                                riaux. D’autres objets, tels que des vestiges de maisons détruites
                                                                                                de la vieille ville, rejoignent les collections uniquement à l’issue du
                                                                                                bombardement : les plafonds à solives de la salle des vignerons,
                                                                                                des jeux de cartes ou encore des éclats de bombes.

                                                                                                Chefs d’œuvre de restauration
                                                                                                79 œuvres sont déclarées détruites. Toutefois, des experts consul­
                                                                                                tés estiment que 13 d’entre elles, des peintures, peuvent être res­
                                                                                                taurées. Hans Harder (1913–2002), restaurateur au Museum zu
                                                                                                Allerheiligen, leur redonne leur éclat d’origine, au moins en partie,
                                                                                                au long d’un délicat travail d’orfèvre, minutieusement documenté.
                                                                                                      Le Jünteler Epitaph est un parfait exemple de ses prouesses
                                                                                                exceptionnelles : le feu, la chaleur et l’eau d’extinction ont pro­
                                                                                                voqué des bulles sur le vernis résineux protecteur, devenu mat et
                                                                                                opaque. La couche de peinture s’est mise à se soulever, générant
                                                                                                des altérations massives des couleurs. Hans Harder commence la
                                                                                                restauration en 1946. Il dissout le vernis fondu et stabilise les in­
                                                                                                nombrables petites bulles comme les boursouflures colorées. Six
                                                                                                ans plus tard, en 1952, le tableau peut être présenté pour la pre­
Tobias Stimmer                                                                                  mière fois au public.
(1539–1584)
Portrait de Martin
Peyer, 1565, détruit
en 1944

                       12                                                                                                                                           13
Résurrection
                                                                                              au Allerheiligen
                                                                                              Le Musée d’histoire naturelle

                                                                                              L’histoire centenaire du Musée d’histoire naturelle sur l’Herrenac­
                                                                                              ker s’achève avec le bombardement. La majorité de ce qui y est ex­
                                                                                              posé est détruite. Seule une partie des collections non présentées
                                                                                              peut être sauvée et stockée. Quatre décennies s’écouleront avant
Defendente Ferrari                                                                            que le Museum zu Allerheiligen n’inaugure une nouvelle section
(1480/1485–après
                                                                                              d’histoire naturelle.
1535) L’Enfant Jésus,
vers 1515–1518,
avant sa restauration                                                                         Le musée d’histoire naturelle sur l’Herrenacker
                                                                                              (1843–1944)
                        Mise en place de la protection du patrimoine culturel                 En 1843, un cercle de bourgeois cultivés de Schaffhouse fonde
                        En 1944, il n’existe pas encore d’organisation structurée de sauve­   le Musée d’histoire naturelle et lui confie leurs collections. Elles
                        garde du patrimoine culturel. Après le sinistre, des détenus libé­    sont présentées dans un immeuble municipal, qui abrite aussi la
                        rés, des scouts et des passants aident à mettre à l’abri les objets   bibliothèque. Les fonds s’étoffent constamment grâce aux dons
                        du musée. Des bénévoles, des pompiers et des soldats volent au        de Schaffhousois résidant en Suisse et à l’étranger.
                        secours du personnel du musée pour dégager les collections.                 On ne parvient pas à trouver de solution d’avenir commun
                              Au vu des dégâts massifs subis par le patrimoine culturel       avec les collections artistiques et culturelles du nouveau Museum
                        européen pendant la Seconde Guerre mondiale, la « Convention          zu Allerheiligen. Après le déménagement de la bibliothèque, le
                        pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé » est   Musée d’histoire naturelle peut enfin investir l’ensemble du bâti­
                        adoptée à La Haye le 14 mai 1954. La Suisse la ratifie en 1962.       ment sur l’Herrenacker et, à compter de 1934, la nature de la ré­
                              Dix-sept ans après la fin du conflit, Schaffhouse commence      gion s’y déploie sur trois étages. Le musée comprend également
                        à mettre en place une protection du patrimoine culturel dans le       des salles des collections, de travail, de lecture et de conférence.
                        cadre de la protection civile. Aujourd’hui, le musée coopère étroi­
                        tement avec le service municipal de protection du patrimoine.         Destruction et sauvetage
                                                                                              Au moins une bombe incendiaire frappe de plein fouet le bâtiment
                                                                                              du Musée d’histoire naturelle. Les salles d’exposition sur le règne
                                                                                              animal et la géologie sont intégralement anéanties, de même les
                                                                                              archives et certaines collections. Le montant des dégâts s’élève à
                                                                                              1,5 million de CHF. C’est aussi grâce à l’intervention courageuse
                                                                                              de scouts et de citoyens qu’une partie des collections peut être
                                                                                              dégagée des décombres.
                                                                                                   Dans un premier temps, les objets sauvés sont entrepo­
                                                                                              sés à côté de la place, puis successivement répartis dans des lo­
                                                                                              caux loués dans toute la ville, dont certains logements privés de
                                                                                              membres de la Société des sciences naturelles. Le bâtiment du

                        14                                                                                                                                     15
musée et les immeubles attenants sont rasés et reconstruits de
neuf. Mais le Musée d’histoire naturelle n’y a plus sa place.

Quatre décennies de torpeur
Le Musée d’histoire naturelle bénéficie lui aussi d’une grande
vague de solidarité. De nombreux particuliers, institutions et or­
ganisations proposent des objets, essentiellement des prépara­
tions zoologiques. Mais la question des locaux n’étant pas résolue,
les édiles municipaux sont contraints de refuser ces donations.
      Les appels à l’ouverture d’un nouveau Musée d’histoire na­
turelle ne se font pas longtemps attendre. En 1948, on songe à lui
dédier l’aile est du Museum zu Allerheiligen. Au début des années
1970, l’option du Kornhaus sur l’Herrenacker est discutée. Mais
tous ces projets échouent. Pendant ce temps, les collections dis­
persées continuent à être gérées par des membres de la Société
des sciences naturelles.

Renaissance au Museum zu Allerheiligen
Il a fallu plus de quarante ans pour trouver un successeur au Mu­
sée d’histoire naturelle sur l’Herrenacker. Vers 1977, l’aménage­
ment d’une exposition de sciences naturelles dans les combles du
                                                                            Des scouts aident
Museum zu Allerheiligen se concrétise. Les collections peuvent              à dégager les objets
également enfin être centralisées dans cette grande maison.                 des décombres du
       La section de géologie ouvre en 1985, la section de biologie         Musée d’histoire na­
                                                                            turelle sur l’Herren­
trois ans plus tard. Les fonds pour ce « musée dans le musée », y           acker. Photo du
compris la future extension des salles de collection, proviennent           1er avril 1944, © Stadt­
des versements d’indemnités. En 1991, l’exposition d’histoire na­           archiv Schaff­hausen
turelle reçoit un prix international pour sa qualité et la modernité
de ses méthodes de médiation culturelle.

16                                                                     17
La perte comme pierre
                                                                        Un panorama impressionnant de l’art
                                                                        du XVIe au XVIIIe siècle

angulaire                                                               La Fondation Peyer pour Tobias Stimmer poursuit deux autres
                                                                        grands objectifs : rassembler les objets d’art de toute nature pro­
                                                                        venant de la famille Peyer ou d’autres familles du patriciat schaf­
La Fondation Peyer pour Tobias Stimmer                                  fhousois et procéder à des achats ciblés pour empêcher leurs
                                                                        mises à enchère et leurs pertes.
                                                                              La collection rassemblée au fil du temps se distingue par son
                                                                        exceptionnelle qualité : tout comme les Peyer, les vieilles familles
                                                                        patriciennes s’entouraient d’œuvres précieuses, qui nous offrent
La Fondation Peyer pour Tobias Stimmer est fondée en 1946 à par­        aujourd’hui un tour d’horizon impressionnant de l’art schaffhou­
tir des indemnités versées pour la destruction de cinq œuvres de        sois du XVIe au XVIIIe siècle.
Tobias Stimmer et d’un de ses successeurs. La famille Peyer, à qui
appartenaient les peintures, puise la mission principale de la fon­                                                                            Tobias Stimmer
dation dans cette perte : préserver la précieuse diversité du patri­                                                                           (1539–1584)
                                                                                                                                               Autoportrait, vers
moine culturel de Schaffhouse pour les générations futures.                                                                                    1563, acheté en 1991
                                                                                                                                               par la Fondation Peyer
Un capital issu des indemnités de réparation                                                                                                   pour Tobias Stimmer
À l’occasion de la fondation du Museum zu Allerheiligen en 1938,
les Peyer, grande famille schaffhousoise aux multiples ramifica­
tions, lui remettent cinq portraits de leurs ancêtres à titre de prêt
permanent. Quatre d’entre eux ont été peints par Tobias Stimmer
(1539–1584). Ils sont irrémédiablement détruits le 1er avril 1944.
      Dès cette année-là, la famille Peyer décide de créer une fon­
dation avec les fonds attendus des réparations. Elle porterait le
nom du célèbre artiste de Schaffhouse. En 1946, le gouvernement
des États-Unis verse 350 000 CHF pour les dommages causés par
la 8e Air Force. Cette somme constitue l’actif de la Fondation Peyer
pour Tobias Stimmer.

Préservation d’un patrimoine culturel schaffhousois
La Fondation Peyer pour Tobias Stimmer s’est donné pour mission
de préserver le patrimoine culturel de Schaffhouse pour les géné­
rations futures et de combler les lacunes dans les collections du
musée. La politique de collection est guidée par trois objectifs :
remplacer les tableaux perdus de Stimmer, rassembler des œuvres
d’art provenant de collections schaffhousoises et mettre en sécu­
rité celles de la famille Peyer.
      Conformément à son nom, la Fondation se concentre
jusqu’à aujourd’hui sur l’acquisition d’œuvres de l’époque et de
l’entourage de Tobias Stimmer. Les peintures du célèbre artiste
schaffhousois de la Renaissance étant rarement proposées sur le
marché, la Fondation s’est également tournée vers d’importants
prédécesseurs et contemporains allemands.

18                                                                                                                                       19
De l’art neuf pour un                                                   Le don culturel zurichois
                                                                                                Le don culturel zurichois pour Schaffhouse est lancé quelques jours

                        musée détruit                                                           après le bombardement. Il est initié par des personnalités du quo­
                                                                                                tidien Neue Zürcher Zeitung, l’association des historiens de l’art de
                                                                                                Zurich et par les gouvernements du canton et de la Ville de Zurich.
                        Le don culturel zurichois et le fonds de bombardement                   Ils obtiennent le soutien de deux conseillers fédéraux, Ernst Nobs
                                                                                                (1886–1957) et Philipp Etter (1891–1977).
                                                                                                      Démarre alors une collecte en faveur du Museum zu Allerhei­
                                                                                                ligen. Elle rapporte la somme de 150 000 CHF, se composant d’une
                                                                                                contribution de 75 000 CHF du canton, de 50 000 CHF de la ville et
                        Deux sources d’argent se présentent au musée pour acheter de            de 25 000 CHF de particuliers. Deux tiers de la somme sont des­
                        nouveaux objets : la population zurichoise exprime son « amicale        tinés à l’achat d’œuvres d’art, le dernier tiers à l’édification d’un
                        solidarité confédérale » par une collecte à son profit, et il dispose   monument pour les victimes du bombardement.
                        également à long terme des indemnités de réparation et d’assu­                Une commission d’achat, composée de personnalités zuri­
                        rance.                                                                  choises et schaffhousoises, décide d’acquérir six peintures du XV e
                                                                                                et XVIe siècle, parce que les pertes se font cruellement sentir chez
Johann Heinrich                                                                                 les maîtres anciens de cette période.
Hurter (1734 –1799)
Portrait miniature de
Lady Dartrey, 1785,                                                                             Le fonds du bombardement
acheté en 1954 grâce                                                                            Un fonds d’acquisition d’objets et de restauration est créé à partir
au fonds de bombar­                                                                             des réparations versées par les États-Unis et des indemnités d’as­
dement
                                                                                                surance. Il apporte 611 000 CHF au musée, que ce dernier consacre
                                                                                                à l’enrichissement quantitatif et qualitatif des différentes collec­
                                                                                                tions. Jusqu’aux années 1970, le musée peut ainsi acheter plus de
                                                                                                quarante objets d’art plastique, d’arts décoratifs et de sciences
                                                                                                naturelles.

                        20                                                                                                                                        21
Un phénix renaît                                                         L’ère des grandes expositions
                                                                                                 Dans la mémoire collective de Schaffhouse, les années qui suivent

                        de ses cendres                                                           la réouverture en 1946 restent liées à des expositions temporaires
                                                                                                 sensationnelles et à de grands noms comme Le Titien, Rembrandt
                                                                                                 ou Munch : jusqu’à la fin des années 1960, la petite Schaffhouse
                        Le nouveau vieux musée                                                   mise sur les géants.
                                                                                                       Mais le concept d’exposition de chefs-d’œuvre n’a pas d’ave­
                                                                                                 nir en raison des coûts croissants. Le musée manque également
                                                                                                 d’œuvres de premier ordre. On se rabat donc sur des thèmes lo­
                                                                                                 caux et plus centrés sur l’histoire culturelle.
                        À partir de 1947, la Ville ose faire le saut du musée régional vers un         Les donations et acquisitions donnent de nouvelles impul­
                        établissement d’envergure internationale en organisant des expo­         sions aux expositions et collections. Elles permettent au musée de
                        sitions artistiques spectaculaires. Le travail muséal se concentre       poursuivre sa mutation de musée régional en un musée universel,
                        dès lors sur les expositions temporaires. Simultanément, le musée        puissant et compétent.
                        s’efforce de combler les lacunes de la collection et de poursuivre
                        son développement conceptuel.

Affiche d’exposition
Rembrandt et son
époque, Fuchser +
Kal­tenbacher Schaff­
house, Druckerei
Meier & Cie.
Schaff­house, 1949

                        22                                                                                                                                      23
Une solidarité visible                                               De l’art de la Suisse entière
                                                                                            Grâce aux dons de quatre cantons, onze villes et communes, onze
                                                                                            entreprises et associations ainsi que de 23 particuliers, Schaf­
                       Les objets donnés                                                    fhouse bénéficie d’un don artistique et culturel d’importance na­
                                                                                            tionale.
                                                                                                  Les donateurs publics puisent dans les collections des mu­
                                                                                            sées cantonaux et municipaux ou acquièrent des œuvres d’artistes
                                                                                            contemporains. Certains particuliers et entreprises achètent aus­
                       Le patrimoine perdu dans le bombardement suscite immédia­            si directement pour le musée. Trois artistes offrent leurs propres
                       tement une grande consternation. Une campagne de solidarité          œuvres. Dès 1946, ce don artistique et culturel est documenté
                       extraordinaire se met en branle. Cantons, villes et communes,        dans un livre.
                       comme entreprises et particuliers de la Suisse entière, offrent 80
                       pièces d’art de toute nature au Museum zu Allerheiligen.             Une collection atypique voit le jour
                                                                                            Le don culturel est placé dans son ensemble sous le signe de la so­
Ferdinand Hodler                                                                            lidarité et n’est soumis à aucune réflexion stratégique en matière
(1853–1918)                                                                                 de collection. Il tire son caractère particulier de l’hétérogénéité de
Autoportrait aux
roses, 1914,
                                                                                            sa composition.
Donation de la Ville                                                                              Le don culturel comprend des chefs-d’œuvre de l’art suisse,
de Genève                                                                                   mais aussi des tableaux dont la valeur tient avant tout à celle
                                                                                            que leur accordaient leurs anciens propriétaires. Des travaux peu
                                                                                            connus, insolites, de créateurs régionaux côtoient des œuvres de
                                                                                            grands artistes de Schaffhouse.
                                                                                                  La qualité de l’ensemble offert réside dans sa diversité histo­
                                                                                            rique et culturelle.

                       24                                                                                                                                      25
Lieux touchés de                                                         « La salle 58 est dédiée au plus grand peintre de Schaffhouse,
                                                                         Tobias Stimmer (1539–1584), où sont accrochés des portraits de

l’exposition permanente                                                  toutes ses phases de création », peut-on lire dans le guide du mu­
                                                                         sée de 1943 à propos du cabinet Stimmer. Un an plus tard, une
                                                                         bombe détruit neuf des douze portraits qui y sont présentés.
                                                                               Outre le portrait de Gessner, seuls un autoportrait de Stim­
                                                                         mer, provenant de la façade de la Haus zum Ritter, et le portrait
                                                                         de David Peyer peint par l’un de ses élèves sont certes gravement
                                                                         endommagés, mais préservés. Quatre des cinq prêts de la famille
→ Section d’art 2 e étage                                                Peyer sont perdus. La fondation Peyer pour Tobias Stimmer est
                                                                         créée en 1946 à partir des indemnités de réparation. Jusqu’à au­     Une bombe explosive
La disparition de la section d’art                                       jourd’hui, son but reste de compenser ces disparitions par de nou­   éventre le toit en
                                                                                                                                              béton de l’aile ouest,
                                                                         velles acquisitions.                                                 récemment bâtie,
     Avant le bombardement, cette salle est subdivisée en plusieurs            Dans la pièce commandée, derrière le cabinet Stimmer, se       et détruit les cabinets
     collections. Une bombe explose dans la moitié gauche. L’onde        trouvent l’art sacré du Moyen Âge tardif et un portrait de Luther    d’art ainsi que les
                                                                                                                                              pièces historiques.
     de choc rabat les murs en bois des cabinets, détruit les murs       peint par Lucas Cranach l’Ancien (1472–1553). L’incendie l’a com­
                                                                                                                                              Photo du 1er avril 1944,
     extérieurs des deux côtés et le plafond s’effondre. La collection   plètement défiguré, mais il est conservé en guise de mémorial. Les   © Stadtarchiv Schaff­
     d’art du Moyen Âge tardif à l’époque romantique est anéantie.       sept autres tableaux peuvent être restaurés.                         hausen

Jusqu’au bombardement, la succession de pièces en enfilade dans
l’aile ouest est dédiée à l’art du XV e au XIX e siècle. Dans la salle
adjacente au cabinet Stimmer sont présentées des œuvres de ses
élèves ainsi que d’autres artistes importants de Schaffhouse, tels
Daniel Lindtmayer ou Hans Caspar Lang, suivies de tableaux des
XVIIe et XVIIIe siècles.
       Dans cette dernière salle, on peut notamment admirer des
travaux de Johann Jakob Schalch, un peintre schaffhousois qui fit
carrière en Angleterre et en Hollande. Le cabinet contigu expose
des œuvres du premier romantisme.
       La bombe explosive ravage totalement les œuvres de re­
nommée internationale ou locale de cet espace. Seuls quelques
rares tableaux, fortement endommagés, peuvent être restaurés
dans les années suivantes.

Stimmer perdu à jamais

     Les tableaux de Tobias Stimmer, artiste schaffhousois de la Re-
     naissance, ornent les murs de cette salle jusqu’au bombarde-
     ment du 1er avril 1944. Frappée de plein fouet, elle s’enflamme.
     Les œuvres, aussi rares que précieuses, sont réduites en cendres,
     sauf une : le portrait de Conrad Gessner sort pratiquement
     indemne de la catastrophe. L’onde de choc l’a projeté par la
     fenêtre.

26                                                                                                                                      27
→ Salle en croix 2 e étage                                                XVIe et du XVIIe siècle, dont un vitrail armorié de Felix Lindtmayer
                                                                          le Jeune (vers 1523/1524–1574), étaient entreposées dans l’abri
Au mépris du feu                                                          pour le patrimoine culturel.
                                                                                En 1946, le salon bourgeois restauré retrouve sa place d’ori­
     L’une des plus grandes et majestueuses salles de Schaffhouse         gine. Il est démonté et placé dans un dépôt lors de la transfor­
     échappe de peu à la catastrophe le 1er avril 1944. Le feu qui fait   mation du musée en 2007. Aujourd’hui, seuls le plafond à stuc et
     rage dans le cabinet Stimmer attenant ne dévore que la porte         les trois vitraux réinsérés dans une fenêtre rappellent cette pièce
     en bois et épargne également les pièces contiguës de style go-       historique.
     thique tardif. Le palier du dernier étage porte encore les traces
     de cet incendie.

L’incendie déclenché par les bombes explosives dans la section
d’art voisine endommage à tel point l’imposante porte en bois
de style Renaissance qu’il faut en fabriquer une copie fidèle à
l’original.
      Les plus anciennes structures de la salle remontent à 1431,
sa forme actuelle en croix date des transformations de 1639. C’est
à cette date qu’est posé le plafond à caissons. La face nord est
ornée de fresques bien conservées, peintes autour de 1500.
      Cette salle est dévolue aux expositions depuis 1925. Au mo­
ment du bombardement, elle abrite notamment des antiquités
nationales et corporatives ainsi qu’une galerie de tableaux des
maires et des présidents du conseil paroissial de Schaffhouse.
Tout comme le cycle de vitraux armoriés de l’église du couvent de
Saint Georges à Stein am Rhein, ils échappent à l’enfer du feu.

→ Pièce historique 1er étage

Une culture de l’habitat détruite

     Le 1er avril 1944, des bombes américaines s’abattent sur l’aile
     ouest du musée, construite en 1938. Les cabinets d’art au deu-
     xième étage, mais également des pièces historiques du premier
     sont touchés. Une bombe explosive éventre le plafond du salon
     bourgeois schaffhousois et détruit son architecture intérieure.

La pièce aménagée en 1938 à partir de vestiges de plusieurs mai­
sons de la vieille ville se veut un « miroir vivant de l’artisanat et
de l’art » et souhaite donner une idée de l’art de l’habitat schaf­
fhousois.
      Le plafond à solives et stuc, un poêle en faïence de Steckborn
de 1739, de la vaisselle en céramique et en étain sont notamment
détruits ou endommagés. Par chance, trois peintures sur verre du

28                                                                                                                                         29
Principaux textes de l’exposition permanente                          contact avec la population locale. Même si certains parviennent à
                                                                                                 s’y réfugier, d’autres sont refoulés par les gardes-frontière.

                           Schaffhouse durant la                                                        La population schaffhousoise vit ses heures les plus sombres
                                                                                                 le 1er avril 1944 lors du bombardement par inadvertance de la ville

                           Seconde Guerre mondiale                                               qui se solde par un lourd tribut : 40 morts, 270 blessés, 560 bâti­
                                                                                                 ments détruits ou endommagés et un patrimoine culturel inesti­
                                                                                                 mable réduit en cendres.

                                                                                                 Frontière, service actif et brigades
                                                                                                 Lorsque l’Armée suisse est mobilisée le 2 septembre 1939, 430 000
                                                                                                 soldats rejoignent le service actif et les unités de gardes-frontière
                                                                                                 se mettent en poste dans les régions frontalières comme à Schaf­
                                                                                                 fhouse. Les soldats schaffhousois sont affectés, pour la plupart,
                                                                                                 à la brigade frontière six, dans les cantons voisins de Zurich et de
                                                                                                 Thurgovie. Pour de nombreux soldats et officiers, le service mi­
                                                                                                 litaire devient une réalité quotidienne au cours des années sui­
                                                                                                 vantes. Souvent séparés des semaines entières de leur famille,
                                                                                                 beaucoup restent dans les rangs de 900 à 1000 jours pendant la
                                                                                                 guerre.
                                                                                                        Bien que le Conseil d’État de Schaffhouse exige dès 1939
                                                                                                 un marquage de la frontière en vue de prévenir des attaques aé­
                                                                                                 riennes, le Conseil fédéral renonce à cette mesure et ordonne fin
                                                                                                 1940 – sous la pression allemande – un flou général du territoire
                                                                                                 suisse. La même mesure étant mise en place en Allemagne, la
                                                                                                 frontière entre les deux pays n’est donc plus identifiable. Ce n’est
                                                                                                 qu’après le bombardement de Schaffhouse, le 1er avril 1944, que
                                                                                                 le Conseil fédéral change de stratégie. Marquée de croix suisses
                                                                                                 repérables de jour à grande distance, la région frontalière est illu­
                                                                                                 minée pendant la nuit.

                                                                                                 Relance économique en temps de guerre
                                                                                                 La crise économique du début des années 1930 est suivie d’une
                                                                                                 reprise économique importante à partir de 1936 et se poursuit
                                                                                                 pendant la guerre. Compte tenu des besoins considérables en
Les bâtiments in­          L’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, le 1er septembre      matériel d’armement en Suisse et à l’étranger, de nombreuses
dustriels et l’abbaye      1939, marque le début de la Seconde Guerre mondiale. Même si          entreprises schaffhousoises voient leurs carnets de commande se
bombardés dans le
sud de la vieille ville.
                           la Suisse n’est pas directement impliquée dans le conflit, elle est   remplir.
Photo du 1er avril 1944,   constamment menacée.                                                        La conjoncture dans le secteur de l’armement profitant
© Stadtarchiv Schaff­            De par sa situation frontalière exposée, le canton de Schaf­    avant tout à la métallurgie et à l’industrie des machines, les
hausen
                           fhouse – quasiment entouré par l’Allemagne – est particulière­        usines Georg Fischer (GF) et la Société Industrielle Suisse (SIG)
                           ment touché par la guerre.                                            fournissent à l’Armée suisse des pièces pour le matériel de guerre
                                 Profitant de l’absence d’obstacles naturels pouvant entraver    et les armes. Les deux sociétés vendent également du matériel
                           le franchissement de la frontière, de nombreux réfugiés poursuivis    d’armement et divers produits à l’étranger. Exportant aussi bien
                           par le régime nazi cherchent refuge à Schaffhouse où ils entrent en   au profit des Alliés que des puissances de l’Axe, les usines GF de

                           30                                                                                                                                      31
Singen et Mettmann approvisionnent l’armée allemande en mu­
nitions tandis que le site anglais GF fournit des pièces de chars à
l’armée britannique.
     Après la capitulation française en 1940, la Suisse est en­
tièrement entourée par l’Allemagne nazie et les forces de l’Axe.
                                                                                                                                             Les terrains de foot­
Le commerce avec les Alliés étant paralysé, les relations écono­                                                                             ball sont labourés
miques basées sur un principe de contrepartie prennent de l’im­                                                                              à l’aide d’un tracteur
portance avec l’Allemagne, à laquelle la Suisse fournit du matériel                                                                          avec carburateur
                                                                                                                                             à bois en vue de les
essentiel pour l’armement et de l’électricité, recevant en contre­
                                                                                                                                             cultiver. Photo de
partie des matières premières telles que le charbon et l’acier qui                                                                           mars 1942, © Stadt­
font alors gravement défaut.                                                                                                                 archiv Schaff­hausen

Les réfugiés
Fuyant le régime nazi, des milliers de personnes parmi lesquelles
des persécutés politiques, des Juifs, des prisonniers de guerre et
des assignés au travail obligatoire – tentent de traverser la fron­
tière schaffhousoise entre 1933 et 1945. Même s’ils sont nom­
breux à être accueillis, beaucoup d’entre eux sont également re­
foulés et abandonnés à leur sort.
      Les dispositions d’entrée sur le territoire sont rigoureuses
jusqu’en juillet 1944. À l’exception des déserteurs et des prison­
niers de guerre qui ont réussi à s’échapper, les réfugiés ne sont
pas les bienvenus en Suisse, même si leur vie est en danger en Al­
lemagne. La seule solution pour eux est alors de franchir illéga­
lement la frontière. Certains y parviennent à l’aide de passeurs.
D’autres ont également la chance – en dépit des prescriptions fé­
dérales – d’être accueillis par des gendarmes ou des habitants.
      Malgré tout, de nombreuses tentatives échouent. Beaucoup
de réfugiés sont arrêtés par les gardes-frontière qui les ramènent à
la frontière où ils sont directement livrés aux autorités allemandes.
      Parmi les quelque 17 000 personnes qui réussissent à traver­
ser la frontière schaffhousoise, 12 000 se sont enfuies durant les
derniers mois de la guerre, lorsque l’Allemagne nazie sombre dans
le chaos et que le Conseil fédéral décide d’ouvrir les frontières.
                                                                        pour contrecarrer la pénurie alimentaire, des surfaces agricoles
Guerre au quotidien                                                     non utilisées, des parcs, des terrains de sport, des pâturages et
La guerre provoque dans toute la Suisse une pénurie des res­            certaines zones forestières sont convertis en champs destinés à la
sources vitales. Les importations de l’étranger diminuent consi­        production alimentaire.
dérablement et les produits alimentaires, l’énergie et d’autres               Des tickets de rationnement permettant de se procurer une
matières premières doivent être rationnés. Économiser est alors         quantité restreinte de produits alimentaires sont remis à chaque
la devise de l’époque.                                                  foyer, contraint à une économie extrême du gaz et du charbon.
      Pour faire face à cette situation, on récupère de vieux maté­     Contrairement à la Première Guerre mondiale, les autorités par­
riaux comme les métaux et le caoutchouc, qui sont ensuite recy­         viennent néanmoins à maintenir le ravitaillement de la population
clés. Après que le Plan Wahlen est décrété par le Conseil fédéral       avec les produits de base.

32                                                                                                                                     33
La restriction considérable du trafic frontalier – voire son interdic­
tion temporaire – dès 1933, et surtout durant la Seconde Guerre
mondiale, a un grand impact sur la population des régions fron­
talières.

Le bombardement de Schaffhouse
Les lourds bombardements essuyés par la population d’innom­
brables villes européennes durant la Seconde Guerre mondiale
épargnent en grande partie la Suisse.
       Schaffhouse est toutefois bombardée par inadvertance
le 1er avril 1944 par l’aviation américaine. À 10h50, environ 500
bombes explosives et incendiaires tombent sur le périmètre ur­
bain et provoquent 50 incendies. 40 personnes périssent, 270
sont blessées et de nombreux bâtiments sont détruits. Un patri­
moine culturel inestimable est réduit en cendres au Museum zu
Allerheiligen et au Musée d’histoire naturelle.
       Interprété à l’époque comme une mise en garde de la Suisse
pour qu’elle arrête ses livraisons d’armes et de biens industriels à
l’Allemagne, le bombardement de Schaffhouse est cependant une
erreur dans la mesure où les objectifs visés sont les usines de Lud­
wigshafen (D).
       Des bombes tombent également sur Thayngen en 1944 et
sur Stein am Rhein et Neuhausen en 1945.                                 Crédits

                                                                         Direction de la publication    Partenaires
                                                                            Museum zu Allerheiligen        Peyersche Tobias Stimmer-
                                                                         Gestion du projet                    Stiftung
                                                                            Bettina Bussinger              Sturzenegger-Stiftung
                                                                         Commissariat                         Schaffhausen
                                                                            Daniel Grütter                 Jakob und Emma Windler-
                                                                            Andreas Rüfenacht                 Stiftung
                                                                         Collaboration scientifique        Museumsverein Schaff­
                                                                            Luca Stoppa                       hausen
                                                                            Urs Weibel                     SIG Gemeinnützige Stiftung
                                                                         Textes                            Kulturraum.SH,
                                                                            Daniel Grütter                    Kanton Schaffhausen
                                                                            Markus Rottmann                   Kultur­förderung
                                                                            Andreas Rüfenacht           Partenaire média
                                                                            Luca Stoppa                    Schaffhauser Nachrichten
                                                                            Urs Weibel
                                                                         Traduction
                                                                            Valentine Meunier, Berlin
                                                                         Graphisme
                                                                            Franziska Burkhardt

34
Quand l’art renaît des ruines
Solidarité suisse après le bom­bardement de
Schaffhouse en 1944
18 mai–20 octobre 2019

Visites guidées publiques                 Cycle de conférences
du dimanche                               (en allemand)
à 11h30 les
                                          Mercredi
19.5 | 2.6 | 7.7 | 25.8 | 8.9 | 29.9 |
                                          5 juin 2019, 18h30
13.10 | 20.10
                                          Dr. Matthias Wipf
                                          Une région frontalière menacée
Visites guidées publiques
                                          – et le bombardement du
du déjeuner
                                          1er avril 1944
à 12h30 les mardis
28.5 | 25.6 | 30.7 | 20.8 | 24.9 |        Jeudi
15.10                                     20 juin 2019, 18h30
                                          Lukas Wallimann
Catalogue de l’exposition                 « Encore mieux et plus beaux que
(paraît le 3 octobre 2019, en allemand)   les bâtiments détruits ».
Kunst aus Trümmern. Die Bom-              Le bombardement de Schaff-
bardierung des Museums                    house et ses répercussions sur
zu Allerheiligen 1944 und ihre            l’urbanisme
Folgen
                                          Jeudi
Museum zu Allerheiligen (dir.),
                                          22 août 2019, 18h30
Verlag Hier und Jetzt, 2019,
                                          Prof. em. Georg Kreis
env. 192 pages, CHF 49, € 49
                                          Solidarité fédérale hier et
Présentation du catalogue
                                          aujourd’hui
Jeudi 3 octobre 2019, 18h30
                                          Jeudi
Horaires d’ouverture                      12 septembre 2019, 18h30
Mar.– dim. 11 h–17 heures                 Dr. Roger Fayet
                                          Les dents du cheval donné.
Jours fériés                              Les musées et leurs donations
Ascension, dimanche et lundi
                                          Jeudi
de Pentecôte, 1er août :
                                          26 septembre 2019, 18h30
ouvert de 11 h à 17 heures
                                          Lic. phil. hist. Hans Schüpbach
                                          La protection du patrimoine
                                          culturel – un acte de solidarité
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