QUAND LES FRANÇAIS FORMENT LES IRAKIENS - d'aujourd'hui - IRSEM
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L’édito Sommaire “ Les menaces à portée des forces locales “ Sur le vif En bref10 Irak 4 L Former pour rendre autonome 14 'Europe de la Défense qui avance avec le Fonds européen de Défense, la coopération structurée Barkhane permanente et l’initiative européenne d’intervention. Traque dans le désert depuis Niamey 20 © S. MALIVERT - DICoD L’innovation qui progresse avec la création de l’Agence de Atlantique 2 vols au dessus d'une mer de l’innovation. La jeunesse qui se mobilise avec les consul- 26 sable tations sur le futur service national universel. La 16e Univer- sité d’été de la Défense, cette grande rencontre annuelle Grand angle entre les parlementaires et la communauté de Défense, a Parlement et Défense 28 été une fois encore l’occasion de poser les débats de fond. Espionage Dans les coulisses, un autre débat a surgi, celui de la guerre longue. Celle La quatrième saison du bureau des 38 que les armées françaises mènent contre le terrorisme depuis plus de légendes quatre ans au sein de la coalition internationale en Irak et avec Barkhane Manuel d'espionnage 40 au Sahel. Pour au loin, défendre la France contre tous les terroristes. Dans les deux cas, l’objectif est le même : mettre les menaces à la portée des Interview forces locales. Les 20 ans de l'Occar 42 « En Irak, avec la coalition internationale, nous y sommes parvenus ; au Sahel, il va falloir encore du temps », dit en substance le sous-chef opéra- On a testé pour vous tions, Grégoire de Saint-Quentin. En Irak, ce sont les task forces Narvik et Une séance de TOP 44 Monsabert qui instruisent les forces irakiennes avec l’intention de rendre l’armée irakienne plus autonome afin qu’elle devienne capable de former Rencontre elle-même ses propres forces. Ainsi, les militaires français ont participé Madame Reconversion 46 depuis plus de trois ans à la préparation de 9 000 soldats irakiens pour le Grande Guerre combat en zone urbaine, le combat d’infanterie ou encore et surtout la lutte Octobre 1918 contre les engins explosifs improvisés (IED) cette nouvelle forme de guerre les oubliés de Salonique 48 insidieuse qui sévit au Levant et au Sahel. Au Sahel, la force conjointe réunit les cinq armées de la bande Kiosque 50 sahélo-saharienne. Elle poursuit sa montée en puissance avec l’aide appuyée de Barkhane. Au final, les armées françaises sont sur le terrain avec leurs partenaires pour protéger la France. Et gagner la guerre pour gagner la paix. Valérie Lecasble, directrice de la Délégation à l’information et à la communication de la Défense N° 428 ARMÉES D’AUJOURD’HUI. Rédaction Aude Borel, EV 2 Thomas Casaux, EV 2 Nicolas Cuoco Pablo Agnan Service icono / photos Impression Imprimerie de la DILA Direction de l’information légale et administrative 26, rue Desaix, 75015 Paris Directrice de la publication Patrice Mayon, Pascal Segrette, Dépôt légal Valérie Lecasble MCH Anthony Thomas-Trophime Février 2003. Dicod, 60, boulevard du Général Martial Mise en page Valin – CS21623, 75509 Paris Cedex 15 Chef du département rédactions N° ISSN : 0338 - 3520 Col (air) Gilles André Bureau des Éditions – Dicod Chef de fabrication Abonnement (ECPAD) Chef du bureau magazine Formulaire téléchargeable sur ecpad.fr / 01 49 60 52 44 Paul Hessenbruch Jean-François Munier (09 88 68 61 80) routage-abonnement@ecpad.fr Rédactrice en chef Contact rédaction armeesdaujourdhui@dicod.defense.gouv.fr Régie publicitaire (ECPAD) CNE (terre) Séverine Bollier (09 88 67 29 18) 01 49 60 58 56 / regie-publicitaire@ecpad.fr Secrétaire générale de rédaction Couverture Sybile Prenel © Anthony Thomas Trophime/DICoD @Defense_gouv Ministère des Armées septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 3
Sur le vif Le 16 juillet, la Patrouille de France (PAF) a survolé les Champs-Élysées, à Paris, pour célébrer la victoire en Coupe du monde de football de l’équipe de France. Deux jours auparavant, la PAF avait également survolé la célèbre avenue en ouverture du défilé du 14 Juillet. Photo : Simon Guillemin/ AFP 4 - Armées d’aujourd’hui n°428 septembre-octobre 2018
Jeanne d’Arc Comme le veut la tradition, les familles attendaient à quai l’équipage du bâtiment de projection et de commandement Dixmude, revenu le 20 juil- let dernier à Toulon. Partis le 26 février pour effectuer la mission Jeanne d’Arc, les élèves officiers de l’École navale et leurs encadrants à son bord ont ainsi terminé leur déploiement à la mer, ultime étape de leur formation pratique en tant qu’officier de la Marine nationale. Photo : Benoit Emile/ Marine nationale septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 7
Sur le vif Dans le viseur du tireur d’élite du 1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine, un homme jouant le rôle d’un terroriste. Le 14 juillet dernier, une manœuvre inédite a permis aux forces spéciales d’effectuer un exercice d’évacuation d’otages retenus à la Seine Musicale, une salle de spectacle située sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine. Photo : Anthony Thomas-Trophime/ Dicod 8 - Armées d’aujourd’hui n°428 septembre-octobre 2018
Forces spéciales septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 9
En bref In memoriam Création Caporal Geoffroy Henry L'AGENCE DE L'INNOVATION PREND SON ENVOL concourent à l’innovation de défense. Elle sera le phare de l’innovation du ministère, ouverte sur l’extérieur. Elle sera tournée vers l’Europe, visible à l’international. Elle permettra l’expérimentation, en boucle courte avec les utilisateurs opérationnels », a © DGA COM déclaré Florence Parly, ministre des Armées, le 28 août à l’université d’été L e 1er septembre, Florence du MEDEF. Agé de 49 ans, Emmanuel F lorence Parly, ministre Parly, ministre des Armées a Chiva travaille depuis plus de 20 ans des Armées, et Gérard nommé Emmanuel Chiva, au dans les domaines de l’intelligence Collomb, ministre d’État, poste de directeur de l’Agence de artificielle et de la simulation militaire. ministre de l’Intérieur, ont fait part l’innovation. Cette agence, rattachée au « C’est l’homme de la situation : il de leur plus profonde émotion Délégué général pour l’armement est connaît la défense, il connaît l’entreprise, et de leur grande tristesse après l’acteur central de la nouvelle stratégie il connaît l’innovation et possède une l'annonce du décès en service d’innovation du ministère des Armées. inépuisable envie d’entreprendre », a d'un sapeur-pompier de Paris, « Elle va rassembler tous les acteurs du expliqué Florence Parly pour qualifier violemment agressé au cours ministère et tous les programmes qui la nomination du nouveau directeur. d'une intervention à Villeneuve- Saint-Georges (Val-de-Marne), le 4 septembre. Ils témoignent Rapport de l’IRSEM de toute leur compassion et de leur sympathie pour les familles SE PROTÉGER CONTRE LES MANIPULATIONS DE L'INFORMATION des trois militaires attaqués, L et assurent les militaires e directeur de l’Institut 212 pages, disponible sur le site internet de de la Brigade de sapeurs- de recherche stratégique l’IRSEM, résulte d’une série d’enquêtes pompiers de Paris (BSPP) et, de l’École militaire (IRSEM), de terrain menées dans de nombreux plus largement, l’ensemble Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, pays. Il a vocation à saisir la nature des sapeurs-pompiers du pays, a dévoilé mardi 4 septembre le rapport du problème et à identifier les bonnes de leur soutien indéfectible sur les manipulations de l’information, pratiques mises en œuvre sur les plans alors qu'ils risquent chaque réalisé conjointement avec le Centre institutionnels et civils. En conclusion, jour leur vie pour sauver celle d’analyse, de prévention et de stratégie ce rapport formule 50 recommandations des autres. Alors qu'ils étaient (CAPS) du ministère de l’Europe et pour se protéger face aux tentatives engagés à domicile pour une des Affaires étrangères. Ce rapport de de manipulation de l’information. mission de secours à personne, trois militaires de la BSPP, Le Journal dont un sapeur de 1re classe de la Défense (#JDEF), âgé de 27 ans, et son chef, un sergent âgé de 34 ans, ont diffusé tous les dimanches été très grièvement blessés à 19 h 30 sur la chaîne LCP, par un individu auquel ils vous propose de découvrir étaient venus porter assistance. les bâtisseurs du désert. Malgré les premiers secours donnés par son coéquipier ainsi que les soins prodigués par ses camarades et les équipes médicales immédiatement appelées en renfort, le sapeur de 1re classe (promu au grade supérieur) n’a pu LE TWEET QU’IL NE FALLAIT être ramené à la vie. PAS MANQUER 10 - Armées d’aujourd’hui n° 428 septembre-octobre 2018
Rentrée scolaire 100 MILLIONS D'EUROS POUR LES LYCÉES DE LA DÉFENSE P lus de 4 000 élèves par la Loi de programmation et étudiants ont militaire 2019-2025, les lycées fait leur rentrée bénéficieront d’une enveloppe le 3 septembre au sein de 100 millions d’euros d’ici des six établissements 2025 afin d’améliorer l’état scolaires que compte de leurs infrastructures. le ministère des Armées. Les lycées de La Flèche, À cette occasion, Geneviève Saint-Cyr-l’École et Autun – et Darrieussecq, secrétaire en particulier leurs internats – d’État auprès de la ministre en seront les premiers des Armées, s’est déplacée bénéficiaires. Pour répondre au prytanée national militaire aux besoins des armées, de La Flèche, afin d’aller le panel des formations sera à la rencontre des élèves élargi et diversifié, notamment © PASCAL SEGRETTE/DICOD et de leurs encadrants, dans les domaines mais également pour cyber, mécatronique et y présenter des mesures maintenance aéronautique, en faveur des lycées avec l’ouverture de classes de la Défense. Soutenus de BTS et post-bac. 4 000 La France doit affirmer sa place 1 200 postes civils sont dans l’espace afin de garantir à pourvoir au sein sa souveraineté. véhicules du ministère légers tactiques Florence Parly, ministre des Armées, des Armées, dans polyvalents, à l’occasion d’une rencontre tous les domaines, avec les journalistes professionnels le VT4, ont été dans tous les métiers, de l’aéronautique et de l’espace, commandés partout en France. le 6 septembre. le 5 septembre pour l’armée de Terre. Passation Nouveau chef d’état-major de l’armée de l’Air L e général d’armée aérienne directeur en charge des exportations Philippe Lavigne est devenu le de matériels de guerre au Secrétariat chef d’état-major de l’armée général de la défense et de la sécurité de l’Air française, le 31 août 2018. nationale, à Paris. Trois ans plus tard, Il succède ainsi au général André il est nommé directeur de l’information Lanata, qui rejoint le commandement du chef d’état-major des armées. suprême de la transformation de Nommé général de brigade aérienne, l’Otan. Pilote de chasse en 1989, en 2015, il prend le commandement ©MALAURY BUIS/ AIR DEFENSE le général Lavigne sert en unité il devient l’expert air de la planification opérationnelle sur Mirage 2000 lors stratégique au CPCO. Il rejoint de la brigade aérienne de l’aviation des opérations en ex-Yougoslavie l’État-major de l’armée de l’Air. de chasse à Dijon, puis à Bordeaux- et en Irak. En 2001, il prend le En 2008, il est auditeur du CHEM et Mérignac en septembre 2015. En juillet commandement de l’escadron de la session nationale de l’IHEDN. 2016, il devient chef de cabinet auprès de chasse 1/5 « Vendée ». En 2003, À l’été 2009, il est nommé sous- du chef d’état-major des armées. septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n° 428 - 11
En bref Nomination L’AMIRAL PHILIPPE HELLO DIRECTEUR RENDEZ-VOUS DES RESSOURCES HUMAINES DU MINISTÈRE Exposition succède à Anne-Sophie Avé, dont il était l’adjoint depuis janvier 2016. Les armes savantes, 350 ans Entré à l’École navale en 1980, d’excellence militaire il a participé à de nombreux à Versailles déploiements opérationnels, comme lors de l'opération « Restore Hope » Du 15 septembre au 9 décembre 2018, l’exposition présente les liens entre en Somalie, puis en Adriatique lors le territoire versaillais et les innovations de la mission « Sharp Guard » durant militaires. Celle-ci met en scène les conflits de l’ex-Yougoslavie. une sélection d’objets, d’œuvres et Il a commandé la frégate Courbet ©ERWAN RABOT/SGA de documents provenant des collections durant l’opération « Enduring d’institutions patrimoniales nationales Freedom » en 2003, pendant et versaillaises mais également le conflit en Irak, et le bâtiment des documents et objets conservés par de projection et de commandement des institutions militaires et des industriels L e vice-amiral d’escadre Tonnerre dont il a assuré de l’armement basés à Versailles. Philippe Hello a été nommé l’armement et la première mission directeur des ressources de longue durée. Il a également humaines du ministère des Armées été directeur et commandant Théâtre le lundi 3 septembre 2018. Il de l’École navale de 2012 à 2015. Moi, soldat inconnu Cette pièce de théâtre nous fait vivre le quotidien Forum Innovation Défense de deux Poilus dans une tranchée française UNE PREMIÈRE À PARIS EN NOVEMBRE et de la femme de l’un d’eux loin L e premier Forum Innovation lors de ce Forum, plusieurs projets du front. Cent ans Défense se déroulera à Paris et actions innovantes développés après, la Grande à la Cité de la Mode et au sein du ministère des Armées, Guerre aux millions de morts laissera des générations dans du Design, quai d’Austerlitz, du jeudi dans les domaines de l’innovation l’incompréhension et la haine de la 22 novembre au samedi 24 novembre scientifique et technologique, guerre. Une histoire émouvante portant un 2018. Il sera ouvert au public de l’innovation opérationnelle, message d’espoir, d’entraide et d’humanité. et de nombreuses animations seront de l’innovation dans tous Elle est visible jusqu’au 21 octobre, proposées toute la journée du samedi les domaines du soutien nécessaire au théâtre Montmartre Galabru, 24 novembre. Les visiteurs pourront y aux forces armées, (habillement, du mercredi au samedi à 19 h 30 et le rencontrer des industriels, des PME, alimentation, administration…). dimanche à 19 heures. des start-up, des chercheurs, Ce Forum Innovation Défense des investisseurs, des acteurs publics, s’inscrit dans le cadre de des étudiants et des innovateurs, pour la semaine de l’innovation Exposition échanger et préparer ensemble les publique, qui se déroulera armées de demain. Seront présentés, du 19 au 25 novembre 2018. Un Tigre au Palais Bourbon À l’occasion du centenaire de l’armistice de 1918, pour célébrer l’Année Clemenceau, l’Assemblée nationale ouvre ses portes du 15 septembre au 13 octobre 2018 pour une exposition inédite, intitulée « Clemenceau, un Tigre au Palais Bourbon ». Manuscrits, affiches, œuvres d’art, tableaux, pour la plupart méconnus, y sont rassemblés pour retracer la vie de l’un des plus illustres Français. ©AFP 12 - Armées d’aujourd’hui n° 428 septembre-octobre 2018
Opérations Chammal Irak Former pour rendre autonome Installées à Bagdad et à Abou Grahib depuis 2015, les task forces françaises Narvik et Monsabert poursuivent leur mission de formation au profit de l’armée irakienne. Près de 9 000 soldats. ont déjà bénéficié du savoir-faire de ces deux détachements opérationnels dans différents domaines : combat en zone urbaine, lutte contre les engins explosifs, renseignement, transmissions… Par Nicolas Cuoco Photos : Anthony-Thomas Trophime/Dicod 14 - Armées d’aujourd’hui n°428 septembre-octobre 2018
Forces en action septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 15
Opérations Chammal de stratégie décrypté par l’adjudant irakien Frédéric Parisot, représentant national de Haïder, l’un des artisans de la reconquête théâtre pour l’opération Chammal. Pour au- de Ramadi, désormais instructeur contre- tant, le cadre de la mission reste bien défini. IED à l’ICTS : « Aujourd’hui la situation en L’idée n’est pas de faire, mais d’apprendre Irak est bien différente. Depuis les batailles à faire faire. Pendant les séquences d’en- de Mossoul et Falloujah, l’ennemi ne vient traînement, les militaires français gardent plus au contact et les combats ne se font leurs distances. « Nous sommes présents quasiment plus en face à face. » à Bagdad afin d’améliorer les capacités de En mars 2015, tandis que les affrontements commandement et les savoir-faire tactiques font rage et que l’armée irakienne est dé- des troupes irakiennes. Nous nous mettons cimée par les pertes des batailles face à en retrait de chaque exercice de l’ICTS, Daech, le gouvernement irakien demande observons et à la fin nous débriefons avec à la coalition de venir lui prêter main-forte l’instructeur irakien. Nous leur apportons pour former son armée. La France décide notre pédagogie, en aucun cas nous n’in- d’apporter tout son savoir et son expertise. tervenons pendant l’instruction », affirme Elle constitue les task forces (TF) Narvik le lieutenant-colonel Yves, commandant et Monsabert, chargées de dispenser une la task force Narvik. instruction générale et adaptée aux besoins des forces irakiennes. RÉCUPÉRER DES INDICES Ces deux détachements français se voient Ce jour-là, une fois le plan établi et les rôles confier la mission, au sein de la coalition répartis, une dizaine de soldats des forces Operation Inherent Resolve (OIR), de rendre de contre-terrorisme, déterminés et en for- l’armée irakienne plus autonome et capable mation, pénètrent, armes à la main, dans de former ses propres forces. une habitation désertée. Si leur progression Depuis plus de trois ans, les TF Narvik et est permise par leur vigilance et l’usage Monsabert ont participé à la préparation de leur détecteur de mines (DHPM), les de près de 9 000 soldats dans le cadre de soldats irakiens sont contraints de ralentir : 1 formations spécifiques : combat en zone un lance-roquettes a été abandonné dans urbaine, combat d’infanterie, sauvetage au une pièce par l’ennemi. Afin de vérifier que combat, lutte contre les engins explosifs. ce dernier n’est pas piégé, ils décident de A La France a aussi permis la création pratiquer la technique du hook-and-line, u Moyen-Orient, en ce début de d’infrastructures dédiées à la formation. consistant à relier un objet à un fil par l’inter- “ juillet, un village reconstitué proche de Bagdad vient d’être libéré des mains de Daech. Chaque habitation est fouillée de fond en comble par une équipe Nous nous mettons en d’élèves de l’Iraqi Counter Terrorism Ser- vice (ICTS), les forces de contre-terrorisme. retrait de chaque exercice, Sous un soleil de plomb et dans une at- mosphère irrespirable en raison des 50 °C observons et à la fin “ qu’affiche le thermomètre, ses hommes vérifient que l’ennemi s’est dérobé et que nous débriefons avec chaque maison est bien abandonnée. Porte, réfrigérateur, téléphone, lait infan- l’instructeur irakien. tile… N’importe quel objet peut être piégé. Tout doit être inspecté. Si la séquence du jour est simulée, la me- À quelques kilomètres de l’aéroport de médiaire d’un crochet. La section irakienne nace, elle, est bien réelle : les explosions Bagdad, la TF Narvik est installée au observe un moment de silence, puis l’un dues aux engins explosifs improvisés (IED) sein même de l’académie des forces de de ses membres tire sur l’arme lourde qui représentent l’une des causes principales contre-terrorisme irakiennes. Ici, une qua- tombe d’un coup sec mais reste comme de décès dans la région. Après avoir été rantaine de militaires français issus de endormie au sol. Satisfaits, les soldats chassé par la coalition internationale dans l’infanterie et du génie vivent au quotidien irakiens, portés par leur enthousiasme, les plus grandes villes irakiennes, Daech avec les Irakiens. Cette proximité permet continuent la progression dans l’habita- a changé de mode opératoire. Le groupe une relation très directe. « C’est une véri- tion, oubliant l’obstacle précédant, sous islamiste a semé sur son passage de nom- table particularité de ce détachement. Cette l’œil de l’instructeur irakien. L’adjudant breux pièges explosifs afin d’accroître le spécificité nous assure une certaine noto- Haïder intervient alors, mécontent des er- nombre de ses victimes. Un changement riété chez les Irakiens », assure le général reurs de ses élèves. « Votre mission 16 - Armées d’aujourd’hui n°428 septembre-octobre 2018
Forces en action 2 3 1 et 2 Dans le cadre d’un exercice, une dizaine de soldats irakiens investissent un bâtiment de l’académie des forces de contre-terrorisme et sécurisent l’habitation abandonnée. 3 Un lance-roquettes potentiellement piégé a été abandonné. L’un des stagiaires, sous le regard de son instructeur de l’Iraqui counter terrorism service et d’un moniteur de la task force Narvik, attache l’arme pour effectuer une traction à distance. 4 4 L’instructeur irakien débriefe la séance d’instruction contre-IED encadré par le militaire français. septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 17
Opérations Chammal 5 La task force Monsabert a en charge la formation de l’état-major de la 6e division d’infanterie irakienne. L’enseignement comprend une approche académique avec la résolution d’exercices théoriques. 6 Une formation sur le déplacement en convoi est dispensée par la task force Narvik. Un instructeur irakien conduit la séance. 5 7 Dans le scénario de l’exercice, le convoi est attaqué. L’un des assaillants est neutralisé par un stagiaire. 7 18 - Armées d’aujourd’hui n°428 septembre-octobre 2018
Forces en action et de la conduite des opérations comme mission Chammal, puisqu’elle constitue le dans celui de l’entraînement. Depuis 2015, volet « appui » avec sa mission de frappes près de 3 000 stagiaires ont été formés en et de renseignement. La prochaine étape, participant à l’un des 257 stages organisés pour les instructeurs irakiens et les enca- dans les domaines des opérations, du ren- drants français, sera de réaliser un tir dans seignement, du génie, de la logistique et les semaines à venir. des transmissions. Pour la séance du jour, Retour avec la TF Narvik. Radwaniyah Pa- le cours s’effectue dans une salle à l’école lace, l’une des anciennes demeures de d’artillerie. Une dizaine d’officiers irakiens, Saddam Hussein dans laquelle la nature instructeurs, planchent sur un exercice théo- a repris ses droits, accueille une nouvelle rique. Alors que les forces de contre-terro- session d’entraînement. Un lieu parfait pour risme s’exercent en extérieur de jour comme la formation au drive, l’apprentissage du de nuit, ici le rythme est moins soutenu, les déplacement en convoi. L’exercice se veut horaires plus flexibles. Il est moins question simple : progresser d’un point A à un point d’entraînement physique que de tactique. B dans une zone censée être sécurisée. Cette approche académique reste indis- pensable selon le lieutenant-colonel Éric, EMBUSCADE SUR LA ROUTE référent français artillerie, dont la mission est Après quelques kilomètres, l’entraînement de former les instructeurs irakiens et de les prend une tout autre dimension lorsqu’une entourer. « Je travaille en plusieurs étapes. embuscade surprend le convoi par une route La première phase de mon instruction est perpendiculaire. Assez rapidement, deux 6 basée sur la pédagogie. Durant 10 jours, hommes cagoulés sont neutralisés par les les stagiaires suivent des cours sur le cal- forces de contre-terrorisme mais l’essentiel culateur composante des vents. Cet outil est ailleurs. « Nous observons comment les principale n’est pas de sécuriser la indispensable à l’artilleur permet de définir stagiaires positionnent les véhicules face au maison mais de récupérer des indices et des éléments de tirs et de les corriger », danger. Tactiquement, chaque voiture joue donc, dans cette situation, de collecter explique l’officier français. C’est avec cet un rôle important pour la sécurité de tous », l’ADN qui pourrait être présent sur cette accessoire qui intègre toutes les notions explique le sergent Nono. Ce jour-là, les arme », rappelle l’instructeur. À quelques fondamentales de l’artillerie qu’il juge le ni- 30 hommes de l’ICTS réagissent bien et sé- mètres de là, le sergent-chef français veau de ses homologues irakiens. « Il y a curisent la zone rapidement. « Les forces ira- Carter, qui observe l’entraînement, ap- des choses à améliorer dans l’organisation, kiennes ont atteint un niveau tactique qu’elles prouve l’instructeur irakien. « Sécuriser la notamment en ce qui concerne la position n’ont pas eu depuis très longtemps », assure zone est capital, mais les pièges placés ici des observateurs, qui vont être “les yeux du le général Parisot. Il faut qu’ils passent d’une par l’ennemi ont pour but de faire diversion. canon”, au plus près du combat », souligne configuration conquête de terrain à tenue de Déclencher et détruire n’est pas ce qu’on le lieutenant-colonel Éric. La vraie force des terrain. L’idée est d’avoir d’ici deux ans une ar- “ attend. La mission consiste à faire du ren- seignement en récupérant de l’informatique, de la téléphonie, des photos, des CD… », L’idée est d’avoir d’ici deux précise le sergent-chef Carter. Malgré tout, le formateur français constate de réels progrès depuis le début de ce stage de huit semaines : « Nous sommes ans une armée capable d’assurer la sécurité “ dans la cinquième semaine et l’évolution est bonne. D’un point de vue technique, ils de tous les Irakiens. savent manier le hook-and-line et le DHPM. Dans la tactique, on observe plus de pré- artilleurs irakiens réside dans leur motiva- mée capable d’assurer la sécurité de tous les paration et une vraie réflexion, notamment tion. « Ils sont demandeurs et surtout très à Irakiens et également de pouvoir les protéger avec l’élaboration de plans. » l’écoute », ajoute le formateur. à l’extérieur de leurs frontières. » Au mois de À quelques kilomètres de l’académie des Il faut dire que dans le domaine de l’artillerie, mai, les élections législatives ont démontré forces de contre-terrorisme, au nord-ouest la France jouit d’une grande crédibilité aux la montée en puissance opérationnelle de de Bagdad, dans la zone d’Abou Ghraib, yeux des Irakiens comme des membres de l’armée irakienne. Cette dernière, chargée de la TF Monsabert prodigue des conseils la coalition internationale. Une notoriété due la sécurité du déroulement du vote, a assuré au profit de l’état-major de la 6e division à son passé historique et aux récents résul- sa mission sans qu’aucun incident ne soit d’infanterie irakienne. Composée d’une tats opérationnels de la task force Wagram à signaler. Après quinze années de guerre, soixantaine de militaires français, elle a pour qui, aux portes de la Syrie, a contribué si- de conflits confessionnels et de terrorisme, mission de rendre l’armée irakienne plus au- gnificativement aux combats contre Daech. les Irakiens peuvent désormais songer à un tonome dans le domaine de la planification Cette troisième TF fait partie intégrante de la avenir plus radieux. ● septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 19
Opérations Barkhane 20 - Armées d’aujourd’hui n°428 septembre-octobre 2018
Forces en action Traque dans le désert depuis Niamey En juin dernier, dans le cadre de Barkhane, plusieurs éléments de la base aérienne projetée de Niamey, au Niger, ont participé à l’opération Bani Fonda. Chasseurs, drones, avions de transport et un aéronef de la Marine nationale ont ainsi pris part à cette action visant à mettre hors de combat des groupes armés terroristes dans le Sahel. Texte et photos Thomas Casaux septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 21
Opérations Barkhane S ur les murs extérieurs du centre des opérations (CO) de la base aérienne projetée (BAP) de Niamey, au Niger, quatre mots peints sur des planchettes en bois : respect, service, intégrité, excellence. mence, officier renseignement, et le sergent Alex, interprétateur analyste images, collectent le maximum de données. « Nous croisons les informations que nous recevons pour fournir aux pilotes la meilleure appréciation possible Valeurs cardinales de l’armée de l’Air, ils de la situation au sol », explique la lieutenant rappellent le haut niveau d’exigence que se Clémence. Localisation, topographie, météo, sont fixé les membres des différents déta- forces en présence, trafic aérien, nom de code chements opérant à Niamey. « La BAP est pour confirmer le contact avec les soldats au l’un des principaux hubs stratégiques de sol… Rien n’est laissé au hasard. L’équipage l’opération Barkhane. Matériel, troupes ou du 2000 D, une fois le briefing de l’officier encore ravitaillement y transitent. Son posi- renseignement effectué, part s’équiper. Le tionnement est par ailleurs idéal pour mener sergent Christophe, mécanicien, coordonne des opérations aériennes. Nos capacités de ses hommes pour achever les préparatifs en combat complètes permettent d’intervenir sur vue de la reconnaissance du Mirage avec toute la bande sahélo-saharienne (BSS) », le pilote. « Nous tenons toujours un aéronef résume le colonel Gauthier, commandant de prêt à décoller pour répondre à ce type de la BAP. En ce vendredi de juin, une mission situation », précise-t-il. va de nouveau démontrer le caractère hau- Après les ultimes vérifications réalisées avec tement stratégique de la base. À 13 heures, promptitude et précision, le pistard guide un message du poste de commandement l’appareil de chasse qui est escorté depuis interarmées de théâtre tombe, faisant passer son hangar jusqu’à la piste par les pompiers l’alerte à 30 minutes. « Un Mirage doit pouvoir de l’Air. Au décollage, le pilote veille à raser décoller dans ce laps de temps une fois l’ordre le sol plus longtemps qu’à l’accoutumée, car donné. Cela veut dire qu’il se passe quelque les fortes chaleurs imposent une plus grande chose sur le terrain », explique le capitaine vitesse pour s’arracher à la piste. L’air chaud Hervé, pilote du détachement chasse qui étant moins dense, il offre moins de portance compte deux Mirage 2000 C et deux Mirage aux ailes. Sans ravitaillement, l’autonomie de 2000 D. Ce jour-là, dans le cadre de l’opéra- vol de l’aéronef est d’une heure trente. tion Bani Fonda, une section commando ma- Lorsque le Mirage 2000 D arrive sur zone, deux lienne opère aux côtés d’un détachement de hélicoptères Gazelle sont déjà présents. Ces 1 Barkhane au sud-est de Tombouctou, dans derniers ont réalisé des tirs destructeurs sur la région d’Inabelbel. Ils doivent reconnaître les pick-up ennemis. L’avion effectue alors et sécuriser un oued servant de refuge à un un show of force, autrement dit un passage pitaine Sébastien. Le Mirage 2000 D effectue groupe armé terroriste (GAT). La patrouille pour intimider l’ennemi. Sur la la base aérienne un warning shot pour localiser au mieux les “ cibles par rapport aux indications fournies par le NFO, puis engage l’ennemi. « Ce type de Le commandement interarmées missions engendre toujours un pic d’adrénaline important et du stress », précise le capitaine de théâtre fait passer l’alerte Pierrick. Dans le même temps, un autre aéronef à 30 minutes. Un Mirage doit est à pied d’œuvre. Il s’agit d’un des cinq drones Reaper du détachement qui a été pouvoir décoller dans ce laps de “ redirigé pour appuyer et guider l’hélicoptère Tigre ayant rejoint la zone de combat depuis temps une fois l’ordre donné. Gao. « L’appareil venait juste de se poser à Niamey lorsqu’il a reçu l’ordre de redécoller pour rejoindre la zone d’affrontement à une heure vingt de vol », explique le capitaine Cyril, a surpris ce dernier en arrivant par l’ouest projetée, le d euxième équipage, composé du coordinateur tactique sur drone. Le temps d’une zone boisée qu’elle soupçonne d’être capitaine Sébastien, le navigateur, et du capi- de changer l’équipage de quatre membres, un repaire de terroristes. Aussitôt, une ving- taine Pierrick, le pilote, se prépare à prendre et le drone redécolle. « Une fois sur zone, le taine de djihadistes engagent le détachement le relais. Il décolle une heure après le premier. NFO nous a dirigés vers le nord du périmètre franco-malien. Rapidement, un appui aérien « Une fois sur place, le NFO (National Fires d’accrochage pour suivre trois ennemis isolés est demandé. L’ordre de décoller est donc Observer), spécialiste de l’appui aérien au qui cherchaient vraisemblablement à fuir », donné à 13 h 15. Au centre des opérations de sol, nous a demandé d’effectuer un tir sur un précise le capitaine Cyril. Le tir de Gazelle, qui la BAP, la tension monte. La lieutenant Clé- groupe d’ennemis à découvert », relate le ca- a considérablement réduit les capa- 22 - Armées d’aujourd’hui n°428 septembre-octobre 2018
Forces en action 2 1 Départ en mission pour l’équipage de l’un des deux Mirage 2000 D de la base aérienne projetée (BAP) de Niamey. 2 Sous un hangar, l’un des cinq drones Reaper utilisés dans le cadre de Barkhane. 3 Un coordinateur tactique drone traite en temps réel les images prises par l’un des Reaper. 3 septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 23
Opérations Barkhane 4 Sur le tarmac de Niamey, les marins du ciel préparent l’Atlantique 2 pour un départ en mission. 5 Un militaire dirige la manœuvre de chargement d’un Transall C-160 en vue d’un largage. 24 - Armées d’aujourd’hui n°428 septembre-octobre 2018
Forces en action avons signalé un troupeau de bétail indiquant la présence certaine de civils dans la zone, mais aussi des individus potentiellement hostiles se déplaçant avec plusieurs mules chargées. » Au moment de quitter la zone de mission, l’ATL2 transmet les renseignements glanés à la Gazelle qui doit prendre le relais. « Le groupe armé terroriste GAT était mobile et se déplaçait de manière à être le moins localisable possible. Les terroristes savent 4 très bien de quels moyens nous disposons », note le lieutenant de vaisseau Peter, chef du détachement ATL2. Au retour, le trajet est cités de déplacement du GAT, a eu toutes les informations. Elles sont arrivées perturbé par une tempête de sable puis un pour effet de disperser l’ennemi. Pourtant, au compte-gouttes. L’équipage a été mis à orage qui frappent Niamey. « Avec la saison au sol, le groupe franco-malien poursuit le rude épreuve. » Pour le capitaine Sébastien, des pluies et le front intertropical, la météo est combat contre les groupes armés terroristes. « le NFO a effectué un travail de coordination assez instable », explique le premier maître Après trois heures d’investigations, le drone exceptionnel entre les forces au sol, la chasse, Antoine, premier opérateur. Finalement ces pointe avec un faisceau laser deux cibles les hélicoptères et le drone ». deux perturbations se révèlent aussi brèves pour que le Tigre puisse les engager. « Même Le lendemain, la mission se poursuit. À qu’intenses : l’ATL2 peut ainsi se poser sur si nous restons sur base pour opérer, c’est 8 heures débute le briefing opérationnel de zone. L’équipage débarque, les traits tirés comme si nous étions sur le terrain », souligne l’équipage de l’Atlantique 2 (ATL2). Dans mais le regard empreint d’une certaine satis- l’opérateur caméra. « C’est gratifiant de se la salle Guynemer qui accueille le détache- faction. « Nous rentrons tous en ayant rempli dire que notre travail de renseignement et ment de cette quinzaine de marins du ciel, la mission », glisse l’un d’eux. d’appui au sol peut influencer le cours d’une sur une pancarte près de la porte, une série Un peu plus loin, l’équipage d’un Transall mission », résume l’interprétateur images. de dates rappelle que l’aéronautique navale C-160 du groupement transport opéra- Ce jour-là, l’action combinée des différents n’en est pas à son galop d’essai au Sahel tionnel (GTO) et des membres du déta- moyens engagés a permis la mise hors de « Aujourd’hui, nous allons appuyer des troupes chement de transit interarmées (Detia) combat d’une quinzaine de terroristes, de françaises et maliennes pour de nouveau ra- – chargé de soutenir les opérations en saisir et de détruire deux pick-up, six motos, tisser la zone où eu lieu l’accrochage hier », transportant le personnel et le matériel des munitions et de l’armement. résume le lieutenant de vaisseau Yves, coor- nécessaire – préparent le chargement de Le commandant du détachement drones dinateur tactique, tout en faisant sur le parking palettes qui vont faire l’objet d’un aérolar- souligne la grande faculté d’adaptation de avions les vérifications armement des deux gage. « Elles contiennent près de six tonnes ses hommes : « Le drone a décollé sans avoir bombes GBU-12 qu’emportera l’aéronef. de vivres et de munitions pour un ravitaille- “ Aujourd’hui, nous allons appuyer des troupes françaises et maliennes pour de nouveau ratisser la zone où a eu lieu l’accrochage hier. “ Cette mission est dans les cordes de l’ATL2, ment de nuit », précise le lieutenant Cédric, déployé ponctuellement sur Barkhane pour chef du Detia. « Le GTO assure de façon des missions de renseignement, de recon- permanente le soutien logistique aérien naissance armée, de ciblage dynamique ou de l’opération Barkhane en tout temps et d’appui feu. « Nous avons suivi des individus en tout lieu », explique le commandant du au comportement suspect qui évoluaient au- GTO. « La base de Niamey n’est peut-être tour et à l’intérieur de la zone boisée », relate pas située dans le secteur le plus exposé le coordinateur tactique. Durant toute la mis- de l’opération Barkhane. Mais sans elle, sion, l’ATL2 communique les renseignements rien ne serait possible », conclut le colonel 5 recueillis aux troupes déployées. « Nous leur Gauthier. ● septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 25
Opérations Barkhane Atlantique 2 Vols au-dessus d’une mer de sable S’il opère habituellement dans le cadre du combat aéromaritime et de la lutte anti-sous-marine, l’Atlantique 2 est aussi présent sur Barkhane. Inséré dans un environnement entièrement interarmées, cet aéronef de la Marine nationale exécute des missions en complément des différents moyens de renseignement et d’appui aérien intervenant en bande sahélo-saharienne. Texte et photo par Thomas Casaux U n aéronef à hélices tournantes se prépare à décoller sur le parking avions de la base aérienne projetée de Niamey, au Niger. Sa silhouette bombée de 32 mètres de long rappelant celle d’un vieux bombardier se déplace, guidée par lieutenant de vaisseau Peter, pilote et chef de détachement. La vitesse maxi- male de 648 km/h que peut atteindre l’ATL2 ne sera pas de trop pour faire fendre l’air à ses 46 tonnes. Derrière les pilotes, un rideau sépare le cock- pit de la tranche tactique, composée Les missions dévolues à ces marins du ciel ? « Nous sommes tel un faucon survolant une zone d’opérations en amont pour reconnaître et renseigner, pour appuyer les troupes au sol durant les opérations et pour assurer un suivi lorsque l’action est achevée, résume le un pistard, pour rejoindre le bout de la d’une enfilade de postes pour les diffé- lieutenant de vaisseau Peter. En plus piste sous le regard vigilant des pom- rents opérateurs dont les consoles de d’être en capacité de traiter un objectif piers de l’Air. Sur son fuselage gris clair, bord fourmillent d’écrans et d’appareils avec des bombes guidées laser, nous une cocarde frappée d’une ancre de électroniques. Parmi eux, le lieutenant pouvons également assurer des mis marine vient marquer son appartenance de vaisseau Yves, coordinateur tac- sions de coordination avec d’autres aé à l’aéronautique navale. Il s’agit d’un At- tique. « L’ATL2, avion de combat aéro ronefs en effectuant des guidages pour lantique 2 (ATL2) de la flottille 23F, dé- maritime et de lutte anti-sous-marine à désigner une cible. » ployé ponctuellement pour renforcer le nul autre pareil, mène un spectre de dispositif aérien de l’opération Barkhane. missions qui illustrent ses capacités FAMILIER DU DÉSERT L’avion se prépare à mettre les gaz peu communes : patrouille maritime, Pour ces marins, le désert n’est pas une avec à son bord un équipage constitué surveillance maritime, action de l’État découverte. Le maître Julien, électroni- d’une douzaine de marins du ciel. Leur en mer et search and rescue », énu- cien de bord Getbo (guerre électronique vol pourra durer une douzaine d’heures. mère-t-il avec un soupçon de fierté. et transmission de bord) était dans l’aé- Dans le cockpit, les deux pilotes se Pour lui, l’ATL2 fait figure de « véritable ronautique navale depuis à peine six concentrent pour affronter les tempéra- couteau suisse », parfaitement adap- mois lorsqu’en janvier 2013 son ATL2 a tures extrêmes de la région. « L’air chaud té aux m issions aéroterrestres. « Nos été mis en alerte pour participer à l’opé- est moins dense et offre donc moins de différents capteurs sont tout aussi bien ration Serval : ce fut sa première mis- portance à l’avion qui doit accélérer plus capables de traiter un navire qu’un pick- sion. Une deuxième participation à Ser- longtemps pour décoller », explique le up dans des étendues désertiques. » val et quatre déploiements sur Chammal 26 - Armées d’aujourd’hui n°428 septembre-octobre 2018
Décryptage se sont insérés entre les missions aéro définie, ce qui n’est pas le cas en aéro troupes déployées et au commande- maritimes. « Avec la traque des groupes maritime », précise Antoine. Les points ment. Avant son départ pour l’Afrique, armés terroristes nous changeons com d’intérêt sont également scrutés de près « l’aéronef a subi des modifications pour plètement de prisme. Nous devons ef par le premier maître Julien, électronicien répondre de manière optimale et ra fectuer un intense travail de préparation de bord Dasbo (détection anti-sous-ma- pide aux besoins de transmissions. Un un mois avant d’être projetés pour bien rine de bord). renseignement peut changer le cours assimiler les particularités et les enjeux d’une mission au sol », explique le Get- du théâtre d’opérations », commente Ju- MODIFICATIONS AVANT DÉPART bo, en charge des transmissions. lien. Pour le premier maître Antoine, pre- Quand il ne se trouve pas dans le nez En vol, l’Atlantique 2 reste en liaison mier opérateur, « il s’agit presque d’un vitré à l’avant de l’ATL2, accessible constante avec le maître Felix, officier autre métier, mais avec quasi les mêmes par un escalier entre les pilotes, pour de quart opérations, en poste au centre moyens ». À son poste, l’aéroterrestre observer visuellement les objectifs, il des opérations de la BAP, lui-même implique en effet des changements s’installe à son poste en tranche tac- en communication permanente avec notamment dans la navigation. « Voler tique pour traiter les images que pro- le commandement à N’Djamena, au au-dessus de la terre nécessite une veille duit la Wescam. Cette caméra offre une Tchad. « Mon rôle me permet d’avoir aéronautique plus dense. Nous pou imagerie qui permet d’observer un point plus de recul sur les tenants et les abou vons être plusieurs à tourner autour d’un avec une grande précision depuis une tissements de la mission en cours grâce même point. » Autre objet d’attention : la haute altitude et sur 360 degrés. « Je aux renseignements. » Il n’est pas rare météo, surtout avec la saison des pluies peux également prendre des photos que l’appareil voie sa mission changer et le front intertropical qui sévit dans la depuis le nez vitré ou les hublots bul pour rejoindre une cible d’opportunité. région. Avant chaque mission, les objec- lés à l’arrière de la tranche tactique. Les « Il faut s’adapter rapidement, mais nous tifs potentiels sont localisés dans la zone clichés sont traités dans la foulée grâce sommes habitués à faire face à l’impré d’action prévue par la mission pour avoir aux capacités d’analyse d’image de vu », commente l’officier de quart opé- un fil conducteur pendant le vol. « Nous l’équipage », précise le premier maître. rations. Il en faut plus pour désarçonner devons réaliser plus de calculs en amont Les renseignements acquis peuvent l’équipage, habitué à lutter contre les car notre zone d’action est précisément ainsi être rapidement transmis aux éléments de la haute mer. ● septembre-octobre 2018 Armées d’aujourd’hui n°428 - 27
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