Reconciliation - Canadian Society of Landscape Architects
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VOL. 21_NO. 3_2019 FALL | AUTOMNE O N L I N E E X C L U S I V E S E X C L U S I V I T É S E N L I G N E T R A N S L A T I O N S | F R > E N T R A D U C T I O N S | E N > F R L’ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU CANADA THE CANADIAN SOCIETY OF LANDSCAPE ARCHITECTS reconciliation
LANDSCAPES + CONTENT | CONTENU PAYSAGES VOL. 21_NO. 3_2019 TRANSLATIONS | FR > EN FALL | AUTOMNE TRADUCTIONS | EN > FR ESSAY | ESSAI EN_2019 CSLA CONGRESS: ACKNOWLEDGEMENT, AWARENESS, ENGAGEMENT > FR_LP+ CONGRÈS 2019 DE L’AAPC : RECONNAISSANCE, SENSIBILISATION, MOBILISATION GRANT FAHLGREN INTERVIEW | ENTREVUE EN_WALKING A COMMON PATH – THE INDIGENOUS PEOPLES’ GARDEN > FR_LP+ SUR UN MÊME SENTIER : LE JARDIN reconciliation DES AUTOCHTONES D. THOMAS, M. GRIFFITH, C. THOMAS + MONICA GIESBRECHT FOCUS | FOCUS EN_WIIJE’WINEN – COME WITH US > FR_LP+ WIIJE’WINEN – VIENS AVEC NOUS S. COOKE, C. CRAWFORD + J. DEWOLF FR_LE JARDIN DES PREMIÈRES NATIONS – PROCESSUS REVU ET COMMENTÉ > EN_LP+ THE FIRST NATIONS GARDEN: RECONCILIATION THROUGH NATURE VINCENT ASSELIN EN_NIKIBII DAWADINNA GIIGWAG – FLOODED VALLEY HEALING > FR_LP+ NIKIBII DAWADINNA GIIGWAG : LA GUÉRISON DE LA VALLÉE INONDÉE ELDER WHABAGOON, L. MARGOLIS, L. PICCINNI + S. BOUDREAU MARGOLI EN_BEYOND NATURAL RESOURCES: CREE CULTURE AND LANDS AS AN ECOTOURISM OPPORTUNITY > FR_LP+ AU-DELÀ DES RESSOURCES NATURELLES : LE POTENTIEL ÉCOTOURISTIQUE DE LA CULTURE ET DES TERRES CRIES ROBIN MCGINLEY + MARIE-PIERRE MCDONALD EN_DOING GOOD WORK: LEARNING TRUTH AND COVER | EN COUVERTURE RECONCILIATION THROUGH NORTHEAST FALSE CREEK PARK CEREMONIAL FIRE NODE AT THE HEART > FR_LP+ FAIRE DU BON TRAVAIL : APPRENDRE LA VÉRITÉ OF THE ASSINIBOINE PARK INDIGENOUS PEOPLES’ GARDEN, WINNIPEG | UN ET LA RÉCONCILIATION À TRAVERS LE PARC DE NŒUD DE FEU DE CÉRÉMONIE AU NORTHEAST FALSE CREEK CŒUR DU JARDIN AUTOCHTONE DU PARC ASSINIBOINE, WINNIPEG JORDAN LYPKIE PHOTO DAVID THOMAS DESIGN COLLABORATIVE + HTFC PLANNING & DESIGN WITH THE FLAT FIRE NODE WALLS SIDE OF DESIGN VISUALIZATION EXPERTS PHOTO DAVID THOMAS 2 LANDSCAPES | PAYSAGES
LP+ ONLINE EXCLUSIVES EXCLUSIVITÉS EN LIGNE 01/ EN_WHAT IS SAFE SPACE? PHOTO HTFC PLANNING AND DESIGN DAVE THOMAS, MAMIE GRIFFITH, CHEYENNE THOMAS FOUNDATIONS AT KASKA AND MONICA GIESBRECHT BARBARA GORDON & 02/ EN_BUILDING FOR A BRIGHTER FUTURE – LITTLE GRAND RAPIDS ABBALAK NEW FIRST NATION SCHOOLS IN MANITOBA THUNDERSWIFT MEMORIAL DON HESTER SCHOOL FROM THE AIR PHOTO DON HESTER FALL | AUTOMNE 2019 3
ESSAY GRANT FAHLGREN CONGRÈS 2019 DE L’AAPC : Reconnaissance Sensibilisation Mobilisation 1 LE CONGRÈS 2019 DE L’AAPC, tenu à de l’enquête sur les femmes et les filles En reconnaissance des survivants de Vancouver, a fait progresser la profession autochtones assassinées et disparues. Elle la violence et du racisme, on a érigé un d’architecte paysagiste au Canada sur a aussi parlé des proches qu’elle a perdus. « totem des survivants » au parc Pigeons, la voie de la réconciliation. Le thème du Elle sensibilise à cette cause à travers sa dans le Downtown Eastside de Vancouver. congrès, Réconciliation : reconnaissance, troupe de danse Butterflies in Spirit (www. C’était l’une des étapes de la visite guidée sensibilisation et mobilisation, devait facebook.com/ButterfliesBIS), qu’elle a proposée, pendant le congrès, dans ce susciter questionnements et réflexions formé pour autonomiser les femmes de quartier qui abrite une grande population chez les praticiens, les universitaires sa communauté. autochtone urbaine. Il était important que et les étudiants en architecture de les participants au congrès puissent voir paysage qui travaillent en territoire Puis, ce fut au tour du chef Stewart d’eux-mêmes les problèmes et les actions traditionnel autochtone. Phillip de raconter ses expériences, dont on discutait, pour comprendre les les problèmes importants auxquels les moyens à prendre. Ce totem est le fruit Reconnaissance peuples autochtones sont confrontés d’une « collaboration de trois ans entre Le congrès a été inauguré par Audrey et l’action politique requise de la société les défenseurs du quartier, les Premières Siegl, membre des Musqueam, l’une pour les régler. Il a partagé sa propre Nations, les membres de la communauté des trois nations (les deux autres étant perte en relatant le décès de son fils d’une LGBTQ et les survivants du racisme les Squamish et les Tsleil-Waututh) sur surdose à l’âge de 42 ans. Chacun de japonais, chinois et sud-asiatique ». le territoire desquelles Vancouver est ces conférenciers vit l’héritage colonial Ces groupes ont fait don du totem à la érigée. Audrey a accueilli l’assistance sur le à sa manière. Beaucoup ont besoin de Commission des parcs de Vancouver, qui territoire des Musqueam, conformément partager ces histoires pour guérir, malgré a fourni 50 000 $ pour son installation. Son au protocole de son peuple. Elle a parlé la difficulté d’en revivre le traumatisme. érection couronne des années d’efforts des nombreux défis auxquels sont Mais ils ont saisi l’occasion d’en parler à un communautaires. La cérémonie potlatch confrontés les Musqueam et les autres public de collaborateurs potentiels qui ont a adopté les protocoles des nations Coast peuples autochtones, en plus de remercier le pouvoir d’éviter ces traumatismes aux Salish et Haida.* notre profession de participer à cette générations futures. conférence et de s’engager dans la réconciliation. Son amie Lorelei Williams a ensuite présenté ses efforts en faveur 4 LANDSCAPES | PAYSAGES
ESSAI 2 Notre pays et notre profession doivent Sensibilisation reconnaître les torts qu’ont causés et que Le deuxième discours a été prononcé par causent encore les politiques coloniales Julian Napoleon, membre de la Première aux peuples autochtones. Il est important Nation Saulteau de la vallée de la rivière d’affronter la vérité de notre histoire de la Paix. Il travaille à la protection des nationale au lieu de se contenter de la ressources écologiques importantes version sélective enseignée depuis trop pour sa culture et à la sensibilisation aux longtemps. Notre histoire commune inclut impacts du développement sur les terres, les pensionnats indiens, la rafle des années l’eau, la souveraineté alimentaire et les soixante, la dépossession des terres, les communautés autochtones. Dans sa politiques racistes systématiques et le présentation, Julian a relaté l’histoire de génocide des peuples autochtones, en son territoire d’origine, les changements particulier des femmes et des filles. Pour qu’il a subis du fait de l’extraction des espérer rétablir les relations avec les ressources, de la fracturation et de peuples autochtones du Canada, il faut la foresterie, ainsi que ceux anticipés s’attaquer à ces injustices et aux injustices du projet de barrage de Site C, un qu’ils vivent encore. développement hydroélectrique massif. Son histoire parle du déséquilibre des pouvoirs entre les centres urbains et les vastes territoires d’où proviennent les 1 DENIS THOMAS, COORDONNATEUR DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DU TSEIL-WAUTUTH, ressources. Le congrès avait lieu à quelque FAIT VISITER LE TERRITOIRE TRADITIONNEL AUX 700 km de la vallée de la rivière de la Paix, DÉLÉGUÉS DU CONGRÈS 2 LE INDIAN RESIDENTIAL SCHOOL HISTORY AND DIALOGUE CENTRE À à Vancouver, dont les futures demandes L’UNIVERSITY OF BRITISH COLUMBIA, CONÇU PAR énergétiques (comme celles des autres FORMLINE ARCHITECTS, ET LES PAYSAGES CONÇUS PAR PFS STUDIO 3 AUDREY SIEGL, MEMBRE DE LA zones urbaines de la province) guident les NATION MUSQUEAM, SOUHAITE LA BIENVENUE AUX décisions de la société d’État BC Hydro. DÉLÉGUÉS DU CONGRÈS 4 CHEF STEWART PHILLIP PARTAGE SON HISTOIRE AVEC LES DÉLÉGUÉS Et celles-ci modifieront radicalement le 3, 4 PHOTOS 1,2 GRANT FAHLGREN 3,4 JEAN LANDRY territoire national des Saulteau. Beaucoup FALL | AUTOMNE 2019 5
ESSAY 3. La méthode se fonde sur des processus, l’accent étant mis sur l’observance des protocoles autochtones et la hiérarchisation des méthodologies autochtones. 4. La conception doit être spécifique au lieu, l’accent étant mis sur le rapport 5 de culture à lieu et où l’apprentissage professionnel est « réalisé sur place avec de citadins ne sont pas conscients de l’inlet Burrard depuis plusieurs décennies. les habitants de la place, permettant ces déséquilibres et de la manière dont La présence du terminus du pipeline ainsi l’émergence de paysages riches en les décisions affectent des territoires Kinder Morgan planait sur notre croisière. histoire et en histoires ». très éloignés d’eux. Si l’exploitation des Bien que le Grand-Vancouver détienne ressources affecte les territoires éloignés, beaucoup de pouvoir dans la province, il L’Indigenous Placekeeping Framework c’est que ceux-ci ont une population est également soumis à des forces plus vise à émanciper les professionnels de relativement petite et qui manque de importantes qui influencent les décisions la conception des pratiques enracinées, représentation politique pour contrer les liées à son environnement. à élargir leurs perspectives et à les grandes forces politico-économiques. sensibiliser aux groupes autochtones avec Les peuples autochtones dont la culture Prendre conscience des problèmes lesquels ils collaborent. Ce recadrage de la est rattachée à ces lieux ne peuvent auxquels sont confrontés les peuples pratique, les concepteurs qui l’ont présenté pas simplement se relocaliser après la autochtones est importants, mais, pour au congrès l’ont appliqué un peu partout dévastation du développement. résoudre ces problèmes en collaboration, au Canada. Tout au long de l’histoire de nous devons aussi nous familiariser avec notre pays, c’est la société au sens large Dans la région métropolitaine de leurs forces sous-jacentes. Bon nombre qui a demandé aux peuples autochtones de Vancouver, de nombreux sites culturels des problèmes auxquels sont confrontés s’adapter à ses habitudes. Ce faisant, elle a autochtones ont disparu ou sont menacés. les peuples autochtones sont le symptôme complètement raté la valeur inhérente des Cependant, il y a eu quelques succès en de causes plus profondes, inhérentes modes de connaissance autochtones. La cours de route. Whey-ah-Wichen est un aux systèmes coloniaux. Examiner nos mobilisation ne consiste pas simplement parc et un ancien village d’été maintenant hypothèses et repenser ces systèmes est à aider les peuples autochtones, mais gérés conjointement par les Tsleil-Waututh crucial, mais impossible sans une prise de aussi à apprendre de nouveaux points et le district de Vancouver-Nord. Dans ce conscience de l’ampleur de leur influence. de vue accessibles uniquement par la parc, les Tsleil-Waututh exploitent Takaya collaboration. Tours, une entreprise qui organise des Mobilisation excursions dans de grands canots. Les La professeure Wanda Dalla Costa, de Le congrès n’avait pas pour but de fournir participants au congrès y ont eu droit, la Première Nation de Saddle Lake en des réponses absolues, mais plutôt d’ailleurs. Alberta, a donné la dernière conférence. d’encourager les participants à faire un pas Elle occupe des postes à l’école de design en avant. D’après les questions posées, il Notre groupe a eu la chance d’avoir et à l’école de construction de l’Université était clair que la réconciliation peut nous Denis Thomas comme guide. Denis a de l’Arizona. Sa présentation portait sur sembler une tâche accablante. Le large fondé Takaya Tours en 1999. Il occupe des projets créés à l’aide du Indigenous éventail de travaux présentés illustre bien maintenant le poste de coordonnateur Placekeeping Framework, une méthode la diversité des moyens mis en œuvre par du développement économique de la de recherche conceptuelle qu’elle a les professionnels de l’architecture de nation Tsleil-Waututh. Il a partagé avec développée au fil de ses travaux pour paysage, les éducateurs et les étudiants nous des chansons de son peuple. Nous soutenir « la construction d’une nation » pour participer. Bien que personne ne avons navigué le long du littoral de Whey- dans les communautés autochtones. puisse à lui seul relever un tel défi, nous ah-Wichen et autour de la pointe pour Celle-ci repose sur quatre éléments clés : pouvons y arriver par un effort collectif, observer Deep Cove et, au loin, Indian qui s’étendra sur plusieurs générations, où Arm, le territoire traditionnel des Tseil- 1. Elle est dirigée par la communauté. chacun posera sa pierre. Waututh. Au cours de cette sortie, nous Le rôle du concepteur est d’aider ses avons entendu des histoires sur les villages membres à élaborer les paramètres et de cette nation et les efforts déployés les méthodes du projet ; le professionnel pour protéger les amas coquilliers dans le n’est plus le « centre de la production de *Pour plus d’informations sur l’érection du Totem parc. Ceux-ci sont chargés d’une histoire connaissances ». des survivants, consultez le www.cbc.ca/news/ qui prouve la présence de ce peuple et canada/british-columbia/survivors-totem-pole- ses droits sur ces terres. Denis a raconté 2. Il y a alignement réciproque, par le biais vancouver-downtown-eastside-1.3838801 que, récemment, un petit groupe d’orques de relations établies entre les parties, est arrivé à l’endroit où nous étions. Ils ne permettant l’apparition de priorités s’étaient pas aventurés aussi loin dans communes et d’une compréhension. PHOTO 5 JEAN LANDRY 6 LANDSCAPES | PAYSAGES
LACF LANDSCAPE ARCHITECTURE CANADA FAPC FOUNDATION FONDATION D’ARCHITECTURE DE PAYSAGE DU CANADA LACF-FAPC is a national charitable organization established in 1988 by members of the Canadian Society of Landscape Architects [CSLA] learn more/ en savoir plus > lacf.ca THE ESSENCE OF TIME L’ESSENCE DU TEMPS 2020 CSLA Congress • Congrès AAPC 2020 June 18 - 20, 2020 • 18 - 20 juin 2020 Calgary, Alberta FALL | AUTOMNE 2019 7
INTERVIEW SUR UN MÊME SENTIER : Le jardin des Autochtones au Diversity Gardens du parc Assiniboine, à Winnipeg Transformer le paysage pour sensibiliser, guérir, inclure et réconcilier des aînés, a mis en évidence la nécessité d’intégrer à perpétuité les aînés et les jeunes à l’exploitation du parc. L’équipe de conception et l’APC sont fermement convaincus que la création d’un paysage vivant, vital et évolutif passe par ce partage des connaissances traditionnelles et l’expérimentation de nouvelles idées interculturelles autour des treize lunes du calendrier lunaire autochtone. Les participants au projet souhaitent que le parc Assiniboine devienne un endroit : • où se vivent et se partagent les relations symbiotiques des peuples autochtones avec la terre ; 1 • où sont célébrées l’histoire complexe et l’évolution des relations des Premières L’ASSINIBOINE PARK CONSERVANCY a Le nom provisoire de ce nouveau paysage nations du Manitoba ; commencé à planifier les Diversity Gardens aux Jardins de la diversité du Canada pendant les travaux de la Commission de est le Jardin des peuples autochtones • où sont rendus visibles les us et coutumes vérité et réconciliation. Au fil de l’évolution (JPA). Ce projet est le fruit de trois ans des peuples Assiniboine et Stony sur le des deux projets, puis de la publication des de consultations avec les communautés territoire desquels se trouve le parc ; Appels à l’action de la commission, elle a métisses et des Premières Nations. Il a décidé d’investir dans l’établissement de pour but de transformer une partie du parc • où s’épanouit une expression vibrante et nouvelles relations avec les communautés Assiniboine de Winnipeg en un lieu propice à originale des paysages, de l’art et de la autochtones du Manitoba. Elle compte la guérison et à la mise en relation des gens culture autochtones modernes ; rendre le parc le plus grand et le plus entre eux et avec la terre, par le biais des embourgeoisé de Winnipeg aussi approches et des traditions autochtones. • où l’écoute prime et peuvent s’exprimer accueillant et accessible que possible aux À ce jour, le processus de planification et des vérités difficiles, et où de nouvelles Autochtones et aux Métis, notamment de conception a fait ressortir qu’il s’agira amitiés peuvent éclore en terrain l’importante population autochtone urbaine d’un projet à long terme, évolutif, dont commun ; de Winnipeg qui, majoritairement, ne le plein potentiel se réalisera au bout de ressent pas d’appartenance à ce lieu. plusieurs décennies après le début de la • et où les diverses cultures manitobaines transformation du paysage physique. peuvent apprendre les unes des autres Au printemps 2016, avec le soutien total en s’inspirant des points communs de la du personnel de l’APC, HTFC Planning Le processus itératif, construit à partir sagesse autochtone du monde entier. and Design s’est associé à Dave Thomas, de fréquentes discussions avec des Mamie Griffiths et Cheyenne Thomas pour jeunes, des dirigeants communautaires, lancer le processus de création d’un espace des spécialistes en ethnobotanique, des autochtone dans le parc Assiniboine. défenseurs de la sécurité alimentaire et 8 LANDSCAPES | PAYSAGES
ENTREVUE L’ÉQUIPE Lorsque Landscape I Paysages a demandé à l’équipe un article sur le processus du Jardin des peuples autochtones, nous avons rapidement compris que le chemin parcouru se partagerait mieux par le biais de discussions sur quelques questions provocantes. La suite est tirée d’une série de cercles de partage dans un café, le dimanche matin, au début de 2019. L|P : Que représente le Jardin des 1. David Thomas Cheyenne Thomas peuples autochtones pour Winnipeg Dave est Anishinaabe de la Cheyenne est conceptrice et la société canadienne ? Première Nation Peguis, au Anishinaabe de deuxième Manitoba. Il est titulaire d’une génération de la Première Cheyenne : Les projets comme celui-ci permettent maîtrise en architecture de Nation Peguis et la fille de Dave. à l’histoire autochtone d’être respectée et l’Université du Manitoba Militante pour les jeunes et présentée d’une manière inédite en 152 ans et exerce la profession de les femmes autochtones, elle d’histoire canadienne. consultant auprès de clients s’emploie à intégrer les besoins autochtones. Il faisait partie importants et la vision du monde Monica : Le jardin permet de mettre de l’avant du groupe d’architectes de ces groupes à la conception le pouvoir de guérison et de régénération des autochtones qui représentaient d’espaces publics urbains. plantes et des écosystèmes indigènes, aux côtés le Canada à la Biennale des préoccupations culturelles des peuples d’architecture de Venise en Monica Giesbrecht autochtones qui vivent ici depuis d’innombrables 2018. Son but est d’exprimer Monica est directrice de HTFC générations. Ces interactions écologiques et et d’explorer son identité Planning Design, dont elle dirige culturelles peuvent nous rappeler de prendre soin anishinaabe à travers le design. le studio d’espace libre public et de la nature pour assurer un avenir prometteur aux de conception pédagogique. En générations futures. Mamie Griffiths tant qu’immigrante au Canada, Mamie est une conceptrice elle a été confrontée au stress et Dave : Les pratiques conceptuelles et créatives autochtone aux racines dénées, à l’isolement qui caractérisent autochtones sont en plein essor : cinéma, musique, galloises et écossaises qui vit le fait d’être un étranger social arts visuels, architecture, paysage et mode. Il y a et travaille autour des Prairies. dans un nouvel endroit qui n’a résurgence des pratiques culturelles, une nouvelle Elle est titulaire d’une maîtrise pas été conçu pour soi. Ces vie, sous forme d’interprétations modernes, étant en architecture de l’Université expériences d’enfance ont fait insufflée dans les traditions anciennes. du Manitoba, d’un BEDS de d’elle une conceptrice centrée l’Université Dalhousie et d’un sur les personnes et axée sur le Mamie : Ayant beaucoup voyagé, je trouve B.Sc. de l’Université Queen’s. Elle développement de processus de choquant que les Canadiens n’aient pas fait de s’intéresse à la représentation conception et d’espaces publics la culture distincte de nos Premières Nations un des cultures autochtones qui stimulent et accueillent les élément essentiel de notre identité nationale. Dans dans l’espace et vise à refléter usagers de tous âges, de toutes plein d’autres pays, les peuples autochtones et de manière respectueuse cultures et de toutes capacités. leurs traditions sous-tendent l’esprit culturel. La les cultures et l’identité Ses recherches en cours sur les Nouvelle-Zélande et les coutumes maories en sont autochtones, tout en créant relations sociales, physiques un bon exemple. des espaces sains et inclusifs, et psychologiques entre la grâce à l’immobilisation et à la nature, les espaces publics, les Dave : Je crois que les approches des Premières collaboration de la communauté jeunes, les personnes âgées et à Nations concernant le territoire, les relations et dans sa pratique de conception, mobilité réduite, les immigrants l’expression artistique s’intégreront éventuellement « Woven Collaborative ». Elle et les groupes marginalisés à l’identité canadienne et seront reconnues dans le espère pouvoir un jour travailler constituent la base de ses monde entier. sur un projet dans les Territoires travaux progressistes sur les du Nord-Ouest, sur ses terres communautés saines, les réseaux 1 LES DIVERSITY GARDENS VUS DU ancestrales, en collaboration de loisirs intégrés, les espaces DERNIER ÉTAGE DE ‹‹THE LEAF ›› avec sa communauté dénée. verts démocratiques et les terres PHOTO HTFC PLANNING & DESIGN AVEC THE FLAT SIDE OF DESIGN VISUALIZATION EXPERTS adaptées aux cultures. FALL | AUTOMNE 2019 9
INTERVIEW 2 Mamie : Oui, et je pense que le JPA Dave : Ces projets aident également Mes expériences d’homme s’inscrit dans ce changement dans la à récupérer des lieux. Avant que le autochtone, à cheval entre la culture canadienne. Ce sera un lieu parc Assiniboine ne soit créé, ses physique, représentatif de la conscience terres ont été le théâtre d’évolutions réserve et Winnipeg, m’ont culturelle changeante du Canada. écologiques durables et d’interactions montré mon rôle : épurer la humaines dynamiques sur plusieurs conception et mettre l’accent Cheyenne : Au début, ces lieux milliers d’années. Il est temps de revenir sur la perte et la guérison, la accueilleront des vérités inconfortables. à certaines de ces idées et pratiques Lorsque les projets créatifs autochtones durables sur les terres du parc et, dévastation et la renaissance, entrent dans un espace qu’on ne leur ce faisant, de recréer une norme où le passé et le futur, la sagesse associe pas normalement, comme une nous partageons les terres avec une de centaines de générations exposition internationale de design, conscience et un respect partagés. et l’exubérance de nos jeunes, ce lieu devient inconfortable pour les non-autochtones. Je pense que ce Mamie : Il est à la fois dévastateur et pour embrasser pleinement malaise est nécessaire à la réconciliation. libérateur de passer à travers de dures notre identité et la ramener Il est important que des espaces vérités. Il est très important que chacun, à l’avant-plan. autochtones apparaissent là où les gens autochtone ou non, se rende compte que —David Thomas ne s’y attendent pas. Cela stimule un l’endroit où on a grandi ou qu’on appelle dialogue dur, mais nécessaire, sur le chez soi s’est bâti sur traumatisme générationnel, qui mène à des atrocités. Guérir en une véritable réconciliation. Au Canada, faisant face à ces choses la plupart des gens participent déjà à ensemble, c’est la seule ce processus à un certain degré, mais façon d’avancer. d’autres ne le réalisent pas, parce qu’ils n’ont été exposés qu’à l’histoire coloniale et la vision du monde occidentale. Un projet comme le JPA expose les non-dits et raconte ces relations dans un cadre 2 PLAN DIRECTEUR DES naturel calme, réparateur et apaisant, DIVERSITY GARDENS propice à ce type de travail difficile. 3 GRAPHIQUE DE NOEUD DE FEU 4 TERRAIN DE JEU AVEC TRAMPOLINE « ASSINIBOINE CLAY » IMAGES 2 HTFC PLANNING & DESIGN 3, 4 DAVID THOMAS 3 10 LANDSCAPES | PAYSAGES
ENTREVUE Dave : L’oppression de l’autre, de sa L|P : Quel est le rôle du concepteur L|P : En quoi le processus de culture, de sa société, n’a rien d’inédit autochtone dans ce processus visualisation du JPA est-il différent dans le monde. Nous avons l’occasion et dans sa communauté ? du processus de conception d’admettre cette oppression et de rétablir d’un jardin public ordinaire ? les liens, pour nos petits-enfants et les Dave : Son rôle est d’aborder le projet nombreuses générations à venir. On ne dans une perspective personnelle Mamie : Le processus est unique en son peut pas remonter dans le temps, mais on permettant une compréhension intime et genre par son engagement à mobiliser la peut aller de l’avant en affrontant les dures une relation au projet. communauté dès le départ. La cérémonie vérités, en évacuant la colère et en créant a toujours fait partie des assemblées un sentiment de fierté et d’émerveillement Mamie : Le concepteur autochtone est communautaires et des exercices de face à l’héritage des Premières Nations en mesure de mener des consultations conception du projet. On donne aux idées chez tous les Canadiens. approfondies et de prendre des décisions et aux décisions le temps nécessaire ; rien intuitives en raison de sa culture, ce n’est brusqué. C’est inédit pour un projet de Mamie : À cause de la colonisation, j’ai qui serait difficile pour un concepteur cette envergure. ignoré qui j’étais pendant si longtemps. J’ai non autochtone sans connaissances hérité de tant de honte de mes parents, culturelles de première main. Dave : Oui, l’équipe de conception a eu et cette honte se manifeste dans un sens le temps de réfléchir au projet en cours culturel plus large. Les gens ont tellement Dave : Les complexités culturelles du de travail, de donner à la communauté honte de l’histoire d’oppression coloniale projet nécessitent des discussions le temps de réagir aux idées, puis de les du Canada. Ils ne savent pas comment approfondies sur un large éventail de bonifier, et de réfléchir au jardin dans le concilier leurs expériences de vie et les problèmes délicats et des décisions contexte plus général du Canada et de la histoires d’immigrants et de pionniers avec fondées sur une sensibilité et une Commission de vérité et réconciliation. Ce les vérités sur les relations entre le Canada expérience culturelles. Cela se serait un euphémisme de dire que le JPA et les peuples autochtones, dont on parle de traduit par la reconquête du rôle de la arrive à point nommé. plus en plus. création culturelle par le transfert de connaissances entre le concepteur Cheyenne : Au début du processus de Cheyenne : Le JPA nous a donné l’occasion et la communauté via un processus conception, un aîné a conseillé que le d’interpréter et de développer notre exploratoire. Les relations explorées, concepteur autochtone masculin soit propre voix conceptuelle au sein de nos découvertes et redécouvertes lors du accompagné par une femme pour une communautés. Il est si important pour nous partage de conversations et de récits cérémonie, afin d’équilibrer l’énergie dans de réserver du temps, dans le processus de renforcent l’importance de récupérer un la compréhension fondamentale du projet. conception, aux cérémonies, aux chants, à processus de création autochtone itératif la collaboration des jeunes et des aînés, ce et de partager l’identité autochtone Mamie : La conscience d’une approche qui est intrinsèque à notre façon de vivre et contemporaine à travers l’art et le design. holistique de la conception s’est dégagée de créer. Le Jardin est un pas en avant ; nous pour mieux préparer l’équipe à ancrer le avions enfin le contrôle sur le déroulement processus et le concept dans la tradition du projet. Il y avait un équilibre entre les matriarcale des Anishinaabe et d’autres rôles des genres, la loi naturelle et les cultures autochtones. peuples autochtones et non autochtones travaillant ensemble dans le respect. À Monica : Le processus plonge vraiment l’avenir, nous devrions viser ce processus dans les croyances fondamentales et ces interrelations dans tous les types de en matière de gestion des terres que développements, et pas seulement dans les les autochtones considèrent comme espaces à orientation autochtone. sacrées, des croyances si actuelles et importantes que le reste du monde revient tranquillement vers une conception biophile, résiliente et inclusive. C’est une optique spéciale qui nous rappelle de s’arrêter, d’observer, de prendre le temps de créer une véritable connexion et de prendre soin de la terre et des autres. J’ai tellement appris des gens avec qui j’ai eu la chance de travailler sur ce projet. Ce genre de processus devrait être la norme. Nous devons trouver un moyen d’en faire la manière dont nous planifions avec la terre et entre nous. 4 FALL | AUTOMNE 2019 11
INTERVIEW 5 L|P : Qu’est-ce que la conception une nouvelle façon de voir le monde, respectueusement nos anciens ? autochtone contemporaine ? la technologie qu’on introduit dans un D’utiliser notre langue pour définir une contexte moderne. Si on peut être inspiré programmation, des activités, des espaces ? Cheyenne : Il s’agit d’une énergie nouvelle, par des idées autochtones historiques, par Pouvez-vous imaginer un projet autochtone dans l’ici et maintenant, mais imprégnée une manière de voir le monde, par exemple à grande échelle conçu et débattu dans de générations de connaissances un lien fort avec la nature, et d’y aller notre langue du début à la fin ? Des traditionnelles qui vivent dans nos os. doucement avec la terre, ce qui correspond concepts expliqués à travers notre propre Réinterpréter les anciens concepts de essentiellement aux concepts modernes de interprétation, dans notre langue ? Même manière moderne, penser à l’avenir. durabilité, mais qui sont en fait de très vieux pour cette discussion, d’avoir un ancien qui concepts autochtones sur nos interactions commence à rattacher ces idées à notre Dave : Cela évolue, au fur et à mesure que avec le territoire. langue anishinaabe afin de mieux articuler où cette génération de concepteurs et de nous voulons en venir. Je sais qu’il existe des communautés commence à… récupérer, Cheyenne : Nous sommes très conscients manières très élégantes de décrire le « design car nous récupérons nos pratiques, mais de l’avenir lorsque nous concevons, de la autochtone contemporain » ou même les différemment. prochaine génération et des générations actes qui relèvent de la conception : être un suivantes. Le design autochtone intermédiaire, évoquer une idée. Le design Mamie : Nous les réinterprétons dans une contemporain réinterprète ces concepts, autochtone contemporain émane de ce optique moderne. qui ont toujours fait partie de la culture monde onirique où l’énergie de notre esprit autochtone, de manière moderne, comme est pleinement mobilisée, puis devient Dave : Oui, nous réinterprétons. Et cela l’utilisation de la technologie, comme vous physique. Notre création d’espaces doit concerne les nouvelles technologies et les l’avez dit, mais inspirée des technologies toujours respecter nos enseignements. nouveaux matériaux, mais aussi dans un anciennes enracinées dans la sagesse de contexte de décolonisation profonde. Il y la nature. Mamie : Le processus de conception et les a donc une couche attachée à tout ce que discussions sur le JPA ont suscité beaucoup nous faisons, qui peut s’avérer un obstacle Cheyenne : Pour moi, c’est cette synthèse d’émotion et de guérison. Le Jardin créera ou peut-être un élément ou un composant de l’ancien et du nouveau, mais il s’agit un espace où d’autres pourront vivre nécessaire au concept. Or, si le processus et surtout d’accepter la tension, le flux, cet ces expériences. les concepts exprimés sont suffisamment espace socio-politico-économique où robustes, ils résistent. Et ils forgent notre on nous laisse exprimer librement notre Monica : Pour moi, le design autochtone identité moderne. esprit. Si on se penche sur le processus moderne, c’est vous trois et beaucoup de conception et pas seulement sur son d’autres à travers le pays. Une perspective Mamie : Absolument. Il s’agit de résultat : combien de fois avons-nous, unique sur le monde façonnée par vos vies réinterpréter la culture autochtone, où que comme concepteurs autochtones, modernes, vos émotions et vos croyances ce soit ou quel que soit le contexte actuel. la possibilité de mener des projets ? culturelles traditionnelles perdues et Il s’agit d’envisager le passé, l’histoire, De prendre le temps de « consulter » retrouvées. 12 LANDSCAPES | PAYSAGES
ENTREVUE L|P : Quelle influence votre n’en tirera les mêmes leçons. En fait, s’ils mère et mon père, explorant des idées vécu a-t-il sur votre travail de sont ouverts, les gens de toute origine dans la réserve et les quartiers défavorisés. concepteurs autochtones ? culturelle pourront visiter le JPA à répétition On n’appelait pas cela de la conception, au cours de leur vie et en tirer chaque fois de simplement de la curiosité et de l’expression Dave : Mamie, votre participation à ce projet nouveaux enseignements. dans les médiums qui m’étaient accessibles. en a fait une expérience plus profonde, Qu’il s’agisse de construire des rampes je vous vois mieux vous comprendre à Mamie : La culture autochtone est riche pour vélo hors-piste ou des forts dans les travers lui. Je le vois aussi en moi, j’essaie de parce qu’elle a tellement d’histoire et de champs industriels, je savais ce que c’était concilier des choses de ma vie. Ce projet est profondeur, et qu’elle est ancrée dans que bâtir de mes mains. J’ai aussi grandi vraiment différent dans son ensemble pour la terre. en voyant nos dures réalités autour de moi nous, concepteurs, car nous avons puisé et le racisme envers mes proches. Je suis dans sa nature, son identité canadienne, son Dave : Et c’est la véritable identité très consciente de la déconnexion de ce rapport à la terre, ses problèmes urbains. Il canadienne. Je n’arrive pas à comprendre ce milieu lorsqu’un non-autochtone se rend y a tant de niveaux. Il va inévitablement être qu’est la culture du Canada autrement. dans une communauté et adopte une puissant et changer des vies. Et nous en approche stéréotypée ou n’arrive pas à sommes proches, mais nous commençons Mamie : C’est la lutte d’un Canada qui essaie connecter avec mon peuple. Mais en tant à réaliser à quel point c’est important, au toujours de se retrouver. Je me souviens que femme autochtone, je vois le patriarcat niveau national ; c’est comme si une bombe qu’à l’école, on n’était pas très fort sur et le manque d’équilibre dans la plupart avait explosé. la culture, à cause de l’histoire coloniale des cas où les femmes ont la possibilité de abrégée et stérilisée qu’on nous enseignait. se faire entendre en réunion ou dans les Mamie : Je ne le vois pas comme une Il y a toujours eu un malaise en ce pays où on parties cruciales d’un projet. Le fait d’avoir bombe. C’est plus silencieux que ça. Dans ne cerne pas la vérité dans son histoire. Tout grandi dans une lignée de femmes fortes et cette première phase, nous semons était une question d’assimilation, puis de résilientes transcende tous les stéréotypes le germe du concept du JPA ; celui-ci multiculturalisme, et maintenant… qu’on m’impose. Comme conceptrice, je poursuivra son évolution, au-delà de ce que me consacre à servir d’intermédiaire à nous avons imaginé. Je vois cela comme un Dave : Lorsqu’il y a un événement culturel ceux qui ne sont pas aussi scolarisés ou qui lent processus : le vrai jardin sera là dans autochtone, par exemple à la collation des n’ont pas eu la possibilité de faire valoir les 20 ans. Nous établissons le cadre pour que grades de Chey, elle a éclaté en sanglots au idées ou les concepts qu’il faut partager. tout y soit possible, côté design autochtone son du tambour. Comme femme, je sais que la conception contemporain, idées à exprimer et histoires s’approfondit et se renforce quand tout le à raconter. Mamie : Je comprends ça, c’est très monde a voix au chapitre, puisque nous poignant. sommes les donneurs de vie, les créateurs Dave : Les histoires et l’enracinement de quelque chose de beau. sont si importants pour moi. La connexion Dave : Et c’est cela, la culture autochtone. avec ma famille, ma communauté et mes On la sent dans tous ses pores. Elle raconte aînés informe tout ce que je fais. Mon une histoire puissante à travers des identité autochtone et ma philosophie de mots, des cérémonies, des images conception sont basées sur des expériences et des sons puissants. humaines quotidiennes et une introspection discrète. Mes expériences d’homme Mamie : On est si heureux et si autochtone, à cheval entre la réserve et émotif quand on entend sa culture Winnipeg, m’ont montré mon rôle : épurer exprimée hors de soi. Elle nous la conception et mettre l’accent sur la paraît familière, même si on ne l’a perte et la guérison, la dévastation et la jamais entendue. Les tambours me renaissance, le passé et le futur, la sagesse font toujours pleurer, moi aussi. de centaines de générations et l’exubérance de nos jeunes, pour embrasser pleinement Dave : C’était juste, boum ! Il n’y notre identité et la ramener à l’avant-plan. avait rien d’autre, c’était juste Le temps est fluide ; l’expression du concept pour préparer les gens et elle a peut influer sur le décalage entre passé, commencé à pleurer, et j’ai eu présent et futur. Par exemple, la conception les larmes aux yeux, à cause de interprétative du nœud de feu est à la la puissance de cet unique coup. 6 fois une histoire mythologique ancienne, Il signalait le retour à l’ordre une fable autochtone contemporaine de l’univers. 5 MIGRATING STONES 6 LORNE REDSKY DE SHOAL LAKE 40 ENTAMANT UNE JOURNÉE DE et une expression de l’identité culturelle PLANIFICATION DU JARDIN COOPÉRATIF AUTOCHTONE autochtone moderne. Elle partage et Cheyenne : En grandissant, je dessinais AVEC PLUS DE 40 AÎNÉS, JEUNES ET TECHNICIENS DE TOUT LE MANITOBA, AUTOMNE 2019 enseigne à tant de niveaux que personne constamment des espaces avec ma grand- IMAGE 5 DAVID THOMAS PHOTO 6 MONICA GIESBRECHT, HTFC FALL | AUTOMNE 2019 13
FOCUS SANDRA COOKE, CHRIS CRAWFORD + JOHN DEWOLF WIIJE’WINEN I VIENS AVEC NOUS La planification d’un foyer pour le Centre d’entraide autochtone Mi’kmaw 1 Wije’wi | Viens avec moi À la suite du premier rapport de la Commençons par un voyage. Wije’wi (viens Commission de vérité et réconciliation, avec moi), c’est une vision défendue par la elle a jugé le moment venu pour le centre directrice générale Pam Glode-Desrochers d’élargir son offre pour faciliter les Au fil de nos et sa quête, depuis des décennies, d’un relations entre les Premières Nations, consultations, nous nouveau foyer pour le Centre d’entraide la ville et les nombreuses communautés avons appris que la autochtone Mi’kmaw (le Mi’kmaw Native qu’il sert. Sans oublier que son foyer Friendship Centre ou MNFC) de Halifax, actuel était fatigué et surutilisé. Et, langue mi’kmaq doit en Nouvelle-Écosse. Depuis plus de 45 au-delà de ces besoins logistiques, il être parlée et non ans, ce centre sert de poumon social à la y avait celui d’installations sur mesure écrite. communauté autochtone urbaine du nord pour répondre aux divers besoins de de la ville. Il offre des services sociaux, l’organisme et de la culture qu’il dessert. des programmes et un refuge essentiels. L’édifice envisagé servira d’ancrage et de Comme ses 119 homologues à travers balise pour les peuples autochtones de le pays, ce centre d’entraide fournit de la Nouvelle-Écosse et des Maritimes. En précieux services aux résidents et aux 2018, le Centre d’entraide a conclu une voyageurs, comme ce fut le cas pour option d’achat avec la ville pour l’ancienne Mme Glode-Desrochers qui, originaire propriété de la Croix-Rouge sise au 1940, de la Première Nation Millbrook, est rue Göttingen : un site de 0,65 hectare débarquée en ville à 16 ans pour étudier. situé juste à côté de Citadel Hill, sans Au cours de sa carrière, Pam a travaillé doute l’une des destinations touristiques sans relâche à la promotion du bien- les plus visitées et l’un des sites les plus être personnel et communautaire de la colonisés de la ville. 1 ESPACE CÉRÉMONIAL, CENTRE DE L’AMITIÉ population autochtone urbaine de Halifax. MI’KMAW 2 CENTRE DE L’AMITIÉ MI’KMAW 3 ESCALIER — CENTRE DE L’AMITIÉ MI’KMAW Elle a consacré le dernier quart de siècle IMAGES 1-3 FATHOM STUDIO au MNFC. 14 LANDSCAPES | PAYSAGES
FOCUS Wije’winen | Viens avec nous nom de ce nouveau foyer. La direction du appelés, comme concepteurs, à animer En 2017, on a chargé Fathom Studio MNFC a jugé nécessaire de donner un nom des discussions, mais nous avons très peu (anciennement Ekistics Plan + Design and de travail mi’kmaw à son nouveau siège, un parlé pendant notre séjour. Ce processus Form : Media) de concevoir le nouveau nom qui englobe les divers programmes et reposait essentiellement sur l’écoute, la centre. L’architecte Chris Crawford services actuellement fournis. Après des compréhension et l’interprétation. (NSAA) a pris les commandes du dossier, séances de travail internes, un examen de confiant la conception du paysagement la bibliothèque L’nui’suti et la consultation à Sandra Cooke (OALA, APALA, CSLA) d’anciens, on a retenu l’expression et la planification de la marque et de Wije’winen, qui se traduit par « viens l’interprétation au consultant John deWolf avec nous ». (CGD). Afin de respecter des délais serrés, le MNFC a mis en place une équipe de mise En outre, Wije’winen reflète notre en œuvre composée de onze membres parcours de concepteurs du projet, (dont John Lindsay d’East Port Properties puisqu’on nous a invités à participer à un et Group ATN, un cabinet expert en processus collaboratif de consultation faisabilité économique et en relations et de conception avec les dirigeants, gouvernementales) pour appuyer son les conseillers, le personnel et les CA et son personnel. Le concept a été membres de la communauté du MNFC. révélé lors d’une cérémonie sur place en Cela a profondément contribué à notre avril 2018. Ce projet très spécial est le fruit appréciation de la culture et des traditions d’une écoute, d’un apprentissage et d’une mi’kmaw. En janvier 2018, la communauté collaboration approfondis entre l’équipe de Membertou, au Cap-Breton, nous a invités conception, nos partenaires du centre et la pour un voyage de recherche de deux communauté autochtone urbaine. jours comprenant une visite du récent Centre des congrès et du parc Heritage 3 Alors que le MNFC de Halifax poursuit le Park, une participation à une séance de développement du projet de son nouvel sudation dirigée par l’aîné Danny Paul et établissement de 70 000 pieds carrés, une conversation approfondie avec M. Paul diverses questions de communications et d’autres aînés des nations Membertou sont en cours de discussion, notamment le et Eskasoni. Nous sommes souvent Pjila’si | Bienvenue Au fil de nos consultations, nous avons appris que la langue mi’kmaq doit être parlée et non écrite. Elle contient des mots qui véhiculent des concepts et des points de vue qui incarnent un mode de vie traditionnel. Le nombre de ses locuteurs courants est en forte baisse ; avec sa disparition risquent de s’évanouir des enseignements et des compréhensions culturelles. Les concepteurs ont cherché à refléter les connaissances traditionnelles dans le concept de l’édifice du MNFC. Sa forme curviligne s’inspire de symboles comme la carapace de tortue et le cercle (qui est terre, nature, interdépendance et inclusion) et fait référence aux structures traditionnelles comme la tente de sudation et aux images comme la roue médicinale, dont les quatre points cardinaux expriment les saisons, les changements de la vie et les domaines de la sagesse. Ces concepts nous ont guidé de l’organisation des 2 FALL | AUTOMNE 2019 15
FOCUS programmes jusqu’à l’emplacement des entrées. L’équipe (client et concepteur) souhaite ainsi que le bâtiment soit intrinsèquement reconnaissable et accueillant pour la communauté mi’kmaw. Nous sommes perdus, mais chez nous Au cours de ce voyage à Membertou, un aîné de la nation Eskasoni a raconté ses périples en Amérique du Nord. À la fin de son voyage, il a su qu’il était revenu en territoire mi’kmaw en reconnaissant des espèces d’arbres connues. Bien qu’il n’était pas encore dans sa communauté, il se sentait chez lui. C’est ce sentiment de familiarité, d’accueil et de chez-soi que le MNFC aspire à créer. L’expression de l’aîné, « nous étions perdus, mais chez nous », résume parfaitement le cœur 4 de la mission du MNFC : être un lieu sûr et accueillant, non seulement pour la communauté autochtone urbaine de Halifax, mais pour les membres des autres Nous avions donc besoin d’espace pour forestier urbain. La place constitue un Premières Nations en visite à Halifax et l’aménagement paysager à l’intérieur et espace ouvert et un seuil menant au à la recherche d’une communauté et de autour du bâtiment, chose compliquée par bâtiment, invitant les gens à y pénétrer, ressources. Le site du nouveau centre la superficie requise pour héberger une tout en offrant un contraste luxuriant avec incarne ce sentiment : un territoire multitude de programmes s’adressant à le talus gazonné de Citadel Hill, auparavant non cédé, maintenant rendu à des gens de tous âges, du service de garde du côté opposé de la promenade Rainnie. ses propriétaires légitimes, mais dans un aux programmes judiciaires, médicaux état méconnaissable depuis son époque éducatifs, artistiques, culturels et d’aide à Le podium faisant face à cette place précoloniale. l’emploi. Le concept qui en a résulté prend est percé d’un oculus ouvert au ciel, la forme de deux tours construites sur un observable à travers un mur rideau depuis L’équipe de conception et le comité stationnement souterrain et reliées par l’intérieur du bâtiment. L’oculus crée un directeur du centre n’ont pas fermé un volume d’un étage. Le stationnement environnement protégé et contrôlé pour les yeux sur ce lien entre paysage et occupant 59 % de la surface du site, la culture du frêne noir et d’autres plantes sentiment d’appartenance. Après nos l’équipe a créé des volumes de sol pour indigènes qui préfèrent les marais et consultations à Membertou, nous savions les arbres en éliminant des places de souffrent en milieu urbain. Le frêne noir est que le nouveau MNFC devait devenir stationnement, créant trois voûtes traditionnellement utilisé dans la vannerie une « forêt », chose difficile à créer avec séparées pour accueillir les arbres dans mi›kmaw, mais l’espèce est menacée des espèces indigènes dans un milieu une « plaza de la forêt » qui fait face à depuis 2013, ses populations ayant été très urbain. Le processus a débuté par la promenade Rainnie, ainsi qu’une réduites par le remplissage et le drainage des charrettes au bureau de Fathom quatrième voûte podium d’un étage reliant des zones humides pour l’agriculture. Studio, où des architectes paysagistes les deux tours. Dans les provinces atlantiques, on craint ont collaboré avec des architectes et l’agrile du frêne, même si on n’y a pas des planificateurs en interprétation pour La Plaza de la forêt est l’espace extérieur encore observé ce parasite. Afin de créer fournir les paramètres des volumes de sol le plus public ; il est conçu pour donner les conditions propices à cet arbre d’une et d’accès à la lumière naturelle et à l’eau, l’impression de marcher en forêt. De importance culturelle, les eaux pluviales afin de réunir les conditions propices au grands blocs monolithiques de pierre recueillies sur le toit du podium (qui évoque développement d’espèces typiques de la naturelle locale retiennent la pente et le lit d’une rivière) sont filtrées par une forêt acadienne. Ces espèces (bouleau servent de sièges autour des zones toiture verte et dirigées vers l’habitat de à papier, pin blanc, épinette noire, cèdre plantées, tandis que les pavés en pierre l’oculus. blanc de l’Est et frêne noir) ont toutes une créent des motifs évoquant la lumière importance pour les cultures autochtones tachetée de la forêt. Les espaces Ajoutant une couche de complexité locales, que celle-ci soit médicinale ou pavés offrent une surface uniforme et à l’interaction entre le bâtiment et le comme matériau pour les technologies accessible, tandis que les plates-bandes paysage, le site a une pente allant de 50 m traditionnelles ou les coutumes, au-dessus des voûtes de sol invitent à y au coin sud-ouest à 38 m au nord-ouest, notamment la vannerie. marcher pour se connecter au paysage sur une distance d’environ 110 m. Cette 16 LANDSCAPES | PAYSAGES
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