TOUT AU NORD COMPTER LES MOTS - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ
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LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS Numéro 89 • Automne 2005 www.ottiaq.org TO U T AU N O R D COMPTER LES MOTS Envoi de publication canadienne convention numéro 1537393
POUR COMMENCER N O 89 AUTOMNE 2005 Le Nord nouveau Dossier Nous poursuivons notre survol 5 est arrivé du Canada en effectuant cette fois un séjour dans le Nord, région peu connue à la démographie très différente et bien plus faible que celle Michel Buttiens, trad. a. des centres du Sud. La pratique professionnelle y est-elle également différente ? Sur le vif 20 C omme beaucoup de Canadiens sans doute, j’ai vraiment découvert le Nord à la lecture du rapport d’enquête du juge Thomas Berger sur le pipeline de la vallée du Mackenzie, une des publications les plus essen- Un nouveau programme de maîtrise à l’Université d’Ottawa ; le XVIIIe congrès de l’Association canadienne de traductologie ; tielles des 30 dernières années au Canada, selon moi. Parue en 1977 sous le titre Le Nord : Notes et contrenotes ; terre lointaine, terre ancestrale, cette véritable étude d’impact avant la lettre décrivait Échappées sur le futur. toute la richesse environnementale, culturelle et sociale du Nord. Le juge Berger, un Des revues 22 homme courageux, terminait sa lettre de présentation par un plaidoyer en faveur du report Une langue minoritaire qui du projet, afin de laisser aux Autochtones le temps de régler leurs revendications et de a su se tailler une place. créer de nouvelles institutions et de nouveaux programmes. Il voulait ainsi éviter que les Où en sommes-nous avec la rectification de l’orthographe ? Autochtones du Nord revivent les mêmes déceptions que ceux des Prairies cent ans plus Des traducteurs espions ? tôt, au moment de l’arrivée massive des colons. À la suite de la publication de ce document, le projet de gazoduc a été relégué aux ou- Des livres 24 bliettes pendant une vingtaine d’années avant de refaire surface relativement récemment. Le Les mots pour le traduire, Nord a gagné ces années sur l’inexorable progression des exploitants de ressources naturelles Petit dico anglais-français et un hommage à Josette et en a profité pour s’organiser. C’est ainsi qu’en 1999, nous avons assisté à la création d’un Rey-Debove. Les Nouveautés. nouveau territoire, le Nunavut, auquel est consacrée une bonne partie de notre dossier. Les territoires nordiques suscitent énormément d’intérêt de nos jours. L’aspect langa- Des mots 27 gier que nous vous en présentons dans ce numéro n’a pas, à notre connaissance, fait l’ob- Professionnel : invention jet d’une étude exhaustive jusqu’à présent. Notre dossier constitue une modeste d’un mot et développement d’une idéologie. contribution à cet égard, mais il vous permettra de découvrir certaines facettes de l’activité langagière dans ce Nord nouveau. Pages d’histoire 28 Le rythme de vie étant décidément très différent sous de hautes latitudes, il a fallu à Pour comprendre l’œuvre notre pilote, Solange Lapierre, beaucoup de persévérance pour rassembler les textes qui traductologique du Vénézuélien Andrés Bello, les historiens constituent notre dossier. Elle a pu compter sur quelques collaborateurs de ces régions proposent l’étude de trois éloignées, que nous tenons à remercier vivement. Si certains sont nés là-haut, d’autres ont étapes marquantes de sa vie. choisi de s’y rendre ou y ont été amenés par les circonstances de la vie. Le récit qu’ils font de leurs aventures nordiques est parfois fascinant et l’on ne peut que s’étonner, notamment, Des techniques 30 devant la vigueur de la présence francophone à Iqaluit, à Whitehorse ou à Yellowknife. Pour évaluer des projets de traduction et répartir Le quatrième volet de cette série de dossiers, qui paraîtra dans deux numéros, portera sur les documents entre plusieurs les activités langagières dans les provinces de l’Atlantique. Avis aux personnes intéressées à y traducteurs, il faut d’abord quantifier le travail. Les logiciels collaborer. spécialisés et les mémoires de traduction peuvent nous faciliter la tâche. Curiosités 31 Le mystère des tablettes de l’île de Pâques.
2021, avenue Union, bureau 1108 Publié quatre fois l’an par l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec Montréal (Québec) H3A 2S9 ERRATUM Tél. : (514) 845-4411, Téléc. : (514) 845-9903 Courriel : circuit@ottiaq.org Dans le numéro 88 de Circuit (été 2005), Site Web : http://www.ottiaq.org dans l’article intitulé La terminologie prend sa place au pays, la phrase « Parmi Vice-présidente, Communications — OTTIAQ Direction artistique, éditique, prépresse et impression les autres foyers de terminologie au pays, Valérie Palacio-Quintin Mardigrafe citons la Société centrale d’hypothèque et Direction Publicité de logement, la Gendarmerie royale du Michel Buttiens Lorraine Landry, OTTIAQ Canada ainsi que l’Université du Nouveau- Tél. : (514) 845-4411, poste 26 Rédactrice en chef Téléc. : (514) 845-9903 Brunswick avec la banque de terminologie Gloria Kearns Juricom, subventionnée par le ministère Avis aux auteurs : Veuillez envoyer votre article à l’atten- Rédaction de la Justice du Canada. » aurait dû se tion de Circuit, sous format RTF, sur disquette ou par cour- Yolande Amzallag (Classe affaires), Brigitte Charest rier électronique. lire : « Parmi les autres foyers de termi- (Des revues), Pierre Cloutier (Pages d’histoire), Marie-Pierre Hétu (Des techniques), Didier Lafond (Curiosités), François Toute reproduction est interdite sans l’autorisation de l’éditeur et de nologie au pays, citons la Société centrale l’auteur. La rédaction est responsable du choix des textes publiés, mais Lavallée (Des mots), Solange Lapierre (Des livres), Éric les opinions exprimées n’engagent que les auteurs. L’éditeur n’assume d’hypothèque et de logement, la Gendar- Poirier, Eve Renaud (Sur le vif), AnneMarie Taravella aucune responsabilité en ce qui concerne les annonces paraissant dans (Des campus), Françoise Tardy (secrétaire du comité) Circuit. merie royale du Canada ainsi que l’Uni- Dossier © OTTIAQ versité de Moncton avec la banque de ter- Solange Lapierre et Éric Poirier Dépôt légal - 3e trimestre 2005 minologie Juriterm, subventionnée par le Bibliothèque nationale du Québec Ont collaboré à ce numéro Bibliothèque nationale du Canada ministère de la Justice du Canada. » Toutes Stéphane Cloutier, Jean Delisle, Patrick Dionne, ISSN 0821-1876 nos excuses aux membres du Centre de Chris Douglas, Sylvie Drolet, Marco A. Fiola, Catherine Forest, Margaret Jackson, Maaki Kakkik, Tarif d’abonnement traduction et de terminologie juridiques Membres de l’OTTIAQ : abonnement gratuit Harriet Keleutak, Simon-E. Lamoureux, de l’Université de Moncton. Claire-Hélène Lavigne, Gavin Nesbitt, Non-membres : 1 an, 40,26 $ ; 2 ans, 74,77 $. Étudiant ins- Emmanuelle Pedneaud Jobin, Susan Sammons, crits à l’OTTIAQ : 28,76 $. À l’extérieur du Canada : 46 $. María Alejandra Valero Toutes les taxes sont comprises. Chèque ou mandat-poste à l’ordre de « Circuit OTTIAQ » (voir adresse ci-dessus). Deux fois lauréat du Prix de la meilleure publication nationale en traduction de la Fédération internationale des traducteurs.
DOSSIER TOUT AU NORD Tout au Nord L e Grand Nord, d’ouest en est, c’est-à-dire depuis l’Alaska jusqu’au Groenland, ce sont aujourd’hui quatre entités administratives, le Yukon, capitale Whitehorse, qui jouxte les Territoires du Nord- Ouest, capitale Yellowknife, puis le Nunavut, capitale Iqaluit, qui s’étend jusqu’à l’extrémité est du pays, bordé au sud par le Nunavik, constitué en fait du Québec au nord du 55e parallèle. Les trois premiers disposent d’un gouvernement en propre, le quatrième étant une administration régionale. Poursuivant notre survol du Canada, nous arrivons cette fois dans le Nord, où nous avons cherché à connaître la pratique professionnelle de nos métiers dans cette immense région arctique, peu connue en raison de son éloignement des centres du Sud, mais surtout en raison de sa démo- graphie fort différente et bien plus faible. C’est en effet dans le Nord que vivent la majorité des Autochtones, qu’ils soient Amérindiens ou Inuit. Les communautés, fort nombreuses, présentent une caractéristique qui leur est propre, c’est-à-dire la langue, ou plutôt les langues. En effet, comme on pourra le lire dans l’entrevue que nous a accordée Chris Douglas, directeur des langues officielles au ministère de la Culture, de la Langue, des Aînés et de la Jeunesse du Nunavut, aucun gouvernement canadien n’a jamais vécu pareille situation. La langue que parle la majori- té des 120 000 résidents nordiques n’est ici ni l’anglais, ni le français, mais une foule d’autres langues. Outre les plus répandues que sont le cri et l’inuktitut, il faut compter avec l’unuinaqtun, le slavey, le tlingit, et plusieurs autres, certaines parlées par des communautés entières, d’autres en voie d’extinction et connues de seuls quelques individus. Si l’anglais s’est Par Solange Lapierre taillé une belle place, il demeure que le français occupe lui aussi un espace chez les résidents du Nord, comme l’indique la visite des sites Web officiels, qui ouvrent leurs pages en trois langues, et même parfois plus (une liste de dix langues figure dans le site des T. N.-O). Le métier de traducteur, d’interprète, et même de terminologue, comme l’expliquent les auteurs du dossier, est donc chose reconnue et appréciée, étant donné les transforma- tions découlant de la création de gouvernements régionaux, qui désirent administrer leur territoire en conservant leur culture, mais aussi en misant sur les bons côtés du développement. Si l’on en croit les annonces passées dans les journaux du Sud, on fait aussi appel à des rédacteurs, à des agents de communication et, bien sûr, à des professeurs. En effet, l’enseignement se fait dans plusieurs langues, c’est-à-dire dans les deux langues officielles du Canada, mais aussi, de plus en plus, dans les langues en voie de reconnaissance officielle dans les territoires. Tandis que nous souffrions de températures caniculaires dans nos métropoles, il semble que le temps était beau, excellent pour la pêche dit-on, dans les territoires arctiques… Circuit • Automne 2005 5
DOSSIER TOUT AU NORD The Nunavut Arctic College Interpreter/Translator Program T By Susan Sammons N unavut Arctic College is located in Iqaluit on Baffin Island in Nunavut. Inuktitut is the first lan- guage of 78 percent of the population of the territory, and it has been designated to be the working lan- guage of the government of Nunavut by 2020. Most he lack of trained Inuit speak English as a second language; however, Inuit teachers and 26 percent are unilingual Inuktitut-speakers.1 Also, very few non-Inuit have any command of the language the lack of a whatsoever. Thus, interpreters and translators will developed Inuktitut continue to be integral to the provision of adequate curriculum and public service for some time to come. To meet these needs, Nunavut Arctic College has delivered Inukti- learning materials tut/English Interpreter/Translator education since continue to plague 1988. the education system. Inuktitut belongs to the Eskaleut language family. It is spoken in four countries (Canada, Russia, the USA and Greenland), spread over a 9,500 km area from east to west. There are two language branches in this family: Aleut and Eskimo. The Eskimo branch of the family contains two main sub-branches: Yupik and Challenges Facing the Program Inuit. The Inuit sub-branch contains four major dialect It follows from the language statistics mentioned groups: Inupiaq (spoken in Alaska), Western Canadian above that interpreters are an essential component to Inuktun, Eastern Canadian Inuktitut and Kalaallisut the provision of public services in Nunavut. At present, (spoken in Greenland). The four groups of dialects can the hiring of most interpreter/translators is based be further divided into 16 sub-dialects. Differences primarily on the ability to speak both Inuktitut and between these groups of dialects are mostly phono- English. Many interpreters have little formal education logical, although differences in morphology and or training, so they can often find themselves ill- syntax also increase over dialectic distance. equipped to function efficiently within the work setting. The Inuit language is spoken by some 79,000 out One challenge we have had to face has been the of a total Inuit (i.e. non-Yupik and non-Aleut) popula- low level of formal education of enrolling students. tion of about 100,000 persons. In Canada there are Schools were not established by the Canadian govern- approximately 25,000 speakers out of a total Inuit ment in the Arctic until the 1950s, and during the ’60s population of 36,215.2 and early ’70s Inuktitut was not taught in the educa- The I/T Program offers students, who speak pri- tion system. In the late ’70s, the Department of Educa- marily Eastern Canadian Inuktitut, two options: (1) a tion changed its philosophy to one in which Inuit Certificate in Translation following one year of study; culture and language were incorporated into the (2) a Diploma in Interpretation following two years of school curriculum. However, the lack of trained Inuit study. Both full- and part-time students are accepted teachers and the lack of a developed Inuktitut curricu- into the program. The certificate year includes sever- lum and learning materials continue to plague the al courses in Inuktitut and English, professional education system. development, as well as courses in translation and Educational levels in Nunavut are lower than any- translation methods. In the second year, students where else in Canada. An estimated 36 percent of all continue with language courses, and also study residents over 15 years of age have less than a Grade 9 Circuit • Automne 2005 eight weeks of legal and eight weeks of medical education. Among the Inuit population, the statistics interpreting, as well as four weeks of simultaneous are even more dismal: 63 percent have less than a interpretation to help them prepare for interpreting Grade 9 education.3 Because of these low educational assignments at the Legislative Assembly, City Hall, levels, most of our students are admitted as mature and meetings between Inuit organizations and students following the successful completion of a various government bodies. basic English/Inuktitut literacy examination. 6 S u s a n S a m m o n s i s C o o rd i n a t o r o f t h e I n t e r p re t e r / Tra n s l a t o r Pro g ra m , N u n a v u t A rc t i c C o l l e g e , I q a l u i t , C a n a d a .
To meet the above-mentioned challenges, the pro- gram is intensive and covers a large amount of materi- al in two years. The four semesters are each fifteen weeks in duration as compared with the usual twelve- week semester at southern colleges. In addition, attendance is compulsory and students are expected to attend classes from 9:00 am to 4:30 pm from Monday to Friday. Courses are delivered on a modular, rather than on a semester basis to allow part-time stu- dents from outlying communities access to the train- ing as well. This level of intensity is imperative to counteract the low academic levels on admission and to guarantee a minimum competence on completion of the training. of the dialectal differences are primarily phonological, Facing the Challenges however, leading to different pronunciations of similar Low academic levels also impede our students’ words referring to the same concept. ability to understand certain concepts. If an interpreter Besides terminology, there are other problems or translator fails to grasp a concept, then developing faced by the program. It would appear that students an appropriate term or explaining the concept proper- are either more suited to be translators or more suited ly is impossible. Deficient translations are especially to be interpreters. Unfortunately, however, those common with scientific terminology, which can be working in the translation and interpretation field in highly abstract. Conveying the meaning of such terms the North are required to possess both types of skills. in the detail necessary for understanding is problem- They are also expected to work both to and from atic. For instance, the term for chemical is ilaurutiksaq, Inuktitut and English. Because of these demands, we which back-translates to “things which can be mixed must ensure that our students have met at least mini- together.” Although the Inuktitut term is succinct, does mal competency requirements in both languages and it encompass adequately the meaning of the term? in both professions (i.e. interpreting and translating) Since we found that ordinary technical dictionaries prior to graduation. were not very useful to students, we developed our Although it is available, the incentive to take train- own technical glossaries for several specialty areas ing is low due to the high demand for interpreters and including law, medicine, dentistry, environmental stud- translators and a relatively high salary, which does not ies, and so on. These glossaries are written in plain increase following training. Many of our part-time stu- English but are still quite detailed and accurate. The dents are actually interpreters and translators already development of technical terminology is facilitated by employed in the work force. instruction of the new concepts. As the terminology is Inuit interpreters live in very small communities, developed, it is integrated into the glossaries. In addi- and they generally know their clientele very well (often tion to aiding in the acquisition of new terminology, there is a family connection). Issues surrounding cul- the glossaries help address the issue of a lack of tural taboos, sensitivity and confidentiality can take standardization. on other dimensions in such a setting. For example, The issue of standardization is a difficult matter, the situation can become uncomfortable when you are because there is no “Academy of Inuktitut Language” the interpreter for your own family. as there is for other languages such as French. We are While we are still in the growing stages with regard attempting to address this through the publication of to the provision of adequate interpreting and translat- various glossaries and word-list books, but we are by ing services in Nunavut, each year the situation con- no means the language authority. tinues to improve as more students graduate from the Also, no standard literary dialect exists for the lan- program and as more translators successfully pass guage. As there are several dialects in the Nunavut the CTTIC translation examination from Inuktitut to region, there is always some disagreement over the English. With this in mind, it is imperative that we con- correct spelling and pronunciation of words. There are tinue to provide appropriate training and resource six sub-dialects of Eastern Canadian Inuktitut. There materials, help clarify the interpreter’s role and aim to has been little standardization of terminology, either reduce their linguistic challenges. within or outside these various dialects. At the For more information on the program, please contact: Circuit • Automne 2005 moment, this can lead to much confusion, with people ssammons@ nac.nu.ca. using different terms to describe the same concept. 1 . St a t i s t i c s C a n a d a . 1 9 9 1 . P ro f i l e o f C a n a d a’s A b o r i g i n a l For example, in the Kivalliq region, the word used for Population. nurse back-translates to “like a sister” (najannguaq), 2 . D o r i s , L . J . 1 9 9 2 . “ L a s i t u a t i o n l i n g u i s t i q u e d a n s l ’ A rc - t i q u e . ” É t u d e s / I n u i t / St u d i e s 1 6 ( 1 - 2 ) , 2 3 7 - 2 5 6 whereas the Baffin word for nurse back-translates to 3 Arctic College. 1990. Nunatta Campus, Arctic College “the one who looks for sickness” (aaniasiuqti). Most D e ve l o p m e n t P l a n 7
DOSSIER TOUT AU NORD Nunattinni Katujjiqatigiit Tusaajinut By Maaki Kakkik T he Nunavut Interpreter/Translator Society1 was incorporated under the Societies Act of the North- west Territories in 1994 and incorporated in Nunavut in The majority of our members work for the federal or territorial government or are employed by various Inuit associations. Most are asked to perform both 1999, after the creation of the new territory, which translation and consecutive and simultaneous inter- encompasses the eastern half of the former Northwest pretation, unlike in many other locations, where these Territories. specializations are separate. The objectives of the Society are: There are 26 communities in Nunavut. There are ● to provide a collective voice for its members two hospitals, in Iqaluit and Rankin Inlet, and health ● to provide for the professional development of its centres in smaller communities. There is at least one members full-time clerk/interpreter employed in smaller com- ● to ensure that members exercise the profession in munities, and over 10 in centres like Iqaluit, at the hos- accordance with its Code of Ethics pital, public health and in-patients departments. ● to publicize the important role performed by trans- Although there are two or three full-time legal lators and interpreters in society interpreters attached to the court, in smaller commu- ● to protect public interest by administering a public nities, local freelancers are often hired during travel- certification examination to ensure the quality of ling court circuits, either to spell off the other the services provided by the members interpreter, or because of dialect differences. ● to maintain amicable and professional relations The majority of translation work is from English to with similar organizations. Inuktitut, although some translations are also done for unilingual board members at Inuit associations. There is also a growing need for Inuktitut/English transla- M tions of traditional knowledge texts. Few younger ost of our members translators are capable in this field, however, as there are asked to perform are large differences between elders’ speech and that of the younger generation, and more recently this both translation knowledge has not been passed down from one gener- and consecutive ation to the next. The Interpreter/Translator program and simultaneous in Iqaluit has recently addressed this concern by offering a course in literary translation. interpretation, It is important for those hiring Inuktitut/Inuinnaqtun unlike in many other translators to note that the Inuinnaqtun dialect is writ- ten in Roman alphabet, while Inuktitut is written in syl- locations, where labics. Also, no standard literary dialect exists in the these specializations language, so those requesting translation services are separate. need to be aware of what dialect they require the translation in: North Baffin, South Baffin, Kivalliq, Aivilik, Natsilingmiut, or Inuinnaqtun. The Society publishes two to three newsletters a The operations of the Society are chiefly carried on year for its members to inform them of any upcoming in Iqaluit, the capital of Nunavut, although our members conferences, training opportunities, and new resources come from all over the territory, which covers 2.2 million available. It also proctors the CTTIC translation exami- square kilometres, or 20% of Canada’s land mass. The nation annually in February, which can be a huge chal- Society is affiliated with the Canadian Translators, Ter- lenge as many candidates live in smaller communities minologists and Interpreters Council (CTTIC) and takes hundreds of kilometres from Iqaluit. We have also pub- part in annual meetings. The Society is composed of lished a pamphlet for our members to distribute to both certified (members who have passed the CTIC those about to be interpreted, as well as a poster to cel- examination), associate, and corporate members. At ebrate our 10th anniversary, last year, which can be present, the Society has 19 certified members, 50 asso- obtained free of charge.2 The Society also fields several Circuit • Automne 2005 ciate members, and three corporate members. The phone calls and e-mails weekly from people looking for great majority of our members specialize in interpreters or translators. Inuktitut/English and English/Inuktitut interpretation and translation, or Inuinnaqtun/English and English/ 1 . h t t p : / / t u s a a j i t . o rg . 2 . C o n t a c t M a a k i Ka k k i k , Pre s i d e n t , a t 8 6 7 - 9 7 9 - 7 2 9 4 o r Inuinnaqtun although a few members have French/English ssa mmons@na c . nu . c a or wri ti ng to Box 1 61 7, I q a l ui t , N U , and English/French as a specialization. XO A O H O . 8 M a a k i K a k k i k i s Pre s i d e n t o f t h e N u n a v u t I n t e r p re t e r / Tra n s l a t o r S o c i e t y.
Le Nunavut, l’aventure de trois langues officielles L e Nunavut, cette entité politique nouvelle, même si elle date de 1999, a encore besoin de présenta- tion. En effet, sur un cinquième du Canada, le territoire province ni territoire n’a eu à régler ce genre de situa- tion où une langue est largement majoritaire, qui n’est ni l’anglais ni le français. Le gouvernement du Nunavut s’étend depuis le nord du Québec, l’île de Baffin, où s’est d’abord inspiré de l’expérience des Territoires du se trouve sa capitale, Iqaluit, jusqu’à la limite des Nord-Ouest, mais notre situation est différente, en Territoires du Nord-Ouest, et vers le Nord, jusqu’à l’île raison de la taille du territoire mais aussi sur le plan Si l’aventure d’Ellesmere, aux abords de l’océan Arctique. Si on sait linguistique. La langue inuite demeure davantage pré- qu’il s’agit d’un territoire régi par son propre gouver- sente, l’anglais ne l’a pas remplacée. La grande majo- vous intéresse, nement, comme ailleurs dans la confédération, on rité de nos représentants politiques sont inuits, c’est de très vastes connaît sans doute moins les nombreux défis qu’il doit pourquoi nous devons traduire beaucoup de docu- relever en matière linguistique. ments en inuktitut et en inuinnaqtun, en particulier espaces s’ouvrent À l’échelle du territoire, les langues parlées sont au nombre de trois, soit l’inuktitut d’abord, et ensuite pour les débats parlementaires, à l’occasion de l’adoption du budget, par exemple, qui doit être tra- à vous, que ce l’anglais et le français, toutes trois langues officielles, duit avant d’être débattu en chambre. » soit sur le plan comme on le constate à la lecture du site Internet de Devant cette situation, pour protéger les droits ce gouvernement1. Mais, comme l’explique Chris linguistiques des Inuits, de même que leur langue géographique, Douglas, directeur des langues officielles à la Division et leur culture face à la modernité qu’insuffle l’arrivée culturel ou même des langues officielles du ministère de la Culture, de la d’une administration en propre, deux lois sont en Langue, des Aînés et de la Jeunesse du Nunavut, « il préparation. Dans le projet d’une loi révisée sur les linguistique, en existe une quatrième, moins connue, l’inuinnaqtun, parlée surtout dans les régions de l’ouest, notamment langues officielles du Nunavut, il est proposé que l’inuktitut ait enfin le même statut officiel que l’an- puisque les Cambridge Bay et Kugluktuk. Cette variété de la glais et le français, tant dans le système judiciaire et travaux de langue inuite, sans avoir le statut de langue officielle, dans les travaux de l’Assemblée législative que dispose d’une protection particulière en raison du dans les services et les programmes gouvernemen- terminologie nombre de locuteurs pour qui il s’agit de la langue an- taux. Si elle est acceptée par l’Assemblée législa- que mène le cestrale ». À ce sujet, M. Douglas souligne que la CBC tive, cette nouvelle loi donnera également au a joué un rôle très bénéfique. « Depuis plus de 20 ans, Commissaire aux langues du Nunavut un plus grand gouvernement la CBC diffuse dans le Nord des programmes en langue inuite, ce qui a permis aux différentes commu- pouvoir en tant que chien de garde de l’application de la loi. du Nunavut sont nautés, dont les dialectefs respectifs sont plus ou Quant au projet de loi sur la protection de la impressionnants. moins proches les uns des autres, de se familiariser langue inuite, il propose de protéger les droits des ci- avec les variantes régionales de la langue ; aujour- toyens d’utiliser l’inuktitut comme langue de travail, Par Solange Lapierre d’hui, cela favorise le rapprochement nécessaire pour ainsi que de recevoir des services en langue inuite réaliser leur unité politique et culturelle. » dans le secteur privé, dans les services municipaux et en éducation. Dans ses efforts pour sauvegarder et mettre en valeur la langue, le Nunavut entend se doter « Uqausirmut maligaqsait » ou d’un organisme de normalisation, tant de l’inuktitut nouvelles législations linguistiques que de l’inuinnaqtun, la Régie de la langue inuite, à Le trilinguisme que se propose d’établir le Nunavut l’instar de l’Office de la langue française, au Québec. n’ira pas de soi, on l’imagine. « Ce défi tient au fait qu’il « Il est important de bâtir cet organisme de telle sorte s’agit d’une première dans l’histoire du Canada : aucune qu’il soit bien respecté du public, ajoute M. Douglas, Circuit • Automne 2005 L’équipe de traduction de Kugluktuk. 9
DOSSIER TOUT AU NORD Dialectes inuits du Nunavut © Bureau du Commissaire aux langues du Nunavut c’est-à-dire en tenant compte des opinions des Inuits M. Douglas fait remarquer les grandes variétés de tout le territoire. » lexicales, causées par l’éloignement dans lequel les Pour réussir à offrir des services en inuktitut, le communautés ont vécu pendant des siècles (d’ouest gouvernement mise sur le développement terminolo- en est, on compte quelque 2 400 km). « Les Inuits ori- gique. La langue inuite est d’abord de tradition orale, ginaires de différentes régions se comprennent en gé- écrite depuis à peine un peu plus d’un siècle. Le défi néral assez bien, mais parfois, les discussions sont se pose donc de traduire les termes techniques néces- plus longues parce que les termes proposés par les saires au travail contemporain. Si le développement uns ne conviennent pas aux autres. Dans ces cas, ou terminologique est bien amorcé dans les domaines de bien nous ne proposons pas les trois équivalents, ou la statistique, des finances et des titres de postes de bien nous n’avons pas de définition, ou bien on se re- la fonction publique, il demeure que la tâche sera trouve avec un terme qui plaît moins à certains. Il y a longue. la possibilité d’ajouter une note explicative. C’est un travail en évolution. On ne peut pas faire appel, non plus, à beaucoup de matériel de référence ; très peu Le travail terminologique, de documents sont écrits. Nous travaillons donc avec grâce aux aînés des gens qui sont unilingues, pour qu’ils ne soient pas Comment se concrétise ce travail de terminologie ? imprégnés de l’anglais ni du français, ce qui suppose « Nous organisons régulièrement des ateliers, notam- parfois de longs voyages et peut poser des problèmes ment avec des traducteurs et des aînés. Nous avons de logistique, vu le climat et les distances. » Circuit • Automne 2005 réalisé plusieurs lexiques ; il y en avait déjà quelques- Les premiers thèmes abordés en atelier touchaient uns, faits par des linguistes, mais à présent, ce sont aux finances, étant donné la nécessité de traduire les Inuits eux-mêmes qui y travaillent. Les aînés se les documents administratifs gouvernementaux. Le préoccupent beaucoup de l’avenir de la langue. Ils second thème, traité l’an dernier, portait sur les titres veulent que les Inuits bénéficient de la modernité et d’emploi, un travail important et ardu. « C’était une que leur culture s’y adapte. » nécessité, déclare M. Douglas. Il fallait standardiser 10
tous les titres d’emploi, par exemple pour les cartes à des locuteurs d’une autre région, ou aux plus professionnelles. Les prochaines rencontres porteront jeunes ; et les linguistes lui répondront et discuteront sur un tout autre domaine, les changements clima- avec lui. La base de l’information provient de la tiques. C’est un domaine qui intéresse de près les dizaine de lexiques qu’avait déjà monté le Collège Inuits et dont il est fréquemment question. » arctique du Nunavut, et le dictionnaire compte aujour- d’hui 80 000 entrées. L’informatique occupe une bonne place dans la dif- « Nattiat » ou le mois de la chasse fusion des documents en inuktitut. Divers outils ont été au phoque créés, d’autres sont en bonne voie. « Nous avons fait un De manière générale, le défi que posent ces ate- progrès immense avec l’arrivée des fontes Unicode liers, ce sont les aspects sociaux, puisque les langues pour les caractères syllabiques. Un autre logiciel a été véhiculent ces concepts. « La réalité sociologique ici mis au point qui permet la translittération d’un texte diffère de celle du Sud et, pour définir la notion de fa- rédigé en caractères syllabiques en un texte en alpha- mille, par exemple, pour les besoins de Statistique bet latin. Nous disposons aussi de Macros pour vérifier Canada, ces différences sont apparues clairement. » les textes. Il ne s’agit pas vraiment d’un vérificateur D’autres domaines exigent aussi une certaine stan- d’orthographe, mais nous espérons pouvoir en mettre dardisation, pour les besoins de l’administration. un au point un jour, même si cela s’avère un travail déli- « Prenons l’exemple de la mesure du temps. Tradi- cat, vu les caractéristiques de la langue et les variations tionnellement, les termes employés pour décrire un existantes. Enfin, la société Pirurvik, d’Iqaluit, travaille mois, ou plutôt une période de l’année, correspon- en collaboration avec Microsoft au développement daient à des activités de chasse ou de pêche, selon le d’une interface adaptée pour les divers programmes et Photo : Stéphane Cloutier cas. Mais, toujours en raison de l’éloignement géogra- logiciels. » (Voir l’article à la page 12) phique des villages, la saison du phoque n’arrive pas Si le monde du Nord vous attire, la vie à Iqaluit est nécessairement au même moment dans chaque agréable, au dire de M. Douglas et d’autres interlocu- région. Il y a donc beaucoup d’information contex- teurs, qui insistent sur l’aspect humain en particulier. tuelle à ajouter dans les lexiques. » Au bénéfice de ceux qui désireraient s’installer là-haut À propos des dialectes, on sait que la Conférence pour y travailler quelques années, M. Douglas ajoute circumpolaire inuit a amorcé, il y a quelques années, que le gouvernement embauche en effet des traduc- des travaux et des rencontres visant à raviver les liens teurs, vers l’anglais et le français, puisqu’il faudra entre les Inuits des différentes régions arctiques offrir les services en trois langues. Les services de tra- (Russie, Alaska, Nunavut, Nunavik, Groenland), qui se duction sont répartis dans trois villes, soit Kugluktuk, comprennent à des degrés divers, selon le cas. Selon Iqaluit et Igloolik. Néanmoins demeure la difficulté M. Douglas, il existe parfois des différences très mar- que représente l’apprentissage de la langue. Les fonc- quées, un terme dans un dialecte pouvant avoir un tionnaires ont accès à des cours, si le cœur leur en dit. sens opposé dans un autre. « C’est le cas du Groenland, C’est que, par exemple, à la différence des langues par exemple, où la séparation étant très ancienne et indo-européennes, l’inuktitut est une langue aggluti- l’île ayant été colonisée par le Danemark, la langue nante, c’est-à-dire que les mots, unités de sens, peu- s’est éloignée de celles du Nunavut. Dans l’ensemble, vent s’ajouter les uns aux autres pour former une cependant, les Inuits perçoivent les différences régio- phrase. « Sans compter le fait que c’est une langue nales, même celles entre les villages, et, ils adaptent très précise et que les variétés langagières sont leur façon de parler de manière à se faire bien com- grandes. On peut l’apprendre durant toute une vie. » prendre. C’est certain que cela représente un défi pour Après neuf années sur place, la parle-t-il ? « I am still a la normalisation. » learner », répond-il. C’est tout dire. Pour les curieux, naviguer sur le site du gouverne- Asuilaak : dictionnaire interactif ment du Nunavut est fort intéressant. On y apprendra notamment que les résidents de ce territoire s’appel- avec moteur de recherche lent les Nunavummiut. Pour les questions linguis- L’un des résultats très visibles de ces travaux ter- tiques, Louis-Jacques Dorais, réputé professeur de minologiques, c’est le Dictionnaire vivant et Living l’Université Laval, a publié une série d’ouvrages au Dictionary, aussi appelé Asuilaak2, « celui qu’on a at- sujet de la langue inuite, dont un dictionnaire interdia- tendu longtemps », les Inuits ne manquent pas d’hu- lectal, intitulé Inuit uqausingit 1,000 Words/Mots, qui mour ! On le consulte sur Internet, en trois langues, et regroupe 14 dialectes parlés sur un territoire qui selon les deux alphabets. Comme son nom l’indique, s’étend du Mackenzie jusqu’au Groenland. Bon c’est un ouvrage en évolution, qui fait appel aux voyage ! Circuit • Automne 2005 connaissances des locuteurs. Chacun peut envoyer M e s re m e rc i e m e n t s à St é p h a n e C l o u t i e r, g e s t i o n n a i re d e s des commentaires à propos des termes, et on peut s e r v i c e s e n f ra n ç a i s a u M C L A J d u N u n a v u t , p o u r l a p r é p a - ra t i o n d e c e t t e e n t re v u e a ve c C h r i s D o u g l a s e t l e s c o n t a c t s aussi discuter avec les administrateurs. Par exemple, q u’ i l n o u s a p ro p o s é s a u c o u r s d e c e d o s s i e r. un aîné peut inscrire le terme particulier qu’il connaît et en donner le sens, ce qui contribue à enrichir le dic- 1 . w w w. g ov. n u . c a tionnaire et à faire connaître des spécificités culturelles 2 . w w w. a s u i l a a k . c o m 11
DOSSIER TOUT AU NORD A Localization Project in Inuktitut with Microsoft G avin Nesbitt is a founding partner of the Pirurvik Centre. Bringing a unique ability to bridge the cultural and the technical, he manages Pirurvik’s pro- words into Inuktitut. When we’re done, anyone will be able to download and install a special Inuktitut “Language Interface Pack” on top of their existing An interview with duction work, specifically as regards creating informa- Windows or Office software. Gavin Nesbitt, tion technologies in support of the Inuktitut language. C.: What kind of language issues does this project He is currently managing the development of an Inuk- present? Director of titut language version of Microsoft Windows and G.N.: Judging from people’s initial reaction, I think Innovation and Office software. Prior to his role at Pirurvik, Gavin was a consultant in Internet technologies and training in a we’ve managed to develop some really good terms, but just the sheer volume of words we have to come up Technology at number of govermental organizations in the North. with poses a challenge. It’s like fast-tracking an entire Circuit: What is the Pirurvik Centre? new vocabulary for Inuktitut. As a result, we really do the Pirurvik Gavin Nesbitt: Pirurvik is the long-term vision of my look at it as a first effort in getting things going. Centre in Iqaluit, colleague, Leena Evic, to create a centre of excellence for One of the other issues we’ve faced is that the Inuk- Inuit culture, language and well-being. The meaning of titut language pack for Windows XP and Office 2003 is Nunavut. Pirurvik is “a place for growth” — in this instance, it is going to be in the standardized Roman alphabet intended in the holistic sense of personal growth and instead of in syllabics. This has created a number of development. At the moment, Pirurvik is still quite challenges, but the biggest one has been character young; we were formally incorporated only about two length. Roman text is usually 11/2 times as long as syl- years ago, but we have been extremely busy since then. labic text. Some of the words in Inuktitut can easily be C: What kind of work does the Pirurvik Centre do? 25 characters long. When you’re working with limited G.N.: We’re loosely organized into four divisions — space on the computer screen, this poses a problem. I program, production, consulting and accommodation. can tell you that there’s a real look of satisfaction on the The specific kind of work we do is quite varied — we’ve translator’s faces when they find a word variant that been running a seminar series entitled “Principles of fits! The good news is that we know any future syllabic Leadership and Cross-Cultural Management,” we pro- versions won’t have to deal with character lengths. vide cultural orientation, terminology development, C.: What is the timeline on the project? some occasional consulting and facilitation work, and G.N.: Our hope is to have everything done and run the “Kajjaarvik Bed & Breakfast” — a meeting and available by the end of the year. The development retreat space in Iqaluit. In our production area, we team is currently using a working draft Inuktitut ver- recently released an Inuktitut language children’s music sion of Outlook, Word, Excel and PowerPoint. There CD called “Inuttaqalauqpuq” (“And there were Inuit”), are lots of things to be corrected and added, but it is we’re also running a unique multilingual website devel- very impressive to see. Even our e-mail messages use opment and hosting service called “Attavik.net” and Inuktitut headers now. we’re working with Microsoft to develop an Inuktitut C.: Are there any other components to this project? language version of Windows XP and Office 2003. As G.N.: One of the major developments, in addition to you can see, we initiate a lot of our own work, but fre- the terminology, has been the creation of an Inuktitut quently we get requests for specific things. “locale.” The locale is the regional/country information C.: What is the project with Microsoft? that defines a language. In our case, that includes time G.N.: It’s quite exciting really. A little over a year and date formats, keyboards, sort orders and so forth. ago, we were approached by Microsoft Canada to It’s rather like a home base for Inuktitut within the undertake the localization of Windows and Office into system. Windows XP now has an Inuktitut locale and Inuktitut. This involves developing new terminology Windows Vista (the next version) will have full support and translating literally hundreds of thousands of for both a syllabic and Romanized Inuktitut locale. Circuit • Automne 2005 Outlook 2003 (alpha version; for testing purposes only) — New e-mail message 12
La traduction juridique officielle en français au Nunavut : un défi technique mais aussi ethnolinguistique Circuit : Décrivez-nous un peu votre travail et ce qui vous a amenée là-bas ? Emmanuelle Pedneaud Jobin : J’ai étudié le droit Jusqu’à tout civil à l’Université d’Ottawa et je suis devenue avocate récemment, en 1996. Après deux années passées à étudier l’his- toire à Paris, je suis revenue chez moi, à Gatineau, où Emmanuelle j’ai exercé mon métier en pratique privée pendant trois ans. Je me suis ensuite retrouvée à Iqaluit sans Pedneaud Jobin expérience en traduction. Mon patron de l’époque, a exercé les André Samson, qui a mis sur pied le service de traduc- tion législative du gouvernement du Nunavut, m’a fonctions de chef formée pendant deux ans avant de lui-même quitter le du service de Nunavut, et je suis alors devenue chef du service, poste que j’ai occupé pendant deux ans, jusqu’au traduction 24 juin 2005. Le rôle du chef du service de traduction juridique est de s’assurer que les lois et les règle- juridique au ments sont traduits dans les délais impartis et avec 25 avril 2005. Un concours de construction d’igloos dans le cadre des acti- vités du Toonik Thyme, qui célèbrent le retour du soleil. Il ne fait jamais ministère de une qualité totale. Ils doivent refléter l’intention du lé- gislateur au même titre que les textes en anglais puis- nuit complète à Iqaluit, mais à compter du solstice d’été les jours raccour- cissent jusqu’à la nuit la plus longue le 30 décembre, où le soleil se lève la Justice du qu’ils ont force de loi. vers 10 h et se couche vers 14 h. Inversement la journée la plus longue est celle du 30 juin où le soleil se couche vers 2 h et se lève vers 4 h, ce qui gouvernement L’équipe compte deux traducteurs. Leur seul veut dire qu’il ne fait jamais tout à fait nuit. On met des papiers d’alumi- mandat est de travailler aux lois et règlements. Bien nium dans les fenêtres pour pouvoir dormir. Dans la poche de mon amauti du Nunavut. (vêtement inuit traditionnel) mon bébé Marie-Hélène dort paisiblement. Je sûr, il leur arrive d’aider à la production de certains suis en compagnie de mon mari, Marcel Fleurent, et de ma fille aînée, Isa- Elle nous fait documents importants pour le ministère de la Justice, belle. Nos deux enfants sont nées à Iqaluit. mais leur tâche principale est vraiment la traduction part de son et la révision des textes législatifs. Les textes à tra- duire sont remis par les rédacteurs de notre division, vision sans que le chef de service ne l’ait révisé. Cela expérience et les échanges sont nombreux et faciles quand des permet de s’assurer que la terminologie utilisée est professionnelle éclaircissements sont nécessaires. Vu la petite taille conforme aux textes déjà traduits. de l’équipe — trois rédacteurs, deux traducteurs de C. : Qu’est-ce qui vous a incitée à travailler dans cette sur le terrain. langue française, deux traducteurs de langue inuite —, région ? la version anglaise évolue régulièrement selon les be- E. P. J. : Après trois ans de pratique en droit de la Propos recueillis soins des traducteurs de langue inuite ou française. famille et de la jeunesse en Outaouais, je souhaitais par Éric Poirier, trad. a. Les traducteurs d’une même langue se révisent l’un essayer autre chose. Je cherchais une porte de sortie l’autre afin que tous les textes soient vus par au moins et c’est celle du Nord qui s’est ouverte. J’ai eu la deux personnes. chance d’être embauchée par un avocat, traducteur ju- Pour ce qui est du travail du chef de service, il ridique depuis des années, qui m’a formée. J’ai habité consiste principalement à traduire les lois et les règle- à Iqaluit pendant trois ans et huit mois. Je suis de ments. Mais le chef de service est parfois également retour à Gatineau depuis le 30 juin 2005. appelé à donner des opinions juridiques sur des C. : Sur le plan professionnel, quels défis avez-vous eu textes en français et à rédiger de la correspondance à relever dans votre travail ? Circuit • Automne 2005 pour le ministre de la Justice. L’interprétation ne fait E. P. J. : La division des Affaires législatives produit pas partie de ses fonctions. Par ailleurs, il révise les les versions des projets de loi en français et en inukti- textes traduits à l’extérieur. Vous comprendrez tut pour qu’ils puissent être introduits par l’Assemblée qu’avec le volume de textes que nous devons traduire, législative. Un des grands défis auquel nous faisons il est nécessaire de faire appel à des traducteurs de face est qu’une bonne partie de la terminologie juri- l’extérieur. Cependant aucun texte ne sort de notre di- dique technique en inuktitut doit être créée à mesure. 13
DOSSIER TOUT AU NORD Par ailleurs, selon leur région d’origine, les traduc- gens sont très agréables et détendues. J’ai beaucoup teurs n’utilisent pas la même langue inuite, ce qui crée aimé travailler en étroite collaboration avec certaines une autre difficulté : cela donne souvent lieu à des traductrices de langue inuite. On apprend énormé- désaccords et à des débats sur le choix approprié de ment au contact de cette culture linguistique qui est la terminologie. riche et fascinante. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces C. : Et le fait de vivre dans une région nordique ? difficultés ont une incidence directe sur le travail des E. P. J. : Vivre à Iqaluit, c’est comme vivre un road traducteurs francophones puisqu’ils jouent un rôle trip sans la route… Les rencontres qu’on y fait sont d’aide et de soutien dans la création de la terminolo- aussi brèves qu’intenses. Les difficultés et les renon- gie juridique auprès des traducteurs de langue inuite cements sont semblables. La même magie y fait aussi qui ne sont pas juristes. En tant que spécialistes, nous son effet. On vit chaque jour plus intensément, on pro- sommes donc appelés à conseiller les traducteurs fite de chaque rencontre. Comme les gens vont et pour ce qui est de la vulgarisation des notions de droit viennent, on est toujours sur le qui-vive, pas de sur- et de leur adaptation dans une troisième langue, ce place. Cela pose des défis d’organisation et de forma- qui ajoute une dimension absolument fascinante à tion. Les gens partent quand ils maîtrisent leurs notre travail. tâches. Il faut les remplacer et s’assurer que le travail Le travail de traduction en inuktitut et en innuinaq- continue efficacement. tun est si complexe et comporte tant de facettes qu’un Le climat ? Je répète un conseil que m’avait donné seul article ne suffit pas. Le magazine Le toit du mon patron en m’embauchant. Si vous avez la moindre monde, publié par Nunafranc, organisme francophone tendance à la dépression, évitez le Grand Nord. Mais du Nunavut, en traite abondamment. on s’y habitue vite. Et on s’habille en conséquence. C. : Quels sont les véritables besoins de la région en Vraiment, pour moi ce n’est pas un problème. matière de traduction en français ? C. : En terminant, quelles sont les possibilités profes- E. P. J. : Il y a un besoin criant de généralistes au sionnelles là-bas ? ministère de la Culture, de la Langue, des Aînés et de E. P. J. : À ce jour, mon poste n’a pas encore été la Jeunesse. À la Cour de justice du Nunavut, on comblé. Il sera affiché de nouveau bientôt. Il y a régu- cherche parfois des interprètes qui ont de l’expérience lièrement des postes vacants. Il faut consulter le site dans le domaine juridique. Au ministère de la Justice, Internet du gouvernement du Nunavut, sur lequel sont pour la traduction législative, la politique est de n’em- affichés tous les postes disponibles dans les différents baucher que des gens qui ont une formation en droit. ministères1 (le site est offert uniquement en anglais C. : Qu’avez-vous aimé dans votre travail ? pour le moment). On consultera aussi le site Internet E. P. J. : Travailler pour le gouvernement du Nuna- de Défi Nunavut2, qui facilite la recherche d’emploi en vut est très satisfaisant puisque la taille réduite de la français dans le territoire. fonction publique fait en sorte que chaque personne 1 . w w w. g ov. n u . c a / N u n a v u t / E n g l i s h / d e p a r t m e n t s / H R / joue un rôle important et qu’elle le sent à chaque h u m a n re s o u rc e s / j o b s / étape de son travail. De plus, les relations entre les 2 . w w w. d e f i n u n a v u t . c o m / d e f i n u n a v u t / e _ c a r re f o u r. p h p Quelques chiffres sur le français au Nunavut Créé le 1er avril 1999, le Nunavut est le troisième territoire du Canada. Il est né de la division des Terri- toires du Nord-Ouest et sa création en fait le premier territoire du monde à s’être donné un gouver- nement composé d’une majorité d’autochtones. Francophones : 422 ou 2,6 % de la population (Enquête auprès des ménages du Nunavut, 2001) La Loi sur les langues officielles donne un statut égal au français et à l’anglais. Cette loi des Terri- toires du Nord-Ouest a été adoptée par le Nunavut lors de sa création, le 1er avril 1999. Une modifica- tion à la loi (1990) accorde le statut de langue officielle à l’inuktitut (ce qui comprend l’inuvialuktun et l’inuinnaqtun). La loi exige que tous les services gouvernementaux soient offerts en français à son siège social ainsi qu’à ses bureaux régionaux et communautaires s’il existe une demande significa- tive ou si le genre de services offerts l’exige. Tous les règlements et les lois sont publiés en anglais et en français et ont un statut égal devant les tribunaux. Circuit • Automne 2005 Une école française a ouvert ses portes à Iqaluit en janvier 2002. Une garderie francophone est éta- blie à Iqaluit depuis 2003. La radio communautaire francophone d’Iqaluit, CFRT, diffuse en français 24 heures sur 24. Les réseaux TVA, TV5, Musique Plus, RDS et d’autres encore sont à la portée des abonnés aux services satellites ou de câblodiffusion dans certaines régions du Nunavut. 14
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