LES DÉFIS DES ENTREPRISES FACE À L'ÉCONOMIE 4.0 - GE.CH
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LES DÉFIS DES ENTREPRISES FACE À L’ÉCONOMIE 4.0 NOVEMBRE 2018
SOMMAIRE
PRÉAMBULE.............................................................................................................................. 4 CE QU’IL FAUT EN RETENIR................................................................................................... 6 #1. TRANSFORMATION NUMÉRIQUE, DIGITALISATION, RÉVOLUTION 4.0, ETC. : DE QUOI PARLE-T-ON EXACTEMENT ?................................................................................ 8 # 2. PAR OÙ COMMENCER ?.. ...................................................................................................... 13 # 3. LES APPLICATIONS CONCRÈTES DE CES TECHNOLOGIES........................................... 17 # 4. LES NOUVEAUX MODÈLES D’AFFAIRES........................................................................... 24 # 5. IMPACT SUR L’ORGANISATION INTERNE DES ENTREPRISES.. .................................... 27 # 6. LE MONDE DU TRAVAIL FACE À LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE....................... 31 # 7. ENJEUX POUR LE TISSU ÉCONOMIQUE, LE CANTON ET LA SUISSE........................... 37 CONCLUSION.......................................................................................................................... 42 ZOOM SUR LES MOTS QU’IL FAUT CONNAÎTRE.............................................................. 43 POUR EN SAVOIR PLUS........................................................................................................ 46
4 NOVEMBRE 2018 // LES DÉFIS DES ENTREPRISES FACE À L’ÉCONOMIE 4.0 PRÉAMBULE
5 Aujourd’hui, il est presque impossible de passer une journée sans être confron- té aux mots « économie 4.0 », « digitalisation », « transformation numérique » ou « quatrième révolution industrielle ». Des expressions qui agacent certains, in- quiètent d’autres. Au-delà du battage médiatique et du buzz engendré par cer- taines de ces nouvelles technologies (intelligence artificielle*1, blockchain*, ro- botisation* et objets connectés* tout particulièrement), un constat s’impose. Ne rien faire, au prétexte que c’est trop compliqué ou trop cher, est une stratégie dangereuse. Car un minimum de numérisation – les outils les plus complexes ne sont pas nécessaires à toutes les entreprises – est indispensable pour attirer les talents, être plus efficace, améliorer le service aux clients. Bref, pour résister à un univers toujours plus concurrentiel. Il ne s’agit évidemment pas de faire l’apologie aveugle de ces nouvelles tech- nologies. Elles comportent des risques et des côtés négatifs qu’il convient de re- lever. Elles ne constituent pas non plus une fin en soi : elles ne sont que des ou- tils et ne remplacent ni les visions, ni les stratégies, ni le management, ni même le contenu ou les messages. L’objectif de cette étude, publiée par la CCIG et la BCGE, avec la collaboration de l’OCSTAT, est donc de permettre à toutes et à tous, quel que soit leur sec- teur d’activité, de comprendre la profonde mutation qui est en cours afin de les aider à se positionner. Afin d’éviter qu’ils ne soient paralysés comme des lièvres devant les phares d’une voiture, pour utiliser l’image d’un spécialiste du numérique. Comme pour tout, prendre la mesure des changements est un prérequis indis- pensable pour qui souhaite en anticiper les impacts, accompagner les effets et en tirer des bénéfices. Comprendre pour contrôler sa transformation digitale. S’informer pour ne pas subir. Mieux encore : prendre de l’avance pour défendre ses valeurs. Quelles sont les étapes nécessaires, les erreurs à ne pas commettre, les com- pétences les plus demandées ? En quoi la blockchain, l’intelligence artificielle ou l’internet des objets impactent-ils les divers domaines d’activités ? Quelles en sont les conséquences sur les modèles d’affaires et sur l’organisation in- terne ? Comment se positionne Genève ? Telles sont quelques questions trai- tées dans les pages suivantes que nous vous encourageons à parcourir. Nos remerciements s’adressent à Aline Yazgi, auteure de l’étude, ainsi qu’au co- mité de pilotage composé d’Alexandra Rys (CCIG), Hélène de Vos Vuadens et Olivier Schaerrer (BCGE) ainsi que de Hervé Montfort (OCSTAT). Nous vous souhaitons une lecture stimulante et enrichissante. Blaise Goetschin Juan-Carlos Torres CEO Président BCGE CCIG 1 Les mots avec astérisque sont définis dans le glossaire qui se trouve à la fin de l’étude.
6 NOVEMBRE 2018 // LES DÉFIS DES ENTREPRISES FACE À L’ÉCONOMIE 4.0 CE QU’IL FAUT EN RETENIR CONTRAIREMENT AUX TROIS RÉVOLUTIONS INDUSTRIELLES prendre conscience de ces mutations pour pouvoir mieux les appréhender, PRÉCÉDENTES (RENVOYANT SUCCESSIVEMENT les anticiper et les encadrer. À L’APPARITION DE LA MACHINE À VAPEUR, DE L’ÉLECTRICITÉ Le chapitre 2 décrit les étapes essen- ET DE L’ORDINATEUR), LA RUPTURE ACTUELLE N’EST PAS tielles pour une entreprise désirant en- tamer une transition numérique. Faire RELIÉE À UN PRODUIT OU À UNE TECHNIQUE EN PARTICULIER. un diagnostic, se poser la question de l’utilité, mettre en place une stra- Cette quatrième révolution industrielle tégie, être attentif au timing, prendre se caractérise par la fusion de nom- le temps d’analyser les données, breuses technologies (big data*, in- commencer par des choses simples, telligence artificielle*, objets connec- avancer par étapes, collaborer avec tés*, etc.), dont le cœur est la donnée. de multiples partenaires, viser des Ce côté multiple est à l’image de la résultats tangibles, considérer cette transformation que nous vivons : elle transformation comme un proces- est protéiforme et ne comporte pas un sus permanent constituent quelques unique centre. La digitalisation bou- points essentiels. Au contraire, traiter leverse en effet les modèles écono- la numérisation uniquement comme miques, impacte tous les segments un projet IT, sous-estimer le degré de de l’entreprise et se traduit par une disruption ou surestimer ses capacités désintermédiation* permettant des à y répondre figurent comme des er- échanges entre pairs plutôt que pas- reurs fréquentes. Enfin, les entreprises sant par une autorité centrale ou un peuvent considérer la numérisation intermédiaire. sous trois angles : de quelle manière ces diverses technologies peuvent Comme l’explique le chapitre 1, le leur être utiles en interne (améliora- mouvement s’est accéléré dernière- tion des processus), peuvent avoir un ment dans les entreprises suisses, impact positif sur leurs clients (amélio- même si l’image n’est pas homo- ration du service) ou encore peuvent gène, certaines étant moins pressées. permettre de développer de nouveaux Manque de ressources financières, services (opportunités d’affaires). absence de culture du changement, sentiment d’être dépassé constituent Les applications concrètes de ces en effet quelques freins. Les sociétés technologies sont traitées dans le cha- qui ont pris le virage numérique sou- pitre 3. Avec les objets connectés, les lignent pourtant de nombreux avan- machines communiquent entre elles, tages : flexibilité accrue des proces- voire s’autodiagnostiquent, les indus- sus, réduction des temps de réaction, tries sont interconnectées, flexibles diminution des coûts de production et et décentralisées. L’intelligence artifi- des déchets, facilitation du traitement cielle recouvre des réalités assez dif- des données, aide à la fidélisation de férentes, telles qu’automatisation des la clientèle et personnalisation des processus, insight cognitif (qui permet offres. Mais l’économie 4.0 comporte de déceler des schémas dans d’im- également des risques pour les entre- menses volumes de données et d’en prises (changements très rapides, gas- interpréter le sens) et engagement pillage financier, cybermenaces, sché- cognitif (la catégorie la plus pous- ma de Ponzi sur les cryptomonnaies, sée, celle des agents conversation- etc.) et pour les personnes (consé- nels et des machines apprenantes). quences sur leur emploi, respect de La blockchain* peut simplifier ou ac- la sphère privée, questions éthiques, célérer les processus, éviter le mar- etc.). Vivre cette transition suppose de ché noir ou le piratage de données,
7 certifier que des biens arrivent aux bons destinataires, garantir une traçabilité parfaite des produits ou encore permettre à des inconnus d’effectuer entre eux des transactions sans passer par un tiers garant. La réalité virtuelle* et la réali- té augmentée* ouvrent de nouvelles possibilités aux entreprises, améliorent les prototypages et ont même des effets bénéfiques en médecine. Les exemples sont encore nombreux, d’autant que les percées technologiques couvrent de vastes domaines, se renforcent mutuellement et effacent les frontières entre les mondes physique, virtuel et biologique. Le chapitre 4 aborde les nouveaux modèles d’affaires : désintermédiation, éco- nomie collaborative, modèles circulaires. Le fabricant devient prestataire de solutions, car c’est moins la possession de l’objet que sa fonctionnalité et les données qu’il génère qui sont importantes. Le système de l’abonnement s’est ainsi étendu à de nouveaux secteurs. Le consommateur joue un rôle central et devient un consomm’acteur. Les plateformes numériques permettent aux pro- fessionnels ou aux particuliers d’être en contact direct, sans intermédiaire, de manière quasi instantanée. Autant de tendances de fonds qui impactent les mo- dèles d’affaires des sociétés traditionnelles. Mais qui leur offrent également de nouvelles opportunités. Management, hiérarchie, organisation du travail, culture d’entreprise, inno- “ vation, lien avec les clients. La trans- La transformation numérique se formation numérique se caractérise caractérise par une profonde par une profonde mutation de toutes les facettes de l’entreprise. C’est ce mutation de toutes les facettes qu’évoque le chapitre 5. La hiérarchie de l’entreprise et par un devient plus plate, l’intégralité des équipes est responsabilisée, l’orga- bouleversement des modèles nisation se met en réseau horizontal économiques. ” avec d’autres prestataires, l’entreprise partage ses ressources, coinnove avec ses clients, etc. Quel est l’impact de la transformation numérique sur le monde du travail ? ques- tionne le chapitre 6. Alors que certaines études prévoient d’importantes sup- pressions de postes, la majorité d’entre elles estiment qu’elle débouchera au contraire sur des créations d’emplois. Si de tout temps, les changements techno- logiques ont été accompagnés de craintes, ils ont le plus souvent débouché sur l’émergence de nouvelles activités et sur des besoins supplémentaires, impac- tant ainsi positivement la croissance et l’emploi. Au-delà du quantitatif, il est sûr que la digitalisation provoquera une disparition des tâches routinières (qu’elles soient manuelles ou intellectuelles) et fera évoluer les métiers. A l’ère numé- rique, les compétences technologiques, mais aussi les soft skills (notamment l’esprit d’initiative, la capacité à comprendre les processus complexes, l’aptitu- de à collaborer, l’interdisciplinarité et l’autonomie) seront primordiales. Dans ce contexte, la formation sera plus que jamais indispensable. A l’échelon individuel, il faudra la considérer comme permanente tout au long de la vie. A titre collec- tif, il conviendra de s’assurer que les systèmes éducatifs soient adaptés au défi numérique. Enfin, le chapitre 7 observe que la Suisse est cinquième au classement mondial de la compétitivité digitale, mais est à la traîne dans certains domaines. Genève de son côté affiche sa volonté de jouer un rôle actif dans la transformation numé- rique. Le Canton a lancé une vaste consultation publique, permettant à toutes et à tous – population, entreprises, écoles, milieux de la recherche, administrations, associations – de faire entendre leurs idées. Cette approche très 4.0 est assortie de plusieurs volets pratiques. Le Canton est ainsi en marche pour se positionner comme un centre important du développement digital.
8 NOVEMBRE 2018 // LES DÉFIS DES ENTREPRISES FACE À L’ÉCONOMIE 4.0 #1. TRANSFORMATION NUMÉRIQUE, DIGITALISATION, RÉVOLUTION 4.0, ETC. : DE QUOI PARLE-T-ON EXACTEMENT ? CES QUELQUES EXPRESSIONS, À FORCE D’ÊTRE UTILISÉES À TOUTES OCCASIONS, ONT PERDU DE LEUR SENS. ENTRE JARGON HYPER TECHNIQUE ET MOTS CREUX, IL EST PARFOIS DIFFICILE DE RÉALISER L’IMPORTANCE DE L’ENJEU ET DE SE SENTIR CONCERNÉ. AU RISQUE DE NE PAS PRENDRE LES MESURES QUI S’IMPOSENT. POURTANT TOUTES LES ENTREPRISES, TOUS LES SECTEURS SONT CONCERNÉS. a transformation numérique n’est Concrètement ? Les machines peuvent Un tel état d’esprit est nécessaire L pas reliée à une technologie par- communiquer entre elles et s’auto- en raison de la rapidité des boule- ticulière, mais résulte de la combinai- diagnostiquer. Les robots se mettent versements. Comme le souligne la son de plusieurs technologies dont le à apprendre. La production est pilo- Confédération, « le changement struc- cœur est la donnée. « Data is the new table en temps réel, voire de manière turel que nous vivons actuellement oil », tel est son slogan. Et la donnée prédictive. Des activités toujours plus est inédit de par son envergure et la sert de carburant à tout un éventail nombreuses sont dématérialisées. En vitesse à laquelle les technologies nu- de disciplines allant de la communi- étant connectés, les objets permettent mériques pénètrent les différents sec- cation digitale à l’intelligence artifi- des analyses, des actions et des teurs. Ce faisant, les technologies nu- cielle*, de l’automatisation aux objets contrôles impossibles auparavant. mériques transforment aussi de plus connectés*, de l’impression 3D à la Quant aux contenus (écrits, photos, en plus de technologies-clés dans blockchain*, de la réalité augmentée* films, musique, etc.), en devenant nu- d’autres domaines »3 . au cloud computing*1. mériques, ils sont utilisables à travers Cette rapidité d’adoption se tra- n’importe quel réseau et depuis n’im- Le 4.0, ou 4e révolution industrielle, se duit très clairement. Alors qu’en jan- porte où. Ainsi, le terme anglophone caractérise donc par une intégration – vier 2016, seules 45% des industries ATAWAD (Any Time, Any Where, Any à des degrés qui peuvent varier – de suisses interrogées par Ernst & Young Device) symbolise parfaitement la nouvelles technologies numériques à (EY) indiquaient que les technologies transformation numérique2. la chaîne de valeur de la firme. Ces di- digitales jouaient un rôle dans leur verses technologies s’alimentent mu- Autant de changements qui vont modèle d’affaires, elles étaient 66% à tuellement et ont un impact sur tous jusqu’à engendrer une refonte com- l’affirmer deux ans plus tard. En Suisse les pans de la vie d’une entreprise (et plète des modèles d’affaires et l’émer- romande, ce sont même plus de 7 en- des individus). gence de business models totalement treprises sur 10 qui le disent 4. nouveaux. Elles modifient ainsi fondamentale- ment la manière dont les sociétés Quel que soit le terme utilisé, « il s’agit communiquent avec leurs fournis- d’un processus continu qui requiert un seurs et leurs clients, réalisent leur état d’esprit prêt à s’adapter constam- maintenance, vérifient l’origine de ment », insiste Frédéric Dreyer, di- leurs marchandises, vendent leurs recteur de l’Office de Promotion des produits, font de la recherche, etc. Industries et des Technologies (OPI), Bref, simplement dit, elles entraînent dont la mission consiste notamment à un profond bouleversement de leur accompagner l’écosystème industriel manière de fonctionner et d’appré- genevois dans sa transformation nu- hender le monde. mérique afin de le pérenniser. 3 Confédération suisse, Département fédéral de l’économie, de la formation et de la rechercher DEFR, Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), 2017. « Défis de la numérisation pour la formation et la recherche en Suisse. » 2 BOUHAÏ, Nasreddine, SALEH, Imad, 2017. Juillet 2017. 1 Ces termes sont détaillés au chapitre 3 : Les « Internet des objets évolutions et innovations ». 4 EY, 2018. « Baromètre des entreprises » applications concrètes de ces technologies. Londres : Iste éd. Février 2018.
#1. TRANSFORMATION NUMÉRIQUE, DIGITALISATION, RÉVOLUTION 4.0 9 LES DIFFÉRENTES RÉVOLUTIONS INDUSTRIELLES Pour évoquer le processus de digitalisation de l’économie, il est courant de parler de « quatrième révolution indus- trielle » ou plus simplement de « 4.0 ». Mais au fond, à quoi cette expression fait-elle référence ? Le terme « industrie 4.0 » aurait été utilisé pour la première fois en 2011 à la Foire de Hanovre, puis a largement été repris par les gou- vernements et les grands groupes. En Suisse, Klaus Schwab, fondateur et président du World Economic Forum, a contribué à populariser cette appellation, lors du Forum de Davos, mais aussi dans un ouvrage en portant le titre 1. Quelles sont alors les trois précédentes révolutions industrielles ? Certains estiment qu’il faudrait parler de l’in- vention de la roue ou de l’imprimerie. L’histoire économique fait toutefois remonter la première révolution à la machine à vapeur, à la fin du XVIIIe siècle, qui a inauguré l’ère de la mécanisation. C’est le début de l’industria- lisation, car les machines n’ont plus besoin de se limiter à la force musculaire, qu’elle soit humaine ou animale. Les moyens de transport « de masse » (premiers chemins de fers, marine à vapeur) font également leur apparition. La deuxième révolution date de la fin du XIXe siècle avec l’avènement de l’électricité, qui débouche (notamment) sur les moteurs électriques, la sidérurgie, le développement des transports, le téléphone, puis la production de masse (« taylorisme »). Ensuite, les versions divergent légèrement tant au niveau des dates que des éléments. Il est toutefois généralement admis que la troisième révolution débute au milieu du XXe siècle avec l’arrivée de l’informatique et de l’électronique, des technologies qui ouvriront la voie à la miniaturisation, mais aussi à l’automatisation croissante et à la création de nouvelles disciplines à l’image de la biotechnologie. Elle débou- chera également sur internet. Parallèlement, les processeurs deviennent toujours plus rapides, les capacités de mémoires et des puissances de calculs toujours plus grandes. Le tout, associé à des coûts moindres de ces élé- ments, permettra de voir éclore cette fameuse quatrième révolution industrielle. Et comme l’évoque Swissmem2, « contrairement aux profondes mutations du passé il ne s’agit pas de technolo- gies particulières, mais de la combinaison de différentes méthodes et de technologies numériques permettant d’exploiter les nouveaux potentiels que présentent la mise en réseau des hommes, des produits, des machines, des systèmes et des entreprises »3. Il n’y a ainsi plus de frontières clairement définies entre les sphères physiques, numériques et biologiques. Les machines communiquent entre elles et s’autodiagnostiquent, les robots et les hommes peuvent désormais partager un espace de travail commun (grâce aux robots collaboratifs). Quant à l’être humain augmenté et au transhumanisme, ils commencent à sortir du seul domaine de la science-fiction. 1 SCHWAB, Klaus, 2016. The Fourth Industrial Revolution. Cologny : WEF. 2 Association faîtière des PME et des grandes entreprises de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux (industrie MEM) ainsi que des branches technologiques apparentées. 3 https://www.swissmem.ch/fr/industrie-politique/industrie-40-numerisation.html. Tops performers et Ces écarts portent en eux le risque d’une fracture numérique entre les so- Ainsi, 77% d’entre elles ne propose- raient pas de réservation en ligne pour dinosaures numériques ciétés qui digitalisent à toute allure et des prestations qui demandent une celles qui sont à la traîne. prise de rendez-vous et 60% ne possé- Cela dit, l’image n’est pas homogène : deraient pas de logiciel pour gérer les ce sont surtout les grands groupes qui Un fossé qui a déjà commencé à se rendez-vous. Et l’étude de s’alarmer : sont à la pointe. « Ce sont en outre creuser, si l’on en croit l’étude « Digital « De nombreuses entreprises risquent avant tout les entreprises considé- Switzerland », menée par la Haute de rater le train de la numérisation, car rées comme « top performers » qui in- école d’économie de Zurich (HWZ) qui n’est pas présent en ligne de nos diquent que la digitalisation est impor- et Localsearch (Swisscom Directories jours n’est tout simplement pas pris en tante pour elles et en même temps qui SA)6. Cette dernière considère que considération. Et la concurrence ne se investissent beaucoup dans celle-ci », « 87% des sondés peuvent être consi- trouve qu’à un seul clic. » nuance Tristan Hahn, Communication dérés comme des dinosaures nu- Manager EY Suisse. Autre distinc- mériques », des dinosaures qui se tion : celle liée au dirigeant. Il y a trouvent tout particulièrement dans ainsi une corrélation négative entre les microétablissements. l’âge des dirigeants et le degré de digitalisation, relève pour sa part PricewaterhouseCoopers (PWC) 5. 6 L’étude « Digital Switzerland » a été menée conjointement par l’Institute for Digital Business de la Haute école d’économie de Zurich HWZ et Localsearch. L’étude se penche sur la transformation numérique, son importance actuelle ainsi que sur les opportunités et les risques qu’elle présente pour les entreprises suisses. 1294 entreprises ont participé au sondage en ligne. Celui-ci a été réalisé durant les mois d’octobre et de novembre 2017. Pour davantage d’informations : https:// www.kmu.admin.ch/kmu/fr/home/actuel/news/2018/connaissances-numeriques-les-pme-a-la-traine. 5 PWC, 2016. « Numérisation – Où en sont les html et https://www.localsearch.ch/fr/a-notre-sujet/medias/les-pme-suisses-ne-disposent-pas-de- PME suisses ». suffisamment-de-connaissances-num-riques-sp-cialis-es.
10 NOVEMBRE 2018 // LES DÉFIS DES ENTREPRISES FACE À L’ÉCONOMIE 4.0 Les principaux avantages Les technologies numériques facilitent également le traitement des données. Enfin, ces technologies permettent d’offrir un service et des produits A l’inverse, les firmes qui prennent Et aujourd’hui, les entités qui arrivent beaucoup plus personnalisés. De le virage numérique, pour autant à transformer la masse de données toutes petites productions sont par qu’elles le fassent correctement7, bé- récoltées en information intelligente exemple possibles grâce aux impres- néficient de nombreux avantages. et utile pour leur activité ont plusieurs sions 3D sans nécessiter des coûts coudées d’avance. « Or la quantité des énormes. En termes de coûts tout d’abord. informations à traiter augmente d’envi- Selon l’étude d’EY précédemment ci- ron 20% par an. Les entreprises sont tée, les solutions Industrie 4.0 permet- traient d’abaisser les coûts de produc- donc obligées d’avoir des moyens mo- dernes pour traiter cette masse d’infor- Quelques freins tion de 5,2% en moyenne. mations », relèvent Claude Devillard et Dans les entreprises, des freins « Or aujourd’hui, les marges ont fondu Eric Heiniger, respectivement directeur existent aussi. « Trop complexe, trop dans tous les domaines d’activités », commercial et directeur informatique cher, trop peu formé », lançait le diri- constate Patrick Schefer. Raison pour interne de la société Devillard, spécia- geant d’une petite société à propos laquelle le directeur de la Fondation lisée notamment dans la gestion élec- du 4.0. d’aide aux entreprises (FAE) encou- tronique des documents. Le manque de ressources financières rage vivement l’utilisation des outils Surtout, ces technologies ont un im- arrive le plus souvent en tête des numériques, notamment au niveau pact très important sur la relation contraintes indiquées par les entre- de la gestion des processus. « Les lo- clients. Elles aident à l’acquisition de prises, particulièrement parmi les pe- giciels de suivi des tâches, de ges- clients (par du marketing digital ci- tites. Car les coûts peuvent vite être tion de projet ou de facturation liée blé notamment) et constituent un for- importants. Comme l’évoquait 11 Alain au temps passé sont certes moins vi- midable moyen de fidélisation. Pour Moser, directeur général de l’école sibles que d’autres technologies nu- Carole Hubscher, présidente de Caran privée du même nom qui s’est atte- mériques, mais jouent un rôle très d’Ache, la numérisation rapproche la lée à la digitalisation depuis des an- important dans la transformation nu- marque de ses clients finaux et permet nées, « quand on met le doigt dans mérique, car ils permettent de subs- aux produits traditionnels du fabricant la thématique du numérique, on n’ar- tantielles économies de temps et genevois de se développer en créant rête plus. Cela coûte vite cher et il faut d’argent. » Cette fluidification et accé- une communauté de clients passion- alors effectuer des choix ». Dans les lération des processus se répercutera nés d’écriture ou de peinture10. Du cô- grands groupes, c’est souvent l’ab- positivement soit sur le prix facturé au té des cafés Trottet, entreprise fami- sence de culture du changement et client, soit sur la marge. liale de 20 personnes très active en des responsabilités mal définies qui D’ailleurs, les entreprises voient « une communication digitale, ces outils per- constituent un obstacle 12. corrélation claire entre les fonds inves- mettent de développer un sentiment D’une manière plus générale, il y a tis dans la numérisation et l’augmen- d’appartenance avec ses consomma- aussi le sentiment de certains diri- tation de la compétitivité. Et la plupart teurs. « En montrant par exemple d’où geants « d’avoir raté le train », image des PME affichant un degré de numé- proviennent les cafés que nous ven- Christian Mustad, cofondateur d’Ico- risation plus élevé pensent aujourd’hui dons et qui sont les petits producteurs nyl, société genevoise qui accom- que l’engagement financier a porté ses chez qui nous nous approvisionnons, pagne les entreprises dans leur fruits », relève pour sa part une étude de nous voulons être totalement trans- transformation digitale. « Les gens en- PWC 8. Une réalité vécue par Geberit à parents. Cette proximité avec nos tendent parler de choses très poin- Givisiez, qui a amorti en moins de deux clients nous a permis de créer une tues et du coup se disent que ce n’est ans son système permettant de suivre véritable communauté », raconte ain- pas pour eux. Il y a là un réflexe de en temps réel les nombreuses sta- si Inès Westeel, Community Manager. peur qui entraîne la paralysie. Ils n’ar- tistiques liées à sa production. Cette Et au-delà de l’expérience client per- rivent pas à avoir une vue pragma- usine connectée a ainsi enregistré une mise par Facebook, Instagram et tique et à identifier les priorités afin de productivité augmentée de 250%, as- YouTube, les commandes par internet voir quelles technologies peuvent leur sociée à une diminution drastique des – inexistantes il y a trois ans – sont être utiles aujourd’hui, et lesquelles ils déchets industriels (-75%) et des émis- aujourd’hui « supérieures à 3 millions doivent seulement surveiller. » sions de CO2 (-89%)9. de francs et ce canal nous permet de vendre beaucoup plus facilement Deuxième aspect : ces outils sont de dans toute la Suisse et en France ». nature à augmenter la flexibilité des processus et à diminuer les temps de réaction, arguments concurrentiels de taille. 7 Voir chapitre suivant. 8 PWC, 2016. « Numérisation – Où en sont les 11 Lors de l’événement Forward organisé en avril PME suisses ». 2018 conjointement par l’EPFL, PME Magazine 9 GUISAN, Thibaud, 2016. « L’avènement des 10 DERDER, Fathi,2018. « Comment Caran d’Ache et Le Temps. usines intelligentes », La Liberté, 02.12.2016. réussit sa numérisation », L’Agefi, 18.04.2018. 12 Etude « Digital Switzerland » citée précédemment.
1_TRANSFORMATION NUMÉRIQUE, DIGITALISATION, RÉVOLUTION 4.0 11 Des risques bien réels > L’utilisation potentielle Qui refuse de se lancer dans l’aven- de l’industrie 4.0 et de l’Internet ture numérique court le risque de s’af- faiblir ou de disparaître. Cela dit, le 4.0 des objets en Suisse n’est pas non plus dénué de risque : Dans quels domaines pensez-vous notamment en termes d’emplois (voir que ces technologies sont-utiles ? chapitre 6 Les nouveaux modèles de travail) et de sécurité au sens large. Les objets étant toujours plus connec- tés, les données sont aussi toujours plus nombreuses à pouvoir être pi- ratées. Les portes d’entrée aux in- trusions et propagations de virus, de manière volontaire (par des pirates 72 % AUGMENTATION DE LA FLEXIBILITÉ AU SEIN 25 % DÉVELOPPEMENT DE PRODUITS exigeant des rançons, des concur- DES PROCESSUS DE INNOVANTS PRODUCTION rents malveillants, etc.) ou de manière involontaire (en raison de failles tech- niques ou d’une erreur humaine) ont augmenté de manière substantielle. Le risque de contrefaçons est égale- ment important : il suffit d’avoir le code de fabrication et une imprimante 3D pour reproduire l’objet théoriquement à l’infini (au-delà de la violation de la propriété intellectuelle, cette possibi- lité technique peut déboucher sur un 52 % RÉDUCTION DU TEMPS DE RÉACTION 23 % RÉDUCTION DE COÛTS danger particulièrement grand, par exemple lorsque l’objet copié est une arme). Quant aux cybermenaces, ce- la fait plusieurs années qu’elles ont commencé à gangréner la vie des entreprises. Face à ces nouvelles vulnérabilités, 47 % 22 % les entreprises doivent impérative- ment investir de manière importante dans la sécurité de leurs données et dans la sensibilisation de leur person- UTILISATION PLUS EXTENSION DE MODÈLES nel. D’ailleurs, 93% des entreprises EFFICACE DES D’AFFAIRES EXISTANTS INSTALLATIONS DE À DE NOUVEAUX interrogées par EY dans l’étude pré- PRODUCTION MARCHÉS cédemment citée indiquent que la sé- curité informatique est décisive pour le succès de l’industrie 4.0. Les risques de violation de la sphère privée existent également. Pour l’en- treprise, il est impératif d’être attentif à ce domaine pour éviter les sanctions (dans le cadre notamment du récent Règlement général de la protection des données, entré en vigueur en mai 33 % AMÉLIORATION DU SUPPORT 20 % RÉDUCTION DU TEMPS 2018 dans l’Union européenne et qui AUX CLIENTS DE RÉACTION concerne aussi de nombreuses entre- prises suisses), mais également pour ne pas rompre le lien de confiance avec ses clients, existants ou poten- Source : EY « Studie über IoT und Industrie 4.0 » tiels. La protection des données re- (2017, rendue publique en février 2018). L’étude a été vêt un intérêt majeur, qui ira probable- réalisée sur 650 entreprises, dont 103 en Suisse. ment en grandissant.
12 NOVEMBRE 2018 // LES DÉFIS DES ENTREPRISES FACE À L’ÉCONOMIE 4.0 > Les principaux obstacles Il convient encore de citer le risque en- vironnemental, provoqué notamment à l’introdution de l’industrie 4.0 par les forts besoins en énergie pour par les entreprises suisses faire fonctionner tous ces systèmes. La blockchain en particulier, en raison de son mode de vérification, est extrê- mement gourmande en électricité. Ce problème est toutefois – légèrement – tempéré par le fait que de nombreux objets connectés permettent d’éviter des gaspillages et de diminuer les tra- 59 % BESOINS D’INVESTISSEMENTS 32 % MODÈLES D’AFFAIRES PEU CLAIRS jets inutiles. Enfin, certaines technologies, en particulier l’intelligence artificielle, comportent des risques en termes TROP ÉLEVÉS d’éthique qui ne peuvent pas se pas- ser d’une vraie réflexion et d’un large débat, englobant tous les acteurs de la société. Raison de plus pour que tout un chacun comprenne bien les enjeux de ces technologies certes très prometteuses, mais qui néces- 57 % 25 % sitent certaines cautèles. PÉNURIE MANQUE DE DE PERSONNEL CONNAISSANCES EN QUALIFIÉ TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION 48 % CRAINTES PAR RAPPORT À 25 % UTILITÉ ÉCONOMIQUE LA SÉCURITÉ PEU CLAIRE 46 % MANQUE DE STANDARDS COMMUNS Source : EY « Studie über IoT und Industrie 4.0 » 2017.
#2. PAR OÙ COMMENCER ? 13 # 2. PAR OÙ COMMENCER ? DE NOMBREUSES ENTREPRISES SONT CONSCIENTES QU’ELLES DOIVENT ENTAMER UNE TRANSITION NUMÉRIQUE, MAIS NE SAVENT PAS COMMENT S’Y PRENDRE. AVEC LE RISQUE DE NE RIEN FAIRE, ATTITUDE FORTEMENT DÉCONSEILLÉE. VOICI DONC QUELQUES ÉTAPES ESSENTIELLES POUR DÉFRICHER LE TERRAIN. Poser un diagnostic A noter enfin qu’il existe différents tests gratuits sur internet qui permettent Avoir une stratégie « Commencez par prendre du recul et d’appréhender sa maturité numé- « La frénésie autour de certains mots faites un vrai diagnostic par rapport rique, parmi lesquels on peut ci- fait perdre à certains leur bon sens. à votre entreprise sur les endroits où ter l’outil d’évaluation proposé par Il faut se poser les bonnes questions des outils numériques pourraient vous le MEDEF1 (premier réseau d’entre- et avoir une vision de ce qu’on veut. être utiles », préconise Patrick Schefer, preneurs en France, dont 95% des Quels objectifs est-ce que je veux at- directeur de la Fondation d’aide aux adhérents sont des PME) ou « l’ADN teindre avec les outils numériques : entreprises (FAE), qui constate que 4.0 – Autodiagnostic»2 que le Gou- être plus visible sur mon marché ? les responsables sont souvent trop vernement du Québec a réalisé afin Mieux gérer mes fournisseurs ? Me concentrés sur la marche des affaires d’accélérer la transformation numé- faciliter la vie ? », énumère Charles au quotidien. rique des entreprises manufacturières Salvaudon, directeur au sein du dé- de la province. partement Forensic en Suisse chez Même conseil de Raphaël Rollier, Deloitte et intervenant à la HEG dans Digital Impact Advisor chez Swisscom. le cadre du CAS Digital transforma- « Passez en revue vos différents postes (activités-clés, ressources, re- Se poser la question tion for business. « Vous devez ensuite choisir la bonne stratégie à mettre en lations clients, canaux de distribu- tion, etc.), imaginez ceux où un chan- de l’utilité place pour atteindre vos objectifs, en fixant des priorités et en définissant gement pourrait être particulièrement Avant de se lancer dans une solu- les coûts. » C’est seulement après ces utile, déterminez ceux où le digital tion technologique, il faut commencer réflexions qu’il convient de sélection- risque de vous impacter le plus, puis par se poser la question de l’utilité de ner la ou les technologies qui font du réfléchissez à votre business model celle-ci par rapport à son entreprise. sens. « Les compagnies avec un faible avant et après la numérisation. Fixez Evident ? Oui, pourtant, il semblerait niveau de digitalisation souffrent sou- alors vos priorités pour vous transfor- que de nombreux dirigeants aient vent d’une stratégie manquant de mer. La communication digitale est voulu se lancer dans la blockchain, clarté et de cohérence. Elles se foca- certes importante, mais n’est de loin « parce que tout le monde en parle ». lisent davantage sur les technologies pas le seul aspect. » Les nouvelles technologies, aussi per- individuelles que sur la stratégie », re- Ce spécialiste fait également savoir formantes et utiles soient-elles, ne lèvent pour leur part l’institut écono- que l’association Digital Switzerland sont pas une réponse à tout. « Elles mique BAK et Deloitte dans une ré- débute une formation (avec réalisa- ne constituent pas une fin en soi et ne cente étude 3. tion du pilote en Suisse romande, pour sont que des outils. Il ne faut donc pas un déploiement ensuite dans toute la confondre le moyen avec ce qu’on Suisse) pour aider les entreprises à veut en faire », rappelle David Narr, le établir une feuille de route, en s’in- directeur de Genilem, association ai- téressant notamment à deux points dant le démarrage de jeunes entre- où les outils numériques sont d’une prises innovantes. Il faut donc exami- grande utilité : l’expérience clients et ner ces outils à travers le prisme du l’amélioration des processus. potentiel commercial et/ou du pro- blème à résoudre, et non à travers ce- lui de la technologie pure. 1 http://www.diag-numerique.fr/. 3 BAK – DELOITTE, 2018 « Switzerland’s 2 https://sondage.economie.gouv.qc.ca/index. digital innovation capacity: Good, but php/159143?lang=fr. not good enough ».
14 NOVEMBRE 2018 // LES DÉFIS DES ENTREPRISES FACE À L’ÉCONOMIE 4.0 Ne pas mettre la charrue Prendre le temps Être attentif au timing avant les bœufs d’analyser les données Dans le domaine technologique, le timing est fondamental. « Si l’entre- Certains prérequis sont indispen- Avoir des données, c’est fondamen- prise anticipe trop, le niveau de ma- sables, en particulier avoir à dispo- tal, mais encore faut-il savoir ce que turité n’est pas là, rendant la tech- sition des données, sous forme nu- l’on veut y chercher. « Il est important nologie coûteuse et parfois difficile mérique bien entendu. « Il faut des d’avoir une période d’analyse extrê- à utiliser. Si elle attend trop, elle va données de qualité, capables de four- mement poussée des données, me- dans le mur. » Pour Frédéric Dreyer, di- nir des informations au sens d’un in- née par des équipes très larges, al- recteur de l’OPI, le point d’inflexion est térêt substantiel pour le client. On lant des collaborateurs du domaine donc fondamental. « Il faut analyser peut souvent écarter 90% des don- métiers (même sans connaissances à quel moment et à quel endroit (or- nées collectées, car elles sont inu- informatiques) aux spécialistes du ganisationnel, technologique, etc.) il tiles », explique Roberto Perez, chez traitement des données (ingénieurs, faut opérer ces transformations. Cela Agie Charmilles New Technologies où data scientists…). En fonction de l’ob- ne veut pas dire qu’il faut tout trans- il est Head of Innovation of the Digital jectif fixé, on peut voir si les données former, le curseur ne doit pas être sur Transformation Unit, un département sont suffisantes, fiables, relevées à la zéro ou sur 100, il peut être entre les qu’il a contribué à mettre sur pied et bonne cadence et surtout déterminer deux extrêmes. » qui occupe aujourd’hui une centaine lesquelles sont importantes », pour- de personnes. C’est dire l’importance suit Roberto Perez. Et d’insister : « La Et comment savoir quelle technologie que l’entreprise de machines-outils, connaissance métier se trouve dans utiliser à quel moment ? « Regardez dont l’innovation est inscrite dans les l’entreprise. » C’est d’ailleurs cette la maturité des technologies : ce gènes, accorde à la transformation connaissance qui permettra de poser que l’on en sait, à quoi elles servent, numérique. les bonnes questions et de savoir ce quels sont leurs avantages et incon- qu’il est intéressant de chercher dans vénients. Mettez-les alors en relation De même, avant de digitaliser des les données. flux, il faut mettre en place un certain nombre de processus, éliminer des “ gaspillages, standardiser ce qui peut l’être. Ainsi, introduire du lean manage- Vous pensez que l’intelligence ment 4 constitue un prérequis pour l’in- artificielle vous sera utile dans dustrie 4.0, comme le souligne Serge Hauert, directeur stratégie industrielle quelques années ? Commencez déjà de Richemont, groupe qui avait créé à sensibiliser vos collaborateurs à ” en 2014 une Agile Academy, avant de la transférer l’an passé à la HES-SO l'importance des données. Neuchâtel afin que les étudiants et les autres entreprises puissent s’en- traîner, notamment aux pratiques par- ticipatives et agiles. LES TROIS PILIERS Autant de conditions initiales indis- DE LA NUMÉRISATION pensables pour éviter que les efforts Quelles technologies choisir ? Outre les points développés dans le cha- soient immenses pour des résultats pitre suivant, la grille d’analyse de la Société Générale de Surveillance décevants. (SGS) peut donner des idées à d’autres entreprises. Le groupe genevois de certification et d’inspection a d’ailleurs créé, il y a 18 mois, toute une unité « digital innovation » et considère l’innovation digitale comme une priorité. « Parmi toutes ces nouvelles technologies, nous regardons celles qui sont utiles pour nous à l’interne, celles qui peuvent l’être pour nos clients et celles qui nous permettent de développer de nouveaux ser- vices, énumère Fred Herren, Senior Vice-President Digital & Innovation. Dans la catégorie des technologies utiles pour la SGS se trouvent toutes celles qui nous permettent d’être efficaces : le robot qui ferme une porte de voiture 10 000 fois par jour, le capteur que nous mettons sous les ponts métalliques pour nous alerter en temps réel au cas où une fissure venait à s’élargir, etc. Cela nous permet de mieux faire notre travail. » « Nous essayons ensuite de voir quelles technologies peuvent améliorer le service aux clients et leurs perceptions de nos prestations. Nous tes- 4 Méthode de management qui se base tons certaines idées avec eux et nous faisons ensemble des pilotes. Le notamment sur l’amélioration constante des produits et processus, l’implication de tous les troisième volet consiste à réaliser que cette transformation porte en elle collaborateurs, le principe du « juste à temps », des opportunités d’affaires. Dans notre cas, nous avons développé de la production à flux tendus, l’élimination des gaspillages et la diminution des défauts. Elle nombreuses solutions dans la cybersécurité. » permet de simplifier les processus, d’éliminer le superflu et de gagner en efficacité.
#2. PAR OÙ COMMENCER ? 15 > Échelle d’Évaluation destinée à dÉterminer le degré de numérisation 1 2 3 4 Nos processus Nos processus internes Nos processus internes Tous nos processus Processus et internes sont en partie sont numériques, en sont numériques, internes sont regroupés infrastructure numériques, en partie partie connectés entre et majoritairement sur une seule et même manuels. eux. connectés entre eux. plateforme numérique. Nous avons un Notre vente en Nous mettons à la Avec la numérisation, Vente site web standard ligne est complétée disposition de nos nous avons modifié numérique pour la vente. par des mesures clients des offres radicalement notre d’accompagnement et personnalisées sur la modèle commercial. des services numériques. base des big data. Les clients peuvent faire Les réactions de Les clients sont Les clients sont Implication part de leur réaction clients sont collectées impliqués dans certains impliqués dans tous des clients par le biais de canaux et analysées processus commerciaux les processus numériques. automatiquement. (par ex. vente, commerciaux (vente, développement). développement, etc.). La numérisation Nous veillons à ce Nous encourageons Nous choisissons nos Collaborateurs est insignifiante que les collaborateurs nos collaborateurs collaborateurs notamment et culture pour les utilisent les outils par des formations pour leurs compétences collaborateurs. numériques. dans le domaine de la numériques et soutenons numérisation. ainsi l’innovation. Source : PWC « numérisation – Où en sont les PME suisses » – 2016. avec vos besoins », détaille Michaël Chopard, digital program manager Ne pas sous-estimer d’un site web, mettaient en place des systèmes pour calculer les prix de dans une multinationale genevoise. le temps nécessaire revient et un suivi quotidien de leur « Fixez ensuite des horizons en fonc- gestion ainsi que de logiciels per- Les changements prennent du temps, tion de chacune d’elles et de votre si- mettant d’optimiser leurs processus d’autant que la transformation numé- tuation. Vous pouvez alors en tester et d’un bon CRM (outil de gestion rique est bien plus qu’une simple mo- une dans un proche avenir, en pro- de la relation client), elles effectue- dification technologique. Elle a un grammer une deuxième pour un an raient déjà un pas immense », recadre impact sur toutes les facettes de l’en- après et décider de suivre d’autres à Patrick Schefer, directeur de la FAE, treprise. Il faut donc définir ses be- un horizon de 5 ans. Vous construi- Fondation d’aide aux entreprises. soins, trouver les solutions idoines, sez alors une feuille de route vers ces les mettre en place, former les colla- Rien qu’en termes de communication technologies. Vous pensez que l’in- borateurs, implémenter des nouvelles digitale, les sociétés peuvent faire telligence artificielle vous sera utile compétences. « Et impliquer des gens mieux. Ainsi, selon un sondage auprès dans quelques années ? Commencez déjà très chargés au jour le jour », des commerçants à Genève5, plus de à sensibiliser vos collaborateurs à complète Roberto Perez. 10% des commerces n’ont pas de site l’importance des données, vérifiez si web. A noter que cette position ne se- ces dernières sont disponibles, parta- ra bientôt plus tenable à l’heure où gées, utiles pour votre business, etc. » Comme le dit Christian Mustad, cofon- Commencer les gens s’informent presque toujours d’abord sur le net avant de prendre dateur d’Iconyl, « il y a une grande dif- férence entre les sujets sur lesquels par des choses simples des décisions. vous devez agir et ceux pour lesquels La numérisation n’est pas toujours sy- « Les technologies à choisir dépendent vous devez opérer une veille ». nonyme de technologie inquiétante, de chaque entreprise, de son domaine de sophistication ou difficile à com- d’activité, de ses besoins, de sa taille, prendre. « Avant de penser à l’intelli- etc. Mais à la base, il est fondamen- gence artificielle* ou à la blockchain*, tal qu’elles aient un environnement in- si toutes les entreprises se dotaient formatique très bien conçu qui lui per- 5 DG DERI et IMADEO, « 2018, Rapport sondage commerçants ». Mai 2018.
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