RAPPORT SUR L'INDUSTRIE DE LA TRADUCTION JOHN WYCLIF LA RECONNAISSANCE DE LA PAROLE - MAGAZINE D'INFORMATION SUR LA LANGUE ET LA COMMUNICATION ...
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MAGAZINE D’INFORMATION SUR LA LANGUE ET LA COMMUNICATION Numéro 67 • Printemps 2000 www.otiaq.org R A P P O RT S U R L’ I N D U ST R I E D E L A T R A D U C T I O N J O H N W YC L I F • L A R E CO N N A I S S A N C E D E L A PA R O L E
2021, rue Union, Bureau 1108 Publié quatre fois l’an par l’Ordre des traducteurs Montréal (Québec) H3A 2S9 et interprètes agréés du Québec Tél. : (514) 845-4411, téléc. : (514) 845-9903 Courriel : otiaq@odyssee.net Nous aimons vous lire. Site web : http://www.otiaq.org Écrivez-nous Responsable du Secteur communications, OTIAQ Publicité Micheline Simard Éric Arminjon, Agence Tournesol Tél. : (514) 398-9838 Direction pour nous faire part Betty Cohen Téléc. : (514) 398-9800 Avis aux auteurs : Veuillez envoyer votre article à l’attention de Rédactrice en chef Circuit, sous format RTF, sur disquette ou par courrier électro- Gloria Kearns nique. de vos commentaires. Toute reproduction est interdite sans l’autorisation de l’éditeur et de l’auteur. Rédaction La rédaction est responsable du choix des textes publiés, mais les opinions ex- Manon Bergeron, Michel Buttiens (Des livres), Betty Cohen primées n’engagent que les auteurs. L’éditeur n’assume aucune responsabilité en ce qui concerne les annonces paraissant dans Circuit. (Silhouette, Sur le vif ), Aline Francoeur (Des mots), Didier Lafond, Solange Lapierre (Curiosités), Éric Poirier (Des revues), Wallace © OTIAQ Schwab (Des techniques) Dépôt légal - 1er trimestre 2000 2021, rue Union, Bureau 1108 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada Dossier Montréal (Québec) H3A 2S9 Betty Cohen ISSN 0821-1876 Tarif d’abonnement Tél. : (514) 845-4411, téléc. : (514) 845-9903 Ont collaboré à ce numéro Membres de l’OTIAQ : abonnement gratuit Courriel : otiaq@odyssee.net Georges L. Bastin, Julien Boulay, Pierre Cloutier, Margaret Non-membres : 35 $ par année (40 $ à l’extérieur du Canada), TPS Jackson, Lynne Leslie, Aline Manson, Marie-Ève Racette, Josh incluse. Chèque ou mandat-poste à l’ordre de « Circuit OTIAQ » Site web : http://www.otiaq.org Wallace (voir adresse ci-dessus). Direction artistique, éditique, prépresse et impression Mardigrafe inc. Deux fois lauréat du Prix de la meilleure publication nationale en traduction de la Fédération internatio- nale des traducteurs. PROGRAMME D’ASSURANCE POUR LES MEMBRES DE L’OTIAQ Une protection par un échange de incomplète se traduit mots avec l’assureur… immanquablement Profitez des protections de qualité qui vous sont offertes à prix de groupe : • assurances auto-habitation • assurance médicaments • assurance juridique • assurances vie, accidents, salaire • assurance voyage • assurance des entreprises Pour obtenir une soumission gratuite, communiquez sans tarder avec un conseiller de Dale-Parizeau LM, OUR LES ME UP MB RAMME CONÇ le distributeur exclusif du programme. RES DE L’OR Courtiers-conseils Partout au Québec : OG D RE en assurances PR et protections financières 1 877 807-3756 Visitez notre site : www.dplm.com
POUR COMMENCER Nous étions secrétaires bilingues, nous voilà industrie ! N O 67 PRINTEMPS 2000 Dossier 4 Pour la première fois, une étude Betty Cohen, trad. a. de grande envergure nous donne une image exacte de ce que nous représentons dans l’économie canadienne. Les réactions à cette étude, et parti- J’ai toujours été très fière de faire partie d’une profession, avec ses exi- culièrement à ses recommanda- tions, sont mitigées. Circuit a gences de qualité et de service, ses titres de noblesse, le caractère per- donc décidé de s’y intéresser, sonnel des relations-clients, etc., un peu comme le serait un avocat, un notaire ou un mé- en espérant susciter une ré- flexion, un débat ou une action. decin. Me voilà aujourd’hui reléguée au rang de travailleur d’une industrie, avec rentabilité et productivité à la clé et, pourquoi pas, travail à la chaîne. Sur le vif 17 Il est vrai que l’évolution du marché ne nous laisse pas grand choix, mais faut-il Jean-Paul Coty, l’un des plus fervents défenseurs de la pro- pour autant abandonner la reconnaissance du Service professionnel avec un grand S ? fession, s’éteint ; les Échappées sur le futur. Le Canada est reconnu depuis longtemps comme l’un des pays où la profession est le mieux organisée. Nous sommes passés, en une trentaine d’années, de la secrétaire bi- Pages d’histoire 18 lingue au traducteur indépendant servant une variété de clients, toujours les mêmes, Au XIV siècle, grâce à John e Wyclif, paraît la première qui lui font confiance. Devons-nous, alors même que le besoin de traduction n’est plus version intégrale de la Bible en anglais. vécu comme un mal nécessaire, mais comme un tremplin vers la mondialisation — avec les galons gagnés au passage —, nous plier à toutes les exigences de rapidité et Des livres 20 de qualité, sans essayer au moins de faire comprendre que, justement, rapidité et qua- Mordecai Richler en traduction : français d’ici vs langue du Vieux lité vont rarement de pair, et encore moins avec bas prix ? Continent ; rédiger et vulgariser les textes scientifiques ; CD- Où est passé le traducteur conseiller linguistique, spécialiste de la communication ROM : les outils d’aide à la ré- interculturelle ? Ces grandes idées ont-elles complètement disparu, fondu comme daction de Termium ; les nou- veautés livres. neige au soleil devant Internet, Trados, Systran et autres Déjà Vu ? Les aides informatiques à la traduction sont des innovations bienvenues qui nous Des revues 26 aident beaucoup plus qu’elles nous menacent. Mais encore faut-il se les approprier et « Let it be » ; « Il me fait plaisir de… » ; « être stupéfait par… » ; savoir s’en servir, c’est-à-dire, d’une part, arrêter de laisser nos clients les acheter à le marketing du traducteur ; re- gard sur les Anglo-Québécois. l’aveuglette, et les conseiller sur leurs achats ; d’autre part, utiliser nous-mêmes ces outils à bon escient, pour offrir un service rapide et de qualité professionnelle. Cepen- Curiosités 28 dant, cela implique une transformation radicale, non pas des méthodes de travail, mais L’Allemagne a beau succomber aux anglicismes, ses propres des esprits. Cela suppose que nous cessions nous-mêmes de voir notre métier comme mots se retrouvent aux quatre coins du globe. un travail à la pièce, mais que nous le considérions comme un service global et intégré que nous offrons à nos clients dans le cadre d’une relation à long terme. Des mots 29 Regarder notre marché dans sa globalité, c’est, en définitive, ce que nous propose Des ressources de qualité sur Internet pour les langagiers aux le Rapport final du Comité sectoriel de l’industrie de la traduction, dont nous avons prises avec les difficultés de la langue française. parlé à plusieurs reprises dans Circuit. Ce rapport est le résultat d’un travail exhaustif et sérieux et mérite que l’on y réfléchisse individuellement et collectivement. C’est Des techniques 30 pourquoi nous avons voulu, dans ce numéro de notre magazine, stimuler la réflexion et Les logiciels de reconnaissance de la parole : d’une efficacité le débat en proposant les points de vue de quelques personnes choisies. variable selon la langue et l’accent.
DOSSIER RAPPORT SUR L’ I N D U S T R I E DE LA TRADUCTION Une première… avec ses qualités et ses défauts I l y a trois ans déjà, sur une initiative d’Industrie Canada, les associations de traducteurs, interprètes et terminologues, les concepteurs d’outils informatiques liés à la traduction, les universités et le Bureau de la traduction du gouvernement fédéral se réunissaient autour d’une même table afin, tout d’abord, de mener une étude approfondie du secteur d’activité économique que représentait la traduction au Canada ; ensuite, d’examiner les moyens d’exporter nos services à l’étranger. De cette initiative est né le Comité sectoriel de l’industrie canadienne de la traduction, baptisé sur le modèle d’autres comités de même type. Ce comité, épaulé par Industrie Canada, Ressources humaines Canada et le Bureau de la traduction, a donc fait faire, par un cabi- net d’experts, une étude complète du marché couvrant à la fois la demande de services, à savoir les entreprises clientes possédant ou non un service de traduction interne, l’offre, c’est-à-dire les fournisseurs de services de traduction et les concepteurs d’outils informatiques et, enfin, la relève par les organismes de formation. L’étude qui, à en juger par les rapports sectoriels1, a porté vérita- blement sur l’ensemble du marché canadien, a fait l’objet d’un rapport2 comportant non moins de par Betty Cohen, trad. a. 42 recommandations, de quoi satisfaire tout le monde et son père… Il est normal, lorsqu’une étude d’une telle envergure est menée pour la première fois, que l’on veuille tout voir, tout traiter et tout dire. Et il faut accorder à ce travail un mérite qui lui revient in- contestablement : celui de nous avoir enfin donné une image exacte de ce que nous représentons dans l’économie canadienne. Mais d’aucuns pourraient lui reprocher, justement, de ratisser trop large et de ne pas mieux cibler les objectifs en indiquant aussi les moyens d’y parvenir. Certains pensent par ailleurs que l’on a fait dire à cette étude ce que l’on a voulu qu’elle dise. Mais n’est- ce pas là le propre de n’importe quelle étude de ce genre ? Et il y a ceux qui pensent que cette étude est une première étape vers la transformation de notre profession et son adaptation aux nouvelles conditions d’un marché de plus en plus mondial. Ceux-là veulent donner suite au rap- port et se plaignent de l’apathie régnante. Qui a raison ? Qui a tort ? Probablement personne et tout le monde à la fois. En ce qui nous concerne, nous avons voulu, dans ce dossier, non pas refaire l’étude — loin s’en faut ! —, non pas non plus la critiquer pour le plaisir, mais donner la parole à quelques personnes qui avaient leur Circuit • Printemps 2000 mot à dire, en espérant susciter une réflexion, un débat ou, mieux, une action. Car, après tout, nous sommes les premiers concernés, et il s’agit de notre avenir. 1 . Le s q u a t re ra p p o r t s s e c t o r i e l s s o n t d i s p o n i b l e s a u p r è s d e s a s s o c i a t i o n s p ro f e s s i o n n e l l e s m e m b re s d u C T I C . I l s s o n t i n t i t u l é s E n q u ê t e a u p r è s d e s c l i e n t s , E n q u ê t e a u p r è s d e s f o u r n i s s e u r s , E n q u ê t e a u p r è s d e s o rg a n i s m e s d e f o r m a t i o n , E n q u ê t e a u p r è s d e s c o n c e p t e u r s d ’ o u t i l s d e t ra d u c t i o n . 2 . L’ i n d u s t r i e c a n a d i e n n e d e l a t ra d u c t i o n , s t ra t é g i e d e d é ve l o p p e m e n t d e s re s s o u rc e s h u m a i n e s e t d ’ e x p o r t a t i o n . H u l l , s e p t e m b re 1 9 9 9 , 1 1 2 p. Le ra p p o r t e s t p u b l i é s u r l e s i t e d u C o m i t é à l ’ a d re s s e s u i va n t e : h t t p : / / w w w. i n d u s t r i e t ra d u c t i o n . c a 4
La traduction canadienne en mutation A près avoir mené en 1998 une étude sur le milieu, le Comité sectoriel de l’industrie canadienne de la traduction publiait son rapport final, le 30 sep- d’intégrer la technologie à la fonction traduction pour assurer l’uniformité ou la diversité terminologique, lo- caliser les contenus, réutiliser les documents ou systé- par Aline Manson, trad. a. tembre 1999. matiser la création de documents, par exemple. Relève — Les traducteurs ne sont pas assez nom- breux. Ont-ils aujourd’hui toutes les qualifications re- Accord sur les constats, mais… quises ? Une nouvelle définition de la compétence Les conclusions et recommandations dégagées s’impose, qui tiendra compte du nombre nécessaire par le Comité ont été validées par les représentants de combinaisons linguistiques à maîtriser, des con- du domaine et constituent la stratégie de développe- naissances des outils technologiques à détenir et de ment et d’exportation de l’industrie canadienne de la la capacité de gérer des projets. traduction ainsi que la stratégie de développement Traduction et contenu — La traduction se redéfinit des ressources humaines. comme partie intégrante de la création des docu- ments et des contenus ; elle s’intégrera dans l’envi- ronnement auteur. La traduction et le multimédia ; la … perceptions différentes traduction et le plurimédia sont de nouvelles réalités. quant à l’urgence d’agir Toutefois, s’ils s’accordent sur les constats, les divers intervenants ne ressentent pas tous le même Un point de convergence : sentiment d’urgence concernant la mise en œuvre des l’action concertée recommandations du rapport. Cette divergence d’opi- Chacun des groupes d’intervenants a besoin des nions s’explique par le fait que le travail ne manque autres : pas en langues officielles et que peu ont senti la • pour échanger de l’information ; menace des grandes entreprises étrangères qui ob- • pour intégrer les meilleures pratiques dans son tiennent les nouveaux contrats de traduction. Pour- propre exercice de la profession ; tant, en raison de la faiblesse des marges bénéfi- • pour préserver la viabilité de l’industrie de la tra- ciaires dans le secteur privé et de l’ampleur des duction au Canada et lui permettre d’accéder à une exigences d’efficacité dans le secteur public, les situation d’épanouissement qui se crée actuelle- investissements dans l’avenir sont timides, qu’il ment ailleurs ; s’agisse de relève ou de technologie. De plus, le chan- • pour avoir une force d’action malgré la fragmenta- gement s’implante lentement dans le milieu universi- tion de ce secteur économique — ni l’individu seul, taire, en raison des contraintes financières et de la ni la petite entreprise ne peut prendre des mesures lourdeur du processus de création des programmes. à long terme et accéder à la maturité économique ; Quant aux outils d’aide à la traduction et de traduc- • pour mettre en œuvre les nouvelles alliances tion automatique, il sont peu connus, mal évalués et du monde économique moderne (public-privé, con- considérés comme difficiles à intégrer dans des opé- currence-partenariat, travail-étude, rentabilité- rations courantes. entreprise apprenante, traduction-localisation) ; • pour promouvoir la profession et le secteur écono- mique que représente la traduction. Quatre impératifs et La question n’est plus de savoir qui, du privé ou du quatre axes d’action public, l’emportera sur un marché, si l’on fonctionne Multilinguisme — C’est le nouveau mot d’ordre de dans un cadre de sous-traitance ou de partenariat, si la traduction, mondialisation oblige. Pour offrir des la traduction englobe la localisation ou si c’est le con- services multilingues indispensables pour l’exporta- traire. Il faut plutôt constater que toutes ces situations tion, le milieu de la traduction devra s’associer à existent et que les acteurs jouent tous les rôles consé- d’autres professionnels dans le monde ou tout perdre cutivement ou parfois simultanément. Ce n’est pour- (les exportateurs canadiens font déjà traduire leurs tant pas la pagaille ! C’est une économie en mouve- Circuit • Printemps 2000 documents ou localiser leurs logiciels dans d’autres ment dont les acteurs compétents sont prêts à jouer pays). Les traducteurs seront-ils des chefs de projet ensemble. Cela exige un engagement personnel et ou des sous-traitants de compagnies multinationales conjoint de tous les acteurs, non seulement au niveau de traduction ? de la réflexion commune, mais aussi de l’action com- Technologie — Sous la pression des clients, il faut mune et de l’investissement financier. L’association- offrir qualité et vitesse ; il faut donc trouver les moyens réseau devrait être le lieu de l’action concertée. 5 Al i n e M a n s o n e s t c h a rg é e d e c o m p t e s c l i e n t s a u B u re a u d e l a t ra d u c t i o n . E l l e a a g i c o m m e g e s t i o n n a i re d e p ro j e t p o u r l e C o m i t é s e c t o r i e l d e l ’ i n d u s t r i e c a n a d i e n n e d e l a t ra d u c t i o n , d e s e p t e m b re 1 9 9 8 à j u i n 1 9 9 9 .
DOSSIER RAPPORT SUR L’ I N D U S T R I E DE LA TRADUCTION Les recommandations N ous renvoyons nos lecteurs au rapport intitulé L’industrie canadienne de la traduction — Stra- tégie de développement des ressources humaines et 11 Appuyer l’initiative d’un regroupement des forces vives dans le domaine de la linguistique informatique, y compris la recherche en traitement automatique des d’exportation, disponible sur Internet à l’adresse langues naturelles et en outils d’aide à la traduction. www.industrietraduction.ca. Toutefois, pour faciliter la lecture de nos articles, nous donnons ici, briève- ment, les 42 recommandations. Étudier la possibilité de mettre en place un méca- 12 nisme d’information sur les outils d’aide à la traduc- tion et sur la traduction automatique. 1 Créer une association-réseau des intervenants de l’in- dustrie de la traduction. 13 Renforcer, dans les conférences des associations, la présentation des outils d’aide à la traduction et de la traduction automatique. 2 Sensibiliser les instances gouvernementales et les en- treprises privées au besoin d’utiliser des fournisseurs 14 Sensibiliser les intervenants à la formation de parte- nariats avec des entreprises américaines. qualifiés ; sensibiliser les acheteurs de services de traduction aux normes de qualité canadiennes et les incorporer aux appels d’offres. 15 Promouvoir l’industrie canadienne de la traduction dans les missions d’Équipe Canada. 3 16 Encourager la création de répertoires électroniques Sensibiliser l’industrie à l’importance du facteur taille, des services offerts par les cabinets et les travailleurs compte tenu de l’évolution mondiale des entreprises. autonomes au Canada. 17 Encourager des alliances, des regroupements (formels Aider les travailleurs autonomes à vendre efficace- ou virtuels) entre cabinets ou travailleurs autonomes ment leurs services à des cabinets étrangers. canadiens afin de créer des masses critiques sur le plan financier ou au niveau des spécialités sectorielles. 4 19 Inviter les interprètes à mieux faire connaître leurs do- maines de compétence respectifs (interprètes de confé- auprès des filiales étrangères au Canada. 18 Promouvoir les capacités canadiennes de traduction Développer la capacité de gérer au Canada la de- rence, judiciaires ou communautaires) et à réfléchir aux mande de traduction et d’interprétation multilingues. moyens qui leur permettraient de mieux s’adapter aux exigences d’une économie de marché, notamment en investissant dans des stratégies d’information, de visi- 20 En collaboration avec les responsables de banques de terminologie canadiennes (TERMIUM®, le Grand dic- tionnaire terminologique), analyser les possibilités bilité et de promotion de leur profession. d’ajouter d’autres langues. 5 Compte tenu des nouvelles réalités mondiales qui ren- dent souhaitable un renforcement de l’industrie de la traduction, mettre en place des mécanismes de colla- 21 Encourager les concepteurs d’outils d’aide à dé- velopper, seuls ou en partenariat avec des en- treprises étrangères, leurs produits en d’autres boration entre le Bureau de la traduction et l’industrie. langues. grandes compagnies de traduction américaines et européennes. 6 Inventorier et diffuser les « meilleures pratiques » des 22 Créer un groupe de travail visant la mise au point de normes dans le domaine des métadonnées destinées à la documentation multilingue. 7 Sensibiliser les bailleurs de fonds, les banquiers et les sociétés de capital de risque au potentiel de l’indus- 23 Créer un mécanisme d’échanges Est-Ouest canadiens dans l’élaboration d’une industrie multilingue. 24 trie pour faciliter l’accès des entreprises de traduction Explorer la formation de partenariats publics-privés aux capitaux privés. pour viser les marchés des organisations internatio- 8 25 Promouvoir l’importance pour l’industrie d’évoluer de nales. la traduction conventionnelle vers des services à plus 26 Créer un groupe de travail sur la localisation. forte valeur ajoutée ou vers des secteurs en forte Créer un groupe de travail sur le marché de la traduc- croissance. 9 27 tion technique. Promouvoir l’adoption d’une politique canadienne de Créer un groupe de travail sur les guichets uniques. soutien à la R & D dans le domaine linguistique sur la base de ce que font d’autres pays. Faire reconnaître les entreprises d’OAT-TA comme secteur de recherche. 28 Sensibiliser les universités canadiennes ayant un dé- partement d’enseignement de la traduction au poten- Circuit • Printemps 2000 10 Promouvoir auprès des intervenants de l’industrie les programmes gouvernementaux d’aide technique et tiel de l’industrie et à l’importance de maintenir des programmes de formation de haute qualité. de soutien au développement de leur entreprise. 29 Sensibiliser les responsables de l’application des langues officielles au Canada à l’importance de soute- nir financièrement le développement de ressources humaines compétentes. 6
30 37 Appuyer les associations professionnelles dans le maintien, le développement et la promotion de pro- grammes de perfectionnement de qualité. Créer un groupe de travail composé de représentants universitaires et de membres de l’industrie concernés afin d’évaluer la nature et l’ampleur de ces nouveaux 31 Trouver des moyens efficaces (stages de perfectionne- ment, formation spécialisée) pour assurer le perfec- tionnement de la main-d’œuvre existante afin de pallier besoins émergents, notamment en linguistique infor- matique et en traitement automatique des langues naturelles. la pénurie de travailleurs expérimentés. 32 Fournir, sur le site Web des associations profession- nelles, des listes à jour de cours existants dans des 38 Tenir à jour les programmes de formation et de perfec- tionnement en y intégrant les domaines de pointe comme la localisation, les outils informatiques d’aide domaines pertinents ainsi qu’un répertoire des res- à la traduction et la gestion de projets en traduction. sources d’enseignement par spécialité et par université. Créer les programmes et les cours requis par les be- 33 soins évolutifs de l’industrie. 39 Mettre sur pied un groupe de travail dont l’objectif sera de proposer des avenues pour favoriser l’entrée Accroître et promouvoir les cours de traduction et d’interprétation dans des langues étrangères ciblées 34 des nouveaux diplômés sur le marché du travail. en fonction des besoins des régions. Encourager les Créer des mécanismes formels de consultation univer- transferts de compétences traductionnelles des sités-employeurs. 35 langues officielles à d’autres langues. 40 Lancer un programme de sensibilisation sur la profes- Encourager les ententes entre universités canadiennes sion de traducteur/interprète et sur les besoins de et étrangères et accroître les échanges d’étudiants. 41 l’industrie canadienne auprès des étudiants, des orienteurs, des entreprises en général. Encourager les interprètes en exercice à acquérir la 36 maîtrise active d’une langue ou d’une combinaison de Solliciter des commandites auprès de grandes entre- langues de travail supplémentaire. 42 prises consommatrices de traduction pour financer les programmes de traduction/interprétation ou Promouvoir les perspectives de carrière en traduc- l’achat d’outils d’aide à la traduction. tion auprès des groupes ethniques demeurant au Canada. Qui trop embrasse mal étreint S elon un spécialiste des études de marché que nous avons consulté, le rapport sur l’industrie ca- nadienne de la traduction manque effectivement de D’autres recommandations sont par ailleurs in- complètes : « promouvoir l’adoption d’une politique canadienne de soutien à la recherche-développement concision. Voici ses propres paroles : « Manifeste- dans le domaine linguistique » est certes louable ; ment, le consultant a tenté de plaire à tous avec ses encore faudrait-il préciser sur quoi devrait porter la re- quarante-deux recommandations, alors que le défi cherche. Informatique ? Traductologie ? Les deux ? était d’établir des priorités pour en arriver à une con- En revanche, des questions réelles sur l’évolution centration des efforts ». Il reproche également le trop du marché manquent à l’appel. Toujours selon notre grand nombre de recommandations « bateau », no- spécialiste, l’étude n’a pas posé de question de fond tamment celles qui concernent l’établissement d’asso- sur les raisons pour lesquelles certaines personnes ciations et de groupes de travail ou la sensibilisation ont quitté la profession ou sur la stagnation des tarifs d’un groupe ou un autre. Selon lui, un tel rapport de- depuis plus de 10 ans au Canada, alors que ceux-ci ont vrait, au contraire, proposer des solutions ou des augmenté aux États-Unis. Rien n’est dit non plus, mis axes concrets. « On aimerait savoir, affirme-t-il, com- à part les chiffres, sur la compétitivité véritable des Circuit • Printemps 2000 ment convaincre les grandes entreprises consomma- tarifs canadiens à l’échelle mondiale. Une telle ana- trices de traduction de financer les programmes de lyse semble pourtant indispensable si l’objectif est formation, ou comment sensibiliser les banquiers au d’exporter les services canadiens à l’étranger. potentiel de l’industrie. On aimerait également savoir B. C. comment sera financée l’association-réseau des inter- venants de l’industrie de la traduction. » 7
DOSSIER RAPPORT SUR L’ I N D U S T R I E DE LA TRADUCTION Associations professionnelles : deux poids, deux mesures Selon leur taille, L es associations professionnelles de petite taille, notamment celles de l’Est du Canada, se sentent peu concernées par l’étude du Comité sectoriel sur entre les plus grandes associations et les grands joueurs de l’industrie ». On accueille cependant avec grand intérêt l’établissement de normes de qualité les associations l’industrie de la traduction. Leurs membres disent en effet avoir plus de travail qu’ils n’en demandent et pertinentes, la diffusion d’information sur les outils d’aide à la traduction et la traduction automatique et professionnelles vont parfois chercher de l’aide dans les autres pro- la promotion de la profession, à condition que l’on de traducteurs, vinces du Canada. Cette réalité semble partagée par certains membres des associations plus importantes. prévoie un soutien pour les petites. Les deux plus grandes associations du Canada, à terminologues Au Québec, notamment, si les jeunes voient l’action savoir celles de l’Ontario et du Québec, sont plus ou- du Comité comme une ouverture sur le monde qui ne vertes à la création de cette association-réseau. Elles et interprètes peut avoir que des retombées positives, les moins craignent toutefois que la mission trop étoffée que des diverses jeunes se reconnaissent dans les données, mais ne l’on veut lui donner n’aboutisse à une dispersion des sont pas prêts, souvent par manque de temps, à faire efforts. Selon Marie Gouin, présidente de l’OTIAQ, il provinces ne un effort dans le sens demandé. Il ressort en fait de serait préférable d’établir des priorités et des objectifs réagissent ces réactions ce qui se dit depuis la publication du rapport : les traducteurs canadiens ont un marché in- mieux ciblés afin de garantir leur réalisation. Les prio- rités qu’elle suggère sont la promotion de l’industrie pas de la même térieur qui les occupe et leur suffit, et ils ne voient pas d’une part et, d’autre part, un rôle de veille de l’évolu- la nécessité d’aller ailleurs. Perçoivent-ils la menace tion du marché mondial de la traduction. Les deux façon aux des traducteurs extérieurs qui offrent leurs services grandes associations préfèrent par ailleurs laisser aux recommandations par Internet ? Apparemment non, et l’avènement d’In- provinces le volet touchant aux normes de qualité. ternet ne semble pas avoir changé leur vie, si ce n’est Cela est compréhensible de la part de l’OTIAQ, qui du rapport. les échéances plus courtes qu’on leur accorde. doit obéir aux règles du Code des professions du Québec, et l’ATIO2 semble pencher dans le même sens selon Fabrice Cadieux, président. Son vœu est que le par Betty Cohen, trad. a. L’association-réseau : utile, certes, rôle de conseil et de gardien du professionnalisme mais tout dépend soit assuré par le CTIC3, donc par les associations pro- La recommandation no 1 concernant la création fessionnelles. On estime en effet que ces dernières d’une association-réseau des intervenants de l’indus- sont les mieux placées pour établir et garantir les trie de la traduction est perçue différemment par les normes de qualité puisqu’elles le font déjà et que cela associations provinciales selon leur taille et les res- fait partie de leur mission première. O sources dont elles dispo- sent. Celles que nous appe- lons les petites associations, Le perfectionnement, souhaitable notamment celles de la Nou- mais difficile n estime en effet velle-Écosse et du Nouveau- Le perfectionnement des professionnels en exer- que [les associations Brunswick, voient certes en cice, qui fait l’objet de la recommandation 30, est un professionnelles] cette nouvelle association- problème connu des associations et fait également réseau une possibilité de partie de leurs priorités. Cependant, les moyens sont sont les mieux réunir les efforts pour pro- différents, là encore, d’une province à l’autre. Alors placées pour établir mouvoir la profession, mais que l’OTIAQ, par exemple, organise depuis de nom- discernent également une breuses années des cours de perfectionnement pour et garantir les menace d’éparpillement des ses membres, les petites associations ont plus de normes de qualité forces déjà peu nombreuses mal, par manque de ressources, à répondre à ce Circuit • Printemps 2000 puisqu’elles le font dont elles disposent. Elles besoin. Elles disposent certes des cours dispensés craignent par ailleurs, selon par le Bureau de la traduction, mais ces cours sont of- déjà et que cela les termes de Sylvain Filion, ferts au prix fort, auquel s’ajoute la perte d’une jour- fait partie de leur de l’ATINE1, « que les petites née de travail pour le traducteur indépendant. On pro- mission première. associations et leurs mem- pose par conséquent des partenariats avec les bres se trouvent “coincés” universités ou encore avec les associations qui dis- 8
Comme les convoyeurs, les dirigeants de cabinets attendent pensent des cours à leurs membres. Les nouvelles techniques permettraient notamment des cours par téléconférence. P our les dirigeants de cabinets de traduction, le grand intérêt du Rapport final du Comité sectoriel de l’industrie canadienne de la traduction semble être la lumière qu’il jette sur un secteur où prévaut généra- Perçu par les L’encadrement de la relève, lement un flou artistique ; ils y ont notamment vu la possibilité de se situer par rapport à l’ensemble du dirigeants de le talon d’Achille marché. En effet, si, pour certains, l’appartenance à la cabinets de L’encadrement de la relève semble le problème le plus épineux au sein des associations profession- « poignée » de grands cabinets au Canada ne faisait aucun doute, d’autres ont été surpris de constater que traduction comme nelles. On ne dispose, en effet, d’aucun mécanisme leur chiffre d’affaires les classait dans cette catégorie. un projet d’encadrement systématique de la relève, et le Rien d’étonnant à cela puisque, concurrence oblige, manque est cruel. On ne voit pas non plus comment ré- l’information circule peu entre les entreprises spéciali- ambitieux, le soudre le problème, à moins de recourir, une fois de sées en traduction et que tout ce qui concerne les Rapport final du plus, au Bureau de la traduction ou aux services in- tarifs, les salaires et les avantages sociaux, entre ternes des grandes entreprises. Comment, autrement, autres éléments, demeure un sujet tabou. Comité sectoriel demander à un traducteur indépendant déjà débordé ou à un cabinet dont les marges bénéficiaires sont mi- Cette étude a donc permis de mettre au jour quelques-uns des grands secrets entourant l’aspect de l’industrie nimes d’accepter un stagiaire et de l’encadrer. Des commercial de la traduction : les tarifs moyens prati- canadienne de la éléments de solution apparaissent toutefois, notam- qués par les cabinets, notamment, mais aussi les ment dans les programmes coopératifs des universi- marges bénéficiaires brutes et même l’existence d’une traduction tés ou dans des initiatives comme le cabinet de tra- association regroupant les cabinets de traduction. contient des duction étudiant Langulaire à Québec. L’OTIAQ travaille par ailleurs à la mise en place d’un pro- statistiques Créer une association-réseau gramme de mentorat pour les nouveaux diplômés. Mais il reste que ces initiatives sont loin de suffire et des intervenants de l’industrie intéressantes sur que l’action devrait être plus globale et concertée. La création d’une association-réseau des interve- nos professions, nants de l’industrie de la traduction se heurterait à un obstacle de taille : l’absence d’une tradition de colla- mais déroute par Une initiative bienvenue, quoi qu’il en soit boration et d’esprit de partage entre cabinets. Cer- la diversité de ses tains ont encore en mémoire les difficultés rencon- Le rapport dans son ensemble et le travail du trées lors de l’apparition des premières bases de recommandations. Comité sectoriel ont néanmoins été bien reçus, ne données terminologiques. Se fondant sur des critères serait-ce que par l’information qu’ils apportent. Les de non-divulgation de propriété intellectuelle, nombre par Michel Buttiens, trad. a. grandes associations insistent sur le fait qu’ils ne de représentants de services internes s’étaient alors constituent qu’un début et que la profession doit à montrés très réticents à mettre en commun les don- présent se prendre en main et agir, forte de l’informa- nées terminologiques recueillies au sein de leur entre- tion dont elle dispose. Comment et avec quels prise. On peut douter que cet esprit de clocher ait dis- moyens ? Tout est là. Le Bureau de la traduction a paru à présent que les grandes entreprises ont poursuivi les travaux et dégagé des fonds pour étu- externalisé leurs services linguistiques et que les cabi- dier les divers moyens d’y donner suite. Les résultats nets ont pris la relève. ne sont pas encore connus, mais il est certain que Certains objectifs de ce genre d’association appa- rien ne sera fait si les associations et leurs membres raissent malgré tout louables. L’instauration de normes ne participent pas à ce débat et ne se reconnaissent de qualité pour les travaux exécutés par les cabinets, Circuit • Printemps 2000 pas dans les enjeux qu’il soulève. par exemple, serait accueillie de façon très favorable. Il 1 . A s s o c i a t i o n d e s t ra d u c t e u r s e t i n t e r p r è t e s d e N o u ve l l e - en va de même de la promotion, auprès des clientèles Écosse cibles, des différentes compétences et professions. 2 . A s s o c i a t i o n d e s t ra d u c t e u r s e t i n t e r p r è t e s d e l ’ O n t a r i o 3 . C o n s e i l d e s t ra d u c t e u r s e t i n t e r p r è t e s d u C a n a d a Cette mesure pourrait permettre de mener à bien une éducation de la clientèle dont nos professions sem- blent avoir grand besoin. En effet, comme il n’existe 9 M i c h e l B u t t i e n s e xe rc e s a p ro f e s s i o n d e r é d a c t e u r- t ra d u c t e u r t e c h - n i q u e e t l i t t é ra i re s o u s l a ra i s o n s o c i a l e d e Tra d u l i t e c h .
DOSSIER RAPPORT SUR L’ I N D U S T R I E DE LA TRADUCTION pas actuellement de forum clients-fournisseurs de ser- Dans le sillage de l’ALÉNA vices de traduction, les dirigeants de cabinets se heur- Les partenariats avec des entreprises américaines, tent fréquemment, auprès de leurs clients canadiens, qui font l’objet d’une recommandation distincte du à un problème de méconnaissance profonde de la Rapport, sont envisageables à condition que les par- nature de leur travail. Si l’on envisage l’éducation de tenaires aient des objectifs communs. Le principal la clientèle à l’échelle mondiale, il va sans dire que la obstacle à l’instauration de partenariats de ce type question de la méconnaissance de nos professions se semble résider dans le niveau des tarifs. En effet, con- compliquera davantage en raison des différences cul- trairement aux résultats figurant dans le Rapport, les turelles entre les clients potentiels. dirigeants de cabinets demeurent convaincus qu’il Mis à part des mesures qui semblent relativement existe un écart important entre les tarifs pratiqués aux faciles à mettre en place — l’instauration de liens États-Unis et au Canada. S’agit-il là d’une perception entre les différents sites Web des organismes du do- dépassée dont la nouvelle donne qui semble voir le maine de la traduction, par exemple —, les autres jour au sud de la frontière canado-américaine finira moyens proposés draineraient des ressources dont la par avoir raison ? C’est certes un dossier que les diri- provenance demeure actuellement incertaine. geants de cabinets canadiens suivront avec attention. À l’ère des regroupements Gérer des projets multilingues Les rédacteurs du Rapport ont réagi à la vague de Les revenus de la plupart des cabinets, petits et regroupements qui a commencé à déferler sur le sec- grands, proviennent principalement des combinaisons teur mondial de la traduction, comme sur bien anglais-français et français-anglais. Toutefois, on note d’autres d’ailleurs. Les dirigeants de cabinets sont-ils une hausse de la demande dans d’autres langues, prêts à envisager d’unir leurs forces « afin de créer principalement l’espagnol, et les dirigeants de cabi- des masses critiques sur le plan financier ou au nets s’efforcent de la satisfaire, souvent en utilisant niveau des spécialités sectorielles » ? Le tout semble des ressources locales. Même si l’apparition de nou- être une question de vision d’entreprise. Certains ca- velles technologies semble avoir aboli les frontières, binets ont, à n’en pas douter, des visées mondiales. on constate, dans la pratique quotidienne, que ces D’autres préfèrent se concentrer sur un marché local frontières subsistent. La gestion de travaux exécutés suffisamment important tout en demeurant ouverts à en dehors des frontières canadiennes ne va pas sans des partenariats ponctuels. difficultés, liées notamment aux tarifs, à la conversion Se pose alors la question du choix du partenaire, des devises et à la facturation, mais aussi aux habi- et le critère de qualité est, aux yeux de certains, le tudes de travail et à la culture. Pour toutes ces rai- premier à prendre en ligne de compte. Pour les diri- sons, les dirigeants des cabinets canadiens aux visées geants de cabinets d’envergure mondiale, la question locales demeurent réfractaires à l’idée de faire appel à du partenariat ne se pose pas : ils disposent de res- des fournisseurs installés à l’étranger. La situation est sources suffisantes dans leurs différents bureaux bien différente, on s’en doute, au sein des entreprises pour absorber les plus forts volumes et, au besoin, déjà bien établies sur la scène mondiale. créent des équipes ad hoc. Les cabinets aux visées plus locales n’ont cependant pas accès à ce genre de ressources… ou ne les ont pas encore explorées. En attendant la suite Si le Rapport final du Comité sectoriel de l’indus- trie canadienne de la traduction a donc suscité un cer- tain intérêt auprès des dirigeants de cabinets, on constate un scepticisme manifeste face à ses princi- pales recommandations. L’impression très nette qui se dégage de cette consultation est que, comme les convoyeurs, les dirigeants de cabinets attendent. Circuit • Printemps 2000 10
Traducteurs indépendants : U small is beautiful L es réactions des traducteurs indépendants que nous avons interrogés sur le rapport rejoignent plus ou moins celles des autres groupes, à cela près large suppliers in some instances, and small special- ized suppliers in others.” « Un réseau pourrait effectivement être souhai- n réseau pourrait effectivement être qu’ils ne croient pas à l’association-réseau, superstruc- table, mais il faudra pour cela développer l’esprit de souhaitable, mais il ture qui, selon eux viendra s’ajouter à une structure leadership et d’entrepreneurship chez les traducteurs.» faudra pour cela déjà lourde et en panne de ressources (nous avons « Pour qui se soucie de l’avenir de la traduction et développer l’esprit de nommé les associations provinciales et le CTIC). Il est des jeunes générations de traducteurs, je crois que ce également étonnant de constater que l’expression « Big rapport est important. Il fait le point. Il rassemble leadership et Brother » revient souvent dans ces commentaires. Voici toutes les constatations du milieu… C’est un travail gi- d’entrepreneurship chez quelques extraits des témoignages reçus : gantesque, et les gens qui ont participé à sa prépara- les traducteurs. « … compte tenu que je viens du Québec qui tion méritent nos félicitations. » souffre de “structurite aiguë”, je ne suis pas très « Une telle association, si elle devait exister, de- chaud à l’idée d’une autre association qui chapeautera vrait selon moi émaner du CTIC… Pourquoi ne serait-il les associations existantes pour le bien de toutes. » pas le parrain de telles initiatives qui seraient alors « À une époque pourtant pas si lointaine, on disait plus ou moins sous le contrôle des associations pro- “small is beautiful”. Mais depuis un certain temps, vinciales, donc de la base, donc des professionnels re- toutes les grenouilles veulent devenir des bœufs. Il connus comme tels ? » faudrait sans doute relire La Fontaine avant d’entrer « Je me sens mal à l’aise dans les grands en- dans l’arène et de se faire égorger dans la grande cor- sembles étouffants où l’individu devient un pion, un rida universelle. » numéro ou un esclave remplaçable à volonté s’il “I am dismayed to learn that yet again, the so- refuse de se plier au diktat de Big Brother. » called ‘leaders’ in our industry have adopted a one- « Il se dégage de ces recommandations un senti- size-fits-all approach, and that size is BIG.” ment d’urgence et de pression qui laisse penser que “The large players in the industry are apparently l’indépendant sera au service d’une grosse machine à blinded, by their own aggrandize self-image, to the la recherche d’une production maximale au meilleur basic reality of any market: there are small and large coût. » clients, whose specific needs may best be served by Cinéma et littérature aux oubliettes T rès complet, le Rapport final du Comité sectoriel de l’industrie canadienne de la traduction n’en a pas moins laissé carrément de côté une facette de notre Canada — seul élément véritablement quantifiable dans ce domaine — ne dépasse pas le million de dol- lars. Mais il existe bien des traducteurs littéraires au profession qui compte parmi les plus visibles auprès du Canada ; nous en avons rencontrés. grand public : je veux parler de la traduction pour les in- De plus, les traducteurs littéraires canadiens font, dustries de l’édition et du cinéma. Vous aurez beau eux aussi, face à des problèmes liés à la mondiali- feuilleter le Rapport, tâcher de lire entre les lignes, vous sation. Que l’on pense au protectionnisme français ne trouverez aucune allusion à cet aspect pourtant dans le cas du doublage des films et séries télévi- noble du métier. Le nom de l’Association des traduc- sées et de la traduction d’œuvres littéraires d’ori- teurs et traductrices littéraires du Canada (ATTLC) n’y gine américaine et même canadienne-anglaise. figure nulle part. Il s’agit pourtant d’une des deux asso- Et puisque les auteurs du Rapport final du ciations canadiennes membres de la Fédération inter- Comité sectoriel de l’industrie canadienne de la nationale des traducteurs, l’autre étant le Conseil des traduction recommandent d’adopter une vision Circuit • Printemps 2000 traducteurs et interprètes du Canada. mondiale de la traduction, la perspective d’une Certes, la traduction littéraire ne représente qu’un percée sur le marché de la traduction d’œuvres lit- petit segment de l’industrie canadienne de la traduc- téraires ou cinématographiques américaines pour- tion. Certes, l’ATTLC ne compte que quelque 130 mem- rait être assortie d’un nombre considérable de zéros bres au pays. Certes, le montant total des subventions avant le signe de dollar… US ! versées à la traduction par le Conseil des arts du M. B. 11
DOSSIER RAPPORT SUR L’ I N D U S T R I E DE LA TRADUCTION Les universités sont sur la bonne voie par Aline Francoeur, term. a. L es recommandations formulées à l’endroit des uni- versités dans le Rapport final du Comité sectoriel de l’industrie canadienne de la traduction ne révèlent de traduction de l’Université de Montréal. La vocation première de l’université, explique-t-il, est de former des diplômés qui maîtrisent les connaissances de rien que l’on ne savait déjà dans le milieu universitaire. base de leur domaine et qui savent faire preuve de Elles viennent plutôt confirmer que les orientations sens critique ; une formation centrée uniquement sur choisies sont les bonnes et que les programmes de l’employabilité immédiate des finissants produirait formation en traduction suivent de près l’évolution du des diplômés qui seraient vite « usés » et qui pour- marché et sont en mesure de s’y adapter. raient difficilement s’adapter au changement. Trois thèmes sont au cœur des recommandations Par ailleurs, les universitaires font généralement qui touchent les universités : les liens avec les em- preuve de réserves à l’idée de solliciter des comman- ployeurs, l’ouverture aux langues étrangères et la dites auprès de grandes entreprises consommatrices tenue à jour des programmes de formation et de de traduction (recommandation 36 du Rapport). Marie- perfectionnement. Christine Aubin, professeur au Collège universitaire de Saint-Boniface2, est catégorique : « Ce n’est pas aux professeurs de solliciter des commandites. » Cette Liens universités-employeurs tâche revient aux administrateurs et aux gestion- En ce qui concerne le premier thème, les interve- naires, croit-elle. C’est aussi le point de vue de Ri- nants interrogés sont unanimes : universités et em- chard Patry, qui souligne en outre que la question des ployeurs doivent travailler de concert. Selon Geneviève commandites soulève des problèmes éthiques impor- Mareschal, directrice de l’École de traduction et d’in- tants, entre autres, celui de la liberté intellectuelle terprétation de l’Université d’Ottawa et de l’Associa- des chercheurs. Louise Brunette croit pour sa part tion canadienne des écoles de traduction (ACET), la qu’il faut faire preuve d’une grande vigilance. « Com- création de mécanismes formels de consultation uni- manditer, c’est acheter. Il ne faut pas que l’université versités-employeurs (recommandation 34 du Rapport) vende son âme au commerce », déclare-t-elle. est chose faite dans la plupart des universités. Ces mécanismes se traduisent par la mise en œuvre de différents projets : ateliers pratiques de traduction en Ouverture aux langues étrangères partenariat avec le Bureau de la traduction, création Le bien-fondé de la recommandation 39 du Rap- d’un programme coop à l’Université de Montréal1, port, qui propose d’accroître et de promouvoir les initiative du département de langues modernes et cours de traduction et d’interprétation dans des de traduction de l’Université du Québec à Trois- langues étrangères, est reconnu d’emblée. Comme le Rivières visant la création d’un cabinet de traduction fait remarquer Massiva N’Zafio, directeur du départe- M intégré aux activités de formation, etc. L’intégration ment de langues modernes et de traduction de l’Uni- de professionnels à titre de chargés de cours consti- versité du Québec à Trois-Rivières, le marché est dé- tue également un moyen effi- sormais sans frontières, et le besoin d’une troisième cace de garder un contact avec langue se fait sentir partout, pas uniquement dans les ême si l’on reconnaît le marché, soulignent Geneviève grands centres. C’est pour répondre à ce besoin qu’il a Mareschal et Louise Brunette, intégré au nouveau programme de traduction de l’Uni- l’importance de créer responsable du programme de versité du Québec à Trois-Rivières3 un cours de ver- et de maintenir des baccalauréat en traduction de sion et de thème en espagnol. Marie-Christine Aubin liens avec les l’Université Concordia. Même si estime pour sa part que tout étudiant en traduction l’on reconnaît l’importance de devrait maîtriser une troisième langue. De son côté, employeurs, on ne créer et de maintenir des liens Louise Brunette croit qu’il faut cultiver le goût des croit pas pour autant avec les employeurs, on ne croit langues au Canada et, surtout, sensibiliser les jeunes pas pour autant que les univer- au fait que la différence n’est pas nécessairement Circuit • Printemps 2000 que les universités sités doivent se plier à toutes menaçante. doivent se plier leurs exigences. L’université et On prône donc d’un commun accord l’ouverture au à toutes leurs l’entreprise privée sont des enti- multilinguisme, en admettant cependant que plu- tés à vocations différentes, rap- sieurs questions restent en suspens quant à la façon exigences. pelle Richard Patry, directeur du d’intégrer les langues étrangères à une formation qui, département de linguistique et jusqu’à présent, était centrée exclusivement sur les 12
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