Un parc naturel marin autour du cap Corse et de l'Agriate - Votre avis sur le projet
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I T I O N S RO P O S P Un parc naturel marin autour du cap Corse et de l’Agriate Votre avis sur le projet
Avant-propos Forgée par la rencontre des différents courants et par la variété des fonds marins, une biodiversité exceptionnelle a pu se développer sur le littoral et au large du cap Corse et de l’Agriate. Elle est depuis longtemps préservée par un peuple soucieux de son île et de ses richesses. Mérou brun, langouste rouge, grande patelle, denti, corb, oursin violet, corail rouge et grande nacre, tortue et grand dauphin peuplent les habitats typiques de la Méditerranée tels que l’herbier de posidonie ou le coralligène. Ceux-ci, bien représentés, révèlent ici un certain nombre de structures remarquables comme les récifs d’herbiers, voire inédites : les atolls de coralligène jamais décrits à ce jour. Les Capcorsins, les habitants de la Conca d’Oro, ceux du Nebbio et de Balagne, tous ont su faire de ce patrimoine un atout : du commerce maritime historique, à destination de l’Italie et de toute la Méditerranée, aux opérateurs actuels d’un tourisme tourné vers ces paysages encore préservés, en passant par les pêcheurs professionnels et par les pêcheurs récréatifs du bord, embarqués ou en apnée. Les richesses des eaux marines sont le socle de l’activité de multiples acteurs. Des points noirs existent cependant. La pression touristique peut générer des comportements altérant la qualité des eaux côtières ; les déchets plastiques s’accumulent sur les plages et en mer jusqu’au fond des canyons ; et la multiplication des usages et des usagers, sur l’eau et sous la surface, rend les conflits de plus en plus ouverts. Le projet de parc naturel marin autour du cap Corse et de l’Agriate est né de la concertation avec tous les acteurs locaux. Au-delà des intérêts particuliers, ces derniers ont su se retrouver sur des objectifs essentiels : mieux connaître le milieu marin, sensibiliser et accompagner les usagers pour faire de ce projet un modèle de développement durable, préserver l’intégrité des écosystèmes marins, contribuer à l’amélioration de la qualité des eaux marines et raviver le lien entre les habitants et la mer. Le futur parc constitue une opportunité pour l’ensemble de la population du cap Corse et de l’Agriate de poursuivre leur engagement de protection et de décider ensemble des choix et de l’avenir de leur espace marin. 3
SOMMAIRE LES AIRES MARINES PROTÉGÉES EN CORSE 6 QU’EST-CE QU’UN PARC NATUREL MARIN ? 10 POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ? 14 CARTE D’IDENTITÉ DE L’ESPACE MARIN 50 LE PÉRIMÈTRE DU PARC NATUREL MARIN 52 LES ORIENTATIONS DE GESTION DU PARC 54 LE CONSEIL DE GESTION DU PARC 68 GLOSSAIRE 72 ANNEXES 74 CRÉDITS ET REMERCIEMENTS 76 5
LES AIRES MARINES PROTÉGÉES Biodiversité : terme utilisé pour décrire EN CORSE le nombre, la variété et la variabilité du vivant. et sa gestion. Il s’agit de poursuivre cet objectif de préservation de la biodiversité par le dévelop- pement durable et le soutien aux sciences de la mer, en cohérence avec les différentes directives européennes concernant la gestion du milieu, et avec les objectifs nationaux. En 2020, 15% des eaux doivent être classées en aires marines proté- gées réglementaires selon l’ASR. Aujourd’hui, avec Montré en exemple dans le bassin méditerranéen, 7,5% des eaux classées en réserves naturelles le caractère préservé de la biodiversité littorale et plusieurs autres projets de création en cours, et marine de Corse est le fruit d’un long travail, la Corse devrait pouvoir tenir son engagement. particulièrement de 1975 à 1999. Une politique Par ailleurs, en 2012, l’ASR proposait déjà sur le volontaire a été développée en matière de gestion secteur d’étude du cap Corse un projet de parc d’espaces protégés telles les réserves naturelles naturel marin. de Scandola, de l’étang de Biguglia, des îles Finoc- chiarola, ou encore des Bouches de Bonifacio, plus En dehors du cadre défini par l’ASR, l’Office de grande réserve naturelle de France métropolitaine. l’environnement de la Corse formalise actuellement Mais avant tout, elle est due à la volonté de la le dossier technique de création et de gestion d’une société corse de prendre en compte, très tôt dans réserve naturelle de Corse, dans le cadre de la mise l’Histoire, la nécessité de protéger le patrimoine en œuvre des mesures compensatoires relatives naturel et d’assurer un développement durable, au projet de construction d’un nouveau port de sur le littoral et en mer. commerce à Bastia. Cette mission s’inscrit dans les compétences particulières de la Collectivité Dans ce contexte, l’Analyse stratégique régionale territoriale de Corse en matière de classement de (ASR) pour le renforcement et la création d’aires réserves naturelles dans l’île. marines protégées (AMP) de la Corse fut initiée par l’Agence des aires marines protégées et menée La convention-cadre ayant servi de fondement à conjointement avec l’Office de l’environnement de la mise en œuvre de la stratégie adoptée par l’État la Corse (OEC) et la Direction régionale de l’envi- et par la Collectivité territoriale de Corse pour la ronnement, de l’aménagement et du logement de création et la gestion des aires marines protégées Corse (Dreal). Elle a été approuvée par délibération au niveau régional a été renouvelée récemment. Elle de l’Assemblée de Corse le 23 mars 2012. Cette permettra de poursuivre une coopération ambitieuse analyse propose de renforcer le réseau d’aires ma- et approfondie, nécessaire à la bonne gestion et à rines protégées de l’île, et d’améliorer sa cohérence la protection du milieu marin en Corse. 6
L’Analyse stratégique régionale (ASR) L’ASR de Corse prévoit à court terme, et sur la base d’un conventionnement précis entre l’État et la région : • d’étendre la Réserve naturelle de Scandola ; • de concrétiser la mise en place du groupement européen de coopération territoriale du parc marin international des Bouches de Bonifacio ; • de réfléchir à la mise en place d’aires marines protégées à finalité halieutique (réflexion en cours autour des îles Sanguinaires) ; • de finaliser les documents d’objectifs des sites Natura 2000 en mer ; • de mettre à l’étude un parc naturel marin au cap Corse. À moyen terme, l’ASR prévoit : • de promouvoir l’implication des collectivités locales corses dans la gestion du sanctuaire Pelagos ; • d’améliorer les connaissances générales océanographiques et biologiques, de la zone côtière jusqu’au large ; • d’étudier et de promouvoir la mise en place d’aires marines protégées (AMP) au-delà des eaux territoriales; • de transférer les bonnes pratiques élaborées dans les AMP de type « réserve naturelle » dans la gestion des sites Natura 2000 en mer ; • de mettre en place les moyens pour la surveillance et le suivi des AMP avec une mutualisation entre elles et une coordination étroite avec les services de l’État ; • d’établir une concertation étroite, voire des partenariats, avec les différents acteurs : pêcheurs professionnels, opérateurs touristiques, usagers non professionnels, acteurs de l’éducation et de la sensibilisation à la protection du milieu marin, scientifiques, etc. LES AIRES MARINES PROTÉGÉES EN CORSE
QU’EST-CE QU’UN PARC NATUREL MARIN ? UN OUTIL DE GESTION POUR LA MER Les parcs marins contribuent ainsi à la planifica- tion spatiale marine, comme le veut la législation Les parcs naturels marins français sont nés offi- européenne. Ils tiennent compte de l’ensemble des ciellement le 14 avril 2006 lorsque fut votée la loi politiques publiques, qu’elles soient européennes créant ce nouvel outil de protection ainsi que l’éta- (Politique commune des pêches, directives euro- blissement public dont ils dépendent : l’Agence des péennes « Habitats » et « Oiseaux », « Stratégie pour aires marines protégées. Le parc naturel marin est le milieu marin » etc.), nationales ou plus locales un outil original par sa gouvernance qui associe (arrêtés préfectoraux, règlements prud’homaux, aux décisions l’ensemble des acteurs concernés. etc.). Chaque parc a ses propres orientations de gestion, traduisant ses enjeux locaux, mais tous poursuivent Outils de gestion intégrée, les parcs naturels marins trois objectifs : la connaissance du milieu marin, permettent dans leur périmètre de mieux coordon- sa protection et le développement durable des ner les divers efforts conduits dans son périmètre activités maritimes. pour la protection de la biodiversité marine et garan- tit la cohérence dans la gestion de l’espace marin. Les parcs naturels marins ont été conçus spéci- La France compte aujourd’hui un réseau de sept fiquement pour les espaces maritimes dans les- parcs naturels marins en métropole et outremer sur quels coexistent des patrimoines naturel et culturel les dix qu’elle s’est engagée à créer. Trois projets remarquables, des écosystèmes de qualité et des sont actuellement à l’étude dont le parc naturel activités maritimes multiples. marin autour du cap Corse et de l’Agriate. 10
Campagne d’acquisition de connaissance, parc naturel marin des Glorieuses, été 2015. Écosystème : ensemble des êtres vivants (biocénose), des éléments non vivants et des conditions climatiques et géologiques (biotopes) qui sont liés et interagissent entre eux. UN PARLEMENT DE LA MER En France, à l’exception de la Polynésie française TROIS OBJECTIFS CLÉS et de la Nouvelle-Calédonie, l’État exerce seul son autorité en mer. Sous la direction des autorités Un parc naturel marin a trois objectifs fondamentaux déconcentrées (préfets et préfets maritimes), il centrés sur le milieu marin : assure à chacun de pouvoir exercer et développer ses activités professionnelles ou de loisirs, dans le • la connaissance, respect des règlements établis. • la protection, • le développement durable des activités maritimes. Un parc naturel marin offre la possibilité à tous les acteurs du milieu marin, représentés au sein d’un Ces objectifs ne sont pas antinomiques, bien au conseil de gestion, de contribuer aux décisions Conseil de gestion du parc contraire. Dans la plupart des cas, ces activités concernant l’espace marin. naturel marin des estuaires dépendent du bon état écologique du milieu. Le picards et de la mer d’Opale. parc naturel marin contribue en outre à la sensibili- Cette gouvernance locale permet ainsi d’associer sation des acteurs et de ses usagers aux différents à la gestion de leur milieu tous ceux qui vivent près enjeux de l’espace marin. de la mer ou en jouissent. QU’EST-CE QU’UN PARC NATUREL MARIN ? < 11
UNE GOUVERNANCE LOCALE Dans le périmètre du projet de parc, les activités maritimes sont importantes et variées : • pêche professionnelle ; • activités portuaires (pêches professionnelles et récréatives, ports de plaisance, etc.) et leurs acti- vités induites à terre comme en mer (dragage, clapage) ; • nautisme et sports de nature, loisirs en mer (pêche de loisirs, chasse sous-marine), tourisme balnéaire et activités naturalistes, recherche scientifique, etc. sont présents sur l’ensemble de la zone. fet maritime de la Méditerranée et le président du UN PROJET NÉ DE LA Conseil exécutif de Corse. Composée d’agents de Le monde associatif joue également un rôle im- CONCERTATION l’Agence des aires marines protégées et de l’Office portant, notamment dans les secteurs sociaux, de l’environnement de la Corse, elle a pour rôle de culturels, scientifiques et environnementaux. Les L’étude pour la création d’un parc naturel marin conduire la concertation pour étudier les conditions communes littorales, quant à elles, assument, à des autour du cap Corse et de l’Agriate a été placée de la mise en place d’un parc naturel marin autour degrés divers, des responsabilités liées à la mer, de sous l’autorité conjointe du préfet maritime de la du cap Corse et de l’Agriate. la gestion d’un port de plaisance en passant par Méditerranée et du préfet de Haute-Corse, par la recherche permanente de l’équilibre entre tou- arrêté ministériel du 5 juin 2014. Le comité de pilo- Un comité de pilotage réunissant élus et services risme et environnement. Collectivité territoriale de tage de cette mission a été arrêté le 23 juillet 2014. de l’État auprès des préfets coordonnateurs et Corse et Conseil départemental de la Haute-Corse Il a réuni un premier comité de concertation rassem- du président du Conseil exécutif de Corse, a acté mènent directement des politiques publiques dans blant les acteurs concernés et lancé la démarche, le l’accélération de la démarche de mise en œuvre le secteur maritime. 23 novembre 2014. du projet, en septembre 2015 en écho à la volonté de Madame la ministre de l’Écologie. Tous ces groupes d’acteurs seront représentés au Une convention-cadre entre l’État, l’Agence des sein du conseil de gestion, organe de gouvernance aires marines protégées, la Collectivité territoriale En concertation avec l’ensemble des acteurs de la du parc. Les services de l’État sont toutefois mino- de Corse et l’Office de l’environnement de la Corse mer, la mission d’étude, basée à Bastia, a conduit ritaires. Ils auront pour rôle de mettre en œuvre une a été signée le 24 novembre 2014 afin de préciser les actions suivantes : politique commune au-delà des intérêts sectoriels, et de définir les modalités de mise en œuvre de la selon les orientations de gestion du parc définies mission d’étude. En effet, la Corse possède depuis • contacts directs avec les acteurs : élus, profes- à sa création. Cette politique repose sur le plan 2002 un grand nombre de prérogatives en matière sionnels, représentants du milieu associatif ; de gestion du parc qui fixe les objectifs à 15 ans. de gestion et de préservation de l’environnement. • compilation et synthèse des différentes études Il inclut des indicateurs permettant d’évaluer l’état existantes pour appréhender les enjeux importants de santé du milieu marin et de mesurer l’efficacité La mission d’étude a été mise en place en mai de la zone d’étude, liés au patrimoine naturel, de la gestion. 2015, pilotée par le préfet de Haute-Corse, le pré- culturel ou aux usages ; 12 > QU’EST-CE QU’UN PARC NATUREL MARIN ?
L’équipe de la mission d’étude. De gauche à droite : Lena Chaubon, Nicolas Tomasi, Delphine de Solliers et Ronan Lucas. Cent-vingt-trois personnes ont apporté leur contribution au projet, en participant • entre le 26 septembre et le 19 novembre 2015, activement et régulièrement à ces organisation et animation de quatorze groupes réunions de travail. de travail constitués de l’ensemble des acteurs Le 26 janvier 2016, identifiés sur la zone : leurs propositions, - à la villa Ker Maria de Ville di Pietrabugno, au synthétisées par la mission d’étude, ont été cours d’ateliers thématiques (patrimoine naturel, soumises au comité de patrimoine culturel, qualité de l’eau, ressources concertation, présidé par halieutiques, navigation, tourisme et sports de les préfets et le président du Conseil exécutif loisirs) visant à identifier les enjeux spécifiques de Corse pour être de l’espace marin ; validées et soumises - à Saint-Florent, Macinaggio et Erbalunga, pour à enquête publique. esquisser une première trame du projet ; - enfin, à Patrimonio et Luri pour s’accorder sur la définition des orientations précisant le rôle du futur parc, identifier la composition de son conseil de gestion et s’exprimer sur son périmètre. 13
POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ? schistes, ophiolites, granites, calcaires, composent ainsi une palette de supports très différents où se développent de multiples habitats marins. Si sur la côte orientale la pente est douce, côté occidental, elle est plus abrupte et entaillée de canyons. Ces derniers se sont progressivement formés à la faveur des fluctuations du niveau des PATRIMOINE NATUREL mers : lorsque le niveau de la mer baissait, l’eau douce qui coulait vers les points bas formait des Le périmètre d’étude de ce projet de parc naturel vallées, progressivement envahies par la mer lors marin est caractérisé par une grande hétérogénéité des épisodes de submersion. Par son ampleur, le géologique, topographique et hydrodynamique. plateau continental constitue, avec les Bouches de Ensemble, ces paramètres physiques déter- Bonifacio, une exception à l’échelle de la Corse. En minent la présence d’habitats variés eux aussi, effet, il s’étend largement au nord et à l’est. et de nombreuses espèces. Certaines, rares ou emblématiques, sont des marqueurs culturels ou Le mont sous-marin de la marge continentale nord- économiques pour les habitants. Les autres, de ouest de la Corse est une autre particularité géo- moindre valeur patrimoniale, ne doivent pas pour logique. Situé à environ 22 kilomètres de Centuri, autant être négligées : leur bonne santé est liée à entre 1 730 mètres et 720 mètres de profondeur, ce celle de l’ensemble de l’écosystème et, parfois, la relief est formé de basalte en forme de coussin (lave conditionne. en coussins) altéré, datant de 20 millions d’années. Remarquable d’un point de vue géologique, il l’est Le relief sous-marin autour du cap Corse et de aussi par son peuplement biologique, en raison des l’Agriate, comme celui des terres émergées, est ca- coraux profonds qui s’y sont développés. ractérisé, sur le plan de la géologie, par une grande variété de roches. Les deux visages géologiques Du point de vue de la courantologie, le secteur de l’île se trouvent, en effet, rassemblés dans ce d’étude se situe à la rencontre du courant ligure projet de parc : la Corse « alpine », schisteuse, qui et d’un second courant en provenance de la Médi- forme tout le Cap, et la Corse dite hercynienne, terranée orientale. Le front entre ces deux masses avec ses roches granitiques, au large de l’Agriate. d’eau ainsi que les nombreuses zones d’upwelling Entre les deux : un domaine immergé composé de (remontées d’eaux profondes, chargées en nutri- roches sédimentaires diverses plus récentes. Les ments) explique la productivité des eaux. 14
Les études engagées dans le contexte de la directive cadre sur l’eau Qualité de l’eau ont permis de mettre en évidence le bon état écologique Si le bon état écologique est globalement atteint et chimique des au cap Corse, ce n’est pas le cas, en 2015, pour le masses d’eau golfe de Saint-Florent et le Cap Ouest. Les études au cap Corse en général. font ressortir la fragilité des golfes littoraux, milieux relativement fermés plus sensibles aux activités humaines. De même, les rivières et les ruisseaux de la Concia et de Vaccareccia, ainsi que le Luri, l’Aliso et l’Ostriconi n’atteignent pas le bon état éco- logique en 2015. Pour l’ensemble de ces masses d’eau, un objectif de bon état des eaux est fixé à l’horizon 2021. Cet état écologique est évalué à partir d’éléments biologiques, physico-chimiques et hydromorphologiques contribuant, ensemble, Éléments-traces métalliques : éléments au bon équilibre de l’écosystème. En effet, le bon naturellement présents dans les sols dont certains sont état écologique de l’eau requiert non seulement sa indispensables notamment aux plantes. On utilise également bonne qualité mais également un bon fonctionne- l’expression métaux lourds, qui correspond à une définition ment des milieux aquatiques. Une faible densité physique, ou bien oligo-éléments. Les ETM, comme le plomb, le cadmium, le cuivre ou le zinc sont plus ou moins de population et l’absence d’industries sont des assimilables et peuvent être concentrés dans la chaîne facteurs favorables à une bonne qualité de l’eau. alimentaire avec des conséquences sur la santé de certains organismes. C’est pourquoi ils peuvent faire l’objet d’un suivi. Longtemps exploitée pour ses roches amiantifères, La mise en place de réseaux d’assainissement la mine de Canari est la principale source de pol- des eaux usées est donc un élément clé de la Habitat : L’habitat est le milieu géographique propre à la vie d’une espèce animale ou végétale. lution marine au cap Corse. Entre 1941 et 1965, lutte contre la dégradation des masses d’eau et, Les facteurs environnementaux peuvent au moins 4,5 millions de m3 de rebuts d’amiante plus généralement, des habitats marins. Dans ce varier, c’est pourquoi de nombreuses espèces ont été déversés en mer, conduisant même à un domaine, un effort est nécessaire dans certaines changent d’habitat au cours de leur vie. engraissement de certaines plages à proximité. communes des régions de Bastia et de Saint-Florent Masses d’eau : volume d’eau dont la taille L’exploitation de la carrière a également entraîné le notamment. est suffisante pour permettre le fonctionnement des déversement d’importantes quantités d'éléments processus physico-chimiques et biologiques. -traces métalliques associés (cobalt, etc.). Enfin, les cours d’eau jouent un rôle non négli- geable dans la qualité des eaux marines, puisqu’ils Marines : ouvertures sur la mer pour les Les rejets liés aux activités humaines peuvent néan- déversent dans le milieu marin des éléments-traces hameaux du cap Corse construits sur les hauteurs pour se protéger, elles servaient de havres pour les moins être source de pollutions ponctuelles. C’est métalliques provenant du fond géochimique natu- embarcations, le matériel de pêche et les marchandises. le cas dans le golfe de Saint-Florent et au niveau rel du bassin-versant. Pour la plupart, la qualité Aujourd’hui elles abritent toujours les embarcations, de certaines marines du Cap, où des pollutions de l’eau des petits fleuves côtiers qui se jettent mais aussi l’activité économique et touristique. d’origine domestique peuvent être observées en dans le périmètre d’étude correspond toutefois période estivale, du fait de l’afflux touristique. aux normes en vigueur. POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ? < 15
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Benthos : ensemble des organismes vivant à proximité, sur ou dans les fonds marins. À l’opposé, le terme pélagique regroupe l’ensemble des espèces vivant dans la colonne d’eau. Nourricerie : zones où se regroupent les alevins et juvéniles d’une espèce durant les premiers mois ou les premières années de leur vie, pour s’y nourrir. Une zone de nourricerie peut être fréquentée par plusieurs espèces. Résilience : capacité d’un écosystème, d’un habitat, d’une espèce, à retrouver un développement et un équilibre normal après une phase d’instabilité engendrée par une perturbation environnementale. Formations bioconstruites Au sein du périmètre d’étude, on rencontre des Écosystèmes littoraux L’herbier de posidonie est une zone de nurserie formations fortement calcifiées (bioconcrétion- et de protection pour de nements) notamment des peuplements d’algues Herbiers marins nombreuses juvéniles et coralligènes, des encorbellements à lithophyllum poissons de petite taille. et des associations à rhodolithes. Les fonds marins du cap Corse et de l’Agriate concentrent quelque 100 km2 d’herbiers de posido- Rare à l’échelle des côtes françaises de la Méditer- nie, soit près de 20 % de la surface totale occupée ranée, l’encorbellement à lithophyllum byssoides par cet habitat en Corse. Ces herbiers, protégés à est constitué de plusieurs couches ou thalles. Il se l’échelle nationale et communautaire, constituent développe dans la zone de déferlement. Dans le pé- localement des formations rares pour la Méditer- rimètre d’étude, près de 37 petits encorbellements ranée, tels les récifs-barrières, les plates-formes ont été dénombrés, notamment sur la partie ouest récifales ou les herbiers ondoyants. Ils composent marines et de la faune qui vit fixée sur leurs feuilles. du Cap. Leur édification est très lente : certaines de ainsi, à la faveur du relief ou de la nature du substrat, Particulièrement prisé pour ses qualités gustatives, ces formations auraient plusieurs siècles. Il existe une mosaïque d’habitats, support d’une diversité il subit une forte pression de pêche sur le littoral. même des formations « fossiles » immergées, d’un biologique importante et d’une forte productivité, grand intérêt scientifique, car elles renseignent sur notamment en espèces halieutiques. Les herbiers Autre plante marine présente dans le périmètre les variations du niveau de la mer au cours des de posidonie servent, en effet, de nurserie, d’abri et d’étude, la cymodocée, elle aussi protégée, montre derniers millénaires. D’autres espèces patrimo- de nourricerie à plusieurs espèces patrimoniales de une préférence pour les températures relativement niales, telle la patelle géante, quasiment disparue poissons et d’invertébrés marins comme la grande élevées. Lorsque les conditions deviennent défavo- des côtes de la Méditerranée occidentale, mais nacre ou l’oursin violet. Ce dernier, un herbivore rables pour la posidonie, la cymodocée peut ainsi présente en densité importante dans l’Agriate et à benthique présent sur les fonds rocheux, à moins de prendre sa place, augmentant la résilience du milieu la pointe du cap Corse notamment, sont associées 10 mètres de profondeur, se nourrit de ces plantes face au réchauffement climatique. à ces édifices. POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ? < 17
Le corb commun est particulièrement ciblé par la chasse sous-marine. Le 1er janvier 2014, un moratoire sur la pêche de loisirs et Espèces non compétitives : espèces la chasse sous-marine a qui sont incapables de fuir leurs compétiteurs été adopté pour cinq ans. et prédateurs, et se maintiennent en faibles L’espèce fait désormais fréquence et densité. La rareté est souvent l’objet d’un suivi scientifique associée à une faible compétitivité. dans le milieu naturel. Les grottes marines La présence d’encorbellements à lithophyllum Les bioconcrétionnements constituent également Vingt grottes ont été dénombrées dans le périmètre renforce ainsi la valeur écologique du périmètre un abri pour de grands crustacés comme la lan- d’étude, principalement sur la côte ouest du cap d’étude. Ces formations sont néanmoins menacées, gouste rouge. La diminution des populations de Corse : neuf grottes semi-immergées (médiolit- notamment par la pollution des eaux littorales. cette espèce emblématique, à forte valeur com- torales), dix grottes semi-obscures et une grotte merciale, pousse les gestionnaires des pêches obscure. Autre type de concrétions biologiques, les associa- et les scientifiques à développer une politique de tions à rhodolithes, des algues calcaires libres encore gestion adaptée. Les grottes semi-immergées ont une valeur surtout appelées maërl ou macciotta en Corse. Dans le péri- patrimoniale et esthétique, fonction notamment de mètre d’étude, elles s’étendent sur plus de 23 000 La présence régulière du denti commun sur ces leur taille et de leur morphologie qui conditionnent hectares, soit près de 15 % des surfaces connues à habitats témoigne de la connectivité des écosys- l’accessibilité pour les baigneurs, les plaisanciers ce jour en Méditerranée. En raison de la complexité tèmes littoraux avec ceux du large. Super-prédateur etc. structurale des habitats qu’elles composent, elles côtier, l’importance du denti commun est écolo- hébergent, elles aussi, une riche biodiversité. La gique, mais aussi économique : ce poisson est, en Les grottes semi-obscures sont peuplées de nom- laminaire rodriguezii, espèce d’algue rare en France effet, prisé par la pêche professionnelle comme par breuses espèces d’algues et d’invertébrés fixés et particulièrement vulnérable, se développe ainsi la pêche de loisirs. Considéré par l’UICN comme comme les gorgones. On y trouve aussi des espèces parfois sur les fonds de maërl, bien qu’on la trouve « Vulnérable » en Méditerranée, il fait actuellement patrimoniales tel le corail rouge, même si celui-ci est surtout sur certains pitons rocheux calcaires. l’objet d’une réflexion concernant d’éventuelles seulement présent sous forme de petites branches mesures de protection. et en faible densité. Cette espèce surexploitée, dont Observé régulièrement dans ces écosystèmes, le la pêche est réglementée, prélève sa nourriture en mérou brun est une espèce emblématique des côtes filtrant l’eau. Elle est donc sensible à la pollution de l’île. Classé « En danger » par l’Union internationale ainsi qu’aux variations de température. pour la conservation de la nature (UICN) en 2012, il fait l’objet depuis 1993 d’un moratoire, prolongé Les grottes obscures sont des milieux refuges pour pour dix ans en 2013, interdisant sa capture par la les espèces non compétitives mais souffrent parfois pêche de plaisance et la chasse sous-marine. Ces de la dégradation de leurs plafonds par les bulles mesures de protection favorisent la reconstitution d’air des plongeurs autonomes. Comme dans le des populations à l’échelle locale, et plus particu- cas des grottes semi-obscures, des investigations lièrement au cap Corse. scientifiques amélioreraient leur connaissance. 18 > POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ?
Des Des mi micr cro- o-es estu tuai aires Plusieurs « estuaires », provenant de fleuve euves à faible débit, animen ent la a côte côte de l’A l’Agriate ate,, comm comme e ici ic l’e l’embo mbouchuchure ure duu Fiu Fiume me San Santu. tu Ce Cess écos écosyst ystème èmes s pér ériod iodiqu iqueme ement nt con connec nectés tés à la mer sosont nt peu peuplé pléss d’or d’organ ganism ismeses qui ont su s’s’ada adapte pterr à la dy dynam namiquiquee comple com plexe xe de ces mi milie lieux ux pau pauvre vress en en nu rim nut riment ents. s. La com comprépréhen hensioionn de de leur leur foncti fon ctionn onneme ement nt glo global bal nééces cessit sitera eraitit un travai trava l scie scienti nt fique e com compléplémen mentaitaire. re. POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ? < 19
Les banquettes de posidonie La posidonie, Posidonia oceanica, est une plante à fleurs marine endémique de la Méditerranée. Sa présence jusqu’à jusqu à 40 mètres de profondeur est synonyme de bonne qualité environnementale. Les feuilles mortes, transportées par les vagues le long des côtes, s’accumulent sur les plages. Ces dépôts, surnommés banquettes, sont, comme la plante vivante, protégés. Ils contribuent en effet à la protection des plages contre l’érosion. Pr sentes sur toutes les plages, Pré s ces banquettes, trop souv ouvent assimilées à des « déch hets », ont tenndan d ce à faire f fuir le es baigneu urs en étéété. Cell elles- e ci son ont donc on parfo ois enlevéevéeses et dépdéposéo es sur ur le es ha ts de plage hau ge durantan la a sa saiso ison n tour ourist i iquue. L’OEC EC et la Dreal réa alis lisent ent un trrava availil de sen ensibbililisat sation i des s diff différe érentsnts acteu eursrs à l’impo mporta rtancence éc écolo ologiq giqueue de ces ba banqu nquett ettes. es. Pour conc Pou oncili ilier er la pré préserservat va ionon du mi milie lieu u nature nat urell et l’at ’attra tracti ctivit vitéé du du terr errito itoire ire,, un un trav travail ail d’harm d’h armoni onisat sation ion de des s prat pratiqu iques es et de rec recher herche che de soluti sol utions ons in innov novant anteses de ges gestio tionn des des banbanque quette ttes,s, d’une d’u ne com commun mune e à l’l’aut autre, re, se serai ra t auss rai aussii à prprévo évoirir p le fu par futurtur coconse nseilil de ges nse gestio tion tio n du parc parc a . > 20 > POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ?
Écosystèmes profonds Mont sous-marin Dans le cadre de la démarche de désignation de sites Natura 2000 au large, entamée en 2013, un secteur d’intérêt a été identifié dans le périmètre d’étude, au nord de Calvi et de Saint-Florent. Situé au-delà du plateau continental, il englobe un mont sous-marin qui culmine à environ 1 300 mètres de profondeur, environné d’un fond vaseux à 2 050 mètres de profondeur. Sur le mont, la roche était couverte en de nombreux endroits, de débris de coraux profonds, attestant de la présence de ces espèces patrimoniales. Canyons Le périmètre d’étude comprend quatre canyons : le canyon de Centuri nord, le canyon de Centuri sud, le canyon de Saint-Florent et celui de l’Île-Rousse. La biodiversité que renferment ces canyons va- rie selon les substrats qui les composent (vase, structures rocheuses, roche bioconstruite, etc.). De manière générale, elle est principalement représen- tée par des espèces fixées, notamment des huîtres géantes, gorgones et coraux noirs. En 2010, la campagne d'exploration CORSEACAN, menée à l’initiative de l’Agence des aires marines protégées avec l'appui d'une trentaine de scientifiques, avait pour objectif d'obtenir un état de référence des Atolls de coralligène têtes de canyon et des vallées sous-marines. Elle Lors de campagnes océanographiques effectuées entre 2011 et 2014, a, de ce fait, permis d'y déceler certaines structures au niveau de monts sous-marins situés au nord du cap Corse, plusieurs centaines de structures bioconstruites, jamais décrites auparavant, géologiques intéressantes, faites de blocs de roche ont été mises en évidence entre 110 et 130 mètres de profondeur. et de falaises verticales de près de cent mètres Ces formations sont constituées d’un noyau central de coralligène, de haut. Elle a aussi mis en évidence la présence parfois recouvert d’une « forêt » de gorgones et/ou d’éponges, et sont entourées d’une couronne de rhodolithe d’environ 25 mètres de diamètre. de nombreux déchets dans le fond des canyons. D’origine très ancienne (plus de 6000 ans), ces « monuments naturels » abritent une importante biodiversité. Baptisés « atolls de coralligène », ils font, depuis leur découverte, l’objet d’investigations scientifiques. POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ? < 21
Les espèces migratrices, un lien entre les écosystèmes Le secteur d’étude du parc, au nord est de la Méditerranée orientale, à l’interface du large, des canyons et du plateau continental est un lieu de passage, de repos ou de recherche de partenaire privilégié comme en témoigne l’observation régulière de grands migrateurs. Si huit espèces de mammifères marins sont pré- sentes en Corse, le grand dauphin demeure l’espèce la plus communément observée. Les dauphins du littoral de l’île interagissent rarement avec les indivi- dus des côtes françaises avoisinantes. Ils pourraient donc, constituer une sous-population distincte. Sur les 200 individus qui fréquentent le littoral corse, une cinquantaine se concentre de la pointe de Lozari à l’étang d’Urbinu. Vingt-six sont fréquemment observés sur le secteur Saint-Florent- Macinaggio et semblent sédentarisés sur cette zone. Cette espèce côtière trouve dans la zone d’étude une variété d’habitats lui assurant un approvisionnement varié en nourriture. Moins populaire, la tortue caouanne migre le long du littoral de l’île pour rejoindre ses sites d’alimentation du bassin ouest de la Méditerranée. Protégée par plusieurs conventions internationales, l’espèce est de plus en plus observée autour du cap Corse. Plu- sieurs tentatives de ponte, événement rarissime qui n’était plus survenu depuis 2002 à Porto-Vecchio, ont même été constatées à l’été 2014, notamment sur la plage de Meria. D’une façon générale, durant leur première année, les petites tortues semblent rester dans une même zone, là où la couverture d’algues dont elles se nourrissent est importante. Ensuite, leur nourriture varie selon qu’elles migrent en pleine eau (méduses, calmars, poissons volants) ou qu’elles séjournent près des côtes (bivalves, crabes, oursins, poissons…). Les tortues caouannes participent ainsi aux échanges d’énergie dans la chaîne alimentaire et font le lien entre les différents écosystèmes. La tortue verte, beaucoup plus rare, peut être également observée. 22
Le balbuzard fait l’objet de toutes les attentions des gestionnaires : trois couples de balbuzard pêcheur, seul rapace de Corse se nourrissant uniquement de poissons, nichent dans la Réserve naturelle de Finocchiarola et un quatrième couple se reproduit dans l’Agriate. Oiseaux marins Dans le secteur d’étude, les îles de la pointe du cap Corse hébergent les principales colonies de repro- duction d’oiseaux marins. Le goéland d’Audouin, espèce emblématique à l’origine de la création de la Réserve naturelle des îles Finocchiarola, ne niche Le puf puffin cendré ou de plus sur la zone depuis trois ans. Le puffin cendré Scopol Sco polii au au déc déco écolla llage ge e ou de Scopoli (sur la Giraglia) et le cormoran huppé s’y reproduisent. Si l’on sait que ces espèces effec- tuent des déplacements à la recherche de nourriture sur l’ensemble des côtes de l’île et au nord-est du Cap, les connaissances sur leurs zones de repos, de migration ou d’alimentation restent parcellaires. Les falaises littorales abritent, elles-aussi, les amours de nombreuses espèces d’oiseaux d’intérêt patrimonial, notamment cinq couples de faucon pèlerin à la pointe du cap Corse, le martinet à ventre blanc, le martinet pâle et le pigeon biset (forme sauvage). L’espace marin est également traversé par de très nombreux migrateurs, surtout au printemps. On constate aussi, de manière plus sporadique, la présence et la distribution d’espèces d’oiseaux marins en migration ou en hivernage. POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ? < 23
Changements globaux et conservation du milieu marin Le périmètre du futur parc naturel marin est suscep- La montée des eaux induite par le réchauffement tible d’être affecté par les changements climatiques. climatique menace, quant à elle, les encorbellements Le réchauffement pourrait ainsi favoriser le dévelop- à lithophyllum, mais également les structures récifales pement d’espèces exotiques susceptibles d’envahir plus profondes et les atolls de coralligène, déjà situés le milieu naturel. Parmi celles-ci, la caulerpe Caulerpa en limite bathymétrique de répartition des espèces cylindracea, introduite en Méditerranée à la fin du XXe qui les composent. siècle, et qui a rapidement envahi tout le bassin médi- terranéen. Considérée comme une espèce « ingénieure Le futur parc naturel marin pourra donc jouer un d’écosystème », cette plante marine génère un nouvel rôle d’observatoire privilégié du changement glo- habitat : la prairie de caulerpes. Elle entre ainsi en bal. Au-delà, il pourra apporter sa contribution à concurrence avec l’herbier de posidonie. l’atténuation de ce phénomène, grâce notamment à son rôle dans la préservation des habitats, voire L’absorption de CO2 conduit aussi à l’abaissement même à l’adaptation des pratiques et des usages du pH des océans. Ce phénomène d’ acidification du milieu marin, si cela s’avère nécessaire. a des conséquences négatives sur de nombreux organismes marins et leurs écosystèmes. Il parti- cipe notamment à la régression des herbiers et des structures et organismes calcaires naturellement présents dans les écosystèmes. Dans le secteur d’étude, les quelques observations de Caulerpa cylindracea, espèce envahissante, ont été effectuées au niveau du récif-barrière de la Roya et dans le golfe de Saint-Florent par les plongeurs du réseau Caulerpes. les herbiers de posidonie et de cymodocée, ou les formations bioconstruites sont capables de fixer le CO2 et de le séquestrer à long terme. 24 > POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ?
LE ROCHER DES VEUVES À vingt-deux milles nautiques au nord du cap Déchet plastique sur un Corse, le rocher des Veuves, un haut-fond, herbier de posidonie. recèle des habitats remarquables : outre la présence de formations de coralligène s’étendant sur près de 300 hectares, des « atolls de coralligène », structures inconnues jusque-là en Méditerranée, y ont été identifiés. Dans les années 1950, selon les récits des pêcheurs qui le fréquentaient pour la pêche aux thonidés et aux langoustes, ce haut-fond était considéré comme l’un des sites les plus poissonneux de Corse. Mais en 1972, la société italienne Les déchets Montedison commence à y déverser des déchets sous la forme de « boues rouges » Les résultats de diverses campagnes scientifiques provenant de son usine de titane installée sur ont mis en évidence la présence de macrodéchets la côte toscane, déclenchant immédiatement (déchets visibles à l’œil nu) sur le littoral comme la réaction des habitants et des pêcheurs du en profondeur. La colonne d’eau, elle, contiendrait Cap et de l’ensemble de l’île. Après des mois une concentration élevée en microparticules de d’une lutte intense, l’entreprise déplace la déchets plastiques. zone des déversements à 70 milles au nord du Cap et construit de nouvelles installations Les écosystèmes profonds semblent les plus affec- permettant de réduire les rejets. Cette tés : lors de campagnes d’exploration des canyons sous-marins, la présence de nombreux engins de mobilisation aboutit à la condamnation, pêche « fantômes », de corps-morts et d’ancres, de en avril 1974, des responsables de débris plastiques et métalliques, de fragments de la multinationale Montedison. porcelaine ou de céramique a été constatée dans Pour les insulaires, il s’agissait surtout de le fond des canyons. préserver leur cadre de vie. Mais, au-delà pointe du cap Corse, ce qui constitue un élément de cette croisade pour la défense de Une accumulation de ces déchets est également défavorable pour la préservation des habitats. l’environnement, c’est toute la question du observée au niveau des épaves dans le canal de Les vents et les courants les accumulent dans les Corse, ainsi qu’à l’aplomb des routes de naviga- criques, presque partout sur le littoral. Sensibilisées statut de l’île qui fut posée cette année-là. tion. Par ailleurs, les structures portuaires et les à la gestion délicate des banquettes de posidonie Aujourd’hui, ce site emblématique demeure zones de mouillage forain augmentent les risques sur les plages, les communes littorales effectuent, prisé des pêcheurs professionnels et de de pollution ponctuelle. durant la période estivale, des nettoyages manuels loisirs, français et italiens. La présence des déchets plastiques enchevêtrés dans ces ban- simultanée de plusieurs types de pratique et Les courants sont un facteur déterminant pour le quettes. Phénomène en diminution ces dernières de nationalités génère parfois des conflits. transport et l’accumulation de macrodéchets. On années, des échouages d’hydrocarbures sont observe par exemple de nombreux débris flottants encore avérés dans le secteur. Il s’agit sans doute au niveau des fronts de courants, notamment à la de « petits dégazages ». POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ? < 25
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COHÉRENCE AVEC LES OUTILS DE GESTION EXISTANTS La richesse des habitats et des espèces marines du périmètre d’étude, ainsi que leur grande valeur patri- moniale, sont déjà reconnues à différents niveaux. Cette reconnaissance s’exprime par une diversité d’aires marines protégées existantes : sites Natura 2000, réserves naturelles, arrêtés de protection de biotope, zones naturelles d’intérêt floristique et fau- nistique (Znieff) etc., sanctuaire Pelagos pour la protection des mammifères marins en Méditerranée. La réserve des îles Finocchiarola a été créée en 1987 afin de protéger la colonie de goélands d’Audouin, espèce endémique de Méditerranée, qui niche sur ces îlots. La gestion est assurée par l’Association Finocchiarola qui gère également les terrains du Conservatoire du littoral et les deux sites terrestres Natura 2000 répartis sur quatre communes : Roglia- terrestre des îles ainsi que leur partie marine, sur Réserve naturelle de l’archipel des no, Ersa, Centuri et Morsiglia. Avec seulement deux quelques centaines de mètres en mer. Ceci per- îles Finocchiarola, protégée depuis agents permanents, c’est une association reconnue mettra notamment une harmonisation des outils de 29 ans grâce à l’implication du et soutenue par les communes concernées ainsi que protection à la pointe du cap Corse ainsi qu’une conservateur et de son équipe. par leurs partenaires. En période estivale, l’équipe cohérence de gestion. En 2013, lors de l’enquête recrute quatre agents saisonniers afin de renseigner, publique, la population a exprimé sa volonté d’aller et sensibiliser le public, nombreux en cette saison. plus loin dans la protection et de préserver la partie Cela permet également de veiller au respect de la marine autour des îlots. réglementation et donc de préserver, dans la mesure du possible, les zones sensibles, la qualité du site et La création d’un parc naturel marin autour du des espèces. Avec la coopération du Conservatoire cap Corse et de l’Agriate est un des éléments de Espèces endémiques : des espaces naturels de Corse notamment, l’asso- réponse apportés à ces acteurs conscients des espèces naturellement restreintes à la zone ciation assure les suivis d’oiseaux emblématiques enjeux de préservation de l’espace marin. géographique considérée. Cette notion est donc dépendante de l’espace pris en sur le littoral et sur les îlots. considération : endémique d’un continent, Dans l’Agriate, la protection et la gestion se sont endémique d’un pays, endémique d’une zone Un projet d’extension de la réserve est actuelle- organisées à partir des années 1970. Touchées par biogéographique, endémique d’une île, etc. ment en cours afin d’intégrer deux autres îles de la déprise rurale, les terres de l’Agriate faisaient la pointe du Cap déjà sous arrêtés de biotope : l’île l’objet de convoitise de la part de promoteurs immo- de la Giraglia et l’îlot Capense. Le périmètre de la biliers qui souhaitaient y développer des projets future réserve comprend l’ensemble de la superficie touristiques et de loisirs. POURQUOI UN PARC NATUREL MARIN AUTOUR DU CAP CORSE ET DE L’AGRIATE ? < 27
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