104 Numéro spécial : Troubles du comportement suite au colloque du 22 octobre 2021

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104 Numéro spécial : Troubles du comportement suite au colloque du 22 octobre 2021
P912521 Bureau de dépôt : Nivelles

                TRIMESTRIEL - JANVIER 2022 - N°104

                      Numéro spécial :
                 Troubles du comportement
            suite au colloque du 22 octobre 2021

104
Edité par l’AXFB asbl, avec l’aide de la Région Wallonne
104 Numéro spécial : Troubles du comportement suite au colloque du 22 octobre 2021
AU SOMMAIRE...
                    L’X presse, numéro 104, janvier 2021
    Edito                                                                3
    Compte-rendu du colloque du 22 octobre 2021 :
       Exposé introductif présenté par Françoise Goossens                4
    Compte-rendu du colloque du 22 octobre 2021 :
       Exposé du Professeur Willaye :
       Comprendre les comportements-défis                                6
    Compte-rendu du colloque du 22 octobre 2021 :
       Exposé du Professeur Magerotte :
       Comment accueillir des personnes ayant des
       comportements-défis dans des environnements inclusifs 18
    Coordonnées des services Inter-Action du SUSA                      30
    Agenda                                                             31
    Compte-rendu du colloque du 22 octobre 2021 :
       Exposé de MM. Bodson et Durel :
       Comportements-violents :
       Des outils pour comprendre et réagir                            32
    Témoignage : Les personnes X fragile ne savent souvent pas
      exprimer la douleur                                              40
    Invitation : La promenade des familles X fragile,
         le dimanche 27 mars 2022                                      42
    Réseau X fragile et Facebook                                       43
    Rejoignez-nous ! Aidez-nous !                                      44
             Comptes-rendus rédigés par Paul Damas et Bart Bleys,
                      avec l’aide de Françoise Goossens

                       AXFB asbl - N.E. 0674.767.830 - RPM. Nivelles
                         Pachis du Capitaine 4 - 1457 Walhain (TSL)
                            www.x-fragile.be - info@x-fragile.be
                        Editeur responsable : Dominique DAMAS

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104 Numéro spécial : Troubles du comportement suite au colloque du 22 octobre 2021
EDITO
A la demande d’un grand nombre de personnes qui n’ont pas eu la
possibilité d’y assister, nous publions dans ce numéro spécial un large
compte-rendu de notre colloque du 22 octobre dernier, qui avait pour objet,
rappelons-le, « Les troubles du comportement : Comment les
comprendre, comment les accompagner, comment les prévenir ? ». Il
s’est déroulé à l’Institut de Pathologie et de Génétique (IPG) situé à
Gosselies, sous la présidence de Madame Annick Comblain, de l’université
de Liège.
Je profite de l’occasion pour remercier chaleureusement l’IPG pour son
accueil, Madame Comblain pour la direction des débats, ainsi que les
quatre orateurs, MM. Willaye, Magerotte, Bodson et Durel, pour leurs
exposés magistraux. Sans oublier non plus les deux bénévoles, Mmes
Damas et Doncq, qui ont assuré le catering avec brio.
La pandémie continue à avoir un impact sur notre vie quotidienne et,
spécialement, sur celle des personnes porteuses d’une déficience
intellectuelle. Elles éprouvent d’énormes difficultés à s’y retrouver,
contraintes de faire face à tant de changements par rapport à leurs
habitudes.
Espérons, en ce début d’année, que nous pourrons tous retrouver
rapidement des conditions de vie plus ordinaires. C’est le vœux que je
forme pour nous tous, en vous souhaitant une très bonne année 2022 !
                                          Paul Damas, secrétaire général
Tous droits de reproduction réservés pour tous pays.
La reproduction d’un article, même partielle, est soumise à l’approbation
expresse du conseil d’administration de l’ASBL.

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104 Numéro spécial : Troubles du comportement suite au colloque du 22 octobre 2021
D. D.

                  COMPTE-RENDU
         Exposé introductif présenté par Françoise Goossens

En introduction à ce colloque, la présidente de l’AXFB asbl s’est d’abord
réjouie de la possibilité que nous avions enfin de nous retrouver en
présentiel, après un an et demi de restrictions dues à la pandémie de
Covid-19. Elle a rappelé que l’IPG est un des cinq centres de génétique
existants en Belgique francophone, à côté de ceux du CHU de Liège, de
Saint-Luc à Woluwe, d’Erasme à Anderlecht et de l’HUDERF à Bruxelles.
Elle a ensuite rappelé que le syndrome X fragile est la première cause de
déficience intellectuelle d’origine héréditaire, la deuxième d’origine
génétique (après la trisomie 21) et qu’environ 6 % des personnes
porteuses du syndrome présentent des troubles du spectre autistique
(TSA). Ce syndrome est causé par un gène appelé FMR1 du chromosome
X. Cette mutation est la cause de déficience intellectuelle et
d’hypersensibilité.
Pour donner une idée de l’importance des choses, elle a ensuite présenté
quelques chiffres. Selon les chiffres de l’INSERM (Institut National de le
Santé et de la Recherche Médicale, France), la déficience intellectuelle

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concerne entre 1 personne sur 400 et 1 personne sur 800. Le syndrome X
fragile, lui, concerne 1 garçon sur 4000 et 1 fille sur 8000 à 9000, mais
cette dernière fourchette est sans doute sous-estimée, car les filles sont
sous-diagnostiquées. Cela signifie qu’il y a en fédération Wallonie-
Bruxelles entre 750 et 900 personnes porteuses du syndrome X fragile,
dans sa version active (mutation complète), tandis qu’il y a environ 13.000
personnes porteuses de la version latente (prémutation) du syndrome. La
prémutation est responsable de trois syndromes : le FXTAS (tremblement-
ataxie liée à l’X fragile), dont la prévalence chez les hommes est de 17%
des porteurs de la prémutation âgés de 50 ans, et de 75 % des porteurs
âgés de 80 ans ; le FXPOI (insuffisance ovarienne précoce due à l’X
fragile) qui affecte environ 20 % des femmes porteuses de la prémutation
et le FXPAC (états de santé liés à la prémutation X fragile) dont la
prévalence n’est pas encore connue avec précision.
Il n’existe pas encore de thérapie pour le syndrome X fragile. Le champ de
recherche est vaste, incluant les thérapies géniques, qui ne manquent pas
de poser des questions éthiques.
En attendant les progrès en la matière, notre présidente a rappelé
l’importance de savoir profiter de la « pétillance » et de l’innocence des
enfants X fragile, qui ont généralement un caractère doux. Ceux qui
présentent des comportements du spectre autistique voient heureusement
ces troubles diminuer avec l’adolescence.
En revanche, ils gardent à tous les âges l’anxiété sociale et le discours que
l’on dit tangentiel, qui est souvent une échappatoire. Mais ce qu’on
observe le plus dans le syndrome X fragile c’est sa grande variabilité, que
les enfants soient calmes ou très agités n’a pas vraiment d’influence sur
leurs compétences intellectuelles.

                           Besoin de parler ?
         Nous sommes joignables par téléphone (voir en page 35),
                   par email (info@x-fragile.be) ou sur
    le groupe fermé Facebook « Association X fragile Belgique asbl ».
 Il suffit d’introduire une demande via la page d’accès pour être membre.
                     N’hésitez plus ! Rejoignez-nous !

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104 Numéro spécial : Troubles du comportement suite au colloque du 22 octobre 2021
COMPTE-RENDU
    Exposé du professeur Willaye, de l’UMons, directeur du SUSA
                 Comprendre les comportements-défis
L’exposé préparé par le Professeur Willaye a été présenté par son
collègue le Professeur émérite Magerotte, le premier ayant été empêché
de participer au colloque à la suite d’un décès dans son entourage familial.
La présidente de séance a remercié vivement l’orateur pour ce dépannage
au pied levé.
La fondation SUSA
L’auteur a souhaité d’abord présenter la fondation SUSA, qui a été créée
en 1984, en réponse aux préoccupations des parents d’enfants autistes.
Tout est parti d’une formation résidentielle organisée pour des parents
d’enfants avec déficience intellectuelle, dont une maman avait un enfant
autiste. Un premier projet, appelé Caroline, en référence aux classe
TEACCH en Caroline-du-Nord, a été monté en 1988 à destination des
écoles. Il a été suivi par le projet CASA (Consultation Ambulatoire
Spécialisée pour Autistes). Tout ceci a conduit à une reconnaissance par
l’INAMI en 2000 et à la création de la fondation, qui chapeaute aujourd’hui
plusieurs organismes :

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   le Service de Diagnostic en Autisme (SDA), dont l’objectif est d’établir
    pour chaque personne un Projet d’Intervention Individualisé (PII),
   les services d’accompagnement SUSA (RW) et SUSA Bruxelles, qui
    sont reconnus par l’AViQ et le PHARE,
   le Relais Condorcet qui propose une structure d’hébergement pour
    adultes et le SALSA qui est un service d’accueil pour cours séjours,
   le centre d’expertise pour les troubles graves du comportement Inter-
    Action,
   etc.
La fondation est aussi à la base de la méthode d’analyse et de plusieurs
publications scientifiques de référence dans le domaine.
Le SUSA regroupe aujourd’hui quelque 115 professionnels : psychologues,
orthopédagogues, médecins, logopèdes, enseignants, éducateurs/trices et
personnels administratifs. Son activité croît sans cesse d’année en année,
le nombre de personnes et familles aidées passant de 1147 en 2018 à
1431 en 2020 (soit une augmentation de près de 25% en 2 ans !).
L’analyse de la répartition des personnes aidées en fonction de leur âge
montre que la tranche d’âge la plus représentée est celle des 6-12 ans
(30,52 %), juste devant la tranche des 3-6 ans (25,59 %). Il en va de même
pour les personnes bénéficiant d’un accompagnement. La faible
représentation des tranches d’âges supérieures à 30 ans amène l’orateur à
poser la question : « Quelle est la qualité de vie des adultes autistes ? »
Il présente ensuite le site web www.participate-autisme.be, développé en
collaboration avec des collègues flamands, qui vise à apporter un certain
nombre d’informations et d’outils pour les parents d’enfant autistes.
Les troubles du comportement
Après cette introduction, il aborde la question des troubles du
comportement : agressions (frapper, mordre, …), automutilations (se
griffer, se mordre, se frapper, …), destructions (vêtements, matériel, …),
comportements antisociaux (crier, s’opposer, se déshabiller, …),
comportements « alimentaires » (pica, vomissements, …), autostimulation
(bruits, balancements, …), comportements « sexuels » aberrants
(masturbation, attouchements, …). Pour clarifier les choses, il propose
quelques définitions1 :

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   un trouble du comportement (TC), est une « action, ou tout ensemble
    d’actions, qui est jugé problématique parce qu’il s’écarte des normes
    sociales, culturelles ou développementales et qui est préjudiciable à la
    personne ou à son environnement social ou physique » ;
   un trouble grave du comportement (TGC) est « un trouble du
    comportement qui met en danger, réellement ou potentiellement,
    l’intégrité physique ou psychologique de la personne, d’autrui ou de
    l’environnement ou qui compromet sa liberté, son intégration ou ses
    liens sociaux ».
On notera, dans ces définitions, l’importance de l’environnement, car il
occupe une place capitale dans l’évaluation.
On parle aussi de comportements-défis (CD) : « ce sont des
comportements culturellement anormaux en raison de leur intensité,
fréquence ou durée de sorte que la sécurité physique de la personne ou
d’autrui est mise sérieusement en péril, ou des comportements qui rendent
plus probable une limitation importante ou une impossibilité dans l’accès
aux ressources ordinaires de la communauté.
Il faut s’attendre à ce que les personnes qui présentent de tel
comportement « challengent » les services pour une durée de temps
importante ».
Plus en détail, un comportement-défi peut avoir les conséquences
suivantes :
   il nuit à la santé ou à l’intégrité physique de la personne elle-même ;
   il suscite l’utilisation de moyens de contrôle physique de la personne ;
   il compromet le niveau d’intégration résidentielle de la personne ;
   il compromet le niveau d’intégration communautaire de la personne
    dans les sphères autres que résidentielle ;
   il compromet les liens sociaux de la personne pertinents à son réseau
    de soutien ;
   il nuit à l’adaptation de la personne ou à ses apprentissages ;
   il amène des conséquences sur le plan légal et juridique pour la
    personne ;
   il amène une hospitalisation dans une unité fermée de psychiatrie ;
   il nécessite une surveillance accrue de la personne elle-même ;
   il nuit à la santé ou à l’intégrité physique d’autrui ;

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   il perturbe les activités d’autrui ;
   il génère chez autrui du stress et de la détresse ;
   il génère des conflits dans son réseau social (familial ou de services) ;
   il porte atteinte à la propriété (de la personne ou à celle d’autrui).
Quelles sont les personnes qui présentent des comportements-défis ?
  Parmi les personnes avec déficience intellectuelle, on en compte,
   selon les auteurs, entre 10 et 19 %.
  2/3 sont du sexe masculin.
  2/3 sont des adolescents ou de jeunes adultes, ayant un besoin
   important d’assistance pour se nourrir, se laver et se vêtir ; ils ont plus
   de probabilité d’être incontinents et d’avoir des compétences de
   communication expressives et réceptives restreintes.
Les formes les plus fréquentes de comportements-défis sont les
suivantes2 :
   autres comportements : 9 à 12 % ;
   agressions : 7 % ;
   destruction : 4 à 5 % ;
   automutilation : 4 %.
On notera que dans la majorité des cas, on rencontre 2 comportements-
défis ou plus simultanés.
Les facteurs associés aux comportements-défis sont la sévérité de la
déficience intellectuelle, les troubles du sommeil, l’hypersensibilité
sensorielle, les dysfonctionnements de la communication et les déficits
sociaux, sans oublier parfois les problèmes psychiatriques et les
médications psychotropes. Les changements dans la vie (passage à
l’école secondaire ou à la vie adulte) sont des facteurs déclencheurs
fréquents.
L’orateur présente ensuite un graphique donnant le lien entre les
comportements-défis et quelques profils, dans l’ordre décroissant :
   autisme (60 %),
   syndrome de Prader-Willi (55 %),
   syndrome de Williams (52 %),
   syndrome X fragile (38 %),
   syndrome de Down (32 %).

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Recommandations
Par rapport à ces comportements, de nombreuses recommandations sont
disponibles. L’orateur présente plusieurs ressources, parmi lesquelles
nous retiendrons :
   l’ANESM français (Agence Nationale de l’évaluation et de la qualité
    des Etablissements et services Socio-Médicaux),
   le Centre d’Expertise des soins de santé belge (KCE),
   l’INSSS québécois (Institut National d’Excellence en Santé et Services
    Sociaux),
qui ont tous émis des recommandations dans les domaines tant aspects
éducatifs que comportementaux et développementaux.
Mais l’orateur pose aussi la question : « Les recommandations existent.
Mais sont-elles appliquées sur le terrain ? Qu’en est-il de l’implémentation
des bonnes pratiques, notamment dans les écoles ? Elles requièrent en
effet l’adhésion de tous les acteurs : les pouvoirs organisateurs, les
directions et les enseignants. » En France, il existe une certification des
établissements. Pas en Belgique …
Il s’agit d’offrir à l'enfant ou à l'adolescent une intervention psychosociale,
éclairée par une évaluation fonctionnelle du comportement, en tant que
traitement de première ligne.
L'évaluation fonctionnelle devrait identifier :
   les problèmes somatiques éventuels,
   les facteurs qui semblent déclencher (ou favoriser) le comportement,
   les besoins traduits par les troubles du comportement,
   les topographies de comportement,
   les conséquences du comportement (renforcement).
Les interventions psychosociales pour les comportements-défis doivent
comprendre :
  un comportement-cible clairement identifié,
  un accent mis sur des résultats liés à la qualité de vie,
  l'évaluation et la modification des facteurs environnementaux,
  une stratégie d'intervention clairement définie,
  une programmation dans le temps pour atteindre les objectifs,
  une mesure systématique du comportement cible avant et après,
  une application cohérente dans tous les environnements,
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   un accord entre les parents, les soignants et les professionnels, de
    tous les paramètres sur la façon de mettre en œuvre l'intervention.
Il faut privilégier les interventions psychosociales. Dans le cas où elles
doivent être complétées par une médication, les antipsychotiques
devraient être initialement prescrits et surveillés par un pédiatre ou un
psychiatre qui devrait :
    identifier le comportement cible,
    décider d'une mesure appropriée pour surveiller l'efficacité (fréquence,
     gravité et mesure d’impact global),
    examiner efficacité en rapport avec les effets secondaires du
     médicament après 3-4 semaines (est-ce que cela marche ? une fois ?
     un certain temps ?),
    arrêter le traitement si aucune indication de réponse cliniquement
     significative n’apparaît après 6 semaines.
Si une médication antipsychotique est prescrite :
   commencer avec une faible dose,
   utiliser la dose minimale nécessaire pour être efficace,
   examiner régulièrement les avantages du médicament antipsychotique
    en rapport avec les effets indésirables,
   vérifier si les médicaments sont efficaces sur la durée.
Une cause des comportements-défis est souvent la douleur, que la
personne concernée éprouve des difficultés à verbaliser. Il est donc
important de reconnaître les situations où la personne a mal.
Comment donc reconnaître et prendre en compte l’expression de la
douleur ?
  L’expression de la douleur est différente d’une personne à une autre :
       Le seuil de tolérance peut être faible ou au contraire très élevé
        qui peut, par exemple, être lié à des traitements ;
       L’expression de la douleur peut alors être inexistante ou difficile à
        interpréter et être sous-estimée par les soignants.
  La non-reconnaissance de la douleur peut alors s’exprimer sous forme
   de «comportements-problèmes». Inversement, les «comportements-
   problèmes» peuvent provoquer des lésions physiques et des douleurs
   à prendre en compte.

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    Les causes de ces douleurs psychologiques et/ou physiques peuvent
     être multiples (otite, lésions dentaires, etc.) ou spécifiques et doivent
     alors être recherchées.
    Parmi ces causes, des soins douloureux répétés (soins d’hygiène de
     vie ou actes médicaux) ou des soins demandant à la personne des
     efforts physiques peuvent générer une appréhension des soins, de
     l’anxiété et entraîner des «comportements-problèmes».
Modèle fonctionnel
Ce modèle est basé sur l’idée que la qualité de vie des personnes est
influencée par une série de facteurs : leurs possibilités de choix (activités,
horaires, lieux, entourage, …), leurs possibilités de bénéficier de soins
adaptés (médicaux, hygiène), leurs projets (continuité, vie, éducation, …),
leurs possibilités de communiquer, leur possibilité de se valoriser, …
L’absence ou la faiblesse de ces éléments est susceptible de provoquer
des troubles du comportement, qui ont eux-mêmes un impact sur la qualité
de vie des personnes, suite à la ségrégation ou à la violence (contention)
dont elles peuvent faire l’objet, aux restrictions qui leurs sont imposées,
aux médications qui leur sont imposées.
Car, en cas de ségrégation, faut-il classer et regrouper les cas les plus
graves ? Qui vont-ils imiter ? Quelqu’un qui a aussi des problèmes de
comportement ?
La solution réside dans un changement de paradigme. D’une vision
négative (la personne est un problème) conduisant à tenter de la changer
(par des stratégies punitives ou de la médication), il s’agit de passer à une
vision positive des choses (la personne rencontre un problème) conduisant
à chercher à identifier la cause du problème et à agir sur elle, notamment
en se demandant ce qui la personne elle-même a à dire. A cet égard, il faut
être très attentif à l’aspect visuel des choses : montrer et parler avec des
gestes aide à la communication.
Cette approche compréhensive consiste à mettre en balance les
caractéristiques de la personne et les conditions d’environnement, qui
conduisent aux troubles du comportement. Dans ce contexte la méthode
d’analyse ABC (Antécédents, Behavior - soit           Comportement -,
Consequences) est très utile pour comprendre ce qui est complexe.

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Elle se base sur un tableau avec quatre colonnes, comme illustré ci-
dessous.

        SE                  A                   B                      C
                       Antécédents                             Conséquence
                                         Comportement-
     Contexte         Ce qui précède                             Ce qui suit
                                            problème
     Influence         directement                              directement
                                         Ce que l’on voit,
      A et C          Ce qui favorise                        Ce qui influence la
                                          entend, sent
                        l’apparition                          probabilité future

L’orateur illustre l’application de la méthode par un petit exemple.
Les courses ont lieu en fin de journée, maman, papa et leur enfant sont
fatigués et un peu nerveux à cause d’une journée difficile. Au
supermarché, il y a beaucoup de monde (donc, beaucoup
d’observateurs !), pas mal de bruit et les petites voitures sont bien en
évidence à l’entrée de chaque caisse. L’enfant demande d’acheter une
petite voiture; papa et maman lui refusent. Leur fiston se met alors à crier
et à donner des coups de pied à papa. Finalement, papa et maman lui
achètent et l’enfant se calme. C’est la nème fois que les choses se passent
de la sorte.
Le modèle fonctionnel s’établit comme suit.
        SE                  A                   B                      C

  Fin de journée     Petites voitures
     Fatigue        mises en évidence         Crie            Obtient la petite
  Monde et bruit      Observateurs       Donne des coups          voiture
     Nème fois            Refus             de pieds

On remarquera que tout renforcement positif intervenant dans les
conséquences (comme, ici, le fait pour l’enfant d’obtenir exactement ce
qu’il souhaitait) a de grandes chances d’augmenter la fréquence du
comportement à problème …
Différents antécédents et événements contextuels peuvent « aider » à la
survenance de tels événements, comme par exemple : des troubles
sensoriels, un déficit adaptatif, une absence de choix, des frustrations, un
déficit communicatif, l’oisiveté, des déficits cognitifs, etc. Ces éléments
peuvent être classés en trois catégories, ce qui aide à sortir de
l’immédiateté dans l’analyse et permet de donner à celle-ci une vue plus

L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022                                     13
globale :
   contexte      bio-développemental : diagnostic,        santé,   troubles
    sensoriels, consommation, médication, santé mentale, développement
    adaptatif et intellectuel, communication, sommeil, état émotionnel,
    puberté ;
   contexte physique : espace personnel, organisation, prévisibilité,
    matériel disponible, qualité de vie (environnement résidentiel, scolaire,
    professionnel) ;
   contexte socio-culturel : qualité de vie (contacts sociaux,
    préférences, choix), repères sociaux, cohabitation, stabilité des
    relations, interactions récentes (conflits, réprimandes), absences,
    décès, attentes, adéquation des programmes, types d’échanges,
    habitudes, histoire, expériences antérieures, valeurs.
Une autre grille d’analyse des antécédents peut aussi être utilisée :
  médical : douleurs, inconforts, médication, épilepsie ;
  psychologique : « images », souvenirs, hallucinations ;
  apprentissage : activités ou tâches trop difficiles ou trop simples, trop
   nombreuses, trop répétitives, successives, sans choix possible, non
   valorisantes, avec des temps libres trop longs, pas assez organisés ;
  qualité de vie : inoccupation, rupture d’intensité, organisation
   imprévisible, choix trop restreints, contraintes des services ;
  adaptation : densité de population, stimuli sensoriels, organisation
   matérielle des activités, structure/lieux, changements/transitions ;
  frustration : objets, activités, sexualité, relation sociale, aliments ;
  communication : communication réceptive, attention, modalités de
   contacts sociaux, interactions « négatives ».
Quant aux conséquences, elles ont de l’importance :
  bénéfices obtenus,
  effets sur et dans l’environnement, comme, par exemple : arrêt d’une
   demande, indifférence, bruit, réaction des pairs, immobilisation, effet
   visuel, …
Evaluation fonctionnelle
Au-delà d’une première analyse, les spécialistes disposent d’autres outils
d’analyse fonctionnelle plus approfondies, basée sur des questionnaires
successifs (version abrégé, version détaillée, version approfondie) et des

14                                 L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022
outils d’observation directe. Ils sont regroupés dans une méthode Impact
disponible sur Internet.
Les conclusions de ces analyses doivent permettre de mettre en place un
Support Comportemental Positif autour de la personne. L’idée est
d’apprendre à mieux communiquer afin de mieux comprendre. Au niveau
de l’intervention, on distingue deux étapes essentielles :
    pro-action : ils faut distinguer deux axes d’action
         prévention : on agit sur les antécédents :
               Prévisibilité ;
               Carnets de règles – Règles explicites (visuelles) ;
               Contrats de comportements … positifs … avec un code
                (tarif)
               Adéquation du niveau des activités ;
               Organisation des tâches ;
               Aménagement / organisation des espaces ;
               Aménagement de votre communication ;
               Consignes « parsemées » ;
               Aménager les facteurs déclencheurs.
         apprentissage : on agit sur le comportement :
               Communication « fonctionnelle » : STOP – FINI - NON ;
               Autonomie … s’occuper seul ;
               Autonomie personnelle ;
               Scénario sociaux ;
               Apprendre à comprendre les autres ;
               Jeux de rôles ;
               Self-management ;
               Attention : on n’apprend pas sans être récompensé de ses
                efforts.
    ré-action : on agit sur les conséquences :
         Extinction - indifférence ;
         Amende (coût de la réponse) ;
         Time-out (« isolement » par rapport au renforçateur ;
         Réparation.
L’orateur insiste sur le fait qu’il ne doit pas y avoir de ré-action sans pro-
action, et sur l’importance de la cohérence et de la durée.

L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022                                  15
A titre d’exemple d’aménagement intéressant, l’utilisation d’horaires
illustrés en images (pictogrammes) qui facilitent grandement la prévisibilité
des événements.
Toute cette approche, que l’on appelle SPC (Support Positif au
Comportement), apporte des résultats, ainsi que l’expérience de
nombreuses années de recherche le montre : sur 222 cas étudiés, 72 %
des cas aboutissaient à plus de 60% de réduction des troubles ; 2/3 d’entre
eux à 80 % de réduction !
Conclusion
Avant de conclure, l’orateur souligne que les stimulations aversives que
nous utilisons souvent ne sont pas du tout adaptées aux personnes
auxquelles elles sont adressées. Punir n’a en effet jamais appris à
quelqu’un ce qu’il est censé faire à la place !
Il faut donc plaider pour une modification des approches, tant dans le
milieu familial que dans les institutions. Cela nécessite une meilleure
formation des parents et des équipes, et aussi, une meilleure supervision.
Est-ce que l’AViQ, la COCOF ou le Ministère de l’Education s’occupent-ils
d’évaluer l’efficacité des classes spéciales, des classes TEACCH, des
services pour adultes ? Ira-t-on jusqu’à lier les subventions à la qualité des
services ? Le monde du handicap aura-t-il le choix du succès ?
Et pour conclure, cette citation de Goethe : « Traitez les gens comme s’ils
étaient ce qu’ils devraient être et vous les aiderez à devenir ce qu’ils
peuvent être ».
Références
1. Tassé et al., 2010.
2. Emerson et al., 2001.
Bibliographie
    ANESM : Autisme et autres TED. Interventions éducatives et
     thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent. Mars 2012.
    ANESM : Les « comportements-problèmes » : prévention et réponse
     au sein des établissements et services intervenant auprès des enfants
     et adultes handicapés.
    ANESM : Troubles du spectre de l’autisme : intervention et parcours de
     vie chez l’adulte. Juin 2017.

16                                 L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022
   KCE : Report 233. Management of autism in children and young
    people : a good clinical practice guideline. 2014.
   INESSS : Troubles graves du comportement : meilleurs pratiques en
    prévention, en évaluation et en intervention auprès des personnes qui
    présentent une déficience intellectuelle, une déficience physique ou un
    trouble du spectre de l’autisme. Mai 2021
   Miguel Angel Verdugo et al. : Echelle San Martin. Evaluation de la
    qualité de vie des personnes ayant des déficiences significatives.
    2014. INICO - FOSM.
   Willaye E. et Magerotte Gh. : Evaluation et intervention auprès des
    comportements-défis. de Boeck. 2e éd.

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L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022                                17
COMPTE-RENDU
         Exposé du professeur émérite Magerotte, de l’UMons

 Comment accueillir des personnes ayant des comportements-défis
             dans des environnements inclusifs ?
En guise de préambule, l’orateur se demande ce que l’on entend par
environnement inclusif ? Sans répondre directement à la question sur
laquelle il reviendra, il ajoute « Est-ce le cas des institutions de l’AViQ ? ».
Il présente ensuite le plan de son exposé, articulé en quatre parties :
1. Comment les intervenants de 1ère ligne (ceux qui sont « au charbon »)
     réagissent-ils aux troubles du comportement ?
2. Pourquoi l’élève (celui qui est à l’école obligatoire de 5 à 18 ans !) a-t-il
     des troubles du comportement ?
3. Que faire pour apprendre à vivre ensemble en classe inclusive lorsque
     l’on a compris « pour quoi » ? et en école ?
4. Enfin, un adulte qui a des comportements-défis peut-il vivre « bien »
     dans un habitat inclusif solidaire (HIS) ?
Il propose ensuite les objectifs qui devraient être partagés : qu’en tant que
parents, personnes en situation de handicap, professionnels et citoyens,
nous :

18                                  L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022
   ayons davantage d’informations sur le mouvement inclusif (école et
    habitat) et
   soyons motivés pour implanter des pratiques d’intervention inclusives
    … aussi pour les personnes ayant des troubles du comportement.

1. Comment les intervenants de 1ère ligne réagissent-ils aux
   troubles du comportement ?
Il faut d’abord circonscrire le contexte, du point de vue de l’intervenant,
enseignant ou parent :
    De quels comportements-défis parle-t-on ? des comportements
     difficiles à vivre (automutilation et agressivité physique, surtout),
     imprévisibilité, absence de communication, difficulté à exprimer des
     besoins, degré de déficience, …
    Quel est le contexte ? L’élève est-il seul ? Quelle est la cohésion de la
     famille, de l’équipe ? Le contexte physique (grand magasin versus
     école, ressources matérielles, …) et social (autres enfants ou adultes,
     …) ?
La cohésion des encadrants est primordiale : il est impératif de se mettre
d’accord sur ce que l’on voit et sur ce qu’il convient de faire. Une autre
question est de savoir quel modèle l’enfant a-t-il ? Le rôle de l’imitation est
fondamental.
Ensuite, la question du comportement des intervenants, enseignants ou
parents, se pose :
   réactions affectives (stress, …) et cognitives (inférences sur le
    comportement-défi : « Pourquoi fait-il cela ? Il m’en veut ? … »)
   facteurs individuels (expérience et croyance d’auto-efficacité, taille,
    force, anxiété, problèmes familiaux, …)
ce qui les conduit à punir ou à se fâcher ou à ne rien faire, avec le danger
d’abandonner des stratégies, de comportements peu positifs, voire de
maltraitance …
A noter que le langage utilisé a toute son importance. Que comprend, par
exemple, une personne avec déficience intellectuelle, si on lui dit « perdre
les pédales » ? De nombreuses expressions courantes sont tout à fait
incompréhensibles pour elles !

L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022                                   19
Enfin, quelles sont les conséquences pour l’intervenant, enseignant ou
parent :
   il échappe au comportement-défi, mais celui-ci ne diminue pas
    rapidement, voire persiste …
   l’intervenant risque de faire un burn-out, ce qui désorganise l’équipe.
Pour le jeune, la tendance au comportement-défi ne diminue pas
rapidement, voire persiste.
Quelles solutions proposer ? Comprendre d’abord le « pour quoi » (en
deux mots), les raisons de la colère. Et puis, soutenir le personnel.

2.   Pourquoi l’élève a-t-il des troubles du comportement ?
Imaginons un élève – appelons-le Jean – dans une classe de 15 à 20
élèves « ordinaires ». Lors d’un exercice, il jette soudainement son
matériel par terre. Pourquoi, pour (obtenir, éviter, susciter, …) quoi, fait-il
cela ?
   Peut-être parce que l’exercice est trop difficile pour lui ? Dans ceD.cas,
                                                                             D.
    le fait de jeter le matériel lui permet d’échapper à une situation
    désagréable « avant ».
   Peut-être trouve-t-il l’exercice ennuyeux ? La fonction du
    comportement-défi est la même dans ce cas : échapper à une situation
    désagréable.
   Peut-être est-il simplement fatigué ? Même constat. Dans ces trois
    premiers cas, le « pour quoi » est « pour échapper à la situation
    désagréable ».
   Mais aussi peut-être souhaite-t-il seulement avoir l’attention de
    l’enseignant ? Dans ce cas, le « pour quoi » est « pour obtenir
    l’attention de l’enseignant ».
   Enfin, peut-être souhaite-t-il obtenir l’attention des autres élèves, qui se
    mettent à rire ?
Cette première analyse nous permet d’identifier des raisons possibles
(pour échapper à l’activité désagréable ou obtenir de l’attention). Mais
nous devons aussi identifier le contexte « avant » le comportement-défi :
   Où : cela se passe en classe, lors d’un exercice à faire seul ;
   Quand : vers 11h00 ;
   Avec qui : lorsque l’enseignant insiste ;

20                                  L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022
   Lors de quelle activité : tâche difficile (ou trop facile, ennuyeuse) ;
   Contexte : n’a rien mange le matin (d’où faim, fatigue) ;
   Contexte : les autres élèves … l’organisation de la classe …
Une analyse de différents cas de comportements-défis a permis d’établir le
classement suivant, des raisons de ces comportements :
   34 % des cas sont motivés par une tentative d’échappement ou
    d’évitement d’une situation ;
   35 % des cas sont motivés par une recherche d’attention (25%) ou
    d’un objet (jeu, nourriture, …) ;
   15 % des cas sont automatiques : auto-renforcement par un
    comportement « agréable » (stéréotypies, automutilation, …) ;
   15 % des cas ont des causes multiples : avec le risque de voir un
    comportement se généraliser comme outil de communication
    générique !

3. Que faire pour apprendre à vivre ensemble en classe inclusive
   lorsqu’on a compris « pour quoi » ?
L’orateur rappelle qu’il existe en société quatre situations possibles (voir
illustration) :
    L’exclusion, où un ensemble non structuré d’individus ne sont pas
     admis au sein du cercle des « élus » ;
    La ségrégation, où un groupe structuré de personnes n’est pas
     admis dans le cercle ;
    L’intégration, où un groupe de personnes, bien qu’admis dans le
     cercle, forme un groupe à part ;
    L’inclusion, enfin, où dans le cercle on ne fait aucune différence
     entre les individus quels qu’ils soient.

Seule cette dernière situation est conforme à la Convention des Nations
Unies sur les droits des personnes handicapées (CNUDPH).

L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022                                     21
L’orateur cite alors Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu diffères de moi, loin
de me léser, tu m’enrichis ! ». Cela nécessite évidemment de l’ouverture
d’esprit.
Qu’est-ce qu’une école inclusive ? C’est une école qui accueille tous les
élèves, y compris ceux à besoins spécifiques, qui habitent dans un
environnement proche, dans le cadre d’une collaboration soutenue
entre des équipes (celles d’une école ordinaire et d’une école spécialisée,
ainsi que des équipes de l’AViQ et du PHARE), au bénéfice de tous les
élèves, avec une transformation systémique des contenus, méthodes
d’enseignement, approches, structures et stratégies en éducation1.
Le comportement-problème devient un comportement-défi s’il :
    est un danger pour la personne ;
  D. D.
    est un danger pour d’autres personnes ;
    rend l’intégration sociale difficile et donc aussi l’accès aux services
     « ordinaires » ;
    risque de devenir plus grave, si on n’intervient pas et compromet
     d’autres apprentissages,
et si on décide qu’il faut intervenir et qu’une action est réellement
organisée.
Que faire alors ? C’est un défi pour tous, à travers le PIA, qui doit traduire
une véritable « alliance développementale » entre les enseignants, les
parents, l’élève, l’AViQ, la COCOF. A ce propos, l’orateur rappelle que le
PIA (Plan Individuel d’Apprentissage) est inspiré de l’Individual Education
Program américain, qui remonte à 1980, et a été adopté en Fédération
Wallonie-Bruxelles en 2004. Depuis 2009, la participation de l’élève et de
ses parents à son élaboration est obligatoire, car « Ce que tu fais pour moi,
si tu le fais sans moi, tu le fais contre moi » (proverbe marocain).
Et il n’y a pas que des troubles du comportement ! Il convient aussi
d’observer et de noter tous les comportements « positifs », « de
collaboration » et dans quels contextes ils se manifestent. Par exemple, la
proximité d’un élève calme ou la solitude (jouer seul ou avec un
casque ?) …
Que faire après un comportement d’évitement ? Demander à l’élève de
verbaliser son mal-être. Ensuite, par exemple, simplifier la tâche, l’aider,

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avec des renforçateurs …, proposer une autre tâche, ou l’écourter, … Mais
surtout : revoir l’organisation de la vie en classe :
   revoir l’aménagement de la classe (flexibilité) : dans une classe
    flexible, l’environnement est organisé d’une façon flexible, en agissant
    sur la disposition des meubles, avec des emplacements isolés dans la
    classe ;
   assurer la prévisibilité (horaires des élèves, des professeurs),
   adapter la façon de parler aux élèves : utiliser des supports visuels,
    parler simple, en étant attentif à ne pas utiliser des expressions qui
    littéralement ne signifient rien, comme par exemple « couper le
    courant » ;
   organiser le travail par deux, en plaçant un élève « ordinaire » avec un
    élève « à difficulté » : le tutorat est le plus vieux métier du monde ;
   revoir le choix des activités, l’ordre des tâches, etc.
L’élève avec comportements-défis apprendra dans la classe/l’école
inclusive :
   si l’équipe a identifié les raisons (le pour quoi) de ces comportements
    (grâce à une évaluation fonctionnelle) et
   si l’équipe s’est mise d’accord dans le PIA sur les stratégies
    « positives » à employer dans la classe.
C’est ainsi que l’on pourra mettre en place un soutien au comportement
positif (Positive Behavior Support – PBS2).
Cela nécessite de mettre en place, dans la classe et dans l’école, une
prévention primaire :
  enseigner toutes les attentes de l’école ;
  soutien scolaire ;
  enseigner des comportements sociaux ;
  prévoir des renforcements positifs pour tous (ex. féliciter …) ;
  favoriser les contacts entre tous les élèves via le tutorat (apprentissage
   et relations sociales).
Au niveau de groupes, on peut mettre en place une prévention
secondaire :
  programmes de self-management : apprendre à s’autogérer ;
  enseignement intensif de compétences sociales ;
  enseignement de compétences scolaires.

L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022                                 23
Enfin, au niveau individuel, on peut mettre en place une prévention
tertiaire :
    évaluation fonctionnelle des troubles du comportement ;
    apprentissage de comportements alternatifs positifs (compétences
     scolaires et compétences sociales).

4. Un adulte avec comportements-défis peut-il « vivre bien » dans un
   habitat inclusif solidaire ?
Pour l’orateur, une personne adulte qui cumule situation de handicap et
comportements-défis devrait pouvoir vivre chez elle, de façon à participer
de façon pleine et entière à la vie de la cité (voir CNUDPH) et, comme
tout adulte, de façon à remplir des rôles sociaux que tout adulte remplit (ou
devrait remplir).
Qu’entend-t-on par « rôles sociaux » ? C’est :
  être membre d’une famille (enfant de ses parents, membre d’un couple
   et parent, membre d’une grande famille, comme oncle, tante, …) ;
  être autonome dans la vie quotidienne (repas, toilette, etc.) ;
  être ami, voisin ;
  pouvoir apprendre tout au long de sa vie ;
  travailler ou exercer une activité socialement valorisée ;
  participer à des activités de loisir, en particulier inclusives ;
  être membre de groupes proposant des activités sociales (parti, église,
   club de sport, de jeux, etc.) ;
  être membre de la cité, comme tout citoyen et toute citoyenne ;
  être retraité.
Les habitats inclusifs solidaires ont pour objectif de favoriser les possibilités
d’exercer ces rôles sociaux. Mais qu’est-ce qu’un habitat inclusif solidaire ?
C’est :
   un environnement ordinaire que les habitants s’approprient ;
   accueillant un nombre limité de personnes (c’est le point le plus
    délicat) ;
   assurant aux personnes un soutien adapté tenant compte de leurs
    capacités et de leurs projets ;
   favorisant le développement d’un réseau de soutien volontaire (et pas
    seulement de professionnels) pour chaque habitant ;

24                                   L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022
   faisant appel à des ressources professionnelles extérieures en soutien
    et en cas de difficultés, afin d’éviter l’exclusion ;
   favorisant un maximum d’activités inclusives.
L’asbl Habitat et Participation (www.habitat-participation.be) milite en vue
de la multiplication de ce type d’habitat.
En pratique, un habitat inclusif solidaire est une maison ou un
appartement qui :
  accueille au maximum 5 ( ?) personnes,
  est proche des transports en commun,
  se situe dans un quartier résidentiel ordinaire,
  répond à des critères personnalisés,
  n’est pas réservé à une catégorie de personnes (en terme de types ou
   d’intensité de handicap),
  est occupée par des personnes ayant un style de vie compatible.
Dans ce type d’habitat, la personne :
  dispose d’une adresse individuelle,
  assume régulièrement les dépenses de la vie quotidienne (loyer, gaz,
   électricité, alimentation, …),
  voit ses choix individuels pris en compte avant les choix du groupe,
  a un groupe de soutien (parents, amis) qui est centré sur la personne,
   son environnement familial, ses amis,
  a un « life-coach » qui l’accompagne un certain temps.
Afin de prévenir les troubles du comportement, des professionnels
interviennent de temps à autre :
   l’accompagnement, variable dans le temps, se fait en fonction des
    besoins individuels, via le projet individualisé « rien pour nous sans
    nous » ;
   pour le reste, la personne peut faire appel à ses ressources
    ordinaires : réseau social, service d’accompagnement, parrainage
    citoyen, etc.
Les professionnels qui interviennent dans ce cadre mettent en place des
stratégies spécifiques aux problématiques de la personne concernée, avec
le recours éventuel à des spécialistes du trouble du comportement.
L’adulte avec comportements-défis pourra vivre bien chez elle :

L’X Presse 104 | AXFB asbl | janvier 2022                                25
    si l’équipe a identifié les raisons (le pour quoi) de ces comportements
     grâce à une évaluation fonctionnelle et
    si l’équipe s’est mise d’accord dans le projet individualisé sur les
     stratégies « positives » à employer dans l’habitat inclusif solidaire.
Les professionnels utilisent un système de gestion des activités pour que
la personne adulte ait un style de vie valorisé, en réalisant des activités :
   dans la communauté (« intégration physique ») ;
   avec des personnes significatives (parents, amis, connaissances =
    « intégration sociale ») ;
   de la manière la plus autonome et la plus compétente possible ;
   qui ont sa préférence ;
   qui sont variées et liées à un objectif.
A chaque activité sont évidemment liées des compétences. Par exemple,
pour pouvoir aller chercher le journal de l’autre côté de la rue (activité), il
faut apprendre à traverser (compétence).
Dans ce contexte, il est opportun d’utiliser un répertoire d’activités. On peut
distinguer trois grands domaines :
    le domaine des loisirs, domaine qui offre des opportunités et qui
     comporte les possibilités suivantes : média, exercices physiques, jeux/
     art/hobbies, événements, visites et rencontres ;
    le domaine de l’autonomie personnelle, domaine qui regroupe
     plutôt des obligations auxquelles la personne doit satisfaire et dans
     lequel on trouve : les soins personnels, l’alimentation, les tâches
     ménagères, la gestion personnelle, les services de soins personnels ;
    le domaine des activités de service, qui donne la possibilité de faire
     valoir ses compétences et qui offre une large palette d’activités :
     entretien des espaces et des objets, entretien des espaces verts,
     cuisine et restauration, travail administratif, activités artistiques et
     artisanales, activités d’élevage et de soins aux animaux.
Ce panorama est évidemment non exhaustif et peut être étendu en
fonction des cas individuels, en fonction de ce que la personne aime et
souhaite faire.
Pour chacun des domaines d’activité proposée, on peut identifier diverses
possibilités et évaluer dans quelle mesure elle est à recommander ou à

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