Ampleur des attitudes et comportements extrémistes des jeunes en Suisse
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HES-SO - Haute école de travail social Fribourg (HETS-FR) Institut für Delinquenz und Kriminalprävention Ampleur des attitudes et comportements extrémistes des jeunes en Suisse Novembre 2018 Patrik Manzoni, Dirk Baier, Sandrine Haymoz, Anna Isenhardt, Maria Kamenowski, Cédric Jacot 1
Table des matières 1. Introduction ........................................................................................................................................3 1.1 Définition de l’extrémisme politique ...........................................................................................4 1.2 Définition de l’extrémisme de droite ...........................................................................................5 1.3 Définition de l’extrémisme de gauche .........................................................................................6 1.4 Définition de l’extrémisme islamiste ...........................................................................................7 2. Méthodologie de l’enquête .................................................................................................................9 3. Résultats de l’enquête ......................................................................................................................12 3.1 Extrémisme de droite ....................................................................................................................12 3.1.1 Attitudes d’extrême droite ............................................................................................................... 12 3.1.2 Comportements d’extrême droite .................................................................................................... 17 3.2 Extrémisme de gauche ..................................................................................................................18 3.2.1 Attitudes d’extrême gauche ................................................................................................... 18 3.2.2 Comportements d’extrême gauche ......................................................................................... 22 3.3 Extrémisme islamiste ....................................................................................................................23 3.3.1 Attitudes relevant de l’extrémisme islamiste ........................................................................... 23 3.3.2 Comportements relevant de l’extrémisme islamiste ................................................................. 27 3.4 Résumé des prévalences de toutes les formes d'extrémisme .......................................................29 3.5 Similitude et différences entre les extrémismes............................................................................30 3.5.1 Chevauchements entre les différents types d’extrémisme ............................................................ 30 3.5.2 Autres caractéristiques partagées par tous les types d’extrémisme .............................................. 32 4. Résumés de l’enquête .......................................................................................................................38 Résumé en français.................................................................................................................................38 Résumé en allemand ...............................................................................................................................43 Bibliographie.........................................................................................................................................48 2
1. Introduction Ce rapport présente les résultats d'une enquête sur l’ampleur de l'extrémisme politique chez les jeunes en Suisse 1. L’extrémisme politique est un objet d’étude essentiel, d'une part parce qu’il gagne de l’importance en Suisse, et d'autre part parce qu’il préoccupe de plus en plus la population. Selon les données du Service de renseignement de la Confédération (SRC), les actes de violence d'extrême gauche ont par exemple doublé entre 2015 et 2017, passant de 49 à 100 incidents 2. En ce qui concerne les extrémistes de droite et les présumés « voyageurs djihadistes », leurs effectifs sont en baisse depuis 2015. Néanmoins, ces diminutions n’impliquent pas forcément une disparition des menaces liées à ces deux formes d’extrémisme. Le Service de renseignement de la Confédération relève à propos de l’extrémisme de droite : "leur décision [de l’extrémisme de droite] de faire preuve de retenue et de ne pas se manifester trop ouvertement sur la scène publique ne signifie aucunement que leur potentiel de violence ait diminué 3". Il estime également au sujet de l’extrémisme islamiste que "la menace pour la Suisse subsiste 4". Par ailleurs, des enquêtes montrent que les thématiques du terrorisme et de l’extrémisme inquiètent de plus en plus la population. Selon le "baromètre des préoccupations" (gfs.bern, 2017), bien que ces thématiques ne figurent actuellement pas en tête de liste 5, elles constituent l'un des cinq problèmes les plus importants de la Suisse pour 13% des personnes interrogées. Cette proportion a plus que triplé depuis 2010. La présente enquête porte sur des adolescents et des jeunes adultes, étant donné qu’ils sont spécialement vulnérables face à l'extrémisme, en particulier lorsqu'il s'agit de rejoindre des groupes extrémistes et d'adopter des comportements extrémistes (cf. Baier/Boehnke 2008). Ce choix s’est aussi imposé étant donné la plus grande facilité d’atteindre un grand nombre de jeunes en faisant passer des questionnaires dans les écoles. En effet, l’extrémisme étant un phénomène peu répandu au sein de la population en général, il est ainsi nécessaire d’avoir un grand échantillon pour analyser cette problématique. De surcroît, un des avantages de cette méthode de recherche, à savoir de faire passer des questionnaires dans les écoles, est l’accessibilité facilitée aux différents groupes de la population (jeunes issus de familles privilégiées et défavorisées, jeunes issus de familles autochtones et migrantes, etc.). Afin de mesurer l’extrémisme, il est nécessaire que les différentes dimensions qui le constituent soient définies avec précision, faute de quoi l’instrument ne sera pas fiable. L'un des principaux défis est qu'il n'existe actuellement aucun consensus dans la recherche en sciences sociales sur ce que l'on entend par extrémisme politique et sur les dimensions qui le 1 Cette enquête, intitulée « L’extrémisme politique parmi les jeunes en Suisse : ampleur et facteurs explicatifs », a été financée par le Fonds National de la Recherche Scientifique (FNS – no 100017_165760). 2 Se référer au document suivant : https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/52217.pdf , p. 56. 3 Idem, p. 62. 4 Idem, p. 50. 5 Les préoccupations principales sont la prévoyance vieillesse, le chômage et les étrangers. 3
composent. Ainsi, des précisions quant à différentes définitions sont présentées au chapitre suivant. 1.1 Définition de l’extrémisme politique Une caractéristique centrale de l'extrémisme politique est le rejet de l'État de droit démocratique (cf. Baier 2018). L'objectif est de supprimer, ou du moins de restreindre, sa « composante constitutionnelle (séparation des pouvoirs, protection des droits fondamentaux) d'une part, et sa composante démocratique (souveraineté populaire, égalité humaine) d'autre part » (Goertz/Goertz-Neumann 2018, p. 11 6). Cela signifie que tout extrémisme politique s'oppose aux principes de l'État de droit démocratique, tels que « la possibilité d’une destitution, le contrôle des pouvoirs, les droits fondamentaux, le principe d'individualité, le pluralisme, l'État de droit et la souveraineté du peuple » (Pfahl-Traughber 2017, p. 47 7). Outre ce rejet de l'État de droit démocratique, une autre caractéristique centrale de l'extrémisme politique est le recours à la violence pour atteindre des objectifs politiques. Cette dernière caractéristique permet de distinguer l'extrémisme politique des positions politiques radicales qui n’approuvent pas nécessairement le recours à la violence. L'extrémisme politique peut donc être défini de la façon suivante : Il s'agit d’un ensemble d'attitudes et de comportements caractérisés par le rejet de l'État de droit démocratique, de ses valeurs fondamentales et de ses règles de procédure ; et ce, en cherchant à le renverser par le recours à la violence. Sur un plan abstrait, il existe plusieurs points communs qui unissent toutes les formes d'extrémisme politique. Selon Eser Davolio et Lenzo (2017, p. 12), cela inclut des attitudes profondément anti-démocratiques ainsi qu'une orientation cognitive caractérisée par la pensée dichotomique 8 (qui sépare par exemple les personnes en deux groupes : les amis - groupe d’appartenance - et les ennemis - groupe externe ou exogroupe -). A cela s’ajoute également le recours à la violence contre ceux qui sont déclarés ennemis. Toutefois, la connaissance de ces points communs n'est pas suffisante pour déterminer et identifier les spécificités des différentes formes d'extrémisme. Il n’est, par exemple, pas possible de déterminer si une personne est d’extrême gauche ou droite à partir de son opposition à la démocratie. Les similitudes mentionnées ne sont pas assez spécifiques pour servir de base à une enquête sur les différentes formes d'extrémisme. C’est pourquoi il est nécessaire de répondre à deux questions centrales : 1. Quels sont les objectifs idéologiques poursuivis par les différentes formes d'extrémisme ? 2. Comment sont définis les amis et les ennemis au sein des idéologies des différentes formes d’extrémisme, c'est-à-dire comment sont définis les groupes d’appartenance et de non- appartenance (groupe externe) au sein des différentes formes d’extrémisme ? 6 Traduit de l’allemand 7 Traduit de l’allemand 8 Selon Eser Davolio et Lenzo (2017), il existe d'autres similitudes entre les différentes formes d’extrémisme comme la revendication de la vérité, la camaraderie, l'hostilité envers les médias et l'antisémitisme. 4
L'une des conséquences de cette distinction entre le groupe d’appartenance et le groupe externe est que ce dernier peut être dévalué. La dévaluation du groupe externe justifie le recours à la violence à son encontre. Etant donné l’importance particulière que revêtent l'extrémisme de droite, de gauche et l'extrémisme islamiste 9 actuellement, l’enquête se concentrera sur ces trois formes d’extrémisme, ce qui implique que les deux questions ci- dessus devront trouver une réponse pour ces trois formes d’extrémisme. 1.2 Définition de l’extrémisme de droite Les objectifs idéologiques et les groupes ennemis de l’extrémisme de droite sont conceptualisés de différentes manières dans la littérature. Heitmeyer (2002) développe actuellement le modèle le plus complet sur la misanthropie de groupe. Dans sa version la plus récente, ce modèle contient les 13 éléments suivants (Zick et al. 2016, p. 37) : racisme, sexisme, xénophobie, antisémitisme, islamophobie, dévalorisation des Tsiganes et des Roms, dévalorisation des demandeurs d'asile et des réfugiés, homophobie, dévaluation des personnes transsexuelles, dévaluation des personnes sans abri, dévaluation des personnes handicapées, dévaluation des personnes étant au chômage depuis longtemps et des privilèges acquis. Cette énumération montre clairement que le modèle vise à identifier les groupes de non- appartenance de la façon la plus complète possible. Les objectifs idéologiques ont cependant tendance à être négligés et certains groupes de non-appartenance mentionnés ci-dessus ne sont pas des ennemis typiques de l'extrémisme de droite. Decker et ses collaborateurs (2016) ont élaboré une conceptualisation alternative de l’extrémisme de droite qui tient également compte des objectifs idéologiques. Selon cette conceptualisation, les objectifs idéologiques sont définis par une « affinité pour les formes dictatoriales de gouvernement, des attitudes nationalistes 10 et une banalisation ou une justification du national-socialisme » ; les groupes ennemis sont quant à eux définis « par des attitudes antisémites, xénophobes et relevant du darwinisme social » (ibid. p. 29 11). Dans leurs enquêtes, des instruments de mesure des objectifs idéologiques de l’adhésion à la dictature, du nationalisme, de la banalisation du national-socialisme, de la xénophobie, de l'antisémitisme et du darwinisme social (dévalorisation des groupes étrangers) ont été proposés. Comme le national-socialisme n'a pas la même signification historique pour la Suisse que pour l'Allemagne, la prise en compte de cette dimension de l'extrémisme de droite dans une enquête Suisse ne semble pas adéquate. Eser Davolio et Lenzo (2017, p. 12) utilisent des concepts similaires pour caractériser l'extrémisme de droite, à savoir le nationalisme, le racisme et la xénophobie. De plus, ils soulignent que la violence commise est dirigée contre les étrangers, donc une violence xénophobe. Toutefois, un ajout semble nécessaire à cet égard. Comme le montrent les analyses allemandes, la violence de l'extrême droite est effectivement principalement dirigée contre les étrangers et les migrants, mais elle est également fréquemment dirigée contre les extrémistes de gauche. En effet, environ un tiers à un quart des violences corporelles causées 9 D'autres termes seront également utilisés pour désigner l'extrémisme islamiste, par exemple l'extrémisme djihadiste ou salafiste, le fondamentalisme, etc. 10 Un des items correspondant aux attitudes nationalistes était le suivant : « Nous devons affirmer de façon plus énergique les intérêts de la nation allemande vis-à-vis des pays étrangers. » 11 Traduit de l’allemand 5
par les extrémistes de droite sont dirigées contre des extrémistes de gauche (Baier 2018). Ainsi, les extrémistes de gauche représentent un groupe ennemi important contre lequel, du point de vue de l'extrémisme de droite, le recours à la violence est légitime. L'extrémisme de droite est donc défini comme une orientation politique qui prône le nationalisme et la dictature (objectifs idéologiques) et hiérarchise les individus en fonction de leur appartenance à un groupe social (darwinisme social). Les membres du groupe d’appartenance sont représentés par les autochtones et les membres du groupe externe sont représentés, entre autres, par les étrangers, les musulmans et les juifs, ce qui explique pourquoi l'hostilité à l’égard des étrangers est au cœur de cette orientation politique. La violence de cet extrémisme est principalement dirigée contre les étrangers et les extrémistes de gauche. 1.3 Définition de l’extrémisme de gauche L'extrémisme de gauche est défini comme une orientation politique visant la mise en place « d’une société socialiste ou communiste, une société libre de domination » (Goertz/Goertz- Neumann 2018, p. 164 12). D'autres éléments de l'idéologie d’extrême gauche sont mentionnés par Goertz-Neumann (2018), à savoir l'antifascisme et l'anti-gentrification (ibid., pp. 168 et suivantes). Dans son enquête sur les jeunes d’extrême gauche, van Hüllen constate également que la "lutte contre la droite" est particulièrement importante et qu’il y a une véritable volonté de commettre des actes de violence à l’encontre de ce groupe ennemi. Jusqu'à présent, deux conceptualisations de l'extrémisme de gauche ont servi de base à des enquêtes quantitatives. Deutz-Schroeder et Schroeder (2016) ont mené une recherche auprès d’adultes au sein de laquelle 14 items ont été définis pour mesurer les quatre dimensions suivantes : l’anticapitalisme/antifascisme, l’antiracisme, l’anti-démocratie et une conception communiste de l’histoire. Dans la mesure où l'hostilité à l’encontre de la démocratie caractérise toutes les formes d'extrémisme, cette dimension semble moins adaptée pour saisir les particularités de l'extrémisme de gauche. Baier (2015), quant à lui, opérationnalise l'extrémisme de gauche à l’aide de 10 items mesurant les dimensions suivantes : l’anticapitalisme, l’anti-répression, l’antimilitarisme, le communisme/l’abolition de l'État et l’adhésion à la violence. Eser Davolio et Lenzo (2017, p. 12) considèrent l'antifascisme, l'anarchisme, le communisme et l'internationalisme comme les caractéristiques centrales de l'extrême gauche. La violence de cet extrémisme est principalement dirigée contre la police. De plus, les opposants politiques (à savoir, les extrémistes de droite) sont également la cible de violences physiques. En effet, en Allemagne, environ un tiers des incidents violents de l'extrême gauche sont dirigés contre des extrémistes de droite (Baier 2018). Dans le cadre de cette enquête, l'extrémisme de gauche a été défini comme une orientation politique dont l’objectif idéologique est la mise en place du communisme. Les groupes ennemis de cet extrémisme sont constitués par les capitalistes d'une part (hostilité vis-à-vis du capitalisme), ainsi que par l'Etat et ses organes répressifs d'autre part ; en particulier la police (hostilité vis-à-vis de la police et de l'Etat). Dans le contexte suisse, un autre objectif 12 Traduit de l’allemand 6
idéologique a également été considéré : l’abolition des frontières. Selon cette orientation idéologique (le sans-frontiérisme), il est nécessaire d’accorder l'asile à davantage de réfugiés en Suisse et de mettre fin à la pratique de l'expulsion des personnes en séjour irrégulier (les sans-papiers). Du point de vue de cet extrémisme, il est permis de recourir à la violence contre les groupes définis comme ennemis (capitalistes, policiers, extrémistes de droite). 1.4 Définition de l’extrémisme islamiste L’objectif de l'extrémisme islamiste est de "changer le système politique ainsi que la vie sociale et culturelle de la société à partir d'une interprétation radicale de l'Islam, seule interprétation du Coran reconnue comme légitime" (Goertz/Goertz-Neumann 2018, p. 17 13). Le fait qu'il s'agisse d'un extrémisme politique (et non, d’un extrémisme religieux) est justifié par ses objectifs politiques, qui comprennent, entre autres : la libération des Etats islamiques des gouvernements impies, l’expulsion des puissances occidentales occupantes, la répression de l'influence culturelle de l'Occident et la création d'un État islamique (Ceylan/Kiefer 2018, p. 45 14). Selon Eser Davolio et Lenzo (2017), les dimensions de l'extrémisme islamiste comprennent avant tout la légitimation religieuse, l'établissement d'un califat sunnite, l'umma et la lutte contre les "infidèles". La violence est considérée comme légitime, notamment sous la forme d'attaques terroristes. En Allemagne, deux études approfondies sur l'extrémisme islamiste existent à ce jour. Elles ont l’une et l’autre mis au point des instruments de mesure pour étudier l’extrémisme islamiste. Brettfeld et Wetzels (2007) proposent les dimensions de l’extrémisme islamiste suivantes : l’accord avec les orientations religieuses fondamentalistes, la supériorité de l'Islam et parallèlement la dévalorisation des sociétés chrétiennes et occidentales ainsi que la violence à motivation religieuse et la violence terroriste. Dans l’étude de Geschke et ses collaborateurs (2011), six dimensions ont été définies : les préjugés envers l'Occident, les préjugés envers les Juifs, le fondamentalisme religieux, les émotions négatives envers l'Occident, la distance par rapport à la démocratie et l’acceptation de la violence contre certains groupes ennemis. Cependant, certaines de ces dimensions identifiées par Geschke et ses collègues (2011) ne semblent pas caractériser uniquement l’extrémisme islamiste, mais également d’autres formes d’extrémisme. Par exemple, l'hostilité à la démocratie ou les préjugés contre les Juifs caractérisent également d’autres formes d’extrémisme, notamment l’extrémisme de droite. Heitmeyer et ses collaborateurs (1997) ont analysé les attitudes de l’extrémisme islamiste à partir de deux dimensions : la revendication de la supériorité de l'Islam et une propension à la violence fondée sur la religion. Dans le cadre de cette enquête, les orientations politiques de l’extrémisme islamiste ont été définies de la façon suivante : l’objectif idéologique central de cet extrémisme est la mise en place d'une théocratie fondée sur le Coran et la Charia. Le groupe des musulmans orthodoxes est valorisé au sein de cet extrémisme (supériorité de l'Islam) ; les sociétés occidentales en général et les musulmans non traditionnels en particulier sont considérés comme des groupes 13 Traduit de l’allemand 14 Traduit de l’allemand 7
ennemis. Les habitants des pays occidentaux dans lesquels vivent les musulmans sont également considérés comme des ennemis, donc dans le cadre de cette enquête, les Suisses. La dévalorisation des sociétés occidentales, l'hostilité envers les musulmans non traditionnels et l'hostilité envers les Suisses constituent donc les dimensions idéologiques centrales définissant les groupes ennemis. La violence est dirigée contre les personnes qui n'appartiennent pas à l'Islam et les attaques terroristes sont considérées comme le principal moyen d'atteindre les objectifs politiques de l'extrémisme islamiste. De surcroît, afin de pouvoir recourir à la violence contre des groupes ennemis, il est parfois nécessaire de se rendre dans des zones de conflits ; c'est pourquoi la promotion des voyages djihadistes représente également une dimension de la violence politique propre à l’extrémisme islamiste. Les définitions des différentes formes d'extrémisme présentées dans ce rapport sont fondées sur l’état de la recherche actuelle. Ces définitions doivent être considérées comme provisoires et non exhaustives. En effet, un examen plus approfondi des dimensions qui caractérisent les différentes formes d’extrémisme s'impose dans un contexte d'évolution constante. Ces définitions, comme mentionné, ne sont pas exhaustives dans la mesure où toutes les dimensions considérées comme importantes n'ont pas pu être prises en compte dans la présente recherche. Une sélection des dimensions s'explique à la fois par l'espace limité disponible dans un questionnaire et par le fait qu’il n'existe pas toujours d’instruments de mesure établis pour les différentes dimensions recensées. Le tableau ci-dessous expose les principales dimensions de l’extrémisme de droite, de l’extrémisme de gauche et de l’extrémisme islamiste retenues pour la présente recherche. Comme indiqué précédemment, les dimensions prises en compte pour définir l’extrémisme sont d’une part les aspects idéologiques propres aux différents types d’extrémisme et d’autre part la tolérance de la commission de violence politique à l’encontre des personnes cibles ou de leurs biens. Ainsi, afin d’être considéré comme étant extrémiste, il est nécessaire d’adhérer à la fois aux objectifs idéologiques et à l’acceptation de la violence commise à l’encontre des personnes cibles ou de leurs biens. Extrémisme de droite Extrémisme de gauche Extrémisme islamiste Objectifs idéologiques et Nationalisme Communisme Etablissement d’une dépréciation des membres du théocratie/Charia groupe de non-appartenance Adhésion à la dictature Sans frontiérisme Supériorité de l’islam Darwinisme social Anticapitalisme Hostilité à l’égard de l’Occident Racisme Hostilité à l’égard de la police et de l’Etat Hostilité à l’égard des musulmans Xénophobie non-traditionnels Islamophobie Hostilité à l’égard des Suisses Antisémitisme Attitudes et comportements Etrangers Capitalistes Personnes n’appartenant pas à violents à l’encontre des l’islam (non-musulmans) membres du groupe de non- Extrémistes de gauche Policiers appartenance Terrorisme/Etat Islamique Extrémistes de droite 8
Il convient de noter à ce stade que le présent rapport se limite dans une large mesure à des analyses descriptives des différentes formes d’extrémisme. Divers facteurs explicatifs de l’extrémisme ont également été examinés dans le cadre de l'enquête. Les résultats sur ces facteurs explicatifs seront présentés dans une publication ultérieure. La méthodologie de l’enquête, tout comme les instruments de mesure utilisés, sont présentés dans le chapitre suivant. 2. Méthodologie de l’enquête Au total 8'317 étudiant-e-s de première et deuxième année du secondaire II (lycées/collèges, écoles de culture générale écoles professionnelles et centres de transition professionnelle) ont répondu à un questionnaire en ligne durant une heure de cours. L’encadrement de la passation des questionnaires a été réalisé par des enquêteurs ou par les enseignants responsables de classe. La participation à l’enquête était libre et l’anonymat des réponses garanti. La présente enquête a été effectuée dans dix cantons suisses. Dans l’ensemble, 123 écoles et 595 classes y ont participé. Le tableau 1 présente le nombre de répondants par cantons. Le taux de réponse s’élève à plus de 50% des étudiants de deuxième année dans six cantons (Bâle-Campagne, Fribourg, Genève, Soleure, Tessin et Valais) et à moins de 50% dans les quatre cantons restant (Berne, Lucerne, Saint-Gall et Zurich). Le taux de réponse est particulièrement faible pour le canton de Lucerne (4.9%) où seuls les élèves des écoles professionnelles ont participé à l’enquête. Mis à part le cas de Lucerne et celui de Fribourg (au sein duquel les élèves des centres de transition n’ont pas participé à l’enquête) et du Tessin (au sein duquel les élèves des écoles de culture générale n’ont pas participé à l’enquête), tous les différents types d’écoles sont représentés au sein de chaque canton. Tableau 1 : Nombre de répondants par cantons, types d’écoles et modes d’administration du questionnaire Ecoles Taux de professionnelles Centres de Ecoles de réponses Administré par Administré par Total (Maturité transition Lycées/Collèges culture estimés : l’enseignant l’enquêteur professionnelle professionnelle générale Elèves incluses) Bâle- 939 53.4 447 21 319 152 0 939 campagne Berne 770 23.6 336 78 322 34 770 0 Fribourg 997 82.7 534 0 319 144 0 997 Genève 768 60.7 243 38 292 195 0 768 Lucerne 153 4.9 153 0 0 0 153 0 Soleure 476 63.8 167 48 201 60 476 0 St. Gall 848 32.2 583 88 146 31 848 0 Tessin 766 68.7 472 15 279 0 0 766 Valais 1400 64.2 791 123 229 257 1400 0 Zurich 1200 24.0 723 359 90 28 319 881 Total 8317 39.1 4449 770 2197 901 3966 4351 Le tableau 2 présente diverses caractéristiques sociodémographiques utilisées pour décrire l'échantillon. 9
Tableau 2 : Données sociodémographiques par types d’écoles ECG/ Centres de Ecoles Total Maturité Lycées/Collèges transition professionnelles professionnelle professionnelle Moins de 17 ans 22.5 7.5 20.4 36.8 68.1 Age 17/18 ans 55.8 55.6 72.0 59.0 26.4 Plus de 18 ans 21.7 36.9 7.6 4.2 5.6 Genre : garçons 49.7 55.5 33.8 43.9 54.9 Vit avec les deux parents 66.8 62.5 68.8 77.2 58.7 Structure Vit avec un des parents 16.6 16.2 19.5 14.4 21.4 familiale Autres 16.6 21.3 11.7 8.4 19.9 Niveau de Aucune formation post obligatoire 7.8 9.6 6.0 3.4 13.4 formation des Formation professionnelle 32.0 38.5 28.8 19.4 36.7 parents Maturité/Formation tertiaire 60.1 51.9 65.2 77.3 49.9 Allocataire du chômage/de l’aide sociale 15.6 16.2 19.0 8.4 28.9 Campagne (moins de 5000 Hab.) 44.7 46.9 43.2 42.2 41.8 Ville/ Petite ville (moins de 20000 Hab.) 37.6 35.0 40.9 41.8 35.4 Campagne Ville (à partir de 20000 Hab.) 17.7 18.1 15.9 15.9 22.8 Statut migratoire : issus de la migration 52.1 51.8 53.1 43.9 76.4 En gras : Différences significatives au seuil de p < .001 Dans l’ensemble, les élèves ayant participé à notre enquête ont entre 17 et 18 ans (55.8% des élèves), ils sont répartis de façon équilibrée selon le genre (49.7% de garçons et 50.3% de filles), ils vivent pour la plupart avec leurs deux parents (62.5%) et leur lieu de résidence est, dans la majorité des cas, urbain (55.3%). Le niveau de formation le plus élevé des parents est de niveau secondaire voire tertiaire (60%) et la proportion d’élèves dont les parents ou eux- mêmes sont allocataires du chômage ou de l’aide sociale est relativement faible (15.6%). La dernière caractéristique présentée au tableau 2 concerne le statut migratoire. Dans le but d’analyser la problématique de l’extrémisme, une définition très large du statut migratoire a été utilisée. En effet, afin de déterminer l'origine migratoire, il a été demandé aux jeunes d'indiquer dans quel pays leur mère et leur père biologiques étaient nés. Si au moins un parent n'est pas né en Suisse, on suppose que la personne en question est issue de la migration. Si les deux parents ne sont pas nés en Suisse, le pays de naissance de la mère a été pris en considération comme pays d'origine. En prenant cette définition large du statut migratoire, il apparaît que la proportion de jeunes issus de l'immigration est assez élevée et est de 52,1%. Ce résultat n'est néanmoins pas surprenant, étant donné que la Suisse est un pays d'immigration. Une enquête zurichoise indique un taux de jeunes issus de la migration de 62,9% (Ribeaud et al. 2018). De manière générale, les Portugais constituent le groupe le plus important avec un taux de 6.6%. Ils sont suivis par les jeunes dont au moins un parent est né en Italie (5,7 %), ou au Kosovo (4,4 % ; voir Baier et al. 2018, p. 16f). Dans les analyses qui suivent, le groupe "sans origine migratoire" est parfois appelé "jeunes Suisses". Comme indiqué dans le tableau 2, plusieurs différences significatives sont à relever selon le type d’écoles 15. Tout d’abord, les élèves des écoles professionnelles sont en moyenne plus 15 Il est à préciser, et ce tout au long du rapport, qu’afin de savoir dans quelle mesure les différences observées sont dues au hasard ou relèvent d’une réelle différence, un seuil de significativité est utilisé. Lorsque ce seuil (p) est plus petit ou égal à 0.05, cela signifie qu’il y a 5% de chance que la différence soit due au hasard. Dans le cas 10
âgés que les élèves des autres types d’école. Ils sont significativement sous-représentés dans la catégorie des moins de 17 ans et surreprésentés dans la catégorie des plus de 18 ans. Cela est dû au fait qu’une part non-négligeable des élèves des écoles professionnelles ont déjà effectué une autre formation post-obligatoire, ce qui n’est que très rarement le cas au sein des autres types d’écoles. Les filles sont surreprésentées au sein des écoles de culture générale. Ceci s’explique par le fait que ces filières proposent des cursus de formation dans des secteurs traditionnellement féminins comme le domaine de la santé et du social. Enfin, les élèves des centres de transition professionnelle peuvent être considérés comme étant les plus vulnérables : ce sont eux qui le plus souvent ne vivent pas avec leurs deux parents (41.3%), sont issus de l’immigration (76.4%) et dont les parents sont allocataires du chômage ou de l’aide sociale (28.9%). Les élèves des lycées/collèges sont, quant à eux, les moins vulnérables et les élèves des autres types d’écoles se situent entre les deux pôles. Une autre caractéristique sociodémographique importante pour cette recherche, mais qui n’est pas présentée dans le tableau 2, est l'appartenance religieuse. Les groupes religieux suivants sont représentés dans l’enquête : - catholiques (40,5% de l'échantillon) - protestants (13,0%) - évangélistes (2,6%) - orthodoxes (3,4%) - musulmans (9,6%) - hindous (1,4%) - bouddhistes (0,8%) - autres religions (2,4%) - sans appartenance religieuse (26,3%) Après avoir donné des informations sur les caractéristiques des jeunes constituant l’échantillon de l’enquête, les résultats sont exposés dans le chapitre suivant. où la différence entre deux pourcentages est significative, les résultats sont soit indiqués en gras dans les graphiques/tableaux ou par des étoiles renvoyant au seuil de significativité. 11
3. Résultats de l’enquête Dans ce chapitre, les dimensions idéologiques ainsi que les attitudes vis-à-vis de la violence politique propre à chaque forme d’extrémisme seront mises en évidence. Les comportements violents associés seront également présentés ainsi que les caractéristiques sociodémographiques des extrémistes. Les jeunes ont également été interrogés sur leur consommation de médias ayant des contenus extrémistes tels que de la musique de groupes extrémistes, la participation à des concerts de groupes extrémistes ou encore la visite de sites internet extrémistes. Enfin, une analyse des similitudes et différences entre les différentes formes d’extrémisme sera présentée. 3.1 Extrémisme de droite Les résultats sur les attitudes d’extrême droite seront d’abord présentés, suivis de ceux sur les comportements d’extrême droite. 3.1.1 Attitudes d’extrême droite Le tableau 3 présente les différentes dimensions des attitudes d'extrême droite étudiées dans le cadre de l'enquête, ainsi que les items correspondants du questionnaire 16. Pour chaque dimension, entre une et trois propositions ont été intégrées dans le questionnaire, à propos desquelles les jeunes devaient prendre position (de « 1 - pas du tout d’accord » à « 6 – tout à fait d’accord »). Certaines des propositions ont été reprises d'autres études et d’autres ont été élaborées spécialement pour l'enquête. Le tableau 3 indique la proportion des répondants qui sont d'accord avec chaque proposition (les réponses "4 - plutôt d'accord", "5 - d'accord" et "6 – tout à fait d'accord" étant considérées comme un accord). Afin de déterminer la fiabilité des items d'une dimension (ou d'une échelle), des analyses de corrélation ont été effectuées 17. Il est également à souligner que selon les résultats du tableau 3, toutes les échelles d'attitude d'extrême droite utilisées sont suffisamment fiables (r ≥ .42 ; α = .93). Il convient de noter que les analyses de l'extrémisme de droite se limitent aux jeunes non- issus de l'immigration (les jeunes Suisses), car les éléments sont en grande partie formulés dans la perspective des autochtones. Cela est clairement exprimé, par exemple, dans la deuxième proposition sur le nationalisme ("Nous devons protéger les intérêts de la Suisse..."). Les deux propositions sur le nationalisme ont été approuvées par 26,5% et 37,3% des jeunes. Outre les propositions en lien avec le nationalisme, celles relatives au darwinisme social, à la 16 L’élaboration des instruments de mesure pour identifier les différentes formes d'extrémisme est issue d’un échange avec divers experts lors d'un atelier. Nous remercions les personnes suivantes pour leur soutien dans le développement des instruments de mesure : Andreas Armborst, Klaus Boehnke, Jürgen Endres, Miryam Eser Davolio, Wilhelm Heitmeyer, Lothar Janssen, Vincent Joris, Wolfgang Kühnel, Denis Ribeaud, Amir Cheikhzadegan, Peter Wetzels. Tous les instruments ont été traduits en français, italien et anglais. 17 Le coefficient de Pearson (r) a été utilisé lorsqu’il y a deux items et l’alpha de Cronbach (α) lorsqu’il y avait plus de deux items. 12
xénophobie et à l'islamophobie recueillent également des taux relativement élevés d’adhésion : environ un cinquième à plus d'un tiers des personnes interrogées sont d'accord avec ces déclarations. Les propositions relatives à la dictature et à l'antisémitisme sont par contre un peu moins bien accueillies. Il est également à souligner que moins d'un jeune sur dix approuve les propositions en faveur de la violence d’extrême droite. En effet, un faible pourcentage de jeunes considère que le recours à la violence contre les étrangers et les extrémistes de gauche est légitime. De plus, la violence physique ("brutaliser" ou "tabasser") est considérée comme moins légitime que la violence verbale (les insultes), ce que montrent les taux d'approbation plus faibles pour la violence physique (4,7 et 6,7%) que pour les insultes (5,9 et 10,1 %). 13
Tableau 3: Items utilisés pour la construction de l’échelle d’extrémisme de droite (Seulement les répondants sans parcours migratoire; Nmin = 3639) Fiabilité (r Items Source Adhésion en % respect. α) La Suisse devrait appartenir uniquement aux Suisses qui y Propre élaboration 26.5 vivent depuis des générations. Nationalisme .42 Nous devrions imposer les intérêts de la Suisse vis-à-vis de Decker/Brähler 37.3 l’étranger de façon plus forte et énergique. (2006) La Suisse n’a besoin que d’un seul parti fort qui représente la Decker/Brähler totalité du peuple. 11.5 Adhésion à la (2006) .49 dictature En Suisse, nous devrions avoir un dirigeant politique qui Decker/Brähler 8.2 gouverne d’une main de fer. (2006) Decker/Brähler Darwinisme social Le peuple suisse est par nature supérieur aux autres peuples. 19.1 - (2006) Heitmeyer/Zick Racisme La race blanche dirige à juste titre le monde. 15.4 - (2014b) Heitmeyer/Zick Trop d’étrangers vivent en Suisse. 39.7 (2014a) Xénophobie .66 Lorsque les places de travail se font rares, on devrait renvoyer Heitmeyer/Zick 26.3 les étrangers vivant en Suisse dans leurs pays. (2014a) On devrait interdire aux musulmans la possibilité d’immigrer Heitmeyer/Zick 20.1 en Suisse. (2014c) Islamophobie .78 Il faudrait interdire toute possibilité aux musulmans de Leibold/Kühnel 19.5 pouvoir pratiquer leur religion en Suisse. (2006) Par leurs comportements, les juifs sont en partie responsables Heitmeyer/Zick 10.1 de leur propre persécution. (2014) Antisémitisme .52 Heitmeyer/Zick Les juifs ont trop d’influence en Suisse. 9.3 (2014) Je trouve normal que les étrangers vivant en Suisse soient tabassés, uniquement parce qu’ils sont étrangers. Propre élaboration 4.7 Violence à l’égard Je trouve normal que les centres de requérants d’asile et les habitations des étrangers soient détériorés. Propre élaboration 5.6 .93 des étrangers Je trouve normal que les étrangers soient insultés, Propre élaboration 5.9 uniquement parce qu’ils sont étrangers. Je trouve normal que les personnes d’extrême gauche (bloc noir, squatteurs, punks) soient insultées uniquement à cause Propre élaboration 10.1 de leur position politique. Je trouve normal que les personnes d’extrême gauche (bloc Violence à l’égard de noir, squatteurs, punks) soient brutalisées uniquement à cause Propre élaboration 6.7 .93 l’extrême gauche de leur position politique. Je trouve normal que les lieux de rencontre des personnes Propre élaboration 8.0 d‘extrême gauche soient démolis. En raison des corrélations suffisamment élevées entre les items inclus dans les différentes dimensions, les valeurs moyennes de ces dernières ont été calculées. La valeur moyenne peut se situer entre 1,0 et 6,0 ; si la valeur moyenne pour une personne interrogée est supérieure à 3,5, cela dénote d’un consentement par rapport à la dimension. Cela signifie qu'en moyenne, un répondant est d'accord avec tous les éléments d'une dimension. La raison pour laquelle la valeur de 3.5 a été choisie est qu'elle marque le milieu supérieur des catégories de réponse prédéfinies. 14
Comme le montre le graphique 1, l'accord sur les différentes dimensions idéologiques de l'extrémisme de droite est assez élevé. Au total, 21,2% des jeunes non-issus de l’immigration sont favorables aux attitudes nationalistes. Le fait que cette valeur soit inférieure aux pourcentages d'approbation des éléments individuels (26,5 ou 37,3% ; cf. tableau 4) résulte du fait qu'un répondant doit être d'accord avec les deux items pour être considéré comme adhérent au nationalisme 18. La xénophobie est la dimension idéologique de l’extrême droite qui est la plus approuvée : un jeune sur quatre non issu de l’immigration (25,1%) soutient en moyenne les deux déclarations xénophobes du questionnaire. En ce qui concerne les autres dimensions idéologiques de l’extrême droite, on constate que 19,1% des jeunes adhèrent au darwinisme social, 15,8% à l’islamophobie et 15,4% au racisme. L'antisémitisme et la dictature sont en revanche moins populaires, avec respectivement des taux de 6% et 5,4%. L’adhésion à la violence est également moins répandue. Un jeune sur 25 (4,3%) a une propension à la violence à l’égard des extrémistes de gauche et des étrangers. La propension à la violence envers les extrémistes de gauche est néanmoins plus élevée que celle envers les étrangers (7,4% contre 4,8%). Graphique 1 : Adhésion aux attitudes d’extrême droite en % (uniquement les répondants sans parcours migratoire ; Nmin=3625) Nationalisme 21.2 Adhésion à la dictature 5.4 Darwinisme social 19.1 Racisme 15.4 Xénophobie 25.1 Islamophobie 15.8 Antisémitisme 6.0 Objectif idéologique/Dévaluation du groupe externe 10.6 Violence à l'égard des étrangers 4.8 Violence à l'égard de l'extrême gauche 7.4 Adhésion à la violence 4.3 0.0 5.0 10.0 15.0 20.0 25.0 30.0 Les objectifs idéologiques d'extrême droite et le plaidoyer en faveur de la violence sont corrélés à r = 0,62. Selon le concept d'extrémisme de la présente recherche, pour être identifié comme extrémiste, il est nécessaire de soutenir les objectifs idéologiques (qui incluent également la dévaluation de certains groupes) et d’accepter la commission de la violence. Par conséquent, l'approbation aux deux échelles (objectif idéologique et acceptation de la violence) est nécessaire pour former la valeur moyenne, qui peut être utilisée pour déterminer la proportion de jeunes d'extrême droite. L'échelle correspondante pour mesurer les propositions d'extrême droite se situe entre 1,0 et 6,0 ; les répondants ayant un niveau de consentement supérieur à 3,5 sur l’ensemble des propositions du tableau 4 sont considérés 18 Pour toutes les dimensions idéologiques de l’extrême droite, l'adhésion a été considérée comme ayant été accordée lorsqu'une moyenne de plus de 3,5 sur les items de la dimension en question a été atteinte. 15
comme des extrémistes de droite. C'est le cas, comme le montre le graphique 2, de 5,9% de l'ensemble des personnes interrogées qui n’ont pas de parcours migratoire. Le graphique 2 montre également la proportion de jeunes d'extrême droite selon différentes caractéristiques sociodémographiques. Plusieurs différences significatives sont à relever. La proportion de jeunes d'extrême droite est nettement plus élevée parmi les garçons (10,1%) que parmi les filles (2,0%). Il existe également des différences évidentes selon le type d'écoles. Le pourcentage d’extrémiste de droite est le plus élevé au sein des écoles professionnelles (9,4%), suivies par les centres de transition avec 5,8% d’extrémistes de droite. Les proportions les plus faibles se trouvent dans les écoles de culture générale (y compris les maturités professionnelles) et dans les lycées / collèges (respectivement 2,2 et 1,6%). Des différences significatives peuvent également être observées selon le lieu de résidence. Dans les zones rurales, la proportion de jeunes d'extrême droite y est la plus élevée (7,1%), alors qu’elle l’est nettement moins dans les petites villes et les zones urbaines (4,6 et 5%). Les jeunes qui reçoivent (ou leurs parents) des allocations du chômage ou de l’aide sociale sont légèrement plus nombreux à adhérer à l’extrémisme de droite (7% contre 5,8%), mais cet écart n'est pas significatif. Ainsi, sur la base des données recueillies, il n’est pas possible de conclure qu'une situation socio-économique moins favorable aille de pair avec une plus grande affinité pour l'extrémisme de droite. Dans le graphique 2, la comparaison entre le canton ayant le taux le plus faible d’adhésion à l’extrémisme de droite avec celui ayant le taux le plus élevé est présentée. Il est à préciser que cette comparaison se limite aux élèves des écoles professionnelles, étant donné que ce type d’écoles fait partie de l’échantillon pour les cantons analysés. Dans le canton où le taux d'adhésion est le plus faible, 2,4% des étudiants des écoles professionnelles sont considérés comme des extrémistes de droite ; dans le canton où ce taux d'adhésion est le plus élevé, ce pourcentage est presque six fois plus élevé (13.6%). Des facteurs régionaux semblent donc avoir une influence sur la tendance des jeunes à adhérer à l'extrémisme de droite. 16
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