APPAREIL DIGESTIF DISPOSITIFS MÉDICAUX & PROGRÈS EN - LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES - Snitem
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LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES DISPOSITIFS MÉDICAUX & PROGRÈS EN APPAREIL DIGESTIF ÉDITION SEPTEMBRE 2016
APPAREIL DIGESTIF Sommaire 3 PRÉFACE 23 DISPOSITIFS DE GASTROSTOMIE 4 ET DE JÉJUSTOMIE Diagnostic et traitement des pathologies De l’enfant à l’adulte 25 de l’appareil digestif : et la lumière fut ! 7 COLLECTEURS ET POCHES DE STOMIE ENDOSCOPE Plus de cinquante ans d’innovations 29 De l’exploration au traitement de l’appareil digestif 11 DISPOSITIFS DE TRAITEMENT MATÉRIEL D’ENDOTHÉRAPIE DE L’INCONTINENCE FÉCALE Essor de l’endoscopie interventionnelle L’innovation au service de la dignité 15 LAPAROSCOPE 32 GLOSSAIRE L’ère de la chirurgie mini-invasive Les mots techniques ou scientifiques expliqués 19 sont accompagnés dans le texte du symbole 34 INSTRUMENTS LAPAROSCOPIQUES La miniaturisation au service du chirurgien SOURCES ET REMERCIEMENTS SNITEM • Maison de la Mécanique - 39, rue Louis Blanc - CS30080 - 92038 La Défense Cedex • Directeur de la publication : Éric Le Roy • Responsable d’édition : François- Régis Moulines • Coordination : Nathalie Jarry • Rédactrice : Nathalie Ratel • Édition déléguée : Presse Infos Plus (www.presse-infosplus.fr) • Maquette : Didier Michon • Crédits photos, tous droits réservés : Asept Inmed, Boston Scientific SAS, Cook Medical, Fujifilm France SAS, Hexamedical, Mauna Kea Technologies, Medtronic France SAS, Olympus France SAS, Phanie • Impression : Imprimerie de l’Étoile 61190 Tourouvre • Septembre 2016 • ISBN : 979-10-93681-13-9
APPAREIL DIGESTIF • PRÉFACE Préface Une montée de l’innovation vertigineuse Pr Jacques MARESCAUX, de la propriété intellectuelle, des réglementations pour la mise sur le mar- Président de l’IRCAD, Directeur Général de l’IH ché, de la production, de la distribution, de l’entretien et une amélioration (Strasbourg) constante. Le temps moyen pour un DM « de rupture » pour arriver sur le marché est d’environ 5 à 8 ans. Pour cela un DM doit être viable dès la Les impressionnants progrès technologiques dans le do- phase d’idéation afin qu’il ait une chance d’arriver au bout de son proces- maine de la chirurgie ont permis l’exécution d’interventions sus. C’est la raison pour laquelle il est hautement recommandé de procé- de plus en plus complexes et de moins en moins invasives der systématiquement à une analyse de marché avant de se lancer dans avec des bénéfices importants pour les patients. une idée. Ensuite, une innovation ne peut être considérée comme viable Cette brochure réalisée sous l’impulsion du SNITEM, qui que si elle apporte un bénéfice concret et permet d’améliorer la pratique recueille les avis d’experts reconnus, tant dans l’hexagone courante. Le chirurgien est dans une position privilégiée pour identifier les qu’à l’international, est une belle initiative visant à vulgariser une théma- problèmes liés à la technologie courante et pour pouvoir mettre au point tique complexe : l’innovation dans le domaine des pathologies digestives des solutions incrémentales ou même révolutionnaires. L’innovation en et l’impact de celle-ci sur la pratique des soins courants. Il est important chirurgie ne se limite pas seulement au développement des outils chirur- de souligner que les chirurgiens sont souvent les promoteurs du progrès gicaux mais touche également la conception et la mise en œuvre de scientifique et parfois les créateurs de dispositifs médicaux. Néanmoins, nouvelles techniques chirurgicales et de nouveaux espaces de travail. seul un nombre restreint d’entre eux ont pu mener les stratégies qu’ils Cette brochure retrace parfaitement l’historique du développement d’in- avaient imaginées jusqu’à la salle d’opération. L’innovation en chirurgie novations faisant partie de la vie quotidienne des chirurgiens et dresse un est un processus long, nécessitant d’une part un esprit d’entreprise des panorama des salles d’intervention d’aujourd’hui. La montée de l’innova- professionnels de santé, qui va au-delà du savoir et du savoir-faire mé- tion est devenue vertigineuse durant les 10 dernières années, à travers le dico-chirurgical et, d’autre part, une volonté de réactivité des organes développement des sciences robotiques et informatiques appliquées à la compétents, pour ne pas freiner l’innovation, tout en assurant un contrôle chirurgie. Tel un petit musée de la mémoire, nous retrouvons dans cette qualité et le respect des bonnes pratiques. Le développement des dispo- brochure les précurseurs de l’état de l’art actuel qui, à nos yeux, semblent sitifs médicaux (DM) nécessite des ressources pour faire face aux coûts être des pièces d’archéo-technologie médico-chirurgicale. n SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES • 3
APPAREIL DIGESTIF Déjà, sous l’Antiquité, Diagnostic et traitement des pathologies l’intérieur du corps humain de l’appareil digestif : taraudait les médecins. Comment s’organise-t-il ? Les cavités du corps humain accessibles sont mul- tiples : nez, oreilles, bouche, rectum et vagin. De fait, rite de l’Hôpital Cochin, dans son Histoire de l’en- doscopie digestive. À ses yeux, « cet appareil peut Comment fonctionne-t-il ? dès 600 avant J.-C., des spéculums furent utilisés être considéré comme l’ancêtre des appareils Les premières autopsies pour écarter les cavités du corps, selon le Talmud babylonien. Seul bémol : l’obscurité. Les chercheurs actuels », qu’il s’agisse des endoscopes ou des laparoscopes (lire les chapitres suivants). George- apportèrent un semblant cherchèrent donc des systèmes d’éclairage afin d’y Arnaud de Rosnil fut, dans le même temps, en partie de réponse. Mais voir plus clair lors de leurs explorations corporelles. Ils tentèrent successivement d’orienter les rayons de imité par l’Allemand Philip Bozzini qui imagina « le Lichtleiter, instrument groupant une lanterne et une l’observation, du vivant soleil vers la cavité grâce à un jeu de miroirs, de dis- série de miroirs à l’une de leurs extrémités, poursuit du patient, fut, elle, plus poser des chandelles derrière une bouteille emplie d’eau ou au foyer d’un miroir concave… Diverses le Professeur Guerre. Cet appareil ne se répandit pas, mais c’est pourtant à partir de cet appareillage ambitieuse. solutions « lumineuses » furent ainsi expérimentées. primitif et imparfait que furent construits les pre- Puis, au XVIIIe siècle, le chirurgien français George- miers vrais endoscopes ». Ceux-ci trouvèrent une Arnaud de Rosnil créa « un instrument, qui pour la utilité grandissante en urologie, en gynécologie mais première fois, solidaris[ait] lumière et endoscope » : aussi en médecine et chirurgie digestives. il « munit un spéculum d’une lanterne sourde argenté en dedans et d’une lentille qui concentr[ait] LE VIRAGE DE 1853 la lumière », raconte Jean Guerre, Professeur émé- L’endoscope, officiellement créé en 1853, améliora VIe SIÈCLE DÉBUT DU ANNÉES AVANT J.-C. VIII e SIÈCLE 1853 XX e SIÈCLE 1950 Premiers Un spéculum est muni L’urologue Antonin- Premiers appareillages Création des câbles de fibre optique ouvrant spéculums. d’une lanterne et d’une lentille Jean Desormeaux de stomie. la voie à des endoscopes entièrement qui concentre la lumière. invente l’endoscope. flexibles. 4 • SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES
APPAREIL DIGESTIF Et la lumière fut ! la visibilité de l’intérieur de l’organisme grâce à une PLACE À LA LUMIÈRE FROIDE lampe à mèche dont la lumière, issue de la combus- À partir des années cinquante, l’invention des LES PRINCIPALES PATHOLOGIES DE tion d’un mélange d’alcool et d’essence de térében- câbles de fibre optique ouvrit la voie à des endos- L’APPAREIL DIGESTIF thine, convergeait grâce à une lentille. L’instrument copes entièrement flexibles, plus faciles à introduire. Les maladies de l’appareil digestif sont fut utilisé pour observer l’urètre, le rectum, l’utérus, Ils s’accompagnèrent de la découverte majeure de généralement bénignes : gastro-entérite, le conduit auditif, les fosses nasales, le pharynx, le l’Allemand Karl Storz, en 1960 qui eut l’idée d’utiliser diarrhée, constipation ou encore brûlures larynx et l’œsophage. En 1865, ses performances une source de lumière froide pour observer sans d’estomac. Elles peuvent parfois être plus furent améliorées par l’Irlandais Cruise qui aug- danger à l’intérieur des cavités du corps, y compris graves comme les hépatites (A, B, C, D, E menta l’intensité lumineuse grâce à un mélange de l’abdomen. En effet, ce type de lumière est puissant ou médicamenteuses et toxiques), les camphre et de pétrole. Enfin, l’invention de la lampe mais dégage peu d’énergie thermique et, donc, de ulcères gastriques ou duodénaux, les à incandescence par Thomas Edison puis sa minia- chaleur. Les années quatre-vingt virent le dévelop- cancers (du foie, de l’estomac, du pancréas, du côlon…). turisation dès 1886 permirent l’essor des endos- pement des sources de lumière froide à fibre copes à ampoule. Les progrès furent dès lors optique puis de la vidéo avec des systèmes de considérables, y compris dans l’observation de caméras perfectionnées permettant au médecin et à-dire des techniques chirurgicales, qui permet l’appareil digestif quoique la laparotomie (ouverture au chirurgien de voir l’intérieur du corps de manière d’éviter les grandes incisions à ciel ouvert. » Cette de l’abdomen par la chirurgie) est restée la tech- pas trop invasive. Les techniques d’endoscopie petite incision peut être réalisée dans des orifices nique de base pour observer l’intérieur du corps mais aussi de laparoscopie purent alors prendre naturels comme le rectum, l’estomac, le nombril ou humain jusqu’au milieu du XXe siècle. leur envol au service du diagnostic et du traitement le vagin. « Toutes ces évolutions, qui n’en sont qu’à des pathologies de l’appareil digestif. Ces progrès leurs débuts, ont été possibles par l’arrivée d’instru- technologiques permirent en effet, en 1987, au ments et optiques adaptés comme les instruments 1960 1987 chirurgien Philippe Mouret de réaliser la première souples avec lumière intégrée. La 3D fait désormais ablation de vésicule biliaire sous laparoscopie. partie du quotidien des chirurgiens laparosco- Depuis, ce type de chirurgie mini-invasive se per- piques, complète le docteur Pourcher. En outre, la fectionne. « Aujourd’hui, le chirurgien peut réaliser robotisation de ces procédés, annoncée depuis une intervention sans lumière du jour par une inci- plusieurs dizaines d’années, ne devrait pas tarder à Essor Première ablation de la vésicule sion de 2 cm, souligne le Dr Guillaume Pourcher, prendre sa place pour le confort du chirurgien mais de la lumière biliaire sous laparoscopie en France. chirurgien de l’Hôpital Antoine-Béclère (Clamart). surtout le bien des patients. » n froide. C’est l’évolution naturelle de la laparoscopie, c’est- SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES • 5
APPAREIL DIGESTIF L’APPAREIL DIGESTIF DE HAUT EN BAS L’appareil digestif est en charge de la pancréatique et le suc intestinal, qui transformation des aliments, de leur contiennent de nombreuses enzymes dégradation en protéines, en glucides, en (amylase, lipase, protéinase, peptidase, lipides, en sels minéraux, en oligo-éléments sucrase, phosphatase…), y assurent la et en d’autres substances utilisables par dégradation terminale des grosses l’organisme. Il assure également le passage molécules. Les aliments progressent dans de ces nutriments dans la circulation l’intestin grêle grâce aux contractions sanguine de façon à ce qu’ils puissent être ondulatoires (appelées ondes péristaltiques) employés par l’organisme. Le surplus est de la paroi intestinale. Les substances évacué sous forme de déchets (selles). La nutritives sont absorbées et passent dans digestion se déroule en trois grandes la circulation sanguine. étapes : - Les substances non absorbées - lorsque la nourriture arrive dans l’estomac parviennent jusqu’à l’orifice iléo-cæcal où, depuis la bouche et l’œsophage, les semi-liquides, elles entrent dans le gros glandes gastriques sécrètent de l’acide intestin ou côlon. Celui-ci se divise en huit chlorhydrique et des enzymes (comme la segments : le cæcum, l’appendice pepsine, le chymosine et la lipase) qui vermiculaire, le côlon ascendant, le côlon aident à digérer les glucides, les protéines transverse, le côlon descendant, le côlon et les lipides. L’estomac sigmoïde, le rectum et l’anus. Il abrite a une capacité moyenne d’un litre environ plusieurs dizaines de milliards de mais peut se distendre pour dépasser micro-organismes. Cette flore bactérienne cette limite. (ou flore intestinale), qui achève la digestion - Puis les aliments prédigérés (le « chyme ») des nutriments, est divisée en deux passent dans le duodénum, premier catégories : la flore de fermentation et la segment de l’intestin grêle. Ce dernier est flore de putréfaction. Le rôle du côlon responsable de la fin de la digestion, consiste à réabsorber l’eau des résidus laquelle dure six à douze heures mais aussi alimentaires qui lui parviennent puis à de l’absorption des nutriments issus de évacuer le reste vers le rectum pour qu’il cette digestion. La bile y favorise soit expulsé par l’anus. l’absorption des graisses. Le suc 6 • SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES
APPAREIL DIGESTIF • ENDOSCOPE ENDOSCOPE À QUOI ÇA SERT ? l’observation de la cavité abdominale (on parle alors de laparoscope - lire le chapitre consacré à ce De l’exploration L’endoscope (du grec endo pour « dans » et skopein pour « regarder, examiner ») est un tube optique dispositif). - l’endoscope souple, que l’on présentera ici, est au traitement muni d’un système d’éclairage destiné à être intro- constitué de fibres optiques acheminant l’image et duit dans le corps humain via les voies naturelles la lumière. Il est plus long que l’endoscope rigide et (bouche, narines, anus). Il sert à visualiser l’intérieur permet d’explorer l’entièreté de l’appareil digestif de l’appareil d’organes, de conduits ou de cavités inaccessibles à l’œil. Il est couplé à une caméra vidéo reliée à un (œsophage, estomac, duodénum, intestin grêle, côlon et rectum). Des accessoires lui sont parfois digestif écran permettant au gastroentérologue de suivre adjoints pour réaliser des actes thérapeutiques ou son intervention en direct. des prélèvements diagnostiques (pinces, ciseaux, anses etc). L’endoscope, né au XIXe siècle, COMMENT ÇA MARCHE ? peut être utilisé pour le diagnostic UNE HISTOIRE D’INNOVATIONS Il existe deux types d’endoscope : et, de plus en plus, pour le - l’endoscope rigide est formé d’un tube métal- Le premier endoscope fut présenté à l’Académie lique de 5 à 8 millimètres de diamètre et de 15 à 30 des Sciences de Paris en 1853 par Antonin Jean traitement des maladies de centimètres de longueur. Il est utilisé en médecine Desormeaux, chirurgien de l’hôpital Necker à Paris. l’appareil digestif. pour l’exploration de la bouche et du rectum (voire, L’instrument était pourvu d’un éclairage latéral : la en urologie, de la vessie) et, en chirurgie, pour source de lumière provenait d’une flamme ANNÉES ANNÉES ANNÉES 1853 1950 1980 2000 2008 2014 Présentation du Premiers Les progrès de la vidéo ouvrent la voie Développement Essor de la haute La FDA approuvent premier endoscope. fibroscopes. à l’endoscopie moderne en permettant et miniaturisation définition et de la les premiers de visualiser les manipulations sur un écran. des micro-processeurs. chromato-endoscopie. vidéo-capteurs. SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES • 7
APPAREIL DIGESTIF • ENDOSCOPE 2 millions entretenue par un mélange d’alcool et de téré- L’ÈRE DE LA FIBRE benthine. Il était utilisé pour explorer l’urètre et la À partir des années cinquante, l’invention des vessie, l’utérus, les rétrécissements du rectum et les câbles de fibre optique ouvrit la voie à des endos- plaies profondes pour déceler les corps étrangers. copes entièrement flexibles : les fibroscopes. Le Puis, en 1873, le premier endoscope muni d’une premier du genre apparut en 1957, aux États-Unis. C’est environ le nombre d’endoscopies digestives lampe incandescente électrique (le polyscope) fit Cet appareil, construit par Basil Hirschowitz et son pratiquées chaque année en France (sous anesthésie locale ou son apparition sous la houlette de l’ingénieur élec- équipe, était composé d’une lentille optique ainsi générale), à but diagnostique ou thérapeutique. tricien Gustave Trouvé. Jusqu’ici rigide, l’instrument que « de deux faisceaux de fibres de verre (36 000 Source : SFED gagna enfin en souplesse dans les années trente : au total) » dont l’un apportait la lumière et l’autre le gastroscope, tel qu’il fut baptisé, était composé transmettait l’image, relate le Pr Jean Guerre dans d’un tube semi-flexible pour étudier l’intérieur de son article relatif à l’« Histoire de l’endoscopie diges- l’intérieur du corps humain mais aussi pour inspec- l’estomac. tive ». Il fut utilisé pour observer (en vision directe) ter des soudures dans des réacteurs d’avion ! (lire encadré p.10) Ce prototype inspira plusieurs industriels. En effet, plusieurs fabricants d’appareils photos créèrent leurs propres modèles. Les images de l’intérieur du corps étaient ainsi rapportées au gastroentérologue par un appareil photo branché au bout de l’endos- Coloscope cope. Puis « apparurent successivement des mol- lettes directionnelles permettant l’orientation de l’appareil dans deux directions puis dans quatre, ce qui permit d’explorer toute la cavité gastrique », pré- cise le Pr Jean Guerre dans son article. L’ESSOR DU NUMÉRIQUE L’endoscopie digestive évolua considérablement dans les années quatre-vingt avec les progrès du numérique et de la vidéo. « L’apparition de caméras numériques miniaturisées ouvrit la voie aux vidéo-endoscopes, lesquels permettaient, pour la première fois, au gastroentérologue de visualiser ses manipulations sur un écran, souligne le Pr René 8 • SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES
APPAREIL DIGESTIF • ENDOSCOPE avant de se diffuser en Europe et en Amérique. Celui-ci était doté, à son extrémité, de capteurs UN ENDOSCOPE, DES ENDOSCOPES CCD , c’est-à-dire de capteurs électroniques transformant en informations numériques toutes les Il existe différents endoscopes, plus ou moins longs en fonction du site anatomique images capturées par un système optique. Les cap- exploré : teurs étant introduits dans le corps du patient, il n’y - le gastroscope à vision axiale avait pas de perte d’informations. L’image était nette (de la bouche jusqu’au duodénome); au lieu d’être en nid d’abeille comme avec - le duodénoscope à vision latérale le fibroscope. (de la bouche jusqu’au duodénome, pour le traitement des voies biliaires LA RÉVOLUTION HD et pancréatiques); Une nouvelle étape fut franchie au début des - le coloscope (de l’anus jusqu’au début années deux-mille avec la mise sur le marché des du côlon); vidéo-endoscopes avec capteurs de haute défini- - l’entéroscope (jusqu’à l’intestin grêle). tion (HD), pour une netteté des images comparables à celles des téléviseurs. « Ces appareils intégraient également des technologies de traitement numé- rique des images, laissant ainsi apparaître des cinq de CCD qui élargissent le champ de vision du contrastes et les reliefs », détaille le Professeur médecin (de 140°/170° pour les endoscopes tradi- Laugier. Les réglages possibles du signal lumineux tionnels à 330°, voire plus). Ce dernier peut ainsi, envoyé au sein de l’organisme permettaient de désormais, examiner de manière plus complète la rehausser ces contrastes (technique de la chromos- surface du côlon pour repérer plus aisément d’éven- copie électronique). « Ces endoscopes ouvraient tuels polypes, adénomes ou cancers. Enteroscope Double Ballon. la voie à la détection précoce des lésions précancé- Dans le même temps, en 2004-2005, plusieurs sys- reuses, même de très petite taille, au sein de l’œso- tèmes furent développés pour explorer l’intestin phage, de l’estomac et du côlon, complète le chef grêle, en particulier des entéroscopes à double ou Laugier, chef du service de gastro-entérologie de service de l’Hôpital de la Timone. En parallèle, se simple ballon. Il s’agissait d’endoscopes de 2,30 de l’Hôpital de la Timone à Marseille. A ses côtés, développaient un certain nombre d’appareils d’en- mètres de long et de 8 à 9 millimètres de diamètre les équipes médicales et les étudiants pouvaient dothérapie à adjoindre aux endoscopes pour retirer associés à un surtube de 1,40 mètre de long et de aussi suivre l’intervention en direct, ce qui révolu- ces lésions » (lire chapitre suivant). La dernière évo- 12,2 millimètres de diamètre. À l’extrémité de ce tionna l’enseignement. » Le premier vidéo-endos- lution en date est le lancement et la commercialisa- dernier, un ou deux ballon(s) en latex étai(en)t pré- cope électronique apparut ainsi en 1986 au Japon tion des vidéo-endoscopes composés de trois voire monté(s) et gonflé(s) à l’aide d’une pompe SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES • 9
APPAREIL DIGESTIF • ENDOSCOPE péristaltique. L’objectif : « empiler » l’intestin cule biliaire, devint la technique de référence pour le grêle sur le surtube pour examiner, et donc traiter, la diagnostic et le traitement des affections bilio-pan- DE LA MÉDECINE quasi-totalité de l’intestin grêle, et, de fait, la quasi- créatiques (on parle alors de cholangiopancréato- À L’AÉRONAUTIQUE totalité de l’appareil digestif. graphie rétrograde endoscopique). L’application du principe de l’endoscope dans le milieu industriel s’est fortement L’APPORT DE L’ÉCHOGRAPHIE OUTILS DE RÉFÉRENCE développée à la fin des années soixante- Ces explorations se faisaient essentiellement grâce Au cours de ces dernières années, des améliora- dix pour le contrôle interne des moteurs à une source lumineuse froide (afin de réduire au tions mécaniques ont été apportées aux endos- d’avions (turboréacteur, turbofan, minimum la chaleur produite à la pointe de l’endos- copes : des systèmes de zoom et d’autofocus (pour turbopropulseur). Toute l’industrie est de cope) et blanche, diffusée à partir d’une lampe à régler automatiquement la profondeur de champ), nos jours utilisatrice de cet outil de halogène, au xénon, voire, ultérieurement, à led. un angle de vision élargi etc. Celles-ci ont contribué contrôle sans démontage ni destruction Dès le milieu des années quatre-vingt-dix, une autre à l’amélioration des capacités diagnostiques mais de pièce mécanique. façon de voir s’affirme. « Comme les gynécologues également thérapeutiques des endoscopes. En ou les cardiologues, les gastroentérologies purent outre, leur diamètre d’insertion a diminué (notam- recourir à la technologie de l’échographie avec les ment grâce à la réduction de la taille des capteurs écho-endoscopes mécaniques puis électroniques, CCD). Désormais, les endoscopes « standard » font sont ingérées par les patients. En progressant dans souligne le Professeur Laugier. Une sonde à ultra- environ un centimètre de diamètre et les plus fins, l’appareil digestif, ces vidéo-capsules – sorte d’ap- sons était placée au bout de l’endoscope et per- cinq millimètres. Ces derniers peuvent être utilisés pareils photos miniatures – prennent 4 à 35 images mettait d’obtenir une image échographique du tube pour des enfants ou pour passer par la bouche ou par seconde et les envoient par ondes wifi vers des digestif mais aussi des organes de voisinage. En le nez, par exemple. Ils permettent aussi, sous capteurs cutanés reliés à un boîtier-enregistreur. effet, les écho-endoscopes, placés au niveau du forme de cholangio-pancréatoscopes à usage L’ensemble des images réceptionnées forme un film duodénum par exemple, permettaient – et per- unique ou multiple, d’explorer les conduits biliaire et d’au moins 50 000 images susceptible d’être mettent toujours – d’explorer l’appareil bilio-pan- pancréatique. Enfin, les industriels ont joué sur l’er- ensuite étudié par un gastro-entérologue. créatique pour repérer des calculs, kystes ou gonomie et sur les mécanismes placés à l’intérieur À l’avenir, les industriels ambitionnent de mettre au tumeurs potentiellement présents dans le pancréas, des endoscopes afin de moduler leur flexibilité. point des outils de repérage, de caractérisation et le canal biliaire, la vésicule biliaire etc. Ils permettent Aujourd’hui, les endoscopes souples restent l’outil de prédiction toujours plus précis. L’objectif est de aussi, bien entendu, de voir à travers les parois du indispensable d’exploration des voies digestives détecter de façon toujours plus fiable les cellules côlon, de l’estomac ou encore de l’œsophage. » hautes et basses. Leur utilisation peut être couplée risquant de devenir cancéreuses. Des systèmes de Par ailleurs, des vidéo-duodénoscopes de plus en à celle de vidéo-capsules à usage unique pour étu- traitement électronique de l’image, donnant des plus sophistiqués furent mis sur le marché. Leur uti- dier l’intestin grêle et le côlon, notamment en cas de indications de diagnostic, commencent ainsi à voir lisation, associé à celle des rayons X pour observer saignements digestifs inexpliqués ou de maladie de le jour. C’est le principe des vidéo-capteurs. n les canaux qui drainent le pancréas, le foie et la vési- Crohn . De petite taille (26 x 11 millimètres), elles 10 • SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES
APPAREIL DIGESTIF • MATÉRIEL D’ENDOTHÉRAPIE MATÉRIEL À QUOI ÇA SERT ? UNE HISTOIRE D’INNOVATIONS D’ENDOTHÉRAPIE « Dès la fin des années quatre-vingt et le début des Certains améliorèrent le confort du patient. Ainsi, la Essor années quatre-vingt-dix, toute une gamme création de ballons de dilatation à haute pression d’instruments pouvant passer par le canal opérateur permettait aux patients souffrant d’une compres- de l’endoscope furent mis au point, souligne le Pr sion de l’œsophage (en cas de cancer du poumon de l’endoscopie René Laugier, chef du service de gastro-entérologie de l’Hôpital de la Timone à Marseille. Les premiers par exemple) de redonner une forme à ce dernier, facilitant du même coup la déglutition et l’alimenta- interventionnelle instruments utilisés en endoscopie étaient des tion. Les prothèses œsophagiennes (sous forme de pinces à biopsie, destinées à effectuer quelques tubes, notamment en polypropylène) évitaient que prélèvements et à diagnostiquer un éventuel cancer, l’œsophage se referme. Quant aux prothèses Des accessoires sont parfois ulcère etc. » Par la suite, ils se diversifièrent. biliaires en plastique ou en métal, en évacuant la bile et en évitant les jaunisses, elles simplifièrent la prise adjoints à l’endoscope pour en charge des patients atteints d’un cancer du pan- réaliser de mini-interventions créas, sachant que leur tumeur avait tendance à comprimer la voie biliaire principale et à l’envahir. ou des prélèvements sans recourir à la chirurgie. VIRAGE PRÉVENTIF ET THÉRAPEUTIQUE D’autres instruments contribuèrent à amorcer un « virage thérapeutique » en endoscopie, poursuit le Professeur Laugier. La généralisation des applica- teurs de ligatures de varices œsophagiennes amé- liorait considérablement les traitements préventifs des hémorragies, par exemple. En outre, « il devenait possible de faire de la prévention en retirant des lésions et des polypes susceptibles de devenir cancéreux, voire d’enlever des petits cancers superficiels », ajoute le Pr René Laugier. Des cro- chets, couteaux, bistouris (petites tiges métalliques de 1,5 à 3,5 mm) et sondes se développèrent et se sophistiquèrent. « Les possibilités s’étendirent Instrumentation d’endothérapie considérablement », résume le chef de service SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES • 11
APPAREIL DIGESTIF • MATÉRIEL D’ENDOTHÉRAPIE de la Timone. Et ce, quelle que soit la zone de tèmes électro-hydrauliques. Les gastroentérolo- l’appareil digestif. Une étape fut récemment franchie gues purent également, progressivement, effectuer dans le traitement des lésions de haut grade de des prélèvements à travers la paroi du tube digestif. l’œsophage avec l’utilisation de sondes de radiofré- Grâce au développement de l’écho-endoscopie quence, par exemple. « Ces sondes peuvent, par la linéaire, ils purent obtenir du matériel de cytologie chaleur, traiter des pré-cancers, notamment de ou d’histologie de lésions grâce à l’utilisation d’ai- l’œsophage », indique le Pr René Laugier. Cette guilles de ponction écho-guidée. Les cystotomes technique sera sans doute amenée à se développer leur permirent quant à eux, dès le début des années dans les années à venir pour remplacer dans cer- deux-mille, de ponctionner des kystes compliqués tains cas des actes chirurgicaux plus invasifs. du pancréas. Pour ce qui est de l’appareil bilio-pancréatique, l’ins- trumentation interventionnelle s’améliora égale- CONTRÔLE HÉMORRAGIQUE ment : on citera notamment, en cas de calculs L’arrivée des clips hémostatiques, à la fin des Clip hémostatique biliaires, les sphinctérotomes (cathéters), les ballons années quatre-vingt-dix, ouvrit un champ thérapeu- et son système de pose et paniers d’extraction et les fils guide courts qui tique jusqu’alors inaccessible aux gastroentérolo- réduisirent le temps des procédures. Les calculs gues avec la possibilité d’effectuer un contrôle récalcitrants purent aussi être pulvérisés par des endoscopique des hémorragies et de la fermeture ondes de choc produites par des lasers ou des sys- de brèches. Ces clips ne cessèrent d’évoluer. FIN DES ANNÉES 1980 DÉBUT DES ANNÉES FIN DES ANNÉES ANNÉES 1990 1990 2000-2010 2005 2015-2016 Essor des instruments Premiers clips Premiers couteaux à haute fréquence, Premier endomicroscope Proposition de l’attitude interventionnels d’endothérapie. hémostatiques. pinces hémostatiques et injecteurs à par mini-sondes detect and discard. haute pression pour de plus larges autorisé à des fins dissections sous muqueuse. cliniques. 12 • SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES
APPAREIL DIGESTIF • MATÉRIEL D’ENDOTHÉRAPIE 10 C’est, en centimètres, la taille des lésions pré-cancéreuses et cancéreuses que l’on peut retirer grâce au progrès du traitement de l’image et des instruments interventionnels aujourd’hui. « Il est possible de retirer par endoscopie des polypes d’un peu plus de 2 centimètres ainsi que des lésions pré-cancéreuses et cancéreuses de 1 à près de 10 centimètres de large, ce qui n’était pas le cas auparavant », souligne en effet le Professeur Laugier. Minisonde confocale laser insérée à l’intérieur d’une aiguille de ponction D’abord proposés sur des applicateurs réutilisables, haute fréquence. Ils ouvrirent la voie à de plus larges ils devinrent pré-montés à usage unique avant de dissections sous muqueuse (ESD) sans recours à la connaître leur forme actuelle : pré-montés à usage chirurgie, plus traumatique. Autres avantages : ces unique, rotatifs et/ou repositionnables. Ils furent dissections, larges, en une seule pièce, facilitaient le complétés par une gamme de poudres hémosta- retrait de la lésion (limitant ainsi le taux de récidive) et tiques relevant du champ du dispositif médical. sa caractérisation (cancéreuse ou non). Pour com- Ces nouveaux moyens d’hémostase , combinés à pléter cette gamme d’instruments spécifiques, des l’utilisation d’anses monopolaires (au sein des- canaux-jets furent créés afin de nettoyer sous pres- quelles passe de l’électricité) et de capuchons pro- sion les éventuels résidus restant au niveau de la dis- tecteurs, permirent aux gastroentérologues de section/résection. réaliser en toute sécurité des résections endosco- piques de lésions planes (mucosectomies) et, LA SÉCURITÉ AVANT TOUT notamment, des adénomes plans (EMR) mais aussi De nos jours, l’endoscopie a remplacé la chirurgie de retirer de gros polypes avec l’aide de ligatures. dans de nombreux cas, ce qui limite, pour les Puis, au début des années deux-mille et deux-mille- patients, le risque de morbidité et de mortalité. Ils dix, apparurent des couteaux à haute fréquence de sont ainsi traités en ambulatoire ou en intervention différents concepts, des pinces hémostatiques, des courte de moins de vingt-quatre heures, si la lésion injecteurs à haute pression (pour, grâce à l’injection peut être traitée par cette technique. d’un soluté, soulever la muqueuse avant résection) Il existe aujourd’hui près d’une vingtaine d’outils diffé- Système d’endomicroscopie confocale laser ou encore des bistouris électriques de coagulation à rents. Tous ont évolué dans le sens d’une meil- par minisonde SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES • 13
APPAREIL DIGESTIF • MATÉRIEL D’ENDOTHÉRAPIE L’ENDOMICROSCOPIE CONFOCALE PAR MINI-SONDE, UN SUPER ZOOM L’Endomicroscopie confocale par minisonde zone explorée en transmettant 12 images par (ECM) est une technique diagnostique seconde. Bien entendu, au fil des années, les autorisée en médecine digestive depuis 2005. dispositifs se sont miniaturisés et les sondes Elle repose sur de multiples fibres optiques se sont améliorées pour une meilleure qualité réunies dans une mini-sonde qui peut être d’images. Aujourd’hui, l’ECM est indiquée insérée dans le canal de l’endoscope ou à dans deux cas principaux, comme l’explique le travers une aiguille de ponction. Elle permet Docteur Napoléon : ainsi de réaliser des biopsies optiques : elle - pour avoir une image nette des muqueuses fournit, in vivo et en temps réel, une analyse au sein du tube digestif et soit orienter les Endothérapie. Dissection sous muqueuse. microscopique (de l’ordre du micron) de prélèvements de tissus, soit délimiter une zone Couteau jet d’eau certaines zones de la muqueuse digestive. à réséquer ; leure maniabilité pour générer le moins de « Grâce à un grossissement de mille fois, - pour poser ou préciser un diagnostic et éviter perforations possible et d’une meilleure technicité. contre cent fois pour les systèmes traditionnels un recours inutile à la chirurgie quand les Ainsi, la partie distale des bistouris (partie coupante) de zoom, nous obtenons une image plus fine et prélèvements de tissus sont impossibles ou est aujourd’hui mieux isolée pour éviter de disséquer plus précise des structures tissulaires », note le peu efficaces car difficiles à faire sous contrôle des zones à préserver. À l’avenir, l’attitude « detect Dr Bertrand Napoléon, gastro-entérologue à endoscopique. and discard » se généralisera. Grâce à eux, il sera l’hôpital privé Jean-Mermoz de Lyon. Ce qui Révolutionnaire, cette technique se développe possible d’identifier certaines lésions ou certains facilite la caractérisation des lésions, kystes et aujourd’hui dans d’autres spécialités : polypes, de les caractériser et de déterminer, in vivo, polypes. « Grâce à cette technique, en cas de pneumologie, urologie, chirurgie, radiologie s’ils sont bénins ou non, s’il faut les détruire ou non, kystes du pancréas où les prélèvements sont interventionnelle etc. Par ailleurs, elle se s’il est nécessaire de les envoyer à l’anatomo- souvent non informatifs, nous sommes passés sophistique; les industriels travaillent en effet, pathologie ou non. Ils existent d’ores et déjà sur les d’un stade où plus d’une fois sur deux, nous depuis quelques années, sur des algorithmes nouveaux endoscopes avec zoom embarqué. « Au n’avions pas de certitude sur leur caractère d’intelligence artificielle. L’objectif : proposer cours de la prochaine décennie, certains systèmes bénin ou non à un stade où nous avons un aux médecins des aides à l’interprétation des automatisés seront à même de suppléer notre diagnostic formel plus de quatre fois sur cinq. » images observées. vigilance, prédit le Professeur Laugier. Ils détecteront L’ECM permet une étude dynamique de la les anomalies qui nous auront échappé, iront les observer de plus près et les analyseront. » n 14 • SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES
APPAREIL DIGESTIF • LAPARASCOPE LAPARASCOPE À QUOI ÇA SERT ? interventionnelle (du grec laparo, qui signifie abdo- men, et scopein, examiner), connue aussi sous le L’ère Le laparoscope, ou endoscope rigide, est constitué d’un tube métallique de 3 à 12 mm (généralement nom de coelioscopie (dont la racine grecque koïlia désigne le ventre). Cette technique chirurgicale de la chirurgie de 10 mm) de diamètre et de 15 à 30 centimètres de mini-invasive de diagnostic et d’intervention est longueur. Il est doté d’un oculaire sur lequel s’adapte devenue une réelle alternative à la chirurgie ouverte une caméra. Il est utilisé pour l’exploration de la (en l’occurrence, à la laparotomie). mini-invasive cavité abdominale par un petit orifice à travers la paroi. Il a ainsi permis l’essor de la laparoscopie COMMENT ÇA MARCHE ? La laparoscopie, rendue Le laparoscope est composé d’un système d’éclai- possible par les laparoscopes rage de lumière froide et d’un œilleton sur lequel est fixé une caméra. Il est introduit dans la cavité abdo- (endoscopes rigides) minale à travers une incision que le chirurgien pra- et certaines technologies tique souvent au niveau de l’ombilic. Le câble est relié à un moniteur (écran) sur lequel sont retrans- adaptées, a totalement mises les images captées par la caméra, guidant bouleversé les pratiques ainsi le chirurgien en train d’opérer. Son utilisation est couplée à celle d’un insufflateur chargé de diffu- chirurgicales de l’appareil ser du dioxyde de carbone (CO2) dans la cavité abdo- digestif. minale. L’objectif est de soulever la paroi abdominale et de créer un espace entre celle-ci et les viscères. Le Laparoscope chirurgien visualise la zone où il doit intervenir. Par ailleurs, des tiges, en plastique ou en métal, de forme cylindrique et terminées par une pointe triangulaire à trois arêtes coupantes (appelées trocarts) sont introduites via deux, trois ou quatre autres incisions de 5 à 10 mm de large à travers la paroi abdominale : elles permettent au chirurgien d’introduire dans l’organisme des instruments de 5 à 12 mm de diamètre pour opérer (pinces, ciseaux, SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES • 15
APPAREIL DIGESTIF • LAPARASCOPE instruments de coagulation et de suture etc). La « LA DEUXIÈME RÉVOLUTION FRANÇAISE » laparoscopie/cœlioscopie exige une formation spé- « Des interventions par voie laparoscopique avaient cifique, une certaine expérience et des technologies été réalisées auparavant en gynécologie, pour adaptées. Elle est réalisée sous anesthésie générale des traitements de kystes aux ovaires, des du patient. hystérectomies etc., détaille le P r Jacques Marescaux, Président fondateur de l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif UNE HISTOIRE D’INNOVATIONS (Ircad) à Strasbourg (lire encadré). En chirurgie digestive, les premières furent réalisées pour des L’endoscope rigide vit le jour en 1853 grâce à ablations de la vésicule biliaire. Elles sont aujourd’hui Antonin-Jean Desormeaux. S’il a, pour partie, évo- devenues un standard pour ce type d’opération». lué dans les années trente pour gagner en flexibilité Révolutionnaires, elles permettaient – et permettent et permettre l’essor de l’endoscopie, le principe de toujours – de ne plus effectuer de grandes incisions l’endoscope rigide est resté, notamment en chirur- pour opérer les patients. En effet, auparavant, pour gie. En 1986, le chirurgien allemand Erich Mühe, retirer une vésicule biliaire, il fallait inciser sous les l’œil rivé sur l’œilleton de l’optique, pratiqua ainsi la côtes sur plusieurs dizaines de centimètres, depuis première intervention par voie laparoscopique en le sternum jusque derrière le dos. Depuis, de petites chirurgie digestive, à travers un gros endoscope incisions de quelques centimètres suffisent. Cela opératoire introduit par un seul orifice. Il fut imité, en réduit les durées d’hospitalisation, limite les compli- Système d’endoscopie 1987, par le Dr Philippe Mouret à la clinique de la cations opératoires et post-opératoires et, d’un digestive 4K Sauvegarde à Lyon, lequel publia ses travaux et se point de vue esthétique, limite la taille des cicatrices vit reconnaître la paternité de la technique à l’échelle sur le corps des patients. « Les Américains, lorsqu’ils mondiale. font référence à cette technique, parlent de 1853 1986-1987 1996 2007 2012-2013 2015 Création Première laparoscopie Première retransmission L’Ircad ouvre la voie à la Les laparoscopes Apparition de l’endoscope. en chirurgie digestive. laparoscopique via Internet. chirurgie sans cicatrice. adoptent la 3D. de la technologie 4K. 16 • SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES
APPAREIL DIGESTIF • LAPARASCOPE la deuxième révolution française », complète le Pr Marescaux. EMERGENCE DE L’ULTRA-HD Progressivement, la technique laparoscopique, combinée à l’utilisation, depuis 1964, d’un insuffla- teur de CO2, fut appliquée à d’autres types d’inter- ventions digestives : hernie hiatale , chirurgie de l’obésité, chirurgie hépatobiliaire, colectomie, hernie inguinale … Et ce, d’autant plus que les laparos- copes se perfectionnèrent. Entre 2000 et 2005, apparurent ainsi les premiers vidéo-laparoscopes : des endoscopes rigides, dotés d’un tube en acier et d’un capteur en partie terminale. Ils permirent de capter l’image de la zone à opérer directement depuis l’intérieur (et non plus l’extérieur) du corps du patient. Le capteur étant au plus proche des tissus, la qualité des images était nettement supérieure. « Le Pr François Dubois, qui avait participé à la première laparoscopie en chirurgie digestive aux côtés du Professeur Mouret, eut l’idée de fixer un 1à2 Colonne vidéo laparoscope couplé avec une mini-caméra mono- à la portée de toute l’équipe chirurgicale, y compris CCD (munie d’un seul capteur CCD), raconte le des étudiants. En outre, le film de l’intervention Pr Alain Sézeur, chirurgien du groupe hospitalier pouvait être archivé. Les caméras vidéo devinrent « Avec l’essor de la laparoscopie, la durée de l’hospitalisation Diaconesses-Croix Saint-Simon. La qualité d’image peu à peu plus performantes et plus sensibles : en cas de cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire) était assez médiocre et il fallait apprendre à opérer mono puis tri-CCD. « Les images, de meilleure passe de cinq ou sept jours à un ou deux jours voire à zéro, lorsque le patient quitte l’hôpital le soir même », souligne par une gestuelle en trois dimensions en visualisant qualité, donnaient une notion de profondeur aux le Pr Alain Sézeur. une image en deux dimensions. Mais c’était une chirurgiens », insiste le Professeur Sézeur. Puis, elles grande première. » L’image de l’opération devenait intégrèrent la Haute Définition (HD) au début SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES • 17
APPAREIL DIGESTIF • LAPARASCOPE des années deux-mille, suivie de vision en 3D voie vaginale, relate le Pr Jacques Marescaux. « En comme certains téléviseurs. « La plupart de ces outre, depuis deux ans, au Japon, il y a plus de LES CHIRURGIENS nouvelles caméras 3D impliquent de porter des cancers de l’estomac opérés par la bouche que par GYNÉCOLOGIQUES PRÉCURSEURS lunettes spéciales qui s’ajoutent aux lunettes de la chirurgie conventionnelle ou laparoscopique, rap- vue, précise le Pr Alain Sézeur. Ces systèmes d’op- pelle le Directeur de l’Ircad, tout en prédisant un Les premières interventions laparoscopiques tique facilitent le geste opératoire puisqu’ils trans- développement majeur de cette chirurgie dans les apparurent en France dans les années mettent des images en relief. » Enfin, en 2015, la vingt ans à venir. Les Japonais prévoient que, d’ici quarante, en gynécologie. Elles étaient, à technologie 4K, qualifiée d’ultra HD, améliora quelques années, 80 % des tumeurs de l’estomac cette époque, essentiellement à visée encore un peu plus la qualité de l’image. Ces pro- diagnostiquées à un stade précoce seront prises en exploratoire et diagnostique et le Dr Raoul grès, associés aux progrès de la lumière (à charge par une intervention via la bouche. » Cette Palmer en était l’un des principaux initiateurs. halogène, au xénon ou à led), offrirent aux chirur- technique évite les complications per et post-opé- Les chirurgiens réalisaient de toutes petites giens une qualité d’image magnifique, y compris en ratoire et raccourcit considérablement le temps de incisions dans la cavité abdominale et la cas de saignement. En parallèle, la taille des cicatrisation et de récupération des patients. Son gonflaient avec du gaz pour bien voir. Elles optiques diminua : « d’un diamètre de un centimètre essor sera possible avec le développement d’instru- connurent un essor dans les années à l’origine, nous sommes passés à des optiques de ments adaptés, notamment en termes de manœu- soixante-dix, notamment grâce au Pr deux millimètres, note le Professeur Marescaux. vrabilité. En effet, les endoscopes souples Maurice-Antoine Bruhat, gynécologue- Cette miniaturisation permet de faire en sorte que le impliquent de travailler dans l’axe desdits endos- obstétricien à Clermont-Ferrand. En 1973, traumatisme de la peau et des muscles soit copes. Or, les chirurgiens travaillent en traction, son équipe réalisa ainsi la première minime. » donc au minimum en deux dimensions (dimensions intervention laparoscopique pour traiter une axiale et transversale). Quelques nouveaux proto- grossesse extra-utérine. Les techniques DE LA CHIRURGIE MINI-INVASIVE types d’endoscopes sont en cours d’élaboration laparoscopiques furent ensuite appliquées À LA CHIRURGIE TRANSLUMINALE mais aucun, pour l’heure, n’a été mis sur le en chirurgie de l’appareil digestif puis en L’avenir sera-t-il la chirurgie par les voies naturelles, marché. urologie, dans les années quatre-vingt. dite chirurgie transluminale, au moyen d’un endos- cope souple ? Dans le monde, quelques équipes PLACE À LA RÉALITÉ VIRTUELLE ? chirurgicales ont d’ores et déjà tenté, ces dix der- Autre perspective qui devrait prendre de l’ampleur nières années, d’atteindre ce summum de la chirur- lors des vingt ou trente prochaines années : la réa- organe plat, la localisation de vaisseaux et de gie non invasive, notamment en France. « En 2007, lité amplifiée (ou réalité virtuelle). L’idée est de proje- tumeurs, c’est-à-dire à repérer certains éléments l’Ircad (Institut de recherche contre les cancers de ter une image virtuelle en trois dimensions en anatomiques pour éviter de les léser ou pour mieux l’appareil digestif, ndlr) a réussi une première mon- super-position de l’image vidéo-opératoire réelle. les contrôler », explique le Professeur Marescaux. diale : la première ablation de vésicule sans cica- « Le chirurgien dispose ainsi d’une cartographie Une révolution des pratiques chirurgicales en trice visible », chez une femme, en passant par la de l’organe. Cela l’aide à repérer, à travers un perspective. n 18 • SNITEM • LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES MÉDICALES
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