Bilan du gouvernement Trudeau - 23 et 24 septembre 2019 À l'intention des membres de la CSQ - SERN

 
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Bilan du
gouvernement
Trudeau

23 et 24 septembre 2019
À l’intention des membres de la CSQ
Le 19 octobre 2015, le Parti libéral du Canada (PLC), et son chef Justin Trudeau, remportait les
    élections fédérales. Le PLC a fait le pari de doubler sur sa gauche le Nouveau Parti
    démocratique (NPD) en adoptant une plateforme électorale résolument progressiste, tenant
    pour acquis que l’électorat voulait se débarrasser d’un gouvernement de droite après neuf
    années de règne conservateur. La stratégie des « voix ensoleillées1 » a fonctionné : une vague
    libérale a balayé le pays. Avec près de 40 % des votes, le PLC remportait 184 sièges, ce qui lui a
    conféré une majorité parlementaire confortable.

    Bref retour sur les promesses
    Assurément, le PLC avait plusieurs promesses progressistes2 :

    •     Hausse d’impôt pour les plus riches (200 000 dollars et plus);

    •     Baisse d’impôt pour la classe moyenne et les moins nantis;

    •     Allocation pour enfants non imposable;

    •     Investissements importants dans les technologies vertes et abolition des subventions à
          l’industrie pétrolière;

    •     Aide du fédéral pour la création de places en garderie;

    •     Autorisation des déficits sur trois années pour relancer une économie vacillante;

    •     Réforme du mode de scrutin;

    •     Instauration d’une taxe carbone;

    •     Relation renouvelée avec les peuples autochtones.

    Parmi les promesses, il faut aussi souligner des engagements qui constituent des enjeux
    importants pour les organisations syndicales :

    •     Abolition de la loi C-377 (publication des finances des syndicats);

    •     Abolition de la loi C-525 (modifications à l’accréditation et à la révocation des syndicats);

    •     Abolition de la réforme Harper en assurance-emploi;

    •     Abolition de la loi C-51 (atteinte à la vie privée et droit de manifester);

    •     Rétablissement de l’âge de la retraite à 65 ans;

    •     Rétablissement du crédit d’impôt fédéral pour les fonds de travailleurs.

    1
        FACAL, Joseph (2016). « Les “voies ensoleillées” », Le Journal de Montréal, [En ligne] (18 février).
        [journaldemontreal.com/2016/02/18/les-voies-ensoleillees].
    2
        PARTI LIBÉRAL DU CANADA (2015). Changer ensemble : le bon plan pour renforcer la classe moyenne, [En ligne], 97 p.
        [liberal.ca/fr/changer-ensemble].
2
Les premiers pas du gouvernement Trudeau
Rapidement, ce gouvernement a voulu donner la certitude que l’ère Harper était
terminée, et ce :

•     En faisant parvenir une lettre ouverte aux fonctionnaires fédéraux comportant plusieurs
      promesses de changement, notamment le respect de leurs conditions de travail et des
      négociations de bonne foi avec leurs syndicats3;

•     En annonçant des changements importants dans les façons de fonctionner du
      gouvernement avec les citoyennes et citoyens;

•     En redonnant un droit de parole aux scientifiques de la fonction publique fédérale;

•     En adoptant une attitude d’ouverture avec les journalistes.

Si l’on compare aux deux précédents mandats conservateurs, force est d’admettre que le
changement de ton est radical. En outre, le gouvernement libéral a rapidement donné
suite à des promesses dans les premiers jours de son mandat par :

•     L’abolition de la réforme de l’assurance-emploi;

•     Le rétablissement du questionnaire de recensement long;

•     L’amorce de la suspension des lois antisyndicales (C-377, C-525);

•     Le rétablissement du crédit d’impôt pour les fonds de travailleurs;

•     Le rétablissement de la livraison du courrier à domicile;

•     La mise en place d’une enquête nationale sur les disparitions et les meurtres de femmes
      autochtones.

3
    TRUDEAU, Justin (2015). « Lettre ouverte aux fonctionnaires du Canada », Parti libéral du Canada, [En ligne].
    [liberal.ca/fr/lettre-ouverte-au-aux-fonctionnaires-du-canada].

                                                                                                                    3
Une première promesse brisée
    L’engagement à réformer le mode de scrutin fédéral aura été la première promesse à être
    reniée par le gouvernement libéral. De fait, Justin Trudeau avait promis en campagne
    électorale, mais aussi dans le discours du Trône en 2015, que le mode de scrutin actuel serait
    modifié à temps pour les prochaines élections générales, prévues en octobre 2019.

    À la suite d’une consultation passée inaperçue à travers le Canada, le gouvernement libéral a
    décidé de faire une volte-face complète. Selon les libéraux, l’absence d’un large consensus,
    sans préciser ce que constitue un large consensus, les empêcherait d’aller de l’avant avec la
    réforme promise. Plutôt que d’aller défendre cette décision devant les médias, Justin Trudeau
    a choisi de laisser, quelques semaines après son assermentation, la ministre Karina Gould
    expliquer seule aux journalistes cette première promesse brisée.

    Fiscalité et économie
    Le gouvernement Trudeau a été fidèle à ses promesses fiscales, mais n’a pas respecté son
    engagement d’un retour à l’équilibre budgétaire au cours de son mandat.

    Des promesses fiscales complétées

    Les libéraux ont créé un nouveau palier d’imposition pour les contribuables dont les revenus
    dépassent 200 000 dollars par année, tout en diminuant l’imposition de la classe moyenne.

4
Les libéraux ont respecté une de leurs promesses phares en créant l’Allocation canadienne
pour enfants (ACE), une allocation mensuelle non imposable pour les parents ayant des
enfants âgés de 18 ans et moins. Cette mesure aura permis de faire passer le taux de pauvreté
de 12 % à 9,5 % au Canada. On estime à près de 300 000 le nombre d’enfants canadiens qui
ont pu sortir de la pauvreté grâce à cette mesure4.

Les personnes retraitées ne sont pas en reste. Les libéraux ont bonifié le Régime de pensions
du Canada pour faire en sorte que les bénéficiaires touchent, à leur retraite, 33 % plutôt que
25 % de leurs gains admissibles. Ils ont également rétabli à 65 ans l’âge d’admissibilité à la
Sécurité de la vieillesse . De même, l’augmentation de la prestation complémentaire au
Supplément de revenu garanti a aidé 52 000 ainées et ainés vivant seuls à sortir de la
pauvreté entre 2015 et 2017. Au bout du compte, toutes ces mesures auront permis un réel
transfert de richesse au Canada.

Des promesses budgétaires évaporées

En campagne électorale, le PLC s’était engagé à des déficits modestes de l’ordre de 10
milliards de dollars par année et également à retrouver l’équilibre budgétaire pour 2019. La
situation a été tout autre. Le gouvernement Trudeau aura cumulé des déficits de l’ordre de 73
milliards de dollars en mars 2020. Pour l’année en cours, un déficit de 20 milliards est prévu5.
La dette nette fédérale a augmenté de 100 milliards de dollars pendant le mandat libéral,
mais le ratio dette/PIB est sous contrôle, voire en légère diminution6.

Accords commerciaux

Au cours du dernier mandat, le gouvernement Trudeau a négocié et a signé pas moins de
trois ententes d’accords commerciaux. À la demande surprise du président américain, le
Canada a dû renégocier l’Accord de libre-échange nord américain (ALENA), qui est devenu
l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).

Dans la zone pacifique, l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP)
est entré en vigueur en 2017, tout comme l’Accord économique et commercial global (AECG)
entre le Canada et l’Union européenne. Certains éléments sont communs à ces trois accords.
Premièrement, la gestion de l’offre, en agriculture, a été sacrifiée comme monnaie d’échange
dans la négociation des trois accords. Ensuite, on compte très peu d’améliorations notables
au chapitre de la protection des droits des travailleuses et travailleurs et de l’environnement.

Enfin, ces accords contiennent encore des mécanismes de règlement des différends, qui
permettent aux entreprises de poursuivre des États pour des modifications règlementaires et
législatives7.

4
    GOUVERNEMENT DU CANADA (2019). Une chance pour tous : la première stratégie canadienne de réduction de la
    pauvreté, [En ligne]. [canada.ca/fr/emploi-developpement-social/campagne/reduction-pauvrete.html].

5
    BUZZETTI, Hélène (2019). « Bilan finances publiques : sacrée classe moyenne! », Le Devoir, [En ligne] (4 septembre).
    [ledevoir.com/politique/canada/561847/bilan-fiscalite-sacree-classe-moyenne].

6
    GIRARD, Michel (2019). « 71 milliards $ de déficit : “un budget carrément électoraliste” », Le Journal de Montréal, [En ligne]
    (20 mars). [ journaldemontreal.com/2019/03/20/71-milliards-de-deficit].

7
    RÉSEAU QUÉBÉCOIS SUR L’INTÉGRATION CONTINENTALE (2019). Le libre-échange aujourd’hui : bilan des accords de
    libre-échange soutenus par le Canada, St-Joseph-du-Lac, M Éditeur, 168 p.

                                                                                                                                    5
Paradis fiscaux8

    En plus de fermer quelques échappatoires fiscales, le gouvernement Trudeau a investi des
    sommes importantes au sein de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Cela étant dit, alors
    que la ministre du Revenu s’est vantée d’avoir embauché 1 300 nouvelles vérificatrices et
    nouveaux vérificateurs à l’ARC, le nombre réel n’est finalement que de 1929.

    Le gouvernement Trudeau a également fortement restreint l’accès au programme de
    divulgation volontaire, véritable voie de contournement qui permettait aux personnes
    offensantes de s’éviter des poursuites. Et il s’est entendu avec les provinces pour jeter les
    bases d’un cadre règlementaire qui, dans un futur rapproché, permettra d’augmenter
    sensiblement la transparence corporative, élément essentiel pour lutter contre le
    blanchiment d’argent.

    Malheureusement, aucun de ces gestes n’a entrainé les changements politiques de fonds
    nécessaires. Le Canada a historiquement rendu légal le recours aux paradis fiscaux, et le
    gouvernement Trudeau ne s’est pas attaqué de façon structurelle au problème. De fait, le
    Canada a continué, sous le mandat libéral, à conclure des ententes avec des paradis fiscaux
    notoires, notamment par la signature, en 2018, de deux accords d’échange de
    renseignements fiscaux (AERF) avec Antigua et Barbuda et Grenade. Ces accords,
    contrairement à ce que leur nom laisse espérer, permettent en fait le rapatriement de
    dividendes exonérés d’impôt.

    Enfin, on peut aussi penser aux démêlés de l’affaire KPMG, où l’on peine à faire la lumière sur
    les ententes secrètes convenues entre l’ARC et la riche clientèle de KPMG, de même qu’au
    laxisme du gouvernement Trudeau en ce qui concerne la taxation des entreprises
    multinationales numériques.

    8
        Section inspirée du bilan fait par le groupe Échec aux paradis fiscaux.

    9
        ST-PIERRE, Guillaume (2019). « Le fédéral floué de 26 G$ en taxes et impôts chaque année : une étude révèle que l’évasion et
        l’évitement fiscaux coûtent une fortune à l’État », Le Journal de Montréal, [En ligne] (18 juin).
        [ journaldemontreal.com/2019/06/18/le-federal-floue-de-26g-en-taxes-et-impots-chaque-annee].
6
Droits du travail
Après avoir condamné le recours aux lois spéciales par le gouvernement Harper, Justin
Trudeau n’a pas hésité à recourir à une loi spéciale pour forcer le retour au travail et mettre
fin aux moyens de pression des travailleuses et travailleurs de Postes Canada à l’automne
201810.

Assurance-emploi

Les libéraux ont réformé le régime d’assurance-emploi. Ils ont d’abord annulé la réforme du
précédent gouvernement. Celle-ci forçait les chômeuses et chômeurs à accepter un emploi
situé jusqu’à une heure de route de leur résidence avec un salaire de jusqu’à 30 % inférieur
au précédent. Elle exigeait aussi des personnes nouvellement arrivées ou de retour sur le
marché du travail qu’elles accumulent plus d’heures que les autres pour se qualifier aux
prestations. Le gouvernement Trudeau a aussi réduit la période de carence à une semaine et
tout récemment, a annoncé le retour du tribunal tripartite d’appel de l’assurance-emploi
pour 2021.

Les libéraux ont également assoupli les congés de compassion et les congés parentaux. Une
aidante ou un aidant naturel n’a plus à prouver que sa ou son proche n’a que six mois à vivre
pour se qualifier pour les prestations. Le congé de six mois (prolongé sous les libéraux, mais à
l’initiative des conservateurs) peut maintenant être réparti en petits blocs au cours d’une
période de douze mois. Le congé parental d’un an, quant à lui, peut être étalé sur dix-huit
mois11.

Code canadien du travail

On remarque aussi l’amélioration de plusieurs congés, la création de nouveaux congés
sociaux et des mesures facilitant la conciliation famille et travail. Notons que la grande
majorité de ces changements sont entrés en vigueur le 1er septembre 2019, juste à temps
pour le déclenchement des élections fédérales.

10
     LA PRESSE CANADIENNE (2018). « Postes Canada : la loi spéciale entre en vigueur », La Presse.ca, [En ligne] (26 novembre).
     [lapresse.ca/affaires/economie/201811/26/01-5205622-postes-canada-la-loi-speciale-entre-en-vigueur.php].

11
     BUZZETTI, Hélène (2019). « Bilan finances publiques : sacrée classe moyenne! », Le Devoir, [En ligne] (4 septembre).
     [ledevoir.com/politique/canada/561847/bilan-fiscalite-sacree-classe-moyenne].

                                                                                                                                  7
Santé et services sociaux
    Le gouvernement Trudeau a renouvelé l’entente de financement de la santé avec les
    provinces. Le Québec a signé cette entente à reculons. Celle-ci fait passer le taux de
    croissance annuel du transfert fédéral de 6 % à 3 %. En contrepartie, elle comprend une
    somme forfaitaire de 11,5 milliards de dollars d’ici 2028 pour financer la santé mentale et les
    soins à domicile. Cette entente de dix ans correspond à environ 250 millions de dollars par
    année pour le Québec, mais représente clairement un cas d’ingérence du fédéral dans une
    compétence constitutionnelle du Québec.

    Assurance médicaments

    En campagne électorale, le PLC s’était engagé à faciliter l’accès aux médicaments
    d’ordonnance nécessaires. Plusieurs mesures ont été adoptées afin de réduire le prix des
    médicaments d’ordonnance12. Mais c’est la création d’un comité consultatif sur la mise en
    œuvre d’un régime national d’assurance médicaments qui aura fait le plus jaser et suscité
    l’espoir. De fait, le rapport final propose, en plus de la création d’une agence canadienne des
    médicaments, la mise en place d’un régime public et universel d’assurance médicaments. La
    création d’un tel régime pourrait devenir un des engagements libéraux importants dans le
    cadre des élections d’octobre 201913.

    12
         BIRCH, Lisa, et François PÉTRY, sous la dir. de (2019). Bilan du gouvernement libéral de Justin Trudeau. 353 promesses et un
         mandat de changement, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 167.

    13
         BIRCH, Lisa, et François PÉTRY, sous la dir. de (2019). Bilan du gouvernement libéral de Justin Trudeau. 353 promesses et un
         mandat de changement, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 168.
8
Enseignement supérieur
Après des années de vaches maigres en enseignement supérieur, les attentes envers le
gouvernement de Justin Trudeau étaient élevées. À la suite d’épisodes qui ont vu plusieurs
scientifiques à l’emploi du gouvernement être muselés sous le règne Harper, on peut
affirmer qu’il a opéré un changement de ton. Le rétablissement du lien de confiance avec
les milieux scientifiques, notamment par la création du poste de conseiller scientifique en
chef de même que le rehaussement du financement de la recherche et l’amélioration de
l’accessibilité, en particulier pour les populations autochtones, en constituent les mesures
phares.

Après plus de dix ans de recul, le budget Morneau de 2018 a marqué un changement de cap
significatif dans le financement fédéral de la recherche au Canada. Le réinvestissement de
1,6 milliard de dollars étalé sur cinq ans a été largement salué. Cela étant dit, cet apport n’a
pas permis de compenser entièrement les déficits accumulés au cours des années
précédentes. Alors que le mandat se termine, on constate toujours un écart appréciable
(40 %) entre le niveau de financement actuel et celui recommandé par le Comité consultatif
sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale.

Des mesures inédites de soutien à l’accessibilité des populations autochtones à l’éducation
postsecondaire ont également vu le jour sous la gouverne des libéraux. Totalisant plus de
800 millions de dollars, les sommes annoncées en 2019 représentent une première avancée
importante. Cela étant dit, on notera au passage que de telles initiatives liées à l’accessibilité,
comme dans le cas d’autres programmes fédéraux touchant l’enseignement supérieur,
limitent l’autonomie des provinces quant à la façon dont ces sommes doivent être
engagées.

Finalement, rappelons que le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS),
qui regroupe l’essentiel des engagements financiers du palier fédéral pour le secteur de
l’éducation postsecondaire, n’a fait l’objet d’aucune intervention. La dernière hausse fédérale
du financement de base des collèges et des universités remonte à 2007.

                                                                                                      9
Environnement
     Le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan environnemental libéral est mitigé.

     Accord de Paris

     Le gouvernement a été proactif en intégrant l’Accord de Paris (pour mémoire, les
     conservateurs avaient retiré le Canada du Protocole de Kyoto) et en imposant, pour une
     première fois au Canada, aux grands émetteurs industriels des plafonds d’émissions de GES.

     Aussi, le plan climat du gouvernement, le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les
     changements climatiques14, a forcé les provinces à se doter d’un plan de lutte contre les
     changements climatiques et a imposé une taxe sur le carbone aux récalcitrantes, soit la
     Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et l’Alberta. La taxe de 20 dollars
     la tonne augmentera graduellement pour atteindre 50 dollars en 202215.

     GES

     Malheureusement, les libéraux ont déçu en reprenant intégralement la cible conservatrice
     peu ambitieuse de réduire les GES du pays de 30 % sous leur niveau de 2005 d’ici 2030 et ont
     accouché d’un plan d’action insuffisant puisqu’il générerait des réductions d’émissions de
     GES bien inférieures aux objectifs à atteindre. Ils ont aussi déçu en ne respectant pas leur
     promesse de mettre graduellement fin aux subventions à l’industrie des énergies fossiles.

     Évaluation environnementale

     Les libéraux ont aussi opéré une réforme du processus d’évaluation environnementale des
     grands projets. Des durées maximales d’évaluation ont été instaurées, une agence unique a
     été créée, et le critiqué Office national de l’énergie a été remplacé par une nouvelle instance
     au rôle similaire. Les libéraux ont annulé le changement de 2012 qui autorisait seulement les
     personnes « directement affectées » par un projet à participer aux audiences publiques et ils
     ont dressé une liste de vingt critères devant être pris en compte. Toutefois, la ministre
     conserve le pouvoir ultime d’approuver un projet en prenant en compte l’« intérêt public »,
     critère qui a été dénoncé parce que subjectif et soumis aux aléas politiques15.

     14
          GOUVERNEMENT DU CANADA (2016). Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques,
          [En ligne], 90 p. [publications.gc.ca/collections/collection_2017/eccc/En4-294-2016-fra.pdf].

     15
          BUZZETTI, Hélène (2019). « Bilan environnement : des rouges vert pâle », Le Devoir, [En ligne] (3 septembre).
          [ledevoir.com/politique/canada/561801/iii-bilan-environnement-des-rouges-vert-pale].
10
Pipeline

C’est toutefois l’achat de l’oléoduc Trans Mountain au cout de 4,5 milliards de dollars qui a
frappé l’imaginaire et qui a soulevé l’ire de plusieurs. Par cette transaction, Ottawa a voulu
faciliter les travaux d’agrandissement du pipeline, la construction d’une infrastructure
fédérale pouvant moins facilement être bloquée en justice. Ottawa espère encore pouvoir
revendre l’oléoduc une fois tous les obstacles levés, et plusieurs coalitions autochtones
préparent une offre.

Afin de rendre acceptable cet achat, le premier ministre a promis que les éventuels profits de
la vente seront consacrés à la transition énergétique, tout comme le demi milliard de dollars
que le Trésor prévoit d’engranger chaque année en revenus fiscaux supplémentaires lorsque
la ressource canadienne sera vendue à meilleur prix à l’étranger.

Condition des femmes16
Pour une première fois dans l’histoire, un premier ministre canadien s’est autoproclamé
féministe en campagne électorale. Au cours du dernier mandat libéral, plusieurs initiatives
en matière de politiques liées à l’égalité des genres ont été mises en œuvre, et plusieurs des
engagements électoraux en ce sens ont été respectés. Pensons notamment à la création du
ministère des Femmes et de l’Égalité des genres.

Équité salariale

S’inspirant en partie de l’expérience québécoise, le gouvernement a fait adopter de
nouvelles règles concernant l’équité salariale. Dorénavant, les entreprises sous juridiction
fédérale devront mettre en œuvre un plan d’équité salariale d’ici trois ans. Dans la même
foulée, un commissaire à l’équité salariale est institué. Le commissaire aura le pouvoir de
procéder à des évaluations de conformité ou à des enquêtes de même qu’à la réception de
plaintes. Bien qu’il s’agisse d’une avancée importante, la loi est loin d’être parfaite, et des
aspects risquent d’être contestés.

16
     Section inspirée de l’ouvrage Bilan du gouvernement libéral de Justin Trudeau : 353 promesses et un mandat de changement.
                                                                                                                                 11
On peut notamment penser au premier cabinet paritaire de l’histoire canadienne et à la
     réalisation de l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) dans les documents
     budgétaires et tous les ministères fédéraux. Mentionnons également le rôle de Jody
     Wilson-Raybould, première femme autochtone ministre de la Justice et procureure générale
     du Canada. Cette dernière a présenté des modifications au Code criminel pour clarifier les
     infractions d’agression sexuelle et de violence familiale ainsi que des changements au
     processus de nomination à la magistrature. Enfin, des modifications au Code canadien du
     travail obligent les milieux de travail sous règlementation fédérale à apporter des
     changements importants à la façon dont ils traitent la violence et le harcèlement en milieu
     de travail. Un nouveau congé de cinq jours pour violence familiale a aussi été créé.

     Santé maternelle des femmes

     Au plan international, le gouvernement Trudeau a réorienté la stratégie canadienne d’aide à
     l’étranger concernant la santé maternelle des femmes, ce qui a mis fin à la politique du
     précédent gouvernement, qui interdisait l’aide canadienne pour les cas d’interruption de
     grossesse. De plus, il a profité de la présidence canadienne du G7 en 2018 pour faire de
     l’égalité des genres une priorité de l’organisation.

     Légalisation du cannabis
     Une des promesses phares du gouvernement Trudeau était sans contredit sa volonté de
     légaliser le cannabis. Promesse tenue puisque, depuis le 17 octobre 2018, le Canada est devenu
     le premier pays du G7 à légaliser la production, la distribution, la vente et la consommation du
     cannabis récréatif. Plusieurs reprochent au gouvernement canadien d’avoir refilé ses
     responsabilités aux provinces et aux territoires, qui ont dû élaborer en vitesse leur propre
     règlementation, si bien qu’en fin de compte, le nouveau régime est un ensemble disparate de
     systèmes provinciaux où le cannabis peut être cultivé, distribué, vendu et consommé de
     diverses façons.

     Plusieurs ont aussi déploré que l’octroi de permis de production ait été attribué à un nombre
     anormalement élevé d’anciennes élues et d’anciens élus, de ministres et de sympathisantes et
     sympathisants libéraux17.

     17
          PÉLOQUIN, Tristan (2017). « L’industrie du pot attire d'ex-ténors du PLC », La Presse.ca, [En ligne] (29 mai).
          [lapresse.ca/actualites/politique/politique-canadienne/201705/28/01-5102287-lindustrie-du-pot-attire-dex-tenors-du-plc.php].

12
Réalités autochtones18
Le gouvernement Trudeau a choisi d’articuler sa politique autochtone autour du principe de
la réconciliation. En rupture avec le précédent gouvernement Harper, le discours se voulait
généreux, et le programme ambitieux.

Rapidement, le gouvernement s’engage à respecter les recommandations de la Commission
de vérité et réconciliation. Parmi les recommandations réalisées ou en progrès, on note les
réformes au système de protection de l’enfance, les réinvestissements en éducation, une
meilleure protection et une promotion des langues autochtones, la mise en place de la
Commission d’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées
ainsi que les mesures visant à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les
droits des peuples autochtones.

La Commission de vérité et réconciliation recommandait aussi un renouvellement de la
relation entre l’État canadien et les peuples autochtones, et une réforme des institutions de
gouvernance autochtones. Un des premiers pas a été de scinder le ministère des Affaires
autochtones et du Nord canadien en deux ministères distincts. Par la suite, le gouvernement
Trudeau a mis en place une série de mécanismes bilatéraux et multilatéraux afin de faciliter
le dialogue. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan précis de ces initiatives.

Enfin, il va sans dire que l’exploitation des ressources naturelles, notamment la production et
le transport des énergies fossiles, demeure un défi important, voire un obstacle sur la voie de
la réconciliation.

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     Section inspirée de l’ouvrage Bilan du gouvernement libéral de Justin Trudeau : 353 promesses et un mandat de changement.

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Conclusion
     Lors de la campagne électorale de 2015, le PLC a fait le pari d’un programme de
     gouvernement résolument progressiste. C’est sur les plans économique et fiscal que le
     gouvernement aura été le plus fidèle à ses promesses, notamment grâce à la création de
     l’ACE et d’une fiscalité plus progressive avec la hausse des taux d’imposition des plus riches
     contribuables.

     Une ombre au tableau demeure à ce chapitre et constitue un talon d’Achille important pour
     le gouvernement Trudeau. De fait, il avait promis, avant d’être élu, que les déficits budgétaires
     seraient résorbés d’ici la fin du mandat. Or, les déficits sont toujours très élevés, et on peine à
     identifier un plan de retour à l’équilibre budgétaire à court ou moyen terme. Le ratio dette/PIB
     est certes moins élevé que dans bien d’autres pays occidentaux et demeure stable, mais la
     persistance des déficits pourrait finir par poser problème dans l’éventualité d’un
     ralentissement économique ou d’une récession.

     Avec un premier ministre s’autoproclamant féministe, une première dans l’histoire, on peut
     dire que le gouvernement Trudeau a tenu promesse quant à ses engagements pour l’égalité
     des genres. À ce chapitre, on peut parler d’une véritable rupture entre l’actuel gouvernement
     Trudeau et le précédent gouvernement Harper.

     Son engagement envers les peuples autochtones et un activisme sans précédent ont permis
     de réaliser plusieurs initiatives et des réinvestissements importants, mais n’auront pas réussi à
     véritablement transformer la relation entre les peuples autochtones et l’État canadien.

     Quant au bilan environnemental du gouvernement Trudeau, il s’avère mitigé. En début de
     mandat, la reprise des cibles conservatrices de réduction des GES a déçu par son manque
     d’ambition. De même, les libéraux ont rompu leur promesse d’abolir progressivement les
     subventions accordées aux producteurs d’énergies fossiles. Néanmoins, le développement
     d’un plan climat pancanadien, la réintégration du Canada au sein de l’Accord de Paris, une
     première approche nationale visant la réduction des GES, puis une première taxe carbone
     s’avèrent des éléments positifs. Mais c’est l’achat de l’oléoduc Trans Mountain, à l’encontre de
     l’engagement libéral de réconcilier l’environnement et l’économie par une transition
     énergétique, qui aura marqué l’imaginaire.

     De même, notons que la mise au rancart de sa promesse d’une réforme du mode de scrutin
     aura été aussi une grande déception du mandat de ce gouvernement. Quant à la légalisation
     du cannabis récréatif, elle demeurera pour des années un élément fondamental de l’héritage
     du gouvernement Trudeau.

     Enfin, les deux dernières années auront aussi été marquées par une succession de scandales
     et d’affaires nébuleuses, l’affaire SNC-Lavalin en tête, si bien que l’image de transparence et de
     leader positif que voulait incarner Justin Trudeau a été passablement ternie.
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