Bilan du gouvernement Trudeau - 23 et 24 septembre 2019 À l'intention des membres de la CSQ - SERN
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Bilan du gouvernement Trudeau 23 et 24 septembre 2019 À l’intention des membres de la CSQ
Le 19 octobre 2015, le Parti libéral du Canada (PLC), et son chef Justin Trudeau, remportait les élections fédérales. Le PLC a fait le pari de doubler sur sa gauche le Nouveau Parti démocratique (NPD) en adoptant une plateforme électorale résolument progressiste, tenant pour acquis que l’électorat voulait se débarrasser d’un gouvernement de droite après neuf années de règne conservateur. La stratégie des « voix ensoleillées1 » a fonctionné : une vague libérale a balayé le pays. Avec près de 40 % des votes, le PLC remportait 184 sièges, ce qui lui a conféré une majorité parlementaire confortable. Bref retour sur les promesses Assurément, le PLC avait plusieurs promesses progressistes2 : • Hausse d’impôt pour les plus riches (200 000 dollars et plus); • Baisse d’impôt pour la classe moyenne et les moins nantis; • Allocation pour enfants non imposable; • Investissements importants dans les technologies vertes et abolition des subventions à l’industrie pétrolière; • Aide du fédéral pour la création de places en garderie; • Autorisation des déficits sur trois années pour relancer une économie vacillante; • Réforme du mode de scrutin; • Instauration d’une taxe carbone; • Relation renouvelée avec les peuples autochtones. Parmi les promesses, il faut aussi souligner des engagements qui constituent des enjeux importants pour les organisations syndicales : • Abolition de la loi C-377 (publication des finances des syndicats); • Abolition de la loi C-525 (modifications à l’accréditation et à la révocation des syndicats); • Abolition de la réforme Harper en assurance-emploi; • Abolition de la loi C-51 (atteinte à la vie privée et droit de manifester); • Rétablissement de l’âge de la retraite à 65 ans; • Rétablissement du crédit d’impôt fédéral pour les fonds de travailleurs. 1 FACAL, Joseph (2016). « Les “voies ensoleillées” », Le Journal de Montréal, [En ligne] (18 février). [journaldemontreal.com/2016/02/18/les-voies-ensoleillees]. 2 PARTI LIBÉRAL DU CANADA (2015). Changer ensemble : le bon plan pour renforcer la classe moyenne, [En ligne], 97 p. [liberal.ca/fr/changer-ensemble]. 2
Les premiers pas du gouvernement Trudeau Rapidement, ce gouvernement a voulu donner la certitude que l’ère Harper était terminée, et ce : • En faisant parvenir une lettre ouverte aux fonctionnaires fédéraux comportant plusieurs promesses de changement, notamment le respect de leurs conditions de travail et des négociations de bonne foi avec leurs syndicats3; • En annonçant des changements importants dans les façons de fonctionner du gouvernement avec les citoyennes et citoyens; • En redonnant un droit de parole aux scientifiques de la fonction publique fédérale; • En adoptant une attitude d’ouverture avec les journalistes. Si l’on compare aux deux précédents mandats conservateurs, force est d’admettre que le changement de ton est radical. En outre, le gouvernement libéral a rapidement donné suite à des promesses dans les premiers jours de son mandat par : • L’abolition de la réforme de l’assurance-emploi; • Le rétablissement du questionnaire de recensement long; • L’amorce de la suspension des lois antisyndicales (C-377, C-525); • Le rétablissement du crédit d’impôt pour les fonds de travailleurs; • Le rétablissement de la livraison du courrier à domicile; • La mise en place d’une enquête nationale sur les disparitions et les meurtres de femmes autochtones. 3 TRUDEAU, Justin (2015). « Lettre ouverte aux fonctionnaires du Canada », Parti libéral du Canada, [En ligne]. [liberal.ca/fr/lettre-ouverte-au-aux-fonctionnaires-du-canada]. 3
Une première promesse brisée L’engagement à réformer le mode de scrutin fédéral aura été la première promesse à être reniée par le gouvernement libéral. De fait, Justin Trudeau avait promis en campagne électorale, mais aussi dans le discours du Trône en 2015, que le mode de scrutin actuel serait modifié à temps pour les prochaines élections générales, prévues en octobre 2019. À la suite d’une consultation passée inaperçue à travers le Canada, le gouvernement libéral a décidé de faire une volte-face complète. Selon les libéraux, l’absence d’un large consensus, sans préciser ce que constitue un large consensus, les empêcherait d’aller de l’avant avec la réforme promise. Plutôt que d’aller défendre cette décision devant les médias, Justin Trudeau a choisi de laisser, quelques semaines après son assermentation, la ministre Karina Gould expliquer seule aux journalistes cette première promesse brisée. Fiscalité et économie Le gouvernement Trudeau a été fidèle à ses promesses fiscales, mais n’a pas respecté son engagement d’un retour à l’équilibre budgétaire au cours de son mandat. Des promesses fiscales complétées Les libéraux ont créé un nouveau palier d’imposition pour les contribuables dont les revenus dépassent 200 000 dollars par année, tout en diminuant l’imposition de la classe moyenne. 4
Les libéraux ont respecté une de leurs promesses phares en créant l’Allocation canadienne pour enfants (ACE), une allocation mensuelle non imposable pour les parents ayant des enfants âgés de 18 ans et moins. Cette mesure aura permis de faire passer le taux de pauvreté de 12 % à 9,5 % au Canada. On estime à près de 300 000 le nombre d’enfants canadiens qui ont pu sortir de la pauvreté grâce à cette mesure4. Les personnes retraitées ne sont pas en reste. Les libéraux ont bonifié le Régime de pensions du Canada pour faire en sorte que les bénéficiaires touchent, à leur retraite, 33 % plutôt que 25 % de leurs gains admissibles. Ils ont également rétabli à 65 ans l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse . De même, l’augmentation de la prestation complémentaire au Supplément de revenu garanti a aidé 52 000 ainées et ainés vivant seuls à sortir de la pauvreté entre 2015 et 2017. Au bout du compte, toutes ces mesures auront permis un réel transfert de richesse au Canada. Des promesses budgétaires évaporées En campagne électorale, le PLC s’était engagé à des déficits modestes de l’ordre de 10 milliards de dollars par année et également à retrouver l’équilibre budgétaire pour 2019. La situation a été tout autre. Le gouvernement Trudeau aura cumulé des déficits de l’ordre de 73 milliards de dollars en mars 2020. Pour l’année en cours, un déficit de 20 milliards est prévu5. La dette nette fédérale a augmenté de 100 milliards de dollars pendant le mandat libéral, mais le ratio dette/PIB est sous contrôle, voire en légère diminution6. Accords commerciaux Au cours du dernier mandat, le gouvernement Trudeau a négocié et a signé pas moins de trois ententes d’accords commerciaux. À la demande surprise du président américain, le Canada a dû renégocier l’Accord de libre-échange nord américain (ALENA), qui est devenu l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Dans la zone pacifique, l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) est entré en vigueur en 2017, tout comme l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne. Certains éléments sont communs à ces trois accords. Premièrement, la gestion de l’offre, en agriculture, a été sacrifiée comme monnaie d’échange dans la négociation des trois accords. Ensuite, on compte très peu d’améliorations notables au chapitre de la protection des droits des travailleuses et travailleurs et de l’environnement. Enfin, ces accords contiennent encore des mécanismes de règlement des différends, qui permettent aux entreprises de poursuivre des États pour des modifications règlementaires et législatives7. 4 GOUVERNEMENT DU CANADA (2019). Une chance pour tous : la première stratégie canadienne de réduction de la pauvreté, [En ligne]. [canada.ca/fr/emploi-developpement-social/campagne/reduction-pauvrete.html]. 5 BUZZETTI, Hélène (2019). « Bilan finances publiques : sacrée classe moyenne! », Le Devoir, [En ligne] (4 septembre). [ledevoir.com/politique/canada/561847/bilan-fiscalite-sacree-classe-moyenne]. 6 GIRARD, Michel (2019). « 71 milliards $ de déficit : “un budget carrément électoraliste” », Le Journal de Montréal, [En ligne] (20 mars). [ journaldemontreal.com/2019/03/20/71-milliards-de-deficit]. 7 RÉSEAU QUÉBÉCOIS SUR L’INTÉGRATION CONTINENTALE (2019). Le libre-échange aujourd’hui : bilan des accords de libre-échange soutenus par le Canada, St-Joseph-du-Lac, M Éditeur, 168 p. 5
Paradis fiscaux8 En plus de fermer quelques échappatoires fiscales, le gouvernement Trudeau a investi des sommes importantes au sein de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Cela étant dit, alors que la ministre du Revenu s’est vantée d’avoir embauché 1 300 nouvelles vérificatrices et nouveaux vérificateurs à l’ARC, le nombre réel n’est finalement que de 1929. Le gouvernement Trudeau a également fortement restreint l’accès au programme de divulgation volontaire, véritable voie de contournement qui permettait aux personnes offensantes de s’éviter des poursuites. Et il s’est entendu avec les provinces pour jeter les bases d’un cadre règlementaire qui, dans un futur rapproché, permettra d’augmenter sensiblement la transparence corporative, élément essentiel pour lutter contre le blanchiment d’argent. Malheureusement, aucun de ces gestes n’a entrainé les changements politiques de fonds nécessaires. Le Canada a historiquement rendu légal le recours aux paradis fiscaux, et le gouvernement Trudeau ne s’est pas attaqué de façon structurelle au problème. De fait, le Canada a continué, sous le mandat libéral, à conclure des ententes avec des paradis fiscaux notoires, notamment par la signature, en 2018, de deux accords d’échange de renseignements fiscaux (AERF) avec Antigua et Barbuda et Grenade. Ces accords, contrairement à ce que leur nom laisse espérer, permettent en fait le rapatriement de dividendes exonérés d’impôt. Enfin, on peut aussi penser aux démêlés de l’affaire KPMG, où l’on peine à faire la lumière sur les ententes secrètes convenues entre l’ARC et la riche clientèle de KPMG, de même qu’au laxisme du gouvernement Trudeau en ce qui concerne la taxation des entreprises multinationales numériques. 8 Section inspirée du bilan fait par le groupe Échec aux paradis fiscaux. 9 ST-PIERRE, Guillaume (2019). « Le fédéral floué de 26 G$ en taxes et impôts chaque année : une étude révèle que l’évasion et l’évitement fiscaux coûtent une fortune à l’État », Le Journal de Montréal, [En ligne] (18 juin). [ journaldemontreal.com/2019/06/18/le-federal-floue-de-26g-en-taxes-et-impots-chaque-annee]. 6
Droits du travail Après avoir condamné le recours aux lois spéciales par le gouvernement Harper, Justin Trudeau n’a pas hésité à recourir à une loi spéciale pour forcer le retour au travail et mettre fin aux moyens de pression des travailleuses et travailleurs de Postes Canada à l’automne 201810. Assurance-emploi Les libéraux ont réformé le régime d’assurance-emploi. Ils ont d’abord annulé la réforme du précédent gouvernement. Celle-ci forçait les chômeuses et chômeurs à accepter un emploi situé jusqu’à une heure de route de leur résidence avec un salaire de jusqu’à 30 % inférieur au précédent. Elle exigeait aussi des personnes nouvellement arrivées ou de retour sur le marché du travail qu’elles accumulent plus d’heures que les autres pour se qualifier aux prestations. Le gouvernement Trudeau a aussi réduit la période de carence à une semaine et tout récemment, a annoncé le retour du tribunal tripartite d’appel de l’assurance-emploi pour 2021. Les libéraux ont également assoupli les congés de compassion et les congés parentaux. Une aidante ou un aidant naturel n’a plus à prouver que sa ou son proche n’a que six mois à vivre pour se qualifier pour les prestations. Le congé de six mois (prolongé sous les libéraux, mais à l’initiative des conservateurs) peut maintenant être réparti en petits blocs au cours d’une période de douze mois. Le congé parental d’un an, quant à lui, peut être étalé sur dix-huit mois11. Code canadien du travail On remarque aussi l’amélioration de plusieurs congés, la création de nouveaux congés sociaux et des mesures facilitant la conciliation famille et travail. Notons que la grande majorité de ces changements sont entrés en vigueur le 1er septembre 2019, juste à temps pour le déclenchement des élections fédérales. 10 LA PRESSE CANADIENNE (2018). « Postes Canada : la loi spéciale entre en vigueur », La Presse.ca, [En ligne] (26 novembre). [lapresse.ca/affaires/economie/201811/26/01-5205622-postes-canada-la-loi-speciale-entre-en-vigueur.php]. 11 BUZZETTI, Hélène (2019). « Bilan finances publiques : sacrée classe moyenne! », Le Devoir, [En ligne] (4 septembre). [ledevoir.com/politique/canada/561847/bilan-fiscalite-sacree-classe-moyenne]. 7
Santé et services sociaux Le gouvernement Trudeau a renouvelé l’entente de financement de la santé avec les provinces. Le Québec a signé cette entente à reculons. Celle-ci fait passer le taux de croissance annuel du transfert fédéral de 6 % à 3 %. En contrepartie, elle comprend une somme forfaitaire de 11,5 milliards de dollars d’ici 2028 pour financer la santé mentale et les soins à domicile. Cette entente de dix ans correspond à environ 250 millions de dollars par année pour le Québec, mais représente clairement un cas d’ingérence du fédéral dans une compétence constitutionnelle du Québec. Assurance médicaments En campagne électorale, le PLC s’était engagé à faciliter l’accès aux médicaments d’ordonnance nécessaires. Plusieurs mesures ont été adoptées afin de réduire le prix des médicaments d’ordonnance12. Mais c’est la création d’un comité consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance médicaments qui aura fait le plus jaser et suscité l’espoir. De fait, le rapport final propose, en plus de la création d’une agence canadienne des médicaments, la mise en place d’un régime public et universel d’assurance médicaments. La création d’un tel régime pourrait devenir un des engagements libéraux importants dans le cadre des élections d’octobre 201913. 12 BIRCH, Lisa, et François PÉTRY, sous la dir. de (2019). Bilan du gouvernement libéral de Justin Trudeau. 353 promesses et un mandat de changement, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 167. 13 BIRCH, Lisa, et François PÉTRY, sous la dir. de (2019). Bilan du gouvernement libéral de Justin Trudeau. 353 promesses et un mandat de changement, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 168. 8
Enseignement supérieur Après des années de vaches maigres en enseignement supérieur, les attentes envers le gouvernement de Justin Trudeau étaient élevées. À la suite d’épisodes qui ont vu plusieurs scientifiques à l’emploi du gouvernement être muselés sous le règne Harper, on peut affirmer qu’il a opéré un changement de ton. Le rétablissement du lien de confiance avec les milieux scientifiques, notamment par la création du poste de conseiller scientifique en chef de même que le rehaussement du financement de la recherche et l’amélioration de l’accessibilité, en particulier pour les populations autochtones, en constituent les mesures phares. Après plus de dix ans de recul, le budget Morneau de 2018 a marqué un changement de cap significatif dans le financement fédéral de la recherche au Canada. Le réinvestissement de 1,6 milliard de dollars étalé sur cinq ans a été largement salué. Cela étant dit, cet apport n’a pas permis de compenser entièrement les déficits accumulés au cours des années précédentes. Alors que le mandat se termine, on constate toujours un écart appréciable (40 %) entre le niveau de financement actuel et celui recommandé par le Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale. Des mesures inédites de soutien à l’accessibilité des populations autochtones à l’éducation postsecondaire ont également vu le jour sous la gouverne des libéraux. Totalisant plus de 800 millions de dollars, les sommes annoncées en 2019 représentent une première avancée importante. Cela étant dit, on notera au passage que de telles initiatives liées à l’accessibilité, comme dans le cas d’autres programmes fédéraux touchant l’enseignement supérieur, limitent l’autonomie des provinces quant à la façon dont ces sommes doivent être engagées. Finalement, rappelons que le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS), qui regroupe l’essentiel des engagements financiers du palier fédéral pour le secteur de l’éducation postsecondaire, n’a fait l’objet d’aucune intervention. La dernière hausse fédérale du financement de base des collèges et des universités remonte à 2007. 9
Environnement Le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan environnemental libéral est mitigé. Accord de Paris Le gouvernement a été proactif en intégrant l’Accord de Paris (pour mémoire, les conservateurs avaient retiré le Canada du Protocole de Kyoto) et en imposant, pour une première fois au Canada, aux grands émetteurs industriels des plafonds d’émissions de GES. Aussi, le plan climat du gouvernement, le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques14, a forcé les provinces à se doter d’un plan de lutte contre les changements climatiques et a imposé une taxe sur le carbone aux récalcitrantes, soit la Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et l’Alberta. La taxe de 20 dollars la tonne augmentera graduellement pour atteindre 50 dollars en 202215. GES Malheureusement, les libéraux ont déçu en reprenant intégralement la cible conservatrice peu ambitieuse de réduire les GES du pays de 30 % sous leur niveau de 2005 d’ici 2030 et ont accouché d’un plan d’action insuffisant puisqu’il générerait des réductions d’émissions de GES bien inférieures aux objectifs à atteindre. Ils ont aussi déçu en ne respectant pas leur promesse de mettre graduellement fin aux subventions à l’industrie des énergies fossiles. Évaluation environnementale Les libéraux ont aussi opéré une réforme du processus d’évaluation environnementale des grands projets. Des durées maximales d’évaluation ont été instaurées, une agence unique a été créée, et le critiqué Office national de l’énergie a été remplacé par une nouvelle instance au rôle similaire. Les libéraux ont annulé le changement de 2012 qui autorisait seulement les personnes « directement affectées » par un projet à participer aux audiences publiques et ils ont dressé une liste de vingt critères devant être pris en compte. Toutefois, la ministre conserve le pouvoir ultime d’approuver un projet en prenant en compte l’« intérêt public », critère qui a été dénoncé parce que subjectif et soumis aux aléas politiques15. 14 GOUVERNEMENT DU CANADA (2016). Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, [En ligne], 90 p. [publications.gc.ca/collections/collection_2017/eccc/En4-294-2016-fra.pdf]. 15 BUZZETTI, Hélène (2019). « Bilan environnement : des rouges vert pâle », Le Devoir, [En ligne] (3 septembre). [ledevoir.com/politique/canada/561801/iii-bilan-environnement-des-rouges-vert-pale]. 10
Pipeline C’est toutefois l’achat de l’oléoduc Trans Mountain au cout de 4,5 milliards de dollars qui a frappé l’imaginaire et qui a soulevé l’ire de plusieurs. Par cette transaction, Ottawa a voulu faciliter les travaux d’agrandissement du pipeline, la construction d’une infrastructure fédérale pouvant moins facilement être bloquée en justice. Ottawa espère encore pouvoir revendre l’oléoduc une fois tous les obstacles levés, et plusieurs coalitions autochtones préparent une offre. Afin de rendre acceptable cet achat, le premier ministre a promis que les éventuels profits de la vente seront consacrés à la transition énergétique, tout comme le demi milliard de dollars que le Trésor prévoit d’engranger chaque année en revenus fiscaux supplémentaires lorsque la ressource canadienne sera vendue à meilleur prix à l’étranger. Condition des femmes16 Pour une première fois dans l’histoire, un premier ministre canadien s’est autoproclamé féministe en campagne électorale. Au cours du dernier mandat libéral, plusieurs initiatives en matière de politiques liées à l’égalité des genres ont été mises en œuvre, et plusieurs des engagements électoraux en ce sens ont été respectés. Pensons notamment à la création du ministère des Femmes et de l’Égalité des genres. Équité salariale S’inspirant en partie de l’expérience québécoise, le gouvernement a fait adopter de nouvelles règles concernant l’équité salariale. Dorénavant, les entreprises sous juridiction fédérale devront mettre en œuvre un plan d’équité salariale d’ici trois ans. Dans la même foulée, un commissaire à l’équité salariale est institué. Le commissaire aura le pouvoir de procéder à des évaluations de conformité ou à des enquêtes de même qu’à la réception de plaintes. Bien qu’il s’agisse d’une avancée importante, la loi est loin d’être parfaite, et des aspects risquent d’être contestés. 16 Section inspirée de l’ouvrage Bilan du gouvernement libéral de Justin Trudeau : 353 promesses et un mandat de changement. 11
On peut notamment penser au premier cabinet paritaire de l’histoire canadienne et à la réalisation de l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) dans les documents budgétaires et tous les ministères fédéraux. Mentionnons également le rôle de Jody Wilson-Raybould, première femme autochtone ministre de la Justice et procureure générale du Canada. Cette dernière a présenté des modifications au Code criminel pour clarifier les infractions d’agression sexuelle et de violence familiale ainsi que des changements au processus de nomination à la magistrature. Enfin, des modifications au Code canadien du travail obligent les milieux de travail sous règlementation fédérale à apporter des changements importants à la façon dont ils traitent la violence et le harcèlement en milieu de travail. Un nouveau congé de cinq jours pour violence familiale a aussi été créé. Santé maternelle des femmes Au plan international, le gouvernement Trudeau a réorienté la stratégie canadienne d’aide à l’étranger concernant la santé maternelle des femmes, ce qui a mis fin à la politique du précédent gouvernement, qui interdisait l’aide canadienne pour les cas d’interruption de grossesse. De plus, il a profité de la présidence canadienne du G7 en 2018 pour faire de l’égalité des genres une priorité de l’organisation. Légalisation du cannabis Une des promesses phares du gouvernement Trudeau était sans contredit sa volonté de légaliser le cannabis. Promesse tenue puisque, depuis le 17 octobre 2018, le Canada est devenu le premier pays du G7 à légaliser la production, la distribution, la vente et la consommation du cannabis récréatif. Plusieurs reprochent au gouvernement canadien d’avoir refilé ses responsabilités aux provinces et aux territoires, qui ont dû élaborer en vitesse leur propre règlementation, si bien qu’en fin de compte, le nouveau régime est un ensemble disparate de systèmes provinciaux où le cannabis peut être cultivé, distribué, vendu et consommé de diverses façons. Plusieurs ont aussi déploré que l’octroi de permis de production ait été attribué à un nombre anormalement élevé d’anciennes élues et d’anciens élus, de ministres et de sympathisantes et sympathisants libéraux17. 17 PÉLOQUIN, Tristan (2017). « L’industrie du pot attire d'ex-ténors du PLC », La Presse.ca, [En ligne] (29 mai). [lapresse.ca/actualites/politique/politique-canadienne/201705/28/01-5102287-lindustrie-du-pot-attire-dex-tenors-du-plc.php]. 12
Réalités autochtones18 Le gouvernement Trudeau a choisi d’articuler sa politique autochtone autour du principe de la réconciliation. En rupture avec le précédent gouvernement Harper, le discours se voulait généreux, et le programme ambitieux. Rapidement, le gouvernement s’engage à respecter les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. Parmi les recommandations réalisées ou en progrès, on note les réformes au système de protection de l’enfance, les réinvestissements en éducation, une meilleure protection et une promotion des langues autochtones, la mise en place de la Commission d’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées ainsi que les mesures visant à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. La Commission de vérité et réconciliation recommandait aussi un renouvellement de la relation entre l’État canadien et les peuples autochtones, et une réforme des institutions de gouvernance autochtones. Un des premiers pas a été de scinder le ministère des Affaires autochtones et du Nord canadien en deux ministères distincts. Par la suite, le gouvernement Trudeau a mis en place une série de mécanismes bilatéraux et multilatéraux afin de faciliter le dialogue. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan précis de ces initiatives. Enfin, il va sans dire que l’exploitation des ressources naturelles, notamment la production et le transport des énergies fossiles, demeure un défi important, voire un obstacle sur la voie de la réconciliation. 18 Section inspirée de l’ouvrage Bilan du gouvernement libéral de Justin Trudeau : 353 promesses et un mandat de changement. 13
Conclusion Lors de la campagne électorale de 2015, le PLC a fait le pari d’un programme de gouvernement résolument progressiste. C’est sur les plans économique et fiscal que le gouvernement aura été le plus fidèle à ses promesses, notamment grâce à la création de l’ACE et d’une fiscalité plus progressive avec la hausse des taux d’imposition des plus riches contribuables. Une ombre au tableau demeure à ce chapitre et constitue un talon d’Achille important pour le gouvernement Trudeau. De fait, il avait promis, avant d’être élu, que les déficits budgétaires seraient résorbés d’ici la fin du mandat. Or, les déficits sont toujours très élevés, et on peine à identifier un plan de retour à l’équilibre budgétaire à court ou moyen terme. Le ratio dette/PIB est certes moins élevé que dans bien d’autres pays occidentaux et demeure stable, mais la persistance des déficits pourrait finir par poser problème dans l’éventualité d’un ralentissement économique ou d’une récession. Avec un premier ministre s’autoproclamant féministe, une première dans l’histoire, on peut dire que le gouvernement Trudeau a tenu promesse quant à ses engagements pour l’égalité des genres. À ce chapitre, on peut parler d’une véritable rupture entre l’actuel gouvernement Trudeau et le précédent gouvernement Harper. Son engagement envers les peuples autochtones et un activisme sans précédent ont permis de réaliser plusieurs initiatives et des réinvestissements importants, mais n’auront pas réussi à véritablement transformer la relation entre les peuples autochtones et l’État canadien. Quant au bilan environnemental du gouvernement Trudeau, il s’avère mitigé. En début de mandat, la reprise des cibles conservatrices de réduction des GES a déçu par son manque d’ambition. De même, les libéraux ont rompu leur promesse d’abolir progressivement les subventions accordées aux producteurs d’énergies fossiles. Néanmoins, le développement d’un plan climat pancanadien, la réintégration du Canada au sein de l’Accord de Paris, une première approche nationale visant la réduction des GES, puis une première taxe carbone s’avèrent des éléments positifs. Mais c’est l’achat de l’oléoduc Trans Mountain, à l’encontre de l’engagement libéral de réconcilier l’environnement et l’économie par une transition énergétique, qui aura marqué l’imaginaire. De même, notons que la mise au rancart de sa promesse d’une réforme du mode de scrutin aura été aussi une grande déception du mandat de ce gouvernement. Quant à la légalisation du cannabis récréatif, elle demeurera pour des années un élément fondamental de l’héritage du gouvernement Trudeau. Enfin, les deux dernières années auront aussi été marquées par une succession de scandales et d’affaires nébuleuses, l’affaire SNC-Lavalin en tête, si bien que l’image de transparence et de leader positif que voulait incarner Justin Trudeau a été passablement ternie. D13339 1920-020 14
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