Sociologie et police : un héritage en commun à préserver - Schweizerisches Polizei-Institut
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SOCIOLOGIE ET POLICE : UN HÉRITAGE EN COMMUN À PRÉSERVER Sociologie et police : un héritage en commun à préserver Mathilde Bourrier Professeure de sociologie, Université de Genève Les réflexions issues de ce texte s’appuient sur et la police routière. L’objet n’est pas ici de revenir une enquête sociologique menée à la Police sur les résultats de cette enquête, mais plutôt de ré- cantonale de Genève, qui avait pour objectif de fléchir aux paramètres qui l’ont rendue possible en mieux comprendre les modalités d’application insistant sur le contexte dans lequel des opérations de la réforme de la police du 1er mai 2016, de recherche de ce type peuvent être envisagées développée dans le cadre de la nouvelle Loi sur avec les forces de police. la police (LPol) du 9 septembre 2014 et touchant Comme souvent en sociologie des organisations, tout spécialement trois services : la centrale l’enquête est le fruit d’un intérêt partagé entre socio- d’engagement police secours, la police de logues et mandants. Les organisations et les institu- proximité et la police routière. L’objet n’est pas tions ouvrent leurs portes à la recherche d’un éclai- ici de revenir sur les résultats de cette enquête, rage externe, susceptible de poser ou de travailler mais plutôt de réfléchir aux paramètres qui l’ont différemment un certain nombre de questions. Les rendue possible en insistant sur le contexte réformes organisationnelles font partie des objets dans lequel des opérations de recherche de ce de prédilection de cette branche de la sociologie. type peuvent être envisagées avec les forces de L’étude s’inscrivait dans une perspective de mana- police. En particulier, l’accent de cette étude gement du changement. L’angle sociologique choisi porte sur deux points : premièrement, l’héritage visait à identifier les ressorts de la collaboration opé- commun partagé par les sciences sociales et la rationnelle entre les trois services issus de la gendar- police et, deuxièmement, le cadre dans lequel merie, mais également les freins et les obstacles à cette enquête a été menée. Une conclusion sur cette même collaboration suite à une réorganisation l’éclairage qu’un tel partenariat peut produire, d’importance. Cette dernière a, en chemin, favorisé sans omettre de souligner les limites d’un tel point l’émergence d’identités de services distinctes. de vue, complète cet article. Il vise à rappeler Au moment où est lancée cette enquête, en sep- combien l’héritage commun des sciences sociales tembre 2016, la réforme est récente et les acteurs et de la police est précieux et pourquoi il convient ont encore peu de recul sur les évolutions organi- d’en prendre soin. sationnelles impliquées par les choix structurels qui sont faits. L’enquête n’a été orientée que sur les pre- miers mois de mise en application et sa portée s’en trouve dès lors limitée. Introduction Dans ce texte, deux points seront notamment Les réflexions issues de ce texte s’appuient sur une mis en lumière : premièrement, l’héritage commun enquête1 menée à la Police cantonale de Genève, partagé par les sciences sociales et la police et, deu- qui avait pour objectif de mieux comprendre les xièmement, le cadre dans lequel cette enquête a modalités d’application de la réforme de la police du 1er mai 2016, développée dans le cadre de la nou- velle Loi sur la police (LPol) du 9 septembre 2014 et 1 Bourrier, M. et Kimber, L., en coll. avec Andenmatten, C., Dufour, L., Fontaine, M., Friedli, A., & Humerose, C. (2018). touchant tout spécialement trois services : la centrale La police en quête de transversalité. Chroniques de la réforme de la d’engagement police secours, la police de proximité police genevoise de 2016, Sociograph n°36. 14 format magazine no 8
SOCIOLOGIE ET POLICE : UN HÉRITAGE EN COMMUN À PRÉSERVER été menée. Une conclusion sur l’éclairage que ce le rôle que joue la police dans « l’oppression des genre de partenariat peut produire, sans omettre de populations pauvres » et la « perpétuation de l’ordre souligner les limites d’un tel point de vue, complète social » (Jobard & Maillard, 2015, p. 13). cet article. Ce n’est que dans un troisième temps que la sociologie va s’intéresser à la police pour la com- 1. Sociologie et police : étapes d’une rencontre prendre de l’intérieur, allant même jusqu’à pro- La rencontre entre sociologie et police n’est pas duire des connaissances à son intention. Ce mou- nouvelle. Elle est riche d’un héritage fécond qui s’est vement inverse apparaît surtout aux États-Unis, où illustré par des travaux importants. chercheurs·euses et réformateurs·trices policiers·ières Pourtant, il faut attendre la seconde moitié du sont parfois les mêmes 20e siècle pour que la sociologie s’intéresse à la personnes (Jobard & Les premiers travaux ont eu pour police. Cet intérêt tardif pour une institution aussi Maillard, 2015). En par- but de comprendre les pratiques ancienne peut s’expliquer par des raisons diffé- ticulier, la mise au point policières de l’usage de la violence. rentes. Tout d’abord, la police est restée peu étu- des concepts de police Une forme de dénonciation s’est, diée, historiquement, car elle est apparue longtemps communautaire et de po- de fait, longtemps immiscée dans comme plutôt rattachée à des activités marginales, lice de proximité a consti- les publications scientifiques des s’occupant principalement des classes reléguées de tué un objet privilégié sciences sociales. la société, pauvres et délinquantes. Un fait qui est de recherches pour des d’ailleurs paradoxal, puisque les sociologues vont générations de chercheurs·euses nord-américain·e·s progressivement développer un intérêt nourri vis-à- ou européen·ne·s. Brodeur, Skogan, Sparrow ou vis de ces mêmes classes sociales reléguées, pauvres Monjardet (et bien d’autres…) ont été des figures et marginalisées. Ensuite, la considération pour la de proue de ces lignes de recherches prolifiques. À violence d’État produite par la police a cherché à leurs côtés, la sociologie est passée « d’une réflexion revenir sur la consubstantialité entre policier·ière et militante vers une réflexion scientifique » (Loubet politique (Loubet del Bayle, 2016). Ainsi, les premiers del Bayle, 2016, p. 44). De surcroît, si les recherches travaux ont eu pour but de comprendre les pratiques ont émergé lorsque la police et la population s’éloi- policières de l’usage de la violence. Une forme de gnaient l’une de l’autre, les rapports qu’entretiennent dénonciation s’est, de fait, longtemps immiscée dans ces deux groupes demeurent aujourd’hui au cœur les publications scientifiques des sciences sociales des questionnements sociologiques liés à la police (Jobard & Maillard, 2015). Enfin, la police restait de (Roché, 2016). surcroît une institution très fermée et peu désireuse Malgré le secret qui entoure les activités liées à ce d’ouvrir ses portes aux chercheurs·euses en sciences corps de métier, les sociologues font l’expérience, sociales. Au milieu du siècle dernier, un tournant rare et réitérée, d’être autorisé·e·s à mener leurs re- durable s’est pourtant amorcé. cherches au sein même des organisations de police. Les premiers travaux sociologiques consacrés à Ce point est à souligner, à une époque où d’autres la police ont été réalisés dans des contextes de crise institutions ne sont toujours pas prêtes à ouvrir leurs dans lesquels cette institution était impliquée. Aux portes. La police, tout comme l’hôpital, l’école ou États-Unis, c’est dans les années 1950−60, avec la certains services de l’État, est régulièrement l’objet montée de la délinquance et de l’insécurité, que les d’enquêtes sociologiques, en Suisse comme ailleurs premières études sont publiées (Jobard & Maillard, (Bourrier, 2013), ce qui mérite d’être salué. 2015). En Europe, il faudra attendre une décennie de plus pour que le même type de raisonnement 2. Un cadre pédagogique à construire, une ren- émerge, avec la période de Mai 68 comme point de contre à organiser départ (Loubet del Bayle, 2016). Après ces premiers Dans le cas qui nous intéresse, un mandat a permis travaux critiques, la police est apparue comme un de formaliser un cadre de travail nécessaire aux mo- objet légitime de recherches. Les sociologues optent dalités concrètes du déploiement de l’enquête. Pour alors pour une vision davantage macrosociologique la réaliser, deux techniques de recueil de données de l’institution. Néanmoins, un caractère idéolo- ont été utilisées : premièrement, le suivi d’activités gique persiste puisqu’il est question de comprendre quotidiennes dans certains postes de police, états- format magazine no 8 15
SOCIOLOGIE ET POLICE : UN HÉRITAGE EN COMMUN À PRÉSERVER majors et patrouilles, en voiture comme à pied ; et, police ont fait couler beaucoup d’encre. Des cas deuxièmement, l’entretien semi-directif auprès d’un d’école ont ainsi pu constituer des modèles et des échantillon de policiers·ières. En tout, 40 obser- contre-modèles pour les cadres et décideurs·euses vations ont pu être menées à bien, de longueur et policiers·ières du monde entier. C’est le cas des d’intensité variables, et 100 entretiens ont été réali- polices montréalaise, française ou new-yorkaise (en sés entre les mois de novembre 2016 et mars 2017. particulier, l’introduction de la police communau- Conduite dans le cadre pédagogique de l’Atelier de taire et de proximité et la déclinaison de ses prére- recherche de la maîtrise de sociologie de l’Universi- quis) qui ont été auscultées par nombre d’expert·e·s té de Genève, l’enquête a impliqué cinq étudiant·e·s (Brodeur, 2003 ; Monjardet, 1996 ; Froidevaux, et deux encadrantes. 2011). La nouvelle Loi sur la police (LPol) du C’est ainsi que de nombreux travaux ont retracé 9 septembre 2014 – adoptée par le Grand Conseil les douloureuses gestations de la « police de proxi- genevois, acceptée en votation populaire en 2015, mité » partout dans le monde. D’autres travaux puis entrée en application le 1er mai 2016 – offre ont aussi porté sur les efforts de spécialisation des de nouvelles perspectives pour le développement polices du monde entier et sur les tensions que ces des services de police du canton de Genève. Les mêmes efforts produisaient. On a pu constater que interlocuteurs·trices expliquent, en juin 2016, qu’un les exigences de la mise en réseau des affaires de remaniement conséquent de la structure même sécurité et les capacités relationnelles étaient deve- des services et des identités professionnelles est nues également communes à toutes les polices. Si à l’œuvre. Certains deuils sont en train d’être faits les réticences existent, la tendance à la police de par les effectifs : un corps unifié de gendarmerie proximité est confirmée dans les pays d’Amérique n’existe plus, par exemple, même si l’appellation de du Nord ainsi qu’en Europe occidentale. Enfin, pour « gendarme » subsiste ; un beaucoup d’expert·e·s, la police n’est pas seule res- Le regroupement de toutes les badge unique « police » ponsable (au sens de « propriétaire » de la résolution forces de la Police cantonale sous est en passe d’être créé. publique de problématiques complexes) des actes la même bannière et la volonté Cependant, le regroupe- délictueux. L’idée est bien de passer à un partage d’ insuffler un même esprit, une ment de toutes les forces des responsabilités par la mise au travail d’un réseau même culture institutionnelle de la Police cantonale d’acteurs diversifié et dense, coordonné et animé et un même objectif général de sous la même bannière et par la police. service à la population prennent la volonté d’insuffler un La réforme de la Police cantonale genevoise de même esprit, une même 2016 s’inscrit donc totalement dans ce mouvement du temps à se diffuser dans culture institutionnelle et plus vaste, brièvement retracé ci-dessus. Cette nou- les postes et les brigades. un même objectif général velle organisation de la police, dont la gestation a de service à la population prennent du temps à se duré plusieurs années, fut le fruit de nombreux diffuser dans les postes et les brigades. Si les états- efforts réflexifs et prospectifs qui ont mobilisé les majors des trois services créés issus de la gendar- cadres de la police, des expert·e·s internes et ex- merie (police secours, police de proximité et police ternes, des représentant·e·s syndicaux·ales et des routière) sont convaincus de l’utilité d’une telle com- élu·e·s locaux·ales. De telles réformes ont déjà servi plémentarité, sur le terrain, les métiers et les appar- de toiles de fond à la rencontre entre sciences so- tenances d’origine restent marqués. ciales et police et c’est dans ce contexte scientifique Il se trouve que les réformes des services de po- que cette recherche se construit. lice ont déjà fait l’objet de travaux conséquents en Mais il est très important, pour lutter contre un sciences sociales. Le management du changement certain sociocentrisme, que les étudiant·e·s (en parti- dans une institution aussi centrale au fonctionne- culier en sciences sociales) aient la possibilité de dé- ment des démocraties modernes (Roché, 2016) ne couvrir le fonctionnement d’organisations et d’ins- peut laisser les analystes indifférent·e·s. La réforme titutions majeures. Il s’agit d’institutions qui sont au de la Police cantonale genevoise n’est donc pas un cœur de la démocratie dans un État de droit, comme cas isolé. En Suisse, en Europe ou, plus largement, la police et la justice, ou au cœur de prestations au niveau mondial, de nombreuses réformes de la sociales cruciales, telles que le soin, la protection 16 format magazine no 8
SOCIOLOGIE ET POLICE : UN HÉRITAGE EN COMMUN À PRÉSERVER des personnes vulnérables, la prison, ou l’école. Si les représentations des mondes des un·e·s, celui des le learning by doing a un sens à l’université dans les policiers·ières, et des autres, celui des universitaires études de sciences sociales, cela passe forcément en l’occurrence, ne soient pas abstraites et fantas- par une immersion dans des milieux, organisations mées, mais le plus possible fondées sur une expé- et communautés différents et inconnus que l’on rience commune. Tenter de construire des passe- n’étudie pas comme des tribus lointaines, mais avec relles pour que des représentations sociales soient, lesquelles on construit un dialogue. sinon partagées, du moins comprises dans leurs En d’autres termes, les affaires de police re- contextes, est ce que peuvent offrir ces enquêtes gardent éminemment les « apprenti·e·s » en sciences de terrain. Et ce, d’autant plus pour le cas qui nous sociales, qui méritent leur accès, à la condition occupe, aller à la rencontre des policiers·ières, c’est qu’ils ou elles posent sur ces domaines un regard aussi aller à la rencontre de « spécialistes » de la so- candide (et non pas naïf). Car, au fond, les efforts ciété. Les policiers·ières sont aussi des spécialistes d’interconnaissance doivent s’envisager dans les de l’urbain, de la famille, de la délinquance, de l’ad- deux sens. Dans cette enquête, les policiers·ières diction, de la violence, les ont accueillis sur leurs lieux de travail, mais il a de la migration, du terro- Tenter de construire des passerelles aussi fallu que les apprenti·e·s sociologues prennent risme ou encore de la di- pour que des représentations sociales la mesure de la réalité des situations de travail et des plomatie internationale. soient, sinon partagées, du moins contraintes qui pesaient sur ces professionnel·le·s. Cependant, ils ou elles comprises dans leurs contextes, est Chacun·e croit savoir ce que fait la police. À la ne se revendiquent pas, à ce que peuvent offrir ces enquêtes différence de nombreux milieux de travail, dont l’instar des sociologues, de terrain. nous ignorons tout et dont nous avons une expé- comme des analystes de rience éventuellement purement livresque ou ci- la société. Ils ou elles protègent leur monde privé nématographique, il se trouve que chacun d’entre (Pruvost, 2007 ; Monjardet, 2005). nous a eu, au moins une fois dans sa vie, affaire On oserait parler d’une forme de déniaisement aux policiers·ières : le franchissement d’une ligne sociologique salutaire en ce qui concerne cette blanche, un excès de vitesse, des phares de voiture enquête. Peneff (2009), ardent défenseur du recours défectueux, un cambriolage, une bagarre qui dégé- à l’observation dans la connaissance des mondes nère, etc. De surcroît, nous sommes tous friands de sociaux, constate que « la conscience de l’étroitesse ces séries télévisées, de ces films et de ces romans de notre connaissance produit un sens pratique, policiers, qui font le délice des jours de pluie. Les début d’une prise de distance élémentaire. Quand policiers font à la fois partie de notre imaginaire col- elle s’affaiblit, les effets négatifs apparaissent sous lectif (tout comme les soignant·e·s, par exemple) et la forme de la perte du réalisme des professionnels sont inscrit·e·s dans notre quotidien. (ignorance de la finalité de leurs actes), que ce soit Dès lors, sociologues et étudiant·e·s de l’équipe dans le travail social, dans la justice, dans la méde- avaient toutes et tous une expérience préalable de cine, dans le journalisme ou dans les métiers de plus la police et des policiers·ières. Les sociologues, en plus isolés et bureaucratisés. La segmentation comme les ethnologues et les anthropologues, des savoirs, la fragmentation du monde du travail mais l’ensemble des chercheurs·euses en sciences en cellules autonomes freinent l’observation des cel- sociales en général, doivent se méfier des a priori lules voisines. Le sociologue cherche à traverser ces et des constructions préalables. Même si les cli- murs, mais il se heurte aux mêmes barrières que le chés, les raccourcis, le sens commun servent tout quidam, que ce soit le repli des questionnés face un chacun à se repérer rapidement dans des situa- aux enquêteurs, le rétrécissement général des expé- tions sociales, le ou la sociologue doit, par défi- riences sociales ou bien le manque d’occasions de nition, faire exactement l’inverse et questionner rencontres physiques ou intellectuelles entre classes l’intégralité de ce qu’il ou elle voit. L’apprentissage sociales » (p. 162−163). de ce b.a.-ba doit être enseigné hors de la salle de Les auteur·e·s de cette étude pourraient sans classe. C’est une immense chance de pouvoir aller doute reprendre à leur compte ces remarques et se à la rencontre des policiers·ières dans leur quotidien sentent en phase avec ce projet d’interconnaissance professionnel. C’est aussi capital pour s’assurer que des mondes sociaux. format magazine no 8 17
SOCIOLOGIE ET POLICE : UN HÉRITAGE EN COMMUN À PRÉSERVER Conclusion : un éclairage à partager Les promesses de rationalisation du service rendu, In fine, l’équipe a porté un regard outillé par la d’un fonctionnement plus efficace et d’un déve- sociologie des organisations, en s’intéressant tout loppement des compétences de chacun·e habitent naturellement aux occasions de collaboration, aux la réforme. Mais, ce faisant, le diagnostic posé a outils de coordination mis en place et à la coopé- mis en lumière que la réforme avait touché à trois ration naturelle, formelle comme informelle, entre points cruciaux : l’identité du policier ou de la po- services, brigades et dans les postes de police. Dans licière, l’équité entre les policiers·ières et la doxa la mesure où le thème choisi portait sur la transver- professionnelle. salité entre les services de police, c’est naturellement Cet éclairage aurait pu conduire à davantage que ces thèmes ont fait l’objet de toute son attention. de co-construction du diagnostic, néanmoins, il a Les difficultés structurelles ne sont pas inhérentes constitué un premier pas prometteur. En particulier, aux services de police. Elles sont liées à la spécia- il a conforté les auteur·e·s dans l’idée que ces col- lisation des métiers laborations entre police et sciences sociales étaient Les difficultés structurelles ne sont d’intervention. Au dé- de nature à faire tomber des barrières entre profes- pas inhérentes aux services de police. cours de cette réforme sions, milieux et organisations de travail, de manière Elles sont liées à la spécialisation des sont mis en lumière à favoriser l’émergence de solutions sociétales métiers d’ intervention. les enjeux actuels du davantage partagées, car mieux contextualisées. métier de policier·ière. Un constat qui, bien sûr, dépasse les organisations Ainsi, on a pu conclure que la transversalité ne se policières et s’applique à toutes les organisations décrète pas. Elle doit entrer en résonnance avec les qui peuplent notre quotidien (Bourrier, 2017). Cette besoins du métier, et les besoins de sécurité et de « société d’organisations », décrite par Perrow (1991) protection des citoyen·ne·s genevois·es. La créa- mérite d’être analysée avec des regards croisés, sans tion de trois services a amené un gros travail de cesse renouvelés. réflexion sur les missions d’une police moderne. Bibliographie Bourrier, M. et Kimber, L., en coll. avec Andenmatten, C., Loubet del Bayle, J.-L. (2016), Sociologie de la police, Paris : Dufour, L., Fontaine, M., Friedli, A., & Humerose, C. (2018). L’Harmattan. La police en quête de transversalité. Chroniques de la réforme de la police Monjardet, D. (1996), Ce que fait la police. Sociologie de la force genevoise de 2016, Sociograph n° 36. publique, Paris : La Découverte. Bourrier, M. (2017). « Conditions d’accès et production de Monjardet, D. (2005). « Gibier de recherche, la police et le projet de connaissances organisationnelles ». Revue d’anthropologie des connaître ». Criminologie, pp. 13–37. connaissances, 11(4), pp. 521–547. Peneff, J. (2009). Le goût de l’observation. Comprendre et pratiquer Bourrier, M. (2013). « Embarquements ». Revue de Socio- l’observation participante en sciences sociales. Paris, La Découverte. anthropologie, n° 27, pp. 12–24. Perrow, C. (1991). « A society of organizations. » Theory and society, Brodeur, J.-P. (2003), Les visages de la police. Montréal : Presses 20(6), pp. 725–762. universitaires de Montréal. Pruvost, G. (2007). Enquêter sur les policiers. Entre devoir de réserve, Froidevaux, D. (2011), « La police de proximité à la croisée des héroïsation et accès au monde privé (n° 48, pp. 131–148). Ministère de la chemins ». Format magazine – Revue de formation et de recherche culture/Maison des sciences de l’homme. policières, n° 2, pp. 11–14. Roché, S. (2016), De la police en démocratie, Paris, Grasset. Jobard, F. & Maillard, J. (2015), Sociologie de la police. Politiques, organisations et réformes, Paris : Armand Colin. 18 format magazine no 8
SOCIOLOGIE ET POLICE : UN HÉRITAGE EN COMMUN À PRÉSERVER Zusammenfassung Soziologie und Polizei: ein gemeinsames Erbe, text, der für die Durchführung derartiger Forschungs- das es zu erhalten gilt projekte in einem Polizeikorps notwendig ist. Zwei Die Überlegungen in diesem Text stützen sich auf Aspekte stehen dabei im Vordergrund: einerseits eine soziologische Studie bei der Kantonspolizei das gemeinsame Erbe der Sozialwissenschaften Genf, welche zum Ziel hatte, die Umsetzungsmoda- und der Polizei und andererseits der Forschungs- litäten der Polizeireform vom 1. Mai 2016 zu prüfen. rahmen, der die Studie möglich gemacht hat. Im Fa- Diese war aus dem neuen Genfer Polizeigesetz vom zit schliesslich werden die Erkenntnisse aufgezeigt, 9. September 2014 hervorgegangen und wirkte sich die aus einer solchen Forschungspartnerschaft ent- in erster Linie auf folgende drei Dienstzweige aus: stehen können, ohne dabei deren Grenzen zu ver- Einsatzpolizei, Community Policing und Verkehrs- nachlässigen. Ziel des Artikels ist es nicht zuletzt, polizei. Im vorliegenden Artikel liegt der Fokus nicht die Wichtigkeit des gemeinsamen Erbes der Sozial- auf den Ergebnissen, sondern auf den Voraussetzun- wissenschaften und der Polizei hervorzuheben und gen der Studie; insbesondere geht es um den Kon- darzulegen, wieso dieses erhalten werden muss. Riassunto Sociologia e polizia: un’eredità condivisa da pre- sui parametri che l’hanno resa possibile, insistendo servare sul contesto in cui si possono considerare progetti Le riflessioni scaturite da questo testo poggiano su di ricerca di questo tipo in collaborazione con le uno studio sociologico svolto presso la Polizia can- forze di polizia. In particolare, vorremmo sottoline- tonale di Ginevra con l’obiettivo di approfondire la are due aspetti: innanzitutto, l’eredità che le scienze comprensione delle modalità di applicazione della sociali e la polizia condividono; in secondo luogo, riforma della polizia del 1° maggio 2016, sviluppata il quadro nel quale questo studio è stato svolto e nel quadro della nuova legge sulla polizia – la LPol infine la prospettiva che un partenariato di questo entrata in vigore il 9 settembre 2014 – con parti- tipo può aprire, senza dimenticare di sottolineare i colare riferimento a tre servizi: la polizia di pronto limiti di un simile punto di vista. L’argomento vuole intervento, la polizia di prossimità e la polizia stra- ricordare che l’eredità condivisa da scienze sociali e dale. In questa sede non si intende ripercorrere i ri- polizia è preziosa e vale la pena preservarla. sultati di questa ricerca, quanto piuttosto riflettere format magazine no 8 19
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