CAP'ÉCO LE MENSUEL - LA TOURAINE
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CAP’ÉCO LE MENSUEL DE L’ÉCONOMIE EN INDRE-ET-LOIRE #77 SAVOIR-FAIRE LA TOURAINE, TERRE DE CHOCOLAT CAHIER DE LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE - Mardi 28 février 2023 - N° 23.864 - Ne peut être vendu séparément - 37
cap’éco #77 3 BAROMÈTRE sommaire 5 L’INVITÉE CARNET PRO GENEVIÈVE FERONE CREUZET, VICE-PRÉSIDENTE ET COFONDATRICE DE THE SHIFT PROJECT 6 ENQUÊTE LES BECS FINS, LES SUCCULENTES SPÉCIALITÉS DE TOURAINE 10 IMMOBILIER D’ENTREPRISE DE NOUVELLES PERSPECTIVES DE MARCHÉ 13 DOSSIER BALLAN-MIRÉ ET SAVONNIÈRES (Photo Adobe Stock) UN TERRITOIRE VALORISÉ (Photo Lisa Darrault) Textes : Pierre Bonnet, Lisa Darrault, Directeur de la rédaction Aurélie Dunouau. Christophe Hérigault Photo de une : Unsplash. Rédacteur en chef Photos : Pierre Bonnet, Lisa Darrault, Luc Bourrianne Aurélie Dunouau, Adobe Stock Responsables Thématiques Réalisation : Agnès Aurousseau et Johan Guillermin Service des Thématiques NR. Secrétariat de rédaction : Régie publicitaire Agnès Aurousseau NR Communication Tours : 02.47.60.62.51 Maquette/PAO : Alexandra Chérioux CPPAP 0525 C 87037 - ISSN 2260-6858 Imprimerie La Nouvelle République Tours La Nouvelle République Origine principale du papier : France du Centre-Ouest Taux de fibres recyclées : supérieur ou égal 232 avenue de Grammont à 50 % / Eutrophisation (pâte et papier) : 37048 Tours Cedex 1 Ptot inférieur ou égal à 0.014 kg/tonne. Tél. 02.47.31.70.00 Fax 02.47.31.70.70 Directeur de la publication président du Directoire COMMUNIQUEZ-NOUS VOS INFORMATIONS ÉCONOMIQUES SUR capeco@nrco.fr Olivier Saint-Cricq 2 I FÉVRIER 2023 I #77 I CAP’ÉCO 37
baromètre à l’agenda 1er mars Date limite de dépôt des candidatures édito à la 12e édition des Échappées à vélo pour cet été. centrevaldeloire.fr Conférence CCI / Banque de France – Conjoncture économique – Bilan 2022/ En douceurs Perspectives 2023. À 18 h 30, Excelia 8 rue Léo-Delibes Bâtiment D à Tours. EMMANUELLE PAVILLON, DIRECTRICE DÉPARTEMENTALE 2 mars Les Rencontres Performance – marketing communication & digital : Êtes-vous déjà entré dans la chocolaterie avec nouveaux, bien sûr, et puis des plus anciens, « Sobriété et efficacité : les nouveaux Charlie ? Probablement, le film a été un succès. Et devenus historiques et presque institutions. Tous enjeux du marketing de demain ». De qui, d’ailleurs, n’en aurait pas rêvé. Le mot, à lui nous ramènent à la convivialité, au bien manger, 9 h à 12 h, (en webinaire), CCI. seul, fait saliver. mais surtout à l’enfance ; et finalement peut-être à sa sécurité. Voilà une chose qui ne change pas ou Formation à l’international « Les On a tout dit, tout pensé, tout goûté du chocolat : peu : le chocolat, avec ses petits plaisirs distillés. documents d’accompagnement Import des bienfaits de son magnésium aux désastres Or, dans nos vies chahutées, elles ne sont plus si de ses acides gras; de la douceur de ses saveurs, – Export » les nouveaux enjeux du nombreuses, les choses stables et rassurantes. à la gargantuesque explosion provoquée par un marketing de demain ». De 9 h à 17 h, dernier petit carré à la menthe, dans le Sens de Dans ce Cap éco de février, l’invité Carnet pro du CCI Touraine. Plus d’informations sur la Vie des Monty Python (beurk !). On a tout dit, jour, Geneviève Férone-Creuzet, parle de post- www.touraine.cci.fr. tout pensé, tout goûté… Mais l’on ne s’en lasse croissance, de la nécessité pour les entrepreneurs Tél. 02.47.47.20.00. pas ! Quel plus grand plaisir, en effet, que de se de s’adapter, d’arriver à « une conception de retrouver, alléché, ravi, indécis, aussi gourmand qu’impatient, devant l’étal d’un artisan où l’on peut l’entreprise différente ». Rien de négatif à cela. Mais du mouvement, encore et toujours ; tel que 9 mars choisir à l’unité. « Vous me mettrez celui-ci… à la s’en trouve désormais coloré notre monde. Les Rencontres Performance RH & pistache. » (Re-miam !) Management, Les techniques Alors, pour compenser, aussi dans ces pages, de mémorisation au service de Ils sont ainsi une cinquantaine de professionnels, les chocolatiers de Touraine vous racontent leur l’expression. De 9 h à 12 h, CCI en Touraine, qui rivalisent de talent pour satisfaire produit. Un petit réconfort avant (ou après, à vous Touraine, 1 rue Schiller à Tours. et surprendre nos papilles. Il y a des petits de voir) l’effort. Cela ne peut pas faire de mal. 10 mars Les Matinées pour entreprendre. De dans l’actu en chiffres 9 h à 12 h, CCI Touraine, 1 rue Schiller à Tours. 12-13 mars 25.000.000 € L’HYDROGÈNE EXPRESS Prévue pour trois jours dans le Lochois, Salon Rest’Hôtel et métiers de bouche l’expérimentation du train à hydrogène Coradia pour les professionnels du tourisme et iLint a démarré le 1er février pour s’arrêter le Pour lutter contre la vacance des commerces, le de l’hôtellerie-restauration. De 9 h 30 à lendemain… en raison d’un problème technique. Fonds de restructuration des locaux d’activités est 19 h, parc des expositions à Tours. Un couac relativisé par Alstom qui prépare reconduit en 2023, avec 25 millions d'euros. Objectif : cette technologie pour 2025 et travaillait en Touraine à son homologation. subventionner les projets de requalification de 13 mars locaux d’activités, dans les quartiers prioritaires de la L’atelier du Micro-entrepreneur. De SOLARY HISSE LES COULEURS politique de la ville, des Petites Villes de demain. 9 h à 12 h, CCI Touraine, 1 rue Schiller à Un kit de supporter aux couleurs de Solary, Tours. 20.000 € l’équipe tourangelle professionnelle de esport, est en vente chez l’enseigne 14 mars Aldi. Bonnet Le CHRU de Tours et la Fondation Groupama Formation à l’international « Maîtriser (à 14,99 €) et s'associent pour le financement d'un Projet hospitalier les Incoterms 2020 ». De 9 h à 17 h, CCI écharpe (à Touraine, 1 rue Schiller à Tours. de recherche clinique (PHRC) baptisé TOPICAL, 19,99 €) sont Étape de l’Ademe Tour à La Membrolle- qui concerne les maladies dermatologiques rares. sur-Choisille. désormais disponibles La Fondation apporte 20.000 € pour le lancement (Photo Aldi) dans vingt-deux magasins en de cette recherche contre une maladie congénitale engendrant des malformations de la peau. 16 mars France. Les Rencontres Performance QHSE – 200 RSE : ICPE : évolutions de la législation des installations classées. Bilan 2022 et WAZA EST TOUJOURS points de vigilance 2023. De 9 h à 12 h, DANS LE COWORKING Le nombre de boulangers et pâtissiers qui ont pu CCI Touraine, 1 rue Schiller à Tours. Plus Le HQ change de nom pour de nouveaux suivre un webinaire proposé par l’Urssaf régionale, d’informations sur www.touraine.cci.fr. services. Suite à un différend avec un afin de présenter les dispositifs d'aide nationale Tél. 02.47.47.20.00. groupe américain qui contestait son appellation, mobilisables dans le cadre de la hausse des coûts le HQ, la plateforme tourangelle de coworking Carrefour des Métiers, avec plus de créée par Julien Dargaisse, change de nom. de l'énergie. Des exemples concrets ont permis de trois mille postes à pourvoir. Espace Elle est devenue Waza et se situe toujours près voir plus clair dans cette jungle réglementaire, 7.500 Rabelais, rue de la Digue faubourg de la place Jean-Jaurès à Tours. L’occasion emplois artisanaux sont menacés dans la Région. Saint-Jacques, à Chinon. De 10 h à 19 h. d’annoncer une orientation vers de nouvelles Entrée libre. www.chinon-vienne-loire.fr activités immobilières. (Lire aussi en p. 10) 17 mars RCP SUR LES RAILS L’agence RCP design Global continue son sillon dans les transports avec la présentation de la la phrase Networking de la Saint-Patrick, organisé par la CCI Touraine en lien ligne C du tramway de Toulouse, tout en bleu, Francesca Aceto, directrice avec la Coupe du monde de rugby rouge et orangé. L’entreprise dirigée par Régine territoriale SNCF 2023. De 8 h 30 à 11 h, aéroport de Charvet-Pello a aussi décroché le marché d’un Tours-Val de Loire. futur tram à Nantes. « Nous sommes Forum job dating pour l’été à Loches. CAMILLE COLLOCH PRÉSIDENTE résolus à ce que De 15 h à 21 h, espace Agnès-Sorel à JCET DU CENTRE Loches. les investissements (Photo archives NR) Depuis le 1er janvier, Camille Colloch est la nouvelle présidente des sept Jeunes chambres économiques (JCE) de la Fédération Centre-Val ferroviaires contribuent à accroître l’attractivité 24 mars de Loire (Blois, Bourges, Chartres, Châteauroux, Les Matinées pour entreprendre. De Montargis, Orléans et Tours). Elle était déjà de la région et à renforcer 9 h à 12 h, CCI Touraine, 1 rue Schiller à Tours. présidente de la JCE de Tours en 2018. sa cohésion territoriale. » CAP’ÉCO 37 I #77 I FÉVRIER 2023 I 3
l’invitée Geneviève Ferone Creuzet « Il faut réinterroger la figure du progrès » Cofondatrice associée de Prophil, cabinet de conseil en stratégie, et vice-présidente du Shift Project, Geneviève Ferone Creuzet accompagne les entrepreneurs à mettre en œuvre des stratégies alternatives pour préparer l’avenir autour de la « post-croissance ». Selon vous, ni la décroissance ni la patible avec les limites planétaires ? Est-ce croissance verte n’apporteraient de que j’aggrave le problème ou au contraire solutions pour prendre en compte l’ur- je le contiens ou même j’apporte une solu- gence climatique ? tion et est-ce que cela va me permettre de Dans notre étude « Entreprise et post- consolider les fondations sociales ? Entre- croissance » (Prophil, 2022), nous avons prendre en post-croissance, c’est accueillir voulu éviter les biais et rejeter les idéolo- une complexité et être capable de se mou- gies. C’est un peu deux pensées magiques voir en ayant un coup d’avance et antici- qui s’opposent. D’une part la croyance que per. C’est aujourd’hui créer de la valeur la technologie va nous sauver et qu’on va environnementale et sociétale, prendre en être propulsé dans un nouvel âge d’or, compte cette partie immatérielle comme sans faire le moindre effort, en inventant les liens sociaux, la formation des colla- des énergies décarbonées tout de suite et borateurs... La création de valeur au 21e pour tout le monde, sans réfléchir à l’in- siècle, c’est aussi par exemple investir ventaire de ce qui doit croître et décroître dans l’économie circulaire, le recyclage, comme activités. L’autre croyance est que des technologies qui allient numérique et la décroissance va nous sauver. Elle peut environnement. avoir du sens d’un point de vue personnel, mais pas comme projet politique et écono- Les entreprises seules peuvent-elles mique qui s’appliquerait brutalement et réussir ? pour tout le monde ; cela peut nous mener Non, on est tous partie d’un archipel. à de l’instabilité et du chaos. Donc la voie C’est une logique d’écosystème qu’il faut est très étroite. Il faut réinterroger la figure pousser, à l’aune de son territoire, de sa du progrès. chaîne de valeurs (client, fournisseur), des expérimentations qui peuvent être fertiles L’alternative serait la « post-crois- aussi avec les chercheurs. La question du sance ». Comment la définissez-vous ? législateur est aussi importante. Il a fallu Dans les vingt à trente prochaines années, que Bruxelles décide la fin des moteurs il faudra revenir à une conception de thermiques en 2035 pour que l’industrie l’entreprise différente. On ne pourra plus automobile se sente obligée de se trans- entreprendre sans conscience des limites former. planétaires, alors que ce n’était absolu- ment pas le cas avant, et non plus sans Les entreprises doivent-elles réfléchir conscience qu’il faut respecter un plan- à se limiter en croissance ? cher social. L’acceptabilité de cette transi- On voit des entreprises souvent familiales, tion doit être forte. Nous l’avons vu avec la des PME et ETI, dont les actionnaires ont crise des gilets jaunes, du pouvoir d’achat, la même conception d’un taux de crois- de la juste rémunération, de l’accès à des sance raisonnable, et d’une pensée de la services essentiels. La post-croissance, résilience à long terme. Grandir jusqu’où, c’est entreprendre dans un espace qui croître pourquoi, c’est une interrogation serait écologiquement sûr et socialement que l’on rencontre chez certains diri- juste, autant que faire se peut, sachant geants. On peut être rentable en maîtri- qu’on n’a pas tous les outils qui permettent « Entreprendre ne pourra sant sa croissance et en investissant dans (Photo Shift Project) de se mouvoir dans cette direction. Car, d’autres leviers de créations de valeurs. l précisément, la gouvernance des entre- prises fait que le primat du financier est se faire que dans un espace Propos recueillis par Aurélie Dunouau toujours là. Quels seraient les axes principaux à écologiquement sûr changer pour les entreprises ? C’est ne plus être guidé par le primat du et socialement juste » bio express financier, mais chaque fois que j’ai un 1963 : naissance à Longwy (Meurthe-et- modèle économique ou un business plan, Moselle) me poser la question : est-ce qu’il est com- Docteure en droit, elle travaille à l’ONU et l’OCDE. 1997 : fonde Arese, première agence mondiale de notation sociale et environnementale dont elle sera présidente jusqu’en 2002. Une experte de la « post-croissance » 2006 : membre du comité exécutif d’Eiffage. 2008 : directrice de Développement durable du groupe Veolia. Geneviève Férone-Creuzet est une spécialiste monde de demain. Peut-on travailler avec des modèles 2008 : publie 2030 le krach écologique, éd. de la responsabilité sociale des entreprises et du de gouvernance qu’on considère comme étant le fruit Grasset. développement durable. Cofondatrice associée de d’une croissance qui aujourd’hui est plus complexe ? 2015 : publie Le crépuscule fossile, éd. Prophil, elle publie avec son cabinet de conseil en Est-ce que les modèles économiques qui inspirent nos Stock. 2022, une étude « Entreprise et post-croissance. modes de production et de consommation sont toujours Aujourd’hui : Cofondatrice de Prophil, Réinitialiser nos modèles économiques comptables et d’actualité ou faut-il les faire avorter ? société de conseil en stratégie. À ce titre, de gouvernance ». Avec son pôle de recherche sur les Autant d’interrogations analysées dans l’étude de elle a coordonné la publication d’études modèles de gouvernance et les modèles économiques, Prophil par des experts de la question et éclairées par les sur les entreprises à mission, la transition l’idée est de préparer les entreprises aux enjeux du témoignages d’entrepreneurs avant-gardistes. écologique et la post-croissance. CAP’ÉCO 37 I #77 I FÉVRIER 2023 I 5
l’enquête La chocolaterie bouge en Touraine En pleine préparation de Pâques, temps fort annuel, les chocolatiers et confiseurs du département affichent une bonne santé économique. Des maisons traditionnelles maintenant leur cap aux nouvelles tendances qui émergent. P longer dans le monde du chocolat artisanal en Touraine, c’est exemples parmi les dizaines, voire centaines de sortes de chocolats que un peu découvrir l’envers du décor méconnu d'un univers fami- recense chaque maison. lier. Derrière les belles boutiques et présentations alléchantes Les historiques renommés, La Chocolatière et la pâtisserie-chocolate- de ganaches et confiseries, c’est un monde un peu énigmatique qui se rie Bigot, côtoient les petits nouveaux créatifs qui parfois cassent les dévoile, avec des codes et des secrets de fabrication bien gardés. codes et revendiquent la transparence pour le consommateur. Ainsi, la tendance du bean to bar (littéralement, de la fève à la tablette) vient Une palette très gourmande de débarquer en Touraine avec Néogourmets, installé à Saint-Cyr-sur- En Indre-et-Loire, ils sont douze chocolatiers-confiseurs et quarante et Loire, parrainé par le chef Thierry Marx, et Fèves, associant trois jeunes un pâtissiers-chocolatiers, selon les chiffres de la Chambre de métiers artisans à Notre-Dame d’Oé qui proposent de déguster leurs tablettes et de l’artisanat. Si nous ne comptons pas de Meilleur Ouvrier de France et pâtes à tartiner dans le salon de thé jouxtant l’atelier de fabrication. (MOF) chocolatier, la cinquantaine d’artisans chocolatiers présents sont Il faut savoir que travailler son chocolat à partir de la fève reste excep- bien connus de leurs clients pour la qualité de leurs produits – que ce tionnel puisqu’ils ne sont que trois à le faire en Touraine : Fèves, Néo- soit à Tours, Amboise, Loches et Chinon. Chacun y a sa place, plutôt gourmets et La Chocolatière. La Chocolatière possède en plus la parti- complémentaire, tant la palette des productions est diversifiée. Allant cularité de transformer la fève en une multitude de bonbons chocolatés des pralinés, florentins, oursons à la guimauve, aux déclinaisons en traditionnels. « C’est quelque chose de très rare en France, nous sommes noisettes enrobées, glaces et infusions, pour ne prendre que quelques une des rares maisons où vous avez tout de à A à Z », confirme Steve t 6 I FÉVRIER 2023 I #77 I CAP’ÉCO 37
l’enquête Dolfi, co-directeur avec son frère et ses deux sœurs de Une cinquantaine de t La Chocolatière et de son atelier de fabrication à Cham- bray-lès-Tours. Avec sa cinquantaine de salariés, ses trois boutiques tourangelles, la Chocolatière représente le plus chocolatiers pour des gros fabricant de chocolat du département. « Chaque année, des dizaines de milliers de chocolats sortent de la fabrique », souligne Steve Dolfi. productions très variées Les autres maisons se révèlent plus modestes en effectif : une vingtaine de salariés chez Bigot selon les saisons, dix- huit salariés chez Cadeau et Chocolat répartis en trois bou- tiques et laboratoires (Chambray, Manthelan et Yzeures- sur-Creuse), dix à La Chocolaterie gourmande à Chargé qui transforme dix tonnes de chocolat à l’année... On retrouve également deux franchises artisanales bien connues dans le quartier des Halles à Tours : Caffet dont la maison d’origine est à Troyes, et Bellanger, maison familiale originaire du Mans et chocolatier à 75 % de son chiffre d’affaires. Selon les acteurs, la part des ventes en chocolat va de 50 à 100 % du chiffre d’affaires. Des professionnels peu touchés par la conjoncture Un chiffre d’affaires qui se réalise en majorité lors de deux événements phares annuels, Noël et Pâques, où les cho- colatiers rivalisent d’inventivité dans leurs créations. La conjoncture économique morose ne semble pas trop tou- cher pour le moment les professionnels du secteur. En effet, il est à noter qu’en règle générale les artisans chocolatiers ont connu une hausse de leur chiffre d’affaires en 2022. « La dynamique est plutôt croissante, confirme Steve Dolfi, mais il a fallu nous remettre du Covid qui était arrivé pour nous juste avant Pâques. C’était financièrement très dur. » Jean-Michel Cailleaux, pâtissier-chocolatier d’Esprit Cacao à Tours qui propose des chocolats traditionnels haut de gamme, au lis- sage parfait, a lui aussi remonté la pente. « La tendance reste bonne avec une stagnation des ventes depuis 2021. Les clients sont fidèles dans des maisons de qualité comme la nôtre. » La matière première en direct La hausse du coût de l’énergie et des matières premières, tel que le sucre, ont forcément des répercussions pour les chocolatiers qui ont dû revoir leurs gammes de prix. Mais celle de leur matière principale, le cacao, n’a pas la même incidence selon que les chocolatiers travaillent directement la fève ou pas. Chez La Chocolatière, « nous avons moins d’impact car nous allons chercher directement la matière première dans les coopératives d’Amérique latine. Nous maîtrisons notre circuit court », explique Steve Dolfi. Pour les chocolatiers qui se fournissent chez des transformateurs de cacao comme l’un des plus connus, Valrhona, l’impact est plus significatif. « Ils ont augmenté leur prix de 12 % cette année, détaille Jean-Michel Cailleaux. Par ailleurs, pour un chocolat d’exception, le coût est passé de 10 à 24 euros hors taxe le kilo ! » Conséquence : les chocolatiers ont dû inévitablement augmenter leur prix. Jean-Michel Cailleaux ne s’y est résolu qu’au dernier moment « de quelques euros avant les fêtes, mais je ne veux plus augmenter car c’est déjà un produit de luxe ». La Chocolaterie Gourmande a dû À gauche : Les figurines de Pâques sont augmenter ses prix l’an dernier de 2,5 %, chez Bellanger on déjà en préparation. (Photo ?????????) affiche plus 5 %. l Aurélie Dunouau Ci-dessus : Jean-Michel Cailleaux devant sa boutique Esprit Cacao, à Tours. (Photos Aurélie Dunouau) L’image de marque Attaché à la qualité Objectif Sud-Touraine Christiane Mason, de la Catherine Vaz Fernandes, Jérémy Couton est à la tête de pâtisserie chocolaterie Bigot à responsable de la boutique de la Confiserie Hallard à Loches. Amboise, est de la 3e génération La Chocolatière à Tours, est Il est l’un des plus jeunes de cette célèbre famille, ayant certainement la plus ancienne représentants de la confiserie en passé la main il y a trois ans à dans les murs : arrivée il y Touraine, à 25 ans. Il a repris il y (Photo Confiserie Hallard) (Photo Aurélie Dunouau) (Photo Aurélie Dunouau) sa fille Paola. Aujourd’hui, elle a trente-trois ans dans le a deux ans l’entreprise familiale, continue à veiller sur la maison, commerce de la rue de la fabriquant des sucettes, nougats, avec au total vingt personnes Scellerie, à Tours. Elle démarre pâtes de fruits, guimauves et dont la moitié au laboratoire alors comme vendeuse, aux trente-quatre parfums différents de fabrication, le reste œuvrant côtés des propriétaires de de berlingots aux arômes au salon de thé. « La maison a l’époque, M. et Mme Ménard. naturels. « Nous avons environ été fondée par mon grand-père Elle est aujourd’hui responsable cent cinquante références, boulanger en 1913, nous avons travaillé le chocolat en 1973. du magasin, entre la pâtisserie et la chocolaterie dont c’est des clients comme quatre maisons de luxe pour qui nous Notre activité est partagée à part égale entre la chocolaterie l’activité principale. « Les pâtisseries sont livrées chaque fabriquons des sucettes à leur image dans plus de quarante et la pâtisserie. Bigot est connu des clientèles locales et matin de notre laboratoire de Saint-Avertin, les chocolats pays », note Jérémy Couton. Les deux tiers des ventes internationales autant pour un chocolat chaud qu’un ourson viennent de la fabrique de Chambray-lès-Tours. Nous avons s’effectuent directement à la boutique, le reste s’écoule à la guimauve ou ses puits d’amour et ses glaces maison. » trente-cinq variétés de chocolat pour les ganaches et dans l’événementiel et dans des magasins artisanaux. Une image de marque artisanale de qualité qui perdure au pralinés, sans compter les mendiants, florentins, orangettes, Depuis son rachat, Jérémy Couton, diplômé chocolatier- fil des années. « Les gens me disent joliment que c’est une des pâtes de fruits et calissons également. » Catherine Vaz confiseur, apporte une nouvelle direction à l’entreprise institution. Mais attention, ce n’est pas une franchise. J’ai été Fernandes constate que « la clientèle a évolué, elle est plus de quatre salariés. « Je développe aussi les chocolats avec approchée par un couple de Coréens qui voulait l’importer jeune, toujours attachée à la qualité et la présentation des des ganaches, pralinés et des sujets pour Noël et Pâques à Séoul, mais j’ai refusé car ce n’est pas un concept. L’esprit produits ». Chaque jour, elle veille et réorganise la boutique. notamment. J’essaie de le faire savoir car, dans le Sud de la maison est unique. » Celle-ci va d’ailleurs être entièrement rénovée l’été prochain. Touraine, il n’y avait pas vraiment de chocolaterie. » CAP’ÉCO 37 I #77 I FÉVRIER 2023 I 7
l’enquête Directement de la fève à la tablette Le bean to bar débarque à Notre-Dame d’Oé avec Fèves, chocolaterie montée par trois jeunes de moins de 30 ans. Le chocolat est produit sur place, puis directement vendu. C ’est l’histoire d’une famille réunie autour tion et les machines de fabrication. « Les gens du chocolat. Lorsque Baptiste Coche- apprécient de voir l’envers du décor, on leur reau, originaire de Notre-Dame d’Oé, explique comment cela fonctionne », souligne est parti poursuivre ses études de chocolatier à Marine, qui s’occupe de la vente et du salon du Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), il rencontre thé. La fabrique permet également d’organiser Marie Baillet. Chez Cazenave et M. Chocolat, des ateliers sur place pour les familles. Détenir ils se forment puis décident de rejoindre la sa propre fabrique représente un investisse- Touraine et de monter leur propre affaire. Ce ment important : l’ensemble des machines leur sera Fèves, ouvert en août 2022, avec Marine a coûté 150.000 euros. Paulus, la troisième associée et belle-sœur de Le bean to bar demande également de l’organi- Baptiste – elle aussi dans le chocolat, en tant sation, car le temps passé sur la transformation qu’ancienne responsable de magasin à La Cho- de la fève en cacao est important. Il faut ainsi colatière. Les trois jeunes gens optent pour le compter de deux à cinq jours de conchage pour concept du bean to bar, beaucoup plus répandu le chocolat noir. « C’est pourquoi nous nous dans le Pays basque qu’en Touraine. Il s’agit de recentrons sur certains produits : les tablettes maîtriser de A à Z sa production de chocolat, avec des inclusions différentes, explique Marie. en travaillant directement la fève de cacao. On reste sur des produits directs et simples ». « Nous sommes trop petits pour aller directe- Vingt tablettes, trois pâtes à tartiner et trois ment repérer les fèves, donc nous travaillons barres chocolatées composent le catalogue avec deux sourceurs en cacao qui s’occupent de vente, vendu à 70 % dans la boutique ; le pour nous du lien avec les producteurs, détaille reste aux professionnels, restaurateurs et épi- Baptiste Cochereau. Nous avons cinq origines ceries fines, essentiellement dans la région. À de cacao (Madagascar, Pérou Colombie,Va- Noël et Pâques, quelques ballotins et moulages nuatu et les îles Salomon), l’idée étant d’avoir de compléteront la gamme. Les quatre derniers profils aromatiques différents selon les terroirs, mois, Fèves a produit une tonne de chocolat. un peu comme pour le vin. » L’objectif est de parvenir à trois tonnes. Baptiste, Marie et Marine, partagent leurs recettes avec les autres Dans le magasin de Notre-Dame d’Oé, les chocolatiers de France mais obtiennent des chocolats uniques de par vitrines rendent visibles l’atelier de produc- A. D. leur processus de fabrication. (Photo Aurélie Dunouau) Néogourmets, l’innovation en chocolat À Saint-Cyr-sur-Loire, Gaëlle et David Hermange cherchent de nouvelles créations, saines et sans sucre ajouté, autour du chocolat. Ils ont désormais leur propre laboratoire. I ls ne sont pas issus du métier, mais leur vaille avec trois autres personnes au labora- palais est devenu incollable en chocolat. toire. Petit à petit, leur production venant de Depuis qu’ils ont lancé leurs tablettes en Belgique est rapatriée. « L’idée est de revenir 2020, Gaëlle et David Hermange, cofonda- vers des ingrédients les plus bruts et naturels teurs de Néogourmets, développent à grands possibles et que nous maîtrisions tout de A pas leur activité de chocolaterie bio qui atteint à Z, dont la torréfaction. Nous nous sommes 50 % de leur chiffre d’affaires - le reste étant aussi associés avec Raphaël Haumont, cher- complété par leur activité d’origine, la biscui- cheur à Paris Saclay et spécialiste de la cuisine terie. Ils sont aidés en cela par leur parrain moléculaire avec Thierry Marx, pour aller et actionnaire, le chef étoilé Thierry Marx toujours plus loin. Nous pouvons passer plus qui peaufine leurs idées de recettes, comme d’un an de test sur une tablette. Pour le prochain cette tablette au chocolat noir-banane à l’équi- Noël, nous aurons de nouvelles gourmandises libre parfait. « Comme nous, il est en quête de à venir », annonce Gaëlle Hermange, devant gourmandises sans sucre ajouté ni édulcorant. une infusion au cacao. Nous travaillons avec des fruits naturellement Depuis un an et demi, environ 40.000 tablettes sucrés, comme la datte qui fait partie de nos ont été produites par Néogourmets pour une nombreuses recettes », détaille Gaëlle Her- gamme de quinze sortes. Les ventes se font mange. Pâtes à tartiner, tablettes de 50 à 95 % sur internet, dans les magasins bio et les épi- de cacao, noisettes du Piémont enrobées : ceries fines. L’entreprise est en pleine expan- tout se marie en délicatesse avec le fruit pour sion, atteignant l’année dernière 255.000 contrebalancer l’amertume du cacao. euros de chiffre d’affaires, dont 15 % de ses L’innovation est aussi leur ligne d’horizon ventes à l’exportation, en Belgique, aux Pays- permanente. Pour cela, ils ont lancé en Bas, au Japon et à Hong-Kong. « Sans aucun octobre leur propre fabrique de chocolat, démarchage, il existe une vraie demande à dans leurs vastes locaux de Saint-Cyr-sur- l’étranger pour nos produits », souligne David Gaëlle et David Hermange, fondateurs de Néogourmets, visent une autonomie à 100 % de leur production de chocolat grâce à leur nouveau Loire (anciennement Outiror). David Her- Hermange, qui compte à présent avoir une laboratoire et l’ouvrent à des ateliers découverte pour les familles. mange s’est formé en chocolaterie chez Alain vraie stratégie à l’export. (Photo Aurélie Dunouau) Ducasse à Yssingeaux (Haute-Loire) et tra- A. D. 8 I FÉVRIER 2023 I #77 I CAP’ÉCO 37
l’enquête Léo Bardy, chocolatier nouvelle génération Installé depuis à peine un an à La Membrolle-sur-Choisille, Macarel, l’entreprise de Léo Bardy, s’est déjà fait un nom. Ce compagnon pâtissier-chocolatier a installé son petit laboratoire chez lui. N iché dans le sous-sol de sa maison, le sou- côtés de Christophe Morel, nom connu dans le rire aux lèvres de celui qui vient de rece- milieu. Depuis, il n’a eu de cesse de créer et de voir un précieux cadeau, Léo Bardy pose transmettre. Léo Bardy a commencé par former dans sa fabrique les cartons fraîchement arrivés. chez les compagnons, mais aussi dans différentes Ils contiennent les moules pour Pâques. Depuis écoles et entreprises, avec « l’envie de développer un an, ce compagnon pâtissier-chocolatier de des gammes, d’apporter des solutions techniques ». 32 ans, formé aux Compagnons du devoir, et Aujourd’hui, la formation l’occupe encore la passé par de prestigieuses adresses – à l’École majeure partie de son temps. Dans ses projets, nationale supérieure de pâtisserie à Yssingeaux, il se voit bien fournir aux pâtissiers-boulangers chez Harrods à Londres ou encore à la grande ne disposant pas des outils nécessaires à la fabri- Épicerie du Bon Marché à Paris – s’est fait son cation du chocolat, des solutions clés en mains. propre nom à La Membrolle et alentours. Sa par- Lui a investi 30.000 € en matériel. Il travaille ticularité : il n’a pas de boutique et vend donc sur avec Weiss, le chocolatier de Saint-Étienne lui commande, livrant lui-même, ainsi qu’à la ferme assurant une qualité de chocolat artisanale. « Je du Mûrier à Saint-Cyr-sur-Loire et au marché de ne fais pas mon propre chocolat, mais je travaille la gare de Tours. Des chocolats en grande partie, avec des experts que je connais et qui maîtrisent mais aussi des gâteaux en plus petite quantité car, leur sujet. » Ne brûlant pas les étapes, consacrant seul, il ne peut gérer plus. L’important est la maî- aussi du temps aux réseaux sociaux et à la prise trise de son temps et de « proposer des montages de photos irréprochables pour communiquer, il originaux ; des modèles moins classiques pour projette, dans les deux prochaines années, d’aug- Pâques comme la baleine, l’écureuil, le lama. » menter son activité de production et pourquoi Son goût de la pâtisserie est né avec son grand- pas d’embaucher, avec son propre lieu de vente. père aveyronnais. Au décès de sa grand-mère, il Un pas de plus pour ce discret Toulousain d’ori- choisit le nom Macarel, « mot d’énervement en gine qui verra ainsi le nom familial de Macarel Pour Pâques l’année dernière, Léo Bardy a produit plus de six patois » qu’elle prononçait parfois. Sa fibre pour résonner encore plus fort. cents moulages à lui seul ; à Noël, il a utilisé plus de 70 kg de le chocolat est venue plus tard au Canada, aux A. D. chocolat. (Photo Aurélie Dunouau) CAP’ÉCO 37 I #77 I FÉVRIER 2023 I 9
immobilier d'entreprise Immobilier opéré : le « Airbnb de l'entreprise » Proposer des locaux meublés, gérés, et aux normes, clés en main : c’est l'immobilier opéré. Rencontre avec Julien Dargaisse, fondateur de Waza, premier à le proposer en Touraine. E mménager dans des locaux tout prêts, nales qui souhaitent s'implanter en Touraine et déjà meublés et aux normes, pour une espèrent une forte croissance, ou, à l'inverse, durée plus courte dans le temps, est il peut convenir à des structures en difficultés désormais possible grâce à l'immobilier opéré. envisageant une réduction de surface. À Paris, Nantes, Bordeaux, de plus en plus de Le service permet à celles-ci de ne pas s'engager sociétés proposent ce service. Julien Dargaisse, sur des longues durées comme les traditionnels fondateur de Waza, plateforme tourangelle de baux 3-6-9 l'imposent, mais pouvant bénéfi- coworking, l'importe à Tours. cier de périodes plus courtes, comme quelques « Le marché de l'immobilier opéré me semble mois. « C'est un peu le Airbnb de l'entreprise », être l'avenir de l'immobilier d'entreprise. » Le image Julien Dargaisse. L'objectif ? Apporter concept ? Fournir un espace de travail com- une flexibilité quand l'activité le nécessite, dans plet, privatif et personnalisé, clés en main, aux un secteur très coûteux. « Après les salaires, entreprises. Le commercial se charge alors des l'immobilier est la dépense la plus importante services comme le ménage, l'informatique, d'une entreprise. On vient apporter une réponse l'impression, l'électricité, rassemblant tout intermédiaire entre le bail traditionnel et les sous une seule facture à la société. On parle espaces de coworking, non privatifs. » de servicialisation de l'immobilier : « On passe Deux possibilités s'offrent à Waza pour pro- d'une notion de bail commercial à une notion de poser de tels services. Acquérir des locaux et service », détaille le gérant. louer aux entreprises, ou louer eux-mêmes ces En assurant la partie matérielle et financière des locaux, « la responsabilité de s'engager sur trois locaux, il répond à un besoin : alléger la gestion ans nous revient alors. C'est un peu plus cher, d'une entreprise. « On a besoin de personnes qui mais c'est le prix à payer pour la flexibilité ». Les s'occupent de trouver les meilleurs services pour tarifs du pionnier en Touraine varient de 350 € l'électricité, le chauffage, la taxe foncière… C'est à 450 € par poste de travail. du travail, et du temps. » Le concept intéresse un Waza lance les locaux clés en main en Indre-et-Loire. Lisa Darrault large panel d'entreprises : des structures natio- (Photo Compagnie Waza) 10 I FÉVRIER 2023 I #77 I CAP’ÉCO 37
immobilier d'entreprise Hôtellerie après crise : marché en métamorphose Sur le département, le marché de l'hôtellerie est revenu à la normale, avec une fréquentation similaire à l'avant-Covid. L'offre a cependant évolué, avec une demande de qualité et d'authenticité croissante. P as moins de 58 % : c'est la fréquentation De nouveaux concepts émergent, s'appuyant moyenne des hôtels en 2022 en Indre-et- sur ces attentes : des hôtels aux cloisons modu- Loire (selon la note de conjoncture sur lables et aux formules plus flexibles appa- l'activité touristique de Touraine Loire Valley raissent. Selon Jean-Michel Panier, cette trans- de septembre 2022). Avec seulement quatre formation est inévitable : « Le plan de soutien du points de moins qu'en 2019, la clientèle est gouvernement a été assez efficace, la casse a été presque revenue à la normale après la période limitée. Seuls ceux qui n'ont pas su se remettre en « blanche » de la crise sanitaire. Si les chiffres question ont dû, ou vont, devoir fermer. » ne le montrent pas, le secteur est en forte évo- « Aujourd'hui, on a des hôtels de bien meilleure lution. qualité qu'il y a dix ans. » Le responsable d'un Selon Jean-Michel Panier, fondateur du cabinet changement si rapide ? La crise du Covid, et sa d'affaires Panier Ameteau, et spécialiste du période blanche imposée, selon le fondateur marché, le parc hôtelier du département est du cabinet d'affaires : « Sans la crise, cela se en plein renouvellement depuis la sortie de la serait fait quand même. Cette pause a permis crise sanitaire. Les 194 hôtels d'Indre-et-Loire d'accélérer la réflexion, elle a servi de coup de ont entamé un repositionnement, adapté aux pied pour ces opérateurs. » Dans ses formules nouvelles demandes des clients. ou son esthétique, les propriétaires le savent : La cause ? L'ouverture de l'hôtel cinq étoiles un hôtel doit désormais raconter une histoire à des Trésorières, en 2020, et celle, fin juin 2021 ses clients. Tout en assurant sa présence sur les des hôtels Hilton à Tours, auraient transformé réseaux sociaux, les clients se tournant désor- le paysage de l'hôtellerie dans le département, mais davantage vers les plateformes rassem- des premiers prix au luxe. « Désormais, que blant notes et avis, que vers le guide Michelin. l'on soit en entrée de gamme ou en quatre étoiles, « Ça reste un critère d'excellence, mais les clients pour affaires ou pour des vacances, les clients iront d'abord comparer les avis sur l'application, recherchent de l'authenticité, de la flexibilité, ou plutôt que de sortir le livre. » L’ouverture des Hilton, rue Nationale à Tours, a modifié le marché du luxe », dépeint le professionnel tourangeau. L. D. hôtelier. (Photo Lisa Darrault) CAP’ÉCO 37 I #77 I FÉVRIER 2023 I 11
12 I FÉVRIER 2023 I #77 I CAP’ÉCO 37
le dossier (Photo Pierre Bonnet) Valorisation des équilibres Au sud-ouest de Tours, Ballan-Miré et Savonnières sont deux communes périurbaines de Tours Métropole Val de Loire. Dynamiques, elles tendent à valoriser tous azimuts leur(s) territoire(s). A u sud de la Loire et du Petit Cher, puis du Cher, sur le territoire manque de surfaces d’accueil d’entreprises. « Nous n’en sommes qu’au de Tours Métropole Val de Loire (titulaire de la compétence début du projet. Les études préalables et les études environnementales économique), Savonnières et Ballan-Miré font preuve d’un sont encore à venir. J’espère un lancement de cette extension, fin 2025 ou remarquable dynamisme économique. Grâce à ce duo de communes, début 2026. » Autre axe de travail, le développement du réseau local. un certain rééquilibrage s’opère, entre le nord et le sud de la Métropole, Des petits déjeuners d’entrepreneurs devraient voir le jour. « Il s’agira autant qu’entre son est et son ouest. C'est assez logique, car les deux d’aborder différentes problématiques, d’un point de vue pratique. C’est villes ne manquent pas d’atouts. Certes partiellement contraintes par des important. Beaucoup d’entreprises ne connaissent pas leurs voisins. » Un risques de crues, elles sont limitées dans leur possibilités de bâti, mais marché, physique, des entrepreneurs doit aussi être créé, de même qu’un compensent par une influence réelle, vers l’ouest, pour Savonnières et annuaire des artisans. « Là, il s’agit de montrer le savoir-faire artisanal vers l’est pour Ballan-Miré. aux Ballanais. » De grosses entreprises industrielles, à l’image de Jérôme BTP ou des Sur Savonnières, la donne est un peu différente. « On bénéficie de marques références telles que les Cléopâtre Colles et Couleurs, ainsi quelques locaux, qui permettent d’accueillir des entreprises », explique que de nombreux artisans viennent donner une certaine stabilité à un Nathalie Savaton, maire. « L’idée est de valoriser un territoire et des territoire, informel, où l’économie reste au service de la population, via compétences de proximité. » Le tissu artisanal est ici assez important. la compétence de la Métropole. Des projets d’envergure et la mise en Beaucoup travaillent à domicile. « Avec la CMA et la CCI, on organise exergue de l’artisanat local doivent, à terme, renforcer ce rééquilibrage. des réunions d’informations pour le soutien et suivi. » « Le principal projet de développement économique sur le territoire de La ZA de la Gare, qui vient d’accueillir une entreprise de carrosserie, Ballan-Miré, c’est l’extension de la zone d’activité Carrefour en Tou- est désormais complète. « Elle ne peut être étendue et, autour, ce n’est pas raine », explique Thierry Chailloux, maire. « La ville a modifié le PLU constructible. Un dresseur canin va s’installer sur un terrain jouxtant la afin de pouvoir accueillir, à terme, des entreprises sur 10 ha supplémen- zone. Il n’y a pas de bâti nécessaire. » l taires. » Les terrains concernés vont être vendus à Tours Métropole, qui Pierre Bonnet 1.728 Le nombre d’entreprises présentes 161 Le nombre de collaborateurs de 21,6 Le chiffre d’affaires, en millions à Savonnières et Ballan-Miré, soit Jérôme BTP, le plus gros employeur d’euros, de Jérôme BTP, la plus respectivement 515 et 1.213. Le privé du territoire, juste devant importante entreprise du territoire, secteur d’activité le plus représenté Application Travaux Spéciaux (ATS) devant Application Travaux Spéciaux est « location et exploitation de biens qui en compte 42. (ATS) et ses 8,4 M€ de chiffre immobiliers propres ou loués ». d’affaires. CAP’ÉCO 37 I #77 I FÉVRIER 2023 I 13
le dossier Retrouver le côté manuel de l’opticien Monsieur Binocle a ouvert à Savonnières, avec deux objectifs : offrir un service de proximité tout en assurant la promotion du savoir-faire français, en boutique ou à domicile. L a création de la boutique Monsieur et le logo ont été créés par Nohe Agency à Binocle, dans le centre de Savonnières Courçay) se fait en septembre 2021. « J’ai en 2021, est indissociable de son fon- choisi de rester indépendant, mais je suis affi- dateur, Rudy Huguet-Zagame. Opticien de lié à une centrale de référencement. En fait, je formation, ce dynamique quadra apprend suis référencé auprès d’un certain nombre de son métier, en alternance, dans un magasin fournisseurs. Cela permet de travailler avec Krys de Chambray. Il obtient son diplôme trois cents marques, alors que je n’ai sélection- en 2008, avant de partir à Bordeaux chez un né qu’une quinzaine de fabricants. » indépendant. L’année suivante, il revient en Afin de répondre au mieux aux attentes Touraine, pour acquérir des compétences et aux besoins des clients, Rudy Huguet a audio. Dans la foulée, il prend les rênes lancé un questionnaire, via Vivre Ensemble d’un magasin Optical Center, à Tours. « Fin à Savonnières. « Mutuelle déduite, la majori- 2020, je me suis posé une alternative. Soit je té des réponses donnaient un budget compris changeais de métier, soit je créais mon maga- entre 0 et 100 €. C’est pourquoi je propose sin », explique Rudy Huguet-Zagame. Son des lunettes à petit prix. 80 % de la collection objectif ? « Je voulais être à la fois proche des de montures est à moins de 200 €. » Malgré clients et retrouver le côté manuel, qui repré- cela, une part importante des montures pro- sente au moins 50 % du travail de l’opticien. » posées sont estampillées Made in France ou Il opte pour la création de son magasin, à Origine France Garantie. Les clients, sen- Savonnières. « J’y habite ! Et c’est un village sibles au look, viennent pour beaucoup de où il fait bon vivre, proche de Tours et à la l’ouest de Savonnières (Villandry, Druye, campagne... » Vallères ou Berthenay). Ils peuvent d’ail- Il trouve un local, idéalement placé dans le leurs bénéficier d’un service à domicile, centre du village en face de la mairie, son le jeudi, sur rendez-vous. « J’ai aussi fait propriétaire. Un local classé Bâtiments de du démarchage un peu plus loin. Ce jour de France, dans lequel il veut faire des travaux, fermeture du magasin me permet de faire ces pour un magasin à son image. Le chemine- prestations et livraisons à domicile. » Depuis septembre 2021, Rudy Huguet-Zagame, est l’opticien du magasin Monsieur Binocle, à Savonnières. Chaque jeudi, il propose du service à ment administratif est long. L’ouverture de domicile, pour une clientèle qui vient beaucoup des communes de l’Ouest. la boutique, Monsieur Binocle (la marque P. B. (Photo Pierre Bonnet) Local, adaptable et réactif Fondés à Ballan-Miré, les Établissement Bastard, comptent parmi les spécialistes tourangeaux de la couverture, de la charpente, de la zinguerie, de l’isolation et de l’étanchéités des toits plats. L ’aventure des Établissements Bastard a privilégiant Tours et la première couronne, sur nos commencée à Ballan-Miré, dans le jardin deux métiers principaux, la charpente et la couver- de Thierry Bastard, avec un camion, deux ture. Il s’agit de se montrer extrêmement réactif, échelles, quelques outils et beaucoup de savoir- tant sur le montage des devis que sur le suivi des faire. À l’époque, il s’agissait de charpente et de dossiers. » C’est un moyen de fidéliser les clients, couverture. L’entreprise était sur les rails. Un qui sont aussi bien des particuliers, que des syn- premier déménagement, toujours à Ballan-Miré, dics de copropriété ou des foncières possédant survient en 1984. Il est suivi d’un second, courant des immeubles de copropriété. « Le bouche à 1996, sur le site actuel, qui s’étend sur quelque oreille nous emmène beaucoup de travail diffus. 1.500 m2. Ce n’est qu’en 2009 que l’actuel diri- Parfois, il s’agit de refaire un corps de ferme... » geant, Nicolas Bastard, revient pour assister ses Le devis se révèle capital. Il s’agit, en effet, d’un parents. Il prendra ensuite la relève de son père. contrat de confiance avec le client, avec, parfois, « Je travaillais depuis huit ans dans un hôtel de l’édition de factures de situation. Désormais luxe, en Asie, explique-t-il. Il n’y a aucun lien entre l’entreprise peut se revendiquer du label Quali- la cuisine et la charpente ou la zinguerie, mais je bat RGE (Reconnu Garant de l’Environnement). comprends vite les choses. Je suis pragmatique. » « Pour les clients, c’est l’assurance d’un conseil et Il s’adapte donc aux métiers de la couverture, de d’un travail de qualité. En outre, on les fait bénéfi- la charpente, de la zinguerie, de l’isolation et de cier, au cas par cas, des avantages fiscaux prévus l’étanchéité des toits plats, ainsi qu’aux travaux par la loi. » d’entretien. « Aujourd’hui, on est un généraliste, La pénurie de main d’œuvre est une réalité, alors qui dispose du savoir-faire de tous les métiers de la formation est de mise, en collaboration avec la toiture et de la charpente. On s’est adapté. On l’Aforproba ou les Compagnons du devoir. Ainsi, fait même des terrasses. La charpente, en hauteur sur la quinzaine de collaborateurs actuels, on Pour les Établissements Bastard, aujourd’hui, la hausse du coût ou au sol, c’est comparable ! » trouve deux jeunes en formation. des matériaux concerne essentiellement l’ardoise. De plus en plus La zone d’intervention ? « On ne travaille que P. B. difficile à extraire, elle vient souvent d’Espagne. Il faut y inclure le prix du transport… (Photo Pierre Bonnet) dans un rayon de 30 km autour de Ballan-Miré, en 14 I FÉVRIER 2023 I #77 I CAP’ÉCO 37
le dossier La chimie et l’écologie Implantées à Ballan-Miré depuis 1971, les colles et, désormais, couleurs Cléopâtre, se sont tournées vers l’écologie, avec un système de recyclage de l’eau – presque – sans impact sur l’environnement. L ’histoire des colles Cléopâtre débute à L’accent est mis sur le recyclage de l’eau. « On Paris en 1930, avec un certain Pierre Cham- l’a débarrassée de ses polymères, pour obtenir son. En 1954, l’entreprise est rachetée par d’un côté, de l’eau – presque – propre et, de l’autre, la famille tourangelle Devant, qui décide, en des blocs de polymères de 0,5 m3 à incinérer… » 1971, de déménager à Ballan-Miré, au Grand Mais le process, labellisé EMAS (Eco manage- Bouchet. À l’approche de l’an 2000, les diri- ment and audit scheme ou Système de manage- geants veulent prendre leur retraite. C’est là ment environnemental et d’audit) est évolutif. qu’intervient Alexandre Marionnet, un autre « Avec l’aide de l’Ademe, on acquiert un nouveau Tourangeau, qui, à l’époque, officie dans un système qui permet de recycler l’eau quasi pure. cabinet d’expertise comptable, chargé de la Toute eau qui passe par le recyclage peut être restructuration des entreprises en difficulté… récupérée pour faire de la nouvelle colle. » Cela « J’ai entendu parler de Cléopâtre, dans la presse permet de gagner du temps. Les trente colla- locale », précise ce dernier. « J’ai donc appelé M. borateurs, qui assurent désormais 7,5 M€ de Devant. La reprise s’est faite assez rapidement, chiffre d’affaires annuel n’en demandaient pas car Cléopâtre répondait à ce que j’attendais. tant ! Je voulais quelqu’un qui parte à la retraite, un Il n’est aujourd’hui plus question de (re)démé- produit connu du grand public et pas de main- nager. « On a tissé de très bonnes relations avec tenance… » la Mairie. On a notamment lancé, auprès des Le 1er juillet 2000, Alexandre Marionnet prend écoles de la ville, l’opération Cleo Garden. On les commandes de Cléopâtre (quatorze em- met à disposition des classes de petites serres, ployés et 700.000 € de chiffre d’affaires). « On a où les enfants font pousser des chênes, qui sont commencé par relancer tous les clients. L’activité ensuite plantés sur des terrains municipaux. » a immédiatement augmenté de 35 % ! » Mais en Le projet permet un ancrage territorial tout se lançant, en 2004, dans les loisirs créatifs, l’en- en développant une conscience écologique, en treprise décide de quitter les locaux vétustes (et travaillant sur un temps long, celui de la nature. loués) pour acheter un terrain… à Ballan-Miré. À la tête de Cléopâtre Colles et Couleurs, depuis l’an 2000, Un bâtiment à charpente en bois est construit. P. B. Alexandre Marionnet a pris le virage des loisirs créatifs et multiplié le Cléopâtre s’y installe en 2006. nombre de références. (Photo Pierre Bonnet) CAP’ÉCO 37 I #77 I FÉVRIER 2023 I 15
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