Contribution du yoga pour l'entraînement à l'apnée
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Chapitre 3 Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien Résumé L’intérêt de la pratique du yoga pour l’entraînement en apnée est indéniable du point de vue empirique mais il n’a été que partiellement démontré du point de vue scientifique. Au cours de ce chapitre, nous proposons de présenter dans un premier temps les principaux acquis scientifiques sur les vertueuses modifications induites par le yoga sur les paramètres physiques, physiologiques et psychiques de la perfor- mance en apnée. Nous abordons ensuite les rapports entre yoga et ap- née sur un plan plus pratique en proposant des exercices couramment utilisés par les apnéistes adeptes de ces arts complémentaires. Nous présentons successivement des exercices empruntés au yoga postural (Hatha-yoga), à la science yogique de la respiration (prânayâma) ou encore à la relaxation. À chaque reprise sont indiqués les intérêts des exercices ainsi que les techniques de leur mise en œuvre. Un exemple de programme précompétition est enfin fourni à titre indicatif. Mots clefs : Yoga – Approche pratique – Hatha-yoga – Prânayâma – Relaxation – Postures – Exercices respiratoires.
384 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien 1. Introduction Le terme yoga signifie « union ». Il s’agit en l’occurrence de l’union entre le corps et l’esprit, de la recherche de l’unité (26). Cette même osmose se retrouve dans l’apnée qui peut être considérée comme un sport à part : elle requiert certes des qualités physiques, à l’instar de tous les autres sports, mais aussi des qualités psychologiques, comme la capacité de relaxation, la maîtrise de soi ou la concentration, censées favoriser l’économie d’énergie. Il apparaît donc logique que yoga et apnée sont intimement liés. À ce propos, Umberto Pelizzari, recordman du monde de plongée en apnée à poids variable en octobre 1999, écrit : On ne descend pas en apnée pour regarder autour de soi mais pour regarder à l’intérieur de soi… le corps disparaît et toutes les sensations prennent une nouvelle forme. Le yoga lui-même est une activité qui laisse une place importante à l’apnée, notamment chez le pratiquant confirmé. Mais au-delà de cette relation directe entre apnée et yoga, cet art oriental propose de multiples techniques qui sont synergiques avec la pratique de l’apnée. Les plus évidentes sont celle du contrôle et de l’amélioration de la respiration, regroupées sous le terme sanscrit et international de prânayâma (25), ou celle de la relaxation. Certaines de ces techniques ont figuré dans la préparation de plongeurs illustres tels que Jacques Mayol, ou plus récemment le Scandinave Wim Hof qui, le 16 mars 2000, a parcouru sous la glace la plus longue distance en apnée (57,50 m) dans de l’eau à 2 °C. Loïc Leferme, l’homme le plus profond du début du IIIe millénaire (171 m), adhère à la philosophie orientale quand il propose, pour faire face au stress que subit le corps au fond de l’eau, de se comporter comme lors de la pratique d’un art marial, et de « considérer l’eau comme un partenaire et non un adversaire ». Mais l’apport du yoga ne s’arrête pas à l’utilisation du prânayâma ou de techniques de relaxation. Le yoga postural, ou Hatha-yoga, peut lui aussi contribuer à l’amélioration des performances en apnée, notam- ment en favorisant la souplesse générale de la cage thoracique ou du corps. Les preuves objectives de l’intérêt du yoga pour l’amélioration de l’apnée ne sont néanmoins pas à la hauteur des synergies qui semblent exister entre ces deux activités. Des études récentes confirment, si l’on se restreint à l’exemple des exercices respiratoires, une amélioration de la durée de l’apnée après seulement quelques semaines d’entraînement au prânayâma (7, 9). Les mêmes études encouragent à persévérer dans
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 385 le sens d’une approche de plus en plus scientifique et de moins en moins empirique de la complémentarité de ces deux pratiques. Nous nous proposons dans ce chapitre d’évoquer rapidement quels sont les principaux apports du yoga scientifiquement identifiés à ce jour comme favorisant la pratique de l’apnée, avant de présenter, selon une ap- proche très pratique, certaines techniques de Hatha-yoga, de prânayâma ou de relaxation auxquelles l’apnéiste peut avoir recours pour améliorer sa préparation à la performance en apnée. Cette approche pratique va jusqu’à la proposition, à titre indicatif, d’un programme en période de précompétition. 2. Influence du yoga sur les paramètres anatomophysiques, physiologiques et psychologiques de l’apnée 2.1. Amélioration de la souplesse du corps et de la fonction ventilatoire Les techniques du Hatha-yoga consistent à prendre des postures, les asanas, qui sont maintenues pendant une certaine durée afin que le corps en retire des bénéfices notables. Ces postures visent à assouplir, étirer et tonifier le corps, tout en cultivant la détente physique et mentale. La progression dans cette pratique repose à la fois sur l’amélioration des asanas, demandant un accroissement de la souplesse, et sur l’augmen- tation de la durée de la posture. La maîtrise de la ventilation joue un rôle à la fois dans la prise de posture, notamment en limitant le travail diaphragmatique et la gêne qu’il peut occasionner, et ensuite dans le maintien de la posture qui s’effectue en poursuivant la ventilation et non pas en apnée. La pratique du Hatha-yoga à des fins d’amélioration de l’apnée s’effectue généralement sur la base d’une respiration essen- tiellement thoracique, en proscrivant toute composante abdominale. Le pratiquant est ainsi contraint à optimiser sa composante thoracique, généralement et naturellement moins développée que la composante abdominale. Des efforts sont consentis afin d’améliorer mécaniquement les capacités de contraction et de dilatation générales de la cage thora cique, certains exercices étant localisés dans des zones précises telles que les zones sous-scapulaires ou infracostales. Outre l’amélioration des capacités mécaniques de stockage d’air, le Hatha-yoga contribue à une amélioration de la souplesse générale du corps et particulièrement de la « chaîne postérieure » (tête, cou, colonne, bassin) dont on sait qu’elle
386 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien joue un rôle majeur dans l’aquacité et dans l’efficacité du déplacement, contribuant à la performance en apnée (voir III, 2). En complément du Hatha-yoga, le prânayâma permet une amélio- ration de plusieurs paramètres de la fonction ventilatoire. L’effet le plus marquant des respirations yoga est l’augmentation de la durée de l’apnée. L’apnée est prolongée après seulement six semaines d’entraînement au prânayâma (7). Madanmohan et coll. (9) précisent que l’augmentation de l’apnée se fait aussi bien en fin d’inspiration que d’expiration. Plusieurs paramètres de la fonction respiratoire sont améliorés après entraînement aux respirations du yoga. Il s’agit en particulier de la CVF (Capacité Vitale) et du VEMS (Volume d’air expiré en 1 seconde ; 7, 21, 29). L’amé- lioration de ces paramètres témoigne d’un accroissement des volumes et des débits ventilatoires, bénéfiques à la performance en apnée. En effet, l’expiration qui précède la prise d’air juste avant l’apnée sera plus effi- cace, vidangeant de façon plus complète les poumons (volume de réserve expiratoire augmenté). L’inspiration, quant à elle, sera plus profonde, permettant d’augmenter le volume pulmonaire initial. La saturation du sang en oxygène (proche de 100 %) ne sera pas modifiée, mais la réserve en oxygène sera légèrement améliorée, ce qui permettra de prolonger le maintien d’une pression partielle en oxygène alvéolaire favorable au gradient de transfert de ce gaz vers le sang. 2.2. Réduction du métabolisme de base et effets antioxydants Pendant les exercices de base du prânayâma, la ventilation est lente et profonde avec des apnées post-inspiratoires et parfois post-expiratoires. L’apnée est considérée comme une phase très importante dans le cycle res- piratoire. Il faut distinguer deux niveaux de prânayâma différenciés par la durée de l’apnée qui va conditionner la consommation d’oxygène. Lors de la pratique des différents types de respirations yoga qui comportent de courtes pauses de l’ordre de quelques secondes (petits prânayâmas), la consommation d’O2 augmente en effet de 50 %. En revanche, pendant les respirations comportant de longues pauses (grands prânayâmas), la consommation d’O2 est réduite d’au moins 20 % (20). Dans ce dernier cas, même si le volume courant est augmenté (chaque respiration étant proche de la capacité vitale), la fréquence respiratoire est nettement ré- duite (19, 21). Cela provoque une baisse du débit ventilatoire et de la consommation d’oxygène par minute (11-13). Chez les personnes d’un niveau avancé pratiquant régulièrement ces respirations avec de longues pauses à chaque cycle respiratoire, la respiration naturelle non contrôlée se trouve nettement modifiée par rapport à la normale. Ce niveau plus bas
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 387 de consommation d’O2 observé au repos proviendrait d’un métabolisme de base réduit, le tout étant compensé par une meilleure utilisation de l’oxygène par les tissus (6). Dans les exercices de méditation du yoga et dans la relaxation pra- tiquée comme en Occident, pour parvenir à un état de concentration maximum, le yoga recommande de devenir conscient de sa respiration et de la réduire progressivement jusqu’à ce qu’elle soit imperceptible. Elle devient de plus en plus silencieuse, lente, et d’une amplitude pas plus élevée que dans la respiration de repos. Lorsque le yogi pratique cette respiration, il se trouve dans un état de vigilance situé entre la veille et le sommeil (qui équivaut à l’état sophroliminal en sophrologie), où son niveau de conscience est modifié. D’après Wallace et coll. (28), le métabo- lisme de base diminue alors par rapport au repos et il équivaut à celui du sommeil profond. Au niveau des paramètres sanguins, le débit cardiaque est alors réduit de 25 %, la FC de 30 bpm, et la concentration de lactate sanguin diminue sensiblement. Au niveau respiratoire, la ventilation chute de 1 l.min-1 et de 3 cycles respiratoires par minute. Un niveau plus bas de consommation d’O2 est observé au repos ainsi qu’une réduction de la saturation artérielle en oxygène (SaO2, -17 % ; 12, 21). Ces études expliquent les résultats obtenus par un état hypométabolique compensé par une meilleure utilisation de l’oxygène par les tissus. Ce mécanisme de conservation de l’oxygène se rapproche donc de celui observé pendant l’apnée. Il est par conséquent possible d’envisager une préparation ventilatoire afin de majorer cette économie d’oxygène, et donc d’améliorer son apnée. Les radicaux libres mesurés avant et après entraînement au prânayâma sont diminués, et cela par rapport à un groupe contrôle, ce qui dénote une amélioration du système antioxydant du corps (2 ; voir III, 1). 2.3. Adaptation à l’hypoxie et à l’hypercapnie Dans la plongée en apnée, l’un des problèmes principaux est le manque d’oxygène pulmonaire qui entraîne un déficit sanguin de ce gaz vital. S’accoutumer à cette hypoxie est primordial pour le plongeur confirmé. Mais repousser les limites physiologiques doit se faire toujours sans dan- ger. C’est pourquoi le travail du prânayâma, de par son influence sur le métabolisme de base en réduisant la consommation d’oxygène, pourrait aider l’apnéiste à mieux supporter une baisse du taux d’oxygène lors de l’apnée. Les respirations yoga ont des effets sur un autre gaz du sang, le dioxyde de carbone (CO2). Pendant la pratique de grands prânayâmas, la fréquence
388 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien ventilatoire est très basse et elle ne permet pas de rejeter suffisamment le CO2 qui s’accumule dans les cellules ; il s’ensuit une hypercapnie (taux de CO2 trop élevé dans le sang). Stanescu et coll. (19) observent que la réponse ventilatoire au CO2 par la méthode du rebreathing est moins marquée pour les sujets entraînés au prânayâma que pour les témoins. De plus, la sensibilité chémoréflexe à l’hypercapnie se trouve réduite lors de respirations très lentes (6 cycles.min-1 ; 1, 17). De même, la sensibilité chémoréflexe à l’hypoxie est augmentée, et la sensibilité baroréflexe est plus importante (17). Pour un yogi confirmé, respirer au rythme d’une respiration par minute pendant une heure avec une faible chémosensi- bilité à l’hypercapnie doit être dû à une adaptation de cette ventilation contrôlée sur une longue période (10). Dans ce cas, le pH artériel est bas et la concentration artérielle en CO2 élevée (PaCO2). L’apnée de longue durée produit une accumulation du CO2 dans le sang. Au vu des résultats précédents, la pratique du prânayâma consti- tuerait donc une méthode d’entraînement supplémentaire permettant à l’apnéiste de tolérer une plus grande quantité de CO2 dans son organisme. Ceci augmenterait la durée de son apnée, tout en élevant néanmoins les risques de syncope liés à la disparition du stimulus de reprise respiratoire inhérent à la capnie, lequel stimulus office de « sonnette d’alarme ». 2.4. Relaxation et gestion du stress En sophrologie, certaines techniques de respiration du yoga sont utilisées pour induire la relaxation. Des auteurs ont remarqué une amélio- ration des paramètres psychologiques (14). Kamei et coll. (8) ont montré une augmentation des basses fréquences de l’électro-encéphalogramme (les ondes Alpha), ce qui est le signe d’une grande relaxation. Au niveau hormonal, ces auteurs ont également mis en évidence que le cortisol, qui est l’hormone du stress par excellence, diminue chez les pratiquants. Le lactate est lui aussi abaissé au repos, ce qui dénote le caractère dominant du système nerveux parasympathique. Au cours d’une étude sur des athlètes, Raju et coll. (12) ont mesuré un taux de lactates plus bas au repos et après l’exercice, par rapport à un groupe contrôle. D’autres auteurs notent les effets relaxants du prânayâma sur le sys- tème nerveux et sur le système cardio-vasculaire. La plupart des exercices provoquent une diminution de l’activité du système nerveux sympathique au profit d’une sollicitation du système nerveux parasympathique. Ceci a été mesuré par une évaluation du système cardio-vasculaire, et en particulier par la mesure des catécholamines et de l’activité de la rénine plasmatique. Le système de rénine-angiotensine se trouve amélioré, ce
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 389 qui aboutit à la régulation du volume sanguin (15). D’après des enregis- trements électrocardiographiques, l’entraînement au prânayâma module la performance ventriculaire, ce qui corrobore l’effet sur l’activation du système parasympathique (24). Les respirations yoga permettent une réduction de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque. Plusieurs études ont également démontré ces résultats, doublés d’une baisse de la pression artérielle systolique et diastolique (27). Damodoran et coll. (4) ont ainsi signalé une baisse de la pression artérielle, du glucose sanguin, du cholestérol et des triglycérides chez des patients atteints d’hypertension. En yoga, il existe plusieurs techniques respiratoires rapides et profondes (kapalabhati et bhastrika) qui permettent d’augmenter la concentration. Bhavanani et coll. (3) notent qu’après la pratique de ces respirations, les sujets font abstraction du monde extérieur en ignorant les stimuli inadéquats. Ceci indique une amélioration de la performance sensori-motrice et donc du système nerveux central. Ces auteurs conseillent d’utiliser ces techniques pour augmenter la concentration lors de situations demandant une grande réactivité (photo no 1). Une autre technique de respiration est la respiration alternée (Anu- loma viloma). Il s’agit de respirer alternativement avec chaque narine. La respiration alternée a un effet de balance sur l’activité des ondes bêta et alpha des hémisphères gauche et droit (18). D’autre part, respirer exclu- sivement avec la narine droite stimule le système nerveux sympathique (23). À l’inverse, respirer par la narine gauche diminue la fréquence car- diaque (16) et provoque une augmentation de la résistance galvanique de la peau, interprétée comme une réduction de l’activité du système nerveux sympathique (22). © Photo Jacques Fabbi Photo no 1. – Une apnée en toute sérénité…
390 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien 3. Techniques posturales utilisables dans la préparation de l’apnéiste Nous proposons dans cette partie un panel de positions de Hatha-yoga qui se veulent complémentaires et adaptées aux besoins de l’apnéiste. Cette liste n’est pas exhaustive et elle peut être complétée selon les besoins. Nous insistons sur le fait que certaines postures peuvent s’avérer dan- gereuses pour un pratiquant novice et qu’il est fortement recommandé de les effectuer sous la responsabilité d’un professeur agréé, notamment dans la phase initiale de pratique. 3.1. Première position : le « chien » (Adho Mukha Svanasana) ■ Intérêt La posture du chien est pratiquée en préliminaire aux autres postures, en tant qu’échauffement. Elle est excellente pour ressentir et améliorer l’étirement du dos, du coccyx jusqu’au sommet du cou. Cette posture est dynamique et vivifiante. Elle accroît notamment la circulation sanguine au niveau de la tête. L’étirement du diaphragme vers la poitrine ralentit les battements du cœur et contribue au relâchement. ■ Technique (photo no 2) > Écartez les pieds de 30 centimètres ; > placez les mains de chaque côté de la poitrine, les doigts pointant vers l’avant ; > tendez les bras et les jambes ; > étirez le dos, avancez la tête entre les bras vers les pieds, et posez le sommet du crâne sur le sol ; > respirez profondément en rentrant l’abdomen (à l’inspiration comme à l’expiration). Variation du « chien » (Urdhva Mukha Svanasana) ■ Intérêt Cette nouvelle posture renforce la souplesse de la colonne vertébrale et elle améliore l’étirement des poumons grâce à l’ouverture de la poi- trine. ■ Technique (photo no 3) > Descendez le buste entre les bras ; > passez sur le dessus des pieds ;
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 391 > tendez les bras et poussez la poitrine en avant ; > rejetez la tête et le buste en arrière sans que les genoux ne touchent le sol : le corps ne s’appuie que sur les mains et la partie supérieure des orteils ; > respirez en invaginant l’abdomen (à l’inspiration comme à l’expi- ration). © Photo Éric Clua Photo no 2. – Posture du chien (Adho Mukha Svanasana). © Photo Éric Clua Photo no 3. – Variation de la posture du chien (Urdhva Mukha Svanasana).
392 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien 3.2. Deuxième position : le « triangle » (Utthita Trikonasana) ■ Intérêt La posture du triangle est un exercice qui contribue au développement de la cage thoracique, notamment par une amélioration de l’étirement intercostal. Il est important de conserver la rectitude et l’allongement de la colonne en sentant les mouvements de cette dernière selon le flux et le reflux de la ventilation. ■ Technique (photo no 4) > Écartez les pieds d’environ 1 mètre ; > placez les bras à l’horizontale en alignement avec les épaules ; > tournez le pied droit de 90° vers la droite et tournez légèrement le pied gauche vers la droite ; > gardez les deux jambes tendues ; > expirez et fléchissez le buste et le bassin vers la droite en appro- chant la main de la cheville droite puis si possible du sol, face externe du pied droit (à faire très progressivement, en conservant la colonne rectiligne) ; > étirez le bras gauche vers le haut en l’alignant avec l’épaule droite et étirez le buste ; > regardez votre main gauche ; > l’arrière des jambes, le dos et les hanches doivent être sur une même ligne ; > effectuez le même travail du côté gauche. © Photo Éric Clua Photo no 4. – Posture du triangle (Utthita Trikonasana).
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 393 3.3. Troisième position : le « chameau assis » ou la « roue à genoux » (Kapotasana) ■ Intérêt Cette posture améliore la capacité d’ouverture de la cage thoracique et la tonicité des muscles abdominaux. Elle contribue aussi à la souplesse de la colonne vertébrale. ■ Technique (photo no 5) > Agenouillez-vous, pieds et genoux serrés (légèrement écartés pour les débutants) ; > placez les mains sur les hanches (ou sur l’arrière des cuisses), étirez les cuisses et maintenez-les perpendiculaires au sol ; > expirez et étirez la colonne vertébrale en fléchissant le dos vers l’arrière et en projetant les hanches vers l’avant, pour ne pas laisser tout le corps partir vers l’arrière ; > placez enfin les mains sur les talons. © Photo Éric Clua Photo no 5. – Posture du chameau (Kapotasana).
394 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien 3.4. Quatrième position : posture de la « tête aux genoux » (Janu Sirsasana) ■ Intérêt Dans cette posture, la flexion avant est plus facile à effectuer qu’avec les deux jambes tendues. Elle peut donc servir d’échauffement à la pos- ture de la « pince » ou « flexion avant » (voir III, 3, 3.5). Cette posture tonifie le foie, les reins et la rate et elle contribue au drainage de la sphère abdominale. ■ Technique (photo no 6) Commencez la posture en exécutant la flexion sur la jambe droite afin de tonifier le côlon ascendant, puis du côté gauche pour tonifier le côlon descendant. > Asseyez-vous les jambes allongées ; > pliez le genou gauche et placez le talon sur la face interne de la cuisse droite, le plus près possible du périnée ; > attrapez les orteils du pied droit et progressivement la plante du pied puis le talon ; > en expirant, avancez le buste et le bassin au-dessus de la jambe droite ; > veillez à garder la jambe droite tendue et l’arrière du genou en contact avec le sol ; > effectuez le même travail du côté gauche. © Photo Éric Clua Photo no 6. – Posture de la tête aux genoux (Janu Sirsasana).
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 395 Variation de la posture (Parvirtta Janu Sirsasana) ■ Intérêt À l’inverse de la flexion avant effectuée dans la posture précédente, les côtés de l’abdomen sont ici largement étirés. Les deux variations sont donc complémentaires. ■ Technique (photo no 7) > Asseyez-vous les jambes allongées ; > pliez le genou gauche et placez le talon sur la face interne de la cuisse droite, le plus près possible du périnée ; > tournez le buste et le bassin vers la gauche ; > allongez le bras droit vers la jambe droite, et attrapez les orteils droits ; > passez le bras gauche au-dessus de la tête et attrapez le pied droit ; > rejetez le buste en arrière et tournez-le vers le haut, le plus possible. © Photo Éric Clua Photo no 7. – Variante de la posture de la tête aux genoux (Parvirtta Janu Sirsasana). 3.5. Cinquième position : la « pince » ou la « flexion avant » (Paschimottanasana) ■ Intérêt L’arrière du corps est totalement étiré depuis les talons jusqu’au som- met de la colonne vertébrale. Dans cette posture, la colonne est maintenue
396 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien en ligne droite horizontale et le cœur se trouve à un niveau inférieur par rapport à la colonne. Un bon travail dans cette posture permet donc un massage du cœur, de la colonne vertébrale et des organes abdominaux. ■ Technique (photo no 8) Ne cherchez pas à rapprocher la tête des genoux tout de suite, car cela s’effectue généralement par une courbure du dos indésirable. Cherchez plutôt à amener le torse le plus loin possible en avant, tout en gardant les genoux et le dos rectilignes. > Asseyez-vous les jambes allongées ; > maintenez le dos rectiligne le temps de quelques respirations ; > en expirant, pliez le corps vers l’avant en partant de la taille ; gardez la poitrine et le dos rectilignes ; > attrapez les orteils et étirez la colonne vertébrale en rentrant l’ab- domen ; > veillez à garder les jambes tendues et l’arrière des genoux en contact avec le sol ; > avec de la pratique, amenez le menton sur les tibias et la poitrine sur les cuisses ; > respirez profondément et tentez de progresser à chaque expiration en maintenant le gain de flexion à l’inspiration suivante. © Photo Éric Clua Photo no 8. – Posture de la pince (Paschimottanasana).
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 397 3.6. Sixième position : la « chandelle » ou « posture sur les épaules » (Salamba Sarvangasana) ■ Intérêt La chandelle a un effet direct sur les glandes thyroïde et parathyroïde qui bénéficient dans cette position d’une meilleure irrigation grâce au blocage du menton. En position inversée, la circulation veineuse ramène sans effort le sang vers le cœur ; elle irrigue largement la poitrine, le cou et la tête. De ce fait, la posture de la chandelle apaise les tensions et améliore l’irrigation de la sphère sinusoïdale qu’elle peut contribuer à décongestionner. ■ Technique (photo no 9) > Allongez-vous sur le sol, les jambes ensemble et les mains avec les paumes vers le sol, à vos côtés ; > en inspirant, poussez sur les mains et levez les jambes tendues à la verticale ; > soulevez les hanches du sol et amenez les jambes au-dessus, puis derrière la tête avec un angle de 45° ; > en expirant, pliez les bras et soutenez le corps avec les mains placées dans le dos, le plus près possible des épaules ; > redressez le dos et amenez les jambes à la verticale ; > pressez le menton fermement contre la gorge ; > respirez lentement et profondément dans la posture en essayant progressivement de rapprocher les coudes et d’abaisser les mains vers les omoplates, afin de redresser le torse ; > pour sortir de la posture : déroulez lentement la colonne vertébrale en vous aidant d’abord des mains jusqu’à ce que le buste touche le sol (en maintenant les jambes tendues) puis en vous aidant des muscles abdominaux pour abaisser les jambes jusqu’au sol. Variation de la chandelle : la « charrue » (Halasana) ■ Intérêt Cette posture assouplit la colonne vertébrale et la nuque. La position des bras et des mains diminue la raideur dans les épaules. ■ Technique (photo no 10) > Sans plier les genoux, expirez et descendez les jambes derrière la tête (si les pieds ne touchent pas le sol, ne pas plier les jambes pour y arriver ; respirez profondément dans la position atteinte) ;
398 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien > si les pieds touchent le sol, éloignez-les le plus possible de la tête, les orteils retournés vers le sol ; > redressez le torse vers le haut et les talons vers l’arrière ; > puis croisez les mains et tendez les bras derrière le dos ; > pour sortir de la posture : voir ci-dessus, la posture de la chandelle. © Photo Éric Clua Photo no 9. – Posture de la chandelle (Salamba Sarvangasana). © Photo Éric Clua Photo no 10. – Posture de la charrue (Halasana).
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 399 3.7. Septième position : le « poisson » (Matsyasana) ■ Intérêt La posture du poisson est la contre-posture de la chandelle ; elle doit être effectuée après celle-ci. Elle complète les étirements-compressions des vertèbres cervicales effectués dans les postures de la chandelle et de la charrue. Elle soulage la raideur dans la nuque, les muscles des épaules et elle corrige la tendance à arrondir les épaules. Dans cette posture, l’expansion de la cage thoracique permet une respiration plus profonde et augmente la capacité des poumons. n.b. : il est recommandé de rester dans cette posture au moins la moitié du temps passé dans la posture de la chandelle. ■ Technique (photo no 11) > Couchez-vous sur le dos en gardant les jambes tendues et serrées l’une contre l’autre ; > placez les mains sous les cuisses, les paumes tournées vers le sol ; > en appuyant sur les coudes, inspirez et cambrez le dos pour former une arche, et posez le sommet du crâne sur le sol ; > respirez profondément en gardant les jambes et le bas du dos relâché. © Photo Éric Clua Photo no 11. – Posture du poisson (Matsyasana). Variation du poisson (Uttana Padasana) ■ Technique (photo no 12) > Sortez les mains de dessous les cuisses et placez-les au-dessus de la poitrine en position de prière ;
400 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien > puis montez les jambes jusqu’à former un angle de 45° avec le sol ; > allongez les bras parallèlement aux jambes et joignez les mains ; > les bras et les jambes doivent être maintenus tendus, sans plier les coudes ni les genoux ; > les jambes doivent se toucher au niveau des pieds, des chevilles, des genoux et des cuisses ; > en expirant, abaissez les jambes et les bras sur le sol, allongez le cou et la tête, laissez reposer le dos sur le sol et relaxez-vous. © Photo Éric Clua Photo no 12. – Variante de la posture du poisson (Matsyasana). 3.8. Huitième position : postures sur la tête du « trépied » et du « poirier » (Kapâlâsana et Shirsâsana) ■ Intérêt Les postures sur la tête, reines des asanas, sont celles dont les effets sont les plus puissants tant sur le corps que sur le mental. En inversant les effets normaux de la pesanteur, elles soulagent le cœur et la pression dans le bas du dos. Pratiquées régulièrement, elles améliorent la concen- tration et les facultés sensorielles. Inverser le corps vous conduit à respirer profondément, ralentit votre rythme cardiaque et améliore la perfusion du cerveau par un sang oxygéné. Ces postures développent le calme et l’équilibre, à condition de respirer par le nez. ■ Contre-indications Toute pathologie liée aux vertèbres cervicales.
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 401 ■ Technique du « trépied » (Kapâlâsana ; photo no 13) Départ de la posture : mettez-vous à quatre pattes. Placez la tête au sommet d’un triangle équilatéral et les mains à la base. Pour déterminer le côté du triangle, utilisez la coudée. Tête e dé ou 1c Main Main > La tête une fois placée au sol, trouvez le point d’application du poids du corps qui se situe vers l’avant du crâne (du côté de la fontanelle). Attention, si vous êtes trop sur l’arrière du crâne, au moment de lever les jambes, vous culbuterez ! > la tête et les mains étant placées, tendez les jambes en gardant les pieds au sol et transférez le poids du tronc sur le crâne ; > jambes tendues, rapprochez les pieds le plus possible vers le vi- sage ; > repliez une jambe et placez le genou sur le bras, à quelques centi mètres du coude. Procédez de même avec l’autre genou ; habituez-vous à cette posture pour la tenir avec aisance avant de passer à la suite ; > soulevez ensuite les genoux et dépliez les jambes en pointant les talons vers le ciel ; > trouvez le point d’équilibre parfait où la pose sur la tête n’exige plus d’effort musculaire et où vous pouvez vous décontracter ; > Respirez lentement et profondément (toujours par le nez). Pour sortir de la posture : > pliez les genoux ; > ramenez les pieds vers les fesses ; > descendez les genoux vers les coudes et placez-les comme dans la position de départ, sur les bras ; > ramenez les pieds au sol ; > restez quelques instants la tête au sol, détendez-vous et relevez-vous lentement. Variante 1 : technique du « poirier » (Shirsâsana ; photo no 14) Si vous maîtrisez la posture du trépied, vous pouvez vous essayer à la posture du poirier.
402 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien Départ de la posture : mettez-vous à quatre pattes. Entrelacez les doigts sans les serrer, et repliez les coudes. Les pouces se touchent et le tout forme une demi-coupe. Placez l’arrondi de la tête dans la demi-coupe et le sommet du crâne sur le sol (vers la fontanelle comme pour le trépied). Les coudes sont écartés et alignés avec la largeur des épaules. Attention : les mains jouent un rôle de cale et non de support. Elles empêchent la tête de rouler vers l’arrière. > Tendez les jambes pour soulever les hanches et redressez le dos à la verticale en gardant les pieds au sol ; > le poids du corps repose maintenant en grande partie sur les avant- bras ; > sans plier les genoux, rapprochez les pieds le plus possible vers le visage ; > pliez les genoux vers la poitrine, et soulevez les pieds du sol en poussant les hanches vers l’arrière ; > trouvez l’équilibre avant de continuer ; > puis, en gardant les genoux pliés, levez-les vers le plafond en utilisant vos muscles abdominaux ; > lorsque les hanches et le torse sont alignés, allongez lentement les jambes vers le ciel ; > le poids du corps repose sur les avant-bras ; > Respirez lentement et profondément (toujours par le nez). Pour sortir de la posture : > pliez les genoux ; > ramenez les pieds vers les fesses puis les genoux vers la poitrine ; > posez les pieds au sol et restez quelques instants la tête au sol, détendez-vous et relevez-vous lentement. Variante 2 : technique du « poirier » associée au « lotus » (Urdhva padmasana en Sirsasana ; photo no 15) Si vous maîtrisez le lotus en position assise, vous pouvez l’associez au poirier pour accomplir la position la plus accomplie du Hatha-yoga. Départ de la posture : comme pour le poirier simple. Une fois dans la posture du poirier : > expirez, pliez le genou droit et posez le pied droit sur le haut de la cuisse gauche, le plus près possible de la hanche. Prenez une ou deux inspirations ; > expirez, pliez le genou gauche et amenez la partie antérieure du tibia gauche devant la partie antérieure du tibia droit. Rapprochez les bords externes des pieds de la naissance des cuisses ;
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 403 > gardez les deux genoux face au plafond ; > serrez les genoux et rassemblez les cuisses ; > respirez lentement et profondément (toujours par le nez). Pour sortir de la posture : > expirez, dégagez la jambe gauche et allongez-la, puis faites de même avec la jambe droite. > répétez la posture en commençant cette fois par la jambe gauche, en suivant les indications ci-dessus. Restez dans la posture la même durée que du côté droit ; > revenez en position du poirier simple ; > sortez de la posture comme indiqué dans le poirier ; > posez les pieds au sol et restez quelques instants la tête au sol, détendez-vous et relevez-vous lentement. Photo no 13. – Posture du trépied (Kapâlâsana). © Photo Éric Clua © Photo Éric Clua Photo no 14. – Posture du poirier (Shirsâsana).
404 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien © Photo Éric Clua Photo no 15. – Variante de la posture du poirier combinée au Lotus (Urdhva padmasana en Sirsâsana). 4. Techniques respiratoires recommandées pour la préparation de l’apnéiste Nous proposons dans cette partie un programme respiratoire qui complétera les bienfaits du Hatha-yoga et de l’entraînement classique à l’apnée. Ce programme n’est pas exhaustif et pourra faire l’objet de compléments ultérieurs. Les exercices sont empruntés au prânayâma. Prâna signifie « énergie vitale » et le prânayâma peut se définir comme la science du contrôle du souffle, assimilé à une énergie circulante. 4.1. Conseils préliminaires 4.1.1. Préparation posturale et psychologique La pratique des exercices respiratoires modérés se fait soit à jeun, soit 1 à 2 heures après un repas. Pour les exercices avec rétentions prolongées et / ou rétraction abdominale, il vaut mieux attendre 3 à 4 heures après un repas. Choisissez un lieu calme et aéré, et pratiquez toujours avant
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 405 une série d’asanas destinée à étirer la colonne vertébrale. La position doit être confortable car la moindre gêne troublerait l’attention. La meilleure attitude est assis au sol ou sur une chaise, les jambes repliées, si possible en position du lotus, exceptionnellement debout (seulement en cas de nécessité). La position de base des asanas est aussi fréquemment utilisée pour les exercices respiratoires (photo no 16). Le placement des jambes n’a pas d’importance dans ces différentes postures, mais la colonne ver- tébrale doit être droite et à la verticale, le bassin légèrement vers l’avant et le menton en position basse. Seuls les muscles du dos sont légèrement toniques. Le reste du corps est détendu, y compris le visage et la langue. Il est recommandé d’avoir les yeux mi-clos afin de mieux se concentrer. Les pratiquants experts peuvent se permettre d’avoir les yeux totalement clos car le risque de perdre le niveau de conscience requis est moindre. Outre le fait de faciliter un travail efficace, la prise d’une posture parti culière est un rite qui permet de couper avec la vie habituelle : c’est le « lâcher-prise », réalisé sur les plans physique et mental. Si des pensées vous envahissent, laissez-les passer comme des nuages, sans lutter. Faire le vide mentalement deviendra alors plus facile en focalisant son attention sur la ventilation. À la fin de chaque série de respirations, marquez une pause, allongée de préférence, pour observer les résultats obtenus, sans faire intervenir la volonté. © Photo Éric Clua Photo no 16. – Asana de base pour les exercices respiratoires.
406 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien 4.1.2. Conseils basiques pour la ventilation L’entraînement de base pour la respiration consiste à allonger pro- gressivement la ventilation. Pour cela, il faut obtenir le plus petit débit ventilatoire possible, c’est-à-dire une ventilation calme, longue et régu- lière, lente et douce. Plus elle est inaudible, plus vous vous rapprochez du but, ce qui n’est possible qu’en minimisant l’effort. Concrètement, ne forcez pas la respiration. Le contrôle se fera d’autant plus facilement que vous aurez l’impression que l’air circule de lui-même en vous, simplement en lui offrant de l’espace. Pendant toute la séance, respirez toujours par le nez, jamais par la bouche, mis à part les bâillements qu’il ne faut pas réfréner. Essayez d’être conscient de votre respiration. Observez le cir- cuit de l’air, ressentez et suivez son trajet, des narines jusqu’aux fausses nasales et à l’arrière du palais. Cette concentration doit se faire avec un minimum d’effort pour disposer de l’attention nécessaire afin d’appré- cier les sensations de vibration de l’air, surtout dans les narines. Il est recommandé d’essayer d’atteindre l’amplitude ventilatoire de confort et le rythme maximum dans l’aisance parfaite. Prenez votre temps pour atteindre cette aisance et revenez au besoin à un niveau de difficulté moins élevé, si vous sentez la moindre gêne. 4.2. Panel d’exercices 4.2.1. Premier exercice : la respiration du « soufflet de forge » (kapalabhati) Juste avant les exercices de prânayâma avec respiration très lente qui peuvent aller jusqu’à l’hypoventilation, il est pré-requis de commencer par kapalabhati. C’est la seule technique où nous ne mettrons pas en pratique les conseils ci-dessus. Sorte d’hyperventilation, cette respiration est rapide et profonde, rythmée à 60 par minute (en yoga, vous pouvez trouver un autre type d’hyperventilation sensiblement différent : bhas- trika, avec un rythme encore plus rapide). Cette technique produit une réduction de la pression artérielle en CO2. Elle déclenche également les mécanismes d’oxydation (augmentation de la créatine et de la tyrosine ; 5), c’est pourquoi elle est recommandée avant la pratique du prânayâma. ■ Technique Tout l’exercice se fait par le nez, en mobilisant seulement la région abdominale, la cage thoracique n’intervenant pas.
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 407 > Expirez puissamment et rapidement tout l’air des poumons, en imitant le bruit d’un soufflet de forge. Cette expiration se fait uniquement en contractant les abdominaux (rentrez le ventre à fond) et en relevant le diaphragme ; > inspirez naturellement : détendez les muscles du ventre et les pou- mons se remplissent d’eux-mêmes sans forcer l’inspiration ; > dès que les poumons sont remplis, videz-les immédiatement comme au début, et recommencez. Une inspiration et une expiration forment une respiration-kapalabhati. > faites une douzaine de respiration-kapalabhati pour les débutants, puis durant une minute sans interruption pour un niveau avancé ; > respirez une fois lentement et profondément ; > retenez votre souffle une fois les poumons parfaitement pleins (au début quelques secondes, puis le plus longtemps possible, mais sans forcer). Durée : respirez ainsi 3 à 5 fois. Repos et observation : en position allongée. 4.2.2. La « respiration-yoga complète » Cette façon de respirer est la base de tous les prânayâmas. Il s’agit de gonfler lentement et au maximum les poumons, puis de les vider entiè- rement, tout aussi lentement. L’amplitude des mouvements respiratoires est telle que les muscles accessoires sont sollicités : l’inspiration et l’expi ration s’effectuent de façon méthodique par paliers successifs à trois niveaux (abdominal, thoracique et claviculaire). Le ventre, la poitrine et le sommet des poumons sont envahis par des vagues successives. ■ Technique > Inspirez calmement et régulièrement par le nez : – en abaissant d’abord le diaphragme, ce qui dilate la paroi abdominale et ce qui permet à l’air d’envahir la partie inférieure des poumons ; – en ouvrant ensuite la cage thoracique pour que l’air pénètre la partie médiane des poumons ; – en soulevant enfin les clavicules et les épaules, ce qui permet de remplir le sommet des poumons. > Apnée : pendant 1 ou 3 secondes, maintenez l’air dans les poumons sans contraction, simplement par suspension de la respiration. > Expirez toujours calmement et régulièrement : – en baissant d’abord les épaules ; – en refermant ensuite la cage thoracique ;
408 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien – en tirant le diaphragme vers le haut ; – et en rentrant le ventre. > Apnée : arrêtez-vous 1 à 3 secondes, en ayant l’impression d’avoir les poumons vides. Durée : respirez ainsi pendant 5 à 10 minutes Repos et observation : en position allongée. 4.2.3. Le « prânayâma carré » Tandis que la respiration habituelle ne comporte que deux phases, l’inspiration et l’expiration, le yoga en introduit deux autres qui sont des apnées placées en fin d’inspiration ou d’expiration. À noter que toute la richesse du prânayâma véritable réside dans ces temps d’apnée. ■ Technique (figure no 1) Le prânayâma carré est une respiration-yoga complète rythmée (donc suivez toujours les consignes de la respiration complète). Elle est calme et régulière. Sa spécificité est que chaque phase de la respiration a une durée égale : la moitié du temps d’une respiration est une apnée. Si vous prenez une base de 4 secondes (s), vous comptez 4 s pour l’inspiration, 4 s pour l’apnée post-inspiratoire, 4 s pour l’expiration et toujours 4 s pour l’apnée post-expiratoire. Progressivement, passez de 4 à 8 secondes. Dans le cas d’une base de 8 secondes, le rythme de la respiration est en moyenne de deux par minutes, ce qui correspond à un « grand prânayâma ». Pour arriver au palier supérieur, mieux vaut d’abord n’augmenter que les phases actives (inspiration et expiration). C’est le rythme qui constitue l’élément important, la durée vient tout naturellement en fonction des possibilités personnelles (tableau no 1). Apnée 4à8s Inspiration Expiration 4à8s 4à8s Apnée 4à8s Figure no 1. – Schéma du prânayâma carré.
III, 3 : Contribution du yoga pour l’entraînement à l’apnée 409 Durée : respirez ainsi pendant 5 à 10 minutes. Repos et observation : en position allongée. Apnée Apnée Paliers Inspiration Expiration Technique à plein à vide 1 4s 4s 4s 4s Carré de 4 s 2 6s 4s 6s 4s Intermédiaire 3 6s 6s 6s 6s Carré de 6 s 4 8s 6s 8s 6s Intermédiaire 5 8s 8s 8s 8s Carré de 8 s Tableau no 1. – Progression pour le prânayâma carré. 4.2.4. La « respiration complète rythmée » (Kumbhaka prânayâma) C’est un autre type de respiration rythmée. Elle symbolise la référence dans les grands prânayâmas. Elle est réservée aux confirmés et demande de l’entraînement. Il s’agit d’allonger progressivement chaque respiration en marquant une seule longue apnée post-inspiratoire. Cette longue pause respiratoire est appelée Kumbhaka en sanscrit. ■ Technique (figure no 2) Toujours suivre les consignes de la respiration complète. En pre- nant pour base le temps de l’inspiration, le but est de maintenir l’apnée 4 fois plus et d’expirer le double. Vous arrivez, par paliers successifs, au rythme suivant : 1 unité pour l’inspiration, 4 unités pour l’apnée et 2 uni- tés pour l’expiration. On aboutit alors au rythme impressionnant d’une respiration par minute, ce qui peut durer plusieurs heures (tableau no 2). Seuls les apnéistes confirmés pourront s’essayer à la base de 8, comme les grands yogis, tout en étant attentifs à maintenir une relative facilité d’exécution. Durée : recommencez 5 à 10 fois ce prânayâma. Avec l’expérience, vous pourrez le poursuivre plusieurs minutes. Repos et observation : en position allongée.
410 Éric Clua, Élisabeth Auplat et Florence Villien Apnée Paliers Inspiration Expiration Technique à plein 1 4s 8s 8s Intermédiaire 2 4s 12 s 8s Intermédiaire 3 4s 16 s 8s Base de 4 s 4 5s 20 s 10 s Base de 5 s 5 6s 24 s 12 s Base de 6 s Tableau no 2. – Progression pour le Kumbhaka prânayâma. Volume (en ml) Légende 6 000 Respiration normale Respiration du yoga Volume de réserve inspiratoire (3 100 ml) 4 500 3 000 Volume courant (500 ml) 1 500 Volume de réserve expiratoire (1 200 ml) Volume résiduel (1 200 ml) 15 30 45 60 Temps (en s) Figure no 2. – Spirogramme qui représente la comparaison entre la respiration complète rythmée (Kumbhaka prânayâma) et la respiration normale. 4.2.5. L’« étirement du diaphragme » (Uddiyana bandha) Cet exercice n’est pas à proprement parlé respiratoire mais plutôt un exercice d’assouplissement du diaphragme, complément essentiel au prânayâma, surtout pour les apnéistes dits « profonds ». Dans l’ap- née profonde, le corps subit d’importantes variations de pressions en corrélation avec la profondeur. La pression s’exerce de façon aiguë sur les cavités renfermant des gaz compressibles, ce qui est le cas de la cage thoracique. En situation d’hyperbarie extrême, la cage thoracique et les
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