Droits et libertés - Ligue des droits et libertés
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Droits Volume 37, numéro 1, printemps 2018 et libertés • Historique des luttes pour le droit au logement • L’urbanisation ou la bidonvilisation du Sud global Photo : Bernard Gauvin • La financiarisation du marché de l’habitation • Une police qui patrouille sans armes à feu? • Facebook, est-il vraiment notre ami?
Dans ce numéro La LDL est un organisme sans but lucratif, Éditorial indépendant et non partisan, issu de la société civile québécoise et affilié à la Fédération Élections 2018: Faire place à la défense des droits ................................................ 3 internationale des ligues des droits de l’homme Christian Nadeau (FIDH). Elle milite en faveur de la défense et de la promotion de tous les droits humains Un monde sous surveillance reconnus par la Charte internationale des droits Facebook est-il vraiment notre ami?....................................................................... 5 de l’homme. Dominique Peschard Personnes-ressources Ailleurs dans le monde Hélène Bélanger Collaborations à ce numéro Bill Clennett Alexandra Bahary Peut-on encore « terrasser le mammouth »?......................................................... 7 Marie-José Corriveau Hélène Bélanger Kirill Koroteev Marie-Ève Desroches Jean-V. Bergeron-Gaudin Zahia El-Masri Kim Bouchard Dossier : Droit au logement Mazen Houdeib Marjolaine Deneault Marie-Neige Laperrière Marie-Ève Desroches Présentation............................................................................................................ 9 François Saillant Zahia El-Masri Martin Gallié Charlotte Thibault Martin Gallié Louis Gaudreau Les principales luttes du mouvement pour le droit au logement.......................... 11 Comité de rédaction Dalia Gesualdi-Fecteau Jean-Vincent Bergeron-Gaudin Martin Gallié Isabel Heck Dominique Peschard Marc-André Houle Droit au logement bafoué : l’inaction des gouvernements en cause ................... 14 Lysiane Roch Émilie E. Joly Kirill Koroteev Émilie E. Joly Révision linguistique Anne Latendresse La Régie du logement, une machine à expulser les locataires.............................. 16 Marcel Duhaime Guy Latouche Lisette Girouard Marie-Ève Lemire Marjolaine Deneault Claire Lalande Alice Lepetit Les Premières Nations au Québec et le droit au logement................................... 18 Pierre-Luc Lupien Responsable de l’édition Julien Montreuil Guy Latouche Martine Eloy Stéphane Moreau Christian Nadeau Personnes itinérantes : comment se conjugue le droit au logement.................... 21 Correction d’épreuves Martin Pagé Alice Lepetit Karina Toupin Dominique Peschard Alexandre Popovic Ouverture et limites d’une démarche d’intervention territoriale......................... 23 Graphisme Jean-Pierre Racette Isabel Heck et Jean-Pierre Racette Sabine Friesinger Lysiane Roch Ted Rutland Toit, Dignité, Intégration : trois objectifs indissociables........................................ 25 Impression Marjolaine Tapin Zahia El-Masri Imprimerie Katasoho Patricia Viannay Les logements : des témoins muets de violences sexuelles.................................. 27 Photos pages couvertures Bernard Gauvin Marie-Ève Desroches berngauvin@gmail.com Droit au logement fragilisé par la financiarisation................................................ 29 Louis Gaudreau, Marc-André Houle, Hélène Bélanger et Ted Rutland Contrer la gentrification environnementale.......................................................... 32 Lysiane Roch Sauf indication contraire, les propos et opinions L’habitation : le noeud gordien du droit à la ville dans le Sud global.................... 35 exprimés appartiennent aux auteurs et n’engagent ni la Ligue des droits et libertés, ni la Fondation Léo-Cormier. Anne Latendresse La reproduction totale ou partielle est permise et Logement sociaux accessibles, oui, mais pour qui?.............................................. 38 encouragée, à condition de mentionner la source. Martin Pagé et Julien Montreuil Revue de la Ligue des droits et libertés Les locataires des régions rurales victimes d’inégalités........................................ 40 Volume 37, numéro 1, printemps 2018 Stéphane Moreau et Marjolaine Tapin Dépôt légal GîM : Précarité résidentielle et recours au droit du logement.............................. 42 Bibliothèque nationale du Québec Pierre-Luc Lupien Bibliothèque nationale du Canada ISSN 0828-6892 Hors Dossier Maternité et chômage : un cas de discrimination systémique.............................. 44 Kim Bouchard Cette revue est une publication de la Ligue des droits et libertés, réalisée avec l’appui financier de la Fondation Et si la police patrouillait sans armes à feu?.......................................................... 46 Léo-Cormier. Elle est distribuée à leurs membres. Alexandre Popovic Le travail à l’ère du capitalisme de plateforme...................................................... 48 Dalia Gesualdi-Fecteau Un monde de lecture À qui profite le numérique? Pour un internet par et pour la collectivité.............. 52 Alexandra Bahary
Éditorial Élections 2018 Faire place à la défense des droits Christian Nadeau, président Ligue des droits et libertés E n raison des élections de l’automne, nous assistons depuis un certain temps à un spectacle à grand déploiement où les partis politiques n’hésitent pas à recourir à toutes les méthodes possibles pour susciter l’adhésion. Les projecteurs illuminent tantôt une vedette tantôt une formule-choc, préoccuper. Depuis des années, ils mesurent et documentent l’impact désastreux des longues périodes d’austérité, où la soi-disant rigueur budgétaire a bénéficié aux plus riches et écrasé les plus pauvres. Dénigrer ou faire peu de cas du savoir immense de centaines de militant-e-s, dont plusieurs reléguant dans l’ombre le débat d’idées. Pourtant, nous avons travaillent pour des groupes communautaires depuis plus de besoin plus que jamais d’une information de qualité et d’un trente ans, sans parler d’organisations dont l’histoire traverse dialogue public de haut niveau. Une élection, quoi qu’on en celle du Québec, a pour effet ni plus ni moins que d’empêcher pense, est un événement trop lourd de conséquences pour le l’intelligence de l’espace public. Ces personnes et ces groupes laisser entre les mains des politicien-ne-s. Elles et ils n’ont pas, nous rappellent sans relâche l’importance fondamentale du fort heureusement pour le Québec, le monopole du débat respect de chaque personne, quelle qu’elle soit, sur le plan de politique. la protection sociale et des libertés civiles. Leur tâche cruciale au cours des prochaines semaines ne sera pas d’influencer le La foire d’empoigne des partis n’est pas la seule cause vote mais de replacer les droits humains au premier plan de de dérapage en période électorale. En quête d’auditoire, la nos préoccupations. majorité des médias ont tendance à traiter la politique comme une simple joute sportive. Cela se traduit par des chroniques Il serait trop commode de se borner à la critique des déclamatoires où on maquille dans la presse la futilité de personnalités politiques ou médiatiques. Ce serait surtout propos simplistes à coups de caractères gras et de points contraire aux efforts fournis depuis des dizaines d’années par d’exclamation, ou en éructant sur les ondes des monologues des centaines de militant-e-s de plus de trois cents organisations dont la valeur se mesure surtout en décibels, au détriment un peu partout dans la province, qui agissent de façon concrète des opinions nuancées et des enquêtes de longue haleine. pour sauver la justice sociale et la solidarité. Si la tâche est Les médias dits sociaux, capables du meilleur comme du pire, immense, elles et ils nous rappellent sans cesse que nous ne contribuent largement à ce penchant. Dès lors, le contre- pouvons pas nous permettre le luxe du découragement. Il faut discours face au discours populiste manque de moyens et accroitre la protection sociale pour garantir une vie décente ne suscite pas l’enthousiasme, étant par essence étranger au aux personnes appauvries, augmenter considérablement les goût du spectacle. investissements pour le logement social, assurer l’accès à la justice et prévoir les services adaptés aux besoins des groupes La peur et le repli mobilisent davantage que l’intelligence vulnérables. Il est urgent de bonifier le réseau des garderies et le courage de l’ouverture. Malgré tous ces obstacles, les publiques, d’améliorer les conditions d’enseignement au organismes d’action communautaire autonomes et les groupes sein des écoles primaires et secondaires et de favoriser de défense collective des droits reviennent sans cesse à la l’intégration aux études supérieures. On ne dira jamais assez charge pour rappeler les principaux enjeux qui devraient nous l’importance de s’opposer à toute forme de discrimination Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018 3
Photo: http://www.defensedesdroits.com Éditorial sexuelle, de poursuivre la lutte pour l’égalité entre les hommes politique. L’idéologie du repli sur soi et des intérêts égoïstes et les femmes, de combattre le racisme et d’exprimer par des trouve aussi sa source dans l’insécurité face à un monde gestes concrets notre appui aux revendications des Peuples complexe où les solutions simples s’avèrent le plus souvent autochtones. Tout cela n’aurait pas de sens si nous devions fallacieuses. Voilà pourquoi penser notre avenir social et privilégier les milieux urbains au détriment des régions politique au Québec commence par placer très haut la barre éloignées ou abandonner l’environnement à l’appétit des de nos exigences lors de nos discussions. Voilà pourquoi il promotrices et promoteurs de projets qui sabotent l’avenir faut saluer et encourager le travail colossal des organismes de générations entières. Toutes ces revendications n’ont rien de défense collective des droits, qui œuvrent sans relâche à d’utopique : elles s’imposent comme une nécessité dès lors l’analyse des faits, à la reconnaissance des injustices et à la qu’on prête attention aux souffrances dont sont témoins les promotion d’une société égalitaire. groupes de défense des droits. Soyons clairs. Il serait vain de s’en prendre à celles et ceux qui adhèrent aux discours populistes sans tenir compte Note : Ce texte est paru dans Le Devoir, samedi, 21 avril 2018, des difficultés d’accès à l’information, des lacunes de notre https://www.ledevoir.com/opinion/idees/525630/faire- système d’éducation et des conditions de vie et de travail place-a-la-defense-des-droits-en-campagne-electorale difficiles qui laissent peu de temps pour se préoccuper de Merci Nicole! Nicole Filion nous quittera bientôt après avoir occupé des fonctions de direction à la Ligue des droits et libertés pendant près de 20 ans, soit à titre de présidente de 2000 à 2007 et, ensuite, à titre de coordonnatrice à partir de 2007. Même si nous entendons souvent dire que personne n’est irremplaçable, Nicole a clairement laissé sa marque dans l’histoire des luttes pour la défense des droits au Québec. Au nom du conseil d’administration, de l’équipe et des militant-e-s de la LDL, mais aussi de toutes les personnes qui aspirent à la justice sociale, nous remercions Nicole chaleureusement pour son engagement pour une société basée sur le respect de la dignité de toutes et tous. 4 Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018
: er, Un monde sous surveillance Chloé Germain-Thérien Dominique Peschard Comité sur la surveillance des populations, Ligue des droits et libertés u se Facebook est-il vraiment notre ami? La face cachée de Facebook - Le’utilisation projet de loi « accès liciteDes entreprises, » nt L lumière des données de Facebook par la firme deprésidentielle retour Cambridge Analytica (CA) pour influencer l’élection aux États-Unis et le vote sur l’adhésion de la Grande Bretagne à l’Union Européenne (UE) a mis en À la lefin du mois manque dede flagrant mars dernier, protection le projet des données institutions gouvernementales, et même vos amis Facebook pourraient utiliser un outil comme celui-là pour tirer des conclusions sur votre intelligence, desd’accès votre orientation sexuelle ou vos opinions politiques que vouslicite n’aviezapas revu le de partager. »1 l’intention jour. En effet, utilisatrices et desceutilisateurs projet a d’abord de Facebook étéetprésenté la manièreà l’automne 2002, suite àdont ces données par la ratification pouvaient être utilisées le Canada insidieusementsur laLors de la Convention de sa comparution cybercriminalité . devant le Congrès des États-Unis, pour influencer leur comportement. Les révélations d’anciens Mark Zuckerberg a défendu la politique de respect de la vie Ilemployés a ensuite pris la forme de Cambridge d’un Analytica et deprojet Facebookdeontloisoulevé en novembre privée de 2005, intitulé Facebook en déclarant, de manière ingénue, que ad. Loi sur et un tollé la lancé modernisation une réflexion des techniques salutaire d’enquête sur la menace que , qui visait Facebook ne à obligerpas les données de profil affichées compilait représente les une compagnie fournisseurs de comme services Facebook. de télécommunication, par les téléphone utilisatrices et etles utilisateurs sur leur compte, mais seulement leurs activités en ligne, alors que ces activités en Internet, Cambridgeà Analytica se doter de la technologie nécessaire pour intercepter dévoilent beaucoup les plus sur une personne que ce qu’elle communications et permettre le transfert de données d’abonnés aux choisit d’afficher consciemment sur son compte! Cambridgesur autorités Analytica simple estdemande une compagnie (nom,créée en 2013de téléphone, adresse numéro par Alexander Nix qui offre à des partis politiques et à des Cambridge Analytica a très bien compris le potentiel de postale, adresse IP, adresse courriel), et ce sans cette entreprises de changer la perception et le comportement de autorisation judici- recherche et a enrôlé un des collègues de l’équipe de s et aire. Le projet populations cibles. de Elle loi est filiale est une tombé au Group de SCL feuilleton avecchercheur-e-s, qui offre le déclenchementAleksandr Kogan, pour la détourner aux fins de oir des élections des services fédérales semblables à travers en janvier 2005, jusqu’àCA.ce que Marlene le monde. il Jennings le remette sur la table par le biais du projet de loi privé C-416 Steve Bannon, qui a piloté la fin de la campagne électorale Pour atteindre leur objectif, Kogan et la compagnie Global suite auxTrump, de Donald pressions Association delel’conseil a siégé sur canadienne d’administration de CA des chefs Science de police Research (GSR). qu’il avait fondée ont exploité is. Ce projet de 2014 estC’est à 2016. présenté comme par l’entremise étant de ce une dernier quesimple Robert modernisation néces- la possibilité offerte (jusqu’en 2014) par Facebook aux Mercer a financé CA à hauteur de 15 millions de dollars US. saire pour lutter contre la cybercriminalité. En fait, il s’agit de doter lesdéveloppeurs d’application d’avoir accès aux données Robert Mercer est ce milliardaire, fervent supporteur et de tous les ami-e-s des utilisatrices et les utilisateurs de services donateur dede surveillance Donald et de également Trump, qui finance police de nouveaux le site pouvoirs l’application. quiqu’en sondant quelques dizaines de C’est ainsi seraient Breibart dedevenus Steve Banon. nécessaires. Or, la preuve n’a jamais été faite que milliers d’utilisatrices et d’utilisateurs Facebook, Kogan a pu ur les pouvoirs actuels étaient insuffisants, malgré de nombreux appelsmillions d’utilisateurs et d’utilisatrices récolter les données de L’outil utilisé par CA pour influencer les électrices et les (87 millions au dernier compte). Ces données ont permis à àélecteurs cet effet lancés découle parrecherche d’une des groupes de défense du département de des droits, Analytica Cambridge de même de cibler des électrices et des électeurs us que par la Commissaire à la Vie Privée psychologie de l’université Cambridge qui démontra en 2013 du Canada . D’après un et de les exposer journal- à des messages – choisis en fonction de leur qu’une iste duconnaissance Globe andétonnamment Mail, le projet fine de d’une loi personne obligerait les profilfournisseurs et dont ils ignoraient de la provenance – susceptibles de les pouvait être obtenue à partir d’un nombre limité de « j’aime » inciter à appuyer Trump. service Internet (FSI) à se doter d’une technologie qui permettrait de sur Facebook. Au moment de l’étude, les « j’aime » des mettre sous utilisatrices et dessurveillance simultanément utilisateurs étaient publics par défaut8000 et les individus à traversde La responsabilité le Facebook Canada. Comme le dit Jennifer Stoddart, Commissaire à la vie privé, chercheur-e-s ont souligné le potentiel dystopique de leurs «résultats. la Convention [contre la cybercriminalité] vise beaucoup Les chercheur-e-s plus que delal’université Cambridge ont mené leur recherche en respectant le protocole que doivent suivre lutte « La contre possibilitéledecybercrime : un de prédire des attributs dela ses principaux personne à les objectifs développeurs estd’application de Facebook et les milliers faciliter partir delefichiers partage des renseignements de données sur son comportement entre enles organismes d’utilisatrices etd’appli- d’utilisateurs Facebook impliqués dans la ligne peut cation de la avoir loides dansimplications les pays négatives considérables, participants. » recherche avaient donné leur consentement. Mais jamais ils parce qu’elle peut être utilisée à l’égard d’un grand nombre de personnes sans leur consentement et à leur insu. [...] 1. How Cambridge Analytica turned Facebook ‘likes’ into a lucrative political tool https:// www.theguardian.com/technology/2018/mar/17/facebook-cambridge-analytica-kogan- data-algorithm?CMP=Share_iOSApp_Other Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018 5 TS ET LIBERTÉS 5
Un monde sous surveillance n’avaient consenti à ce que ces données soient détournées à aux européennes et aux européens de connaître les données d’autres fins par Kogan et GSR. qui sont détenues sur eux et de les effacer entrera en vigueur le 25 mai. Les entreprises contrevenantes feront face à des Mark Zuckerberg tente de sauver la réputation Facebook amendes pouvant atteindre 4 % de leur chiffre d’affaires. en prétextant que CA n’a pas respecté les conditions auxquelles sont soumis les développeurs d’application et Des recours collectifs ont été initiés au Royaume Uni et que son organisation renforcera ses contrôles. Cependant, le aux États-Unis contre Cambridge Analytica, Facebook et Le projet de loi « accès licite » témoignage du gestionnaire de plateforme de Facebook en 2011 et 2012, Sandy Parakylas, montre que l’organisation a deux autres entreprises qui auraient utilisé les données de 71 millions d’usagères er d’usagers de manière inappropriée. de retour volontairement ignoré les menaces d’abus qui planaient sur les utilisatrices et les utilisateurs de Facebook. Sandy Parakylas Aleksandr Kogan et Steve Banon, qui était à la tête de CA au moment des faits, sont nommés dans la poursuite. Selon un a alerté dès 2012 les responsables de Facebook. des avocats londoniens, « Les défendeurs ont violé le droit à À la fin du mois de mars dernier, le projet d’accès licite la vieaprivée revud’utilisateurs le ordinaires de Facebook et, comme jour. En effet, « J’étaisce projet par préoccupé a d’abord le fait queété présenté les données à l’automnesi 2002, qui quittaient suite ce n’était pas suffisant, les fruits de cet abus sont réputés les serveurs à la ratification parde leFacebook Canadapour de laceux des développeurs Convention sur lane cybercriminalité avoir servi à subvertir . le processus démocratique. » 3 faisaient pas l’objet d’un suivi de la part de Facebook et Il a ensuite que pris nous la forme n’avions d’unidée aucune projet de cede loifaisaient qu’ils en novembre de ces 2005, intitulé à la protection de la vie privée du Canada Le Commissariat Loi sur ladonnées. modernisation »2 des techniques d’enquête, qui visait à obliger à l’information et à la protection de la vie et le Commissariat les fournisseurs de services de télécommunication, téléphone privée de la Colombie-Britannique et ont initié des enquêtes Les dirigeant-e-s de Facebook l’ont découragé d’enquêter conjointes sur Facebook et AggregateIQ afin d’établir si ces Internet, suràceseque doter de la faisaient lestechnologie développeurs. nécessaire « Veux-tu vraiment pour intercepter derniers ontles violé les lois du Canada sur la protection de communications voir ce que tuetvas permettre trouver? » lui le aurait transfert mêmede ditdonnées un cadre. d’abonnés la vie privée.auxAggregateIQ est une compagnie canadienne À l’époque, autorités sur simple les applications demandese(nom, multipliaient numéro sur Facebook de téléphone, liée à adresse Cambridge Analytica qui a vraisemblablement servi à et la compagnie prélevait 30 % sur les paiements effectués contourner la législation de l’Angleterre dans la campagne postale,viaadresse IP, adresse les applications en échange courriel), d’un accèsetaux cedonnées sans des autorisation judici- pour le Brexit. 4 aire. Leutilisatrices projet de loi utilisateurs. et des est tombé auParakylas Selon feuilleton avec le déclenchement les utilisatrices et les utilisateurs des élections de Facebook fédérales ne lisaient2005, en janvier pas ou ne pouvaient jusqu’à ce que La réglementation Marlene pour la protection de la vie privée n’a pas pas comprendre le contrat de service de la compagnie et suivi le développement fulgurant des nouvelles technologies Jennings le remette sur la table par le biais du projet de loideprivé le réglage des paramètres de Facebook. D’après Parakylas, C-416 l’information. Cela fait des années que des militant-e-s suite aux pressions de l’Association canadienne les données de la majorité des usagers et des usagères des chefs de police des droits de la.personne sonnent l’alarme et demandent un Ce projet est présenté Facebook comme ont probablement étéétant uneà simple récoltées leur insu modernisation par des meilleurnéces- encadrement. Avec les récents développements, la développeurs. saire pour lutter contre la cybercriminalité. En fait, il s’agit de doter situation n’a les jamais été aussi propice pour revendiquer des mécanismes internationaux de régulation des Facebook de servicesLesde surveillance retombées et de police de nouveaux pouvoirs du scandale ce monde etqui un régime efficace de protection des données seraient devenus nécessaires. Or, la preuve n’a jamais été faite quel’échelle planétaire.personnelles à L’affaire les pouvoirs Cambridge actuels étaientAnalytica/Facebook insuffisants, amalgré mis au de grand nombreux appels jour le manque de protection des données des usagères et à cet effet lancésl’utilisation des usagers, par desabusive groupes de défense qui pouvait être faitdes de cesdroits, de même la Commissaire que pardonnées et surtout qu’ilà laétait Vie impossible Privée dud’avoir Canada . D’après un journal- confiance dans les mécanismes d’autorégulation d’une iste du Globe and Mail, le projet de loi obligerait les fournisseurs de compagnie comme Facebook. Les regrets de Mark Zuckerberg et ses servicepromesses Internetde(FSI) à se àdoter faire mieux l’avenird’une technologie n’ont convaincu qui permettrait de personne. mettre sous surveillance simultanément 8000 individus à travers le Canada. L’Union Comme Européenne a annoncéStoddart, le dit Jennifer qu’elle comptait enquêter à la vie privé, Commissaire sur la collecte des données personnelles. Le Groupe de travail Les informations pour cet article sont tirées principalement « la Convention [contre Article 29 (G29) la cybercriminalité] qui chapeaute le travail de l’UEvise beaucoupdu*plus en matière site duque la Guardian. Pour en savoir plus, consulter sur ce site lutte contre le cybercrime : un de ses principaux de protection des données va mettre sur pied un groupe de objectifs est de « The Cambridge Analytica Files ». facilitertravail le partage des renseignements sur les médias sociaux afin de menerentredes les organismes d’appli- enquêtes et développer des stratégies communes. Une nouvelle loi cation de la loi dans les pays participants. » européenne de protection de la vie privée qui donne droit 3. Facebook and Cambridge Analytica face class action lawsuit https://www.theguardian. com/news/2018/apr/10/cambridge-analytica-and-facebook-face-class-action- lawsuit?CMP=Share_iOSApp_Other 2. « Utterly horrifying »: ex-Facebook insider says covert data harvesting was routine 4. AggregateIQ: the obscure Canadian tech firm and the Brexit data riddle https://www. https://www.theguardian.com/news/2018/mar/20/facebook-data-cambridge-analytica- theguardian.com/uk-news/2018/mar/31/aggregateiq-canadian-tech-brexit-data-riddle- sandy-parakilas?CMP=Share_iOSApp_Other cambridge-analytica?CMP=Share_iOSApp_Other BERTÉS 6 Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018 5
Ailleurs dans le monde Liberté d’association Peut-on encore « terrasser le mammouth »? Kirill Koroteev, directeur juridique Centre des droits de l’homme « Mémorial » à Moscou, Russie M on ami et collègue, le juriste russe Andreï Ïessine, enseignait le droit international relatif aux droits de l’homme et a fait carrière à l’international. J’ai déjà assisté à une conférence qu’il donnait sur le système européen de la protection des droits. « À quoi sert la liberté d’association? », demandait-il aux étudiant-e-s et aux professionnel-le-s présents. Cette question peut rendre perplexes même les militant-e-s expérimentés. Les réponses étaient : « Pour se réunir… pour créer des associations et un syndicat… ». Andreï n’était visiblement pas satisfait des réponses. « Vous oubliez l’essentiel : elle sert à terrasser le mammouth! » C’est devenu un truisme de dire que la liberté d’association est en danger. Les conférences et discussions sur le shrinking amendes dépassant au total 10 000 dollars... Mais cette loi space se multiplient à la même vitesse que celle de n’ajoute presque rien aux exigences comptables et fiscales l’augmentation des lois liberticides. La Russie arrive au premier adoptées en 2006 et les associations qui ne reçoivent que rang de ce palmarès avec l’adoption de la réglementation du financement russe peuvent continuer à fonctionner dans restrictive sur le financement étranger des ONG en 2006 et l’opacité financière. surtout avec la loi sur les « agents de l’étranger » en 2012. Cette dernière oblige les ONG qui reçoivent des fonds de La condition de « participation à l’activité politique » ne provenance étrangère, aussi minimes soient-ils, et qui se limite pas aux ONG qui, par exemple, soutiennent des « s’engagent dans l’activité politique » à se déclarer comme candidat-e-s aux élections. La loi définit l’« activité politique » « agent de l’étranger » auprès du Ministère de la justice. comme « toute influence sur l’opinion publique susceptible Depuis 2014, le Ministre peut désigner de son propre chef des d’agir sur les décisions prises par les organes de pouvoir ». ONG comme des « agents de l’étranger ». Compte tenu de l’évolution politique des dix dernières années en Russie, qui a éliminé toute possibilité d’influence des Plusieurs problèmes se sont posés depuis l’adoption de ONG sur les décisions du pouvoir, prouver cette influence cette loi qui prétendait viser la transparence financière. est difficile à faire pour l’administration. Pour y arriver, elle D’abord « agent de l’étranger » signifie en russe « un espion, devrait présenter des études sociologiques, des témoignages, un ennemi » et réfère à la période de la Grande terreur etc. Pour éviter cette recherche approfondie de preuves, les stalinienne des années 1930. Cette étiquette est en soi procureurs et le Ministère de la justice se limitent à dire que inacceptable et ce choix fait par le législateur russe en 2012 et tout texte sur le site d’une ONG constitue une influence sur en 2014, ainsi que les sanctions qui s’élèvent à 7 000 dollars l’opinion publique et, en conséquence, sur les décisions du pour ne pas avoir identifié un texte sur Internet comme pouvoir. Ceci permet de définir n’importe quelle association provenant d’un « agent de l’étranger », démontrent que le comme un « agent de l’étranger ». but était de stigmatiser les groupes indépendants plutôt que d’assurer la transparence financière. Des ONG qui défendent la Pire encore, les tribunaux reconnaissent une liberté transparence des élections, les droits de l’homme, mais aussi totale à l’administration dans la désignation des « agents de l’environnement, les minorités et les groupes vulnérables, l’étranger ». Il est possible de saisir un juge d’un recours pour ont été forcées de cesser leurs activités sous la menace de abus de pouvoir de la part de l’administration, mais il accepte lourdes sanctions financières, d’autres ont été dissoutes par sans question ni réserve toute appréciation de l’administration des décisions judiciaires, d’autres encore ont reçu plusieurs et s’incline devant elle. Les conséquences vont bien au-delà Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018 7
Ailleurs Dossierdans : le monde de la répression de la société civile. Une fois la désignation En effet, les nouvelles technologies numériques donnent en vertu de la « loi sur les agents de l’étranger » reconnue une voix dans l’espace public à des millions de personnes qui par le juge, la liberté illimitée d’action ne peut être refusée à n’étaient que consommatrices de médias auparavant. Les l’administration. La discrétion administrative est donc absolue, réseaux sociaux sont souvent pointés du doigt parce qu’ils compte tenu de l’absence de contrôle juridique. permettent la diffusion de fake news. Toutefois, dans les pays où les journaux et les stations de radio et de télévision sont L’effet de ces actions contre la société civile dépasse les contrôlés par le pouvoir, c’est par l’Internet que les personnes frontières. Les pratiques de limitation des droits circulent indépendantes et critiques peuvent s’exprimer, s’adresser vite entre dirigeant-e-s qui souhaitent éviter la contestation aux autres, se réunir – et au moins constater qu’elles ne sont et rester au pouvoir pour une durée illimitée, comme celles pas seules. Cela peut se faire avec une efficacité et à une et ceux de la Hongrie, de la Pologne, d’Israël, de l’Inde, de vitesse auparavant inaccessibles. Pensons, par exemple, aux l’Ethiopie et du Zimbabwe, qui adoptent les mêmes pratiques. dissident-e-s soviétiques qui étaient limités aux quatre copies Il en résulte que même les démocraties beaucoup plus libérales d’une page que les meilleures machines à écrire de l’époque que celle de Viktor Orbán (Hongrie) acceptent tacitement pouvaient produire en même temps. Les associations établies que les gouvernements réglementent le financement de en tant que personnes morales facilitent la mise en commun la société civile comme bon leur semble – au lieu d’exiger des ressources et la professionnalisation du personnel. Mais la transparence du financement des partis, ainsi que des le socio financement permet maintenant à la société civile de campagnes électorales des candidat-e-s. mettre en œuvre des initiatives par la voie numérique, sans avoir besoin ni de bureaux ni d’archives papier. Et s’il n’y a pas Malgré le recul quasi-universel des droits et libertés, dans de bureaux, les procureurs n’ont rien à perquisitionner. Les ces conditions peu favorables à la liberté d’association, mammouths ont encore des raisons de s’inquiéter… existe-il des raisons d’espérer? La réponse est affirmative. ABONNEZ-VOUS DÈS MAINTENANT ! www.revuerelations.qc.ca 8 Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018
Dossier : Droit au logement Présentation Droit au logement et conflits sociaux Martin Gallié, Professeur de droit Département des Sciences juridiques, UQAM L es analyses et les témoignages regroupés dans ce dossier spécial de la Ligue des droits et libertés sur le droit au logement invitent de nouveau à se poser la lancinante question : « Que faire »? Contradictions sociales et inégalités de logement Le logement est de loin le premier poste de dépense des Québécois-es, propriétaires (60 % des cas) ou locataires (40 %). Ces données masquent cependant l’essentiel, à savoir la « spirale des inégalités1 » en matière de logement. D’un côté, une minorité : les détentrices et détenteurs de capitaux et de patrimoine, des entreprises immobilières ou celles qui spéculent sur l’« or gris » des personnes retraitées2, les héritières et héritiers ou de rares épargnant-e-s qui ont pu investir au bon moment et au bon endroit, engrangent des profits et des héritages records, au point de menacer, selon certains économistes3, la démocratie et la justice sociale. De l’autre, l’immense majorité, les classes populaires : travailleuses et travailleurs précaires, au salaire minimum, au chômage, personnes assistées sociales, immigrantes, sans statut, retraitées, qui n’arrivent pas à payer leur loyer, leur hypothèque ou leur établissement de retraite. Il y a chaque année 2 000 saisies immobilières et plus de 40 000 demandes d’expulsion de locataires pour non-paiement, toutes accordées ou presque par la Régie du logement, jetant ainsi à la rue des milliers de personnes. De ces inégalités économiques découlent par ailleurs des inégalités en ce qui a trait à la maladie, la santé mentale et, en fin de compte, l’espérance de vie. De fait, les riches et les pauvres ne respirent pas le même air, ne boivent pas la même eau, ne disposent pas du même espace vital, ne jouent pas sur les mêmes terrains de jeu, etc. Or, selon l’Organisation mondiale de la santé, l’insalubrité est la première cause de mortalité dans le monde pour les catégories sociales les plus vulnérables, et la situation risque de se dégrader davantage encore avec l’accroissement de la pollution atmosphérique et le réchauffement climatique4. Sur l’île de Montréal, aujourd’hui, 5 000 enfants souffrent de problèmes respiratoires en raison d’une humidité excessive du logement5. Par ailleurs, si la question du « sexe de la propriété » reste sous-documentée6, on sait que les femmes sont moins souvent propriétaires que les hommes7, que la part du revenu qu’elles consacrent au logement est plus importante pour elles que pour les hommes alors même qu’elles gagnent 25 % de moins - l’équivalent des dépenses moyennes en matière de logement. 1. BUGEJA-BLOCH, Fanny. Logement, la spirale des inégalités, PUF, 2013. 2. NÉNIN, François, et Sophie LAPART. L’Or gris, Flammarion, 2011. 3. Piketty, Thomas, Le capital au XXI siècle, Seuil, 2013. 4. OMS, PRÜSS-ÜSTÜN, Annette, et autres, en ligne : . 5. DSP, à la p 28 en ligne : 6. GOLLAC, Sibylle. Le genre caché de la propriété dans la France contemporaine, 2017, 1 CdG 43. 7. CSF, https://www.csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/portrait_national_egalite_2016.pdf Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018 9
Dossier : Droit au logement On sait également que 76 % des familles monoparentales ont à leur tête des femmes qui hébergent leurs enfants avec tout ce que cela implique en termes de coût et de difficultés à trouver un logement. Enfin, le logement, c’est aussi le lieu du « privé » et de ce qui s’y cache, le lieu du travail domestique et des violences conjugales, y compris les agressions à caractère sexuel. Aux États-Unis, les recherches montrent que les expulsions frappent de manière complètement disproportionnée les femmes racisées8? À Baltimore, les victimes d’insalubrité qui se présentent au tribunal sont afro-américain-e-s dans 94 % des cas, des femmes dans 79 % des cas, des femmes avec des enfants pour 65 %9? Faute de données disponibles au Québec sur ces enjeux, on rappellera simplement que les États-Unis n’ont bien évidemment pas le monopole du sexisme et du racisme. À titre d’exemple, les 2 000 locataires autochtones du Nunavik reçoivent chaque année entre 500 et 1 000 demandes d’expulsion, alors qu’ils sont logés dans des HLM insalubres et surpeuplés. L’État et le droit au logement L’État, qu’il soit fédéral ou provincial, reste quant à lui largement absent. Il n’y a plus de construction d’Habitations à loyer modique (HLM) depuis 1993. Les politiques sociales actuelles en matière de logements sociaux « restent globalement sans effets » et elles ferment « l’accès de ces nouveaux logements aux populations les plus stigmatisées et indésirables10 ». L’État se décharge de sa responsabilité et de l’obligation d’agir sur les travailleuses et travailleurs d’organismes communautaires, toujours sous-financés. Les deux niveaux de gouvernement refusent toujours, par ailleurs, d’inscrire le droit au logement dans les Chartes, malgré les demandes répétées des différentes commissions des droits de la personne et en dépit d’importantes luttes juridiques menées en Colombie-Britannique et en Ontario11. Ils multiplient ainsi les infractions aux normes minimales fixées par le droit international. Le Québec ne s’est toujours pas doté d’une politique nationale de logement et de lutte contre l’insalubrité, tandis que la toute récente Stratégie nationale du gouvernement fédéral « inquiète » la rapporteure spéciale des Nations Unies12. Aussi en infraction avec le droit international, il n’y a aucune mesure de prévention contre les expulsions; les locataires sont automatiquement expulsés, pour 2 $ ou 10 $ d’arriérés, sans aucune prise en compte des causes et des conséquences sociales et sanitaires des expulsions. Les locataires victimes de violence conjugale ont, quant à elles, depuis peu, le droit de résilier leur bail en payant deux mois de loyer au propriétaire, mais toujours pas celui de garder leur logement. Au niveau du contentieux, de rares avocat-e-s se battent pour faire valoir le droit au logement des victimes d’insalubrité ou qui risquent l’expulsion pour non paiement. Mais les locataires, qui sont les premiers visés au Québec, ne recourent pas au tribunal, où le droit de propriété prime sur tous les autres droits humains et sur les enjeux de santé publique. À peine 30 % des locataires visés sont présents aux audiences d’expulsion et les recours en matière de discrimination (moins d’une centaine par an à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) ou d’insalubrité sont rarissimes (700 demandes par an, soit 1 % du volume du contentieux). Face à ces inégalités et à ces injustices, qui ne sont pas propres au Québec13, David Harvey et d’autres14 s’interrogent : « Oserons-nous parler de lutte des classes15? » en matière de logement. Or, si l’on veut construire des solidarités et garantir le droit au logement à toutes et tous, les données recueillies dans ce numéro nous invitent à élargir cette lutte aux inégalités fondées sur le sexisme d’une part et sur le racisme d’autre part16. 8. DESMOND Matthew et Carl GERSHENSON. Who gets evicted? Assessing individual, neighborhood and network factors ,2016, SSR 1 9. Public Justice Center, http://www.publicjustice.org/uploads/file/pdf/JUSTICE_DIVERTED_PJC_DEC15.pdf 10. DESAGE, Fabien. Les exclus de l’inclusion. Construire du logement social en temps d’austérité et de mixité (France-Québec), 2017.ES 15. 11. YOUNG, Margot. Charter Eviction: Litigating Out of House and Home, 2015, JLSP 24, 46-67 12. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1091304/droit-logement-plan-gouvernement-federal-locataire 13. DAVIS, Mike. Planet of Slums: Urban Involution and Informal Proletariat, 2004. NLR 5. 14. SMITH, Neil. Retour sur La question du logement, Espaces et sociétés, 2017, pp. 133-138; GARNIER, Jean-Pierre. Du droit au logement au droit à la ville : de quel(s) droit(s) parle-t-on ?,2011, L’Homme et la société 197 15. HARVEY, David. Le droit à la ville, 2008, http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/2011/12/david-harvey-le-droit-la-ville.html 16. BOUILLON Florence, Anne CLERVAL et Stéphanie VERMEERSCH. Logement et inégalités, 2017, ES 7. 10 Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018
Dossier : Droit au logement Des Voix Des Droits Un toit. Photo : Jimena Michea, 2008, Archives FRAPRU Les principales luttes du mouvement pour le droit au logement au Québec Jean-Vincent Bergeron-Gaudin, doctorant en science politique Université de Montréal L e mouvement pour le droit au logement au Québec s’appuie sur une riche tradition militante. Depuis les années 1970, des dizaines d’organisations (comités logement, associations de locataires, comités de citoyen- ne-s, etc.) militent à l’échelle locale, provinciale et fédérale Le développement du logement social La création de la Société d’habitation du Québec (SHQ) en 1967 marque le début des programmes d’aide au logement dans la province. La première formule privilégiée à l’époque pour défendre un meilleur accès au logement et un plus est celle des habitations à loyer modique (HLM). Financée grand contrôle des citoyen-ne-s sur leurs conditions de vie en grande partie par des transferts fédéraux, cette forme de dans ce domaine. Ayant vu le jour à l’apogée des politiques logement public permet à l’ensemble des ménages rejoints providentialistes au Québec, ce mouvement a contribué au de consacrer seulement 25 % de leurs revenus pour se loger. fil du temps à maintenir un minimum de protection sociale À partir de 1973, le fédéral décide d’encourager également entourant un bien, trop souvent considéré comme une simple la formule des coopératives d’habitation, en développant un marchandise. Retour sur certaines des luttes qui ont jalonné programme d’achat-restauration qui permet la réhabilitation l’histoire de ce mouvement. de vieux immeubles. Le provincial suit l’exemple et adopte en Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018 11
Dossier : Droit au logement axées sur la personne, par exemple le supplément au loyer sur le marché privé, compris dans le vocable de logement abordable, AccèsLogis a réussi au fil du temps à maintenir une part des investissements en habitation pour le logement social. En dépit de sa réévaluation dans les dernières années, le programme résiste encore. La règlementation des loyers Contrairement aux programmes d’aide au logement qui ont maintes fois été réformés, la législation en matière de règlementation des loyers sur le marché privé est demeurée stable dans les dernières décennies au Québec. Historiquement, le provincial a opté dans ce domaine pour une approche dite de conciliation, en privilégiant la négociation de gré à gré entre locataires et propriétaires et en n’intervenant qu’en cas de litige. Cette approche a l’inconvénient de faire reposer le fardeau du contrôle des loyers sur le dos des locataires, en plus de faire abstraction des rapports de pouvoir inégaux entre locataires et propriétaires. Photo: Archives RCLALQ Le mouvement pour le droit au logement a toujours fait valoir la nécessité d’un contrôle universel et obligatoire des loyers. En l’absence d’un tel mécanisme, les comités logement se sont battus pour maintenir et améliorer les instruments Campagne « Pour une hausse de loyers contrôlées », légaux qui permettent aux locataires de mieux se défendre. devant l’Assemblée nationale, Québec, 22 mai 1991. Les pressions exercées ont notamment conduit à l’adoption d’un formulaire de bail-type obligatoire en 1996, après une lutte de longue haleine. Les comités logement surveillent 1977 un programme de financement destiné aux groupes de également à chaque année la publication des indices de ressources techniques (GRT) pour accompagner les citoyen- fixation de loyer par la Régie du logement pour informer les ne-s dans leur projet d’habitation communautaire. locataires des hausses jugées acceptables. La lutte rapide et victorieuse menée en 2017 pour le rétablissement de ces Les investissements en logement social durant les années indices, après que la Régie eût cavalièrement décidé de ne 1970 sont élevés et surtout orientés vers l’aide à la pierre. plus les publier, montre l’importance de cet outil dans leur Suivant le ralentissement économique, les premières travail. coupures surviennent au tournant des années 1980. À peine formé, le Front d’action populaire en réaménagement urbain Plusieurs organisations revendiquent depuis de nombreuses (FRAPRU) décide en 1981 de prioriser cet enjeu et devient années l’instauration d’un registre des loyers. En permettant le principal porteur des luttes dans ce domaine. Pendant la aux locataires d’avoir accès à une source d’information fiable première moitié des années 1980, le regroupement se bat sur le montant précédemment payé pour leur logement, pour maintenir et intensifier les programmes permettant la cet instrument aiderait à prévenir les hausses abusives de construction de HLM et de coopératives d’habitation. Au fil loyer lors du changement de bail. Principal porteur de cette des années, l’accessibilité des programmes continue d’être revendication, le Regroupement des comités logement et remise en question, notamment avec la négociation en 1986 associations de locataires du Québec (RCLALQ) a fait une d’une nouvelle entente fédéral-provincial en habitation, qui campagne très active autour de cette demande au tournant vient restreindre les critères de sélection. Le retrait du fédéral des années 2010, allant jusqu’à obtenir l’appui de plus d’une du secteur en 1994 porte un dur coup. trentaine de député-e-s provinciaux et de la Ville de Montréal. Le registre se fait cependant toujours attendre. L’adoption par le provincial du programme AccèsLogis en 1997 représente encore à ce jour l’une des principales L’accès à la justice pour les locataires victoires du mouvement pour le droit au logement au Québec. Fruit d’un important travail de représentation de la part du La Régie du logement a aussi fait l’objet de nombreuses FRAPRU et d’autres acteurs du milieu du logement social, ce critiques de la part des comités logement depuis sa création en programme a permis la réalisation de plus de 27 000 unités 1980. Basé sur un idéal d’accessibilité à la justice, ce tribunal de logement sous forme de coopératives ou d’organismes administratif avait initialement pour mandat de renseigner sans but lucratif (OSBL) d’habitation depuis sa mise sur pied. les locataires et les propriétaires sur leurs droits, de favoriser Malgré l’intérêt du provincial pour d’autres formes d’aide la conciliation et de réaliser des études sur la situation du 12 Revue de la Ligue des Droits et Libertés • Printemps 2018
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