Dysplasies osseuses héréditaires et voies de signalisation associées aux récepteurs FGFR3 et PTHR1 Hereditary skeletal dysplasias and FGFR3 and ...
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Document generated on 01/07/2022 7:50 p.m. M/S : médecine sciences Dysplasies osseuses héréditaires et voies de signalisation associées aux récepteurs FGFR3 et PTHR1 Hereditary skeletal dysplasias and FGFR3 and PTHR1 signaling pathways Jacky Bonaventure and Caroline Silve Maladies génétiques Article abstract Volume 21, Number 11, novembre 2005 Skeletal development is a highly sophisticated process involving, as a first step, migration and condensation of mesenchymal cells into osteoprogenitor cells. URI: https://id.erudit.org/iderudit/011961ar These cells further differentiate into chondrocytes and osteoblasts through multiple differentiation stages requiring a set of specific transcriptional See table of contents factors. Defective endochondral ossification in human is associated with a large number of inherited skeletal dysplasias caused by mutations in genes encoding extracellular matrix components, growth factors and their receptors, signaling molecules and transcription factors. This review summarizes some of Publisher(s) the recent findings on a series of chondrodysplasias caused by mutations in SRMS: Société de la revue médecine/sciences FGFR3 and PTHR1, two receptors expressed in the cartilage growth plate and Éditions EDK mediating two main signaling pathways. Data from human diseases and relevant animal models provide new clues for understanding how signaling molecules and their interaction with key transcription factors control and ISSN regulate the development and growth of long bones. 0767-0974 (print) 1958-5381 (digital) Explore this journal Cite this article Bonaventure, J. & Silve, C. (2005). Dysplasies osseuses héréditaires et voies de signalisation associées aux récepteurs FGFR3 et PTHR1. M/S : médecine sciences, 21(11), 954–961. Tous droits réservés © M/S : médecine sciences, 2005 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
MEDECINE/SCIENCES 2005 ; 21 : 954-61 Dysplasies osseuses héréditaires > La croissance des os longs se fait selon un et voies de processus complexe impliquant la migration et signalisation la condensation de cellules mésenchymateuses associées aux en cellules chondrogéniques qui se différencient en chondrocytes produisant la matrice cartila- récepteurs FGFR3 gineuse pour former la plaque de croissance. De et PTHR1 nombreux facteurs protéiques sont impliqués Jacky Bonaventure, Caroline Silve dans la régulation de ces phénomènes parmi les- quels des facteurs transcriptionnels, des facteurs de signalisation et des protéines de la matrice extracellulaire dont le rôle a été révélé grâce aux études de génétique moléculaire sur des dysplasies osseuses humaines et à la création de J. Bonaventure : CNRS UMR 146, Institut Curie, Bâtiment 110, modèles animaux reproduisant certaines de ces Centre Universitaire Paris Sud, maladies. Cet article se focalise sur deux récep- 91405 Orsay, France. teurs, FGFR3 et PTHR1, dont l’importance dans la C. Silve : Inserm U.426, Faculté croissance des os longs est illustrée par le groupe de Médecine Xavier Bichat, 16, de dysplasies osseuses qui leurs sont associées. rue Henri Huchard, 75870 Paris, Des résultats récents indiquent que prolifération France. et différenciation chondrocytaires sont étroi- dans plusieurs gènes caroline.silve@bichat.inserm.fr (exemple : dysplasie tement liées et que la croissance harmonieuse polyépiphysaire) (Tableau I) [2]. Enfin, certaines des os longs repose sur un équilibre strict entre de ces pathologies sont associées à des anoma- différentes voies de signalisation dont celles lies du métabolisme des ions calcium et phosphate contrôlées par ces facteurs. < essentiels au développement et au maintien de la structure du cartilage et de l’os. La multiplicité des gènes et la complexité des systèmes de régulation mis en jeu dans les dysplasies osseuses sont telles Les manifestations cliniques des maladies osseuses qu’il serait illusoire de prétendre en faire une syn- héréditaires (ostéochondrodysplasies et dysostoses) thèse exhaustive dans un seul article. Nous avons sont multiples et peuvent conduire à des phénotypes donc choisi de présenter les mécanismes généraux de sévérité extrêmement variable. La classification régulant le développement du squelette, de décrire internationale des maladies osseuses constitu- les étapes et les principaux facteurs contrôlant le tionnelles recense plus de 200 entités nosologiques développement des membres et de nous focaliser sur distinctes [1]. La similitude des anomalies squelet- les chondrodysplasies associées à des anomalies des tiques a permis de définir des familles de chondro- voies de signalisation régies par le FGFR3 (fibroblast dysplasies dont la validité clinique a été confirmée growth factor receptor-3) et le PTHR1 (récepteur de par l’analyse moléculaire et renforcée dans de l’hormone parathyroïdienne, PTH et de son peptide nombreux cas par la création de modèles murins. Les apparenté, PTHrP, encore appelé récepteur PTH/ études moléculaires ont également montré qu’une PTHrP). Ces deux voies jouent un rôle majeur dans même entité clinique peut résulter de mutations l’ossification enchondrale [3]. De plus, certaines des pathologies dues à des mutations de PTHR1 fournis- sent un exemple de dysplasies liées à des troubles du Article reçu le 28 avril 2005, accepté le 5 septembre 2005. métabolisme phosphocalcique. 954 M/S n° 11, vol. 21, novembre 2005 954_961.indd 954 21/11/05 15:58:08
Développement du squelette des vertébrés montre la présence d’un repli de cellules épithéliales formant la crête apicale ectodermique, située le long Le développement du squelette des vertébrés, soit de l’axe antéro-postérieur (Figure 2). Cette structure plus de deux cent os formés de deux tissus (os et est impliquée, via une interaction de type épithélio- cartilage), met en jeu deux types d’ossification : enchondrale et mésenchymateuse, dans le maintien de la prolifération membranaire. L’ossification enchondrale concerne les os longs, les des cellules localisées sous la crête apicale qui restent REVUES vertèbres et quelques os de la base du crâne et dépend de l’existence indifférenciées et définissent la zone de progrès. Une d’une maquette cartilagineuse synthétisée par les chondrocytes. Elle troisième zone située postérieurement, appelée zone repose sur une structure très particulière nécessaire à la croissance d’activité polarisante, détermine la polarité antéro- des os en longueur et à la différenciation de l’os primaire, la plaque postérieure [7]. de croissance. L’ossification membranaire1 concerne les os plats et se Parmi les facteurs de signalisation contrôlant la mise caractérise par une différenciation directe de cellules ostéoprogéni- en place et la croissance du bourgeon de membre, le trices en pré-ostéoblastes puis en ostéoblastes matures dont certains facteur le plus précocement exprimé est le FGF8, l’un deviennent des ostéocytes enclavés dans la matrice osseuse. Les deux des 22 membres de la famille des FGF (facteurs de types d’ossification font appel à des processus complexes incluant la croissance fibroblastique) identifiés chez l’homme2. SYNTHÈSE migration et la condensation de cellules mésenchymateuses (morpho- FGF8 est sécrété par les cellules de la crête apicale et genèse) ainsi que leur différenciation en cellules cartilagineuses et/ou semble responsable du maintien de la prolifération osseuses (organogenèse) [4]. Au niveau embryonnaire, les cellules des cellules de la zone de progrès. De plus, il intervient mésenchymateuses chondrogéniques et ostéogéniques peuvent dériver dans l’induction de la zone polarisante en déclenchant de la crête neurale, des somites ou des plaques latérales du mésoderme [5]. Un troisième type Cellules souches cellulaire, l’ostéoclaste (ou chondroclaste), mésenchymateuses dérivé de la lignée hématopoïétique (monocyte/ macrophage) est responsable de la résorption du Prolifération Condensation mésenchymateuse tissu squelettique minéralisé. Les gènes impliqués Faible signal Fort signal dans la morphogenèse sont essentiellement des βcaténine/Wnt βcaténine/Wnt facteurs de transcription [6], tandis que l’or- Runx2 ganogenèse requiert des protéines de la matrice Préchondrocytes COLII COLI Pré-ostéoblastes extracellulaire, des facteurs de signalisation et Sox9 ALP Osx Sox5/6 NFATc1 des facteurs transcriptionnels (Figure 1). Chondrocytes COLII Différenciation articulaires PTHrP COLI BSP Ostéoblastes Étapes et principaux facteurs impliqués Chondrocytes COLII OC IHH dans le développement des membres prolifératifs FGFR3 Runx2 Chondrocyte Ostéocyte hypertophique COLX Formation du bourgeon de membre et facteurs de signalisation régulant sa croissance Cartilage Os Chez l’humain, la formation du bourgeon de membre supérieur débute au 24e jour de déve- Figure 1. Formation et régulation par des facteurs transcriptionnels des lignées chon- loppement embryonnaire et se manifeste sous la drocytaire et ostéoblastique. Après l’étape de condensation, l’intensité de la signali- forme d’une protubérance issue du mésoderme sation β-caténine/Wnt va déterminer la différenciation des cellules ostéoprogénitrices latéral au niveau des sclérotomes C4 à C8. Le en chondrocytes ou en ostéoblastes. Les molécules de la matrice extracellulaire syn- bourgeon de membre inférieur apparaît un peu thétisées par les différents types cellulaires sont notées en noir (COL I : collagène I ; plus tard à la fin de la 4e semaine de gestation. COL II : collagène II ; COL X : collagène X ; BSP : bone sialoprotein ; OC : ostéocalcine ; Chaque bourgeon se compose d’un noyau cen- ALP : phosphatase alcaline) et les facteurs transcriptionnels régulant la différenciation tral de cellules mésenchymateuses d’origine des chondrocytes et des ostéoblastes sont notés en rouge (Osx : Osterix, facteur codé mésodermique recouvertes d’une couche de cel- par le gène Sp7 et contenant un domaine en doigt de zinc ; NFATc1 : nuclear factor of lules ectodermiques. L’extrémité du bourgeon activated T cells) [6]. NFATc1 régule l’activité transcriptionnelle de Osx. Les molécules de signalisation sont représentées en vert (PTHrP : parathyroid hormone related pep- 1 Il est à noter que la clavicule s’ossifie en mettant en jeu les deux proces- tide ; IHH : Indian hedgehog ; FGFR3 : fibroblast growth factor receptor 3). Les osté- sus d’ossification, endochondrale et membranaire. 2 Bien qu’il existe un FGF23 chez l’homme, le FGF15 n’a pas été identifié. La oblastes synthétisent une matrice osseuse dans laquelle certains ostéoblastes sont famille des FGF dans l’espèce humaine comporte ainsi 22 membres. enclavés et convertis en ostéocytes. M/S n° 11, vol. 21, novembre 2005 955 954_961.indd 955 21/11/05 15:58:11
Chondrodysplasie Transmission Gène Type de protéine Achondrogenèse II (ACG2) Dominante COL2A1 Matrice extracellulaire Hypochondrogenèse (HCG) Dominante COL2A1 Matrice extracellulaire Dysplasie spondyloépiphysaire congénitale Dominante COL2A1 Matrice extracellulaire (SEDc) Syndrome de Kniest Dominante COL2A1 Matrice extracellulaire Syndrome de Stickler Dominante COL2A1 Matrice extracellulaire Dominante COL11A2 Matrice extracellulaire Syndrome de Marshall Dominante COL11A2 Matrice extracellulaire Dysplasie oto-spondylo-méga épiphysaire Récessive COL11A2 Matrice extracellulaire (OSMED) Dysplasie poly-épiphysaire (MED) Dominante COL9A1 Matrice extracellulaire Dominante COL9A2 Matrice extracellulaire Dominante COL9A3 Matrice extracellulaire Dominante COMP Matrice extracellulaire Dominante Matrilin 3 Matrice extracellulaire Récessive DTDST Transporteur de sulfate Dysplasie métaphysaire type Schmid (SCMD) Dominante COL10A1 Matrice extracellulaire Pseudo-achondroplasie Dominante COMP Matrice extracellulaire Achondrogenèse IB (ACG1B) Récessive DTDST Transporteur de sulfate Atélostéogenèse 2 (AO2) Récessive DTDST Transporteur de sulfate Dysplasie diastrophique Récessive DTDST Transporteur de sulfate Chondrodysplasie ponctuée Liée à l’X ARSE Enzyme (arylsulfatase) Achondroplasie (ACH) Dominante FGFR3 Récepteur tyrosine kinase Hypochondroplasie (HCH) Dominante FGFR3 Récepteur tyrosine kinase Nanisme thanatophore (TD) Dominante FGFR3 Récepteur tyrosine kinase Syndrome de Robinow Récessive ROR2 Récepteur tyrosine kinase Brachydactylie type B Dominante ROR2 Récepteur tyrosine kinase Dysplasie acro-mésomélique Récessive CDMP1 Facteur morphogénétique Brachydactylie type C Dominante CDMP1 Facteur morphogénétique Dysplasie acro-capito-fémorale Récessive IHH Facteur de signalisation Brachydactylie type A1 Dominante IHH Facteur de signalisation Dysplasie métaphysaire Dominante PTHR1 Récepteur hormonal type Jansen (JMC) Dysplasie de Blomstrand Récessive PTHR1 Récepteur hormonal Dysplasie campomélique Dominante SOX 9 Facteur transcriptionnel Dyschondrostéose Pseudo-autosomique SHOX Facteur transcriptionnel Dysplasie chondro- ectodermique (Evc) Récessive EVC1 Facteur transcriptionnel EVC2 Facteur transcriptionnel Tableau I. Liste des chondrodysplasies dont le gène responsable et la protéine correspondante ont pu être identifiés et partiellement caractérisés. 956 M/S n° 11, vol. 21, novembre 2005 954_961.indd 956 21/11/05 15:58:12
l’expression de Sonic hedgehog (SHH), un médiateur plasie létale, la dysplasie campomélique [15]. de la polarisation antéro-postérieure [8]. FGF8 est également capable d’induire l’expression de FGF10 Plaque de croissance et chondrogenèse qui s’exprime dans la partie distale du mésenchyme Au fur et à mesure que progresse la condensation des du bourgeon et assure une régulation en retour de l’expression de cellules mésenchymateuses en chondrocytes, il devient FGF8. Cette régulation réciproque des deux facteurs s’effectue par le possible d’identifier certaines zones correspondant à des REVUES biais de FGFR2, un des récepteurs des FGF pour lequel deux isoformes sous-populations de chondrocytes à différents stades majeurs ont été identifiées. L’isoforme IIIb s’exprime dans les cellules de différenciation (Figure 3). Les chondrocytes localisés épithéliales et se lie au FGF10, alors que l’isoforme IIIc s’exprime dans à l’extrémité de l’épiphyse sont immatures et définis- les cellules mésenchymateuses et se lie au FGF8 [9]. D’autres facteurs sent la zone de réserve. Les cellules les plus distales sont synthétisés par les cellules ectodermiques dorsales notamment ont la capacité d’entrer en division pour engendrer la engrailed 1 (En-1) et Wnt7a. Ce dernier agit par l’intermédiaire de zone proliférative qui montre un empilement de cellules Lmx-1 exprimé dans le mésoderme sous-jacent pour contrôler la formant des groupes isogéniques. Les chondrocytes de formation des membres selon l’axe dorso-ventral [7]. L’ensemble de la partie distale de cette zone cessent de proliférer et ces facteurs définit un réseau de signalisation impliqué dans la mise commencent à se différencier en chondrocytes préhy- SYNTHÈSE en place des trois axes de symétrie du membre (Figure 2). Ces mêmes pertrophiques dont la taille est supérieure à celle des facteurs sont capables de réprimer leur propre activité en induisant la chondrocytes prolifératifs. La différenciation se poursuit synthèse d’antagonistes (Pbx, Meis) formant des complexes avec les et s’accompagne d’un accroissement de la taille des cel- gènes Hox exprimés dans la partie distale du membre, notam- ment les gènes Hoxa13 et Hoxd13, pour assurer un contrôle AA BB CC FGF8 D FGF8 D FGFR1 strict de la croissance des membres [10]. AER Condensation des cellules mésenchymateuses PZ L’étape de condensation des cellules mésenchymateuses pour former les éléments préchondrogéniques joue un rôle décisif E Antérieur dans l’architecture finale de chacun des éléments du sque- (Wint7a) lette, mais reste mal comprise au niveau moléculaire. L’ini- Hox Ventral tiation de la condensation dans la région proximale du mem- bre supérieur va permettre la formation de l’humérus, puis le Pbx-Meis PZ processus se propage selon l’axe proximo-distal pour générer Proximal Distal FGFR2c AER le radius et le cubitus. Finalement, par des mécanismes de (FGF8 + FGFR2b) branchement et de segmentation, les carpes, métacarpes et ZPA phalanges apparaissent. Les mêmes étapes, décalées dans le Dorsal (SHH) temps, opèrent pour le membre inférieur. La condensation des Postérieur cellules souches mésenchymateuses repose sur des interac- tions cellules-cellules qui établissent un centre d’agrégation Figure 2. Organisation du bourgeon de membre et voies de signalisation capable de recruter des cellules à partir des tissus environ- impliquées dans sa mise en place. A. Bourgeons de membres inférieurs nants. Ce processus implique plusieurs classes de molécules chez un embryon humain de 30 jours. B. Coupe transversale du bourgeon de dont la N-cadhérine et la N-CAM [11]. Le processus de diffé- membre montrant la crête apicale ectodermique (AER) et la zone de pro- renciation de ces cellules ostéoprogénitrices en chondrocytes grès (PZ). C. Expression de FGF8 au niveau de la crête apicale ectodermique. ou en ostéoblastes dépend de la voie Wnt/β caténine [12] D. Expression de FGFR1 (fibroblast growth factor receptor 1) dans les cel- (Figure 1). Le facteur transcriptionnel Sox-9 joue également lules mésenchymateuses des bourgeons de membres supérieurs (embryon un rôle majeur dans la différenciation chondrocytaire puisque de 30 jours). E. Développement spatial du bourgeon selon les trois axes : son inactivation dans le bourgeon de membre de la souris antéro-postérieur, dorso-ventral et proximo-distal. Les cellules de la empêche la condensation et conduit à une mort cellulaire crête apicale ectodermique (AER) sécrètent le FGF8 qui active SHH (Sonic accélérée des cellules mésenchymateuses. Son expression hedgehog) au niveau de la zone d’activité polarisante (ZPA). SHH exerce serait contrôlée par les FGF et il est lui-même un régulateur un rétro-contrôle sur l’expression des FGF (facteurs de croissance fibro- de l’expression des gènes codant pour les collagènes de type blastique). Wnt7a est exprimé au niveau de l’ectoderme dorsal et régule II et XI ainsi que des gènes Sox-5 et Sox-6 impliqués dans l’expression de Lmx-1dans le mésenchyme dorsal. Les homéoprotéines Pbx la formation du cartilage [13, 14]. Ces fonctions multiples et Meis (myeloid ecotropic insertion site) forment des complexes capables expliquent en partie pourquoi des mutations perte de fonction d’interagir avec les produits de certains gènes Hox pour les réguler négati- de Sox-9 sont responsables chez l’homme d’une chondrodys- vement et favoriser l’activation de la boucle FGF/SHH. M/S n° 11, vol. 21, novembre 2005 957 954_961.indd 957 21/11/05 15:58:13
lules qui deviennent hypertrophiques. La à des mutations du gène FGFR3 zone d’hypertrophie, dont la taille varie La démonstration qu’une mutation ponctuelle récurrente du gène au cours du développement fœtal, serait, selon certains FGFR3 était responsable de la quasi-totalité des cas d’achondropla- auteurs, le moteur essentiel de la croissance osseuse sie [20] a ouvert un nouveau champ d’investigation en pathologie [3]. Les chondrocytes hypertrophiques en différenciation osseuse. À l’instar de l’achondroplasie, des mutations ponctuelles terminale vont contrôler la minéralisation de leur matrice récurrentes affectant différents domaines de FGFR3 ont été identi- et entrer en apoptose. Les travées calcifiées laissées fiées chez des patients atteints d’hypochondroplasie, de syndrome libres sont progressivement envahies par les ostéoblas- SADDAN ou de nanisme thanatophore de type I et II [21, 22]. Histolo- tes et les canaux vasculaires pour former une véritable giquement, l’ampleur des anomalies de la plaque de croissance chez matrice d’os spongieux (spongiosa). À chaque stade, les les patients reflète la sévérité de la maladie (Figure 3). La réduction cellules expriment des marqueurs spécifiques. Les chon- de la zone proliférative s’accompagne d’une perte de l’organisation drocytes de la zone de repos et de la zone proliférative des chondrocytes en colonne et de la présence de chondrocytes de synthétisent majoritairement le collagène de type II et petite taille dans la zone d’hypertrophie suggérant une anomalie de l’agrécane et en plus faible quantité les collagènes de la différenciation [23]. Les mutations de FGFR3 localisées dans le type IX et XI ainsi que des protéines non collagéniques domaine extracellulaire créent des résidus cystéines surnuméraires (COMP ou cartilage oligomeric matrix protein, matrilin, capables de former des ponts disulfures entre deux molécules de chondroadherin, fibromodulin...), tandis que les chon- récepteur mutant. Les mutations du domaine catalytique entraînent drocytes hypertrophiques synthétisent du collagène de une modification de la conformation du domaine qui semble inter- type X. La progression phénotypique linéaire des chon- férer avec le transport vers la membrane plasmique du récepteur drocytes au niveau de cette structure hautement diffé- renciée qu’est la plaque de croissance est un processus finement régulé. Deux voies de signalisation jouent un PTHrP FGF18 (?) rôle essentiel dans la coordination de la prolifération et A R + P de la différenciation des chondrocytes, la voie régie par PH le FGFR3 et celle régie par le PTHR1 [16-18]. Ces conclu- H sions reposent sur les études de chondrodysplasies dues à des mutations des gènes FGFR3 et PTHR1 et l’analyse de � différenciation FGFR3 � � prolifération PTHR1 souris génétiquement modifiées. � prolifération � différenciation IHH Chondrodysplasies et voies de signalisation � croissance � croissance transmises par le FGFR3 et le PTHR1 Récepteur FGFR3 et ossification enchondrale B C D R FGFR3 fait partie d’une famille de quatre récepteurs à activité tyrosine kinase qui présentent une organisation P structurale commune incluant un domaine extracellu- PH laire avec trois boucles de type immunoglobuline (Ig), H un domaine transmembranaire hydrophobe d’ancrage OT du récepteur dans la membrane et un domaine intracel- Témoin TD1 lulaire responsable de l’activité kinase. Ces récepteurs fixent normalement les FGF au niveau de la troisième Figure 3. Schéma de la plaque de croissance d’un os long. A. Plaque de crois- boucle Ig. Les études tridimensionnelles ont montré que sance. Deux voies principales de signalisation sont impliquées dans la régu- deux molécules de ligand sont nécessaires pour induire lation de la prolifération et de la différenciation des chondrocytes, la voie la dimérisation du récepteur, l’ensemble formant un IHH/PTHR1 et la voie FGF/FGFR, détaillées dans le corps de l’article. PTHrP : complexe ternaire dans lequel un protéoglycane de sur- parathyroid hormone related peptide ; PTHR1 : parathyroid hormone receptor 1 ; face à base de sulfate d’héparane (HSPG) agit en qua- IHH : Indian hedgehog. B. Coupe de cartilage fémoral d’un fœtus témoin de 25 lité de corécepteur [19]. FGFR3 est exprimé au niveau semaines montrant les différentes zones de la plaque de croissance. R : zone de de la plaque de croissance par les chondrocytes de la repos ; P : zone proliférative ; PH : zone de pré-hypertrophie ; H : zone d’hyper- zone proliférative et de préhypertrophie. trophie ; OT : os trabéculaire. C. Coupe de cartilage d’un fœtus de 24 semaines atteint de nanisme thanatophore de type I (TD I) porteur d’une mutation de Chondrodysplasies dues FGFR3 (S249C). D. Grossissement illustrant la désorganisation de la plaque de croissance. 958 M/S n° 11, vol. 21, novembre 2005 954_961.indd 958 21/11/05 15:58:31
muté [24]. Dans les deux cas, il en résulte une phosphorylation Chondrodysplasies associées à des mutations du constitutive du récepteur en l’absence de ligand et une activation PTHR1 de la voie de signalisation STAT (signal transducers and activators Quatre chondrodysplasies rares, mais dont le phénotype of transcription). Les molécules Stat 1, 3 et 5 sont phosphorylées et illustre les rôles endocrines et paracrines assurés par le transloquées dans le noyau où elles activent l’inhibiteur des cyclines PTHR1, ont été associées à des mutations de ce gène. kinases-dépendantes p21CIP1. Cette activation ferait entrer de façon Les mutations activatrices du PTHR1 causent la chon- REVUES prématurée les cellules de la zone proliférative dans la voie d’hyper- drodysplasie métaphysaire de Jansen [30]. Cette chon- trophie. Cependant, ces chondrocytes préhypertrophiques semblent drodysplasie, de transmission autosomique dominante, incapables d’atteindre la phase ultime de différenciation impliquée est caractérisée par un nanisme sévère et des anomalies dans l’élongation de l’os. Une mort prématurée par apoptose pour- biologiques qui sont celles rencontrées chez les patients rait expliquer leur incapacité à s’hypertrophier efficacement. Ces atteints d’hyperparathyroïdie primaire ou du syndrome conclusions tirées des travaux sur le cartilage et les chondrocytes de d’hypercalcémie humorale maligne. Les lésions méta- patients atteints de nanisme thanatophore sont confortées par les physaires observées radiologiquement rappellent celles résultats de l’étude de modèles murins dans lesquels les mutations du rachitisme par carence en vitamine D et témoignent responsables de l’achondroplasie et du nanisme thanatophore ont d’une augmentation de prolifération et d’un retard SYNTHÈSE été reproduites [25-27]. L’ensemble de ces résultats, ainsi que le de différenciation des chondrocytes (élargissement phénotype des souris invalidées pour le gène Fgfr3, confirment le rôle des métaphyses, présence de structures irrégulières de régulateur négatif de la croissance osseuse de FGFR3 [22]. inégalement calcifiées). Quatre mutations hétéro- zygotes faux-sens ont été identifiées chez des patients Voie de signalisation PTHR1 atteints de chondrodysplasie de Jansen. Une corrélation Le PTHR1 appartient à la famille II de récepteurs à sept domaines génotype/phénotype est décrite en fonction du degré transmembranaires couplés aux protéines G hétérotrimériques. Ce d’activation constitutive démontrée in vitro. En accord récepteur assure les fonctions endocrines de la PTH et celles autocri- avec les anomalies métaphysaires des patients atteints nes/paracrines du PTHrP. La PTH joue un rôle essentiel dans le maintien de chondrodysplasie de Jansen, les souris transgéniques de l’homéostasie phosphocalcique. Le PTHrP, décrit initialement dans exprimant dans les chondrocytes prolifératifs le PTHR1 des hypercalcémies humorales malignes, n’est pas détectable physio- humain porteur de la mutation His223Arg, la plus fré- logiquement dans la circulation systémique. Comme le PTHR1, il est quente et la plus sévère, montrent un retard majeur de exprimé dans de nombreux tissus et exerce de multiples actions phy- différenciation des chondrocytes au niveau de la plaque siologiques qu’il n’est pas possible de résumer dans cette revue (voir de croissance. [28] et revue de J.J. Helwig à paraître dans médecine/sciences). En Les mutations inactivatrices du PTHR1 sont responsa- particulier, c’est un régulateur de la prolifération et de la différencia- bles de la chondrodysplasie de Blomstrand [30]. Image tion cellulaire, notamment lors du développement osseux enchondral. en miroir de la chondrodysplasie de Jansen, cette dys- Ses effets biologiques sur la prolifération cellulaire dans certains types plasie, de transmission récessive, est létale et carac- de cellules sont opposés, suivant qu’il agit de façon auto/paracrine térisée par un syndrome dysmorphique marqué par une via la stimulation du PTHR1 ou intracrine via sa translocation dans extrême brièveté des membres, une avance majeure de le noyau des cellules. Dans le tissu squelettique, il est établi que l’ossification enchondrale avec hyperdensité osseuse. l’activation du PTHR1 (exprimé par les chondrocytes prolifératifs et Ce phénotype est semblable à celui observé chez les préhypertrophiques) par le PTHrP sécrété par les chondrocytes périar- souris invalidées de façon homozygote pour les gènes ticulaires et les cellules périchondriales stimule la prolifération des PTHrP ou PTHR1. Quatre mutations perte de fonction chondrocytes préhypertrophiques et inhibe leur différenciation. La (faux sens, anomalie d’épissage, décalage du cadre production du PTHrP est stimulée par Indian hedgehog (IHH), un mor- de lecture, délétion de la région promotrice) ont été phogène membre de la famille hedgehog, qui est fortement exprimé rapportées. Comme pour les mutations activatrices, dans la zone de transition entre chondrocytes préhypertrophiques et une corrélation génotype/phénotype a été décrite en hypertrophiques. L’activation du PTHR1 entraîne donc une diminution fonction du degré d’inactivation du récepteur in vitro, de différenciation des cellules productrices de IHH, assurant ainsi un le phénotype étant toujours létal [30]. contrôle très fin de l’équilibre entre prolifération et différenciation au Très récemment, une mutation du gène PTHR1, que niveau de la plaque de croissance. Certains modèles murins suggèrent nous appellerons « régulatrice », a été identifiée l’existence d’une interaction entre les voies PTHR1/FGFR3 qui ne serait dans une forme familiale récessive de chondrodys- pas présente chez l’homme [29]. plasie de Eiken. Cette pathologie se caractérise par une dysplasie épiphysaire multiple et un retard majeur de l’ossification endochondrale avec ano- malies du modelage et persistance de cartilage dans M/S n° 11, vol. 21, novembre 2005 959 954_961.indd 959 21/11/05 15:58:34
certains os, sans anomalie du métabolisme phospho- β-caténine/Wnt dans la différenciation chondrocytaire et ostéoblas- calcique. On a donc une transmission récessive avec tique. Néanmoins, face à un nombre croissant de nouveaux gènes dont des signes cliniques compatibles avec une activation les fonctions régulatrices dans la formation osseuse sont encore mal constitutive du PTHR1, mais sans hyperparathyroï- comprises, il est nécessaire d’établir les relations précises entre les die. La mutation identifiée, Arg485X, entraîne la produits de ces gènes et ceux déjà connus et de déterminer comment délétion des 108 derniers acides aminés du PTHR1. Le les différentes voies de signalisation interagissent entre elles et sont récepteur tronqué serait responsable d’un déséqui- affectées par des mutations de ces gènes. Les modèles murins dans libre entre les deux voies de transduction ou d’une lesquels il est possible, grâce au système Cre-ER, d’induire de façon anomalie de trafficking [31]. tissu spécifique et à un moment précis du développement des muta- La dernière pathologie associée à une mutation du tions identiques à celles identifiées chez l’homme, offrent de nou- gène PTHR1 est la maladie d’Ollier. La maladie d’Ol- velles perspectives pour mieux comprendre les phénotypes observés. lier, ou enchondromatose, est définie par la présence Cette connaissance précise des mécanismes intimes de la croissance de tumeurs cartilagineuses bénignes qui se dévelop- osseuse est un préalable indispensable à la mise au point de thérapies pent dans l’os. Il s’agit d’une affection le plus souvent médicamenteuses ou cellulaires destinées à corriger les dysplasies du sporadique, cependant des formes familiales ont été squelette. ‡ rapportées. Les résultats de l’analyse moléculaire suggèrent une hétérogénéité génétique de l’enchon- SUMMARY dromatose. Une mutation (Arg150Cys) dans le gène Hereditary skeletal dysplasias and FGFR3 and PTHR1 signaling PTHR1 a été identifiée chez deux malades atteints pathways de maladie d’Ollier [32]. Le récepteur mutant PTHR1 Skeletal development is a highly sophisticated process involving, as a Arg150Cys paraît être activé de façon constitutive, first step, migration and condensation of mesenchymal cells into oste- cependant la mutation est associée à un défaut d’ex- oprogenitor cells. These cells further differentiate into chondrocytes pression à la membrane cellulaire. Les souris tra nsgé- and osteoblasts through multiple differentiation stages requiring a set niques exprimant de façon ciblée le récepteur PTHR1 of specific transcriptional factors. Defective endochondral ossifica- mutant dans les chondrocytes pré-hypertrophiques tion in human is associated with a large number of inherited skeletal développent des tumeurs similaires à celles observées dysplasias caused by mutations in genes encoding extracellular matrix chez les patients atteints d’enchondromatose, tout components, growth factors and their receptors, signaling molecules comme les souris surexprimant le régulateur trans- and transcription factors. This review summarizes some of the recent criptionnel Gli2, régulateur en aval de IHH. Il apparaît findings on a series of chondrodysplasias caused by mutations in FGFR3 donc que l’activation de la voie IHH, PTHrP, PTHR1 joue and PTHR1, two receptors expressed in the cartilage growth plate and un rôle important dans le développement des enchon- mediating two main signaling pathways. Data from human diseases dromes. Il faut souligner que les malades atteints and relevant animal models provide new clues for understanding how d’une chondrodysplasie de Jansen, donc associée signaling molecules and their interaction with key transcription factors à une mutation activatrice du récepteur PTHR1, ne control and regulate the development and growth of long bones. ‡ présentent pas d’enchondromes. À l’inverse, contrai- rement aux malades atteints de chondrodysplasie RÉFÉRENCES de Jansen, les malades atteints d’enchondromatose 1. Hall CM. International nosology and classification of constitutional disorders of bone (2001). associée à une mutation du gène PTHR1 (même germi- Am J Med Genet 2002 ; 113 : 65-77. nale) ne présentent pas d’anomalies du métabolisme 2. Chapman KL, Mortier GR, Chapman K, et al. Mutations in the region encoding the von Willebrand factor A domain of matrilin-3 are associated with multiple epiphyseal dysplasia. phosphocalcique. 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24. Lievens PM, Mutinelli C, Baynes D, et al. The kinase activity of fibroblast 13. Akiyama H, Chaboissier MC, Martin JF, et al. The transcription factor Sox9 growth factor receptor 3 with activation loop mutations affects receptor has essential roles in successive steps of the chondrocyte differentiation trafficking and signaling. J Biol Chem 2004 ; 279 : 43254-60. pathway and is required for expression of Sox5 and Sox6. Genes Dev 25. Segev O, Chumakov I, Nevo Z, et al. Restrained chondrocyte proliferation 2002 ; 16 : 2813-28. and maturation with abnormal growth plate vascularization and 14. Bi W, Deng JM, Zhang Z, et al. Sox9 is required for cartilage formation. ossification in human FGFR-3(G380R) transgenic mice. Hum Mol Genet Nat Genet 1999 ; 22 : 85-9. 2000 ; 9 : 249-58. 15. Wagner T, Wirth J, Meyer J, et al. Autosomal sex reversal and campomelic 26. Iwata T, Chen L, Li C, et al. 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Revue médecine/sciences a été sélectionné médecine/sciences N°5 – volume 21 - Mai 2005 dans une catégorie (Prix du meilleur article sur la vie professionnelle et l’économie de la santé) pour l’article du Dr Patrick Zylberman « Eugénique à la scandinave, le débat des historiens », paru dans le numéro d’octobre Le Pr Bernard Devulder, 2005 de médecine/sciences et a été lauréat du 2e Prix du Rédacteur en chef de La Revue de Médecine Interne et le Dr meilleur Éditorial. Le jury était composé de médecins, de François Mignon, Président du professionnels de santé et de journalistes. Jury, entourant le Pr Loïc Capron, lauréat M/S n° 11, vol. 21, novembre 2005 961 954_961.indd 961 21/11/05 15:58:36
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