Ecole et religion : liaison dangereuse ? - Fédération des Associations de Parents de l'Enseignement Officiel
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Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel Ecole et religion : liaison dangereuse ? Les Analyses de la FAPEO (décembre 2008) Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel Avenue du Onze novembre, 57 1040 Bruxelles 02/527.25.75 – 02/525.25.70 www.fapeo.be – secretariat@fapeo.be Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 1
Sommaire Introduction............................................................................................................................................. 4 Balises historiques ................................................................................................................................... 5 Clovis et la foi chrétienne, les catholiques et les protestants ............................................................. 5 Joseph II et le sacrifice de l’Edit de Tolérance ; la Révolution française et sa suite............................ 5 La question scolaire ............................................................................................................................. 6 Notre Constitution et l’article 24 : un premier compromis ? .......................................................... 6 La Commune adopte, le clergé dirige ? ........................................................................................... 7 La morale est généralisée : c’est la guerre ! .................................................................................... 7 Le 29 mai 1959 : une solution à la guerre scolaire ? ............................................................................... 8 La neutralité dans le Pacte scolaire ..................................................................................................... 9 La loi du Pacte : un compromis ......................................................................................................... 11 Paroles citoyennes ................................................................................................................................ 12 Un propos de l’Enseignement catholique ......................................................................................... 12 Un autre de l’Enseignement officiel .................................................................................................. 13 Le port des signes extérieurs ................................................................................................................. 15 La responsabilité des chefs d’établissement ? .................................................................................. 15 …ou la responsabilité de l’Etat ? ....................................................................................................... 16 Conclusions............................................................................................................................................ 18 Références ............................................................................................................................................. 20 Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 2
Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 3
Introduction Dans un pays qui se dit libéral, je constate que l’islam a la part belle pour nous imposer ses lois à la con et que nous soyons obligés de nous plier à leurs exigences. Tant que toutes ces histoires de religions nous pourriront la vie, JAMAIS le peuple humain ne trouvera de repos. Je vais vous dire quelque chose : dans 10 000 ans, lorsque des êtres supérieurs vous découvriront sous une tonne de poussière, ils diront : mais qu’est-ce que c’est que ces conneries que racontaient nos ancêtres ? A méditer !1 Une méditation serait judicieuse en effet ! Ce propos tenu sur un forum nous permet un double commentaire : les points de vue islamophobes gangrènent encore trop notre société et le manque de connaissance des approches plurielles de la métaphysique provoque encore des polémiques dans bon nombres de domaines. L’école en est un. Il a y peu de temps, la FAPEO était interpellée par une étudiante qui souhaitait un point de vue de parent sur la présence ou non de viande halal dans les cantines scolaires. A un autre moment, une maman de culture musulmane nous disait être opposée au port du voile à l’école, ne serait-ce que parce que des femmes se sont battues pour que ce signe de soumission disparaisse ; elle ajoutait que les jeunes filles actuelles portaient souvent le foulard à cause de la pression de leur communauté. Une enseignante quant à elle pensait que peu importait les signes religieux affichés, tant qu’ils ne perturbaient pas son cours. Par ailleurs, si la religion musulmane fait couler beaucoup d’encre, les autres peuvent également intégrer notre débat : religions hébraïque, protestante, catholique font également partie de notre paysage scolaire ; avec la question de leur enseignement à l’école arrivent les questions d’intégration, de respect de la culture de l’autre… et la laïcité de répondre massivement que l’école doit donner des outils pour comprendre intellectuellement les différentes religions, sans les promouvoir d’une manière ou d’une autre, les enseigner pouvant en être une. Notre propos ne voudra pas aborder des questions théologiques et n’émettra aucune opinion sur les religions en tant que pratiques liées à des croyances. Nous voudrons proposer des points de repères liés à la question de la religion à l’école pour que le lecteur puisse emprunter différentes voies de réflexion et se construire sa propre opinion. Nous jetterons d’abord des références historiques et débattrons ensuite des cours philosophiques à l’école, qu’il s’agisse de la religion ou de la morale, pour finir avec diverses questions sur le port des signes ostensibles d’appartenance religieuse à l’école et nous verrons qu’en Communauté française, la chose n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît. 1 Propos du forum relatif aux « Signes religieux à l’école » in www.espace-citoyen.be Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 4
Balises historiques Débattre de la place du religieux à l’école va immanquablement titiller un nœud récurrent dans l’histoire, de notre pays peut-être plus que d’autres : qui de l’Eglise ou de l’Etat guide le peuple ? Le sujet est vaste et les exigences du genre nous permettront seulement de jeter quelques repères ; néanmoins, nous pourrons voir que la question des relations entre l’Eglise et l’Etat n’est pas neuve. Clovis et la foi chrétienne, les catholiques et les protestants Souvenons-nous de Clovis. Baptisé dans la foi chrétienne au 6e siècle, il œuvre à la christianisation de nos territoires ; les décisions politiques seraient-elles colorées par l’appartenance religieuse de nos dirigeants ? Rappelons-nous sommairement les 14 et 15e sicèles, siècles d’unification des territoires situés entre les actuelles France et Allemagne sous le nom de Pays-Bas par les Ducs de Bourgogne. Déjà à ce moment, la religion divise puisqu’au 16e siècle, suite à la Réforme, la carte dessine des Pays-Bas du Nord (état protestant et indépendant, futurs Pays-Bas) et les Pays-Bas du Sud (état catholique gouverné par la branche espagnole des Habsbourg, la branche autrichienne ensuite, par les Français puis les Pays-Bas du Nord) qui, couplés ultérieurement avec la Principauté épiscopale de Liège constitueront la Belgique actuelle. A cette époque, un territoire « fédéral » : chacun des territoires (hennuyer, brabançon, luxembourgeois…) a sa propre législation, ses propres pratiques juridiques voire sa propre langue. Joseph II et le sacrifice de l’Edit de Tolérance ; la Révolution française et sa suite Cette organisation sera balayée et la période française prendra court sur notre territoire actuel dès 1795. En 1789 aussi, les réformes progressistes que veut imposer Joseph II provoquent de vives réactions et l’Edit de Tolérance (acceptant la religion protestante) est sacrifié par le souverain. Le 11 janvier 1790 nait la confédération des Etats belgiques unis, fragilisés par les tensions entre les catholiques et les libéraux, mais pourtant dotés d’un drapeau munis de trois bandes (rouge, noire, jaune). Les Autrichiens ont tout de même pu profiter de cette situation pour prendre le pouvoir, les Français les ont suivis avec de nouvelles idées ; Elle [l’occupation française] consacre, en effet, la fin des privilèges et du régime seigneurial, la naissance des droits de l’homme, d’un nouvel ordre institutionnel, économique, social et juridique. Elle place sur le devant de la scène un personnage jusque là effacé dans le débat politique : le peuple. Elle laisse des traces profondes non seulement dans les dispositions législatives ou l’organisation administratives, mais aussi dans les gestes les plus Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 5
anodins de la vie quotidienne […] l’époque française scelle la réunion de provinces des Pays-Bas méridionaux avec la principauté de Liège.2 1815 marque la fin de la période française pour nos contrées en même temps que la défaite de Napoléon à Waterloo ; l’Europe est divisée au Congrès de Vienne de la même année et les territoires de la future Belgique sont réunis à ceux des Pays-Bas, sous le règne de Guillaume Ier d’Orange. Une Constitution est votée, mais l’on sent déjà poindre des désaccords à motifs religieux (la maison d’Orange est protestante). On verra le gouvernement contrôler de plus en plus la liberté de la presse et le clergé catholique. Les opposants auront donc à réclamer la responsabilité ministérielle devant le Parlement et la liberté d’Enseignement. Le 25 août 1830, Bruxelles se soulève, les troupes étrangères quittent le pays le 27 septembre, tandis qu’un gouvernement provisoire était formé. La question scolaire Les lignes qui précèdent montrent que l’intrusion des questions religieuses dans la gestion de l’Etat n’est pas neuve, peut-être même pourrait-on parler d’intrusion de l’Etat dans les questions religieuses. Bien plus, on peut dire que l’origine de la fameuse « question scolaire » remonte au 18e siècle. C’est l’époque du « despotisme éclairé » au cours de laquelle apparaît et se précise la notion de communauté « civile » et l’idée que l’Etat doit être « dispensateur de culture » (…) L’Etat se doit donc d’intervenir dans l’enseignement qui, jusque là, avait été le monopole exclusif de l’Eglise. (…) La Révolution de 1830 et l’accession du pays à l’indépendance marquent une nette réaction contre cette politique3. Notre Constitution et l’article 24 : un premier compromis ? En effet, la majorité du pays est catholique et considère que l’éducation est liée à l’éthique et donc à la religion. Les deux tendances s’inscrivaient donc plus largement dans le débat sur les rapports entre l’Eglise et l’Etat. Il fallut donc trouver un arrangement, un premier compromis traduit dans l’article 17 de notre Constitution soulignant notamment que l’Etat n’a pas le monopole de l’enseignement4: § 1er. L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite ; la répression des délits n'est réglée que par la loi ou le décret. La communauté assure le libre choix des parents. La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves. Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. § 2. Si une communauté, en tant que pouvoir organisateur, veut déléguer des compétences à un ou plusieurs organes autonomes, elle ne le pourra que par décret adopté à la majorité des deux tiers des suffrages 2 Hervé Hasquin, La Belgique française 1792-1815, Editions Crédit Communal, 1993, p.5 cité dans http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Belgique#cite_note-6 3 RM Braeken, « Le système éducatif en Communauté française » in http://www.uvcw.be/articles/3,12,2,0,221.htm 4 L’article en question est en fait l’article 24 de nos jours ; il faut souligner que celui-ci semble aller vers une sorte de ségrégation philosophique des élèves, loin de l’idée d’un réseau unique et pluraliste. Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 6
exprimés. § 3. Chacun a droit à l'enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux. L'accès à l'enseignement est gratuit jusqu'à la fin de l'obligation scolaire. Tous les élèves soumis à l'obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse. § 4. Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret. La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié. § 5. L'organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l'enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret5. La Commune adopte, le clergé dirige ? Cet article n’a pas suffit à ce que les besoins scolaires soient satisfaits entièrement, à moins que l’Etat n’ait voulu réagir aux initiatives catholiques ; une autre loi vient le compléter le 23 septembre 1842, stimulant des liens entre le public et le privé –entendons catholique – et introduisant le terme d’école « adoptée », notion qui ferait bien écho à un certain décret « Mixité », même si les adoptions du 19e siècle peuvent se faire dans le même réseau : cela reviendrait-il à mettre en commun les ressources quand elles sont rares, terreau fertile à l’idée du réseau unique ? Quoi qu’il en soit, la commune — obligée d'avoir au moins une école primaire établie dans un local convenable — peut être autorisée à adopter, dans la localité même, une ou plusieurs écoles privées réunissant les conditions légales pour tenir lieu d'école communale. (…) Comme les écoles communales, les écoles adoptées sont soumises à la double inspection civile et ecclésiastique organisée par la loi 6. Dès lors, si une commune n’a pas la possibilité d’organiser une école sur son territoire, elle peut répondre à la loi en « adoptant » une école libre. Le clergé a donc une forte influence : l’enseignement de la religion est obligatoire et le clergé a un droit de regard sur les cours et les manuels scolaires, ce qui revient à dire que l’école garde son fondement religieux, l’intervention de l’Etat étant assez accessoire. La morale est généralisée : c’est la guerre ! Pas au-delà de 1847 cependant. Un parti libéral voit le jour sur notre territoire et marque sa volonté d’un enseignement indépendant des autorités religieuses. Le 1er juillet 1879, la loi Van Humbeeck, une « loi de malheur », selon les catholiques, est votée. Le cours de morale est généralisé et le cours de religion rejeté de la grille horaire. Cet attentat contre la foi et les mœurs organise l’enseignement selon les principes laïques : • primauté de l'école publique, • enseignement obligatoire de la morale, enseignement facultatif de la religion, • indépendance totale des écoles vis-à-vis des autorités religieuses7. 5 La Constitution belge, art. 24, in http://www.senate.be/doc/const_fr.html 6 http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=1986 7 RM Braeken, op.cit. Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 7
L’histoire de notre enseignement entre dans un long tournant ; la guerre scolaire est amorcée entre deux conceptions qui sont toujours en concurrence de nos jours : • d'un côté, la défense du principe de la laïcité, c'est-à-dire d'une école unique, accessible à tous, respectueuse des convictions de chacun et qui apprend à des enfants de milieux différents à se respecter et à vivre ensemble ; • de l'autre, la défense de l'école libre catholique dont la conviction reste que l'éducation doit donner à l'enfant les certitudes qu'apportent la révélation et la foi chrétiennes8. Les catholiques souhaitent alors freiner le développement des écoles publiques tandis que la gauche souhaite que les subventions aillent à la seule école publique. En 1884, les catholiques sont au pouvoir et arrivent à obtenir de plus en plus de subventions pour l’enseignement libre. Pour l’anecdote, épinglons ce propos de l’époque prescrivant des règles de vie aux futurs instituteurs : Il est cinq heures du matin. La clochette de l’école –j’allais dire du monastère- se fait entendre. Au premier son, il faut de son lit déguerpir au plus vite, autrement la canne du surveillant vient, sur la cloison de l’alcôve, jouer du tam-tam. Cela fait, on se rend à la chapelle. Chaque élève est muni d’un livre de prières. On doit se mettre bien à genoux et ne tourner la tête ni à droite, ni à gauche (…) Dernièrement, (…) les élèves (…) ont réclamé la suppression de la messe à l’époque des grands froids. Le directeur leur a fait une réponse que nous voudrions voir inscrite en lettres d’or au frontispice de l’école : « La messe doit être le premier exercice de tout normaliste (sic !). Celui-ci doit commencer et finir la journée avec Dieu »9. En 1914, l’école primaire devient obligatoire et les catholiques ont obtenu prise en charge du salaire des instituteurs par l’Etat. Après les périodes de 14-18 et 40-45, tant libéraux que socialistes ont à cœur de pacifier le pays. C’est l’époque des concessions, l’une d’entre elle étant la mise sur pied d’égalité de la morale non- confessionnelle et de la religion. Le Ministre de l’Instruction publique, Pierre Harmel, fait pencher la balance du côté des catholiques (Parti Social chrétien) puisqu’il étend les subsides de l’état à tout l’enseignement libre. La gauche réagit en 1954 par une promotion de l’enseignement officiel et contrôle les subsides octroyés au libre. C’est l’époque de la fameuse « loi Collard », votée en juillet 1955. Premier bourgmestre socialiste des Montois, il le restera durant vingt ans ; Léo Collard souligne le devoir de l’état de créer des écoles là où c’est nécessaire afin de garantir la liberté du choix de l’école aux parents. Les catholiques sont fort mécontents, ce qui lance la deuxième guerre scolaire. Le PSC revient au pouvoir au Gouvernement et c’est le début de l’élaboration du Pacte scolaire. Le 29 mai 1959 : une solution à la guerre scolaire ? La loi Collard est soulignée à nouveau dans le Pacte scolaire qui précise également que Dans l’enseignement primaire et secondaire de plein exercice de l’Etat, des provinces, des communes et de toute autre personne publique, l’horaire hebdomadaire comprendra 2h. de religion et 2h. de morale au libre choix des parents. Par enseignement de la religion, il faut entendre l’enseignement de la 8 Id. 9 Extrait d’article paru dans L’Avenir 7, 27 février 1876 cité sur http://ligue- enseignement.be/default.asp?V_DOC_ID-1964 Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 8
religion catholique, protestante ou israélite et la morale inspirée de cette religion. Par enseignement de la morale, il faut entendre l’enseignement de la morale non-confessionnelle 10. Les cours de morale seront donnés par des enseignants qui sont porteurs d’un diplôme de l’enseignement officiel : pour le primaire, la préférence sera donnée à un enseignant qui a suivi un tel cours ; pour le secondaire, elle sera donnée à un enseignant titulaire d’un diplôme d’agrégé de philosophie délivré par un établissement non-confessionnel. Les professeurs recevront dans les deux cas et dans les deux réseaux des recommandations quant aux connaissances à acquérir par les élèves. Les fonctions d’instituteur et de régent seront accordées également en priorité aux titulaires d’un diplôme du réseau non-confessionnel11. Dans l’enseignement primaire, la cote est reprise dans la moyenne générale, pas dans le secondaire où L’ élève qui n’a pas satisfait ne peut passer à une classe supérieure, sous cette réserve que, comme pour les autres matières, il peut présenter une seconde épreuve12. La subvention de l’Etat ira également aux écoles dites officielles comme aux écoles dites privées. Le texte précise également quelques points pour l’enseignement privé (entendons toujours catholique) : aucune subvention ne sera accordée pour les constructions scolaires, les membres du personnel religieux, séculier et régulier auront un traitement de 60 % de la rétribution d’un membre laïc. Financièrement parlant toujours, notons que l’enseignement privé ne peut compter sur un financement des provinces et des communes que pour les gestions sanitaires et les avantages sociaux accordés aux élèves en veillant à ce qu’aucune distinction ne soit faite en fonction des réseaux. Justement, les écoles officielles sont définies comme étant les écoles créées par l’Etat et respectent le principe de neutralité laissant la place à toutes les convictions philosophiques ou religieuses des parents qui leur confient leurs enfants et dont au moins 2/3 du personnel enseignant sont porteurs d’un diplôme de l’enseignement officiel et neutre13. La neutralité dans le Pacte scolaire Plus encore, la Commission permanente du Pacte scolaire a jugé opportun de préciser cette notion de neutralité qui fait l’objet d’une annexe au propos. Il est ainsi ajouté que l’école neutre doit également jouer un rôle éducatif en contribuant à la formation de la personnalité entière, entourée par des contextes divers, parfois religieux. L’accent est mis sur le développement de l’esprit critique et le respect de chacun dans ses convictions sincères. Le maître ne doit pas se croire contraint, en raison de la neutralité de passer sous silence ou de négliger les problèmes qui touchent à la vie intérieure de l’homme, à ses convictions politiques ou philosophiques, à ses croyances. Mais chaque fois qu’il est amené à en parler pour les besoins d’un enseignement qui se veut complet et sincère, il le fera en des termes qui ne peuvent froisser les opinions et les sentiments d’autrui et en se pénétrant bien de l’idée que les justifications philosophiques et doctrinales des faits ne lui incombent pas, les sources de ces motivations pouvant être de nature diverse et réclamant de sa part un égal respect. (…) Le cours de morale non confessionnelle est un guide d’action morale fondé sur des justifications sociologiques, psychologiques et historiques. Il ne fait pas appel à des motivations de caractère religieux ; il ne tend pas non plus à la défense d’une ultime conception philosophique déterminée. (…) Le professeur du cours de morale non confessionnelle et du cours de religion et de morale confessionnelle construiront leurs enseignements positivement en évitant la critique des positions 10 T. Lefèvre & alii pour le Parti social chrétien, M. Buset & alii pour le Parti socialiste belge, M. Destenay & alii pour le Parti libéral, Le Pacte scolaire, Bruxelles, 1958, point 8. 11 Ibid., point 15. 12 Ibid., point 8. 13 Ibid., point 9. Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 9
exprimées dans l’autre cours (…) L’école neutre contribue ainsi à développer l’esprit de tolérance et à préparer les jeunes à leur tâche de futurs citoyens qui, bien que d’appartenance philosophique ou politique variée, sont appelés à collaborer fraternellement à l’édification d’un monde meilleur14. Dès lors, les enfants devront parfois être divisés pour suivre leur cours philosophique. Ainsi, les valeurs qui doivent sous-tendre l’école neutre, entendons école organisée par l’Etat, les provinces, les communes, les associations de communes ou toute personne de droit public, sont les suivantes : • fondement : la dignité humaine • formation des caractères et développement progressif de l’analyse des causes de nos actions • respect des institutions nationales • dévouement au bien commun • solidarité humaine • désir de justice sociale • refus des excès totalitaires • respect de la liberté • attachement à l’idéal démocratique • devoir de responsabilité personnelle et réfléchie dans la vie intellectuelle et sociale En outre, le principe de neutralité fait l’objet de différents textes de loi ; à l’article 24 de la Constitution, le législateur a ajouté le Décret du 31 mars 1994 définissant la neutralité de l’enseignement de la Communauté française15, celui du 17 décembre 2003 organisant la neutralité inhérente à l’enseignement officiel subventionné et portant diverses mesures en matière d’enseignement16. Le Pacte scolaire adopte donc une double vision de l’école : les écoles officielles et les écoles libres d’une part ; les écoles confessionnelles et les écoles non-confessionnelles d’autre part17. On peut résumer comme suit : 14 Le Pacte scolaire, op.cit., « La notion de neutralité » ; nous renvoyons également le lecteur sur le site du Centre d’action laïque http://www.ulb.ac.be/cal/mouvement/cal/cal.html. 15 Moniteur belge, 18 juin 1994. 16 Moniteur belge, 27 août 2004. Ajoutons à cela deux arrêtés du Gouvernement de la Communauté du 16 juin 2004 fixant le modèle de l’adhésion d’un pouvoir organisateur à la neutralité de l’enseignement organisé par la Communauté française (MB 27/08/2004) et subventionné par la communauté française (MB 27/08/2004). La Circulaire 2198 du 18 février 2008 traite également de la neutralité dans l’enseignement pour les établissements organisés par la Communauté française. 17 Pour des précisions sur les réseaux, voir RM. Braeken, op.cit. Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 10
Enseignement en Communauté française Enseignement Enseignement libre officiel PO = Communauté Autres PO Non- Confessionnel française confessionnel PO = Provinces FELSI Segec PO = Communes ASBL Diocèse PO = Cocof Congrégations religieuses ASBL L’Etat quant à lui doit faire en sorte que les parents aient une école qui corresponde à leur choix située à une distance raisonnable de leur domicile, dans la négative, l’Etat organisera le transport des enfants vers ladite école. La loi du Pacte : un compromis Le 29 mai 195918, ce Pacte scolaire servait de fondement à une nouvelle loi où, encore une fois, un compromis était fait entre les différentes autorités de l’enseignement ; le Pacte lui-même constituait déjà une transaction conclue entre les partisans d’un enseignement officiel neutre d’une part, les partisans d’un enseignement libre confessionnel d’autre part. Les deux parties en présence ont dû abandonner des positions défendues depuis plus d’un siècle. L’une ne conteste plus que l’Etat a le droit, et même le devoir, de créer des écoles neutres partout où la nécessité se fait sentir, et ce pour tous les secteurs de l’enseignement. L’autre a été tout aussi unanime à admettre que l’Etat doit 18 Moniteur belge, 19 juin 1959. Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 11
consentir un effort financier, non seulement en faveur de son propre enseignement, mais aussi en faveur de l’enseignement libre, et ce pour tous les secteurs de celui-ci également19. Tout parent aura la possibilité de choisir l’école de son enfant, qu’elle soit confessionnelle ou non, les deux étant désormais reconnues20. Cependant, on peut percevoir la concrétisation du Pacte scolaire comme un recul de la laïcité puisque dans les écoles officielles, le cours de morale laïque était auparavant suivi par tous les enfants en même temps et sans cours de religion aucun : les classes furent divisées, et les matières les plus porteuses de sens et de débat furent dorénavant enseignées différemment et séparément aux enfants, selon l’appartenance philosophique ou religieuse de leurs parents. C’est ainsi que, du jour au lendemain, dans l’enseignement officiel, le principe du libre examen fut remplacé par celui de la prédestination21. Paroles citoyennes Quels que pacifiants qu’aient voulu être le Pacte scolaire et ses applications, la question s’ouvre néanmoins sur de nouvelles polémiques : l’enseignement officiel se doit de proposer aux parents des cours de diverses religions ou des cours de morale ; l’enseignement libre quant à lui proposera aux parents des cours de religion catholique pour la plupart, mais aussi des cours de l’une ou l’autre religion exclusivement, ces divers types d’écoles étant regroupées sous l’étiquette « enseignement libre » et gérée par le Secrétariat général de l’enseignement catholique. Un propos de l’Enseignement catholique Celui-ci considère le cours de religion (catholique dans le cas présent) comme un Cours carrefour, à la croisée de deux institutions, l'école et l'Eglise, le cours de religion souscrit aux exigences des autres cours et assume pleinement son statut particulier (…) : le cours est en effet lié à l’Eglise (il participe à sa mission d’enseignement et ses professeurs reçoivent un mandat de l’autorité ecclésiastique) et à l’Etat (missions assignées à l’école par l’Etat dans le fameux décret « Missions » de 1997). Le cours de religion s'inscrit comme les autres disciplines scolaires dans le processus d'instruction, d'éducation et de formation de l'école. Et, parce qu'il se donne à l'école, le cours de religion est appelé à rencontrer, comme les autres disciplines et en lien avec elles, les missions assignées à l'école, dans leur double aspect de développement personnel et social. Par l'acquisition de savoirs et de compétences, il élargit le champ des représentations et le sens critique. Il invite à conjuguer raison et convictions.22 Le cours de religion est ainsi perçu comme un moyen pour l’élève de développer sa dimension spirituelle, outre le fait que l’enseignement du christianisme est une clef pour comprendre historiquement notre civilisation occidentale. L’Enseignement catholique va donc parler de « pluralisme situé »23 : l’élève doit donc être enraciné dans la culture chrétienne pour s’ouvrir aux autres (cultures). C’est ainsi que notre société plurielle est perçue comme un moyen d’entrer en contact avec d’autres cultures ; Il arrive toutefois que le caractère diversifié s'estompe au profit d'une tradition majoritaire autre que 19 Sénat, Rapport fait au nom de la Commission de l’Instruction publique, document 181, n° 2, session 1958- 1959, séance du 19 mai 1959, p 2. 20 La question des réseaux in Pacte scolaire, op.cit., art. 2. 21 P. Spehl, « La réforme des cours philosophiques » in Espace de liberté, CAL, juin 2000. 22 Secrétariat général de l’Enseignement catholique, Le cours de religion dans l’enseignement secondaire catholique, juin 2006 sur http://www.catholique.be/Documents/Fesec/Secteurs/religion/groupe_sens4%202006.pdf 23 Secrétariat général de l’Enseignement catholique, ibid. Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 12
chrétienne, musulmane, le plus souvent. Situation qui peut s'avérer inconfortable pour le professeur, non par l'appartenance personnelle des élèves à l'islam, mais par l'effet de groupe qui le met, lui, en position minoritaire. Mais, dans la mesure où le contrat de confiance entre l'école (et le cours de religion) et l'élève est respecté (qu'il s'agisse d'ailleurs d'élèves musulmans ou d'autres élèves), dans la mesure où le programme de religion, par la démarche qu'il propose, distingue clairement les registres de la foi (ou de la conviction) et ceux du savoir, les éléments fondant la légitimité d'un cours confessionnel en milieu pluriel sont valables pour le cas particulier des classes à forte présence musulmane24. N’est-ce pas paradoxal avec les exigences du professeur qu’on veut notamment présentant correctement les ressources de la foi chrétienne ? Cependant, appartient-il à l’école de développer cette spiritualité ? Dans l’affirmative, quels sont les outils que l’élève doit avoir à sa disposition ? Selon les réponses, les réseaux d’enseignement se dessinent. Un autre de l’Enseignement officiel L’enseignement officiel quant à lui s’ancrera dans les principes de neutralité, comme il a été mentionné ci-dessus. Le 13 juillet 199825, un décret organise les cours philosophiques26 dans l’enseignement fondamental, mais pose certains problèmes de réalisation concrète. En effet, Lorsqu'un élève est amené à suivre un cours de morale ou de religion moins suivi qui n'est pas donné simultanément avec le cours le plus suivi, il ne peut être soustrait de son groupe classe qu'au moment des travaux dirigés visés à l'article 2, 22°, et ceux-ci ne peuvent comprendre aucune acquisition nouvelle dans les savoirs et compétences visés à l'article 16, § 3, du décret du 24 juillet 1997 précité27. Cette façon d’organiser les cours perturbe très certainement la qualité de l’enseignement dans son ensemble puisque certains élèves peuvent être détachés de leur classe et intégré dans un nouveau groupe avec des aînés, ce qui peut être un motif pour les parents de renoncer à leur choix pour éviter cette organisation. Les enseignants quant à eux ne peuvent pas voir de la nouvelle matière si leur classe n’est pas au complet, ce qui risque d’arriver plus d’une fois par semaine. Et pourtant, le Pacte scolaire oblige les écoles à organiser les cours philosophiques, ce qui implique que les enfants soient séparés suite au choix des parents… Le Ministre-Président de l’époque, Hervé Hasquin, avait lui proposé que les cours philosophiques soient remplacés en 5e et 6e années du secondaire par des cours de philosophie et d’étude comparée des religions. Ne faudrait-il pas activer cette proposition dans les autres années, remédiant ainsi au fait que nos enfants belges sortent de l’école sans culture philosophique ou citoyenne que celles acquises via des « compétences transversales » ? En 1999, la FAPEO soulignait des difficultés d’organisation des cours philosophiques dans l’enseignement fondamental : certaines classes étaient créées en fonction des cours philosophiques, on y a déjà fait allusion plus haut, ce qui tendait à une ghettoïsation, contradictoire avec les principes de l’école publique. De même, certains cours philosophiques s’organisaient durant d’autres heures de cours ou certains chefs d’établissement décourageaient les parents de choisir tel cours minoritaire ce qui porte préjudice aux parents comme aux enfants. Examinant cette situation avec plus de distance, un cours unique semblerait judicieux : un cours portant sur la philosophie, la 24 Id. 25 http://www.cdadoc.cfwb.be/cdadocrep/pdf/1998/19980713s22229.pdf 26 On parle bien de cours philosophiques (morale ou religions reconnues en Belgique) et non de philosophie en tant que telle. 27 Décret portant organisation de l'enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation de l'enseignement in http://www.cdadoc.cfwb.be/cdadocrep/pdf/1998/19980713s22229.pdf, art. 39. Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 13
morale, le savoir vivre, la démocratie, la Constitution et les éléments pratiques du droit. Si les cours de religion devraient être organisés obligatoirement par les écoles, ils seraient facultatifs pour les élèves qui pourraient donc choisir de développer l’un ou l’autre aspect spirituel, tout en restant inscrits dans le service public28. Bien plus, l’article 24 de la Constitution ne dit rien sur le caractère obligatoire des cours philosophiques, elle n’empêche donc pas non plus de les rendre facultatifs. C’est également l’avis de la FELSI (Fédération des établissements libres subventionnés indépendants) qui rejette les explications dogmatiques et de l’irrationnel. Dans ce réseau, Certaines écoles n’organisent que le cours de morale, ce qui favorise la cohésion du groupe social « classe » et permet la confrontation d’opinions diversifiées au sein d’un même groupe, confrontation qui me paraît plus riche que l’éclatement de la classe en fonction des appartenances philosophique. D’autres écoles, soucieuses de pluralisme, font passer tous les élèves du cycle supérieur des humanités par les divers cours. Le réseau organise aussi des cours en présence de deux professeurs à la fois où les échanges sont enrichis par la connaissance que chacun a des convictions de tous, tout en les confrontant aux siennes29. D’autres écoles de ce réseau s’organisent de la façon plus classique de la Communauté française. Si l’enseignement officiel met aussi en avant les principes de laïcité que sont l’humanisme, la liberté de conscience, le pluralisme, l’ouverture et la démocratie comme valeurs citoyennes, La laïcité n’exclut pas de désigner cette relation entre la conscience de l’homme et son univers par un symbole, de lui donner une dimension poétique, de croire en un fondateur mystérieux et d’en pratiquer le culte, dès lors qu’est reconnue et garantie à chacun la liberté de faire un tel choix et d’y renoncer, à l’abri de toute contrainte ou conditionnement. La laïcité n’est pas antireligieuse. Elle est par essence pluraliste, puisqu’elle revendique la libre pensée, mais dans la séparation du spirituel et du temporel, chaque religion ou philosophique ayant la liberté de proposer, sans avoir le pouvoir d’imposer30. L’enseignement catholique quant à lui est peut-être ouvert aux autres cultures, mais n’en enseigne pas moins exclusivement et obligatoirement la seule religion catholique aux enfants. Si l’enseignement officiel donne aux parents le choix entre religion ou morale, on peut tout de même se demander si son rôle est donc de forcer les parents à choisir entre présence ou absence de religion. Une proposition pourrait rendre obligatoire la formation des enfants aux points communs (connaissance comparative des diverses religions31, fondements de nos valeurs communes, humanisme, liberté de conscience, pluralisme, ouverture, démocratie, Constitution, éléments pratiques de droits) et facultative ce qui rend les enfants différents soit le choix de suivre un cours de telle ou telle religion, perçue comme représentation spirituelle de la vie, propre à chacun, dans son foyer. Le système actuel met l’accent sur ce qui divise (les religions) plutôt que sur ce qui est commun (la citoyenneté notamment, la connaissance objective de ce qui divise…) ; une réforme devrait inverser cette tendance. En effet, Il y a plusieurs métaphysiques, mais il n’y a qu’une seule morale : la morale des droits de l’homme. La morale n’est pas affaire d’opinion ; elle se fonde sur le simple fait du dialogue, plus précisément sur le fait que tout homme, dans le dialogue, reconnaisse son interlocuteur comme étant en droit son égal32. 28 FAPEO, Point de vue et proposition des parents d’élèves (intervention de P. Spehl), Assemblée générale du 20 novembre 1999. 29 M. Le Boucher, Philosophie et cours philosophiques, sd., sl. 30 P. Spehl, « La réforme des cours philosophiques », op. cit. 31 Les Facultés universitaires ND de la Paix à Namur ont familiarisé 350 enseignants avec le créationnisme et les principes fondamentaux de l’islam. La meilleure ligne de défense consiste à bien édicter que l’approche scientifique du monde appartient au domaine de la connaissance, tandis que la vision religieuse relève de la croyance. Les enseignants doivent s’abstenir d’entrer dans tout débat où ces deux conceptions entrent en jeu. Qu’est-ce à dire ? in S. Ghali, « Comment l’Islam gangrène l’école » in Le Vif-L’express, sept. 2008, p. 35. 32 M. Conche, Confession d’un philosophe, Albin Michel, 2003, p. 270 Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 14
Cependant, peut-on considérer que « ce qui unit » unit réellement ? N’y-a-t- qu’une seule morale ? Est-ce que les valeurs laïques et humanistes sont un point commun à tous ? Notre société change, mais le point commun reste que La vie ensemble, dans une même démocratie, ne peut se dérouler harmonieusement sans des valeurs et des lois communes, sans connaître les points de vue des autres, leur philosophie et leur manière de penser, sans être capable d’examiner et de penser librement. (…) De la connaissance peut naître la compréhension, l’élévation de l’esprit et le respect des convictions de chacun. Le rôle éducatif de l’école officielle dans ce domaine est essentiel, il est insuffisamment développé33. En bref, notre époque gagnerait sans doute à viser un apprentissage pluriel plutôt que de valoriser une seule croyance quelle qu’elle soit. Le port des signes extérieurs La question de la présence ou non de tel cours de religion ou de tel autre dans les programmes scolaires n’est pas encore résolue qu’elle fait immanquablement penser aux polémiques qui surviennent quand on s’interroge sur le port des signes religieux à l’école : combien de lignes ont été écrites sur le port du voile ? Sur la viande halal dans les cantines ? La responsabilité des chefs d’établissement ? En septembre 2007, la Ministre-Présidente de la Communauté française, Marie Arena, donnait raison à deux Règlements d’écoles carolorégiennes qui interdisaient en leur sein le port du voile34. L’un des Directeurs a souligné le contexte général de cette interdiction : il s’agissait de renforcer les règles de l’école suite à plusieurs faits violents dans l’école, des élèves d’origine européenne disaient ressentir une dominance sur eux de la part des élèves d’origine musulmane. Le phénomène peut être subjectif mais il demande que l’école demande le respect des convictions de chacun35. Le voile est-il un signe fort d’appartenance ? Est-il agressif car fort visible ? Risque-t-il de perturber le déroulement des cours (cours d’éducation physique ou de sciences) ? Est-ce un signe de retour en arrière d’une culture dont des femmes se sont battues pour leur liberté ? N’y a-t-il pas de risque que les jeunes filles qui portent le voile soient exclues de la scolarité ? N’y a-t-il pas de contradiction entre le fait d’enseigner une religion et d’interdire les signes qui la manifestent ? Cependant, pour n’aborder que le domaine de l’école publique, on peut considérer que si elle est publique et répond donc aux valeurs d’humanisme, de respect de l’autre…, elle n’est pas pour autant une « place publique » où chacun peut s’exprimer comme il le souhaite ; l’école a ses règles et elle inculque avant tout les instruments intellectuels nécessaires pour apprendre à se forger une opinion qui pourra être exprimée comme il faut et quand il faut pour être mieux entendue. Si chaque jeune possède des avis et des convictions personnels, chacun a aussi besoin de recevoir les outils pour les discuter, sans laisser interférer les impressions, les passions ou les sentiments. 33 Ibid. 34 http://www.espace-citoyen.be/site/index.php?EsId=1&Module=mod-produit&Indice=1-28-1 35 Ibid. Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 15
C’est qu’en Belgique, la lourde responsabilité d’autoriser ou d’interdire le port de signes d’appartenance religieuse à l’école36 relève du ROI (Règlement d’ordre intérieur) et surtout pèse sur les épaules du chef d’établissement37, qui parfois se réfugie dans un détournement du Conseil de participation pour interdire ce signe religieux, alors que ce n’est absolument pas le rôle de cet organe38. Quant à elle, La FAPEO considère que le chef d’établissement ne peut être confronté seul à la question de prendre ou non une mesure d’interdiction des tenues manifestant une appartenance religieuse. Cette question n’est certainement pas du ressort du Conseil de participation de l’école. Il appartient à la Communauté française d’assumer ses responsabilités en tant que garant de la neutralité des écoles officielles et de l’intérêt général de tous les élèves39. …ou la responsabilité de l’Etat ? D’ailleurs la France a réglé le sujet : les signes religieux sont interdits dans toutes les écoles publiques. Plus précisément, le Gouvernement français (J. Chirac) a mis sur pied une commission chargée d’étudier les rapports entre le foulard islamique et la laïcité de l’Etat : c’était la commission Stasi (du nom de l’ancien Ministre B. Stasi). Le rapport fait état d’une résurgence du sexisme à l’égard de jeunes femmes soumises à une grande pression pour baisser les yeux ou porter des tenues asexuées, mais ne nie cependant pas que le foulard puisse aussi être porté de plein gré, même si cette pratique peut être sujette à toutes sortes de réactions. Le 15 mars 2003, suite à ce rapport, une loi est votée qui interdit, dans le respect de la liberté de conscience et du caractère propre des établissements privés sous contrat, dans les écoles, collèges et lycées, les tenues et les signes manifestes à une appartenance religieuse ou politique. Les tenues et signes religieux interdits sont des signes ostensibles, tels que grande croix, voile ou kippa. Ne sont pas regardés comme des signes manifestes d’une appartenance religieuse les signes discrets que sont par exemple médailles, petites croix, étoiles de David, mains de Fatima, ou petits Coran. Jacques Chirac quant à lui souligne que la laïcité n’est pas un droit, mais un devoir40. Les commentateurs du rapport précisent également la notion de « signe ostensible » comme un signe qui marquerait la volonté de se démarquer des autres ou comme une démonstration sollicitante, un acte implicite de prosélytisme41. Il faudra sans doute une bonne dose d’études sémantiques pour décortiquer cette nouvelle loi. En Communauté française, on oscille timidement entre le droit à la liberté d’expression des élèves et l’interdiction pour les professeurs d’heurter les convictions religieuses, entre l’interdiction de faire du 36 Voir aussi pour réflexion « Contre l’interdiction du foulard » et « Pour l’interdiction du foulard » in Le Soir, 12 décembre 2003. 37 Le Minsitre C. Dupont de déclarer par rapport à l’absentéisme dû aux fêtes religieuses : La fête de l’Aïd n’est pas un jour férié. Néanmoins, nous faisons confiance aux chefs d’établissement pour gérer au mieux cette journée en fonction de leur population scolaire et avec tout le bon sens qui s’impose. Oui, mais si les chefs d’établissements souhaitaient le soutien de leur hiérarchie justement ? (H. Dorzée, « L’école ou le calendrier musulman » in Le Soir, 5 décembre 2008). 38 Ph. Shwarzenberger « Le Port du voile à l’école » in Trialogue 33, FAPEO, 2004. 39 M. Gailly, « Voile : la Communauté té française doit prendre ses responsabilités », in Le Soir, 17 décembre 2003. 40 N. Mohammadi, « Analyse sociologique concernant le foulard islamique » en France sur http://www.flwi.ugent.be/cie/CIE2/mohammadi2.htm#8. 41 J. Meskens, « La République contre l’ostensible » in Le Soir, 12 décembre 2003. Les analyses de la FAPEO : « Ecole et religion : liaison dangereuse » 16
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