Emmanuel Krivine chef d'orchestre - Beethoven - Cadences
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L’ AC T UALI T E D E S CO N C ERTS E T D E L’ O PE R A Beethoven La Symphonie Pastorale [ n° 312 mars 2018 ] Auber Le Domino noir Emmanuel Krivine Le calendrier conc e rts © Christophe Abramowitz de s chef d’orchestre à p Aris
CHÂTEAU DE VERSAILLES SEMAINE SAINTE COUPERIN: LEÇONS DE TÉNÈBRES Le Poème Harmonique, À LA CHAPELLE Vincent Dumestre ROYALE 24 MARS 2018 BACH: PASSION SELON SAINT JEAN GAETANO VENEZIANO: Amsterdam Baroque Orchestra & Choir, Ton Koopman PASSIO PER IL VENERDI SANTO Valer Sabadus 18 MARS 2018 Chœur de chambre de Namur Millenium Orchestra, Leonardo García Alarcón 30 MARS 2018 BACH: PASSION SELON SAINT MARC Coro Infantil Amics de la Unio (Barcelone) La Capella Reial de Catalunya Le Concert des Nations, Jordi Savall HAENDEL: DIXIT DOMINUS 26 MARS 2018 VIVALDI: GLORIA Chœur de Chambre du Palais de la Musique Catalane OPÉRA MIS EN SCÈNE Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi À L’OPÉRA ROYAL BACH: PASSION SELON SAINT MATTHIEU 4 AVRIL 2018 Tölzer Knabenchor Hofkapelle München, Michael Hofstetter CAVALLI: 31 MARS 2018 1 AVRIL 2018 IL GIASONE Déploration du Christ, Botticelli 1495 © Domaine Public ; Il Giasone © GTG Magali Dougados. er ORATORIOS MIS EN SCÈNE ANTONIO DRAGHI: Valer Sabadus, BACH: MOTETS LE TREMBLEMENT DE TERRE Kristina Hammarström, Les Arts Florissants, Paul Agnew Le Poème Harmonique, Vincent Dumestre Francesca Aspromonte Benjamin Lazar, mise en espace 25 MARS 2018 28 MARS 2018 Mise en scène Serena Sinigaglia Capella Mediterranea, SCHÜTZ / SCHEIN: CHARPENTIER: HISTOIRES SACRÉES Leonardo García Alarcón LARMES DE RÉSURRECTION Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé Ensemble La Tempête, Simon-Pierre Bestion Vincent Huguet, mise en scène 23 MARS 2018 8 AVRIL 2018 9 10 MARS 2018 RÉSERVATIONS • 01 30 83 78 89 f @chateauversailles.spectacles www.chateauversailles-spectacles.fr @OperaRoyal et points de vente habituels
Anniversaire sommaire LeS dossiers Beethoven, Symphonie n° 6 « Pastorale » 2 Daniel-François-Esprit Auber, © Igor Studio © BnF Le Domino Noir 10 8 à Paris Il y a 333 ans… Portrait 6 Naissait Johann Sebastian Bach, le 21 mars à Eisenach, la même année qu’Händel Emmanuel Krivine et Scarlatti. Et naître dans la famille Bach, cette L’actualité des concerts 4 longue lignée d’organistes, cantors, et facteurs d’instruments, c’est épouser le métier de orgue 8 musicien avant même de l’avoir choisi ! Nulle surprise donc à ce qu’ en soit issu Benjamin Alard © D.R. le père de toute la musique occidentale du en famille 14 xviiie siècle à aujourd’hui. Figure d’autorité absolue dans le monde musical, il n’est aucun 10 artiste qui ne le révère : « Devant lui, nous ne sommes que des enfants » affirma Schumann. les concerts Déjà à son époque, Johann Sebastian Bach à paris 15 intimidait ses contemporains. On raconte ainsi que lors d’un voyage à Dresde en 1717, en île-de-france 24 il devait mesurer son talent à l’orgue à celui Julien Chauvin de Louis Marchand. Mais la veille du duel, © Franck Juery Marchand aurait entendu Bach pratiquer et, affolé, se serait enfui pour éviter la joute musicale, se faisant porter pâle. Légende ou CD 26 fait, l’anecdote rend en tout cas hommage à la virtuosité du futur Cantor de Leipzig. E.G. 24 QUIZ Z 28 Cadences • ISSN 1760 - 9364 • édité par les Concerts Parisiens • SARL au capital de 10 000 euros • 21, rue Bergère 75009 Paris • Tél. 01 48 24 40 63 • Fax 01 48 24 16 29 • Siret 44156960500013 • Directeur de la publication : Philippe Maillard • Publicité : Claire Vachon, tél. 01 48 24 40 63, cvachon@cadences.fr, assistée d’Alexia Dufayet, adufayet@cadences.fr • Rédacteur en chef : Yutha Tep • Chef de rubrique : Élise Guignard • Ont participé à ce numéro : Floriane Goubault, Michel Fleury, Michel Le Naour • Conception graphique : fujiyama@wanadoo.fr • Diffusion : Sophie Borgès, sborges@cadences.fr • Impression : RPN. Livry-Gargan • Tirage : 50 000 exemplaires • Abonnement : 9 nos 40 € AL OLONCEL LE www.philippemaillardproductions.fr SALLE IS PA S C M A R C CO P PEY VI DEN NO PETER L AU L PIANO PIA I TC H DA N I E L LO Z A KOVVI O L O N 23 MARS A N OV S K Y ALEXANDER ROM ANO PI 20:30 SALLE 29 G AV E A U MAR 20:30 S SALL E G AV E AU N 15 VE T HO M A R0S BE E CK 20:3 R AN SALLE F U G AV E A M O Z A RT B E ET H OV E N 22 € 55 38 S C H U B E RT S C H U B E RT PRIX DES PL ACES B E ET H OV E N 01 48 24 16 97 R É S E RVAT I O N S mars 2018 cadences 1
DO s s i e r Beethoven Symphonie Pastorale Seule symphonie de Beethoven en cinq mouvements, chœurs, Beethoven demanda à l’orchestre la Pastorale se distingue surtout par la profonde de reprendre depuis le début, sans man- quiétude qui en émane. Elle inspirera de nombreux quer au passage d’injurier copieusement les compositeurs, à commencer par Hector Berlioz qui verra musiciens, « de la manière la plus grossière, en elle un « étonnant paysage qui semble avoir été composé et si haut que tout le public entendit ». Au terme de ce concert mouvementé, la Pasto- par Poussin et dessiné par Michel-Ange ». L rale ne s’illustre donc pas particulièrement. es premières es- Le compositeur et critique Johann Friedrich quisses de la Sym- Reichardt, bien qu’admettant que « chacun phonie n° 6 dite des mouvements était parfaitement écrit, de « Pastorale » datent manière très vivante et inspirée », retient sur- de 1803, alors que Beetho- tout que la symphonie a duré « beaucoup plus ven est en pleine composi- longtemps qu’un concert donné à la cour » tion de sa Symphonie n° 3. (le deuxième mouvement, en particulier, est Il ne s’agit encore que de jugé trop long). Quelque cent ans plus tard, quelques idées notées rapi- Debussy condamnera toujours sévèrement la © Beethoven par Joseph Karl Stieler dement : on y trouve le futur Pastorale, estimant l’ensemble « inutilement thème du Scherzo et une imitatif ou d’une interprétation purement ar- étude pour le « murmure bitraire ». du ruisseau » de l’Andante. L’essentiel de l’œuvre est composé en 1808, en même Une ode à la nature temps que… la Symphonie n° 5 ! Ce qui est bien difficile à croire tant les deux œuvres sont différentes : tandis que C ’est « couché dans l’herbe, les yeux au ciel, l’oreille au vent » que Berlioz s’imaginera Beethoven composer sa Symphonie Pasto- l’une, tourmentée, déchaîne les passions, Sublimant le classicisme rale. En effet, éternel amoureux de la nature, l’autre exhale la sérénité d’une nature trans- et posant les bases du Beethoven se promenait régulièrement dans figurée. Les deux symphonies sont créées à romantisme, Ludwig les environs boisés de Vienne et passait la l’occasion du même concert, le 22 décembre van Beethoven inspira plupart de ses étés loin de la ville. Le peintre 1808. Le programme, entièrement dédié aux tout le xixe siècle. Klœber relate l’une de ses rencontres avec le nouvelles œuvres de Beethoven, est d’une in- compositeur en 1818 : « Dans mes promenades croyable densité : outre les Symphonies n° 5 à Mödling, je rencontrai plusieurs fois Beetho- et 6, on y entend des extraits de la Messe en ven, et c’était très curieux de le voir, son papier Le 10 mars – Salle Wagram ut, le Concerto pour piano n° 4, une Fantai- à musique et un bout de crayon dans les mains, Orchestre Colonne. Dir. : Julien Leroy. sie pour piano seul et la Fantaisie pour piano, Jean-Philippe Collard, piano. Beethoven, s’arrêtant souvent comme s’il écoutait, regardant orchestre et chœur, avec Beethoven lui-même Symphonie n° 6 ; Probst, Nuées ; en haut, en bas, puis traçant des notes sur son au piano. L’accueil du public est mitigé : le Rachmaninov, Concerto pour piano n° 1. papier ». En 1823, au cours d’une promenade concert, trop long (plus de quatre heures !), à Heiligenstadt, Schindler aurait recueilli les dans une salle glaciale, pâtit surtout de la Le 25 mars – Opéra Royal confidences de Beethoven sur la création de de Versailles tension manifeste entre le compositeur et la Pastorale : « Nous traversâmes Heiligenstadt Ensemble Matheus. Dir. : Jean- les musiciens de l’orchestre. Ferdinand Ries, Christophe Spinosi. Simon Ghraichy, et sa gracieuse vallée, puis nous franchîmes un ami de Beethoven, nous raconte qu’après une piano. Beethoven, Symphonies n° 5 & 6, ruisseau limpide, qui descend d’une montagne erreur du clarinettiste dans la Fantaisie avec Concerto n° 5 « Empereur ». voisine, et au bord duquel croissent des ormes 2 cadences mars 2018
paris Une symphonie © Jean-Baptiste Millot © Phuong N’guyen à programme L a Pastorale est ce qu’on peut appeler une symphonie à programme dans le sens où, contrairement à la musique dite « pure », elle s’appuie sur une référence extramusicale : ici, encadrant le paysage. […] Il [Beethoven] reprit Julien Leroy (à gauche) c’est un programme donné par Beethoven dans alors : “ici j’ai écrit la scène au bord du ruisseau, et Jean-Christophe Spinosi les titres de ses mouvements. Le compositeur et là-haut les cailles, les loriots, les rossignols et (à droite) dirigeront ne révolutionne pas la musique descriptive, les les coucous, l’ont composée avec moi”». chacun la Symphonie procédés musicaux évoqués précédemment Peut-être Beethoven trouve-t-il dans ses pro- « Pastorale » ce mois-ci. ayant déjà été utilisés par ses prédécesseurs menades solitaires un refuge à l’hostilité des (comme dans les célèbres Quatre Saisons de Vi- hommes ? Nul doute en tout cas que cette valdi, ou encore dans des œuvres de Couperin œuvre, qu’il intitule lui-même « Symphonie pas- ou Rameau). Sans doute Beethoven s’est-il éga- torale, ou souvenir de la vie champêtre », est un lement inspiré d’une œuvre de Justin Heinrich hommage explicite rendu à cette nature conso- Knecht parue en 1784 : intitulée « Portrait musi- latrice. Le compositeur donne à chacun des cal de la nature, ou Grande Symphonie », celle- mouvements un titre orientant l’auditeur sur ci est composée de cinq mouvements (dont un les idées évoquées dans sa musique : 1. Éveil épisode d’orage) dotés de titres, formant un d’impressions agréables en arrivant à la cam- programme similaire à celui de la Pastorale. pagne, 2. Scène au bord du ruisseau, 3. Joyeuse Mais la Symphonie n ° 6 n’est pas seulement une assemblée de paysans, 4. Orage-Tempête, 5. musique descriptive. Beethoven, qui ajoute en Chant pastoral – Sentiments joyeux et recon- repères sous-titre « plutôt expression du sentiment que naissants après l’orage. Toute la symphonie peinture » au moment de l’édition de 1809, ne comporte de nombreux procédés descriptifs 1725 : édition des Quatre Saisons recherche pas la représentation exacte d’une de Vivaldi figurant la nature. Dans l’Andante, le murmure scène de nature : « Tout spectacle perd à vouloir décembre 1770 : Naissance du ruisseau est rendu par la douce ondulation être reproduit trop fidèlement dans une compo- de Ludwig van Beethoven des cordes en accompagnement, tandis que les sition musicale », indique-t-il dans les esquisses 1784 : Portrait musical de la nature, trilles des violons évoquent les oiseaux, nom- ou Grande Symphonie de Justin de 1807, telle une mise en garde. Dans cette més avec précision dans la coda : alors que la Heinrich Knecht symphonie, il s’attache surtout à traduire le flûte chante le rossignol, le hautbois est choisi 1804 : Symphonie n° 3 sentiment de sérénité que lui inspire la nature. pour la caille et la clarinette pour le coucou. Le de Beethoven Pour cela, il commence par écarter toute ten- quatrième mouvement, sans doute le plus des- 1808 : Symphonies n° 5 et 6 sion harmonique : pas de tonalité mineure (à criptif, multiplie les effets figurant la tempête : de Beethoven l’exception de l’orage) et des changements har- staccato des violons pour la pluie, tremolo des 1812 : Symphonies n° 7 et 8 moniques très lents. Ensuite, il rend la sensation contrebasses et roulement de timbales pour le de Beethoven d’immobilité et d’éternel recommencement grondement de l’orage, coups de timbales pour 1824 : Symphonie n° 9 de la nature par les nombreuses répétitions le tonnerre, hurlement du vent au piccolo… de Beethoven de cellules mélodiques ou rythmiques. Aussi, auxquels s’ajoutent les trombones pour une so- 26 mars 1827 : mort de Beethoven même si les titres des mouvements sont de la norité encore plus éclatante. Tandis que l’orage 1830 : Symphonie fantastique main même de Beethoven, ils sont à prendre s’éloigne, l’Allegretto final ramène la paix au de Hector Berlioz avec précaution. Et si les adeptes de la musique son d’un ranz des vaches duquel découlera 1915 : Une Symphonie alpestre « pure » ne souhaitent pas s’encombrer d’un de Richard Strauss tout le mouvement. Les hommes trouvent éga- tel programme, ils peuvent toujours suivre le lement leur place dans cet hymne pastoral : le conseil de Berlioz : « jetez-le et écoutez la sym- troisième mouvement, par sa gaité quelque peu phonie comme une musique sans objet déter- rustique et ses rythmes de danses populaires, miné » ! L’auditeur n’en sera pas moins « ému, nous plonge dans un orchestre de village. Se- ravi, transporté de la beauté de ses formes, de lon Schindler, Beethoven se serait inspiré des l’émotion sympathique de sa voix, de la divine mélodies populaires mais aussi de la manière harmonie de tous ses mouvements ». de jouer des musiciens pour écrire son Scherzo. • Floriane Goubault mars 2018 cadences 3
les concerts du mois Alain Planès, piano Du 9 au 25 mars (Maison de la Radio) L’intégrale pour piano de Debussy, voilà un programme de taille ! Pré- ludes, Études, Images… Pour offrir toutes les richesses de la palette so- nore, les couleurs les plus impression- nistes et les textures les plus subtiles, c’est un maitre du répertoire qui nous © D.R. attend à la Maison de la Radio : Alain Planès. Pianiste aussi époustouflant que discret, amoureux de poésie et de peinture, il fut l’élève de Jacques Février et s’est affirmé comme l’interprète idéal de la musique française pour piano du xxe siècle. Il a d’ailleurs gravé en disque cette intégrale Debussy entre 2000 et 2006. Ces quatre récitals seront une belle manière de célébrer le cen- tième anniversaire de la mort du compositeur. Philipp von Steinaecker, direction Du 11 au 16 mars (Conservatoire Supérieur de Paris) En 1724, Händel est depuis quatre ans directeur de la Royal Academy of Music. À ce titre, il peut engager pour ses productions les meilleurs © Annemone Taake musiciens anglais, et dispose aussi des plus grandes étoiles italiennes de son époque. Chef-d’œuvre absolu de l’opera seria, Giulio Cesare est créé le 20 février avec des interprètes stars comme Senesino dans le rôle-titre et La Cuzzoni en Cléopâtre. Händel leur a réservé des airs aussi sublimes que virtuoses. Ce sont aujourd’hui les étudiants du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris qui pourront révéler tous leurs talents dans cette reprise de l’ouvrage. Printemps musical en Allemagne Piotr Anderszewski, piano 13 mars (Philharmonie) Festival Händel à Halle À côté de l’ouverture de l’unique opéra 25 MAI AU 10 JUIN 2018 de Schumann, Genoveva et de son © S. Fowler Warner Classics www.haendelfestspiele-halle.de énergique Symphonie n° 4, ce ne sera pas son Concerto pour piano prévu Festival Bach à Leipzig initialement qui sera donné mais le Concerto n° 25 de Mozart, Maria João 8 AU 17 JUIN 2018 Pires ayant suspendu pour le moment www.bachfestleipzig.de ses concerts. On accueillera donc le génial Piotr Anderszewski qui join- dra sa finesse d’interprétation à celle du London Symphony Orchestra dirigé par Sir John Eliot Gardiner. Une distribution idéale pour ce programme. Beauté des intentions, art du délié, le pianiste polonais saura nous transporter, fort d’une liberté Deux Deux événements événements majeurs majeurs aux aux rare et d’une profonde singularité. Sa collaboration avec le LSO sources sources de de la la musique musique baroque baroque nous séduit d’avance. 4 cadences mars 2018 Festival Cadences 1 L92xH261mm vs2.indd 1 06/02/2018 16:39:24
paris Lucile Richardot, mezzo 17 mars (Église des Billettes) Impressionnante par son authenticité et son engagement, Lucile Richardot mène une carrière encore discrète mais a déjà tout d’une grande. Avec sa voix de mezzo-soprano si singu- lière, si riche, et son goût pour les répertoires intimistes, elle a eu l’occa- © D.R. sion de collaborer avec les ensembles baroques les plus réputés (Le Poème Harmonique, Les Paladins, Les Arts Florissants…). C’est cette fois avec un ensemble prometteur, dont elle participé à la fon- dation, qu’elle se produit : l’ensemble Tictactus. Le programme de ce concert semble taillé pour elle, et mettra en valeur son talent inné pour dire les textes, avec du Purcell, du Playford, du Strozzi… Pierre Roullier, direction 20 mars (Conservatoire Régional de Paris) L’Ensemble 2e2m peut se targuer au- jourd’hui d’être l’une des formations phares dédiées à la création musicale, passionnante par son esprit d’ouver- ture. Elle propose pour ce concert une œuvre d’Aurélien Dumont, Flaques de © E. Kongs miettes, qui porte bien son nom : elle se présente comme un ensemble de petits mouvements développant des directions différentes et constituant, selon les mots du com- positeur, « une sorte d’état déambulatoire en proie aux doutes et à l’évanescence d’un équilibre perdu ou fantasmé ». On peut compter sur Pierre Roullier, à la tête de l’ensemble, pour don- ner du souffle à l’ouvrage. Valery Gergiev, direction 25 mars (Philharmonie) Après L’Or du Rhin le 24 mars, on pourra entendre le second volet du Ring de Wagner, que Valery Gergiev © Alexander Shapunov a élaboré essentiellement avec les chanteurs de la troupe exceptionnelle du Théâtre Mariinski. La Walkyrie, sublime apogée du drame lyrique romantique, est peut-être l’ouvrage le plus populaire de la Tétralogie, et bénéficie ici d’un orchestre tumultueux, d’élans puissants dans la direction, et d’un dramatisme poussé à son sommet. Le chef russe nous livre ainsi une interprétation fascinante du monu- ment wagnérien, renouvelant un répertoire qu’il affectionne. Nouvelle qui réjouira les passionnés, il donnera les quatre opé- ras du Ring d’ici septembre 2018. mars 2018 cadences 5
les concerts do p urm troa i si t Emmanuel Krivine tout pour la musique Nommé directeur musical de l’Orchestre National de un moment exceptionnel dans sa carrière dé- France à partir de la saison 2017-2018, Emmanuel Krivine diée uniquement à la musique. « Sans elle, la célèbre dans la Maison ronde le Centenaire de la mort vie n’a pas de sens » affirmait-il récemment. de Debussy à l’occasion de deux concerts, mais défend aussi une certaine idée de la musique qui vaut toutes Ressentir l’énergie les philosophies du monde. du moment Le 24 mars - Maison de la Radio Orchestre National de France. Karine Deshayes, mezzo. « Avec l’Orchestre National, je vis des instants de bonheur dus à la chimie musicale et hu- maine qui nous lie. C’est une grande satisfaction Debussy, Printemps et Images pour orchestre ; Ravel, Shéhérazade. de constater combien existe une synergie de tous les instants entre le public et l’orchestre pour la Le 5 avril - Maison de la Radio plus grande joie de tous. Orchestre National de France. Dans le geste musical je ne suis jamais analytique Francesco Piemontesi, piano. ou musicologique : je suis en totale immersion Debussy, La Mer ; Franck, Variations dans ce qui se passe entre le jeu de l’orchestre symphoniques ; Strauss, Burlesque pour piano & orchestre ; Ravel, Une barque et l’écoute de la salle. Mon rôle se situe à l’inter- sur l’océan. section des vibrations. Il y a un an, en consul- tant des photographies, je me suis aperçu que la disposition de l’orchestre que j’avais choisie © Christian Aschman était la même que celle d’Ingelbrecht en 1937 ; étrange coïncidence et retour aux sources ! » De fait, s’est installé un climat de confiance et du tac au tac un travail de fond qui se sentent tout autant Votre héroïne préférée ? La dans le domaine de la musique pure que dans A Vierge pour la souplesse la relation avec les personnes qui entourent près avoir parcouru le monde, di- qu’elle apporte au judéo- l’orchestre : « Si j’ai eu la responsabilité de rigé les plus grandes phalanges in- christianisme. concocter, avec Eric Denut, les programmes de ternationales de Chicago à Londres Votre livre préféré ? Les Contes cette nouvelle saison, je dois aussi beaucoup de Grimm ou Les Pensées ou Tokyo, élevé sur les cimes l’Or- à la compréhension du PDG de Radio France, de Pascal. chestre National de Lyon pendant treize ans, Mathieu Gallet, grand amateur de musique ainsi Le compositeur qui n’est pas reconnu à occupé de 2005 à 2015 le poste de directeur sa juste valeur ? En France, Johann qu’au soutien de Michel Orier, directeur de la musical de l’Orchestre Philharmonique du Strauss considéré comme un musique. » Outre la musique française dont Luxembourg, porté sur les fonds baptismaux musicien d’opérette alors que Emmanuel Krivine est considéré à juste titre en 2004 la Chambre Philharmonique, Emma- c’est un autre Mozart. comme l’un des meilleurs interprètes, il voue nuel Krivine a pris en charge les destinées de La pièce musicale que vous emportez également au répertoire allemand et en parti- l’Orchestre National de France. Premier chef sur une île déserte ? La Fantaisie culier à Johannes Brahms une admiration qui et fugue pour orgue en sol d’orchestre français à occuper cette fonction ne se dément pas : « Cela date de l’époque où mineur BWV 542 de J.-S. Bach depuis Jean Martinon (entre 1968 à 1973), car mon rêve était d’être j’ai rencontré Karl Böhm à Salzbourg en 1965. il se montre peu enclin à manier la langue organiste. Outre Richard Strauss, Brahms occupe pour de bois et encore moins la grammaire de En quoi voudriez-vous vous réincarner ? moi une place privilégiée ; avec l’Orchestre de Vaugelas et confie tout l’enthousiasme qu’il En tout cas pas en moi- Bamberg, j’ai eu l’occasion d’enregistrer les éprouve à retrouver les musiciens français même, mais autrement, 4 symphonies en 1995 et d’autres pages sympho- en sommelier. avec lesquels il déclare sans ambages vivre niques. Avec le National nous venons de donner 6 cadences mars 2018
en couverture Deshayes chantera Shéhérazade de Ravel que nous avions enregistré ensemble. Si l’orches- tration de Debussy est plus « pointilliste » que celle de Ravel, elle est aussi plus conceptuelle alors que Ravel est plutôt un jouisseur de la mu- sique un peu comme Richard Strauss. Le second © Radio France / Christophe Abramowitz concert est centré sur La Mer, mais nous avons aussi invité un pianiste très subtil et talentueux, Francesco Piemontesi, pour jouer les Variations 3 CD symphoniques de Franck et Burlesque de Ri- chard Strauss. » Parallèlement, le chef français a entamé avec l’Orchestre National chez Erato une série d’enregistrements à paraître prochai- nement : « Il y aura d’abord La Mer et Images de Debussy, puis avec Bertrand Chamayou un CD consacré aux Concertos pour piano n° 2 et Le Chant des Parques ; nous avons aussi joué Ludwig van Beethoven : 5 « Egyptien » de Saint-Saëns. Nous sommes très beaucoup de Brahms avec la Chambre Philhar- 9 Symphonies amis et ce sont des œuvres que nous avons beau- monique durant la dernière saison. Brahms sera Chambre Philharmonique coup jouées ensemble. » 1 coffret de 5 CD Naïve d’ailleurs le fil conducteur de la prochaine sai- son de l’Orchestre National. » La musique conçue à la tête d’une comme une fin en soi riche actualité Johannes Brahms : E mmanuel Krivine a une vision très person- nelle de la musique et de sa place dans la A u sein d’une activité débordante mais 4 Symphonies, Ouvertures, cité, refusant de l’envisager sous l’angle de la que l’âge a disciplinée (Emmanuel Kri- Variations sur un thème simple utilité telle que les édiles voudraient le vine continue néanmoins d’occuper le poste de Händel faire accroire : « La musique est souvent ensei- Orchestre Symphonique de « principal guest conductor » au Scottish gnée de manière rationnelle au détriment de la de Bamberg Chamber Orchestra, a dirigé en février la Qua- 1 coffret de 3 CD Denon sensation physique et intégrée. La musique est trième Symphonie de Bruckner sur instruments un besoin vital, bien au-delà des considérations d’époque avec la Chambre Philharmonique au de son utilité ou de son inutilité : c’est d’ailleurs Grand Théâtre de Provence à Aix et sera pro- précisément parce qu’elle n’est pas « utile » chainement avec le Chicago Symphony Orches- qu’elle est indispensable, comme l’eau que l’on tra), le chef français ne manque pas de projets : boit ou l’air que l’on respire. Elle nous régénère « Ma mission auprès de l’ONF exige une présence autant que le rayonnement du soleil. Pour moi, Richard Strauss, régulière. Les deux prochains concerts avec l’Or- la musique en tant qu’art est autant immanence Alexandre Von Zemlinsky : chestre ont pour fil d’Ariane l’œuvre de Claude que transcendance. » Une profession de foi Till Eulenspiegel / Debussy : le premier sera consacré à Printemps, dont le public de l’Auditorium de Radio France Die Seejungfrau une œuvre de jeunesse comme une ébauche de Orchestre Philharmonique pourra constater la pertinence lors des deux ce qui apparaîtra ensuite de façon plus élaborée du Luxembourg concerts parisiens qui s’annoncent sous les aus- dans sa création. Il y aura aussi Images qui n’a Emmanuel Krivine, direction pices les plus prometteurs. finalement rien d’impressionniste car Debussy, 1 CD Alpha Classics / Outhere • Michel Le Naour Music France pas plus que Monet, n’est labellisable, et Karine mars 2018 cadences 7
Orgue Benjamin Alard l’amour de Bach Au fil des années, Benjamin Alard décidé d’organiser les trois s’est imposé comme l’un des plus disques du coffret en fonction passionnants interprètes de de ces périodes. » Johann Sebastian Bach. Nouvelle Benjamin Alard répare ici une manière d’injustice : « Ces preuve en ce mois de mars, avec un œuvres ont été peu jouées, elles concert sur « son » orgue de Saint- sont même peu considérées, et Louis-en-l’Île qu’accompagne la cela est fort dommage, dans sortie d’un somptueux coffret la mesure où elles contiennent chez Harmonia mundi. de réelles merveilles. Je trouve S passionnant de constater que i, depuis son Premier prix au Concours déjà le génie était là. Ce qui est de clavecin de Bruges en 2004, Benja- le plus flagrant, c’est l’assu- min Alard a merveilleusement servi rance de l’écriture : tout est les maîtres français, Johann Sebas- extrêmement clair et Bach va tian Bach est demeuré la divinité tutélaire à droit au but. Cette confiance est laquelle il retourne toujours et encore, qu’il manifeste dans les dix neuf cho- © Igor Studio s’agisse de la musique pour clavecin ou de rals que j’ai enregistrés. Une celle pour l’orgue. Pour sa première publi- musique jouée dans le cadre cation sous étiquette Harmonia mundi – un d’un choral est normalement coffret de trois disques qui initie une monu- improvisée par le musicien mentale intégrale des œuvres pour clavier du Benjamin Alard est l’un pour amener le chant du choral en question. À compositeur –, Benjamin Alard rend de nou- des rares musiciens à la place de l’improvisation, Bach écrit de réelles veau hommage à Bach : « Les œuvres enre- mener une carrière au plus pièces de musique qui introduisent un caractère gistrées concernent une période allant de 1697 haut niveau aussi bien au ou un geste, et qui tiennent en une page. Leur à 1705, c’est à dire la toute première jeunesse clavecin qu’à l’orgue. interprétation est difficile car si l’on n’entre de Bach. Je me suis appuyé sur le travail de pas immédiatement dans la bonne tonalité du Jean-Claude Zehnder qui a été mon professeur choral, du texte, on passe vite à côté de quelque à la Schola Cantorum de Bâle. Il a beaucoup chose de fondamental. Ici, l’assurance de Bach œuvré sur cette partie de la vie de Bach, obte- provient sans doute des anciens qu’il a copiés, nant des résultats vraiment très intéressants de son éducation probablement mais aussi d’une et dégageant trois périodes très claires. La vision plus moderne de la façon de faire. » première est celle d’Ohrdruf où il s’installe Le 4 mars – Église Saint-Louis- Les influences chez son frère Johann Christoph après être en-l’Île devenu orphelin alors qu’il a une dizaine d’an- Bach, Frescobaldi, Grigny. nées. On pense qu’il a commencé à composer du jeune Bach à Ohrdruf à l’âge de douze ans, il copie alors énormément ses aînés. La seconde période est celle de Lüneburg où Bach se rend parce qu’il a choisi d’entrer au lycée. Il y étudie le Q ui sont les anciens que le jeune Bach a co- piés et étudiés ? La liste des noms est l’oc- casion d’un véritable tour d’Europe : « Quand je latin, la musique, les langues et bien d’autres dis « anciens », je pense à ses aïeux, à son frère, disciplines. La troisième période correspond mais aussi aux musiques qu’il a copiées : les Ita- au moment où il décroche son premier poste, liens comme Albinoni et Corelli, les maîtres du à Arnstadt. Les œuvres de cette troisième nord avec déjà la musique de Buxtehude bien période sont déjà beaucoup plus connues. J’ai avant le voyage à Lübeck de 1705, ou celle de 8 cadences mars 2018
paris CD Reincken, sans oublier Kuhnau qui était Kantor orgue et je me sens un devoir de bienveillance à Leipzig. Déjà Bach avait cette soif de musique envers cet instrument, j’essaie d’œuvrer pour et il a su très vite synthétiser plusieurs styles : le qu’il occupe une vraie place dans l’église. Mais Alt-Stil, le style ancien du contrepoint allemand c’est aussi un travail car je joue quasiment tous venant de Schütz, mais aussi Monteverdi, Fres- les dimanches. L’entretien de l’orgue s’effectue cobaldi (on sait que son frère avait une copie de manière très efficace mais il s’agit d’un orgue des Fiori musicali) ou encore les Français. Le Johann Sebastian Bach neuf, qui demande donc moins d’interventions. style français était déjà en vogue et Bach avait Intégrale des œuvres pour clavier L’Association des amis de l’orgue de Saint-Louis- (vol. 1) une copie du livre d’orgue de Nicolas de Grigny. en-l’Île est très dynamique et nous proposons Bach, Frescobaldi, Kuhnau, Böhm, Il y a aussi Louis Marchand : on parle souvent Pachelbel, Grigny... des concerts à un horaire sortant un peu de l’or- du duel manqué de 1717 mais Bach connaissait Benjamin Alard (orgue & clavecin) dinaire, à 12:30. C’est un moment de la journée déjà la musique de Marchand par son frère. J’ai Coffret de 3 CD Harmonia mundi où il y a une très belle lumière, ce qui permet que tenu à ce que le coffret contienne quelques pièces l’attention soit concentrée sur la musique. » des influences qu’a subies Bach dans son extrême Parions toutefois que la seule prestation musi- jeunesse. » cale suffira amplement à capter l’attention des Le 4 mars prochain, le claveciniste-organiste auditeurs. Il n’est pas inutile de rappeler que, nous donnera un aperçu passionnant de cet sous l’impulsion de Benjamin Alard, l’orgue de opulent coffret. Si, au disque, il rend justice Saint-Louis-en-l’ïle est devenu un acteur im- aux pièces abordées en passant du clavecin à portant de la vie musicale parisienne, autour l’orgue, Benjamin Alard nous donnera un aper- duquel s’articule une série de concerts régu- çu de ce programme sur le seul et magnifique liers. Le Roi des instruments ne pouvait, il est orgue Aubertin de l’église Saint-Louis-en-l’Île : vrai, trouver plus grand champion. « Cela fait douze ans que je suis titulaire de cet • Yutha Tep mars 2018 cadences 9
DO s s i e r Daniel-François-Esprit Auber Le Domino noir tivement superficiels, le duo concevaient des Trop souvent mis de côté de nos jours, Auber fut un véritable maître en matière d’opéra-comique. Séduisante œuvres très bien ficelées d’un point de vue et malicieuse, sa musique est celle d’un mélodiste théâtral, et toujours percutantes pour le pu- blic. Leur premier triomphe fut Le Maçon en incomparable et recèle mille subtilités qui témoignent 1825. Viendraient ensuite : La Fiancée (1829), d’un savoir immense. à l’Opéra Comique dès ce mois-ci, le Fra Diavolo (1830), Les Diamants de la cou- Domino Noir est l’un des plus beaux exemples de son art. A ronne (1841)… Outre l’opéra-comique, Auber lors qu’il reste et Scribe connurent aussi un coup d’éclat avec aujourd’hui en- une œuvre de « grand opéra » : La Muette de core peu joué, Portici, créée en 1828. On pourrait décrire et ce depuis le Auber comme le parisien mondain typique de xxe siècle, Daniel-François- l’époque, une sorte de dandy ne laissant jamais Esprit Auber fut pourtant paraître ses vraies émotions mais toujours en- un compositeur très en vue clin à offrir en société quelques mots d’esprit. en xixe siècle. Sa musique Il avait un réel goût pour la sophistication, et connut un immense succès, s’était rendu célèbre par sa malice, qui lui per- au point qu’une grande par- mettait paradoxalement de cacher sa nature tie de ses œuvres furent pu- assez secrète. Il dissimulait aussi derrière bliées d’innombrables fois et cette apparente jovialité un caractère sérieux © Luisa Ricciarini-Leemage arrangées pour toutes sortes assorti d’une grande érudition. Et il ne faut pas d’instrumentations. se laisser tromper par l’apparente légèreté des Auber (1782-1871) fut pen- œuvres d’Auber : le musicien avait une par- dant trois ans l’élève de Luigi faite connaissance du contrepoint, de l’harmo- Cherubini (il lui succèderait nie et de l’art de l’orchestration, et aurait pu se d’ailleurs en 1842 au poste de prévaloir d’être mieux instruit que la plupart directeur du Conservatoire de de ses contemporains. Pourtant, il n’avait pas Paris, à la demande du roi Louis-Philippe). Son Malgré son succès, Auber le désir de faire étalage de ses connaissances, premier opéra, Julie, fut donné en 1805. C’est n’assistait jamais à une lui substituant celui de plaire et de charmer lorsque son père mourut en 1819 et que son seule représentation par sa musique. commerce fut ruiné qu’Auber fut contraint de ses œuvres, craignant de ne plus réussir à de prendre ses responsabilités financières. Il s’affirma alors comme un compositeur de composer s’il entendait Une allégresse premier plan : n’ayant pas d’autre choix que sa musique en concert. gracieuse de gagner sa vie avec sa musique, il composa alors une œuvre lyrique par an au minimum et, avec le succès de La Bergère châtelaine, donnée à l’Opéra Comique en 1820, sa carrière L a musique d’Auber est un hymne à la légè- reté et à l’élégance. Scintillante, vive, c’est une musique qui joue sur les effets. Elle s’at- prit un tournant international. Résolument tache rarement à décrire des sentiments graves tourné vers la composition d’opéras-comiques, et le compositeur paraît se détourner volontai- Du 26 mars au 5 avril – Auber collabora pendant 40 ans avec le drama- rement de la profondeur de la vie. Les nuances Opéra Comique turge Eugène Scribe, dont les textes ingénieux, et le texte sont particulièrement mis en relief, Accentus, Philharmonique de Radio riches en « bons mots », correspondait tout à France. Dir. : P. Davin. V. Lesort & C. Hecq, la musique jouant sur les astuces des mots. Les fait à sa musique. Si les intrigues se révélaient mise en scène. Avec A.-C. Gillet, partitions d’Auber répondent en même temps souvent peu réalistes et les personnages rela- C. Dubois, A. Dennefeld... à une construction impeccable, et repoussent 10 cadences mars 2018
paris ra-comique. Le livret du Domino Noir nous emmène donc en Espagne : avant de prendre le voile, Angèle, jeune novice future abbesse d’un couvent, profite une dernière fois des réjouis- sances d’un bal. Lors d’une nuit riche en rebon- dissements, quiproquos et déguisements, elle © Julien Pohl finira par donner à sa vie une autre direction. Théâtralement efficace, l’intrigue joue avec © D.R. ingéniosité sur la traditionnelle thématique du bal masqué où les identités sont brouillées, une thématique qu’on retrouvera entre autres dans Die Fledermaus de Johann Strauss quarante ans toujours plus loin les limites de la précision, plus tard. avec des lignes qui sont souvent d’une grande La partition, elle, mêle ensembles enlevés et limpidité. Le compositeur était un mélodiste airs mémorables. On suit l’acte I au rythme des d’un immense talent, qui savait parer ses mélo- danses qui se suivent. La musique de bal oc- dies de petits éléments inattendus (altérations, cupe toute cette première partie, avec boléro, accompagnement singulier…) pour les rendre © MAGLIOCCA contre-danse, etc. Le dernier numéro est un immédiatement mémorisables. Maitrisant grand duo Angèle/Horace, écrit sur une danse parfaitement les subtilités de l’orchestration, à deux puis trois temps, qui se termine sur un Auber prenait toujours un grand soin à mettre faux moment d’effroi lorsque retentissent les les voix en valeur, sans jamais les couvrir. douze coups de minuit. L’acte II contient les On ne peut pas considérer Auber comme un De gauche à droite et passages les plus célèbres du Domino Noir, représentant du romantisme comme pouvait de haut en bas : Anne- ainsi que des numéros particulièrement co- l’être Berlioz. Contrairement aux grands ro- Catherine Gillet (Angèle), casses comme le dialogue entre Juliano, tout mantiques de son époque, il fuyait le lyrisme Patrick Davin (direction) d’élégance et de séduction, et Inésille-An- exacerbé et l’expression du pathos. Alors que et Cyrille Dubois (Horace). gèle, aux manières faussement paysannes. La Berlioz tirait entre autres son inspiration de « Ronde aragonaise » de l’héroïne, qui tente de Beethoven, Auber s’inscrivait plutôt dans la convaincre l’assistance de ses origines étran- lignée d’Haydn et Mozart, perpétuant une gères, a grandement participé au succès de tradition classique qui continuait d’exister à l’œuvre. Sur un rythme de cachucha entrai- l’époque en dépit du développement de la ten- nant, Auber joue sur les effets espagnolisants. dance romantique. D’autre part, son image de L’air virtuose obtenu annonce la Csárdás de dandy mondain ne correspondait pas du tout Rosalinde dans Die Fledermaus. Les couplets à la figure de l’artiste romantique maudit, de Gil Perez au début du finale parodient avec éternel tourmenté. Il avait notamment reçu piquant un cantique, avant que le compositeur un grand nombre de charges honorifiques et ménage un moment d’intimité avec la prière avait acquis la reconnaissance du public et du d’Angèle et la cavatine émouvante d’un Horace milieu artistique. désespéré. Le dernier acte parodie discrète- ment, et sans virulence, le milieu du couvent, repères Échos d’Espagne notamment avec le chœur des religieuses, plus enclines aux ragots qu’à la dévotion. Le grand 1782 : naissance à Caen air d’Angèle « Je suis sauvée enfin… Ah ! quelle L 1805 : premier opéra, Julie e Domino Noir est créé le 2 décembre 1837 1819 : décès de son père nuit ! » traduit efficacement les contrastes des et connaît un succès immédiat qui perdu- 1820 : La Bergère châtelaine émotions traversées par l’héroïne, mêlant peur rera. La musique est bien représentative du 1825 : Le Maçon, Auber est nommé et humour, tandis qu’on entend encore une style d’Auber, charmant et spirituel. Berlioz officier de la Légion d’honneur fois les éclats des rythmes espagnols avec un dira d’ailleurs de l’ouvrage qu’il est le meilleur 1828 : La Muette de Portici est jaleo (« Flamme vengeresse »). du compositeur, le jugeant « léger, brillant, gai, créée à l’Opéra de Paris Jusqu’en 1909, le Domino Noir fut donné pas souvent plein de saillies piquantes et de coquettes 1837 : Le Domino Noir moins de 1209 fois. Traduit dans une quinzaine intentions ». La couleur espagnole frappe, plus 1842 : directeur du Conservatoire de langues, il eut une notoriété internationale. encore l’auditeur d’aujourd’hui que celui de de Paris Aujourd’hui encore, malgré le peu de reprises l’époque : le spectateur de la première moitié 1869 : Rêves d’amour, dernier faites des œuvres d’Auber, il est le neuvième du xixe siècle n’était pas familier de ces petites opéra ouvrage le plus joué à l’Opéra Comique. touches hispanisantes qu’on retrouverait 1871 : meurt à Paris ensuite régulièrement dans le genre de l’opé- • élise Guignard mars 2018 cadences 11
SOLISTES STS Evenements et la Palazzetto Bru Zane présentent EN SEINE Sandrine Piau et le Concert de la Loge Plaisirs d’amour © Sandrine Expilly Programme : Berlioz, Dubois, Saint-Saëns, Massenet… 23.03.2018 Réservations sur : laseinemusicale.com, fnac.com Production Bru Zane France SOLISTES STS Evenements présente EN SEINE Paul Meyer & Michel Portal Formation : © Benjamin de Diesbatch Paul Meyer, Clarinette © Edith Held Vandoren Michel Portal, Clarinette Jérôme Ducros, piano 15.05.2018 Réservations sur : laseinemusicale.com, fnac.com
TOUS STS Evenements présente EN SEINE ! Sotto Voce DIRECTION MUSICALE Scott Alan Prouty Choeur d’Enfants Sotto Voce, 59 enfants de 10 à 18 ans ! Piano : Richard Davis Chorégraphe : Evandra Martins © Sotto Voce 25.03.2018 Réservations sur : laseinemusicale.com, fnac.com LES NOUVEAUX STS Evenements présente CLASSIQUES Quatuor Voce Venez jouer avec Beethoven ! Programme : Beethoven opus 132 © Quatuor Voce Présenté par François-Xavier Szymczak 02.05.2018 Réservations sur : laseinemusicale.com, fnac.com
les concerts edn u fmaomi si ll e La musique classique à découvrir en famille Attachant Réjouissant Dès 8 ans Dès 5 ans La Princesse légère © D.R. Dans le cadre du festival Folies de Jeunesse qui met à l’hon- neur des spectacles destinés au jeune public, l’Opéra Comique programme un opéra de Violeta Cruz créé en 2017 à Lille, La © Ted Paczula Princesse légère. Le livret tiré du conte de George MacDonald ravira les petits comme les grands enfants : on y découvre une princesse condamnée par une sorcière à la légèreté, légèreté du corps mais aussi de l’esprit, qui l’empêche de se confronter à la gravité, dans tous les sens du terme. Cette histoire, celle de tout enfant faisant face au monde des adultes, est développée dans Le Carnaval des animaux une partition poétique très moderne. Petite pépite de trouvailles musicales et d’humour, Le Carnaval Du 9 au 11 mars – Opéra Comique des animaux est composé en 1886 par Camille Saint-Saëns, alors Ensemble Court-Circuit. Dir. : J. Deroyer. J. Houben & E. Wilson, qu’il est en vacances en Autriche. Il conçoit son œuvre comme mise en scène. Avec J. Crousaud, M. Zerari, J. J. L’Anthöen... une parenthèse de fantaisie, destinée à faire rire. Elle est jouée Tél. : 08 25 01 01 23. à l’occasion du Mardi gras, pendant le Carnaval de Paris, mais Saint-Saëns interdit ensuite son exécution publique, excepté la pièce « Le Cygne » qui deviendra un grand classique des violon- Étonnant cellistes. Ce n’est qu’à la mort du compositeur que Le Carnaval Dès 7 ans des animaux put de nouveau être donné. Avec 14 pièces pro- posant des instrumentations différentes, Saint-Saëns fait défi- ler tout un cortège comique d’animaux, offrant une partition idéale pour découvrir les timbres des instruments et l’univers de la musique classique : gazouillis des oiseaux dans la volière © Michel Nguyen illustrés par la flûte traversière, cocorico du coq joué par la cla- rinette, fluidité de l’eau dans l’aquarium avec les arpèges du ABCD’airs piano… Bien entendu, les différents caractères des animaux ne sont pas sans évoquer des caractères humains, humains qui Dans ce spectacle pensé par Anne Régnier, hautboïste soliste de apparaissent eux-mêmes à leur tour dans la pièce des « Pia- l’Orchestre de l’Opéra de Paris, chacune des 26 lettres de l’al- nistes ». Saint-Saëns multiplie aussi les clins d’œil à d’autres phabet est associée à une atmosphère musicale, dont découle œuvres, reprenant la Danse des sylphes de Berlioz dans une ver- un moment de poésie ou d’humour. À travers cette succes- sion alourdie par la démarche de l’éléphant, Orphée aux Enfers sion de tableaux, l’auditeur est invité à explorer les époques, d’Offenbach dans « Les Tortues », diverses comptines pour en- les genres musicaux et les compositeurs. Et le panel est large : fants dans « Les Fossiles »… Dans la lignée de ce chef-d’œuvre, musiques baroque, romantique, populaire, venues de France, Luciano Berio composa Opus Number Zoo pour quintette en d’Amérique du nord ou d’ailleurs, toutes sont portées par le 1951, une œuvre innovante et audacieuse axée sur le langage talent et la complicité des quatre artistes dans une formation des animaux, toujours dans un esprit de divertissement. Bonne peu usuelle (piano, contrebasse, hautbois et soprano). humeur garantie. Le 10 mars – Opéra Bastille, studio Le 17 mars – Cité de la Musique Anne Baquet, chant ; Claude Collet, piano ; Amandine Dehant, Solistes de l’Orchestre national d’Île-de-France. Berio, Opus contrebasse ; Anne Régnier, hautbois & cor anglais. Gérard Rauber, Number Zoo. mise en espace. – Tél. : 08 92 89 90 90. Tél. : 01 44 84 44 84. 14 cadences mars 2018
paris [ mars ] Vadim Repin, violon Orchestre National du Capitole Le 15e quatuor de Schubert M. Helms Alien, S. Waarts, violons ; T. de Toulouse. Dir. : Tugan Sokhiev. Tidout, alto ; B. Philippe, violoncelle. Tchaïkovski, Concerto pour violon ; 19h30. Salle Cortot. Chostakovitch, Symphonie n° 12. 15 €. Tél. : 01 47 63 47 48. 20h30. Philharmonie. 1 jeudi Håkan Hardenberger, trompette 10-50 €. Tél. : 01 44 84 44 84. & direction Khatia Buniatishvili, piano Vierne, Dupré, Franck Philharmonique de Radio France. Philharmonique de Radio France. V. Dubois, O. Latry, P. Lefebvre, Haydn, Prokofiev, Ravel... Dir. : Mikko Franck. Rachmaninov, Y. Castagnet, J. Vexo & J.-P. Leguay, 20h00. Maison de la Radio. Debussy, Sibelius. grand orgue. 10-25 €. Tél. : 01 56 40 15 16. 20h00. Maison de la Radio. 20h30. Cathédrale Notre-Dame de Paris. 10-65 €. Tél. : 01 56 40 15 16. Ophélie Gaillard, violoncelle 27,50 €. Tél. : 01 44 41 49 99. Orchestre à préciser. Strauss, Romance en fa majeur, Don Quichotte. 2 vendredi 7 mercredi 20h00. Musée de l’Armée, Cathédrale. 30 €. Tél. : 01 44 42 54 66. Khatia Buniatishvili, piano Vox Luminis Philharmonique de Radio France. Dir. : Lionel Meunier. Une soirée chez Sakomoto, Display Dir. : Mikko Franck. Rachmaninov, les Bach. Voir au 7 mars. Concerto pour piano n° 2 ; Franck, 20h00. Auditorium du Louvre. 20h00. Maison de la culture du Japon. Symphonie en ré mineur. 35 €. Tél. : 01 40 20 55 00. Frank Peter Zimmermann, violon 20h00. Maison de la Radio. Sakomoto, Display Voir au 7 mars. 10-65 €. Tél. : 01 56 40 15 16. Installation sonore & performance. 20h30. Philharmonie. Shiro Takatani, création visuelle. 4 dimanche 20h00. Maison de la culture du Japon. Concert Inventio Ensemble A-letheia. Dir. : Jacob Bass. Benjamin Alard, orgue Tél. : 01 44 37 95 95. Léo Marillier, violon. Beethoven, J.S. Bach, G. Frescobaldi, N. de Grigny. Frank Peter Zimmermann, violon 5e Symphonie et Concerto pour violon 12h30. Église Saint-Louis-l’Île. Orchestre de Paris. Dir. : D. Harding. et orchestre. Libre participation. Schumann, Fantaisie pour violon 20h30. Oratoire du Louvre. et orchestre, Symphonie n° 2 ; 25 €. Tél. : 01 64 01 59 29. 5 lundi Hindemith, Kammermusik n° 4. Mūza Rubackytė, piano 20h30. Philharmonie. Orchestre de Chambre de Lituanie. À l’heure du déjeuner 10-50 €. Tél. : 01 44 84 44 84. Dir. : Robertas Šervenikas. Malcys, Artistes de la Nouvelle Troupe Favart. Christophe Coin, violoncelle Mozart, Chopin, Thilloy... 18h30. Opéra Comique. Akiko Ebi, piano. Franchomme, 20h30. Salle Gaveau. 15 €. Tél. : 08 25 01 01 23. 22-55 €. Tél. : 01 48 24 16 97. Variations sur un thème russe ; Mozart, Schubert, Dvořák Chopin, Grand Duo concertant sur des Vierne, Messiaen, Mallié DS Kang, violon ; H. Lee, alto ; YC Cho, thèmes de Robert le Diable... L. Mallié, M. Bouvard, E. Lebrun, J-B violoncelle ; V. Lucas, flûte ; O. Doise, 20h30. Cité de la musique, Amphithéâtre. Monnot, orgues. hautbois ; M. Metzger, clarinette ; 18 €. Tél. : 01 44 84 44 84. 20h30. Cathédrale Notre-Dame de Paris. L. Lefèvre, basson ; H. Joulain, cor ; 27,50 €. Tél. : 01 44 41 49 99. Lea Desandre, mezzo R. Pallottini, JM Cottet, piano. Dir. Thomas Dunford, archiluth. Quatuor Girard Artistique : P. Devoyon, DS Kang. Monteverdi, Cavalli, Strozzi... Martin Steffens, méditations. Œuvres 20h00. Musée de l’Armée, Grand Salon. 20h30. Salle Cortot. de Barber, Bruckner, Debussy, Lekeu, Festival Vents d’Hiver. 22-38 €. Tél. : 01 48 24 16 97. Beethoven. 10-15 €. Tél. : 01 44 42 54 66. 20h30. Église Saint Thomas d’Aquin. Bruch, Brahms, Beffa Mahler, Symphonie n° 1 Titan Libre participation. Tél. : 01 42 22 59 74. Ensemble Contraste ; Ambroisine Bré, Les Siècles. Dir. : François-Xavier Roth. mezzo. Carte blanche à Fériel Kaddour Franck, Symphonie en ré. 20h30. Lycée Henri IV. F. Kaddour, piano ; O. Pfender, 20h30. Philharmonie. soprano ; S. Hemmi, piano. Debussy, 5-10 €. Tél. : 01 42 62 71 71. 10-30 €. Tél. : 01 44 84 44 84. Ravel, Chopin, Liszt. 8 jeudi 21h00. École Normale Supérieure Ulm. 6 mardi Entrée libre. Tél. : ingrid.pichon@ens.fr. Benjamin Appl, baryton Debussy, Fauré, Emmanuel L’Octuor de Mendelssohn James Baillieu, piano. Schubert, Marc Coppey, violoncelle ; Jean- Musiciens du Centre de Musique Schumann, Brahms... François Heisser, piano. de chambre de Paris. J. Pernoo, 12h30. Auditorium du Louvre. 12h30. Auditorium du Musée d’Orsay. conception & mise en espace. 15 €. Tél. : 01 40 20 55 00. 16 €. Tél. : 01 53 63 04 63. Mendelssohn, Mozart, Mahler... Yundi Xu, piano 21h00. Salle Cortot. Jean-François Zygel improvise Ravel, Miroirs ; Clara Schumann, 15 €. Tél. : 01 47 63 47 48. Fauré. Scherzos n° 1 op. 10 & n° 2 op. 14 ; 12h30. Salle Gaveau. Haydn, Chopin & Ligeti. 9 vendredi 12,50 €. Tél. : 01 49 53 05 07. 12h30. Petit Palais. 11 €. Tél. : 01 40 20 09 20. Musique russe Ralph van Raat, piano K. Paniouchkina-Desbordes, soprano ; Master-class de piano autour de Étudiants du PSPBB S. Lechevalier, piano. Moussorgski, Magnus Lindberg. Programme communiqué ultérieurement. Tchaïkovski, Rachmaninov... 14h30. Salle Cortot. 18h00. Philharmonie. 12h15. Amphithéâtre Richelieu-Sorbonne. Entrée libre. Tél. : 01 47 63 47 48. Entrée libre. Tél. : 01 44 84 44 84. 12 €. Tél. : 06 89 17 49 35. mars 2018 cadences 15
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