Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences

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Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
© Sim Canetty-Clarke                        [ n° 310 janvier 2018 ]          L’ AC T UALI T E D E S CO N C ERTS E T D E L’ O PE R A

                Ian Bostridge
        ténor
                de s

       à
                                                         Les Quatuors
                                                                              Les Préludes

                                                                    Mozart
                                                                                         Debussy

               conc e rts
                            Le calendrier

      p Aris
Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
L’   édito
D E Philippe MaiLlard                                                                                             sommaire
                                                                                                                  LeS dossiers
Double pratique
                                                                                                                  Händel, Jephté                            2

                                                                © National Portrait Gallery
La révolution baroque des années 1970 a fait
naître une nouvelle génération de musiciens                                                                       Debussy, les Préludes                     8
adeptes de la pratique sur instruments
d’époque : clavecin, violon avec des cordes                                                                       Mozart, les Quatuors à cordes           12
en boyau, viole de gambe ou violoncelle
baroque, trompette naturelle, traverso….
Cette spécialisation a certes beaucoup                                                                 2          à Paris
apporté à l’inteprétation de la musique,
                                                                                                                  Portrait                                  6
donnant leurs lettres de noblesses à tous les
instruments. Mais de plus en plus d’artistes                                                                      Ian Bostridge
aspirent maintenant à la « double pratique »,
au terme d’un apprentissage plus complexe,                                                                        L’actualité des concerts                  4
qui permet de passer du baroque au
romantique, tout en demeurant aussi                                                                               violoncelle                             10
                                                               © Maarit Kytoharju

éblouissant dans un style que dans l’autre.
Philippe Jaroussky déploie dans Händel la                                                                         Marc Coppey
même flamboyance que dans Only the sound
remains de Saariaho. Ian Bostridge est aussi
à l’aise dans Jephté de Händel que dans
                                                                                                       4          en famille                              14

Schubert, alors que le violoncelliste Marc                                                                        les concerts
Coppey brille aussi bien dans Barrière que
dans Beethoven. Tous ont en commun la soif                                                                        à paris                                 15
de découvertes et de transmission de la
musique, soucieux d’une interprétation dans                                                                       en île-de-france                        24
ce qu’elle a de plus authentique au prix d’un
travail considérable. Il faut donc les applaudir                                                                  Gagny
dans leurs multiples facettes, sans les
cantonner à un seul genre. Cadences vous                                                                          CD                                      26
guide dans vos choix de concerts et vous
                                                                                                   18
                                                               © Ji

souhaite une très belle année 2018, pleine
de découvertes et d’émotions musicales.
                                                                                                                  QUIZ Z                                  28

 Cadences • ISSN 1760 - 9364 • édité par les Concerts Parisiens • SARL au capital de 10 000 euros • 21, rue Bergère 75009 Paris • Tél. 01 48 24 40 63 • Fax 01
 48 24 16 29 • Siret 44156960500013 • Directeur de la publication  : Philippe Maillard • Publicité  : Claire Vachon, tél. 01 48 24 40 63, cvachon@cadences.fr,
 assistée d’Alexia Dufayet, adufayet@cadences.fr • Rédacteur en chef : Yutha Tep • Chef de rubrique : Élise Guignard • Ont participé à ce numéro : Floriane
 Goubault, Michel Fleury, Michel Le Naour • Conception graphique : fujiyama@wanadoo.fr • Diffusion : Sophie Borgès, sborges@cadences.fr • Impression : RPN.
 Livry-Gargan • Tirage : 50 000 exemplaires • Abonnement : 9 nos 40 €

         SAISON

            2017
            2018
                           La Belle Saison
         Marc Coppey / Kenneth Weiss / Philippe Cassard / David Grimal / Anne Gastinel /
         Gli Incogniti / Amandine Beyer / Révélations classiques de l’Adami / Orléans concours international /
         Pierre Fouchenneret / Yan Levionnois / Nicolas Baldeyrou / David Guerrier / Quatuor Ebène /
         Karen Vourc’h / Louis Rodde / Thomas Savy / Guillaume de Chassy...

         Éric Le Sage / Quatuor Strada... : Intégrale des œuvres de musique de chambre de Johannes Brahms
         en partenariat avec Mezzo et B Records

                                    Renseignements et réservations
                                    www.bouffesdunord.com
                                    Auprès de la billetterie, du lundi au vendredi de 17h à 19h et le samedi de 14h à 19h
                                    37 (bis), bd de la Chapelle, 75010 Paris / Tél : +33 (0)1 46 07 34 50

                                                                                                                                      janvier 2018 cadences      1
Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
DO s s i e r

                             Händel
                                                                     Jephté
          Dernier oratorio de Händel composé dans un contexte                                                     de l’œil gauche. En 1752, pour la saison sui-
       difficile, Jephté évoque la douleur de l’homme soumis à sa                                                 vante, il dirige quand même les 12 concerts
        destinée et à la volonté de Dieu. Mêlant les atmosphères                                                  de la période du Carême, en commençant
                mais souvent tirée vers une obscurité désespérée,                                                 par Jephté le 26 février, qui est repris deux
                                                                                                                  fois. John Beard crée le rôle-titre tandis que
                         la partition recèle de véritables trésors,
                                                                                                                  Giulia Frasi interprète Iphis, un rôle qu’Hän-
                             fruits de la maturité du compositeur.

    O
                                                                                                                                   del a écrit pour elle, ins-
                 n sait que Händel                                                                                                 piré par la douceur de son
                 était capable de                                                                                                  timbre (c’est d’ailleurs cette
                 composer excep-                                                                                                   même soprano qui avait créé
                 tionnellement vite.                                                                                               Theodora). Malgré de nom-
     Généralement, quelques se-                                                                                                    breuses consultations médi-
     maines lui suffisaient pour                                                                                                   cales, Händel ne guérira pas.
     donner naissance à un orato-                                                                                                  Alors âgé de 66 ans, il se voit
     rio. Il s’y attelait la majeure                                                                                               condamné à arrêter la com-
     partie du temps en été et en                                                                                                  position.
     automne, se rendant dispo-
     nible à la période du Carême
     qui accueillait une grande
                                                                                                                                        Une lecture
     saison de représentations.                                                                                                         de la Bible
     Pour Jephté cependant, les
     choses ne se passent pas du
     tout ainsi. Händel en entame
     la composition le 21 janvier
                                                                                                                                    H     ändel tenta toute sa vie
                                                                                                                                          d’élargir le registre de
                                                                                                                                    l’oratorio et d’y apporter de
     1751, un mois seulement                                                                                                        la nouveauté, mais ceux basés
                                       © National Portrait Gallery

     avant l’ouverture de la sai-                                                                                                   sur des sujets profanes étaient
     son à Covent Garden. Il com-                                                                                                   rarement bien accueillis du
     mence alors à perdre la vue,                                                                                                   public. Pour la période du
     ironie du sort au regard du                                                                                                    Carême, il convenait de véhi-
     livret de l’oratorio sur l’as-                                                                                                 culer des messages de piété
     sujettissement de l’homme                                                                                                      avec sobriété. Jephté répond à
     à son destin. En février, le                                                                                                   ce schéma, avec un livret écrit
     compositeur a achevé le chœur final de l’acte                    Portrait de Georg Friedrich                 par Thomas Morell. Théologien, Morell avait
     II « How dark, o Lord, are thy decrees » («                      Händel, attribué à Balthasar                écrit d’autres livrets d’oratorios pour Händel
     Combien sombres, Ô Seigneur, sont tes dé-                        Denner (vers 1726-1728).                    comme Judas Maccabeus, Alexander Balus et
     crets ») et note sur la partition « incapable de                                                             Theodora. Pour Jephté, Morell reprend un épi-
     continuer en raison de l’affaiblissement de la                                                               sode du Livre des Juges de l’Ancien Testament
     vue de l’œil gauche. » Lorsque la fameuse sai-                                                               en s’appuyant sur un drame en latin de George
     son des oratorios s’ouvre, Jephté n’est donc                                                                 Buchanan : Jephtes sive Votum. Il n’est pas le pre-
     pas achevé. Le retard de Händel est finale-                      Du 13 au 30 janvier –                       mier à s’intéresser au personnage, et écrit son
                                                                      Palais Garnier
     ment occulté par le décès du prince Frédéric                                                                 livret en ayant en tête les œuvres de Carissimi,
                                                                      Les Arts Florissants. Dir. : William
     de Galles, le 20 mars, qui suspend la saison.                    Christie. Claus Guth, mise en scène. Avec   Montéclair et de l’abbé Pellegrin. Morell puise
     À la fin du mois d’août 1751, l’oratorio est                     Ian Bostridge, Marie-Nicole Lemieux,        aussi son inspiration dans l’Iphigénie à Aulis
     terminé, mais Händel ne voit plus du tout                        Katherine Watson, Tim Mead…                 d’Euripide. L’histoire de Jephté est similaire en

2    cadences janvier 2018
Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
paris

                                                                                              © Geneviève Lesieur
© Hugo Bernard

                                    © Denis Rouvre

bien des points à celle d’Iphigénie : Jephté pro-     Katherine Watson (à gauche)                                   Au cœur du drame
nonce le vœu malavisé de sacrifier la première        interprète Iphis, Marie-

                                                                                              L
personne qu’il rencontrera à son retour chez          Nicole Lemieux (à droite)                     e livret de Morell, au-delà de ses enjeux
lui s’il remporte la guerre, sauf qu’il s’agira de    interprète Storgé, sous                       théologiques, a aussi la grande qualité de
sa fille Iphis. Accablé mais résolu, alors qu’il      la direction de William                 fournir à Händel une matière textuelle au fort
                                                      Christie (au centre).
s’apprête à la sacrifier, son geste est arrêté au                                             potentiel expressif. Le compositeur fait de Jeph-
dernier moment par un ange et Iphis devra en                                                  té une œuvre profondément désespérée. Selon
échange consacrer sa vie à Dieu. La tension                                                   l’usage de l’époque, il réutilise des éléments
dramatique de l’ouvrage est créée autour du                                                   composés par d’autres musiciens, notamment
déchirement du protagoniste, tiraillé entre son                                               des parties de messes de Franz Habermann (on
devoir envers Dieu et son attachement pour sa                                                 peut en déceler des extraits dans 12 numéros
fille. À l’image d’Iphigénie, que son père Aga-                                               de Jephté). L’enjeu principal semble être pour
memnon décide de sacrifier pour obtenir les                                                   Händel de traduire au mieux les tempéraments
faveurs des dieux, Iphis touche au sublime par                                                des différents personnages et les émotions qu’ils
son abnégation et son courage, ce que sait par-                                               traversent alors qu’ils sont jetés dans le drame.
faitement dépeindre Händel (depuis Esther, le                                                 Beaucoup d’oratorios du musicien furent com-
compositeur s’est fait le spécialiste de ces por-      repères                                posés après ses opéras, et ils empruntent à ces
traits féminins). Une grande différence existe         23 février 1685 : naissance à Halle,   ouvrages profanes leur force, voire leur vio-
cependant entre le livret de Jephté et l’histoire      en Saxe                                lence, dans l’expression des conflits intérieurs.
biblique, c’est l’intervention de l’ange qui em-       1706-1710 : séjour en Italie           Le personnage de Jephté est traité avec une
pêche le sacrifice, et ce choix de Morell n’est pas    1711 : premier séjour à Londres        vraie profondeur, et on le voit évoluer au fur
anodin. À l’époque de Händel, la religion et la        1712 : s’installe à Londres
                                                                                              et à mesure de ses airs. Dans son premier air,
Bible font partie intégrante de la vie sociale et                                             son arrogance et son aplomb sont mis en avant.
                                                       1718 : Esther
politique. Comme beaucoup d’autres peuples à                                                  « La bonté me rendra grand » déclare-t-il son
                                                       1724 : Giulio Cesare, Tamerlano
ce moment-là, les Anglais s’identifient aux an-                                               un ton péremptoire, amené par l’éclat de la mu-
                                                       1733 : Deborah, Athalia
ciens Israélites, se considérant comme le peuple                                              sique. Sa douleur et sa solitude surgissent en-
                                                       1735 : Ariodante, Alcina
élu de Dieu. Mais avec l’arrivée des Lumières                                                 suite dans « Open thy marble jaws », avec une
et du scepticisme, les origines de la chrétienté       1737 : paralysé par une attaque        belle sobriété. La ligne de chant et des violons
sont questionnées, notamment l’histoire et les         1740 : derniers opéras italiens,       sont emportés vers le registre grave. Dans un
                                                       Imeneo et Deidamia
coutumes parfois cruelles des Israélites narrées                                              récitatif long et complexe (« Deeper and deeper
                                                       1742 : Le Messie
dans la Bible, qui donnent l’image d’un Dieu                                                  still », construit avec pas moins de 15 tonalités),
sans pitié. L’idée germe que le christianisme          1752 : Jephté, dernier oratorio        Jephté exprime son anéantissement puis à la fin
serait contaminé à sa source. Les libres-pen-          14 avril 1759 : meurt à Londres        de l’ouvrage, il demande aux anges de protéger
seurs soulèvent autour du sujet un débat public                                               Iphis dans l’au-delà, acceptant enfin son destin,
de très grande ampleur. Le livret de Morell est                                               avec le magnifique « Waft her, angels, through
donc d’actualité en traitant un épisode biblique                                              the skies ». Outre les personnages, le chœur
qui fait apparaître le sacrifice humain comme                                                 joue un rôle d’une grande force expressive,
rite de dévotion. En théologien, Morell donne                                                 même s’il n’est pas aussi omniprésent que dans
donc une justification au vœu de Jephté en                                                    Israël en Égypte par exemple. Représentant les
pointant du doigt une autre manière de s’y te-                                                Israélites, il se voit confier l’un des moments les
nir qui exclut tout sacrifice, d’où l’intervention                                            plus sombres et les plus forts de la partition, qui
de l’ange. Il rend ce vœu acceptable et montre                                                est même l’un des sommets musicaux de tout
la miséricorde de Dieu, l’exemptant par là de                                                 l’opus händélien : « How dark o Lord are thy
tout soupçon de cruauté.                                                                      decrees ».
                                                                                                                               •   Élise Guignard

                                                                                                                             janvier 2018 cadences   3
Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
les concerts
    du mois

                            Jérémie Rhorer, direction
                            16 janvier (Théâtre des Champs-Élysées)
                                                        Unique oratorio de Beethoven, Le
                                                        Christ au Mont des Oliviers relate
                                                        l’épisode de l’agonie du Christ avant
                                                        son arrestation et sa crucifixion.
                                                        Rarement montée, l’œuvre déploie
                                                        pourtant une majesté et une émotion

                            © Alix Laveau
                                                        puissantes que sait mettre en avant
                                                        Jérémie Rhorer à la tête du Cercle de
                                                        l’Harmonie et de la Vokalakademie
                            Berlin. Il est, qui plus est, entouré de solistes de choix comme
                            Marita Solberg ou Jean-Sébastien Bou. On pourra écouter en-
                            suite la Messe Solennelle de Berlioz, un ouvrage de jeunesse
                            que le compositeur ne souhaita pas faire paraître dans son ca-
                            talogue mais qui voit déjà naître les brillantes idées musicales
                            qu’on retrouvera dans ses œuvres postérieures.

                            Béatrice Rana, piano
                            20 janvier (Fondation Vuitton)
                                                      Premier prix du Concours de Mon-
                                                      tréal à 18 ans seulement, Beatrice
                                                      Rana subjugue par son talent. À la
                                                      Fondation Vuitton, elle présentera
                                                      un programme Ravel et Schumann
                            © Nicolas Bets

                                                      contrasté. Les Miroirs du premier
                                                      séduiront par leur beauté impres-
                                                      sionniste, suivis de la Blumenstück
                                                      du second. Les Études symphoniques
                            permettront ensuite à la pianiste de démontrer sa virtuosité
                            impressionnante, la conception orchestrale de l’écriture de ces
                            pièces requérant une grande technicité dans le jeu, ce que sou-
                            haitait d’ailleurs Schumann qui les avait pensées pour déve-
                            lopper chez l’interprète une maitrise parfaite de l’instrument.

                            Anja Harteros, soprano
                            22 janvier (Philharmonie)
                                                      Présence puissante, homogénéité
                                                      parfaite de la voix, les éloges au sujet
                                                      d’Anja Harteros sont légions dans
                                                      le monde de l’opéra. Et les mois de
                            © Marco Borggreve

                                                      janvier et février offriront aux pari-
                                                      siens de multiples occasions d’aller
                                                      l’entendre. La soprano se produit à
                                                      la Philharmonie avec le Münchner
                                                      Philharmoniker sous la direction du
                            grand Valery Gergiev pour les Wesendonck Lieder de Wagner,
                            exaltation de la nature, la douleur et l’amour (certaines pièces
                            seront d’ailleurs réutilisées dans Tristan und Isolde). Dès le
                            3 février, Anja Harteros incarnera aussi Amelia dans Un ballo
                            in maschera de Verdi à l’Opéra de Paris, un répertoire dont elle
                            a la maitrise absolue et où elle est unanimement saluée.

4   cadences janvier 2018
Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
paris

Kaija Saariaho, compositrice
Du 23 janvier au 7 février (Palais Garnier)
                          Traitant toujours la voix dans sa por-
                          tée humaine et sa potentialité drama-
                          tique, Kaija Saariaho nous a offert en
                          2016 un nouvel opéra de chambre :
© Maarit Kytoharju

                          Only the sound remains. Inspirée de
                          deux pièces de théâtre nô traduites
                          par Ezra Pound (Toujours fort et
                          Manteau de plumes), l’œuvre fascine
                          par ses textures sonores riches, son
écriture instrumentale méticuleuse et sa cohérence formelle,
si chère à la compositrice finlandaise. L’opéra, mis en scène
par Peter Sellars, est porté par la prestation des deux solistes :
la basse Davone Tines et bien sûr le contre-ténor Philippe Ja-
roussky, qu’on redécouvre avec bonheur dans ce répertoire
contemporain.

Bertrand de Billy, direction
27 janvier (Cité de la Musique)
                         Pièce symboliste de Maurice Mae-
                         terlinck, Pelléas et Mélisande n’ins-
                         pira pas que Debussy : outre le chef-
                         d’œuvre du compositeur qui marqua
© Marco Borggreve

                         à jamais l’histoire de l’opéra par son
                         esthétique nouvelle, Fauré lui dédia
                         une musique de scène qui traduit
                         subtilement son l’atmosphère et
                         Schönberg en fit un poème sympho-
nique d’un éclat postromantique superbe. Bertrand de Billy,
dirigeant les jeunes musiciens de l’Orchestre du Conservatoire
National Supérieur de Musique de Paris, explore les œuvres de
Fauré et Schönberg et propose un aperçu du monument debus-
syste dans une suite orchestrale arrangée par Alain Altinoglu.

Karine Deshayes, mezzo
2 février (Amphithéâtre Richelieu, Sorbonne)
                         La mezzo-soprano que les maisons
                         d’opéra s’arrachent viendra envoû-
                         ter l’Amphithéâtre Richelieu dans le
                         cadre de la saison des Concerts de
© Aymeric Giraudel

                         Midi. Une belle occasion d’entendre
                         l’une des grandes voix d’aujourd’hui
                         dans un décor magnifique et bien dif-
                         férent des grandes scènes nationales.
                         En duo avec le pianiste Nicolas Stavy,
elle interprètera six mélodies de Fauré, un répertoire qu’elle
affectionne et qui met en avant les nuances de sa voix, la cha-
leur de son timbre, sa diction parfaite. Deux œuvres pour pia-
no viendront compléter ce programme : une sonate de Fauré,
et la Ballade op. 19 du même compositeur, tout en souplesse et
en transparence.

                                                                     janvier 2018 cadences   5
Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
les concerts
    do
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        troa
           i si t

    Ian Bostridge
                                     le chant intense
                                      Ian Bostridge figure parmi les musiciens les plus                     aux dysfonctionnements multiples d’une socié-
                                       fascinants de ces dernières années, livrant des                      té, elle touche quelque chose de plus profond
                                                                                                            qui nous concerne tous : nos liens avec notre
                             interprétations ne laissant jamais personne indifférent,
                                                                                                            famille et particulièrement nos enfants. Elle
                               quitte à bousculer le confort d’écoute des mélomanes.
                                                                                                            m’affecte particulièrement parce que je suis le
                                         Au Palais Garnier, il aborde Jephté de Händel.
                                                                                                            père d’une petite fille de onze ans, que je suis
                                                                                                            souvent absent à cause de mon travail et que
                                                                Du 13 au 30 janvier –                       ma fille est bien souvent la première personne
                                                                Palais Garnier                              que je vois à mon retour. »
                                                                Les Arts Florissants. Dir. : William        La grandeur tragique de Jephté accablé par
                                                                Christie. Claus Guth, mise en scène. Avec   l’ironie du Sort (la majuscule s’impose ici) ne
                                                                Ian Bostridge, Marie-Nicole Lemieux,
                                                                                                            va pas, selon de nombreux commentateurs,
                                                                Katherine Watson, Tim Mead…
                                                                                                            sans annoncer les sombres nuées romantiques
                                                                                                            à venir : « On peut voir en lui un personnage
                                                                                                            romantique dans une perspective que je dirais
                                                                                                            technique, en ce sens que la musique la plus
                                                                                                            convaincante de l’oratorio est celle qui illustre
                                                                                                            le désespoir, la torture que Jephté s’inflige à
                                                                                                            lui-même. Effectivement, cette musique profon-
                                                                                                            dément émotionnelle annonce d’une certaine
     © Sim Canetty-Clarke-

                                                                                                            manière le romantisme. Cela est vrai de cer-
                                                                                                            tains récitatifs accompagnés mais aussi d’un air
                                                                                                            aussi singulier que Open Thy marble Jaws dans
                                                                                                            l’acte II, dont l’intériorité pourrait effectivement
                                                                 du tac au tac                              être qualifiée de romantique. Les autres airs de

    S
                                                                                                            Jephté sont plus convenus mais on peut citer
                                                                  Votre bruit préféré ? Le son de
            i Ian Bostridge fréquente de façon                    la voix de Dietrich Fischer               cependant Waft her, Angels à l’acte III, incroya-
            régulière les salles de concert pari-                 Dieskau chantant Grenzen                  blement beau, dont les lignes à la merveilleuse
            siennes depuis maintenant deux dé-                    der Menschheit de Wolf.                   simplicité contrastent immensément avec l’at-
            cennies, sa présence sur une scène                    Votre compositeur préféré ? Franz         mosphère Sturm und Drang régnant ailleurs. »
    lyrique est suffisamment rare pour qu’on                      Schubert.
    la signale. À l’Opéra Garnier, le ténor an-
    glais revêt les atours de l’infortuné guerrier
                                                                  L’œuvre que vous auriez voulu créer ?
                                                                  Winterreise peut-être.                              John Beard,
    hébreu Jephté : « En surface, l’intrigue peut                 Le compositeur que vous aimeriez
                                                                  défendre ? Benjamin Britten,
                                                                                                                  le ténor de Händel
    sembler extrêmement étrange pour nous

                                                                                                            I
                                                                  qui reste encore marginal
    contemporains. Dans une société troublée, un                                                               l y a quelques année, Ian Bostridge rendait
                                                                  alors qu’il est un compositeur
    père fait le vœu, en pleine bataille, de sacri-               absolument central.                          un hommage passionnant au créateur du
    fier la première personne qu’il rencontrera à                 Votre métier si vous n’étiez pas          rôle de Jephté, John Beard (et à deux autres
    son retour si Dieu lui accorde la victoire. Et il             musicien ? Historien.                     ténors légendaires ayant collaboré avec Hän-
    s’avère que cette personne est sa fille, Iphis. La            Votre livre préféré ? Guerre et Paix      del, les Italiens Francesco Borosini et Annibale
    dimension psychologique est proche de ce que                  de Tolstoï.                               Pio Fabri), dans son disque intitulé The three
    l’on rencontre plus tard, par exemple, dans                   En quoi voudriez-vous vous réincarner ?   Baroque tenors (Warner Classic) : « Étant un
    Idomeneo de Mozart – la victime est cette                     En femme, pour savoir ce que              oratorio, Jephté n’était pas destiné à être repré-
    fois Idamante, le fils d’Idomeneo. L’intrigue de              cela fait d’être « de l’autre             senté sur scène mais les récitatifs de cette parti-
                                                                  côté ».
    Jephté n’est pas seulement liée à la Bible ou                                                           tion, qu’ils soient accompagnés ou secco, offrent

6   cadences janvier 2018
Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
en couverture

                                                                                              Habiter pleinement
                                                                                                   Schubert

                                                                                         L    es esprits chagrins ont souvent pointé du
                                                                                              doigt ce qu’ils considèrent comme un excès
                                                                                         de maniérisme, voire d’intellectualisme : « Je
                                                                                         suis entièrement investi dans mon chant que je
                                                                                         considère comme hautement émotionnel. Cer-
                                                                                         tains me trouvent excessif et en toute honnêteté,
                                                                                         selon moi, ce qualificatif me définit mieux que ce-
                                                                                         lui d’intellectuel. Certes, j’aime souvent aborder
                                                                                         la musique d’abord de façon intellectuelle mais
                                                                                         ce n’est pas le cas de mon chant. J’aime me mon-
                                                                                         trer parfois extrême parce que chanter consti-
                                                                                         tue de fait un moment extrême, et demande à ce
                                                                                         qu’on exprime des émotions intenses. Je ne veux
                                                                                         pas être déconnecté de la musique. Beaucoup
                                                                                         jugent que, dans les lieder de Schubert, j’inter-
                                                                                         prète trop mais il semblerait que, du temps de
                                                                                         Schubert, on avait tendance à les interpréter en
                                                                                         les habitant pleinement, ou même en les jouant,
                                                     CD & DVD
© Sim Canetty-Clarke

                                                                                         sans se contenter de chanter ces mélodies de ma-
                                                                                         nière détachée. »
                                                                                         Parole certainement d’évangile, car venant
                                                                                         d’un immense expert dont le livre Le Voyage
                                                                                         d’Hiver de Schubert, Anatomie d’une obsession,
                                                                                         paraît enfin chez Actes Sud après avoir été
d’extraordinaires opportunités de jeu théâtral                                           traduit dans neuf autres langues auparavant,
                                                     Georg Friedrich Händel
et de peinture par le biais de la voix, ou même                                          signe d’un succès indiscutable : « À vrai dire,
                                                     Great Händel : airs d’opéras &
de la posture corporelle. Tout cela me fait dire     oratorios                           lorsque j’ai décidé de me consacrer entièrement
que John Beard devait être un fort bon comédien.     Orchestra of the Age of             au chant en 1999, je venais tout juste d’achever
On sait que Händel démontrait une grande pré-        Enlightenment, Harry Bicket         un livre historique consacré à la sorcellerie.
férence pour les chanteurs qui étaient aussi bons    (direction)                         Par la suite, j’ai commis quelques essais pour
                                                     1 CD Warner
acteurs : on en a la preuve par ses collaborations                                       diverses revues, sans avoir le temps d’entre-
avec Susannah Cibber, la sœur du compositeur                                             prendre un livre entier. Un éditeur à Londres
Thomas Arne, qui n’était pas une voix merveil-                                           m’a proposé de réunir ces essais en un volume
leuse mais possédait apparemment un extraordi-                                           qui a été publié en 2011 et a assez bien mar-
naire don pour émouvoir l’auditoire – on connaît                                         ché. Mon éditeur me demandant d’envisager
la fameuse anecdote concernant son interpréta-                                           une suite, mon épouse m’a suggéré d’écrire un
tion de l’air He was despised du Messie. » Sans      Franz Schubert                      livre sur Le Voyage d’Hiver, que j’avais si sou-
doute Ian Bostridge retrouve-t-il dans la figure     Lieder (Belle Meunière + Voyage     vent donné en concert. J’ai beaucoup réfléchi et
                                                     d’hiver + Chant de cygne)
de Beard des aspirations qui sont également les                                          il s’est avéré que la structure même du cycle se
                                                     Mitsuko Uchida, Leif Ove Andsnes,
siennes : « Je ressens une véritable continuité      Antonio Pappano (piano)             prêtait aisément à la vie que je mène. Il contient
quand je passe de Jephté aux lieder de Schubert      Coffret de 3 CD + 1 DVD - Warner    vingt-quatre chapitres appellant vingt-quatre
ou aux mélodies de Benjamin Britten. J’avoue que     Classics                            essais distincts, ce qui est bien plus simple pour
je ne m’intéresse pas à la voix en tant que telle,                                       moi, par exemple, qu’une grande biographie de
que je me passionne plus pour le drame que pour                                          Schubert. »
le chant à strictement parler. J’apprécie davan-                                         À auteur passionnant livre passionnant, que
tage l’art d’une Maria Callas que celui de Joan                                          nous recommandons vivement. Au Palais Gar-
Sutherland. » Sans doute cette soif d’expression                                         nier, entouré des Arts Florissants de William
poétique explique-t-elle la parcimonie avec la-                                          Christie et dans une mise en scène de Claus
                                                     Benjamin Britten
quelle il accepte les engagements opératiques.       Sérénade pour cor, ténor et         Guth qu’on attend insolite, Ian Bostridge nous
Grand prêtre de Schubert ou Benjamin Brit-           orchestre - Les Illuminations…      fera certainement ressentir viscéralement les
ten, Ian Bostridge n’a eu de cesse de scruter les    Philharmonique de Berlin, Simon     tourments de Jephté, en un de ces portraits mé-
poèmes mis en musique, livrant des interpré-         Rattle (direction)                  morables qu’il sait peindre comme personne.
                                                                                                                             • Yutha Tep
                                                     1 CD Warner Classics
tations hallucinées qui ont pu laisser perplexe.

                                                                                                                     janvier 2018 cadences     7
Ian Bostridge ténor - Debussy - Cadences
Dossier

                       Debussy
                                  Préludes
     Quintessence des recherches impressionnistes de l’auteur,                                        sation de proportions naturelles et harmo-
         les Préludes recèlent des sortilèges pianistiques sans                                       nieuses exige d’ailleurs un sens suprême de
                      équivalent dans la littérature du piano.                                        la forme). Aucun schéma théorique ne pré-

    A
                                                                                                      side au choix des tonalités, et do mineur, fa
                près la parution                                                                      mineur, sol mineur et la mineur manquent
                du Cas Debussy,                                                                       à l’appel. Il ne s’agit donc pas à proprement
                livre dans lequel                                                                     parler d’un cycle à donner dans son intégra-
                les critiques don-                                                                    lité au cours d’un concert, contrairement à
    naient leur opinion sur le                                                                        Chopin : Debussy, d’ailleurs, excellent pia-
    musicien, alors très contro-                                                                      niste lui-même, avait l’habitude d’extraire
    versé, l’éditeur Durand avait                                                                     pour ses concerts trois ou quatre pièces des
    encouragé le favori de son                                                                        deux livres. Surtout, à l’instar d’Edgar Poe et
    écurie à produire, pour le                                                                        de Baudelaire, il possédait à un haut degré le
    grand public, une série de                                                                        sens des correspondances : chez lui, une per-
    pièces cultivant son style si                                                                     ception visuelle ou un parfum éveillaient un
                                      © United Archives-Leemage

    personnel, mais davantage                                                                         son ; tout devenait musique : le spectacle de
    abordables que les recueils                                                                       la nature et un tableau au même titre que les
    d’Estampes et d’Images, ju-                                                                       rumeurs d’une fête lointaine ou les cloches à
    gés par trop ésotériques. Il                                                                      travers les feuilles. Il avait le don miraculeux
    en résulta les deux livres de                                                                     de transmuer en personnages sonores sug-
    Préludes (1910, 1912). L’au-                                                                      gestif (motif, succession d’accords, rythme,
    teur prétendait y avoir pris                                                                      …) les objets, les êtres et les rêves. Suggestion
    Chopin pour modèle. En fait,                                                                      et non pas description : dans le sillage de Tur-
    ces pièces diffèrent profondément des deux                    Tissée de rêves                     ner, Debussy se plaisait dans un monde rêvé,
    célèbres recueils du maître polonais, et, a for-              insaisissables, la musique          une brume vaporeuse noyant les contours
    tiori, des pièces portant le même titre de Bach,              de ce magicien des sons             comme dans ces compositions de Monet où
    Heller et plus tard Scriabine, Rachmaninov                    semble écrite par les fées ou       les cathédrales, les falaises ou les nymphéas
    ou York Bowen. Pour Chopin comme pour ces                     le Dieu Pan en personne…            se dissolvent et semblent flotter dans un halo
    auteurs, « prélude » désigne une pièce brève,                                                     imprécis. Sur le plan musical, la couleur (har-
    concentrée et fortement structurée, servant                                                       monie et timbre) prend le pas sur la ligne
    d’introduction à un plat de résistance plus                                                       (mélodie et contrepoint) ; cette démarche
    consistant (une fugue, un choral, ou même                                                         comparable à celle des peintres impression-
    un spectacle littéraire ou scénique…). Ils se                                                     nistes fait de lui le fondateur de l’impression-
    sont efforcés en général de couvrir l’intégra-                                                    nisme en musique, et les Préludes en repré-
    lité des 24 tonalités majeures et mineures,                                                       sentent la quintessence. Instrument de la
    dans un ordre logique. Leurs préludes, même                                                       résonance par excellence, le piano se trouva
    saturés de lyrisme romantique (Rachmani-                      19 janvier 2018 –                   tout naturellement au cœur des recherches
    nov, Bowen), sont de la musique pure, « sans                  Philharmonie                        des musiciens impressionnistes, et nulle part
    littérature ni peinture » Ces pages rigoureu-                 Daniel Barenboim, piano. Debussy,   elles ne sont poussées plus loin que dans ces
                                                                  Préludes (Livre I).
    sement articulées autour d’un motif unique                                                        deux recueils. Chaque prélude est une évo-
    sont à l’opposé de toute « improvisation ».                                                       cation sonore, et, soucieux de ne pas « vio-
                                                                  27 janvier 2018 ­– Cité de la
    Debussy, au contraire, dans ses Préludes,                     Musique, Amphithéâtre               ler » la perception de l’auditeur, l’auteur
    élève l’improvisation à la hauteur d’un art                   Alain Planès, piano                 laisse le sujet en suspens jusqu’au bout, le
    (savoir donner l’impression d’une improvi-                    Debussy, Couperin, Rameau.          titre ne figurant qu’à la fin et entre paren-

8   cadences janvier 2018
paris
© Éric Larrayadieu

                                                                                                taine prévalant au long du morceau servant de
                                                                                                lien entre les fragments de chansons populaires
                                    © D.R.

                                                                                                napolitaines ainsi immergées dans les vapeurs
                                                                                                du rêve. C’est encore des rumeurs lointaines qui
                                                                                                gonflent les rafales du Vent d’Ouest. « Plaintif et
thèses. Usage abondant de la pédale destiné          De gauche à droite, Alain                  lointain » indique la partition : les vieux châ-
à « noyer le ton » dans une brume, super-            Planès et Daniel Barenboim                 teaux, théâtres des drames de Maeterlinck, sont
position de plusieurs strates sonores ayant          aborderont tous les deux                   quelque part dans l’Ouest, près de la mer, et il
chacune sa vie propre et constituant un véri-        Debussy à la Philharmonie.                 se pourrait bien que ces bourrasques se soient
table « contrepoint d’accords » (exigeant une                                                   déjà abattues sur Ysselmonde au moment où
écriture à 3 portées ou plus), ligne mélodique                                                  l’on assassinait la princesse Maleine, forçant
fragmentée et enchâssée dans un ruisselle-                                                      la fenêtre de sa chambre pour emmener dans
ment d’arpèges sont autant de procédés pia-            repères                                  leurs tourbillons, jusqu’à la fin des temps, la
nistiques qui s’ajoutent au contexte harmo-                                                     plainte de l’infortunée… Le silence du Vent
nique typiquement impressionniste : accords           1862 : naît le 22 août à Saint-Germain-   dans la plaine contraste avec cette rage éolienne
                                                      en-Laye
parallèles, pentatonisme, quartes et quintes                                                    chargée de dissonantes secondes : c’est ici un
à découvert, secondes majeures, septièmes             1872-1882 : études au Conservatoire       souffle léger, parcouru du mystérieux frémisse-
                                                      de Paris
et neuvièmes avec notes altérées, gamme par                                                     ment des blés sous la brise. Musique raréfiée,
                                                      1880 : devient précepteur de musique
tons et accords de quinte augmentée.                                                            dont l’économie de moyens est en rapport di-
                                                      à Saint Pétersbourg chez Madame von
                                                      Meck, égérie de Tchaïkovski               rect avec l’élément immatériel qui l’a inspirée.
                                                                                                La Cathédrale engloutie est un sommet absolu
                     Sortilèges sonores…              1885-1887 : séjour à la Villa Médicis
                                                      à Rome (Prix de Rome)                     d’impressionnisme pianistique. Au début, les
                                                      1888 : La Damoiselle élue, cantate        superpositions de quartes et de quintes sug-

A     insi, Voiles représente, par l’ambiguïté
      de son titre même, l’essence de l’impres-
sionnisme (une scène maritime nimbée d’un
                                                      sur un poème préraphaélite de Dante
                                                      Gabriel Rossetti
                                                      1889 : Arabesques pour piano
                                                                                                gèrent une mer calme, avec les harmoniques
                                                                                                de carillons lointains, « dans une brume douce-
                                                                                                ment sonore ». La houle s’enfle peu à peu à me-
« voile » impressionniste). En dehors d’un            1890 : Suite bergamasque pour             sure que le carillon s’intensifie. Alors apparait la
passage pentatonique (à l’indication « en ani-        piano                                     cathédrale, dans un colossal flux de plain chant
mant ») la musique est entièrement fondée             1894 : Prélude à l’après-midi             qui émerge des profondeurs. Le glas sonne à
sur la gamme par ton, avec une pédale de si b         d’un faune                                nouveau, puis le cantique résonne une seconde
suggérant le calme plat, le dessin en tierces des     1899 : Trois Nocturnes, premier           fois piano, comme un écho sur la surface des
premières mesures, l’écume des Jeux de vagues,        mariage (Lilly)                           flots calmés, la vision mystique s’estompant
la citation d’un motif de La Mer (mesure 7)           1902 : Pelléas et Mélisande               finalement dans le halo sonore du début. Ces
affirmant sans ambiguïté le décor marin. La           1903 : Estampes pour piano                deux livres magiques concluent sur une page
mer est perçue au travers du voile mystérieux         1904 : Images pour piano, cahier I        qui s’avance aux frontières de l’avant-garde :
et des effets de clair-obscur de la gamme par         1905 : La Mer                             Feux d’artifice. Ici la matière ignée éclabousse
ton, qui ajoutent au tableau une note d’irréel et     1907 : Images pour piano, cahier II       les draperies amorphes de la nuit de sa traînée
d’insaisissable. Les sons et les parfums tournent     1908 : divorce de Lilly, second mariage   d’étoiles, l’obscurité grouillant de la présence
dans l’air du soir est, sur le plan harmonique,       (Emma Bardac)                             indistincte de la foule, étonnant équivalent so-
l’une des pages les plus sensuelles de Debussy.       1911 : Le Martyre de Saint                nore du Nocturne en noir et or du peintre amé-
La ligne mélodique évolue avec volupté et lan-        Sébastien                                 ricain Whistler, intitulé La Chute de la fusée.
gueur, s’infléchissant sous le poids des parfums      1912 : Images pour orchestre,             Suavité préraphaélite (La Fille aux cheveux de
et des sonorités dont elle est chargée. La conclu-    Préludes pour piano                       lin, Bruyères), mystère de la nuit d’Orient (Ter-
sion met en relief l’appel des lointains cher à       1913 : Jeux (poème chorégraphique)        rasse des audiences du clair de lune) ou humour
l’impressionnisme, en l’occurrence « une loin-        1915 : Etudes pour piano                  sardonique (Hommage à Pickwick), les Préludes
taine sonnerie de cors » relevée de l’arôme           1917 : Sonate pour violon et              recèlent d’incomparables sortilèges pianis-
exquis du mode de fa. Les Collines d’Anacapri         piano                                     tiques, d’une beauté unique, sans équivalent
utilise la texture fragmentée affectionnée par        1918 : meurt d’un cancer le 25 mars       dans la littérature du piano.

                                                                                                                                 • Michel Fleury
l’impressionnisme, la rumeur de cloche loin-          à Paris

                                                                                                                             janvier 2018 cadences     9
v i o l o n c e ll e

             Marc Coppey
                toutes les musiques
            Le début d’année francilien                                                                        dans le grave mais déploie brio
               de Marc Coppey s’annonce                                                                        et virtuosité dans l’aigu. D’une
           particulièrement riche, avec                                                                        certaine manière, il grandit en
       des concerts balayant plusieurs                                                                         restant lui-même tout en allant
                                                                                                               se mesurant au violon. »
        siècles de répertoire. Le grand
                                                                                                               Un autre vieux complice
            violoncelliste français est,
                                                                                                               l’attend, cette fois au Musée
             certes, l’un des artistes les
                                                                                                               d’Orsay, pour un programme
         plus protéiformes de la scène                                                                         français (Debussy, Fauré, Em-
                   musicale. Rencontre.                                                                        manuel) dont il est évidem-

     S
                                                                                                               ment un champion univer-
              on premier concert francilien pour-                                                              sellement respecté : « Je crois
              rait suprendre d’aucun, avec ce                                                                  qu’avec Jean-François Heisser,
              concert aux côté du claveciniste Ken-                                                            nous avons travaillé ensemble
              neth Weiss aux Bouffes du Nord orga-                                                             pour la première fois en 1991. Il
     nisé sous l’égide de La Belle Saison : « Il ne                                                            s’agit donc d’une collaboration
     faut pas opposer les répertoires car, d’une                                                               ancienne, à la fois en musique
     manière générale, je considère qu’être violon-                                                            de chambre, dans le cadre des
     celliste constitue déjà en soi une spécialité. Le                                                         concerts de l’Orchestre de la
     violoncelle est un instrument dont le réper-                                                              Nouvelle Aquitaine ou même
     toire est vaste, pas au point toutefois de jus-                                                           au conservatoire où nous
     tifier des spécialisations à l’intérieur de ce ré-                                                        avons été collègue, sans comp-
     pertoire. L’association clavecin-violoncelle est                                                          ter l’Académie Ravel à laquelle
     assez rare mais j’ai fait la rencontre de Ken-                                                            j’ai participé cette année. »
     neth Weiss il y a quelques années et cette col-                                                           Marc Coppey gagne ensuite
                                                             © Ji

     laboration très heureuse me permet de mettre                                                              la Salle Gaveau avec l’un de
     le doigt sur un répertoire que j’aime beaucoup,         Formé à Strasbourg, puis       ses partenaires privilégiés, le pianiste anglais
     avec notamment ces sonates italiennes qu’en-            Paris et Bloomington,          Peter Laul, pour escalader un véritable Eve-
     fant, j’ai beaucoup travaillées. Avec Kenny,            Marc Coppey s’impose           rest : les sonates de Beethoven « Nous jouons
     nous traçons le cheminement du violoncelle à            en 1988 en remportant le       ensemble depuis au moins depuis 1998 et avons
     ses débuts – des débuts certes déjà bien affir-         Concours Bach de Leipzig.      réalisé plusieurs disques, dont le plus récent, qui
     més –, à un moment où le violoncelle s’affirme                                         sort en mars prochain (n.d.l.r. : pour le label
     vraiment à la fois en France, en Italie et en                                          Audite), est consacré aux sonates de Beethoven.
     Allemagne, et devient un instrument soliste à                                          Nous avons opté pour un enregistrement en live
     part entière. »                                                                        car après avoir donné ces partitions plusieurs
                                                             3 février – Château
     Petit bond d’une cinquantaire d’années, pour                                           fois en concert, nous avons pris conscience que
                                                             de Versailles
     le concert du Château de Versailles où Marc             Solistes de Zagreb
                                                                                            cette manière d’odyssée nous faisant passer de
     Coppey s’attaque à Boccherini et Haydn, entou-          Boccherini, Haydn, Mozart.     la première à la dernière sonate de Beethoven,
     ré de ses complices des Solistes de Zagreb (il en                                      reflétait assez fidèlement le geste créateur même
     est le directeur musical depuis 2011) : « Avec ces      6 mars, Auditorium d’Orsay     de ce compositeur, dans la prise de risque et
     deux compositeurs, le violoncelle prend le visage       Jean-François Heisser, piano   l’engagement requis. La présence d’un public
                                                             Debussy, Fauré, Emmanuel
     d’un instrument avec une étendue sur quatre oc-                                        était en outre importante car elle apporte une
     taves et, surtout, acquiert ce qui va devenir un        29 mars, Salle Gaveau
                                                                                            certaine urgence. Pour être honnête, je ne me
     de ses signes distinctifs : la multiplicité des voix.   Peter Laul, piano.             voyais pas enregistrer ces sonates d’une autre
     Le violoncelle chante avec beaucoup de chaleur          Beethoven, Franck.             manière. »                           •    Yutha Tep

10   cadences janvier 2018
DO s s i e r

                              Mozart
     Les Quatuors à cordes
               Œuvres de commande ou créations spontanées, les                                                          violoncelle au caractère de continuo.
           quatuors à cordes de Mozart ne s’échelonnent pas de                                                          Après Trois Divertimentos composés en 1772
             manière régulière tout au long de sa carrière, mais                                                        pour la même formation instrumentale, Mozart
      ponctuent sporadiquement le catalogue du compositeur.                                                             revient au quatuor avec les Six Quatuors à
                                                                                                                        cordes « milanais » K. 155 à 160 composés au
          Parfois couchés sur le papier avec facilité, ils peuvent
                                                                                                                        début de l’année 1773. Œuvres galantes dans le
       aussi naître dans la douleur, en particulier lorsqu’ils se
                                                                                                                        style de l’opéra italien, elles possèdent malgré
         présentent comme
                                                                                                                        tout une écriture parfaitement maîtrisée et
        un défi aux yeux de
                                                                                                                        remarquable d’équilibre, à travers laquelle
      Mozart, à l’image des                                                                                             émerge déjà un langage musical personnel
        quatuors dédiés au                                                                                              et original. Toujours en trois mouvements et
        compositeur Joseph                                                                                              de proportions modestes, Mozart y explore
     Haydn, son aîné et son                                                                                             prudemment l’écriture en quatuor, en
       ami, mais surtout le                                                                                             octroyant à l’alto et au violoncelle un rôle plus
        « père » du quatuor                                                                                             développé.
                                       © Gesellschaft der Musikfreunde, Vienne

                   à cordes.                                                                                            Sans dédicace d’aucune sorte, ces premiers

     E
                                                                                                                        essais ne répondent pas à une commande
               n 1770, Mozart n’a                                                                                       particulière, mais sont plutôt le fruit de
               que quatorze ans et                                                                                      tentatives spontanées de la part du jeune
               déjà de nombreuses                                                                                       compositeur, avide de s’essayer à un genre
               compositions à son                                                                                       encore nouveau.
     actif : des concertos, des
     symphonies et même un
     opéra… mais aucun quatuor
                                                                                                                                 L’ascendant
     à cordes ! En effet, c’est                                                                                                de Joseph Haydn
     un nouveau genre dont la
     forme, encore en cours de maturation, se fixe
     progressivement notamment grâce à Joseph
     Haydn qui publie cette année-là son Opus
                                                                                 Portrait posthume de
                                                                                 Mozart par Barbara Krafft.             E   n 1773, la publication des Quatuors op. 17
                                                                                                                            et op. 20 de Haydn fait une forte impression
                                                                                                                        sur Mozart qui cherche alors à rivaliser avec
     n° 9, l’un des premiers véritablement aboutis.                                                                     son aîné. Les Six Quatuors à cordes « viennois »
     Cela dit, c’est d’abord avec Sammartini, dont                                                                      K. 168 à 173, composés en août-septembre
     il a l’occasion d’entendre les œuvres à Milan,                                                                     1773, suivent de quelques mois seulement les
     que Mozart se familiarise avec le quatuor                                                                          quatuors précédents mais leur langage est bien
                                                                                 Du 11 au 21 janvier – Cité de
     à cordes. Curieux de se risquer à cette                                                                            différent, influencé par la découverte des qua-
                                                                                 la Musique
     nouvelle forme de musique de chambre, il                                    Biennale de quatuors à cordes.         tuors de Haydn. En quatre mouvements (avec
     compose le Quatuor à cordes n° 1 K. 80, daté                                Quatuor Voce, Quatuor Danel, Quatuor   un menuet en 2e ou 3e position), ils recèlent
     du 15 mars 1770. Ce premier essai est encore                                Artemis, Quatuor Asasello, Quatuor     certains thèmes mélodiques librement inspirés
     largement tributaire du style italien : en trois                            Hermès, Quatuor Arod…                  des op. 17 et 20 dont ils empruntent plusieurs
                                                                                 Mozart, Beethoven...
     mouvements relativement courts et tous                                                                             idées : premier mouvement en forme de varia-
     dans la même tonalité (Mozart y ajoutera                                                                           tions, développement du travail thématique,
     un rondo quelques années plus tard), ce                                                                            dissymétrie des phrases, et surtout intégration
     quatuor se rapproche de la sonate en trio.                                                                         du contrepoint (fugue, fugato, canon…). Il en
     La mélodie est largement assurée par les                                                                           résulte un mélange des styles sévère et galant
     violons, dominant un alto encore effacé et un                                                                      parfois maladroit, hétérogène, qui manque en-

12   cadences janvier 2018
paris
© Harald Hoffmann

                                                                                              © Bernard Benant
                                    © Nikolaj Lund

core de maîtrise. Souvent jugé sévèrement par
la critique, cet opus recèle malgré tout quelques
                                                      Les Quatuors Hagen
                                                      (à gauche), Artemis
                                                                                                                 Les derniers quatuors
belles pages de qualité.                              (au centre) et Debussy
En 1782, l’étude des manuscrits de Bach, que
Mozart découvre grâce à son ami le baron van
                                                      (à droite) joueront Mozart
                                                      lors de la Biennale de                  C    omposé au cours de l’été 1786, le Quatuor
                                                                                                   à cordes K. 499 « Hoffmeister » (du nom de
                                                                                              son éditeur) est publié seul, n’appartenant à au-
                                                      quatuors à cordes.
Swieten, lui permet de perfectionner sa com-
                                                                                              cun cycle. C’est une œuvre de transition, voire
préhension et sa maîtrise du contrepoint. Il
                                                                                              d’expérimentations : faisant fi des traditionnels
rencontre également Haydn (probablement
                                                                                              rapports entre les tonalités, Mozart s’intéresse
dès 1781) avec qui il joue en quatuor, et dont la
                                                                                              davantage aux relations entre le thème mélo-
parution des Six Quatuors op. 33 stimule à nou-
                                                                                              dique et l’accompagnement, accordant notam-
veau sa créativité. Les Six Quatuors à cordes
                                                                                              ment un rôle largement développé à l’alto.
« dédiés à Haydn » ne voient pas le jour aisé-
                                                                                              Après ce quatuor isolé, il revient une dernière
ment puisque leur composition s’étale sur plus
                                                                                              fois au genre en 1789. Alors que sa situation
de deux ans. Publiés en 1785 en tant qu’Opus
                                                                                              financière et son état psychologique sont peu
10, ils sont accompagnés d’une touchante lettre
                                                                                              enviables, il accompagne son ami et élève le
de dédicace adressée au « cher ami Haydn »,
                                                                                              prince Karl Lichnowsky à Berlin, où il rencontre
dans laquelle Mozart confie que ces quatuors
                                                                                              le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II. Violon-
sont « le fruit d’un long et laborieux effort ». Un
                                                                                              celliste amateur, le roi commande au composi-
effort largement récompensé car Mozart signe
ici l’une des pages musicales les plus abou-
                                                        repères                               teur une série de six quatuors auxquels Mozart
                                                                                              s’attèle dès le voyage de retour à Vienne. Mais
ties pour quatuor à cordes. Contrairement à             1756 : naissance de Mozart
                                                                                              si le premier des quatuors est achevé en juin de
l’opus précédent, l’Opus 10 dévoile cette fois          1770 : publication des Quatuors       la même année, les deux suivants ne voient le
une totale maîtrise du contrepoint qui s’insère         à cordes op. 9 de Haydn
                                                                                              jour qu’un an plus tard, tandis que les trois der-
de manière travaillée et subtile au sein des            15 mai 1770 : composition
                                                                                              niers ne seront jamais composés. Il semble que
différents mouvements, denses et aux formes             du Quatuor à cordes n° 1 K. 80
                                                        de Mozart                             la composition de son opéra Cosi fan tutte acca-
équilibrées. Mozart réalise enfin la parfaite
                                                        Début 1773 : composition des          pare trop Mozart pour qu’il puisse se consacrer
synthèse entre le style galant et le style sévère,
                                                        Six Quatuor à cordes « milanais »     à ces quatuors, mais il doit également faire face
mettant sur un pied d’égalité les quatre prota-
                                                        de Mozart                             à un manque d’inspiration, sans doute lié aux
gonistes du quatuor. Le compositeur s’autorise
                                                        1773 : publication des Quatuors       difficultés qu’il rencontre à concilier l’écriture
également quelques audaces harmoniques, à
                                                        à cordes op. 17 et op. 20 de Haydn    équilibrée pour quatuor avec la mise en avant
l’image de l’introduction du premier mouve-
                                                        Août-septembre 1773 :                 soliste du violoncelle. Finalement, Mozart doit
ment du Quatuor K. 465 dit « Les Dissonances »,         composition des Six Quatuors          se résoudre à céder son cycle inachevé des Trois
qui provoquera de vives critiques à sa publica-         à cordes « viennois » de Mozart
                                                                                              Quatuors à cordes « prussiens », qui sera publié
tion. Mais même s’ils en déroutent plus d’un,           1781 : publication des Quatuors       sans la moindre dédicace : « Je viens d’être obli-
ces quatuors reçoivent les éloges de Haydn qui          à cordes op. 33 de Haydn
                                                                                              gé de céder à vil prix mes quatuors (qui ont été
assiste à leur première audition, et déclare par        1785 : publication des Six Quatuors
                                                                                              si pénibles à composer) pour disposer d’un peu
la suite à Leopold Mozart : « Devant Dieu et en         à cordes « dédiés à Haydn »
                                                        de Mozart                             d’argent afin de faire face à mes difficultés finan-
tant qu’honnête homme, je vous dis que votre fils
                                                        1786 : composition du Quatuor         cières actuelles », écrit-il dans une lettre datant
est le plus grand compositeur connu de moi, en
                                                        à cordes « Hoffmeister » de Mozart    du 12 juin 1790. Après ces dernières pages de
personne et en réputation ». Mozart n’aurait pu
                                                        1789-1790 : compositions des Trois    Mozart, Haydn livrera encore quelques opus
espérer mieux de la part de celui qu’il qualifie
                                                        Quatuors à cordes « prussiens »       pour quatuors à cordes, mais il faudra attendre
d’« homme célèbre et ami très cher » et à qui il
                                                        de Mozart                             les œuvres de Beethoven pour connaître le vé-
demande d’ « accueillir avec bienveillance » ses
                                                        1791 : mort de Mozart                 ritable apogée du genre.
quatuors !
                                                                                                                            • Floriane Goubault
                                                                                                                             janvier 2018 cadences   13
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