Hiver 2015 - Chronique de la mort annoncée des pavillons français : et si l'Etat français jouait enfin son rôle ? - APNA
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www.apna.asso.fr Chronique de la mort annoncée des pavillons français : et si l’Etat français jouait enfin son rôle ? Page 14 Hiver 2015
Editorial A quand une stratégie ? A l’instar des roses qui fleurissent tous les ans, les rapports alarmistes sur le transport aérien français se succèdent d’année en année : • En 2012, le conseiller, Jean-François Grassineau, dénonçait les charges indues supportées par les compagnies aériennes en France ; • En 2013, l’ex-directeur général de l’aviation civile, Claude Abraham, pronostiquait pour Air France un avenir proche de celui d’Alitalia ; • En 2014, le président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux, listait les mesures indispensables afin d’éviter la catastrophe ; • En 2015, les sénateurs Jean Bizet, Eric Bocquet, Claude Kern et Simon Sutour dénoncent les pratiques déloyales dans le transport aérien européen et international. Dans un pays qui vient de voter un budget en déséquilibre de 78 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux 2 000 milliards d’euros de dette, toute ressource supplémentaire devient une question existentielle. Pourtant, la décision gouvernementale d’augmenter les rede- vances d’ADP à un rythme supérieur à l’inflation démontre un choix budgétaire court-ter- miste irresponsable, privilégiant les dividendes ainsi augmentés d’ADP au détriment des emplois du transport aérien français. L’amélioration conjoncturelle des comptes des compagnies aériennes permet aujourd’hui aux Hommes politiques français de reporter les décisions difficiles à plus tard. Ils oublient que le prix du pétrole étant le même pour tous (à l’exception de certains pays producteurs), l’écart de compétitivité n’en est pas réduit pour autant, alors que la part des surcoûts étatiques croît au rythme des économies réalisées sur la variable d’ajustement que sont les salariés. Sans changement notable des choix budgétaires gouvernementaux, les compagnies aé- riennes françaises prendront le chemin de la stagnation, sinon de l’attrition, dans un pay- sage aéronautique mondial pourtant en pleine croissance. Leur part de marché risque de se réduire et de passer sous le seuil critique qui ne leur permettra plus de participer à des alliances en tant que « Major ». Reléguée au second rang, notre compagnie nationale n’aura bientôt plus d’autre choix que de se trouver un protecteur. Or, aucun acteur économique n’investissant sans espoir de contreparties, les restructurations se feront alors à la fois au détriment des salariés, mais aussi de l’Etat français qui verra partir la base d’activité sous des cieux fiscaux et so- ciaux plus cléments. Les sénateurs susmentionnés résument eux-mêmes leur rapport à une seule recommandation à l’égard du gouvernement français, comme de l’Europe : « Adoptez enfin une stratégie pour les transports aériens ! ». Bonne année 2016 ; qu’elle soit celle du renouveau des ailes françaises ! Geoffroy Bouvet Président de l’APNA tr rs n .. s r le s an s 6 é rie s ? pa ise o s. te eu rô ai ne s ir so fra r aé e tr lle 01 et ? ex ba Jap e n es ur pilo t ac n nç re se na sp m : ! m fin at si l’a é le e 2 r ! r uv • Sû or en el ll ns lit en Et os ir uf hu ep t a ié un s u ci ve tr ir e Ry da tua d’ Bon a it i l’ D - O d’ u X 22 ua s - en a - du o et es Ac • RE jo Et 14 an 8 N ill Ry 1 - C’ - - B t • 4 4 12 - su no 2 11 • • • 3
Actualité Par Laurent Pimienta C’est dans l’air ! Ryanair : low cost et big profit Boeing 737-800, pour un total de 340 ap- pareils, et 330 commandes en attente de li- La compagnie Ryanair augmente son profit vraison dont des 737 MAX 200 aménagés de 37 % à 1,088 milliard d’euros sur les six en configuration densifiée de 200 sièges. premiers mois de l’année fiscale. Et cela ne L’objectif de Ryanair : 520 avions à terme... tient même pas compte des gains réalisés par la vente d’Aer Lingus à IAG. Le trafic Le CSeries bon pour le service passager a bondi de + 13 % sur la période, avec un coefficient d’occupation à 93 %. La plus petite version du nouvel avion CSe- « Nous avons profité d’un été exceptionnel ries de Bombardier, le CS100, a obtenu la grâce à une accumulation rare d’éléments certification de Transport Canada, l’autorité favorables, dont une livre sterling forte, une canadienne de l’aviation civile. La certifica- mauvaise météo dans le nord de l’Europe et tion de son grand frère, le CS300, est prévue de nouvelles économies sur la partie non six mois plus tard. Le CS100, de conception couverte de notre facture carburant », ex- entièrement nouvelle, est certifié après un plique le CEO de Ryanair Michael O’Leary. programme d’essais exhaustif de 3 000 heures Du coup, la prévision de trafic annuel est d’essai en vol, ce qui ouvre la voie à la li- revue à 105 millions de passagers (16 % de vraison et à l’entrée en service de l’avion plus que l’année précédente), avec une CS100 auprès de Swiss, son premier exploi- croissance à deux chiffres prévue en Alle- tant, au deuxième trimestre de 2016. magne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Bombardier a conçu les avions CSeries Portugal, Pologne... pour qu’ils procurent un avantage écono- Ryanair ouvrira cet hiver quatre nouvelles mique inégalé aux exploitants, et ouvrent bases (Berlin, Corfou, Göteborg et Milan), et de nouvelles possibilités aux opérations par inaugurera 119 nouvelles liaisons. Sa flotte avion monocouloir. La gamme d’avions s’étoffera avec l’arrivée de 28 nouveaux CSeries offre aux exploitants des économies 4
potentielles en exploitation de 15 % hors déjà valorisée à hauteur de 20 millions de carburant, par rapport aux appareils anciens dollars. Cette société entend dupliquer en comme le RJ100, ciblant le segment de mar- France le modèle américain. S’appuyant sur ché des avions de 100 à 150 places. Tous une loi d’indemnisation incontournable pour les essais de performances sonores ont été les compagnies aériennes, il y aurait là une effectués et confirment qu’il s’agit de l’avion cagnotte colossale totalement négligée par à réaction commercial le plus silencieux de les voyageurs retardés. Cette indemnisation sa catégorie. De plus, ses capacités sont ex- pour retard, surbooking ou annulation de ceptionnelles sur courte piste, et l’autonomie vol peut en effet atteindre 400 à 600 euros maximale des avions CSeries a été confir- par passager, la somme variant en fonction mée comme étant de 3 300 NM (6 112 km), de la durée du vol en question. Or, l’expé- soit quelque 350 NM (648 km) de plus que rience montre que moins de 1 % des pas- l’objectif initial ! Enfin, les CSeries assurent sagers exigent de recevoir l’indemnisation une économie de 20 % sur le plan de la qui leur revient. AirHelp valide donc l’éligi- consommation de carburant (grâce au mo- bilité d’une demande à indemnisation, s’oc- teur révolutionnaire PurePowerMD PW1500G cupe de la « paperasserie » administrative, de Pratt & Whitney) comparativement aux et des éventuels recours juridiques en cas autres avions de même capacité, et de plus de refus de paiement d’une compagnie. de 10 % comparativement aux avions re- Mieux, l’analyse fine des mégadonnées sur motorisés. Les avions de la CSeries émet- les transports aériens lui permet de proposer tront également 50 % moins de NOX que ses services sur des vols réalisés trois ans ne l’exigent les normes CAEP 6. auparavant. « Nous prenons 25 % de l’in- demnité récupérée par le voyageur. En moyenne, cette indemnité s’élève à 450 eu- ros par voyageur », assure Jeff Biart, dont la société a défendu 250 000 demandes d’in- demnisation en 2014. Le potentiel économique est énorme, les compagnies aériennes jouant de lourdeurs administratives pour freiner les demandes. Sans surprise, les compagnies low cost sont les mauvais élèves de l’indemnisation. Le jackpot de l’indemnisation des retards Commandes urgentes : Super Hercules, A330 MRTT Depuis 2004, les passagers de l’aérien ont et Tigre pour la défense française le droit de se faire indemniser par leur com- pagnie si leur vol a trois heures de retard et Pour pallier notamment l’absence de ca- plus. Faute de le faire respecter, en France pacité de ravitaillement en vol des hélicop- 680 millions d’euros n’ont pas été réclamés tères par l’A400M, le comité ministériel d’in- en 2014. La start-up américaine AirHelp, qui vestissement confirme l’achat de quatre vient d’ouvrir une filiale en France, se charge avions de transport C-130J Super Hercules de corriger cela, même trois ans après les neufs. La commande officielle interviendra retards subis ! début 2016 via la procédure FMS (Foreign C’est un fait, chaque année, aux Etats- Military Sales). Les quatre avions seront pré- Unis, huit millions de passagers ayant connu levés sur les chaînes de production améri- des retards ou annulations de vol abandon- caines à destination de l’US Air Force. Le nent trois milliards de dollars d’indemnisa- ministère a donc tranché, les quatre C-130 tions auxquels ils ont pourtant droit. Trois ne seront pas des C-130 d’occasion comme jeunes sociétés américaines ont décidé de évoqué un temps. Le montant du contrat, s’attaquer à cette mine d’or négligée et ont avec maintenance et formation, se chiffre à bâti leur modèle économique sur ce filon 700 millions de dollars, soit plus que prévu dont AirHelp, créée en 2014 à New York et par l’actualisation de la Loi de Programmation 5
Militaire. La commande est due à une véri- Les remotorisés se bousculent table urgence opérationnelle pour le théâtre sur le devant de la scène des opérations extérieures sahélien. Deux C-130 seront capables de ravitailler en vol L’Airbus A320 NEO équipé des réacteurs les hélicoptères Caracal et deux autres se- Pratt & Whitney Pure Power PW1100G a ob- ront armés. Le C-130 ne remplace évidem- tenu, fait exceptionnel, son certificat de type ment pas l’A400M, mais il vient compléter le même jour de la part de l’Agence Euro- les besoins du transport. Notons aussi le ré- péenne de la Sécurité Aérienne (EASA) et cent intérêt de l’USAF pour l’A400M, pré- de l’Administration Fédérale de l’Aviation ci- senté comme un intermédiaire entre les C- vile américaine (FAA). 130 et les C-5 Galaxy. Cette double approbation représente une étape majeure pour Airbus car elle démontre que l’A320 NEO répond à l’ensemble des exigences. Après un programme de certifi- cation au cours duquel structure et systèmes ont été soumis à des essais bien au-delà des limites de calcul pour assurer que l’ap- pareil réponde, voire dépasse les critères de navigabilité, les trois avions d’essai, équipés des réacteurs Pratt & Whitney, totalisent plus de 1 070 heures de vol. La certification de l’A320 NEO équipé des réacteurs CFM In- ternational aura lieu au cours des mois à venir avec les moteurs LEAP-1A. La famille A320 NEO permettra de réaliser une écono- La France vient également de commander mie de carburant de 20 %. huit avions A330 MRTT ravitailleurs multi- Avec plus de 4 300 commandes reçues, rôle de transport à Airbus Defence and l’A320 NEO a conquis quelque 60 % de part Space. Le contrat de près de 3,3 milliards de marché. de dollars comprend des options pour quatre Pendant ce temps aux Etats-Unis, le pre- autres appareils. Le premier MRTT livré en mier Boeing 737 MAX-8 de l’avionneur amé- 2018 sera propulsé par des moteurs Rolls- ricain a été présenté en décembre à Renton Royce Trent 700. Les Airbus français em- (Etat de Washington) après être sorti de la porteront à la fois un système de perche de ligne d’assemblage. Le nouveau 737 remo- ravitaillement sous voilure flexible et un en- torisé, équipé de réacteurs CFM Internatio- tonnoir à gousses de ravitaillement. Ils pour- nal LEAP-1B et des ailerons en bout d’aile ront également être reconfigurés pour trans- « Split Scimitar » d’Advanced Technology, porter 271 passagers en tant qu’avion de promet aussi selon le constructeur une transport. En version évacuation médicale consommation inférieure de 20 % aux pre- (MEDEVAC) l’avion sera équipé du module miers 737-NG. Il se prévaut même d’un coût « Morphée » de soins intensifs, qui peut opérationnel par siège inférieur de 8 % au transporter dix patients et 88 passagers. rival Airbus A320 NEO. Les quatre modèles D’autre part, la Direction générale de l’ar- de la famille (MAX 7, MAX 8, MAX 200 et mement (DGA) a commandé sept hélicop- MAX 9) ont accumulé près de 3 000 com- tères de combat Tigre supplémentaires à mandes. En Europe, c’est Norwegian Air Airbus Helicopters. Cette acquisition per- Shuttle qui sera compagnie de lancement. mettra de disposer d’un parc de 67 Tigre. Plus au sud, au Brésil, Embraer affiche Elle est conforme aux dispositions de la Loi beaucoup de confiance sur la version égale- de Programmation Militaire actualisée l’été ment remotorisée de sa famille E-Jets : la dernier. L’objectif est de renforcer la capacité première sortie du E190-E2 a été fixée en des forces françaises à mener des opérations février 2016. Les ailes redessinées et les aéroterrestres, dans la bande sahélo-saha- deux moteurs Pratt & Whitney PW1900G rienne notamment. (variante du moteur équipant l’A320 NEO et 6
le CSeries) sont en cours d’installation. Cette Delta : bénéfices record seconde génération d’E-Jets présentera, elle et avions d’occasion aussi, une réduction significative des coûts d’exploitation du même ordre que celles an- « J’avais tort quand j’ai dit que des B777 noncées par Airbus et Boeing. Plus modes- d’occasion seraient mis sur le marché à 10 tement, la famille E2-Jets enregistre 267 millions de dollars. En fait, c’est 7,7 millions. commandes fermes et 373 options. Outre Nous venons juste de signer une lettre d’in- l’E190-E2 qui pourra emporter 106 passa- tention pour en acheter » annonce Richard gers en une classe standard, Embraer pré- Anderson, CEO de Delta Air Lines. pare une version E195-E2 à 132 sièges. Lors de la présentation des résultats de sa compagnie pour le troisième trimestre et A350 : déjà un an d’exploitation d’un bénéfice record de 2,2 milliards de dol- et des performances remarquables lars, le président a révélé que Delta pourrait prochainement acquérir des gros-porteurs, La compagnie TAM Airlines a pris posses- B777 ou A330. Pas d’avions neufs, mais des sion de son premier Airbus A350-900, dont appareils de seconde main qui seront bientôt l’entrée en service est prévue fin janvier en- pléthore sur le marché et verront leur prix tre Sao Paulo et Manaus. L’arrivée du nouvel s’effondrer. En comparaison, le prix cata- avion à Madrid pour la compagnie brésilienne logue d’un B777-300ER neuf est de l’ordre du groupe LATAM Airlines sera suivie par 26 de 205 millions de dollars... autres A350-900 commandés. Avec 30 pas- sagers en classe affaires et 318 en économie, son entrée en service est prévue entre la KLM Cityhopper base de TAM Airlines à Sao Paulo-Guarulhos s’équipe d’une flotte unique d’E-Jet et l’aéroport de Manaus-Eduardo Gomes. La compagnie de l’alliance Oneworld de- La compagnie aérienne KLM Royal Dutch vrait ensuite les envoyer vers Miami, hub Airlines vient de réceptionner les deux der- de sa partenaire d’alliance American Airlines. niers des 30 Embraer 190 commandés pour Après un an d’exploitation, l’A350 fait l’una- sa filiale Cityhopper. Les premiers E175 ar- nimité chez les exploitants, ce qui est très rivent prochainement, et à terme l’ensemble rare pour un nouvel appareil. de la flotte de Cityhopper sera entièrement « La performance et la fiabilité de l’A350 constituée d’E-Jets. Les Embraer 190 sont XWB sont au-dessus et même au-delà de configurés pour accueillir 100 passagers en nos attentes ». Chez Airbus, on savoure le deux classes, et utilisés sur le réseau euro- compliment, celui d’un client très difficile : péen de Cityhopper qui compte 58 destina- Akbar Al Baker, bien connu pour ses critiques tions. A partir de mars 2016, la compagnie et ses exigences parfois déraisonnables. Le de l’alliance SkyTeam va s’équiper de 15 PDG de Qatar Airways n’avait pas hésité à reporter la livraison de son premier A350 en raison de défauts mineurs. Un an plus tard, cet épisode est oublié. Akbar Al Baker est conquis : l’A350 est un avion sans problème, et il consomme 25 % de kérosène en moins que les avions de la génération précédente. 7
Embraer 175 pouvant accueillir 88 passagers au décollage de 1,7 tonne, il développait en deux classes. KLM débutera alors la 1 000 chevaux. Sur le papier, il pouvait at- phase de retrait de la flotte des 18 Fokker teindre la vitesse de 650 km/h. L’armistice 70 opérés par Cityhopper : d’ici 2017, la fi- a empêché de vérifier ces performances. liale régionale ne devrait plus opérer que Replic’Air, épaulé par les experts du musée 45 monocouloirs brésiliens. Safran, a réceptionné à Melun un deuxième moteur Hispano-Suiza Saurer HS-51 12Y destiné à la réplique. Ce moteur a été cédé par l’industriel suisse Toni Kuper, passionné d’aviation. La remise en état d’un premier moteur a débuté en 2015. Sur le terrain de Bex, un Morane D3801, version suisse du Morane 406, vole avec le même moteur. Lufthansa, ambitieux pour 2016, embauche 4 000 personnes Lufthansa à contre-courant d’Air France ? Le groupe prévoit l’embauche en 2016 de 4 000 personnes : 2 800 PNC (dont 1 400 Replic’Air veut faire vivre attendus chez Lufthansa, 800 chez la filiale le Dewoitine 551 Swiss, 360 chez Eurowings) ainsi que 240 pilotes pour Eurowings et Austrian. Deux Chez Replic’Air, entreprise toulousaine, 80 types de contrats seront proposés : à durée passionnés travaillent sur la construction de indéterminée (83 % de plein temps) ou de la réplique du Dewoitine 551. L’avion a été deux ans renouvelables (50 % de plein modélisé afin de réaliser une maquette nu- temps avec six mois de travail en été). mérique à l’aide du logiciel Catia pour pré- parer les fichiers en vue de la découpe laser ou impression 3D. n ous u v ez- t ro : R e sur s o.fr a . as . a pn w ww Suivez quotidiennement l’actualité du transport aérien Replic’Air veut reprendre le programme et de l’APNA : D551 là où ses aînés furent obligés de www.facebook.com/APNAASSO l’abandonner, après l’armistice de juin 1940, soit la veille du premier vol. Faire voler l’avion d’arme qui aurait dû incarner le chas- seur français de deuxième génération dans les combats aériens de la Seconde Guerre mondiale, voilà l’objectif. Il est extrapolé de l’avion de course D550. D’une masse maximale 8
André Turcat, grande figure du monde aérien et membre de l’APNA est décédé le 4 janvier 2016 André Turcat est diplômé de l’Ecole Polytechnique (promotion 1940), docteur ès lettres, professeur libre d’histoire de l’art chrétien, fondateur de l’Académie nationale de l’air et de l’espace. Initialement pilote dans l’Armée de l’Air, il est surtout connu du grand public pour avoir été le pilote d’essai du Concorde. Neveu de Léon Turcat, fondateur des usines automobiles Turcat-Méry, André Turcat rejoint les forces aériennes de la France Libre durant les dernières années de la Seconde Guerre mondiale et reste en service à la fin des hostilités. Pendant le conflit indochinois, il pilote l’avion de transport C-47 et démontre des compétences exceptionnelles lors de nombreux cas d’évacuation d’urgence. Admis, en 1950, à l’Ecole du personnel navigant d’essais et de réception basée au Centre d’essais en vol de Brétigny-sur-Orge, il y suit sa formation et est breveté pilote d’essai n°131 en 1951. Parallèlement, il est nommé Directeur de l’Ecole du personnel navigant d’essais et de réception de 1952 à 1953. Par la suite, il quitte le Centre d’essais en vol en 1954 et devient chef pilote d’essai à la SFECMAS, puis à Nord-Aviation, où il reprend la campagne d’essai du Nord 1500 Griffon II, un des premiers avions au monde à propulsion mixte par turboréacteur et statoréacteur ; il établit divers records du monde (en vitesse ascensionnelle et sur circuit). Turcat rejoint ensuite le cons- tructeur aéronautique public Sud- Aviation où il exerce les fonctions de directeur adjoint puis de di- recteur des essais en vol de 1962 à 1976. Le programme Concorde débute justement en 1962. André Turcat en de- vient ainsi le pilote d’essai. Le 2 mars 1969, il a l’honneur d’effectuer le premier vol de Concorde à Toulouse-Blagnac. Quelques mois plus tard, le 1er octobre 1969, il est également aux commandes pour le premier vol supersonique de l’appareil. Retraité, André Turcat devient député européen, sous l’étiquette RPR, du 13 octobre 1980 au 17 septembre 1981. Il meurt le 4 janvier 2016 à Beaurecueil à l’âge de 94 ans. 9
Billet d’humeur En savoir plus : arpaak.fr Ouf ! Suite aux mesures prises lors de la COP21, la part relative du transport aérien, secteur fortement lié au pétrole concernant l’émission de CO2, risque de s’accroître. Pour pallier ce phénomène, des mesures ont été mises en place, mais elles ne con- cernent aujourd’hui que l’Europe, ce qui crée une nouvelle distorsion de concurrence. La COP 21 est terminée, sans attentat et tra-européens. Ni la Chine, ni les Etats-Unis, avec un accord unanime ambitieux pour tenter ni les Emirats arabes unis, ni l’Inde ne contrai- de sauver la planète. gnent leurs compagnies, provoquant de fait une nouvelle distorsion de concurrence au dé- Actuellement, le transport aérien mondial re- triment des bons élèves du Vieux Continent. présente 2 % des émissions mondiales de CO2. Les progrès techniques des moteurs étant as- Alors immanquablement, les gouvernements symptotiquement devenus assez lents, et le volontaires, dans un grand élan, vont pousser transport aérien de passagers se développant à la taxation d’une façon ou d’une autre de la à un rythme soutenu, nul doute que ce pour- pollution induite et à l’autolimitation des voya- centage va augmenter exponentiellement d’au- geurs (induisant une baisse de recettes). tant plus qu’on assistera à une réduction des autres sources de gaz à effet de serre afin de Ainsi, Michel Wackenheim, successivement caper le réchauffement climatique. directeur de la DGAC, président de la Confé- rence Européenne de l’Aviation Civile, directeur En parallèle, la généralisation des énergies de cabinet du ministre des Transports Domi- renouvelables va diminuer drastiquement la nique Bussereau, ambassadeur permanent de demande mondiale de pétrole. la France auprès de l’OACI et aujourd’hui conseiller du PDG d’Airbus affirme : "Ce n’est Que vont bien pouvoir faire les pays pro- pas un problème économique : le surcoût de ducteurs pour survivre si ce n’est augmenter ces mesures ne devrait pas excéder 1 % du le prix du baril pour conserver leurs recettes prix du billet. C’est avant tout un problème po- budgétaires ? litique". Ouf, nous voilà rassurés ! Ainsi, sauf à remplacer rapidement le kéro- 1 % par-ci, plus 2 % du prix du billet par-là sène par un fluide moins coupable mais aussi pour les redevances ADP chiffrées par son PDG... techniquement efficace, non seulement le Ces deux influents personnages du monde de transport aérien risque de voir ses coûts d’ex- l’aéronautique, ignorant superbement la concur- ploitation augmenter fortement mais en plus rence extra-européenne, estiment donc que les un haro mondial s’abattra sur cette activité passagers paieront sans sourciller ces surcoûts. pourtant irremplaçable. 3 %, ce n’est rien d’après eux mais plusieurs La prochaine Assemblée Générale de l’OACI compagnies aériennes aimeraient bien avoir cha- sera saisie de ce dossier. Il existe déjà des que année ce niveau de marge bénéficiaire nette. quotas payants de CO2 pour les compagnies aériennes, mais seule l’Europe les a mis en Louis Jobard place et encore uniquement pour les vols in- Pilote Administrateur Air France - KLM Pour recevoir la newsletter de Louis Jobard, inscrivez-vous : contact@arpaak.fr 11
REX au Japon Bons baisers d’un expatrié Bonjour à tou(te)s, Voilà maintenant un an que j’ai posé mes valises ici au pays du Levant, avec pour double objectif de mettre à profit mon congé sans solde en accumulant des heures sur A320 tout en vivant une expatriation hors du commun. Voici donc un retour sur les 16 mois écoulés... Dès mon arrivée, le 10 septembre 2014, je suis accueilli par le responsable du recrutement des « expat captains », qui me fait faire une visite rapide du siège avant que je puisse re- joindre mon hôtel. Dès le lendemain commence à se dérouler l’ensemble du planning que j’avais reçu avant même mon départ de France, couvrant les quatre mois à venir : intégration compagnie, cours au sol portant sur le manuel d’exploitation de la compagnie, examens de réglementa- tion et radiotéléphonie par la DGAC japonaise permettant l’obtention de l’ATPL théorique (les autres certificats nous sont délivrés par équivalence), simulateur, tests, visite médicale, tout est planifié et respecté à quelques aléas près. La partie cours au sol est composée de cours de réglementation et de radiotéléphonie/ra- dionavigation qui se font dans les locaux de ANA, avant la qualification de type, et de self study à partir de livres et supports informatiques pour ce qui est de la formation compagnie. Les quatre premiers mois se déroulent principalement à Tokyo : un mois de cours sol, puis trois mois de stage au sein de la Panda Academy auprès de qui Peach sous-traite la QT et la préparation ATPL. L’hébergement de type hôtel est pris en charge jusqu’à sept jours après l’obtention de la QT + ATPL. C’est le 25 décembre que je termine la formation sol et simulateur en me voyant délivrer, par l’aviation civile japonaise, la licence ATPL assortie de la qualification A320. Deux tests simulateur ont été effectués à dix jours d’intervalle : un pour la QT, puis un second pour l’ATPL qui aura duré pas loin de six heures ! Trois heures de PF et trois heures de PNF avec mon collègue canadien, et en alternant les places gauche et droite. Après une quinzaine de jours de repos commence alors l’Adaptation En Ligne, au cours de laquelle doivent être effectuées 70 étapes au minimum en tant que PF en place gauche, et auxquelles s’ajoutent un certain nombre d’étapes en tant que PNF (PM !) en place droite. On pratique en effet des deux côtés (lors de l’AEL uniquement). Cette AEL représente environ 150 heures de vol qui, pour ma part, ont été effectuées au rythme de 40 heures de vol par mois, soit quatre mois. Lâché depuis le 21 mai, je commence les vols en CdB après une quinzaine de jours de repos. Le nombre de captains étant insuffisant, le rythme de vol est soutenu. La moyenne actuelle est de 90 heures de vol par mois. Les limites sont les suivantes : • 100 heures par mois (calendaire) ; • 270 heures par trimestre (calendaire) ; • 1 000 heures par an (calendaire). 12
Le confort de l’avion et l’absence de nuits courtes rendent ce programme aisément sup- portable. Pour ce qui concerne les conditions de travail : jamais de slots, les embarquements se font quasiment toujours à l’heure, pas besoin de réclamer quoi que ce soit, des contrôles sûreté tous identiques quel que soit l’aéroport, des équipes au sol toujours présentes, des avions parfaitement entretenus... Le territoire japonais étant relativement étendu (3 000 km du Nord au Sud), les vols do- mestiques sont en moyenne de 1h30 avec pour bases opérationnelles KIX et OKA (Osaka Kansai Airport, et Okinawa), alors que les vols internationaux vont jusqu’à quatre heures de vol pour le KIX-HKG. Les personnels navigants sont tous basés à Osaka mais il est question d’ouvrir une base PN à Okinawa. Les terrains domestiques desservis sont du Nord au Sud : Sapporo, Sendai, Tokyo Narita, Tokyo Haneda, Osaka Kansai, Matsuyama, Miyazaki, Fukuoka, Nagasaki, Ka- goshima, Okinawa, Ishigaki. Les vols internationaux sont au départ de ces deux bases vers Séoul, Busan, Taipei, Kaohsiung, Hong Kong. La flotte actuelle de 16 avions va rapidement atteindre 20 coques, avant de quasiment doubler selon le business plan récemment présenté pour les quatre années à venir. Trois types de planning sont possibles au choix : • Normal (avec 4 OFF consécutifs par mois) ; • 10 days OFF pattern (avec 10 OFF consécutifs tous les mois, il est possible de « coller » les 10 OFF d’un mois avec ceux du mois suivant, tout en les faisant glisser si nécessaire) ; • 16 days OFF pattern (16 OFF consécutifs tous les 2 mois). La rémunération est de 650 000 yens* pendant le training initial jusqu’à l’obtention du JCAB ATPL (logé par la compagnie à l’hôtel). Pour l’AEL, la rémunération est de 800 000 yens (incluant 100 000 de plus en tant que house allowance et 50 000 en tant que commuting allowance). Après le lâcher, la rémunération passe à 950 000 yens tout compris pour 70 HDV, auxquels s’ajoutent 15 000 yens par heure de vol supplémentaire (les heures supplémentaires sont soumises à taxes). Depuis peu de temps, une « Exchange rate allocation » est versée aux CdB étrangers, quelle que soit leur nationalité, pour compenser les variations du taux de change dollar/yen, ce qui actuellement correspond à une prime de 200 000 yens. 90 HDV = environ 1 400 000 yens net Deux choses importantes : • La QT 2 se paye 2 500 000 yens mais sans avancer le moindre yen, c’est un système de prêt. • Le prélèvement est de 100 000 yens par mois. Il est compensé par une prime de 2 000 000 yens au bout des deux ans, et 5 000 000 pour quatre ans (pour le contrat court de deux ans, renouvelable une fois). • Les impôts sont payés par la compagnie, donc le salaire mensuel est net. Seules les heures supplémentaires sont taxées et donnent lieu en fin d’année à une rectification. Luc Lelièvre Précédemment commandant de bord ERJ145 chez HOP!, Luc Lelièvre travaille actuellement comme commandant de bord A320 pour Peach Aviation. Cette opportunité lui a été ouverte par le programme d’expatriation de l’APNA. *Le cours constaté du yen, sur les trois derniers mois, est d’environ un euro pour 130 yens. 13
Dossier Chronique de la mort annoncée des pavillons français : et si l’Etat français jouait enfin son rôle ? L e propre de l’Homme est, Mais ce que nous n’avons pas subventionner des low cost paraît-il, de s’adapter... vu arriver, c’est le change- dont la grande fierté est de Notre industrie, celle du ment de paradigme social qui n’avoir aucun salarié en Fran- transport aérien, est une in- balaye, telle une lame de fond, ce et de n’y payer aucun im- dustrie récente ; très récente les fondements des sociétés pôt, ni aucune charge. au regard de l’histoire de occidentales sans qu’elles aient l’humanité. Pourtant, elle a toutes eu la clairvoyance ou Avec un peu de recul, cette déjà subi de nombreuses ré- le courage pour s’y préparer. vision fragmentaire devient volutions en moins de cent néanmoins plus cohérente, ans d’aviation commerciale Les diagnostics que l’on mais surtout bien plus ef- et nul ne peut dire si, dans établit lorsqu’on dispose d’une frayante. Voilà 25 ans que la un siècle, l’aviation commer- vision fragmentaire sont tou- chute du mur de Berlin a ma- ciale existera dans une forme jours faux ou partiels. Ici, on térialisé l’effondrement de proche ou éloignée de ce que se plaint d’une concurrence l’URSS et surtout la fin de la nous connaissons en 2015. déloyale des compagnies du guerre froide. Les derniers Golfe car elles sont subven- tenants d’une économie dirigée Quant à notre métier de pi- tionnées par leurs Etats pro- sont tombés les uns après les lote, nous sommes tous inti- vidence ; là, on conspue les autres et aujourd’hui, à quel- mement convaincus qu’il con- compagnies pirates qui s’af- ques exceptions anachroni- naîtra de profonds change- franchissent des charges so- ques près comme la Corée ments sans attendre 50 ni ciales grâce au contourne- du Nord, il n’existe plus que même 25 ans. L’évolution ment des lois sociales des des économies capitalistes. technologique est une vis sans Etats au nez et à la barbe fin qui tire vers le haut tous d’une Europe qui s’avère in- Ce modèle d’économie ca- les métiers. Dans notre cas, capable de protéger ses sa- pitaliste désormais sans autre cela accompagne la néces- lariés ; là encore, on vitupère alternative, et ce à l’échelle saire exigence d’une sécurité contre ces transporteurs es- de la planète entière, entraîne des vols sans cesse améliorée crocs qui utilisent le « tax- une mondialisation galopante et se traduit par une pression ruling » et les paradis fiscaux du commerce sous toutes ses toujours plus forte sur les pour ne payer aucun impôt ; formes. Bien évidemment, la équipages techniques. Nous là enfin, on s’époumone à différence de niveau de vie le savons, nous l’acceptons, dénoncer le grand gaspillage entre les pays émergents, et nous le revendiquons. de nos impôts locaux pour notamment les « BRICS » ÿ La pression exercée sur les salariés des pays riches du fait de la mondialisation est désormais insupportable du fait du chômage qu’elle y engendre Ÿ 14
(Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et les pays riches se traduit directement dans les coûts de production. On peut manger pour un euro par jour en Inde ; c’est chose difficile pour dix euros aux Etats-Unis ou en Europe. La désindustrialisation de l’Eu- rope est une conséquence di- recte de cet écart de coûts de production et de la quête permanente, par chacun d’en- tre nous, des prix les plus bas. Ainsi, la Chine n’est devenue l’usine du monde que parce qu’elle produit beaucoup moins cher que les autres pays et que les consommateurs que en taxi pirate grâce à une ap- et pour les financiers qui sont nous sommes sont là pour plication qu’il a téléchargée derrière restent en revanche acheter à prix toujours plus sur son smartphone. Ce fai- très confortables. bas. sant, il s’affranchit de la li- cence de taxi, des charges C’est un changement de La protection sociale sociales, et peut continuer paradigme qui s’opère de en danger aussi à pointer au chômage façon inexorable. Les pro- puisqu’il n’est déclaré nulle tections sociales et leur La pression exercée sur les part comme travailleur. De cohorte de charges sur les salariés des pays riches, du fait, UberPop est plébiscité salaires n’ont plus d’ave- fait de cette mondialisation, par les jeunes et par les nir, car aucun Etat n’est est désormais insupportable couches sociales aux revenus plus en mesure d’imposer du fait du chômage qu’elle y modestes qui, soit comme ce choix à l’immense ma- engendre. Inexorablement, chauffeur, soit comme client, jorité de ceux qui les con- la protection sociale s’effrite y trouvent, à court terme, leur tournent. car elle est de plus en plus compte. Ce service est au- considérée comme une va- jourd’hui interdit en France, Ce constat est affreux, par- riable d’ajustement par rap- mais est sans cesse renou- ticulièrement pour nous Fran- port aux prix du marché. Per- velé sous d’autres formes et çais, car nous sommes un sonne ne semble désormais dans d’autres industries. des pays les plus empêtrés pouvoir garantir cette protec- dans ses charges sociales. tion sociale ; pire, ce sont les Le développement fulgurant Ces protections auxquelles victimes les plus évidentes du collaboratif via les applica- nous sommes viscéralement de ce mouvement de fond tions pour smartphones et la attachés nous disqualifient qui, dans les pays riches, bonne santé des réseaux so- par le surcoût qu’elles repré- contribuent à détruire cette ciaux sont un trompe-l’œil sentent pour notre produc- protection sociale. qui cache la misère d’un em- tion. C’est un diagnostic hé- ploi sans garantie et sans las bien connu et peut-être On a déjà parlé dans APNA lendemain social. Mais ce faudrait-il admettre qu’il n’y mag’ (numéro 11, hiver 2014*) nouveau modèle a la faveur aura pas de retour en arrière d’UberPop, illustration par- des masses et des lobbies fi- face au changement de pa- faite du développement du nanciers ; car si les charges radigme en cours. « L’uberi- travail au noir. Via cette acti- sociales passent à la trappe, sation » de notre société est vité, le propriétaire d’une voi- les commissions pour les en route et rien ne sera plus ture se transforme en effet propriétaires des applications comme avant. 15
Sur fond de mondialisation, de subventionnement et de concurrence déloyale, faute de régulation, Air France doit désormais compter avec les compagnies du Golfe, redoutables concurrentes... Le pavillon français le transport aérien (19 no- tions incessantes condam- dans la tempête vembre 2015), peut-on se nent Air France ? contenter de l’absence de prise Voilà pour le constat global. en compte des conclusions CDG, troisième aéroport Mais devons-nous rester les de ces trois rapports par le le plus cher au monde, est bras croisés une fois le cons- gouvernement français ? celui où Air France effectue tat posé ? Devons-nous voir la moitié de son activité nos emplois de PNT durable- Comment ne pas exploser puisque c’est sa base prin- ment menacés par le seul fait de colère quand on voit ADP cipale. Air France est donc que nous l’exerçons dans une continuer à augmenter ses la compagnie payant le plus compagnie française ? Après tarifs année après année de- de charges aéroportuaires au le rapport Abraham sur la ca- puis 15 ans, avec des pour- monde en regard de son ac- pacité de survivre ou de centages d’augmentation su- tivité. L’Etat aurait dû arbitrer mourir de la compagnie Air périeurs de 1 à 3 points à en faveur d’Air France en in- France, après le rapport Le ceux de l’inflation. Tout ceci, timant à ADP la modération Roux et ses propositions pour bien sûr, avec la bénédiction et le gel des augmentations. empêcher la disparition du de son actionnaire principal Il ne l’a pas fait. pavillon français, après le et majoritaire - l’Etat - qui est rapport de la commission des trop avide d’engranger les di- Idem pour les recomman- affaires européennes du Sé- videndes d’ADP pour com- dations du rapport Le Roux nat sur la concurrence dans prendre que ces augmenta- soigneusement oubliées pour Peut-on se contenter de l’absence de prise en compte des conclusions de ces trois rapports par le gouvernement français ? 16
l’essentiel par un gouverne- Il n’est pas si loin le temps sentent capables d’aborder le ment qui privilégie ses res- où Air France essayait, dans sujet tabou des charges so- sources budgétaires aux dé- son projet d’entreprise, de ciales. C’est pour cela que les pens de la santé d’Air France. réaliser un équilibre entre les PN d’Air France ont tant de quatre grandes composantes mal à accepter des sacrifices L’absence de compassion qui caractérisent toute entre- qui seront vains tant que ce pour l’état catastrophique du prise : le client, l’actionnaire, sujet ne sera pas traité. transport aérien français les salariés, l’environnement n’émeut pas davantage les social et sociétal. Est-ce le L’avenir du transport aérien collectivités locales qui n’ont changement brutal de para- français est à la croisée des pas encore compris ce que la digme qui donne l’amère im- chemins. La place de la Fran- disparition du pavillon fran- pression que deux au moins ce dans le classement des çais voudrait dire pour leur de ces composantes ne peu- compagnies aériennes dé- région, trop occupées qu’elles vent plus être considérées pend aujourd’hui de la mobi- sont à arroser les low cost comme essentielles chez Air lisation du gouvernement et par des subventions prove- France ? des salariés français. nant de nos impôts. Les PN des pavillons fran- Si chacun attend de l’autre Pourtant, si l’on en croit çais doivent se remettre en l’initiative qui lui évitera l’ef- l’étude économique réalisée cause, ils le savent. Ils ont fort d’adaptation nécessaire en 2012 par le laboratoire de compris depuis longtemps la en déniant ses écarts de l’Ecole de Management de signification du mot « con- compétitivité, nos emplois Strasbourg (APNA mag’ nu- currence ». C’est pour cela prendront le même chemin méro 4, printemps 2013*), qu’ils savent que dans un que celui des navigants de la Air France pèse 1,4 % du PIB secteur industriel où les marges marine marchande. français, soit une injection sont voisines de zéro, il est annuelle dans l’économie na- coupable de laisser en ja- Lorsque la trajectoire tionale d’environ 26 milliards chère 6 % des coûts totaux vous emmène droit sur la d’euros que l’on pouvait con- (i.e. 20 % des coûts sala- montagne, l’absence de sidérer comme équivalant à riaux) juste parce que ni le décision est pire que la 356 000 emplois. management ni l’Etat ne se mauvaise décision ! *Le lecteur peut retrouver tous les numéros d’APNA mag’ sur le site apna.asso.fr 17
Ryanair Rachel Knaebel Ryanair et ses pilotes entrepreneurs A la différence d’Air France, qui a annoncé une vague de sup- pression d’emplois, la compagnie low cost Ryanair affiche une insolente santé financière et de faibles frais de personnel. Et pour cause : le système que dénonce un ancien pilote de Ryanair est scandaleux. Il a été contraint de créer sa propre entreprise immatriculée en Irlande pour travailler en tant que prestataire pour la compagnie à bas coûts, sans assurance maladie ni rému- nération fixe. Il a décidé d’attaquer Ryanair en justice. Ce modèle se répand dans le secteur, un modèle qui a pour corollaire fraude fiscale et casse sociale. « Ryanair vous veut ! Fan- lement quitté la compagnie Entre Ryanair et son pilote, tastiques opportunités de dès qu’il a pu. Mais il ne s’est deux entreprises intermé- carrière dans l’aviation avec pas arrêté là. diaires Ryanair. Etes-vous insatisfait dans votre job actuel ? Vou- Le pilote a aussi porté « Pour devenir pilote chez lez-vous une carrière qui vous plainte contre Ryanair auprès Ryanair, il faut aller sur leur enthousiasme et vous sti- du tribunal du Travail en Al- site et postuler online. En- mule ? ». Voilà comment la lemagne. Il défend qu’il était suite, on est convoqué à une plus grande compagnie aé- de fait salarié de la compa- session de recrutement en si- rienne européenne à bas gnie pendant l’année et de- mulateur dans un centre coûts recrute son personnel mie qu’il a passé à voler pour d’évaluation à Londres. J’ai de cabine et ses pilotes sur elle. payé 450 livres pour y parti- son site. C’est aussi à partir ciper. Deux semaines plus du site de la compagnie Le système qu’il décrit est tard, j’ai reçu un appel de la qu’Erik Fengler, 25 ans au- celui d’une entreprise qui firme Brookfield Aviation In- jourd’hui, a postulé auprès cherche par tous les moyens ternational. Puis, j’ai reçu un de Ryanair en 2011. Il sortait à contourner les législations contrat de cette firme ». depuis peu de l’école de pi- du travail et le paiement de lotes et cherchait un emploi. cotisations sociales. Ce qui Sur le papier, Erik Fengler lui permet potentiellement n’a jamais directement tra- Le jeune homme a vite dé- d’économiser des sommes vaillé pour Ryanair. Sur le chanté. Il s’est retrouvé con- considérables - en 2014, le contrat qui lui a été envoyé traint de créer sa propre en- chiffre d’affaires de Ryanair en août 2011, c’est l’entre- treprise enregistrée en Irlan- était de plus de cinq milliards prise britannique Brookfield de pour pouvoir voler pour la d’euros - et de s’attirer les Aviation International, une compagnie low cost. Sans ré- louanges de la presse écono- société d’intérim de pilotes, munération fixe, avec un mique grâce à ses frais de qui figure comme interlocu- mois par an de congés obli- personnels beaucoup moins teur. Mais pas directement. gatoires non payés, sans as- élevés qu’Air France. Et pour Pour conclure le contrat, le surance maladie... Il a fina- cause... pilote a d’abord dû créer une 18
entreprise à son nom en Ir- Dublin. Aux côtés de plus de carte d’assurance maladie lande, Logic Aviation Limited. 300 entreprises qui contien- était demandée, mais que Sur le document, cette entre- nent « Aviation » dans leur cela prenait du temps. Et que prise est considérée comme nom et qui sont enregistrées les sommes des cotisations « un consultant indépendant » exactement à la même adres- patientaient entre temps sur engagé par Brookfield Avia- se. Elles s’appellent Accele- leur compte ». tion International pour four- ration Aviation Limited, Achil- nir les services de pilotage les Aviation Limited, Adonis Après sa maladie, le pilote du « représentant de la com- Aviation Limited... et suivent doit changer de base d’affec- pagnie » c’est-à-dire du pi- l’ordre de l’alphabet sur le tation. Il se retrouve stationné lote. Ryanair est bien men- même modèle jusqu’à Xenon à Bergame, en Italie. Nous tionnée sur le contrat comme Aviation Limited ou Zepplin sommes en 2012. L’Union le recruteur final. Mais il y Aviation Limited. européenne adopte alors une est écrit que le pilote ne peut nouvelle réglementation pour pas être considéré comme Pourquoi un fonctionne- mettre un peu d’ordre dans son employé. ment si compliqué pour faire les cotisations sociales des travailler les pilotes de Rya- travailleurs du secteur aé- Tout est donc fait pour pro- nair ? « Au début, j’ai sim- rien. A partir de l’été 2012, téger Ryanair. Pourtant, de plement pensé que tout le « ceux-ci doivent cotiser à la fait, Erik Fengler a travaillé monde faisait comme ça à sécurité sociale et ont droit exclusivement pour Ryanair Ryanair. J’avais appris le mé- aux prestations dans le pays de septembre 2011 à la date tier de pilote, pas le droit fiscal, où ils prennent et achèvent de son départ, en mai 2013, encore moins celui d’Irlande », leur service, c’est-à-dire leur et ce, onze mois sur douze, témoigne Erik Fengler. Le “base d’affectation”, plutôt comme l’y obligeait le con- jeune pilote signe donc, suit que dans le pays où la com- trat. Il recevait même un ta- l’entraînement - payant - pour pagnie aérienne est établie ». bleau de service. pouvoir piloter les appareils Voilà qui change la donne de la compagnie, et commen- pour les pilotes de Ryanair, Conseiller fiscal pour pilotes ce à voler depuis un aéroport même si, sur le papier, ils prestataires allemand, Weeze. Peu après, sont employés par l’intermé- il tombe malade, et découvre diaire de deux autres entre- « Dans un document fourni alors qu’il n’a pas d’assu- prises. « Ma conseillère fis- avec le contrat, la liste des rance maladie, ni en Alle- cale m’a dit que nous allions “questions fréquemment po- magne, où il est stationné, ni déclarer un salaire minimal sées”, il était aussi écrit que en Irlande, où son entreprise en Italie, pour y payer le je devais choisir un conseiller est enregistrée. moins possible de cotisa- fiscal parmi une liste donnée tions. Le reste serait payé de noms. J’en ai contacté un, Aucune assurance maladie depuis l’Irlande. Là, je suis qui m’a envoyé des docu- devenu très méfiant ». ments que je devais signer, « Je partais du principe que selon lesquels j’étais direc- j’étais assuré parce que cha- Du low cost aux frais des teur d’une firme enregistrée que mois, je recevais une fiche contribuables et des emplois en Irlande ». C’est de cette de paie de ma propre firme firme qu’Erik Fengler, alors où il était indiqué que je Erik Fengler est ensuite âgé de 20 ans, reçoit son sa- payais des cotisations so- parti, recruté par une autre laire. ciales en Irlande. Mais à l’hô- compagnie, allemande. Sou- pital, où je suis resté une se- tenu par le syndicat allemand L’ancienne entreprise d’Erik maine, on m’a dit que je ne des pilotes Cockpit, il a dé- Fengler, Logic Aviation Limi- l’étais pas. J’ai dû payer de cidé d’aller en justice. Le pro- ted, est toujours inscrite au ma poche près de 17 000 eu- cès au tribunal du travail doit Registre du Commerce irlan- ros de frais médicaux. J’ai avoir lieu le 4 novembre. dais. Elle est enregistrée à alors contacté ma conseillère Dans sa procédure, le pilote deux pas de l’aéroport de fiscale, qui m’a dit que la vise à la fois Brookfield Aviation 19
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