Info santésuisse 3/13 - Santésuisse

La page est créée Stéphane Duhamel
 
CONTINUER À LIRE
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
3/13

info
                                            La sécurité des patients

santésuisse
Le magazine des assureurs-maladie suisses
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
Page 4                                          Page 8                                       Page 16

Verena Nold, la nouvelle directrice de          Les statistiques de l’OFSP montrent que de   Le palmarès des médicaments met en
santésuisse, nous livre ses objectifs et ses    nombreux chirurgiens manquent de pratique    évidence l’effet sur les ventes d’un
priorités. Pour elle, une bonne collaboration   pour certaines opérations.                   médicament de l’échéance du brevet.
est primordiale.

Sommaire
 4 Interview de la nouvelle directrice de santésuisse, Verena Nold                                       No 3, juillet 2013
                                                                                                         Paraît six fois par an
                                                                                                         prix de l’abonnement
Sous la loupe
                                                                                                         54 fr. par an, 10 fr. le numéro
 8 Les patients ignorent tout de la qualité de leur hôpital                                              Éditeur et administration
11 Médicaments : plus de mal que de bien ?                                                               santésuisse,
12 Sécurité de la médication aux interfaces                                                              Les assureurs-maladie suisses,
                                                                                                         Römerstrasse 20, case postale,
14 La charte des chirurgiennes et chirurgiens suisses                                                    4502 Soleure
                                                                                                         Responsable de la rédaction
Domaine de la santé                                                                                      Frédérique Scherrer
15 Angelina Jolie, un exemple à suivre ?                                                                 Ressort Communication,
                                                                                                         Case postale, 4502 Soleure
16 Le palmarès des 30 médicaments les plus vendus                                                        Téléphone : 032 625 41 27,
                                                                                                         Fax : 032 625 41 51,
Rubriques                                                                                                Courriel : redaction@santesuisse.ch
18 A lire : deux ouvrages de référence sur la santé et le droit                                          production : Rub Media SA,
                                                                                                         Seftigenstrasse 310, 3084 Wabern/Berne
20 En bref : modifications dans l’assurance obligatoire des soins
                                                                                                         Conception de la mise en page
21 Nouvelles d’Europe                                                                                    Pomcany’s
                                                                                                         mise en page
                                                                                                         Henriette Lux
                                                                                                         administration des annonces
                                                                                                         Toutes les annonces – les offres d’emploi
                                                                                                         y compris – sont à adresser à :
                                                                                                         « infosantésuisse », Römerstrasse 20,
                                                                                                         case postale, 4502 Soleure
                                                                                                         courriel : redaction@santesuisse.ch
                                                                                                         Administration des abonnements
                                                                                                         Téléphone : 032 625 42 74,
                                                                                                         Fax : 032 625 41 51
                                                                                                         Portail : www.santesuisse.ch
                                                                                                         Page de titre : santésuisse/Prisma
                                                                                                         ISSN 1660-7236
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
Le vent du changement

« Quand souffle le vent du changement, les uns construisent
des murs et les autres des moulins à vent »
(proverbe chinois)

Les moulins tirent judicieusement parti du vent pour produire de
l’énergie. On insuffle ainsi de l’élan à ce qui existe. Appliqué à la
branche, cela signifie que santésuisse continuera, comme jusqu’ici,
à défendre le système de santé actuel, libéral, innovant et de qua-
lité. Elle s’engagera avec force et cohérence sur le plan politique,
auprès des fournisseurs de prestations et des payeurs de primes.
Il est important que tous les partenaires du domaine de la santé           Christoffel Brändli
                                                                           Président du conseil d’administration
conservent leur libre choix et que les interventions de l’Etat se li-      santésuisse
mitent au strict nécessaire.
Selon le Moniteur de la santé gfs 2013, 76 % des sondés se disent sa-
tisfaits de notre système de santé. Il s’agit là d’un taux supérieur aux
années précédentes. « Une part de ce gâteau revient certainement
aux assureurs-maladie » commentait à juste titre un journaliste. Mais
pour que les assurés le reconnaissent aussi, ils doivent être mieux
informés sur le fonctionnement de notre système et sur le rôle ma-
jeur qu’y jouent les assureurs-maladie. Ce sont eux qui contrôlent
les factures, négocient des tarifs avantageux et s’efforcent de conte-
nir les coûts, dans l’intérêt des payeurs de primes. Pour santésuisse,
fournir ces explications est la priorité absolue.
Contre les mythes véhiculés par les partisans de la caisse publique,
il faut en revanche construire des murs. Prétendre qu’une caisse
étatique jouissant d’un monopole occasionne moins de frais admi-
nistratifs que les assureurs-maladie revient à nier les faits.
Avec la création de curafutura, le vent du changement n’a pas épar-
gné la branche. Nous profiterons de cette brise pour accroître notre
expertise afin d’assumer encore mieux notre tâche d’interlocuteur
des assureurs dans le domaine de la santé. Nous continuerons à of-
frir à nos membres une large palette de services. Avec tarifsuisse sa
et SASIS SA, nous pouvons compter sur deux filiales bien établies,
dont les activités sont idéalement complétées par la SVK.
Quand souffle le vent du changement pour détruire notre système
qui fonctionne globalement bien, il est réjouissant que l’ensemble
de la branche – RVK, santésuisse et la nouvelle association – tire
à la même corde. Nous ne voyons pas pourquoi notre système de
santé performant est mis en jeu avec autant de légèreté pour tenter
l’expérience perilleuse d’une caisse publique dont l’issue est impro-
bable. Ce vent n’apporte aucune énergie, mais seulement destruc-
tion et désolation. Utilisons plutôt les bons vents…

                                             3 | Éditorial 3/13
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
Interview avec Madame Verena Nold, nouvelle directrice de santésuisse

« Il est primordial de tirer tous
à la même corde »

Depuis mi-juin, Verena Nold est directrice de santésuisse.
Son objectif est de concilier les intérêts des membres
et ensemble, avec eux, de tirer à la même corde, dans
la même direction. Par ailleurs, elle souhaite mieux
exploiter le potentiel de synergies grâce à une meilleure
collaboration entre santésuisse, tarifsuisse, SASIS et la
SVK. Enfin, sur le plan externe, santésuisse prendra acti-
vement part à l’évolution du système suisse de santé.

Madame Nold, une tâche herculéenne vous attend.
Qu’est-ce qui vous a incité à accepter de relever le défi
d’être directrice de santésuisse ?
Je trouve qu’il est très stimulant de pouvoir à nouveau parti-
ciper activement à l’évolution du système suisse de santé et
de contribuer à ce que les générations futures puissent aussi
bénéficier d’un système de qualité élevée, financé par des               Verena Nold Rebetez n’est pas une inconnue
                                                                         de la branche. La nouvelle directrice de
primes supportables. J’aime les défis, et en particulier celui
                                                                         santésuisse connaît les partenaires et
qui consiste à assumer la fonction de directrice de santésuisse.         le fonctionnement du système de santé
                                                                         en raison de sa longue activité dans ce
Que pouvez-vous apporter en tant que directrice ?                        domaine. Concernant les tâches difficiles qui
                                                                         l’attendent, elle précise : « J’aime les défis, et
J’ai une longue expérience de la branche, sais comment fonc-             en particulier celui qui consiste à assumer la
tionne le système suisse de santé et connais de nombreux                 fonction de directrice de santésuisse. »
partenaires personnellement. Grâce à mes nombreuses an-
nées chez santésuisse et tarifsuisse, je connais parfaitement
les besoins des assureurs-maladie. Ce sont des atouts impor-
tants pour assumer cette fonction.                                       Faut-il équiper ce poste d’un siège éjectable ?
                                                                         Non, cela n’est pas nécessaire. Il y aura certes des turbu-
Quelle est votre mission en tant que directrice et com-                  lences, mais on peut les surmonter aisément avec une bonne
ment comptez-vous la remplir ?                                           équipe et éviter ainsi le crash. Sans oublier que les défis sont
Mon objectif est clair. Je souhaite concilier les intérêts des           une réelle chance de trouver de nouvelles solutions.
membres et ensemble, avec eux, tirer à la même corde et
dans la même direction. Mais pour y parvenir, il est impor-              Comment santésuisse assumera-t-elle son rôle d’associa-
tant qu’ils soient tous associés aux processus de décision.              tion faîtière des assureurs-maladie sous votre direction ?
                                                                         santésuisse doit jouer un rôle de précurseur pour le système
                                                                         suisse de santé. Elle doit élaborer des propositions permet-
                                                                         tant d’améliorer durablement le système de santé. santésuisse
 Verena Nold Rebetez (1962), nouvelle directrice de                      prendra les mesures requises pour progresser selon les ob-
 santésuisse, a déjà exercé la fonction de directrice adjointe de        jectifs définis et en recherchant des solutions, afin de conti-
 l’association et de responsable du département Négociations ta-         nuer à jouer son rôle important d’avant-garde.
 rifaires, de 2004 à 2010. Ensuite, elle a dirigé tarifsuisse sa, une
 filiale de santésuisse. Dans cette fonction, elle a mené des né-        santésuisse est toujours l’association des petits, moyens et
 gociations tarifaires au plan national et cantonal, siégé dans de       grands assureurs-maladie dont les intérêts divergent au
 nombreuses commissions œuvrant dans le domaine des tarifs               sein même du conseil d’administration. Ces intérêts pour-
 et de l’assurance qualité et a dirigé une soixantaine de collabo-       ront-ils être mieux conciliés dans la nouvelle constella-
 rateurs. Auparavant, de 1990 à 1997, Verena Nold a travaillé            tion ?
 pour Helsana Assurances SA /Helvetia Assurance-maladie, ce qui          Les intérêts ne dépendent pas seulement de la taille. Il est
 lui a permis, en tant que membre de la direction, d’effectuer de        donc tout à fait possible de développer des positions que
 nombreuses expériences en matière de marketing et de déve-              tous soutiennent.
 loppement de produits. En mai 2013, Verena Nold a relevé un
 nouveau défi en devenant directrice de la clinique Le Noirmont
                                                                         Quels dossiers devrez-vous traiter ces prochaines années
 (JU), centre de réadaptation pour les maladies cardio-vasculaires.
                                                                         en tant que directrice de santésuisse ? Sur quels résultats
 Depuis juin 2013, elle est directrice de santésuisse.

                                                                        4 | Domaine de la santé 3/13
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
Photos : Walter Imhof
le conseil d’administration devra-t-il vous évaluer dans           équivalant à un milliard de francs par an. De plus, ils leur
cinq ans ?                                                         offrent un très bon service en remboursant rapidement et
Il faut revoir de toute urgence le tarif médical TARMED, tout      de manière non bureaucratique les factures, en répondant
comme introduire des structures tarifaires uniformes au plan       avec promptitude et compétence à leurs clients et en leur
national pour la réadaptation et la psychiatrie, pour ne ci-       prodiguant de surcroît des conseils personnalisés. Enfin, les
ter que deux des dossiers importants. Actuellement, empê-          assureurs-maladie développent des modèles d’assurance in-
cher que la caisse unique ne voie le jour est la priorité ab-      novants. En se montrant novateur, un assureur se démarque
solue. Si nous y arrivons, nous aurons déjà insufflé beau-         de la concurrence et gagne de nouveaux clients. Une caisse
coup d’élan au système pour l’avenir.                              étatique n’apporte en revanche aucune valeur ajoutée mais
                                                                   uniquement des désavantages. Les assurés perdent leur libre
Au-delà du rejet de la caisse unique, qu’est-ce qui unit la        choix, les innovations se font rares et le service aussi se dé-
branche ?                                                          grade car l’assuré mécontent n’a plus la possibilité de chan-
Tous les assureurs-maladie défendent un système de santé           ger de caisse. Je ne vois pas pourquoi on met en jeu avec
libéral avec le moins d’interventions possibles de l’Etat et de    autant de légèreté notre système de santé performant pour
vastes possibilités de choix pour tous.                            une expérience périlleuse à l’issue improbable.

« Il est important d’associer tous les                             Que pensez-vous de l’existence de plusieurs associations ?
                                                                   Faut-il voir cette concurrence d’un bon œil ?
membres aux processus de décision.»                                Lorsqu’il n’est pas possible de réunir toute une branche au-
                                                                   tour d’objectifs communs, il peut s’avérer utile de consti-
Dans la perspective de la votation sur la caisse unique,           tuer plusieurs associations. La concurrence est stimulante et
il est légitime de se demander quelle valeur ajoutée la            oblige toute organisation à se remettre sans cesse en ques-
branche de l’assurance-maladie apporte réellement aux              tion. Dans la perspective de la votation sur la caisse pu-
assurés et au système de santé dans son ensemble. Où la            blique, l’existence de plusieurs associations n’est toutefois
voyez-vous ?                                                       pas un avantage.
Les assureurs-maladie s’engagent en faveur d’une utilisation
efficace des primes et pour éviter des prestations inutiles ou     Des intérêts divergeants existent aussi dans d’autres
trop chères. Grâce à un contrôle rigoureux des factures, les       branches, mais les membres s’entendent néanmoins sur
assureurs font bénéficier les assurés d’économies de primes        les questions essentielles, comme par exemple les méde-

                                                                  5 | Domaine de la santé 3/13
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
cins qui s’unissent pour défendre le libre choix du mé-            Vous avez toujours affirmé qu’il existe un lien très étroit
decin et des soins. Comment comptez-vous accorder les              entre les structures tarifaires et les négociations de prix.
visions des assureurs-maladie sur la compensation des              Comptez-vous réintégrer tarifsuisse sa au sein de l’asso-
risques et le partenariat tarifaire ?                              ciation. Une fusion est-elle envisagée ?
Au cours des dernières années, les positions des assureurs-        Il ne faut pas nécessairement fusionner pour bien travailler
maladie sur la compensation des risques se sont rapprochées,       ensemble. On peut tout à fait traiter des dossiers dans des
il sera donc plus facile de se mettre à l’unisson sur ce point.    organisations différentes et néanmoins collaborer de façon
En ce qui concerne le partenariat tarifaire, les positions des     positive et étroite.
assureurs n’ont jamais divergé au point d’empêcher des ac-
cords. Je suis sûre que nous arriverons à définir des posi-        Existe-t-il un potentiel de synergie dans la collaboration
tions communes pour cette question et d’autres également.          entre santésuisse, tarifsuisse, SASIS et la SVK ? Et si oui, où
                                                                   et comment l’exploiter ?
« Une caisse étatique n’apporte                                    Les quatre organisations disposent chacune d’un grand sa-
                                                                   voir-faire dans leur domaine de compétence respectif. Il est
aucune valeur ajoutée.»                                            tout à fait possible de mieux utiliser ce savoir-faire en tra-
                                                                   vaillant étroitement ensemble sur certains sujets. Je pense
Comment envisagez-vous la collaboration future avec Cu-            que c’est justement l’un des grands atouts de santésuisse et
rafutura ?                                                         des organisations associées.
santésuisse est prête à entamer des discussions avec Curafu-
tura. Dans les secteurs où les intérêts concordent, une col-       La presse a déploré l’absence de leaders chez santésuisse,
laboration est parfaitement judicieuse.                            qui représentent la branche à l’extérieur, et d’un commu-
                                                                   nicant chevronné, qui porte la voix de l’association. Par-
Le départ de membres importants va peser sur les fi-               tagez-vous cette analyse ?
nances de l’association et se traduire par des pertes de re-       santésuisse a des leaders, ils doivent simplement prendre plus
cettes. Quelles prestations seront à l’avenir supprimées           souvent la parole. Une communication active est primordiale.
ou limitées ?
Aucune prestation ne sera supprimée. santésuisse doit four-        L’assurance de base est une assurance sociale. Dans quelle
nir ses prestations plus efficacement.                             mesure l’est-elle encore ?
                                                                   L’assurance de base est toujours une assurance très sociale.
Faut-il s’attendre à des réductions du personnel ?                 Les assurés paient par exemple la même prime quel que
santésuisse dispose de provisions, aucune mesure d’écono-          soit leur état de santé. La solidarité existe entre les bien-
mie n’est donc nécessaire à ce stade.                              portants et les malades, entre les personnes jeunes et âgées
                                                                   ainsi qu’entre les hommes et les femmes.
Sous quelle forme santésuisse s’engagera-t-elle ces pro-
chaines années dans les domaines de la politique ta-               « santésuisse doit jouer un rôle
rifaire, des structures tarifaires et des négociations de
prix ?                                                             de précurseur pour le système suisse
santésuisse représentera ses membres dans les organisations        de santé.»
tarifaires nationales importantes comme TARMED Suisse et
SwissDRG SA. Elle participera activement à l’avenir aussi à la
politique tarifaire en soumettant des propositions concrètes       Vous avez quitté la Clinique Le Noirmont après l’avoir di-
d’amélioration aux instances politiques. Les négociations          rigée pendant un mois seulement. Cette clinique affron-
de prix seront menées par les différentes sociétés d’achat.        tant certains problèmes de légitimité, une question vient
                                                                   automatiquement aux lèvres : ne croyez-vous pas à l’ave-
En tant qu’ancienne directrice de tarifsuisse, vous ne vous        nir de cette clinique ?
êtes pas fait que des amis parmi les fournisseurs de pres-         La Clinique Le Noirmont est la plus importante clinique de
tations. Cela représente-t-il un obstacle à une collabora-         réadaptation cardiaque stationnaire en Suisse. Il n’y a donc
tion constructive future ?                                         aucune raison de ne pas croire à l’avenir de cette excellente
J’assume chez santésuisse une fonction différente de celle         clinique, au contraire. J’ai beaucoup apprécié de travailler
que j’ai occupée chez tarifsuisse. santésuisse ne mène pas de      du côté des fournisseurs de prestations. Cette brève expé-
négociations de prix, ce qui simplifiera la collaboration avec     rience très enrichissante me sera fort utile chez santésuisse.
les fournisseurs de prestations. Je suis confiante que nos par-
tenaires sauront l’apprécier et en tenir compte.                   interview : silvia schütz

                                                                  6 | Domaine de la santé 3/13
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
Actuellement, la priorité absolue pour la nouvelle directrice de santésuisse est d’empêcher que la caisse publique ne voie le
jour. A plus long terme, la révision du TARMED et l’introduction de structures tarifaires uniformes au plan national représentent
également des objectifs importants.

                                                            7 | Domaine de la santé 3/13
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
Indicateurs de qualité des hôpitaux : seul le nombre d’interventions est actuellement publié

Les patients ignorent tout de la qualité de leur hôpital

De nombreuses équipes chirurgicales manquent d’expé-                 opérations du pancréas devraient être réalisées chaque an-
rience, car elles réalisent trop d’interventions diffé-              née, au moins deux chirurgiens ultra-spécialisés faire partie
rentes. L’évaluation de l’OFSP du nombre d’opérations                d’une équipe ultra-qualifiée, un colloque multidisciplinaire
du pancréas le démontre clairement. Aux Pays-Bas, les                se tenir chaque semaine, une salle d’opération être dispo-
assureurs-maladie peuvent refuser d’indemniser les inter-            nible 24 h sur 24 et des soins intensifs spécialisés être garan-
ventions pratiquées trop rarement. Cela incite les hôpi-             tis », déclare le Professeur Pierre-Alain Clavien, chirurgien à
taux à se spécialiser et augmente la sécurité des patients.          l’hôpital universitaire de Zurich. Dix-huit hôpitaux en Suisse
                                                                     allemande, seize en Romandie et trois au Tessin ne remplis-
Il n’est pas rare que des complications et des décès évitables       saient pas ces critères. Ils ont pratiqué moins de dix résec-
surviennent à la suite d’interventions réalisées par des équipes     tions du pancréas pendant toute l’année 2010. Dix autres hô-
chirurgicales inexpérimentées. Pour la première fois, les pa-        pitaux l’ont réalisée sur moins de vingt patients (voir le ta-
tients peuvent consulter sur le site1 de l’Office fédéral de la      bleau page 10).
santé publique (OFSP) à quelle fréquence un hôpital réalise
certaines opérations. Les chiffres « actuels » datent toutefois      Les décès ne sont saisis que par l’hôpital
de 2010. La Suisse accuse ainsi un retard très net par rap-          L’OFSP indique pour les différents chapitres hospitaliers com-
port aux Pays-Bas qui publient déjà les statistiques de 2012.        bien de patients sont décédés à l’hôpital pendant ou après
                                                                     l’intervention. Les décès survenant jusqu’à trente jours après
Le nombre d’interventions, un critère de qualité décisif
Des complications inutiles, comme une deuxième opération,
des saignements postopératoires, des infections ou même
des décès arrivent fréquemment lorsque des hôpitaux ou
des chirurgiens pratiquent rarement certaines interventions
et manquent ainsi d’expérience. « Il est admis depuis les an-
nées 90 que la qualité des interventions chirurgicales dé-
pend du nombre d’interventions pratiquées », explique Jan
Maarten van den Berg de l’inspection néerlandaise de la
santé. Il surveille les résultats des opérations pratiquées dans
les hôpitaux hollandais. « C’est en forgeant que l’on devient
forgeron », cela vaut également pour les chirurgiens et les
équipes médicales hospitalières. Aux Pays-Bas, les assureurs-­
maladie peuvent refuser la prise en charge d’opérations
lorsqu’elles sont réalisées trop rarement. Cela incite les hô-
pitaux à se spécialiser.
La fréquence des interventions n’est que l’un des nombreux
critères qui déterminent le résultat d’une opération, mais il est
le plus facile à mesurer. Pour les autres critères, les hôpitaux
suisses ne mettent pas de données comparatives à disposi-
tion. Ils ont même gardé secret pendant longtemps le nombre
d’opérations réalisées. Leurs chiffres peuvent par ailleurs se
différencier de ceux de l’OFSP, qui utilise une autre base de
données. L’analyse comparative de la statistique de l’OFSP
n’est toutefois pas aisée. Il faudrait prendre exemple sur l’Of-
fice vétérinaire fédéral et sa statistique du nombre d’expéri-
mentations sur les animaux, qui est de surcroît plus actuelle.

Moins de dix opérations par an
Les statistiques de l’OFSP sur la résection du pancréas suite
à un cancer ou à une infection grave sont inquiétantes. Plus
de cinquante hôpitaux se sont répartis les 740 opérations ré-
alisées en Suisse en 2010. Cette intervention délicate peut en-
traîner le décès et de nombreuses complications postopéra-
toires. Pour les éviter autant que possible, « au moins 20 à 30

                                                                     Plus de 35 hôpitaux suisses ont pratiqué moins de dix résections du
                                                                     pancréas pendant toute l’année 2010. Or cette intervention délicate
                                                                     requiert au moins 20 à 30 opérations par an pour diminuer les com-
                                                                     plications postopératoires.

                                                                    8 | Sous la loupe 3/13
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
l’opération seraient néanmoins plus révélateurs, comme cela                              d’opérations du pancréas ont enregistré 16 % de décès de
se pratique aux Pays-Bas. L’évaluation de la statistique de                              patients contre moins de 4 % dans ceux en pratiquant beau-
l’OFSP fait cependant apparaître des différences très nettes                             coup. Aux Pays-Bas, le nombre de décès suite à une pan-
déjà au niveau du nombre de décès à l’hôpital : les hôpi-                                créatectomie a chuté de moitié par rapport à 2008, précise
taux universitaires pratiquant un nombre élevé d’interven-                               Jan Maarten van den Berg. Le nombre plus élevé d’interven-
tions ont enregistré un quart de décès de moins pendant ou                               tions ainsi que la saisie comparable et contrôlée des compli-
après la résection du pancréas que l’état de santé des pa-                               cations ont contribué à ce résultat.
tients ne l’aurait laissé supposer (5,4 % au lieu de 7,4 %). A
l’inverse, dans les petits hôpitaux généralistes, 12 % de pa-                            Peu d’interventions également pour d’autres pathologies
tients de plus sont décédés malgré des pathologies moins                                 L’expérience est indispensable également pour de nom-
graves (6,7 % au lieu de 6 %). Les écarts sont encore plus im-                           breuses autres opérations. Certains chirurgiens prétendent
portants entre les différents hôpitaux. Les comparaisons sont                            opérer dans différents hôpitaux et disposer ainsi de suffi-
toutefois difficiles à réaliser car lorsque les interventions sont                       samment d’expérience. Mais pour la plupart des interven-
peu nombreuses, un seul décès de plus ou de moins influe                                 tions, l’expérience de toute l’équipe médicale est tout aussi
fortement sur la statistique.                                                            cruciale. Celle-ci doit veiller, avant et après l’opération, que
Selon une statistique publiée dans le New England Medical                                tout soit en ordre et identifier rapidement les complications.
Journal il y a dix ans, les hôpitaux américains réalisant peu                            Pour la résection prostatique transurétrale par exemple, il
                                                                                         faut non seulement un chirurgien expérimenté, mais aussi un
                                                                                         hôpital spécialisé pour éviter les complications ultérieures,
                                                                                         constatait le British Medical Journal il y a dix ans déjà. Or en
                                                                     Photo : Keystone

                                                                                         Suisse, treize hôpitaux ont réalisé cette intervention sur moins
                                                                                         de trente patients en 2010. Les treize hôpitaux avec le nombre
                                                                                         le plus élevé d’interventions l’ont pratiquée 170 à 300 fois.
                                                                                         Le spécialiste en chirurgie cardiaque Thierry Carrel met en
                                                                                         garde depuis longtemps contre un éparpillement des inter-
                                                                                         ventions de chirurgie cardiaque, qui entraîne des décès et des
                                                                                         complications évitables. A l’Hôpital de l’Ile où il exerce, 1371
                                                                                         opérations du cœur ont été réalisées en 2010 contre moins
                                                                                         de dix dans les hôpitaux cantonaux de Nidwald, Obwald et
                                                                                         Uri ainsi que dans les hôpitaux d’Uster, Männedorf et Wetzi-
                                                                                         kon. L’hôpital cantonal d’Aarau en a pratiqué dix-sept et ce-
                                                                                         lui de St-Gall vingt. La statistique de l’OFSP révèle une situa-
                                                                                         tion similaire pour les prothèses du genou et de la hanche
                                                                                         ou les fractures du col du fémur. Les patients ont donc in-
                                                                                         térêt à s’informer sur le nombre d’opérations réalisées par
                                                                                         leur hôpital en 2010. Cette recherche est assez simple sur
                                                                                         le site de l’OFSP : dans la rubrique mentionnée en note, re-
                                                                                         chercher l’hôpital sous « Requête », puis sélectionner l’opéra-
                                                                                         tion (indicateur).

                                                                                         Urs Gasche/infosperber 2

                                                                                         1
                                                                                             www.bag.admin.ch/hospital/index.html > Indicateurs de qualité.
                                                                                         2
                                                                                             Cet article est une reproduction résumée de l’article publié en allemand
                                                                                             sur infosperber www.infosperber.ch/Artikel/Gesundheit/Spitaler-Fallzahlen-
                                                                                             vermeidbare-Todesfalle-Komplikationen

                                                                                        9 | Sous la loupe 3/13
Info santésuisse 3/13 - Santésuisse
Deux exemples du nombre d’opérations réalisées
 I.1.3.M première implantation d’endoprothèse                              e.7.1.M résection du pancréas
 totale de genou                                                           hôpitaux de toute la suisse 2010

 hôpitaux de toute la Suisse 2010                                          suisse allemande                     Romandie et tessin
 suisse allemande                             Romandie et tessin           Inselspital Bern                                                     74
 Merian Iselin                                                     699     CHUV Centre Hospitalier Universitaire Vaudois                        52
 Schulthess ­Klinik                                                609     Klinik Beau-Site AG                                                  50
 Salem-Spital                                                      449     Universitätsspital Zürich                                            44
 Luzerner Kantonsspital                                            424     Les Hôpitaux Universitaires de Genève HUG                            43
 Clinica Ars Medica SA                                             374     Kantonsspital St. Gallen                                             38
 Kantonsspital St. Gallen                                          333     Universitätsspital Basel                                             27
 Lindenhofspital                                                   326     St. Claraspital                                                      26
 Les Hôpitaux Universitaires de Genève HUG                         263     Luzerner Kantonsspital                                               24
 CHUV Centre Hospitalier Universitaire Vaudois                     241     Kantonsspital Aarau AG                                               22
 Kantonsspital Winterthur                                          229     Klinik Hirslanden AG                                                 21
 Stiftung Krankenhaus Sanitas                                      225     Kantonsspital Liestal                                                20
 Kantonsspital Bruderholz                                          214     Kantonsspitäler Frauenfeld & Münsterlingen zus.                      18
 Hirslanden Klinik am Rosenberg                                    213     Spitäler Solothurner, Olten, Dornach zus.                            17
 Klinik Hirslanden AG                                              200     Hôpital du Valais (CHCVs) – Spitäler Martinach, Sitten und Siders    17
 Clinique de Valère SA Clinique Générale                           197     Kantonsspital Baden AG                                               17
 Privatklinik Bethanien AG                                         186     Kantonsspital Winterthur                                             16
 Klinik St. Anna, Luzern                                           181     Lindenhofspital                                                      15
 GZO Spital Wetzikon                                               178     Kantonsspital Bruderholz                                             15
 Uniklinik Balgrist                                                177     EOC Ente ospedaliero cantonale                                       14
 Hirslanden Klinik Aarau                                           169     Stadtspital Triemli                                                  11
 Clinique Générale – Ste­Anne SA                                   169     Spital Netz Bern (Ziegler, Münsingen, Aarberg)                       10
 Kantonsspital Liestal                                             166     Hôpital Neuchâtelois HNE                                             10
 Kantonsspital Baden AG                                            165     Kantonsspital Graubünden                                             10
 Clinique la Colline                                               164     Stadtspital Waid                                                     10
 Clinique Bois ­Cerf SA                                            155     HFR – Hôpital fribourgeois**
Des médicaments censés nous soigner

Plus de mal que de bien

« Un médicament n’est pas un
bonbon » ont martelé divers
médecins lors de la polé-
mique médiatique autour de
la pilule. Les médicaments
sont des substances actives,
destinées à améliorer un
état de santé précis. Mais
leur activité justement peut
présenter des risques, qu’il
convient d’évaluer correc-
tement au regard des béné-
fices. Et que se passe-t-il
quand intérêts politiques et
économiques s’en mêlent ?

Un dossier*, publié en France en février 2013, rassemble une         des médicaments à charge de l’assurance-maladie, et ce se-
série de plusieurs dizaines de médicaments estimés plus dan-         lon les trois critères de l’efficacité, l’adéquation et l’écono-
gereux qu’utiles, qui devraient être écartés des soins et reti-      mique. Or actuellement, seul le caractère économique est
rés du marché. Les objectifs déclarés des auteurs sont d’ai-         contrôlé. Pourtant, une évaluation systématique de l’effica-
der les soignants à mieux soigner les patients, en prenant           cité serait également nécessaire en Suisse, d’autant plus que
en compte les résultats d’une évaluation clinique des médi-          l’instrument pour le faire existe. En effet, un programme HTA
caments prétendue rigoureuse et indépendante, mais aussi             (Health Technology Assessment), tel qu’utilisé dans plusieurs
d’interpeller les autorités françaises pour les inciter à prendre    pays européens, a été développé. Il est dommage que l’Of-
les mesures qui, selon eux, protègeront vraiment les patients.       fice fédéral de la santé publique manque d’activité sur ce
                                                                     sujet, alors que le cadre légal existe.
« Des médicaments à écarter pour mieux soigner »
Les auteurs du dossier résument la situation ainsi : « Au mo-        Sous l’angle politique et financier
ment de choisir parmi les médicaments pour tel ou tel pro-           Une décision de remboursement est un choix politique qui
blème de santé, la prudence est de préférer les plus éprou-          revient aux autorités. Cependant, santésuisse plaide pour
vés, ceux dont les effets nocifs sont rendus acceptables par         que tous soient soumis aux mêmes règles et disposent des
une efficacité démontrée sur des conséquences concrètes.             mêmes instruments. Or, dans le domaine des médicaments,
Mais chaque année, de nombreux nouveaux médicaments                  seule l’industrie pharmaceutique peut faire une demande
sont autorisés, malgré l’absence de preuve d’un progrès par          de mise sur la liste des spécialités et dispose d’un droit de
rapport aux médicaments de référence. Parfois, ils sont en           recours envers les décisions de l’OFSP. Il existe pourtant
pratique moins efficaces ou plus nocifs. Pour d’autres mé-           des situations où d’autres acteurs sont plus à même de ju-
dicaments, plus anciens, les espoirs initiaux d’efficacité sont      ger un besoin. Ainsi les pharmaciens hospitaliers ont tenté
déçus par les avancées de l’évaluation. Ou bien leurs effets         de faire inscrire sur la liste certains anesthésiques très utili-
indésirables s’avèrent plus importants qu’on ne le pensait.          sés dans l’ambulatoire, mais leur demande n’a pas été prise
Au final, de nombreux médicaments sont utilisés, alors qu’ils        en compte. Enfin, les assureurs-maladie estiment qu’en tant
sont plus dangereux qu’utiles, ou que d’autres médicaments           que représentants des payeurs de prime, ils devraient avoir
leur sont préférables. En pratique, un trop grand nombre             le même droit de recours que l’industrie pharmaceutique.
de personnes prennent des médicaments qui ne sont pas                Cette demande, destinée à défendre les assurés, est d’au-
les meilleurs choix possibles, parce qu’il existe des médica-        tant plus légitime vu l’utilisation de ce droit faite par l’in-
ments aussi efficaces et avec moins d’effets indésirables, ou        dustrie ces derniers temps. Il s’agit là de millions payés en
parce que des solutions non médicamenteuses sont dispo-              trop par les patients.
nibles et préférables. »
                                                                     Frédérique Scherrer
Evaluation trisannuelle des médicaments
Cette publication française interpelle. L’Allemagne a elle aussi     * Prescrire, « Pour mieux soigner : des médicaments à écarter », en accès libre sur
reconnu qu’il est nécessaire de s’intéresser de près à l’effi-         www.prescrire.org > libre accès > les articles en une (Rev Prescrire 2013 ;
cacité réelle des médicaments. Les autorités ont ainsi inclus          33 (352) : 138-142)

dans la loi une analyse d’utilité. Qu’en est-il en Suisse ? Nos
autorités font-elles preuve d’assez de vigilance ? La LAMal et
son ordonnance prévoient une réévaluation tous les trois ans

                                                                    11 | Sous la loupe 3/13
Journée thématique de la fondation pour la sécurité des patients et de la GSASA

                   Sécurité de la médication aux interfaces

                   Que l’on soit pharmacien, infirmière ou médecin, la                    de sa sortie aura l’effet contraire. La réponse est de pou-
                   question de la continuité des soins semble évidente, et                voir prendre conscience de ce problème et de faire un sa-
                   c’est ce thème qui a suscité maintes réflexions lors de                vant dosage entre ces deux extrêmes.
                   la journée « Sécurité de la médication aux interfaces,
                   des coupures aux sutures », le 23 avril dernier à Berne.               Standardisation et informatisation
                   Résumé                                                                 Il faut communiquer, certes, mais parlons-nous tous la
                                                                                          même langue ? La transmission des informations d’un ser-
                   De nombreuses études suisses ou internationales, citées lors           vice à un autre et du corps médical au patient est essen-
                   des présentations, ont montré l’ampleur des problèmes qui              tielle. Or entre le dialecte d’une unité et le jargon médical,
                   surviennent tout au long du parcours entre l’ambulatoire et            il y a de quoi perdre son latin ! La question du langage en
                   l’hôpital. Il y a, certes, de nombreux intervenants : médecins         DCI (Dénomination Commune Internationale, le nom non
                   de famille, pharmaciens d’officine, médecins hospitaliers,             commercial d’une substance active pharmacologique, ndlr)
                   pharmaciens hospitaliers, soignants, entourage du patient,             a notamment été posée par L. Gattlen, qui pointe les dispa-
                   etc., mais chacun d’entre eux joue un rôle primordial. Ces             rités de connaissances entre les corps de métier.
                   rôles doivent être extrêmement bien définis afin que cha-              Faisons-nous tous la même chose ? La continuité des soins
                   cun comprenne ce que fait l’autre et ne se cantonne pas à              passe par la standardisation des préparations (dilution, éti-
                   son propre « bout de terrain ».                                        quetage, rangement, documentation…). Cette notion a été
                                                                                          en effet encouragée par de nombreux intervenants.
                   Coordination et communication                                          Lisons-nous et écrivons-nous de la même manière ? L’infor-
                   De nombreuses interfaces existent au sein de l’hôpital : plu-          matisation dans les institutions joue un grand rôle : affichage
                   sieurs médecins pour un même patient, changement de                    multiple, graphiques standardisés, vison globale… exit les
                   nom de produit, liste restrictive, voie d’administration…              prescriptions manuscrites illisibles ! Les médicaments ne
                   tout cela demande au quotidien beaucoup de coordina-                   sont pas en reste : la GSASA, en collaboration avec l’indus-
                   tion. Or tous ces petits grains de sable s’immiscent dans les          trie, a récemment édité des recommandations d’étiquetage,
                   rouages d’un processus déjà complexe. De plus, lorsque                 fort utiles pour réduire certaines erreurs, tels les look-alike.
                   nous apprenons par le Prof. Dr. K. Fattinger, que seul 25 %
                   des patients ont une anamnèse d’entrée juste ou que 50 %               Collaboration
                   des changements ne sont pas documentés dans les lettres                Les pharmaciens ne doivent pas se cantonner seulement
                   de sortie, la question des lacunes dans la communication se            au sous-sol d’un hôpital, comme l’a rappelé le Dr. P. Muff.
                   pose. A l’inverse, submerger un patient d’information lors             Les bases de la pharmacie clinique sont posées, mais un
Photo : Keystone

                   La continuité du traitement médicamenteux est d’une importance capitale pour le patient. Les interfaces, par exemple entre l’ambulatoire et
                   l’hôpital, représentent un moment critique à cet égard, et méritent une grande attention.

                                                                                         12 | Sous la loupe 3/13
Photo : HUG
long chemin reste encore à parcourir. Une base de don-
nées centrale pour l’anamnèse semble idéale, mais ce pro-
jet ambitieux est quelque peu perturbé par nos multiples
cantons et nos diverses caisses d’assurance-maladie. Mal-
gré cela, un travail multidisciplinaire est obligatoire et les
pharmaciens se positionnent comme un maillon important,
pour l’anamnèse mais aussi lors de ruptures de stock et             Comme des jumeaux… une ressemblance parfois fatale
d’obtention des médicaments à la sortie de l’hôpital, thèmes
qui ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps.

Innovation                                                          Comme des jumeaux… une ressemblance parfois fatale
Ne soyons pas effrayés par ce mot, bien au contraire ! L’in-
tervention de la Prof. M. Stebbins nous a démontré que des          Vous connaissez Dupont et Dupond, les fidèles amis de Tin-
nouveaux programmes existent aux Etats-Unis (Mary Nay-              tin ? Ou les jumeaux Igor et Grichka Bogdanov, célèbres pour
lor’s model, CTI, RED et BOOST) afin de gérer au mieux              leur émission de science-fiction ? Ces deux exemples, sympa-
les transitions ambulatoire-hôpitaux. Tous ces modèles ont,         thiques dans le domaine de la culture, illustrent une réalité pré-
entre autres, réussi à diminuer les réadmissions des patients       occupante du quotidien du personnel soignant et médical : de
                                                                    nombreuses erreurs médicamenteuses sont consécutives aux «
hospitalisés, motivation première pour qu’un hôpital amé-
                                                                    sound-alike » et aux « look-alike ». En effet, si des médicaments
ricain soit remboursé. Autre point commun : la sortie de
                                                                    aux indications et effets totalement différents ont des noms aux
l’hôpital doit se préparer dès le premier jour de l’admis-
                                                                    consonances similaires (sound-alike), le risque de confusion est
sion et s’accompagne bien au-delà. Toute l’équipe pluri-
                                                                    grand dans une pratique médicale complexe comme celle du
disciplinaire, intra et extra hospitalière, doit garder en tête
                                                                    milieu hospitalier. Un petit exemple, ayant conduit à des inci-
la qualité de vie du patient, ses besoins et sa satisfaction.
                                                                    dents en 2012 : valGANcyclovir (Valcyte) et vALAcyclovir (Valt-
                                                                    rex). Il en va de même si les médicaments ont des emballages et
De l’admission à la sortie, une bonne organisation.
                                                                    des étiquetages d’apparence semblable (look-alike).
A l’hôpital, les discussions d’entrée patient-soignants se          Le thème a été porté récemment sur la scène des autorités et de
révèlent être un art à part entière et ne doivent pas se li-        la politique. Il est possible d’améliorer la situation, par des ac-
miter à un rapide dialogue parsemé d’interruptions. Une             tions au niveau de l’industrie et des hôpitaux, avant et après la
étude réalisée à Heidelberg et présentée par Dr. H. Sei-            commercialisation des médicaments (utilisation de la DCI, TALL
dling, a montré qu’une double discussion patient-médecin            MAN letters, indication du traitement sur l’ordonnance, com-
et patient-pharmacien permettait d’obtenir une anamnèse             munication, entre autres). Certaines mesures organisationnelles
d’entrée beaucoup plus exhaustive. Il est ainsi important           préconisées, telles que listes, stockages séparés ou ré-étique-
de multiplier les sources, de croiser les informations, et de       tage, n’ont pas d’efficacité démontrée et ne sont probablement
bien les documenter électroniquement. Pendant le séjour,            pas très robustes. Une lecture électronique de codes-barres aux
la simplification des processus, décrit par Dr. S. Henz, est        différentes étapes est beaucoup plus prometteuse et robuste,
également obligatoire afin de ne pas transformer un par-            mais nous en sommes malheureusement encore loin. De nom-
cours de soins en un véritable parcours du combattant !             breux acteurs œuvrent à la prévention de ces confusions. Ainsi
Même si l’adhérence a été simplifiée par des thérapies moins        la GSASA, en collaboration avec l’industrie pharmaceutique et la
contraignantes (ex : médicaments oncologiques per os pré-           fondation pour la sécurité des patients, a publié des recomman-
senté par Mme I. Bachmann-Mettler,) ou encouragé par des            dations pour améliorer la situation dans le futur. www.gsasa.ch
entretiens de polymédication (présenté par K. Hersberger),
la sortie du patient doit toujours être accompagnée. Cette          Frédérique Scherrer, d’après la présentation
                                                                    de Pascal Bonnabry, HUG
sortie comporte un plan de traitement, comme nous le rap-
pelle le Dr. R. Pichon, mais son implantation et son accep-
tation ne sont pas forcément une chose aisée.

Autres discussions
Le pharmacien se positionne toujours comme une véritable           Le mot de la fin
charnière tant logistique (approvisionnement, infovigilance,       Nous devons garder à l’esprit que c’est le système qui va
génériques et équivalence…) que thérapeutique (polyme-             devoir s’adapter aux patients, et non l’inverse. Nous avons
dication check, produits OTC, adhésion…). Dans ce mé-              entre nos mains la capacité de transformer toutes les cou-
tier, nous parlons souvent d’interactions. Utilisons aussi ce      pures d’un parcours de soins en de belles sutures, à nous
terme sans connotation médicale, c’est-à-dire en se focali-        maintenant de les mettre en œuvre chaque jour dans nos
sant sur les réactions réciproques positives que nous pou-         équipes respectives.
vons avoir entre professionnels.
                                                                   Olivia François, Hôpitaux Universitaires de Genève

                                                                  13 | Sous la loupe 3/13
Photo: màd.

                                                              3 questions à Ralph A. Schmid*, président de la Société suisse de chirurgie SSC

                                                              « De nombreux hôpitaux cherchent
                                                              à augmenter le nombre des
                                                              interventions chirurgicales »

              Pour fêter ses 100 ans d’existence,             menté de 25 % alors même que la po-           différentes manières de procéder. Le
              la Société suisse de chirurgie SSC a            pulation n’a pas fortement vieilli ni que     médecin référent assiste par exemple à
              récemment lancé une charte contre               son état de santé se soit dégradé. Cette      l’opération et touche de ce fait un ho-
              les incitations financières inadmis-            augmentation s’explique par des inci-         noraire. La SSC a notamment reçu une
              sibles. En la signant, les chirurgiens          tations erronées. Les interventions pla-      demande officielle d’un médecin réfé-
              s’engagent à limiter leurs inter-               nifiables permettent d’accroître facile-      rent qui voulait savoir s’il devait vrai-
              ventions aux actes motivés par des              ment le nombre de cas. Chez nos voi-          ment être présent lors d’une opération
              raisons strictement chirurgicales et à          sins du nord, la pose de prothèse or-         pour laquelle il facture des honoraires.
              rejeter les traitements basés sur des           thopédique a explosé. La situation est        Il est aussi envisageable que des hôpi-
              réflexions quantitatives et ce, avant           souvent plus claire pour les interven-        taux régionaux reçoivent des commis-
              tout pour protéger les patients.                tions d’urgence, même s’il n’est pas ab-      sions de cliniques privées lorsqu’elles
              La SSC a également annoncé des                  solument nécessaire d’opérer chaque           leur adressent des patients. Je n’ai per-
              mesures contre l’utilisation de faux            appendicite par exemple. Pourtant, on         sonnellement pas observé de faits de ce
              titres universitaires.                          le fait parce que c’est financièrement        genre en Suisse. Les cabinets de groupe
                                                              rentable. La pression à opérer peut aussi     aussi négocient des rabais avec les hô-
              Le premier point de la charte prévoit           venir de la direction de l’hôpital. Dans      pitaux. De tels contrats ne sont pas ap-
              que les interventions chirurgicales             le système allemand, il est monnaie cou-      propriés.
              ne sont motivées que par des raisons            rante que les chirurgiens reçoivent des
              médicales. Cela ne va-t-il pas de soi ?         bonus s’ils opèrent beaucoup ; plus ils       Avec la charte, de quoi les chirur-
              Exprimés ainsi, les principes de la charte      le font, plus le bonus est élevé. Les mé-     giens veulent-ils protéger les pa-
              peuvent paraître banals mais leur appli-        decins indépendants agréés reçoivent          tients ?
              cation n’est pas si évidente. Aussi, nous       parfois des directives quant au nombre        Lorsqu’un médecin adresse un patient
              voulons attirer l’attention assez tôt et de     d’opérations qu’ils « doivent apporter » à    à un autre médecin, il ne doit pas re-
              manière honnête sur les risques liés à          l’hôpital. En Suisse, je n’ai pas connais-    cevoir une commission à l’insu du pa-
              la pression exercée sur les coûts. Celle-       sance de tels contrats et il s’agit de les    tient. Un tel agissement porte atteinte
              ci a pour effet que de nombreux hôpi-           empêcher.                                     au libre choix du médecin et à la qua-
              taux cherchent à augmenter le nombre                                                          lité, sans que le patient s’en rende
              des interventions chirurgicales. L’équi-        Il paraît que le transfert de patients        compte. En règle générale, les patients
              libre entre la médecine et l’économie           à l’hôpital donne également lieu au           font confiance à leur médecin et partent
              risque d’être compromis. En Allemagne,          versement d’une commission occulte.           de l’idée qu’il les adresse là où ils se-
              depuis l’introduction des forfaits par          Il y a des médecins qui tirent profit         ront le mieux soignés. Ils ne conçoivent
              cas, le nombre des opérations a aug-            lorsqu’ils adressent un patient. Il y a       pas que des considérations écono-
                                                                                                            miques entrent en ligne de compte.
                                                                                                            Nous conseillons aux patients de tou-
                                                                                                            jours poser à leur médecin la question,
               Charte SSC                                                                                   peut-être dérangeante mais nécessaire :
               1. Les interventions chirurgicales sont motivées par des raisons médicales.                  « Gagnez-vous quelque chose si vous
               2. Pas de transfert ou d’attribution des patients pour obtenir des avantages financiers et   m’adressez au Dr XY ? ».
                   pas de commission liée à ces opérations.
               3. Les honoraires doivent correspondre aux soins médicaux effectifs.                         silvia schütz

               4. Pas de traitement fondé sur des réflexions quantitatives financières.
               Afin de maintenir et de renforcer la confiance des patients, la SSC demande à ses            * Le professeur Ralph Alexander Schmid est
                                                                                                              directeur de la clinique universitaire de chirurgie
               membres d’indiquer l’origine de leurs titres. Cette donnée est publiée sur www.sgc-ssc.ch,     thoracique à l’Hôpital de l’Île à Berne et président
               dans la liste des membres. La SSC fête cette année ses 100 ans d’existence.                    de la Société suisse de chirurgie.

                                                                                    14 | Domaine de la santé 3/13
Vous pouvez aussi lire