DE QUOI HIER SERA FAIT - 19.20 DOSSIER SPECTACLE - Théâtre du Beauvaisis
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19.20 DOSSIER SPECTACLE THÉÂTRE DE QUOI HIER SERA FAIT Marie Lamachère jeu. 13 février 19h30 - BORD DE SCÈNE - ven. 14 février 20h30 à l’issue de la représentation du jeudi 13 février WWW.THEATREDUBEAUVAISIS.COM
2018-2020 /////////////////////////////////// de quoi hier sera fait (titre provisoire) // barbara métais-chastanier conception et mise en scène Marie Lamachère
2018-2020 CARNET DE Création de quoi hier sera fait (titRE provisoire) Une enquête d’après Charles Fourier Textes et dramaturgie Barbara Métais-Chastanier Conception et mise en scène Marie Lamachère Assistante Jade Maignan Avec 7 acteurs et performers Scénographie Delphine Brouard Création lumières Franck Besson Régie générale Thierry Varenne Création sonore en cours Création vidéo en cours CREATION prévue le 14 janvier 2020 au CDN de Montpellier Production : // Interstices Coproduction : Théâtre des 13 Vents centre dramatique national Montpellier - Ensemble artistique 2018-20 MC93 - Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis MC2 : Grenoble L’Empreinte, scène nationale de Brive-Tulle Théâtre du Beauvaisis, scène nationale de l’Oise - Artistes associés 2016-19 L’Usine, Centre national des arts de la rue et de l’espace public (Tournefeuille/ Toulouse Métropole) l’Atelline, lieu d’activation art et espace public, Montpellier Autre partenaire (pré-achats) : La Commune, CDN d’Aubervilliers Soutiens : Ministère de la Culture - Drac Occitanie (conventionnement) Région Occitanie (conventionnement) Résidences d’écriture de Barbara Métais-Chastanier : Festival Textes en l’Air, Saint Antoine l’Abbaye ; CEAD Montréal /La Chartreuse ; Orphéon-Bibliothèque Armand Gatti, la Seyne sur Mer ; la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, centre national des écritures du spectacle. De quoi hier sera fait est le deuxième volet d’un diptyque de créations consacré aux utopies. Sa création est prévue en janvier 2020 au CDN de Montpellier. Le premier volet, Nous qui habitons vos ruines, a été créé en novembre 2017 aux Scènes Croisées de Lozère, scène conventionnée d’intérêt national « art en territoire ».
EN BREF Nous travaillons, de pièce en pièce, la question de l’articulation entre art et politique. Après Brecht, et la création de Sainte Jeanne des abattoirs (MC2: Grenoble en mars 2016), nous suivons depuis 2016 une perspective « utopique » et cheminons en compagnie de Charles Fourier. Charles Fourier a conceptualisé au 19ème siècle la notion de phalanstère : modèle de communautés régies par les lois de l’attraction passionnée. Il ambitionnait de révolutionner la vie de part en part : la production, l’économie, l’habitat, l’agriculture, la gastronomie, l’amour, l’éducation… Sa pensée fait écho aux questions contemporaines liées à la décroissance, aux nouveaux modes d’éducation ou d’habitat, à la permaculture... Elle est une invitation à imaginer aujourd’hui les récits susceptibles de faire sonner autrement l’anthropocène et d’opposer à son présent aliéné des futurs désirables. Nous menons notre enquête sur la manière dont les rêves de Charles Fourier inspirent aujourd’hui les expériences originales qui se mènent sur les sentiers de l’utopie : les tentatives de vie en communauté et les expériences de vie réinventée. Accompagnés par la dramaturge et autrice Barbara Métais-Chastanier, nous inventons des méthodologies d’investigations et d’expérimentations théâtrales, à partager avec le public et les partenaires, qui viennent nourrir le processus d’écriture du spectacle et peuvent compléter un travail de médiation et sensibilisation, en amont et en aval de la diffusion des pièces. In fine, nous créons deux pièces de théâtre, pouvant se jouer de façon conjointe ou autonome : Nous qui habitons vos ruines (Création 2017) pour raconter les utopies rurales Forme pour 3 acteurs conçue pour l’itinérance dans des lieux pas ou peu équipés, (salles polyvalentes, foyers ruraux...) adaptée pour les plateaux de théâtre. DE QUOI HIER SERA FAIT (titre provisoire) pour raconter les utopies urbaines Forme pour 7 acteurs, conçue pour les plateaux de théâtre. Création prévue en janvier 2020 3
SOMMAIRE Projet artistique Introduction p. 5 Note d’intention de Marie Lamachère, metteuse en scène p. 6 Note d’intention de Barbara Métais-Chastanier, autrice p. 8 Synopsis p. 10 Intentions scénographiques de Delphine Brouard, scénographe p. 13 Enquêtes et médiation vers le public p. 16 Les conférences p. 20 Les ateliers et workshops p. 21 Le Camion d’enquête p. 23 Grand rêve général p. 25 Informations complémentaires Extraits du premier volet du diptyque p. 27 La compagnie p. 31 L’équipe de création p. 32 4
INTRODUCTION Sommes-nous aujourd'hui en capacité de définir nos désirs quant au "commun" ? Toute la philosophie de Fourier repose, en effet, sur le postulat suivant : il ne s'agit pas d'élaborer un lieu qui n'existerait pas (u-topie) mais bien un bon lieu (eu-topie), un modèle de société basé sur un principe d'harmonie des passions, un monde où le désir humain serait "inscrit dans l'ordre des causes" (Simone Debout), un monde où l'ensemble de nos passions pourraient se combiner et s'accorder l'une à l'autre. Dans une telle perspective, l'individu n'apparaît pas comme un être isolé et autosuffisant mais bien comme une distribution passionnelle, une somme de localisations affectives et désirantes. Dans l’esprit des réflexions de Fourier, nous voulons nous appuyer, pour penser le «commun», non sur les leçons/erreurs/jugements de l’histoire passée, mais sur des désirs présents. Ce sont ces vies alternatives, ces utopies concrètes du présent et du futur que déploient - à la ville comme à la campagne - Nous qui habitons vos ruines et De quoi hier sera fait. Nourries par des protocoles documentaires, menés par l'ensemble de l'équipe artistique (metteuse en scène, acteurs, autrice), ces deux pièces font le pari de la fiction, pensée comme contre-stratégie artistique et comme déplacement expérimental et spéculatif. Dans cette double enquête théâtrale guidée par les intuitions fouriéristes, nous voulons faire sonner autrement l’aménagement du territoire et les politiques de développement : comment on vit, résiste, rêve pour que la réalité soit autre chose qu'un constat arraché aux programmes ? 5
Note d’intention de Marie Lamachère, metteuse en scène Nous projetons un chantier long menant à deux créations à partir des utopies, et notamment à partir des textes de Charles Fourier. Voici les idées qui nous intéressent : la pensée et l’action politique s’articulent souvent sur des conceptions du « lieu ». Cités, territoires, nations, pays, agglomérations, régions, quartiers, départements, fédérations, cantons … L’île Utopia de Thomas More, L’abbaye de Thélème de Rabelais, La République de Platon, Le Phalanstère de Charles Fourier, La cité du Soleil de Campanella…. Que les lieux soient factuels, historiques ou imaginaires, l’organisation de l’espace, l’organisation sociale et l’organisation politique sont pensées conjointement. Le sujet politique est, du même coup, supposé être « du lieu », ou pas. Les « nomades » et « étrangers » ont, dans ces processus de subjectivations politiques, des places à part et singulièrement fragiles. Pour commencer à travailler, et d’un point de vue méthodologique, avant d’élargir la question, nous partirons de nos propres situations. Le théâtre est une œuvre commune : acteurs-public-passeurs. Dans cette œuvre commune, quelle pensée du commun mettons-nous en jeu ? Et quel est le lieu de notre action aujourd’hui ? Nous qui ne possédons pas de théâtre, nous qui n’occupons pas de façon durable un « territoire », nous qui allons de lieux en lieux, nous qui passons... Dans le même temps, nous travaillons en lien avec des hommes politiques ou des acteurs sociaux qui pensent le territoire, qui agissent dans une ville, un département, etc, pour et avec une population qui se définit, ou bien que l’on tente parfois de définir, par son « territoire d’implantation », autant que par ses ressources, ses origines, ses langues, son habitat, son travail, sa santé, ses habitudes culturelles ... La question du lieu et celle corollaire du nomadisme seront donc centrales dans notre questionnement. Elles informent la définition du sujet comme une identité qualifiée par une culture relative à un périmètre, un espace. Nous réfutons cette définition ou, du moins, voulons la questionner : « Mes racines ? Quelles racines ? Je ne suis pas une salade ; j’ai des pieds et ils ne sont pas faits pour s’enfoncer dans le sol.» (Le Retour au Désert, Bernard- Marie Koltès). Il existe d’autres modèles de subjectivations politiques que nous aimerions interroger théâtralement. Les mondes « imaginaires » des utopies sont les lieux où se bouscule et s’enrichit encore cette « typologie ». Les textes de Fourier sont stimulants de ce point de vue pour la place qu’ils donnent à l’imaginaire et au désir. 6
Selon Simone Debout, philosophe spécialiste des textes de Charles Fourier, ils élaborent un modèle de société qui est une Eu-topie, une pensée du « bon » lieu, plutôt que vision d’un lieu qui existe ou qui n’existe pas. Le principe d’Harmonie des passions, à la base du système fouriériste, « est le triomphe d’une révolte totale. Le désir humain s’y inscrit dans l’ordre des causes ». De plus, selon René Schérer, autre spécialiste de Fourier, la singularité de la pensée fouriériste est qu’elle bouleverse profondément la définition de l’individu. En effet, pour Fourier, « L’individualité se révèle par-delà son identification factice à un seul nom, à un seul lieu, à une seule activité. L’individu se répartit en autant de régions qu’il a en lui de passions qui le signifient relativement au monde. (…). Et c’est en vertu de la possibilité qui lui est offerte d’entrer, par l’essor de ces passions, dans le plus grand nombre de combinaisons possibles, qu’il gagnera son individualité. » Rappelons que Fourier compte treize passions : les cinq passions sensuelles (ouïe, odorat, vue, goût, toucher) les quatre passions affectives (amour, amitié, familisme, ambition), les trois passions distributives (« la composite », « la cabaliste » et « la papillonne ») et enfin celle qui articule toute les autres : « l’unitéisme », qui porte l’individu de plaisir en plaisir et de passion en passion. René Schérer analyse aussi que le principe esthétique de Fourier est celui du « bricolage poétique » : une pratique proche de celle des surréalistes. Ceci donne des pistes de travail formel. André Breton rendait aussi hommage à Fourier dans ces termes : « C’est ta place aux heures de fort tangage Quand la ville se soulève Et que de proche en proche la fureur de la mer gagne ces coteaux tout spirituels Dont la dernière treille porte les étoiles Ou plus souvent quand s’organise la grande battue nocturne du désir Dans une forêt dont tous les oiseaux sont de flammes Et aussi chaque fois qu’une pire rafale découvre à la carène Une plaie éblouissante qui est la criée aux sirènes… » Dans l’esprit des réflexions de Fourier, nous voulons nous appuyer, pour penser le «commun», non sur les leçons/erreurs/jugements de l’histoire passée, mais sur des désirs présents. Sommes-nous en capacité de définir nos désirs aujourd’hui quant au «commun» ? Il ne s’agit pas d’enchanter spectaculairement un monde trop noir, mais de nous poser la possibilité de changer ce qui nous réduit, et de construire ce qui nous manque. Marie Lamachère - Avril 2017 7
Note d’intention de Barbara Métais-Chastanier, autrice J’ai fait de longues études. Je me suis formée dans l’écart entre l’acte et le discours. J’ai appris à manier les concepts, à penser le monde, à l’analyser, à le critiquer. J’ai appris qu’on pouvait s’en tenir à cette couche d’habileté rhétorique. Autour de moi, des proches ont peu à peu quitté la barque du discours pour faire entrer la critique dans la pratique. Pour moi, ils avaient fait escale dans la réalité. Dans les coutures de ce premier monde qui était le mien, j’en ai découvert un autre. Invisible et à portée de main. Le contre-monde des squats, des fermes collectives, des ressourceries, des bars et des dispensaires autogérés, celui des ZAD et des TAZ. J’ai appris à leur côté comment réduire l’écart, j’ai appris comment rendre réel le vocabulaire des habitats partagés, de la critique du salariat, de la décroissance et de la réappropriation. Plutôt que de céder à l’appel du large, j’ai eu le désir de faire résonner ces questions sur la scène. J’ai voulu trouver leur articulation avec le théâtre. Après plusieurs pièces consacrées à la déconstruction des violences normatives (Il n’y a pas de certitude et La Femme® n’existe pas), aux luttes et aux processus d’émancipation (81, avenue Victor-Hugo avec Olivier Coulon-Jablonka et Camille Plagnet ; Chroniques des invisibles, éditions Le Passager clandestin), je me suis emparée de la proposition faite par Marie Lamachère d’écrire sur l’utopie, sur les utopies concrètes et de le faire en cheminant avec Fourier, ce philosophe fou et génial, cet utopiste radical qui a mis cul par-dessus tête toute la cosmogonie politique et culturelle de son époque en plaçant au centre le désir et le plaisir, en répondant autrement à l’opposition entre l’individu et le collectif. Combinant enquête documentaire et création théâtrale, Nous qui habitons vos ruines et De quoi hier sera fait posent dans des contextes différents la question suivante : comment être juste juste dans une société qui ne l’est pas ? ou encore : quelle vie aujourd’hui mérite d’être vécue et dans quelles conditions ? À travers le trajet de différents personnages, chacun placé à un endroit différent vis-à-vis de l’utopie, en ville ou à la campagne, il s’agit d’explorer des alternatives, des contre-récits, de nature critique et expérimentale. Si la forme du projet est celle d’un diptyque, c’est parce que quelque chose de l’utopie se dit distinctement dans les zones urbaines et dans les zones rurales. Obsolète du point de vue de la géographie politique, la distinction ville/campagne travaille cependant encore les imaginaires comme elle travaille les pratiques, les formes de vie et les espaces du possible. Après une longue enquête en milieu rural et un premier volet - Nous qui habitons vos ruines - qui fait résonner les enjeux de l’utopie aux champs (ZAD, ferme 8
autogérée, permaculture, etc.), s’est donc imposé la nécessité d’un volet urbain : avec De quoi hier sera fait, nous partons donc en quête de cette utopie des villes qui est aussi celle de leur dystopie : comment penser la ville du futur autrement que sur le mode du cauchemar ou de l’effondrement ? Comment élaborer des récits projectifs qui réarment le possible et donnent sens aux luttes présentes ? Si le premier volet travaillait la question de l’espace - sur le mode du road trip et du voyage initiatique -, le second volet explorera, lui, le temps sous la forme de la fiction d’anticipation et du feuilletage des temporalités . Il s’agit de tenter de penser le monde de demain, autrement que sous la forme d’un aujourd’hui supra-virtualisé ou d’une promesse du pire, pour inventer les récits d’une autre société, celle de l’après-pétrole et celle d’une sortie possible du capitalisme. Quoique documentées, ces pièces ne sont pas documentaires : les enquêtes menées par l’équipe artistique, en Lozère, en Corrèze, à Grenoble, dans le Beauvaisis, à Montpellier ou encore autour du Grand Paris, les entretiens réalisés auprès d’utopistes d’hier (génération des néo-ruraux des années soixante-dix qui répondait ainsi à l’échec de mai 68, architectes de la rénovation urbaine, urbanistes des grands projets) ou d’aujourd’hui (génération post-baby-boom qui répond ainsi à la crise économique et sociale dans laquelle nous sommes plongés), visent à étayer l’écriture, à la nourrir de la complexité de chaque situation. Le travail de recherche est utilisé comme déclencheur à fiction plutôt que comme matière première. Dans les deux pièces, il s’agit de questionner la relation que nous entretenons avec notre présent et la soif d’utopie qui semble caractériser notre époque. Nous cherchons dans ces deux volets théâtraux à faire saillir d’autres mondes, dans l’ombre du premier, des mondes qui sécrètent du possible, d’autres dynamiques historiques et politiques. Barbara Métais-Chastanier - Janvier 2019 9
SYNOPSIS « L’utopie est un possible qui n’a pas encore été expérimenté. » Luc Schuiten Le premier volet de ce diptyque consacré à l’utopie, Nous qui habitons vos ruines, raconte l’histoire d’Antoine : la pièce nous embarque dans un road-trip qui prend la forme d’une enquête. Elle interroge le désir de transformation sous la forme d’une fable et nous permet d’en saisir toutes les dimensions : théoriques et politiques certes, mais aussi désirantes, délirantes et oniriques. Antoine a en effet tout pour réussir : il partage sa vie avec Vincent. Bientôt, il achèvera une thèse en philosophie politique sur Charles Fourier et sur l’attraction passionnelle. Bientôt il enseignera la passion utopiste devant des parterres d’étudiants sans doute éteints. Il continuera à faire ses courses au Monoprix. Il fera un prêt pour acheter un deux pièces dans le 19e arrondissement. Il y aura encore en lui ce sentiment d’inconfort. Cette impression de trahison. Et pourtant un jour, le masque craque. La surface se fend. Le programme bifurque. Il achète un camion. Quitte Vincent. Arrête sa thèse. Et prend la route pour la France du vide. Celle des invisibles. Celle qui aujourd’hui avec d’autres moyens tente de rendre concrets les rêves irréels de Fourier. C’est sa réponse, brutale sans doute, aux questions qui ne cessent de l’agiter : Qu’est-ce que devenir un spécialiste de l’utopie la plus radicale et de vivre une vie de compromis ? Que sentir en soi, grandir jour après jour, le gouffre des contradictions ? Dans ce second volet, consacré aux utopies urbaines, je souhaite m’essayer à une forme que je n’ai jamais encore approchée : la Science-Fiction. Avec De quoi hier sera fait, je veux écrire une fiction d’anticipation se situant autour de 2035/2050. Circulant entre Bobigny, Montréal, Beyrouth, Kigali, Brive, Hong-Kong ou encore Mexico, sept personnages nous permettent d’imaginer les possibles de ce futur qui pourrait être le nôtre dans 15 ou dans 30 ans, dans cette mobilité des villes qui est celle de l’échelle du monde. La pièce s’appuiera sur cette génération – celle qui a grandi avec la certitude de l’échec du progrès, de la crise écologique et de la destruction des principales espèces animales ou végétales – pour interroger avec elle notre présent et l’arracher au déterminisme de l’absence d’alternative autre que celle de l’effondrement. Je souhaite m’essayer à ce genre pour explorer une autre dimension littéraire de l’utopie : après m’être confrontée à l’enquête dans le premier volet (récit d’un autre monde pris en charge par un personnage 10
qui lui est étranger sur le modèle de l’Utopia de Thomas More), je veux explorer le modèle de l’ultra fiction et des visions alternatives par le biais de l’anticipation dans un futur très proche. J’ai en effet été profondément marquée par les analyses de chercheurs comme Pablo Sévigné ou encore Yves Cochet (ancien ministre de l’environnement) qui mettent en avant le fait que nous allons connaître un effondrement civilisationnel d’ici les vingt ou trente prochaines années. Si j’avais clairement conscience de cette épée de Damoclès qui pèse au-dessus de nos têtes depuis au moins une quarantaine d’années (le fameux Rapport Meadows sur « les limites à la croissance » date de 1972), j’avais naïvement imaginé que la question ne se poserait qu’aux alentours du XXIIe siècle, bref à un moment où nous ne serions plus là pour le voir ni pour le vivre. De telles analyses laissent à penser que ce sont nos générations et les suivantes qui seront directement confrontées à ce défi : comment inventer après l’effondrement ? Que faire pour mettre en œuvre de nouvelles formes de vies puisque il est aujourd’hui trop tard pour revenir en arrière ? Comment décolonialiser ce point de vue qui oblitère que la catastrophe a déjà lieu ailleurs à cause du mode de vie occidental ? Ce sont ces questions que je veux explorer en me plaçant au plus près de la transformation de la civilisation thermo-industrielle. Je souhaite pour cela suivre le parcours de sept personnages, parcours qui permettront de remonter l’héritage des anciens projets utopistes mais surtout d’en déployer les possibles à venir : en effet, cinquante ans après l’aventure des villes nouvelles, trente ans après la critique des architectures de masse et du fonctionnalisme portée par Ricardo Bofill, Iwona Bukowska ou encore Renée Gailhoustet, à l’heure du Grand Paris et des éco-quartiers, la ville se réinvente. Elle porte en elle plusieurs utopies : celle de l’hyper-technologie, celle de la décroissance et de l’agriculture urbaine, celle de la ville-refuge ou de la ville accueillante celle de la ville-monde, de la mégalopole planétaire, celle de l’écologie industrielle, d’une réinvention de l’habitat et des transports, celle d’une ville propre, intelligente, hyperconnectée, autonome en énergie et capable de recycler à l’infini ses propres déchets. Je voudrais m’appuyer sur le parcours de ces personnages, dans des mégalopoles ultra- connectées ou dans ce monde post-effondrement, pour faire le portrait de ces vies qui pourraient être les nôtres dans quelques années : il s’agit de se donner l’occasion de penser un futur qui pourrait s’inventer ailleurs que dans la promesse du pire ou dans l’aliénation technologique, de partager des possibles qui pourraient être émancipateurs plutôt que désespérants. Aujourd’hui que plus de la moitié de la population mondiale vit en ville et 11
que nous serons plus de deux tiers à rejoindre les grands centres urbains au milieu du siècle, émergent d’autres visions de l’urbanité, des approches plus sensibles aux questions écologiques, à la finitude de l’environnement, au coût écologique que représentent les métropoles, à la nécessité de penser conjointement écologie environnementale et sociale. Ce sont ces villes imaginaires, non-usuelles, portées par des rêves de transformation et le désir des chemins de traverse, que j’aimerais faire émerger par-dessus les villes réelles. Ce sont celles-ci dont je raconterais les histoires dans De quoi hier sera fait. D’un point de vue formel, j’avais cherché dans Nous qui habitons vos ruines à jouer sur une grande hétérogénéité formelle. Le texte repose, en effet, sur la déconstruction de la fable, multiplie les inserts, les fragments, les registres de théâtralité et d’écriture. Dans De quoi hier sera fait la pièce progressera à partir d’une forme plus simple dans l’alternance entre des moments choraux (la fiction cadre qui prend en charge la description du monde autour de 2050 et des étapes qui nous ont conduits jusque-là) et des monologues des sept personnages situés entre aujourd’hui et 2035/2050. Comme dans les récits de Faulkner, où les points de vue des personnages permettent une écriture polyphonique et décentrée, chacun des personnages ici prendra en charge un regard sur le monde, dans un passage d’écho et de relais avec chacune des autres figures. Barbara Métais-Chastanier - Janvier 2019 12
INTENTIONS SCENOGRAPHIQUES de DELPHINE BROUARD, SCENOGRAPHE La ville de demain, après analyse iconographique, deux images m’en sont apparues. Une ville géométrique, aux axes clairs, haute, lisse, empilement de cases, à l’infini, où l’ordre et la brillance règnent. Juxtaposée, à cet ordre magnifié, une ville agglutinée dans les recreux, les aspérités, où le méandre règne, construite par accumulation de cellules d’habitation faites des rebus de la première. La scénographie de De quoi hier sera fait cherche à transmettre, non l’image de ces villes, mais leur sensible : les lieux d’habitation. Ce sensible la Cie Interstices est allée le chercher auprès des citadins, par le biais d’un camion, camion comme habitation mobile. En extérieur, ce camion est support de projection, base de campement. Sur scène, à l’univers lisse d’un confort sans heurt, où la vie organique est réduite à une image, se succède, dans la cage vide du théâtre, devenu grenier d’un passé théâtral et stockage d’affiches de ville nouvelle, un mode d’habitation organique. La pièce jouera sur un va-et-vient entre l’intérieur - le plateau - et l’extérieur du théâtre - le camion étant garé à proximité de la salle - par la circulation des acteurs et un travail vidéo. Les 7 acteurs, colporteurs de paroles, cloisonnés dans un premier temps vont prendre tout l’espace. Delphine Brouard - Février 2019 13
Recherches iconographiques préalables àl’élaboration de la scénographie 14
Premiers croquis et pré-maquettes de la scénographie 15
ENQUÊTES ET MÉDIATION VERS LE PUBLIC Les thématiques abordées par Fourier sont larges, elles fournissent l’occasion de rencontres variées, la singularité de la pensée de Charles Fourier étant d’avoir essayé de traiter toutes ces problématiques dans un même système – l’Harmonie – et selon sa théorie des « lois de l’attraction passionnée » (agriculture, éducation des enfants, habitat, égalité femme-homme, l’amour, le travail....) Les contextes recherchés pour les enquêtes, dans des villes moyennes comme dans des mégalopoles, sont : • des tentatives collectives pour réinventer tout ou partie de nos modes de vie (sur l’organisation collective, l’éducation, l’amour, l’habitat, l’agriculture,...) • des expériences de « vies en communauté » (habitats collectifs plus ou moins institutionnalisés, squats...) • les organisations collectives fortes (collectifs, associations originales, coopératives, sapo...) • des expériences en autogestion (fermes urbaines ou autres unités de production...) • des expériences collectives où la pensée de la co-élaboration des projets est centrale (économie sociale et solidaire, ...) Les enquêtes se font sous forme d’entretiens, individuels ou collectifs, de rencontres formelles ou informelles, de partage des tâches et du quotidien des communautés et groupes rencontrés. • des rencontres avec des chercheurs, universitaires, historiens, urbanistes, architectes travaillant sur ces questions. Tout au long de nos enquêtes, nous proposons au public plusieurs moments d’échanges et de partages comme autant de manières de se rencontrer autour du thème de l’utopie. Ces propositions, qui nourrissent notre travail de création, peuvent aussi compléter le travail de médiation et nourrir la réflexion en amont et en aval de la représentation : • des conférences /ateliers • des stages et workshop • un Camion d’enquête, nous permettant de poursuivre l’enquête tout en proposant des solo, duo ou trio performatifs à un public réduit • une petite forme-intervention à destination des enfants (et de leurs parents) permettant d’entrer en dialogue avec eux sur la question du bonheur et de l’utopie 16
Enquête en Seine-Saint-Denis, avec la MC93, Bobigny. 17 © Barbara Métais-Chastanier
Enquête à Montréal, pendant la résidence d’écriture de Barbara Métais-Chastanier au Centre des Auteurs Dramatiques, organisée en partenariat avec la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, Centre national des écritures du spectacle. 18 © Barbara Métais-Chastanier
Chantiers urbains à Kigali 19 © Barbara Métais-Chastanier
LES CONFERENCES Les conférences prennent des formes très différentes en fonction des contextes et des publics. Elles se construisent en dialogue avec les lieux partenaires. MC93 : La Fabrique d’Expériences - Bobigny Cycle d’ateliers et conférences autour des utopies urbaines, co-construit par Barbara Métais-Chastanier et Marie Lamachère • 24/11/2018 : L’Architecture et l’utopie - 2 table-rondes “L’architecte et l’utopie” avec Roland Castro et Iwona Buczkowska “Villes refuges, villes accueillantes : à l’échelle urbaine, comment contrer les politiques d’inhospitalités ?” avec Cyrille Hanappe, Pascale Joffroy et Sébastien Thierry • 8/12/2018 : “Dépasser les schémas traditionnels de domination - Penser et transformer les rapports de pouvoir” Atelier de recherche et de pratique autour de l’autodéfense féministe avec Idaline Lortiga Rencontre avec Réjane Sénac autour de son ouvrage, les Non-frères de la République. L’Empreinte, scène nationale de Brive-Tulle Cycle de Tribunes “Change le monde : il en a besoin”, pensé et coordonné par Barbara Métais-Chastanier • 19/11/18 : Réjane Sénac - “Partager : Liberté, égalité, fraternité – vraiment ?” • 1/12/18 : Thierry Paquot - “Rêver : En quoi sommes-nous prêts à croire ?” • 17/01/19 :Jade Lindgaard - “Inventer : quel(s) futur(s) en commun ?” • 14/02/19 : Alain Badiou - “Aimer : l’amour est-il à réinventer ?” • 14/03/19 : Michel Agier - “Accueillir : repenser l’hospitalité ?” • 4/04/19 : Michel Lussault - “Comprendre : nouvelles manières d’habiter (le monde) ?” • 2/05/19 : Séverine Kodjo-Grandvaux - “Vibrer : être au monde, vivre le cosmos ?” MC2: Grenoble • Futurs désirables - futurs alternatifs : avec Aurélien Barrault et Donna Harraway (à venir) 20
LES ATELIERS ET WORKSHOPS Les ateliers et workshops s’adressent à des publics très divers ( jeunes gens en formation professionnelle, enfants sur le temps scolaire ou péri scolaires, personnes en difficulté...) et prennent des formes adaptées selon les contextes. Atelier d’écriture - élèves du cursus de formation à la mise en scène « Jouer et mettre en scène » Conservatoire National Supérieure d’Art Dramatique (CNSAD) / Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine (IMEC) animé par Barbara Métais-Chastanier Au cours de deux semaines seront explorées deux dimensions de l’utopie et des récits qu’elle provoque : celle des futurs (in)désirables, des écritures de la science-fiction, et celles de la ville et des urbanités. Nourris par un dialogue intime avec certaines pièces d’archives de l’IMEC, ces textes seront autant d’explorations d’écritures en chemin, des dramaturgies vives, vivantes, qui se nourrissent de la rencontre avec hier pour inventer aujourd’hui. Workshop - étudiants en Master Création Spectacle Vivant Université Paul Valéry Montpellier 3 Novembre 18 et janvier 19 animé par Barbara Métais-Chastanier Le workshop se déroule en deux temps distincts qui s’intéresseront chacun à une des temporalités théâtrales du processus de création documentaire : la récolte, la collecte et l’organisation d’une matière d’enquête ; la mise en scène et la transposition théâtrale et performative de ces mêmes matériaux. Le workshop dialoguera avec le travail mené par Marie Lamachère et Barbara Métais-Chastanier autour des utopies urbaines d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Atelier d’écriture et résidence - élèves de CM2 Ecole Jean Zay, La Seyne-sur-mer, dans le cadre d’une résidence d’écriture Orphéon - Bibliothèque Armand Gatti animé par Barbara Métais-Chastanier Avec les élèves de CM2 de l’école Jean Zay, nous avons pendant plusieurs semaines exploré leur quotidien, leur quartier, la ville, et les rêves qu’ils ont pour celles-ci. Il s’agissait tout autant d’écrire ensemble une courte pièce, d’initier les enfants à l’écriture documentaire que de mener une enquête à La Seyne sur Mer sur les utopies d’aujourd’hui dans un quartier où on pourrait croire - à tord - qu’elles n’y existent que trop peu. Cette rencontre a donné lieu à l’écriture d’une courte pièce - ZUP et VILLA -, réécriture contemporaine du conte du joueur de flûte de Hamelin, qui sera pérsentée/lue par les enfants en novembre 19. Une restitution du travail d’enquête sera présentée sous la forme d’un film documentaire Il va être la neige, composé de courts chapitres réalisés avec les enfants. 21
Ateliers et résidence - élèves de classes primaires Ecole Charles Dickens, quartier des Aiguerelles, avec le CDN de Montpellier Janvier 2019 avec Michaël Hallouin, Damien Valero et Laurélie Riffault Ateliers à destination des enfants, organisés dans le cadre d’une résidence dont le thème central portera sur l’utopie et le commun. Jeu de groupe, éveil corporel. Travailler avec les enfants un des portraits du “Nous” de Barbara Métais-Chastanier. Mise en jeu d’un texte de théâtre. Dépasser le sens, jouer pour comprendre et découvrir les sens caché. Comprendre en faisant. Apprendre à jouer ensemble. Ecrire « un portrait du “Nous” de la classe Ateliers et enquête - enfants et adultes amateurs Quartier Rivet, Brive la Gaillarde, avec l’Empreinte, scène nationale de Brive-Tulle : Printemps 2019 avec Barbara Métais-Chastanier, autrice et Michaël Hallouin, acteur. Ateliers avec les enfants du Centre Social du quartier Rivet, quartier en cours de rénovation urbaine ,et les adultes amateurs du Théâtre de la Grange, autour de la pièce Zup et Villa de Barbara Métais-Chastanier. Stage de pratique théâtrale - enfants à partir de 7 ans, pendant les vacances Théâtre du Beauvaisis, scène nationale de l’Oise Avril 2019 avec Laurélie Riffault, actrice, marionettiste et Marine Bestel, conteuse, Atelier de pratique, contruction de cabanes et travail autour du conte en lien à l’utopie. Stage de pratique théâtrale “égalité des chances “ - jeunes gens en voie de professionnalisation co-organisé par le Théâtre du Beauvaisis et la Comédie de Béthune. Avril 2019 avec Michaël Hallouin et Laurélie Riffault, acteurs Stage à destination d’une vintgaine de jeunes gens de 16 à 27 ans, éloignés de la pratique artistique, visant à les préparer inciter à préparer les concours d’entrée aux écoles supérieures d’art dramatique Stage de pratique théâtrale - usagers du centre social, adultes et adolescents Centre social de Méru, avec le Théâtre du Beauvaisis, scène nationale de l’Oise avril 2019 avec Damien Valero, acteur, slamer Stage à destination des usagers du Centre social (adultes et ado) autour de la question du commun. 22
LE CAMION D’ENQUETE Le camion est un lieu d’habitation, un outil du nomadisme contemporain, rencontré partout lors de nos premières enquêtes en Lozère et ailleurs. Ce camion nous sert à continuer l’enquête et à entrer en relation avec le territoire, rendant visible notre présence dans un quartier, sur une place. Il permet d’accueillir des gens dans un lieu singulier, d’éveiller l’attention des curieux aux questions qui nous intéressent. Nous imaginons donc une forme itinérante avec 1 à 3 acteurs, sous la forme d’une camionnette aménagée et décorée, pouvant accueillir une dizaine de personnes. Nous imaginons que ce camion puisse s’installer dans un lieu donné pour une durée de 1 j à 1 semaine afin d’y proposer des petites formes, performances, rencontres… Les contenus proposés dans le Camion pourront évoluer au fil de l’enquête, selon les contextes et les publics. Nous y interrogerons les thématiques utopiques par des petites formes, suscitant la discussion avec les habitants du quartier, les passants, les spectateurs. Le Camion permet également de transporter d’un lieu à l’autre des traces des rencontres, des outils d’information ou de partage (documentation, bibliothèque…) Selon les possibilités, le Camion pourra être accompagné par des installations entrant dans le champs des arts visuels : fresques de street- art ; affichage de photos et dessins en très grand format dans l’espace public ou dans un centre d’art ; la projection de vidéos sur le camion ; installation vidéo et plastique dans un centre d’art... Et ce, afin de donner à voir - sur un temps non nécessairement concomitant à la préence du Camion - le travail des artistes visuels qui ont accompagné et accompagnent encore le processus d’enquête : Garance Prévost illustratrice et street artiste ; Soraya Hocine, photographe ; Yo-Yo Gonthier, vidéaste-plasticien et photographe. Quelques lieux où sera présenté le Camion : • 13/10/18 : Qui vive ! - Centre Dramatique National de Montpellier • 29/01 au 4/02 : Ecole primaire des Aigurelles, Montpellier • 1 au 5/04/19 : Centre d’Hébergement d’Urgence et de Réinsertion Sociale Regain, à Montpellier • 27/05 au 1/06/19 : Itinérance dans le cadre du FAB, avec le Théâtre du Beauvaisis, scène nationale de l’Oise • 5 au 7/06/19 : La Bulle Bleue, ESAT artistique à Montpellier • Juin 2019 : Seine Saint Denis, avec la MC93 • février 2020, en amont des représentations de De quoi hier sera fait à l’Empreinte, scène nationale de Brive-Tulle 23
Croquis préparatoire - septembre 2018 - - Yo-Yo Gonthier Premiers essais publics en plein air - octobre 2018 - CDN Montpellier Vue de l’intérieur, permettant d’accueillir une Résidence à l’école primaire Charles Dickens à dizaine de personnes pour de petites formes et Montpellier. Interventions dans le camion avec des temps d’échange. les enfants.
GRAND REVE GENERAL Petite forme hybride entre spectacle participatif et enquête sur la réinvention du monde pour les enfants de 5 à 11 ans (et leurs parents) Nous souhaitons ainsi partager avec les enfants l’utopie de Charles Fourier (ou Fourire ?), l’Harmonie universelle, et recueillir leurs idées sur le bonheur. Nous voilà partis en voyage en Harmonie avec une petite fille : Cunégonde, Reine du pot ! Les enfants participeront à la manœuvre et proposeront aussi leur vision du monde idéal. Ils pourront animer une marionnette et jouer ensemble à constituer une horde et une bande de petits harmoniens modernes. Cette petite-forme-intervention est conçue comme une forme participative. Le sujet en sera adapté aux âges concernés (âges de l’école primaire), celui de « l’éducation utopique ». Durée : 1h45 env. Les intervenants : Laurélie Riffault, actrice, marionnettiste ; Damien Valero, acteur, rappeur, animateur. Les contextes : ateliers parents-enfants, activité périscolaire, bibliothèque, association intergénérationnelle, salles de classe, café des enfants… 25
GRAND REVE GENERAL 26 © Soraya Hocine
février 2017 Barbara Métais-Chastanier, Nous qui habitons vos ruines EXTRAIT 1 PROLOGUE Pensez-vous que le mensonge soit une condition du bonheur ? Y avez-vous parfois recours ? Si oui à quelle occasion ? À quoi opposez-vous la vie active ? Considérez-vous que la vie passive désigne : une situation sociale précise, une situation économique précise, une condition métaphysique précise ? Avez-vous accueilli l’élection de Trump comme un signe positif ? Celle de Emmanuel Macron ? POURQUOI ? Les petites faiblesses des autres vous agacent-elles ? Éprouvez-vous un sentiment de rupture nette entre les fictions et votre vie ? entre vos désirs et votre vie ? Pensez-vous qu’il puisse exister un lien entre Macbeth et l’écologie ? Entre Tartuffe et la politique ? POURQUOI ? Comment imaginez-vous les modes de production, de consommation et de circulation des richesses de demain ? Préférez-vous ne pas les imaginer ? POURQUOI ? Combien de voitures possédez-vous ou avez- vous possédées ? Pensez-vous que l’art doit changer la vie ? Et si oui dans quel sens ? Que faites- vous lorsque vous êtes seul-e ? Êtes-vous équipé.e d’un appareil photo numérique ? D’une clef USB ? D’un disque dur externe ? D’une imprimante laser ? D’un scanner ? D’un dictaphone numérique ? D’un courage à toute épreuve ? D’un caméscope numérique ? D’un baladeur MP3 ? D’un vibromasseur ? D’une machine expresso à dosettes ? D’un grand sens de la culpabilité ? D’un épilateur électrique ? D’un désir sans borne ? D’un lecteur DVD ? D’un climatiseur ? D’une télévision à écran plan ? D’un lave-vaisselle ? D’un projet existentiel ? D’une machine à laver le linge ? Le suicide vous semble- t-il une solution envisageable ? Est-ce parce que vous voulez être libre de vous suicider que vous refusez d’avoir des enfants, des animaux et éventuellement des relations plus poussées avec vos semblables ? Croyez-vous que nous vivions la fin d’une époque ? Si oui, vivez-vous cette situation comme une opportunité ou comme un effondrement ? Le bonheur vous semble-t-il une question périphérique ? Êtes-vous amoureux-se ? À quoi tient cette évidence ? Que considérez-vous comme une fiction ? Votre identité ? Votre nationalité ? Votre histoire familiale ? Vos impressions sensorielles ? Votre histoire amoureuse ? Votre appartenance religieuse ? Votre vie psychique ? Votre apparence physique ? Votre date de naissance ? Votre âge biologique ? Votre identité sexuelle ? Votre carrière ? Vous sentez-vous proche d’un des personnages du Misanthrope ? Si oui lequel ? Sinon relisez-le. Seriez-vous affecté.e par la disparition d’une espèce d’insectes ? D’une espèce de reptiles ? D’une espèce de mammifères ? La survie de l’espèce humaine ou d’autres formes de vie vous intéresse- t-elle ? Si oui – vous intéresse-t-elle au point de vous conduire à changer des choses dans votre mode de vie ? Quoi par exemple ? Jouissez-vous du manque ? Et si oui POURQUOI ? Du manque de quoi ? De qui ? L’espèce humaine est-elle une maladie planétaire ? Vous arrive-t-il d’éprouver un sentiment plein et entier de communion ? Cela vous arrive-t-il en présence d’autrui ? Prendriez-vous les mesures nécessaires pour tuer un animal afin de mettre fin à ses souffrances ? Prendriez-vous les mêmes mesures pour tuer un être humain afin de mettre fin à ses souffrances ? Que feriez-vous en cas de souffrance morale ? Pensez-vous que nous ayons intérêts à nous reproduire ? En vue de quoi ? Êtes-vous irrité-e par le bruit que peuvent faire des enfants, des voitures, des machines ? Que mettez-vous derrière l’expression « vivre ensemble » ? Que ressentez-vous comme une propriété ? Ce que vous avez acheté ? Ce dont vous héritez ? Ce que vous avez fait ? Les gens avec qui vous vivez ? Donnez-vous des leçons de tri sélectif à vos parents ? À vos amis ? À vos enfants ? Vous considérez-vous comme un moraliste ? Jetez-vous la bouteille d’huile avec les déchets recyclables ? Tenez-vous vos certitudes pour des vérités ? Que faites-vous de vos pots de yogourts vides ? Pensez-vous que votre identité soit fonction de ce que vous renvoient les autres, de la situation que vous occupez, de l’image que vous vous faites de vous-même ? Comprenez-vous que l’on applique l’expression « je ne crois pas » à la psychanalyse, au réchauffement climatique, à l’égalité des chances, à l’homéopathie, aux systèmes de régulation, à l’acupuncture, à la trithérapie, à l’analyse transactionnelle, aux rapports économiques, à Dieu, à l’immortalité, au cancer, à la réincarnation, à l’allergie au lactose ? Êtes-vous favorables à la régularisation de tous les sans-papiers ? de ceux qui travaillent ? Seriez-vous favorables à la suppression des questionnaires ? Si oui, POURQUOI ? 27
février 2017 Barbara Métais-Chastanier, Nous qui habitons vos ruines EXTRAIT 2 1. Comme un poing On habite ces montagnes depuis des générations. On est un lieu de brèche. On habite la frontière. L’enclave du Val Susa. On a vu la vallée se faire ronger par des grands projets. On a vu la mafia calabraise gagner peu à peu ces montagnes. On forge nos premières armes contre l’autoroute qui relie Turin au tunnel de Fréjus. Contre ses piles de béton. Contre ses viaducs. On y apprend l’ironie de la négociation. On découvre qu’il ne faut pas minimiser les dommages mais refuser la construction. On commence à se former en comité autonome. On implique les maires. Et on obtient l’enterrement de toutes les lignes à haute tension qui devaient traverser la vallée. On ne sait pas encore que la lutte des No TAV se prépare dans ces batailles. On ne sait pas encore qu’on se prépare à en finir avec les délégations. On commence seulement à s’organiser. Il y a le comité Habitat puis une première manifestation en 1996. On est déjà plusieurs milliers. Un peuple à hauteur d’homme. Un peuple qui rêve d’une montagne libre. D’une vallée debout. Un peuple qui ne veut pas du Treno ad Alta Velocità. Un peuple qui s’en fout de relier Lyon-Turin à 220km/h. On rappelle que l’espace appartient à celui qui l’habite pas à celui qui l’exploite. On dit qu’on ne veut pas d’une géographie de points et de trous de points reliés par des lignes de lignes repliées sur elles-mêmes et qui ne sont qu’un trait on dit qu’on ne veut pas d’un paysage discontinu d’un paysage au 1/1.000.000 d’un paysage de corridors et de mégalopoles reliées entre elles à la vitesse de la lumière parce que c’est vrai que la campagne c’est beau mais qu’est-ce que c’est chiant quand y a pas de neige. On commence les sabotages. Les foreuses portent les tags No TAV. On ne vous a pas dit que les milices viendraient vous frapper. On ne vous a pas dit que parmi vous se trouveraient des mutilés que certains y perdraient un œil des doigts un genou. On ne vous a pas dit que d’autres allaient y laisser leur vie. On a mis longtemps à vous parler de Sole et Baleno qui se suicident en 1998 après avoir été arrêtés pour motif terroriste. De Anna Recchia retraitée de Venaria écrasée en 2011 par un camion des carabinieri. Des répressions de l’été 2012 des rafles et des procédures. De Luca foudroyé sur un pylône électrique. De Marta arrêtée en 2013 alors qu’elle aide les plus âgés à échapper aux coups, et qui subit des attouchements sexuels sous les insultes et les menaces des forces de l’ordre. De la violence insidieuse des procès qui suit les actions de sabotage. De la solidarité qui les accompagne. Nous sommes tous des black blocks. Cette nuit nous y étions tous. Des cent quarante années de prison auxquels vous êtes condamnés. Et des centaines de milliers d’euros de dommages et intérêts qu’il vous faut payer. Alors on se cotise. On paye. On est jeunes enfants vieillards. Italiens. Étrangers. On est écolos catholiques anarchistes communistes intellectuels intégristes-naturels militantes ouvriers étudiantes débutants ou aguerris. On est retraité chômeuse maire prêtre cheffe d’entreprise habitants d’ici habitante de plus loin habitant d’ailleurs. On comprend dans les coups que les policiers ne sont pas là pour protéger nos droits. Mais qu’ils protègent des intérêts privés. On est des milliers à faire face aux troupes dépêchées dans les montagnes. Des milliers à se faire traîner frapper gazer. Des milliers dont la colère pèse lourd. Une certaine nuit d’hiver on est 70.000 à affluer sur les terrains de Venaus. On chasse les troupes d’occupation. On repousse l’armée. On crée une Libre République de la Maddalena. On se déploie. On fait école. On est aussi dans d’autres camps. Notre-Dame-Des-Landes. La ZAD du Testet. Celle de Roybon. Celle du bois du Tronçay. On est désormais dans les cortèges de tête. On est prêt au bombardement des grenades lacrymo. On est prêt aux incursions de la BAC. On est prêt à perdre un œil dans un tir de flash-ball. On est prêt aux grenades de désencerclement. A sarà düra ! On est prêt. 28
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