L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité

 
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L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
MAGAZINE
COALITION NATIONALE DE L’EDUCATION POUR TOUS EN RDC   N°001 / Février-Avril 2017

                          COLIN NZOLANTIMA
                          «La gratuité de l’enseignement,
                          c’est possible au Congo»

                                     La CONEPT RDC en
                                     campagne pour l’abolition
                                     des frais de scolarité

  JACQUES TSHIMBALANGA

  “L’accès à l’éducation n’est rien,
  si la formation n’est pas de qualité”
L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
SOMMAIRE
     BILLET                     A CŒUR OUVERT

            * Sauvons                   * Les confidences
            nos écoles                  du Père Ekwa
            		P.3                       		 P.10

                                                 * Wali Bela : «Grâce au
     CONEPT INFOS                                Proseb, nous avons
                                                 distribué 22 millions de
                                                 manuels dans les écoles
          * La Conept-Rdc                        de la RDC»
          en campagne                            		                   P.12
          pour l’abolition
          des frais de
          scolarité       P.4                    * Jacques Tshimbalanga :
                                                 «L’accès à l’éducation
                                                 n’est rien, si la formation
                                                 n’est pas de qualité»
      * Société civile :                                                P.15
      des comités
      pour veiller sur
      l’éducation                              * Colin Nzolantima :
       de qualité		                            «La gratuité de
     			P.5                                    l’enseignement, c’est
                                               possible au Congo»
                                               			                   P.18
      * Unesco,
      un allié de taille                            * Guy David Kabango :
      dans la quête de                              « La gratuité de
      l’éducation pour                              l’enseignement n’est
      tous                                          pas effective, suite à un
     			P.6                                         problème de gestion »
                                                    		                  P.20
                                ECOLE ACTU
      * La Conept                                  * ‘‘Girl Rising’’, une campagne
      mobilise pour                                pour scolariser le plus de filles
      la prévention des                            en RDC
      violences à l’école                          		                      P.22
     		               P.7

                                                * PAM et UNICEF volent à
                                                la rescousse des 30.000
                                                enfants en âge scolaire
                                                 			 P.24

    * Dîner plaidoyer :         DOSSIER
    les ministres d’éducation                 * RDC : 70% des dépenses de
    sensibilisés au Kongo                     l’éducation sont à charge des
    central et dans l’ex                      ménages
    Equateur 		           P.8                 			                     P.27
                                   EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
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L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
N°001 / Février-Avril 2017
Éditorial                                                                      Une publication de la Coalition
                                                                               Nationale de l’Education Pour Tous

  Sauvons nos enfants
                                                                               en République Démocratique du
                                                                               Congo avec l’appui financier de l’Open

de la déperdition scolaire
                                                                               Society of Southern Africa/RDC

                                  N
                                             os enfants ont tous droit à
                                             une éducation de qualité. La
                                             Constitution en vigueur en
                                             République démocratique du
                                   Congo est formelle à ce propos. Au re-
                                   gard de l’article 43 de la Loi fondamen-
                                   tale, ‘‘toute personne a droit à l’éduca-
                                   tion scolaire.’’ C’est dans cette optique
                                   que le Législateur a disposé que l’en-
                                   seignement primaire soit obligatoire et       Ce numéro a été réalisé avec
                                                                                 la collaboration du Réseau
                                   gratuit dans les établissements publics.
                                                                                 des Professionnels des Médias
                                Ce vœu pieux tarde toutefois à se                Spécialistes de l’Education Pour
concrétiser, onze ans après la promulgation de la Constitution. L’accès          Tous « REPROMEPT »
à l’école demeure encore un luxe. Et, bien que réclamée et souhaitée, la
                                                                                 Rédaction Centrale
gratuité reste encore utopique pour un grand nombre d’enfants.
                                                                                 Augustin Kinienzi / Journal Le potentiel
Comment alors arriver à rendre l’école obligatoire quand les établisse-          Benoît Mudiayi / CMB-DIGI
ments scolaires exigent des frais exorbitants aux élèves dont les pa-            Mathy Musau / Journal Forum des As
rents sont, pour la plupart, démunis?                                            Yves Kalikat/ Le Journal du Citoyen
La conséquence saute aux yeux. 3,5 millions d’enfants de 6 à 11 ans              Photographie
sont contraints de se cantonner en dehors de l’école. Parallèlement,             Benoît Mudiayi
7,3 millions d’autres enfants de 16 à 17 ans sont également privés de            Chantal Kalala
scolarité.                                                                       Yves Kalikat
L’effectif total de ces enfants fait de la République démocratique du
Congo la deuxième réserve au monde, après le Nigéria, des enfants                Supervision
condamnés à végéter en dehors de l’école.                                        Yves Kalikat

Et ce n’est pas tout! Encore faut-il compter des millions d’autres en-           Coordination
fants qui sont menacés chaque jour d’expulsion, faute de liquidités              Chantal Kalala / chargée de
pour poursuivre les études.                                                      communication et plaidoyer-
                                                                                 CONEPT-RDC
Contraints de flâner dans la rue ou de se livrer à des sales besognes
                                                                                 Jacques Tshimbalanga /
pour survivre, ces millions d’enfants constituent aujourd’hui une véri-
                                                                                 coordonnateur national
table bombe à retardement, qui risque d’exploser au moment où l’on
                                                                                 de la CONEPT-RDC
s’y attend le moins.
Il est donc temps de tirer la sonnette d’alarme, avant qu’il ne soit trop        Conception et mise en page
tard. Le temps d’interpeller les consciences des décideurs qui peuvent           Ing. Jérémie Daddy Mbansing
encore sauver les meubles au moment où ils ont à leur portée la ges-             et Art. Faïda Kasindi Yseult
tion du Trésor public. Fruit des contributions de la masse laborieuse            Prépresse MÉDIASPAUL
du pays.
                                                                                 Contact :
Il est donc temps de gérer à bon escient toutes les ressources finan-            Tél. : (+243) 991390284
cières collectées à travers le pays pour servir l’intérêt général. Et non               (+243) 814869740
les laisser s’évaporer vers les paradis fiscaux ou disparaitre dans les          Courriel : coneptrdc2011@gmail.com
poches des particuliers. Il en va de l’intérêt de tous… Comme le sou-            Site web : www.coneptrdc.org
                                                                                 Blvd Lumumba n°390
haite d’ailleurs ardemment la Coalition nationale pour l’éducation pour          4e Rue Limete Industriel
tous (Conept).
                                                                                                        Avec l’appui de
                                                  Jacques TSHIMBALANGA
                                                                 Editeur

EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
                                                                                                                        3
L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
La Conept-Rdc en campagne pour
l’abolition des frais de scolarité
La Coalition nationale de l’édu-
cation pour tous (CONEPT
                                           Manifestation de la CONEPT contre la marchandisation
RDC) est en campagne. Focali-              de l’enseignement en janvier 2013 lors du Forum social
sée sur l’abolition des frais de           africain à Kinshasa.
scolarité en République démo-
cratique du Congo, cette cam-
pagne a démarré à Kinshasa
par la publication, le 18 no-
vembre 2016, de la note de
plaidoyer pour la gratuité de
l’enseignement de base.

C
         ’est dans la salle parois-
         siale Notre-Dame de Fa-
         tima que les hauts cadres
         de CONEPT RDC ont don-
né le coup d’envoi de la campagne
axée sur le thème ‘‘Abolir les frais
de scolarité dans l’éducation de
base, c’est investir pour l’avenir’’.    doyer pour la gratuité de l’ensei-        congolais projette «la construction
Destinée à mobiliser l’opinion tant      gnement de base est un document           d’un système éducatif inclusif et de
nationale qu’internationale sur la       validé par 72 organisations de la         qualité, contribuant efficacement
nécessité de favoriser l’accès pour      Société civile évoluant dans le sec-      au développement national, à la
tous les enfants à l’éducation, cette    teur de l’éducation. Elle permet aux      promotion de la paix et d’une ci-
activité va se dérouler tout au long     acteurs de parler le même langage         toyenneté démocratique active».
de l’année 2017.                         dans la défense du droit de l’enfant
Aux dires de plusieurs défenseurs        à une éducation gratuité et de qua-       Cependant, avec 4,9 millions d’en-
des droits de l’enfant, la RDC           lité.                                     fants non scolarisés, l’enseigne-
éprouve à ce jour d’énormes diffi-                                                 ment primaire et secondaire uni-
cultés pour garantir à tous les en-      Etat des lieux du financement pu-         versel restera une utopie si l’aide
fants le droit à une éducation de        blic de l’éducation                       ne parvient pas à atteindre ceux qui
qualité qui puisse être, en plus,                                                  en ont plus besoin, notamment les
gratuite et obligatoire. C’est en fait   Pour l’essentiel, ce document de          enfants en milieux ruraux, les filles,
l’un des rares pays où l’on trouve       plaidoyer fait le point de la question    les vulnérables et les personnes vi-
3,5 millions d’enfants de 6 à11 ans,     du financement public de l’éduca-         vant avec handicap.
qui n’ont pas d’espoir de s’asseoir      tion, où les ménages supportent à
sur un banc de l’école. Un des rares     73% la charge de l’éducation. Ce qui      Des engagements que la RDC peine
Etats aussi à disposer d’un effectif     signifie en d’autres termes qu’en         à respecter
de 18 millions d’enfants qui ne sont     RDC, l’école publique n’existe plus.
pas sûrs de demeurer à l’école.          Car, on assiste à une privatisation       Dans le souci de réduire l’effectif
                                         silencieuse de l’école publique.          d’enfants en dehors de l’école, le
La note de plaidoyer, un moyen de
                                                                                   Gouvernement a pris l’engagement,
pression                                 De la lecture du document, il se dé-      à travers la loi-cadre de l’enseigne-
La journée était donc une opportu-       gage qu’avec l’adoption de l’Agenda       ment national promulguée en 2014,
nité pour ces acteurs de consolider      2030 pour le développement du-            d’offrir huit années d’éducation de
leur engagement de travailler à la       rable en 2015, la RDC et la commu-        base gratuité aux enfants.
promotion des droits de l’enfant         nauté internationale se sont fixé un
à l’éducation gratuité de qualité.       objectif ambitieux pour l’éducation,      Avec l’adoption de l’ODD 4, Kinsha-
Cette journée avait été préparée         appelant à garantir «l’accès de tous      sa et la communauté internationale
cinq mois auparavant, au moment          à une éducation, sur un pied d’éga-       se sont engagés à offrir douze an-
où des consultations avaient été ini-    lité, et promouvoir les possibilités      nées d’éducation primaire et se-
tiées pour arracher, en faveur des       d’apprentissage tout au long de la        condaire, et au moins une année de
enfants, le droit d’aller à une école    vie».                                     pré-primaire de qualité gratuité et
de qualité.                                                                        obligatoire.
                                         Entre 2015-2025, par le biais de la
Présentée au grand public au cours       Stratégie sectorielle de l’éducation      Faute de financement domestique
de la manifestation, la note de plai-    et de la formation, le gouvernement       adéquat, la probabilité de réaliser

                                                                    EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
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L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
la totalité de ces objectifs nationaux     par élève au primaire, selon une           produit par le Réseau national des
et internationaux semble de plus en        étude de SOFRECO, l’ensemble               journalistes de l’éducation pour
plus illusoire. Alors que la RDC a         des frais de scolarité de ce niveau        tous, décortique la question du fi-
actuellement un budget trop faible,        d’enseignement ne représenterait           nancement de l’éducation, à travers
évalué à près de 6 milliards USD,          que 3,3% du montant perdu dans             reportages et interviews d’acteurs
le pays perd chaque année environ          la fraude fiscale et des exonéra-          majeurs de la société congolaise. Le
15 milliards USD dans la fraude fis-       tions. Ces frais ouvrent la voie à         second est un document produit par
cale.                                      la marchandisation de l’éducation          le cadre de concertation du Kongo
                                           et ferment les portes aux enfants,         Central, où les parents et autres ac-
Trop de frais à charge des parents         adolescents et adultes les plus vul-       teurs de la société se plaignent de la
                                           nérables, et issus des familles à re-      multiplicité des frais qui s’imposent
Au niveau actuel des contributions         venu faible.                               aux parents.
des ménages dans le financement            La cérémonie a connu la projection                            Augustin KINIENZI
de l’éducation, estimé à 40.000 Fc         de deux documentaires. Le premier,

    Société civile : des comités pour veiller
          sur l’éducation de qualité
                                                                 violations du droit de l’enfant à l’éducation, de faire le
                                                                 plaidoyer auprès des autorités locales et administratives
                                                                 correspondantes de l’entité sur les matières de leur com-
                                                                 pétences.
                                                                 Ces tâches s’étendent à l’organisation du suivi citoyen du
                                                                 budget de l’éducation et du financement de l’école, ainsi
                                                                 qu’à l’exercice d’une veille pour une gestion transparente
                                                                 des ressources allouées à la base, en prenant comme
                                                                 cible les écoles de la commune, du territoire…
 Séance d’installation des Comités de                            C’est aussi s’assurer que les ressources transférées aux
 veille communautaire et de redevabilité                         écoles de la commune, du territoire… atteignent les bé-
 publique à Selembao .
                                                                 néficiaires et sont utilisées dans la transparence.

L
                                                                 Les Comités de veille communautaire et de redevabili-
      a Coalition Nationale de l’Education pour tous             té publique sont également tenus d’organiser des dia-
      (CONEPT - RDC) est déterminée à accompagner                logues communautaires pour l’école et, sur base des
      l’Etat congolais dans ses efforts visant à améliorer       problèmes identifiés, de fixer des objectifs de plaidoyer
la qualité de l’enseignement. C’est dans cette optique           réalistes et réalisables.
qu’elle a procédé récemment à la mise en place des Comi-
tés de veille communautaire et de redevabilité publique          Quid des ‘‘Task Forces’’ ?
(CVCRP), de même qu’à l’installation des ‘‘Task forces’’.        Face au déficit de la responsabilisation, de l’engagement
Cette démarche entreprise par la CONEPT vise à pro-              et de la participation des citoyens à la base dans le pro-
mouvoir l’exercice des droits à l’éducation pour tous en         cessus d’élaboration, de la mise en œuvre, du suivi et de
RDC, et à aider la Société Civile à être alerte, efficace, pro   l’évaluation des politiques d’éducation, la mise en place
active et capable d’apporter des changements positifs            des ‘‘Task Forces’’ constitue une réponse adéquate de la
dans l’offre des services éducatifs.                             CONEPT.
Le rôle des Comités de veille communautaire… ?                   Ces organes prennent encrage dans la théorie selon la-
                                                                 quelle l’école étant un bien au service de la Communau-
Les Comités de Veille Communautaire et de Redevabili-            té, l’implication de tous est indispensable. En vue certes
té Publique dans le domaine de l’éducation sont établis          d’assurer l’efficacité des services pour garantir l’accès de
pour veiller à ce que l’offre éducative de qualité ne laisse     tous à une éducation de qualité et améliorer la gouver-
aucun enfant en dehors du milieu scolaire. Ces comités           nance des écoles.
sont censés opérer dans les chefferies, dans les secteurs,
dans les quartiers, dans les communes, dans les terri-           Beaucoup plus thématiques, les ‘‘Task Forces’’ ont entre
toires...                                                        autres pour rôles de traiter les rapports de suivi prove-
                                                                 nant des CVCRP. Ils sont tenus de faire des études, des
Ils ont pour rôle de suivre à la base la mise en œuvre des       analyses et le suivi des politiques entrant dans leur thé-
politiques (plans, programmes…) en matière d’éduca-              matique pour les rapporter à la coordination avec des
tion, notamment en ce qui concerne les frais de scolarité,
                                                                 propositions concrètes. Au finish, les ‘‘Task Forces’’
les constructions scolaires, la distribution des livres, la
                                                                 permettent de constituer une banque des données fiables
motivation et la formation des enseignants.
                                                                 dans le secteur d’éducation.
C’est à ces structures qu’incombe la tâche d’organiser
                                                                                                       Benoit MUDIAYI
la veille communautaire, d’alerter et de documenter les

EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
                                                                                                                          5
L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
Unesco, un allié de taille dans
  la quête de l’éducation pour tous
L’Unesco est fermement engagé dans la promotion d’une éducation de qualité pour tous
en République démocratique du Congo. C’est dans ce cadre que son bureau de Kinshasa
a scellé un partenariat avec la Coalition nationale pour l’éducation pour tous (CONEPT/
RDC), qu’il accompagne depuis quelques années, notamment en matière de plaidoyer au-
près du Gouvernement.

C
       e partenariat avec la CONEPT aide à mobiliser             chaque pays en vue de l’élaboration et de la mise en
       l’ensemble des acteurs, mais aussi à renforcer la         œuvre d’un Plan d’Action National EPT (PAN/EPT)».
       qualité et la pertinence des interventions en faveur
de l’Education», renseigne E. Meissa Diop, spécialiste           Un rôle déterminant
du programme CAPEFA à l’Unesco. «Notre interven-
                                                                 «Lors de cette rencontre, note Meissa Diop, il était re-
tion, poursuit-elle, est beaucoup plus intense lors de la
                                                                 commandé à chaque Etat de mettre en place des struc-
Semaine Mondiale d’Action en faveur de l’Education
                                                                 tures de mobilisation et de plaidoyer telles que les coali-
pour tous (EPT), qui se tient le plus souvent en avril de
                                                                 tions d’acteurs. Ainsi, dans la plupart des pays, la RDC
chaque année».
                                                                 y compris, il a été mis en place une Coalition Nationale
                                                                 pour l’EPT (CONEPT)».
«L’occasion s’avère ainsi propice pour renforcer le plai-
doyer en vue d’encourager l’accès à l’éducation pour             «Cette Coalition devait regrouper l’ensemble des ac-
tous, et particulièrement pour les enfants marginalisés          teurs de la Société civile (ONG, Syndicats, Associations,
(handicapés) et démunis vivant en RDC», fait remarquer           etc.), en vue d’une meilleure coordination des interven-
Meissa Diop, tout en soulignant que ‘‘cet appui s’inscrit        tions. L’UNESCO avait, dès lors, reçu mission d’accom-
dans le cadre de la mise en œuvre des ODD’’.                     pagner les acteurs non étatiques qui jouent auprès des
                                                                 Etats, en tant que membres de la Société civile, un rôle
«Lors de la rencontre de Corée en 2015 en effet, la Com-         déterminant dans l’élaboration des plaidoyers de quali-
munauté internationale avait confié à l’Unesco la coor-          té», conclut Meissa Diop
dination, le suivi et le plaidoyer en faveur de l’ODD4,                                                          Mathy MUSAU
spécifiquement dédié à l’Education»,
note-t-il, rappelant que ‘‘la Société
civile travaille aux côtés des Etats
pour les accompagner dans le plai-
doyer en faveur d’une meilleure édu-
cation’’.

Rôle d’accompagnement

Aux dires de Meissa Diop, la Confé-
rence mondiale sur l’éducation, tenue
à Dakar en 2000 (Dakar 2000), après
celle de Jomtien (Thaïlande en 1990),
s’était assigné six objectifs à réaliser
en 2015 dans le cadre de l’Education
de qualité pour Tous (EPT).
«Cette rencontre, souligne-t-il, avait
connu la participation des Etats, des
Institutions spécialisées et des ac-
teurs de la Société civile qui militent
dans le secteur de l’éducation. La
communauté internationale avait à
cet effet confié à l’Unesco la respon-
sabilité du suivi et de la coordination
des actions de plaidoyer en faveur de
l’EPT. Cette institution spécialisée de El Hadji Meissa Diop, chargé de projet et coordonnateur du Programme d’Appui à la
                                        décentralisation du système éducatif en vue de la réalisation des objectifs d’Education
l’ONU devait ainsi accompagner          «CapED/RDC» au bureau de l’UNESCO/Kinshasa.

                                                                       EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
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L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
La Conept mobilise pour la prévention
des violences à l'école
   La prévention des violences en milieu scolaire fait désormais partie de
   l’agenda de la Coalition nationale de l'Education pour Tous (CONEPT).
   Soucieux d’assurer la sécurité dans les écoles, les membres de cette plate-
   forme peaufinent des stratégies susceptibles de prémunir élèves et ensei-
   gnants de tout acte de violence. Bien d’autres employés d’établissements
   scolaires sont aussi concernés.

C
          ’est dans cette optique        D’après Chantal Kalala, la chargée    Conept/RDC, de AEDE (Aide aux
          que les membres de             de communication de Conept/RDC,       enfants de la rue), de REJEER...
          Conept ont conçu ce pro-       la vulgarisation du projet en cours
          jet sur la sécurité en mi-     va bientôt s’étendre aux clubs des    Pour un premier temps, la phase
lieu scolaire. Ils tâchent, dès lors,    jeunes qui auront aussi à assumer     initiale du projet va démarrer dans
de le vulgariser en interne à travers    les notions sur la prévention des     trois communes pilotes, en l’occur-
une série d’ateliers de formation.       violences en milieu scolaire.         rence Bumbu, Kintambo et Maka-
La toute récente formation a eu                                                la. Le lancement officiel est prévu
lieu au début de l’année, dans les       Une synergie d’ONG
                                                                               pour le mois de mai, notamment
locaux de la Coalition à Kinshasa.       mobilisée
                                                                               dans certains établissements sco-
                                                                               laires ciblés.
Au cours de cet atelier, une quin-       Initié par l'ONG Promundo inter-
zaine de membres de la plateforme        national (Programme H), ce projet     L’expérience du Kivu
ont pris activement part aux expo-       sera bientôt mise en œuvre avec
sés, ainsi qu’aux échanges et dis-       les concours des plateformes et       Conept met déjà à la disposition
cussions pour améliorer la mise en       ONG locales spécialisées en ma-       du projet un groupe de formateurs
œuvre dudit projet, bien avant son       tière de prot ection des droits des   des formateurs. Ces experts ont
lancement officiel.                      enfants. Il s’agit notamment de       d'abord été formés à Goma où le
                                                                               projet a été expérimenté dans les
                                                                               camps militaires, les écoles et les
                                                                               communautés locales.
                                                                               Cet appui a été rendu possible
                                                                               grâce au concours de l'ONG Living
                                                                               Peace, basée dans cette ville de la
                                                                               province du Nord-Kivu, à l’est du
                                                                               pays. L’expérience s’est prolongée
                                                                               à Bukavu, la ville voisine, dans la
                                                                               province du Sud-Kivu.

                                                                               «Grâce à ces différentes forma-
                                                                               tions, les concepteurs du projet
                                                                               ont réussi à élaborer des plans de
                                                                               travail à réaliser à Kinshasa. Des
                                                                               démarches sont présentement en
                                                                               cours pour obtenir l'implication des
                                                                               chefs d'établissements scolaires.
            La prévention des violences en milieu scolaire fait                Sans leur concours en effet, la
            désormais partie de l’agenda de la Coalition nationale             mise en œuvre du projet sera blo-
            de l’Education pour Tous
                                                                               quée», assure Chantal Kalala.

                                                                                                    Yves KALIKAT

EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
                                                                                                                7
L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
Les ministres d’éducation sensibilisés
au Kongo central et dans l’ex-Equateur
La Coalition nationale de l’éducation pour tous en République démocratique
du Congo (CONEPT/RDC) a amorcé, depuis le 21 octobre 2016, une série de
plaidoyers à travers les provinces pour rendre effective la gratuité de l’en-
seignement public au niveau primaire. Destinée également à appuyer l’accès
des filles et des garçons à une éducation de base de qualité, cette campagne a
démarré par deux dîners-débats, organisés au Kongo central et dans l’ex-pro-
vince d’Equateur.

L
          a Coalition Provinciale du
          Kongo Central a organisé
          le dîner de plaidoyer sur
          l’abolition des frais de sco-
larité le 21 octobre dernier à l’hôtel
Vivi Palace, dans la ville de Mata-
di. Cette activité, la première d’une
série qui devrait se tenir aussi bien
dans l’ex-province de l’Equateur
qu’à Kinshasa, a réuni autour d’une
table les ministres ayant en charge
l’Education et les Affaires sociales,
ainsi que les députés de l’Assemblée
Provinciale du Kongo Central.

Etaient aussi de la partie les autori-
tés scolaires (le Directeur provincial
de l’EPS-INC, les Sous-directeurs
provinciaux, l’Inspecteur provincial
et les Coordonnateurs des écoles),
ainsi que les organisations de la so-
ciété civile, conviées à participer à
travers les réseaux des femmes et la
Coordination Provinciale de la So-
ciété civile.                                                                    Maître Bavon BAVUIDI Ministre Provincial
                                                                                 de l’Education (Kongo-Central
Les limites du Gouvernement
provincial
                                          pour la résolution de la probléma-         gestionnaires et établissements sco-
Ministre provincial de l’Education,       tique en discussion, dans la mesure        laires. «Ce qui sera toujours un frein
Me Bavon Bavuidi a déclaré devant         où le secteur de l’éducation est en-       à la mise en œuvre de la gratuité
l’assistance que le plaidoyer de la       core gérée au niveau national, alors       dans la province du Kongo Cen-
CONEPT/RDC est une action à sou-          qu’en principe, la gestion locale de       tral», a-t-il souligné.
tenir. «La province, dit-il, est dispo-   ce secteur devrait revenir directe-
                                                                                     Accompagner les efforts de Conept
sée à respecter le droit à l’éduca-       ment aux provinces.»
tion des enfants du Kongo Central,        Pour le ministre provincial de l’Edu-      A Mbandaka, la Coalition Provin-
surtout en ce qui concerne l’accès et     cation, la répartition des frais de sco-   ciale de l’Equateur a, elle, organisé
la qualité.»                              larité est un problème qui empêche         le dîner de plaidoyer le vendredi 25
                                          les enfants de la province à jouir de      novembre 2016 à l’hôtel Nina River.
«Toutefois, a-t-il mentionné, le gou-     leur droit à une éducation gratuite        Parmi les autorités politiques pré-
vernement provincial a encore du          de qualité, suite à un système en-         sentes, on a aussi noté la présence
mal à lever les options nécessaires       couragé par les différents bureaux         des ministres de l’Education, de la

                                                                     EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
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L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
la CONEPT en ce qui concerne la
                                                                                 gratuité de l’éducation de base.

                                                                                 Un chemin parsemé
                                                                                 d’embuches

                                                                                 Le Ministre provincial de l’Educa-
                                                                                 tion a, lui, reconnu que la mise en
                                                                                 œuvre de la gratuité est un chemin
                                                                                 parsemé d’embuches. A ce propos,
                                                                                 il s’est demandé où était passée la
                                                                                 commission interministériel chargée
                                                                                 de la mise en œuvre de la mesure de
                                                                                 gratuité de l’enseignement primaire
                                                                                 qui, depuis sa 1ère réunion du 15 avril
                                                                                 2011, avait décidé que le gouverne-
                                                                                 ment provincial devrait suivre l’exé-
                                                                                 cution de la gratuité dans son entité.
 Le Ministre Provincial de l’Education (Prov.
                                                                                 Pour sa part, le président de la com-
 de l’Equateur) Alexis NKUMU ISANGOLA
 intervenant lors du diner de playdoyer
                                                                                 mission socio-culturelle de l’Assem-
 organisée par la CONEPT à l’Hôtel NINA                                          blée provinciale de l’Equateur a indi-
 RIVER de la ville de Mbandaka                                                   qué que le plaidoyer de la CONEPT
                                                                                 en faveur des enfants de sa province
                                                                                 est une initiative louable, mais dont
                                                                                 les résultats seront assez difficiles à
                                                                                 atteindre dans les délais.
Famille et Enfant, ainsi que le Direc-    A l’affiche, le coordonnateur natio-
teur de Cabinet du Ministre du bud-       nal de la CONEPT est intervenu pour    «Il est impérieux d’accompagner la
get, aux côtés des représentants de       plaider en faveur de l’abolition des   CONEPT dans ce plaidoyer et d’ap-
l’Assemblée provinciale de l’Equa-        frais de scolarité. Jacques Tshim-     puyer les efforts menés pour assu-
teur. Les autorités scolaires et et les   balanga a axé son plaidoyer sur les    rer la suppression de la motivation
délégués de la Société civile étaient     textes nationaux et internationaux     des parents», a-t-il conclu.
aussi de la partie.                       qui appuient le plaidoyer mené par                              Yves KALIKAT

                                                            Les Ministres Provinciaux Maître Bavon BAVUIDI de
                                                            l’Education et Thérèse MAMBU NIANGI du Genre
                                                            Famille et Enfant en pleinne débat avec la société
                                                             Civil sur la gratuité de l’Education au Kongo-Central

EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
                                                                                                                     9
L'accès à l'éducation n'est rien, si la formation n'est pas de qualité
Les confidences du Père Martin
         Ekwa Bis Isal
► «Aux années 60, l'Etat congolais mobilisait 26 à 30% du budget
  national à l’éducation», atteste l’ancien président du Bureau national
  de l’Enseignement catholique.

Missionnaire de la Compagnie de Jésus, le
Père Martin Ekwa Bis Isal a passé toute sa vie
de prêtre dans l’éducation de la jeunesse. Ré-
férence en la matière dans l’histoire de la Ré-
publique démocratique du Congo, cet ancien
président du Bureau national de l’Enseigne-
ment catholique (BEC) a participé à l’essor
du système éducatif congolais postcolonial,
avant d’assister, impuissant, au déclin de
l’éducation, sous le diktat du régime Mobutu.
Ceux qui l’ont approché se sont rendu compte
de la maîtrise qu’il avait du secteur éducatif
dans son pays et du souci de voir la gratuité
de l’enseignement redevenir effective. Nous
publions ci-dessous, à titre posthume, les
confidences qu’il nous a faites en 2007 (Voir
Journal du Citoyen n° 99 du 17 au 23 sep-
tembre 2007) sur l’âge d’or de l’enseignement
en RDC, une année après la promulgation de
                                                                 «De notre époque, personne n’achetait
la Constitution du 18 février 2006, avant son                    un livre, ni un cahier de sa propre poche»,
décès, à 87 ans, le 18 août 2014.                                assurait le Père Ekwa. (Photo Tiers)

Père Ekwa, depuis quand êtes-            mon expérience et de mon passage        quentaient l’école sur une popula-
vous actif dans le secteur de            dans les milieux de l’enseignement.     tion de 15 millions d’habitants. De
l’enseignement?                          C’est ainsi que j’ai été président de   ces jeunes, 129 étaient étudiants
                                         la Commission de l’éducation de la      dans les deux universités du pays,
J’ai été nommé président du Bu-          Conférence nationale souveraine         celle de Lubumbashi et celle de
reau national de l’enseignement          (CNS) de juillet 1991 à décembre        Kinshasa. Cependant, la plupart
catholique en octobre 1960. Je suis      1992. J’ai également été rapporteur     des parents de tous ces jeunes
resté à la tête de ce bureau pendant     des Etats généraux de l’éducation.      étaient des illettrés. Certains repro-
quatorze ans. Ensuite, au niveau         Mais aujourd’hui, je ne suis plus       chaient à l’école d’aliéner la men-
international, j’ai été secrétaire gé-   dans le secteur de l’enseignement.      talité de leurs enfants, d’autres di-
néral de l’Office international de                                                saient que c’était une bonne chose.
l’enseignement catholique (1975–         Comment était organisé l’en-            Aujourd’hui néanmoins, personne
1984). Revenu au pays, j’ai été ap-      seignement à l’époque colo-             ne conteste l’importance de l’école
pelé à m’occuper du Centre d’ac-         niale et après l’indépendance?          comme outil de développement.
tions pour dirigeants et cadres des                                              Au moment de l’indépendance, il
entreprises catholiques (Cadicec).       Au moment de l’indépendance, il         n’y avait pas de médecins, pas de
Quand il y a des problèmes impor-        y avait des écoles partout, mais es-    juristes, pas d’ingénieurs. Après
tants dans le domaine de l’ensei-        sentiellement des écoles primaires.     l’indépendance, tout a complète-
gnement, on recourt parfois à mon        Au niveau national, on comptait         ment changé. On a implanté des
intervention, sans doute à cause de      juste 1.800.000 jeunes qui fré-         écoles secondaires un peu partout.

                                                                  EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
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De 1960 à 1970, le Congo était par-      l’Enseignement catholique (BEC),
mi les tout premiers pays africains      il estime que l’Etat congolais n’a
à avoir un programme scolaire bien       pas assez de ressources pour rendre
conçu. Beaucoup de pays venaient         l’enseignement gratuit cette année.
voir comment l’enseignement fonc-
tionnait ici et envoyaient leurs étu-    Père Ekwa, depuis quand êtes-
diants se former dans nos univer-        vous dans le secteur de l’ensei-
sités. Ce système, dont le Congo         gnement?
était fier, avait produit, en moins
de vingt ans, la classe intellectuelle   J’ai été nommé président du Bu-
que l’on voit dispersée aujourd’hui      reau national de l’enseignement
un peu partout dans le monde.            catholique en octobre 1960. Je suis
Malheureusement, avec la zaïria-         resté à la tête de ce bureau pendant
nisation, on a détruit ce système        quatorze ans. Ensuite, au niveau
qui avait produit des médecins, des      international, j’ai été secrétaire gé-
ingénieurs, etc. Tout simplement         néral de l’Office international de
parce qu’on avait peur que des étu-      l’enseignement catholique (1975–           «On ne peut pas obliger aux
diants contestataires des universi-      1984). Revenu au pays, j’ai été ap-        enfants d’aller à l’école, en
tés ne puissent mettre en danger les     pelé à m’occuper du Centre d’ac-           demandant aux parents,
pouvoirs politiques. Aujourd’hui, le     tions pour dirigeants et cadres des
                                                                                    sans moyens, de payer», es-
pays est tombé à son niveau le plus      entreprises catholiques (Cadicec).
bas en ce qui concerne l’enseigne-       Quand il y a des problèmes impor-
                                                                                    timait le Père Martin Ekwa.
ment.                                    tants dans le domaine de l’ensei-          (Photo Tiers)
                                         gnement, on recourt parfois à mon
L’enseignement était-il gratuit?         intervention, sans doute à cause de
                                         mon expérience et de mon passage          l’école. Mais si les enfants ont
En ce moment-là, l’Etat subven-          dans les milieux de l’enseignement.       l’obligation d’aller à l’école, il faut
tionnait les écoles. A plus forte        C’est ainsi que j’ai été président de     que cette dernière soit gratuite.
raison, en 1960, non seulement la        la Commission de l’éducation de la        On ne peut pas obliger les en-
subvention, mais aussi tout l’en-        Conférence nationale souveraine           fants d’aller à l’école, en deman-
seignement était supporté essen-         (CNS) de juillet 1991 à décembre          dant aux parents, sans moyens, de
tiellement par le gouvernement. Le       1992. J’ai également été rapporteur       payer. Gratuité et obligation, oui.
budget de l’enseignement variait         des Etats généraux de l’éducation.        Mais, on sait que l’Etat n’a pas de
entre 26 à 30 % du budget natio-         Mais aujourd’hui, je ne suis plus         moyens aujourd’hui pour rendre
nal. Aujourd’hui, il n’est que de 1%.    dans le secteur de l’enseignement.        l’enseignement primaire obliga-
Je n’avais jamais connu la grève                                                   toire. Ça signifie qu’il faudrait que
des enseignants. C’était une chose       Comment était organisé l’en-              l’Etat supporte les frais de scolari-
impensable durant toute ma jeu-          seignement à l’époque colo-               té de tous les élèves. S’ils sont, par
nesse, de l’école primaire jusqu’à       niale et après l’indépendance?            exemple, 6 millions, il faudrait que
l’Université. Avant même que les                                                   l’Etat supporte, en définitive, tous
subventions de l’Etat n’arrivent, les    Au moment de l’indépendance, il           leurs frais. On devrait calculer à
écoles appartenaient aux missions        y avait des écoles partout, mais          combien coûte la scolarité d’un
qui se débrouillaient soit par l’aide    personne n’achetait un livre, ni          élève par an et multiplier ce mon-
qu’elles obtenaient des «bienfai-        un cahier de sa propre poche. On          tant par le nombre d’élèves...
teurs», soit par l’autofinancement        mangeait même trois fois par jour
des écoles à travers les produits du     à l’internat. Donc, l’enseignement        L’Etat est-il capable de le faire?
jardinage, de l’élevage…                 primaire et secondaire était gra-
                                         tuit. Quand je dis « gratuit », je ne     Sinon, il pourrait dire, dès cette an-
Les parents ne payaient-ils pas          veux pas dire que l’enseignement          née, que tous les élèves qui entrent
la scolarité de leurs enfants?           se passait sans argent! Non. Il faut      en première année primaire, il en
                                         que quelqu’un paye. Le système a          assure la gratuité. Il y a longtemps
Non. Nos parents n’ont jamais payé       commencé à s’éteindre au moment           qu’on le dit, mais qu’attend-on
l’enseignement, pour la simple rai-      où l’Etat s’était accaparé tout le sys-   pour le faire ? Il faut que l’Etat
son que si on leur avait demandé de      tème éducatif. C’était là la rupture,     congolais supporte tout. S’il ne
le payer, ça ne leur aurait rien dit,    la fin du système.                         veut pas le faire, il devra négocier
parce qu’ils ne voyaient pas à quoi                                                avec les autres partenaires de l’en-
servait l’école. De notre époque, le     La gratuité de l’enseignement             seignement. C’est question de ges-
Père Martin Ekwa a passé toute sa        primaire est-elle possible au-            tion et d’organisation. Il n’y a pas
vie de prêtre dans le système éduca-     jourd’hui?                                de miracle.
tif. Agé aujourd’hui de 80 ans, il n’a
jamais été curé de paroisse. Ancien      Ce qui est reconnu, c’est l’obli-             Propos recueillis par Yves KALIKAT
président du Bureau national de          gation pour les enfants d’aller à

EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
                                                                                                                      11
Wali Bela :
«Grâce au Proseb, nous avons distribué
22 millions de manuels dans les écoles»

                                                                                                          (Photo Conept)

 «A travers le PROSEB, nos enfants pourront apprendre, non pas
 seulement à lire dans les classes terminales du primaire, mais
 surtout à s’accommoder plus tôt à la lecture pour réellement
 apprendre», assure Wali Bela.

Coordinatrice du Projet de soutien à l’éducation de base (PROSEB), Mme
Wali Bela de Bobozo assure depuis plusieurs années l’assistance exécutive
du Secrétaire général à l’Enseignement Primaire, Secondaire et Initiation à
la Nouvelle citoyenneté (EPS-INC). C’est à ce titre qu’elle éclaire les lecteurs
du magazine ‘‘Education pour tous’’ sur ce programme ambitieux, qui a entre
autres pour mission de renforcer la formation des enseignants congolais et
la distribution des manuels scolaires dans les écoles primaires disséminées à
travers la République démocratique du Congo.
                                                  EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
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C’est quoi le PROSEB pour les
profanes?                                  «Aujourd’hui, nous pouvons être
                                           fiers de déclarer que nos enfants
                                           savent maintenant lire le caractère
C’est un programme financé par le           d’imprimerie», tranche Wali Bela.

                                                                                                                               (Photo Conept)
Partenariat mondial pour l’éduca-
tion, qui est mis en œuvre au sein
du ministère de l’EPS-INC. Il a été
lancé en juillet 2013 et sera clôturé
en février 2017, après avoir bénéficié
d’une prolongation de six mois.

PROSEB a entre autres pour
mission la formation et la dis-
tribution des manuels scolaires
en RDC. Comment cela s’est-il
passé sur le terrain?

Ce sont les structures du minis-
tère qui mettent en œuvre ce pro-          lule spécialisée du ministère, pour       transporteurs locaux pour que ces
jet. Lorsque le ministère a élaboré        qu’enfin, les fournisseurs, venus d’ici   manuels puissent être acheminés à
le Plan intérimaire de l’éducation         et d’ailleurs, puissent soumissionner     travers les 300 sous-proved du pays.
(PIE), il avait en tête trois axes prin-   avant de fournir ces manuels au mi-       C’est à partir des sous proved que
cipaux que le Projet est venu maté-        nistère.                                  les directeurs d’écoles étaient char-
rialiser. J’ai toujours l’habitude de                                                gés de retirer ces manuels pour les
dire que le Proseb est la fille aînée du   Quelles sont les difficultés que          emmener dans leurs établissements
PIE.                                       Proseb a connues dans la mise             scolaires.
                                           en œuvre du projet?                       Pour les manuels destinés aux
Ce projet a visé, de prime abord,                                                    classes de 3ème et 4ème primaires,
l’amélioration de l’accès et de            Nous avons connu plusieurs dif-           l’opération intervenait d’une ma-
l’équité des enfants au primaire.          ficultés, particulièrement dans la        nière additionnelle. Puisqu’un pro-
En deuxième lieu, il fallait veiller à     distribution des manuels scolaires.       gramme précédent, mis en œuvre
l’amélioration de la qualité de l’ap-      Etant donné que le pays est grand,        par la Coopération Technique belge
prentissage par la distribution des        cette activité du projet a revêtu une     (CTB), avait déjà permis de distri-
manuels scolaires et la formation des      dimension d’envergure nationale,          buer une bonne quantité de ma-
enseignants. Il était, enfin, question     puisque nous devrions couvrir les         nuels scolaires. Cependant, pour
d’assurer le renforcement du sys-          écoles de toute la République démo-       les classes de 5ème et 6ème années
tème. Il fallait ainsi que ces acteurs,    cratique du Congo. Nous avons ainsi       primaires, la quantité totale des ma-
qui ont l’habitude de travailler au        réussi à distribuer premièrement 20       nuels mobilisés était destinée à cou-
                                                                                     vrir tous les effectifs d’élèves inscrits
                                                                                     sur tout le territoire national.
     «En fonction de terrain, nos partenaires                                        Au cours de cette distribution, on
      ont emprunté toute sorte de moyens de                                          a remarqué que nous avions fait
   communication pour acheminer les manuels.                                         un progrès dans l’accès. Puisque,
                                                                                     lorsque nous avions prélevé l’ef-
   Qu’il s’agisse de moto, de véhicule, de pirogue,                                  fectif des élèves au montage du
                      d’avion…»                                                      programme, nous avons passé
sein du ministère, qui connaissent         millions d’exemplaires. Aujourd’hui,      commandes des manuels en nous
leurs tâches et leurs responsabilités,     nous en sommes à 22 millions de           référant au nombre d’enfants enre-
soient renforcés pour que le système       manuels acheminés à travers les           gistré. Malheureusement, lors de la
connaisse, à son tour, un élan nou-        30 provinces éducationnelles de           phase de distribution, nous avons
veau à travers le Plan intérimaire de      l’époque, qui équivalaient aux 11 an-     constaté que l’effectif des élèves a su-
l’éducation.                               ciennes provinces du pays, alors qu’à     bitement augmenté. Ce qui ne nous
                                           ce jour, nous comptons 26 provinces       a donc pas permis d’atteindre le ra-
Et donc, pour pouvoir améliorer            administratives.                          tio souhaité pour certaines classes,
la qualité de l’éducation, le projet                                                 à savoir : un manuel par élève. Le
a distribué environ 20 millions de         Dans les provinces éducationnelles,       nombre d’élèves avait donc augmen-
manuels scolaires. Ouvrages qui ont        ces manuels ont été pris en charge        té entre le moment de la commande
été élaborés par la Direction des pro-     par ceux qu’on appelle les ‘‘direc-       et celui de la distribution. C’est
grammes et matériels didactiques du        teurs de province’’ ou ‘‘Proved’’.        pourquoi nous sommes passés de 20
ministère. Ces manuels ont, ensuite,       Avec une commission qui a été créée       millions de manuels distribués à 22
fait l’objet d’une procédure de pas-       sur place, ils se sont chargés de faire   millions pour atteindre le ratio d’un
sation des marchés à travers la cel-       la passation des marchés avec les         manuel par élève.

EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
                                                                                                                          13
ration. Ce partenariat s’est révélé très
  «Grâce donc au concours                                                        efficace, vue l’étendue du territoire
  des transporteurs, nous avons                                                  national. Avec ces partenaires, nous
  pu atteindre 50.000 écoles à
                                                                                 avons notamment eu à faire face aux
  travers le pays»
                                                                                 problèmes de viabilité au niveau du
                                                                                 réseau routier, de l’hydrographie, de
                                                                                 la végétation… pour acheminer les
                                                                                 manuels à destination.

                                                                                 Ces transporteurs ont ainsi bravé
                                                                                 des routes où aucun véhicule n’était
                                                                                 plus passé depuis des mois, voire
                                                                                 des années ! Ils se sont engagés, pas
                                                                                 seulement pour tirer des dividendes
                                                                                 financiers, mais surtout par souci
                                                                                 d’appuyer le secteur éducatif à tra-
                                                                                 vers la distribution des manuels sco-
                                                                                 laires.

                                                                                 En fonction de terrain, nos parte-
 Vous savez que c’est très important,   Quels sont les principaux parte-         naires ont emprunté toute sorte de
puisque pendant longtemps, nos          naires qui vous accompagnent             moyens de communication. Qu’il
élèves n’ont pas eu accès facile aux    dans la mise en œuvre du pro-            s’agisse de moto, de véhicule, de
manuels scolaires. Or, avec notre       jet de distribution des manuels          pirogue, d’avion… Dans un coin
programme, ces manuels ont été dis-     scolaires à travers le pays ?            comme Shabunda par exemple, au
tribués gratuitement.                                                            Sud-Kivu, nos partenaires ont dû
                                        Outre les ‘‘proved’’ et les directeurs   utiliser exclusivement le transport
Et aujourd’hui, nous pouvons être       des écoles, nous travaillons avec les    aérien. A Boende, dans l’ex-province
fiers de déclarer que nos enfants       transporteurs locaux dans l’optique      d’Equateur, des camions ont même
savent maintenant lire le caractère     du partenariat public-privé, mais        frôlé la catastrophe en s’engageant
d’imprimerie. Avec ce projet, nos en-   également en perspective d’une           sur des ponts mal structurés.
fants pourront, non pas apprendre à     réelle appropriation de nos projets
lire seulement dans les classes ter-    par les communautés locales. Dès le      Grâce donc au concours des trans-
minales du primaire, mais s’accom-      départ, nos équipes sont descendues      porteurs, nous avons pu atteindre
moder plus tôt à la lecture pour ap-    sur le terrain pour expliquer aux        50.000 écoles à travers le pays.
prendre réellement.
                                           «Pour acheminer les manuels scolaires dans
Sur quelles branches précisent           des zones reculées, les transporteurs locaux ont
se focalisent les manuels sco-
laires que vous distribuez ?
                                          emprunté des routes où aucun véhicule n’était
                                          plus passé depuis des mois, voire des années»
Ce sont des manuels des ‘‘branches
mères’’ destinés aux écoliers de 3ème   communautés bénéficiaires la quin-       Nous avons tenu compte de toutes
et 4ème années primaires de la Ré-      tessence même du projet.                 les écoles, tant publiques que pri-
publique démocratique du Congo.                                                  vées… Le travail s’est avéré labo-
On y retrouve essentiellement des       Nous avons réuni les transporteurs       rieux, comme vous l’avez constaté,
livres de français et des mathéma-      locaux pour leur expliquer ce qui al-    tant la quantité des manuels était
tiques. Et pour les classes de 5ème     lait réellement se passer. Nous leur     importante.
   Avec ces partenaires, nous avons notamment
                                                                                 Par carton en effet, on trouvait entre
    eu à faire face aux problèmes de viabilité au                                60 et 80 livres. Et chaque groupe de-
  niveau du réseau routier, de l’hydrographie, de                                vrait prendre en charge les établis-
   la végétation… pour acheminer les manuels à                                   sements scolaires de toute la ‘‘sous
                     destination.                                                proved’’. Or, une ‘‘sous proved’’
                                                                                 comprend au minimum entre 100 et
et 6ème années primaires, nous avons    avons dit que nous aurons besoin         400 écoles. Ajouter à cela le nombre
consacré des manuels de français,       de leur concours pour transporter        de classes par école. Vous imaginez
des mathématiques, des sciences,        les manuels à travers les différentes    alors la quantité d’ouvrages à trans-
et également d’éducation civique et     contrées de leurs milieux. Nous          porter!
morale. A travers ces matières, ces     avons ainsi constitué un réseau des
manuels veulent jeter les bases pour    transporteurs fidélisés avec qui nous         Interview réalisée par Yves KALIKAT
les Congolais nouveaux.                 avons développé une étroite collabo-

                                                                  EDUCATION POUR TOUS/Magazine n°001 Février-Avril 2017
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