L'émission de 1900 La Genèse de ...un " accouchement " difficile
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La Troisième République L’Assemblée nationale mit neuf ans, de 1870 à 1879, pour renoncer à la royauté et proposer une troisième constitution républicaine. La Troisième République est le premier Régime à s'imposer dans la durée depuis 1789, après trois monarchies constitutionnelles, deux républiques et deux Empires. Elle fut en vigueur de 1870 à 1940. Les Présidents de la 3ème Sadi Carnot, né le 11 août 1837 à Limoges, de son nom complet Marie François Sadi Carnot, fut président de la République du 3 décembre 1887 au 25 juin 1894, date de son assassinat à Lyon (2e arrondissement), d’un coup de poignard de Caserio, un anarchiste italien. Patrice de Mac Mahon Jules Grévy Adolphe Thiers (1808-1893) (1807-1891) (1797-1877) Du 24 mai1873 Du 30 janvier 1879 Du 31 août 1871 au 30 janvier1879 au 2 décembre1887 au 24 mai 1873. Jean Casimir-Perier Félix Faure (1847-1907) (1841-1899) Du 27 juin 1894 au 16 janvier 1895. Du 17 janvier 1895 au 16 février 1899.
Le type Sage ne plait plus ! Au début des années 1890 la IIIème République est, à présent, solidement installée. Les temps ont changé; il s'agit maintenant d'affirmer la pérennité de la République sur les timbres-comme sur toute l'abondante imagerie patriotique du moment. Et il faut être à la hauteur du nouveau siècle qui s'annonce, en faisant souffler le vent de la modernité sur la création philatélique. Le type Sage, émis en 1876, illustrant le "Commerce et la Paix s'unissant pour régner sur le monde " ne correspond plus à cette soif de modernité.
Et pourtant il était innovant… Le type Sage célébrait la fin du second Empire (Napoléon III) et la fin de de l’égémonie de l’inamovible Hulot, imprimeur des premières émissions de France. Imprimé à présent à la Banque de France, il inaugurait une nouvelle présentation des planches d’impression en feuilles de vente de 150 timbres, précisant l’année d’impression (millésime) et numéro de presse d’impression. Ce mode d’impression, la « Typographie » restera le seul en usage en France pendant près de 50 ans
Chambre des Députés – 8 février 1893 Ce jour-là, le Député (Radical Socialiste) de Paris Gustave MESUREUR fait adopter un projet de concours pour la réalisation d'un timbre remplaçant le célèbre type Sage. Il souhaite un timbre "moderne, républicain et français". Ce timbre devait saluer le XXème siècle et marquer dignement l'Exposition Universelle de 1900 à Paris à l'exemple de la série Colombus des États-Unis. Gustave Mesureur (1847-1925) ou du Saint Michel terrassant le Dragon émis lors de l'Exposition de Bruxelles.
Le concours de 1894 L'avis de concours fut publié au Journal officiel le 4 Février 1894. “Le concours est ouvert aux concurrents français, pour la création d’un nouveau type de timbre-poste. Il devra comprendre dans sa composition les mots en toutes lettres “République Française” et “Postes”, et un emplacement pour la valeur, qui devra ressortir de façon très apparente. Le chiffre doit avoir au minimum, 4mm de haut ». « Les concurrents devront donner une composition de 176 x 144mm, et une réduction au format du timbre de 22 x 18mm. Epreuves photos Les projets présentés seront l’objet d’une exposition publique. Le premier aura 3000F, les deux suivants 1500F et 1000F. Les projets appartiendront à l’administration ». L’exposition se déroula du 7 au 12 mai 1894 à l’école des Beaux-arts. 684 projets furent exposés. Le public fut très nombreux. Le jury comprenait des artistes de renom: Mr BONNAT, CHAPLAIN, DALOU, DUBOUIS, PUVIS de CHAVANNE et ROTY.
Des projets jugés décevants Dans les projets non adoptés on trouve les signatures de Joubert, Pichot, Becker, Leenhardt, Legrand, des Marianne, Gounod, Doumer… Georges PROFIT PROFIT & BARRET J. CALLIAS Et de nombreux Coqs… Joseph BLANC
Le concours est annulé Le Gaulois 12 mai 1894 Malgré un fort relais médiatique, le Jury ne put décerner un prix parmi les 684 projets. Seules 5 mentions honorables furent décernées aux artistes suivants (dans l'ordre): DUPUIS MOUCHON LECHEVREL République assise tenant Buste de République tenant Tète de République un drapeau et caducée dans un médaillon une torche et un rameau d’olivier BOURGOIN FORGET République assise tenant une épée. République assise tenant une branche d’olivier Chaque artiste reçu 500 F. Les projets furent offerts par l'Administration des Postes au Ministère des finances qui s'en servit pour illustrer .... des boîtes d'allumettes.
Le projet Grasset (1895) Eugène Grasset (1845 - 1917) Gustave MESUREUR réclamait toujours « son timbre républicain ». En 1895 le ministre des postes demande à Eugène GRASSET, de dessiner une « République ». Mais quand le projet fut fini, il le présenta au nouveau ministre des postes qui était... M. MESUREUR lui-même. La « République » de Grasset ne plut pas au nouveau ministre. Il voulait « une femme assise avec une longue robe et un bonnet phrygien ». Il donna 5000F (OR) à Grasset et enterra le projet. En avril 1896, M. Mesureur perdit le ministère des postes). (Cette maquette servit plus tard en 1904 pour l'Indochine).
Maurice Henry Berteaux En 1898, BERTEAUX, le député (RG) de la Seine-et-Oise, insista pour changer les timbres pour l'Exposition Universelle prévue à Paris pour 1900. En décembre 1898 le comité technique postal décida de remplacer le type SAGE par trois types de timbres : un pour les petites valeurs, un pour les moyennes et un pour les grosses valeurs. Trois artistes renommés à l'époque furent sollicités : le peintre Joseph Paul BLANC pour les petites valeurs (1c au 5 c ) le graveur Louis Eugène MOUCHON pour les valeurs moyennes Maurice Berteaux (1852 - 1911) le peintre Luc-Olivier MERSON pour les fortes valeurs Joseph P. Blanc L. E. Mouchon L. O. Merson (1846 - 1904) (1843 - 1914) (1846 - 1920)
Luc-Olivier Merson (1846-1920) En 1898, Nicolas Luc-Olivier MERSON a 52 ans est un artiste reconnu. Formé à l’École des Beaux-Arts à Paris (il y enseigne depuis 1894), il est prix de Rome en 1869, membre de l'Institut en 1892. C'est un peintre académique, réalisant beaucoup de sujets religieux ou mythologiques. Le Repos pendant la fuite en Égypte, Huile sur toile,1880, Musée des Beaux-arts de Nice C'est une toile à l'époque célébrissime reprise sur de nombreux objets, boîtes d'allumettes, boîtes à timbres, ...
Luc-Olivier Merson (1846-1920) Le soldat de Marathon, Huile sur toile. grand prix de Rome de peinture d'histoire, 1869 Leucothoé et Anaxandre Exposé au Salon de 1867
Un « touche-à-tout » Il réalise des peintures dont de nombreuses commandes publiques, des mosaïques, des vitraux, collabore à de nombreuses revues dont Harper's Bazaar, illustre plusieurs ouvrages dont l'édition officielle du Notre-Dame de Victor Hugo, des publicités, des cartons d'invitation (des « flyers »), des billets de banque et des vignettes diverses. 1889
Le type “Merson” En 1898, on confie donc à MERSON le dessin des nouveaux timbres. Il acceptera car il sera flatté d’avoir a dessiner les grosses valeurs. A cette époque, la mode en gravure était d’utiliser la gravure en bout de fibre sur des bois très durs, ce qui donnait des détails très fins. Le poinçon sera gravé sur du buis par Auguste Thévenin spécialiste de cette méthode. C’est le seul timbre qu'il ait gravé et dont le nom figure en bas à droite, suivi de Inc. Abréviation latine (INCISIT = il l'a gravé). Le nom du dessinateur, Luc-Olivier Merson étant suivi de l'abréviation latine Del. (DELINEAVIT = il l'a dessiné). C’est un travail très médiocre. La couleur de fond apparaît plus comme une tâche. Ce poinçon en buis a été très peu utilisé pour faire quelques tirages-épreuves sans la faciale, ils sont conservés au Musée de La Poste. La gravure de la valeur faciale a été confiée à Jean-Baptiste LHOMME (1885-1916), un graveur qui exerçait déjà depuis 15 ans à l'Atelier du Timbre.
Louis-Eugène Mouchon, né à Paris le 30 août 1843 et mort à Montrouge le 3 mars 1914, est peintre, dessinateur et sculpteur. Il était surtout réputé pour sa qualité de graveur. Il fit son apprentissage chez son père qui était artisan-graveur. Il s'adonna spécialement à la gravure typographique sur acier, sur bronze et sur bois. Modeste et peu connu du public, il fut pendant 40 ans le graveur semi officiel des timbres, de la monnaie et des médailles de France. On lui doit un grand nombre de billets de banque et de nombreux timbres-poste français ou étranger. En 1996 il devient le graveur attitré de la monnaie et des médailles, et on lui confie la gravure du type « Sage » pour la France et les colonies (1895-96), des type « Alphée Dubois » (1881-92), et du type « Groupe (1892-1904) » pour les colonies. C’est lui qui dessinera et gravera les timbres de valeur intermédiaire pour l’émission de 1900, le « type Mouchon », et en 1903, il gravera la Semeuse, d'après une plaque en relief fournie par Oscar Roty.
Le type “Mouchon” En 1898, MOUCHON est très réputé en tant que graveur. Il a également participé au concours de 1894, et son projet a été récompensé. Parmi les différents projets qu’il avait déposé, un avait retenu l’attention du ministre de l’époque, MILLERAND: une femme casquée, assise, tenant la main de Justice et une table sur laquelle est gravée l’inscription « Droits de l’Homme ». Elle sera choisie pour le nouveau timbre. Alexandre Millerand (1849 - 1943) On fera faire à MOUCHON une maquette simplifiée qui servira pour le timbre définitif. La poste très prés de ses sous, retiendra sur ses émoluments la prime de 500 francs reçue en 1894. Maquette adoptée format 162x200mm
Paul-Joseph BLANC, né à Paris le 25 janvier 1846, mort dans la même ville le 5 juillet 1904, était un peintre français. Il fut élève d'Émile Bin et de Cabanel, et obtint le Prix de Rome en 1867 pour Le meurtre de Laïus par Œdipe. Il eut un atelier à Montmartre, où il accueillit des élèves. Il fut nommé professeur à l'École des Beaux-Arts en 1889. Il peignit des sujets religieux, mythologiques, historiques, et réalisa des portraits d'hommes politiques tels que Clemenceau, Gambetta, Paul Bert.
Il participa à la décoration de différents édifices, en particulier le Panthéon (Le vœu de Clovis à la bataille de Tolbiac, le baptême de Clovis, le triomphe de Clovis), mais aussi l'Opéra Comique, l'Hôtel de ville de Paris, etc..
Joseph Blanc est le dessinateur des timbres au type Blanc, nom donné plus tard par les collectionneurs. Ce poinçon est conservé au musée de la Poste à Paris. La gravure fut confiée à Emile THOMAS, graveur sur bois né à Vittel, (Vosges), mort en 1907 à Paris. Elève de M. GUSMAN à l’école nationale de dessin, il débuta au Salon de 1863. Il obtint une mention honorable en 1882 et une médaille de troisième classe en 1886. Il fut choisi car à l’époque il était très réputé en tant que graveur sur bois.
L'Atelier du timbre Tous les timbres de l’émission de 1900 ont été imprimés en typographie à plat, en deux passages, à « l'Atelier de Fabrication des Timbres-Poste », 103 Boulevard Brune à Paris. L'Atelier du 103 Boulevard Brune en 1895 (CP) La presse typographique (© BNF) Le gommage -machines Gaumel (© BNF) La perforation, après massicotage (© BNF)
Les planches d’impression Mouchon et Blanc: → Impression en feuilles de 300 exemplaires, découpées en deux feuilles de vente de 150. feuille de vente de 150 exemplaires
Les planches d’impression Merson: → Impression en feuilles de 150 exemplaires, découpées en deux feuilles de vente de 75. feuille de vente de 150 exemplaires
Quelques détails donnés par Mouchon 4000 francs seulement pour un tirage de plusieurs milliards d'exemplaires Journal de la jeunesse juin 1900
Le papier des premiers timbres Papier « A » : épais, rugueux, plus ou moins crème. Examiné par transparence il ne présente pas de trame bien définie, mais des demi-transparences, accompagnées de rares points brillants. Occasionnellement ce papier est plus mince, blanc grisâtre, d'aspect plus ou moins huileux. Ce papier sera utilisé jusqu'en 1906 (D'après Storch et Françon) Le marché des feuilles a fait l'objet d'un appel d'offres présenté dans le Moniteur de la papeterie française puis d'une adjudication L'Adjudication est actée dans le même bulletin de janvier 1899 En faveur de la Papeterie de l'Aa,à Bizeuil (Pas de Calais)
De la papeterie de Wizernes…. Fondée en 1835
« L'attente ... » Le Gaulois du 15 juin 1899
« L'impatience ... » Journal des Débats du mardi 10 juillet 1900
« Enfin ! ... » Journal des Débats du Lundi 3 décembre 1900
La « chaude journée » du 4 décembre En vente uniquement aux bureaux de poste de la Chambre des députés et du Sénat, les collectionneurs qui furent avertis assez tard dans la soirée se précipitèrent pour en acheter. « Il importait d'avoir les exemplaires de la première édition » (Le 5 décembre également !)
Très peu de lettres du 4 décembre 1900 (plis philatéliques) Oblitération du Bureau du Sénat. Oblitération de la Chambre des Députés.
… et aussitôt la critique se déchaine l'Echo de la Timbrologie : (No 191 du 15 Décembre 1900, page 545) "la composition de M. Mouchon pourrait à la rigueur être tolérable, mais celles de MM. Blanc et Luc-Olivier Merson ne représentent qu'un fouillis malheureux dont aucune idée ne se dégage et dont les détails mêmes sont difficiles à saisir, au milieu de l'incohérence du sujet..."Nous nous attendions bien à quelque chose de laid mais, franchement, nous ne pensions pas qu'on irait aussi loin dans le mauvais goût". Journal des Débats du 8 décembre 1900 André Hallays, critique d'art: Merson a gâté comme à plaisir cette jolie vignette: au beau milieu s'étale une tache, une véritable tache qu'on croirait déposée là par le doigt d'un postier malpropre. Le timbre est gravé en deux couleurs, sans doute pour rendre les contre-façons plus difficiles. Mais il eût encore fallu que la seconde nuance couvrît tout le fond de la composition; or, certaines parties n'ont pas encore été coloriées et sont restées blanches. Cela forme un décor incohérent, déplaisant, inexplicable. Nos anciens timbres valaient décidément mieux que les nouveaux. Le dessin en était plus net et plus franc, la gravure en était plus vigoureuse. Etait-ce bien la peine de changer d'allégorie? ".
Le timbre de Merson est caricaturé André Hallays : « la jeune femme ressemble à une blanchisseuse aux bras puissants et à la taille épaisse, découragée devant un énorme paquet de linge sale ». Elle semble « avoir une tête trop petite par rapport à son corps », l'écusson de la valeur ressemble à « un cerf-volant accroché aux branches de l'olivier ou à une grosse marmite ».
Le plus décrié: Le Mouchon
Le plus décrié: Le Mouchon
Charivari à la tribune…. Ces émissions philatéliques de 1900 (Blanc, Mouchon, Merson) feront même l'objet d'une intervention du Député Georges Bouctot (avocat), le 21 décembre de la même année au Palais Bourbon; l'honorable parlementaire trouvait que ces « timbres n'étaient pas jolis ». Le Sous-Secrétaire d'Etat aux Postes et Télégraphes, Léon Mougeot (lui aussi avocat) lui répondra que « c'était une affaire d'appréciation ». Georges Bouctot Léon Mougeot (1855-1929) (1857-1928) L’affaire fit si grand bruit qu’elle fut portée devant la Chambre des Députés. Une motion fut déposée pour le retrait immédiat des « Mouchon ». Repoussée de justesse, par 250 voix contre 243 ! Un amendement fut même déposé à la Chambre des Députés pour que ces timbres soient immédiatement retirés et incinérés ! Le Ministre lui-même dût monter à la tribune pour les défendre !
Et pourtant... une incroyable longévité Un belle carrière en France ! Retraits : Retrait : Retrait : 40c : 1924 Juin Avril 50c : 1921 1903 1932 1f : 1926 2f : 1906 5f : 1930 rouge Adrinople et bleu d'eau Ils restent en service jusqu’en 1932 dans certains Bureaux Français à l’Etranger ! Plus de 30 ans !
Bibliographie Timbres de France au Type Merson Par J. Storch et R. Françon,1990 Monographie des timbres au Type Blanc Par J. Storch et R. Françon,1972 L'étrange Merson Par A-B. Stévenin, 2008 Histoire des T-P Français Par Arthur Maury, 1907,1949 Les types droit de l’homme de J-E Mouchon Par J. Storch et R. Françon,2004 Et bien évidemment Timbroscopie, L'Echo de la Timbrologie, Le Postillon
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