L'explication : un lieu et un objet d'apprentissage - Peter Lang

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3.    L’explication : un lieu et un objet
      d’apprentissage

L’explication est un procédé crucial pour gérer le déploiement de la
compréhension dans les interactions sociales, car elle permet
d’anticiper et de résoudre des problèmes de compréhension.
L’explication est également un lieu central de construction et de véri-
fication des connaissances, ce qui en fait un objet d’investigation parti-
culièrement pertinent dans des interactions en contexte d’apprentissage.

3.1 Introduction à l’étude de l’explication

Les termes expliquer et explication sont fortement polysémiques : ils
peuvent être utilisés pour qualifier des situations diverses et s’insérer
dans des contextes syntaxiques et sémantiques variés. Etymologique-
ment dérivé du latin ‘plicare’, plier, le mot expliquer renvoie à
l’origine à l’idée de quelque chose qu’on déplie, qu’on déploie, qu’on
dé(sen)veloppe et que ce faisant on montre dans sa totalité. Cette si-
gnification subsiste aujourd’hui encore au sens figuré et rapproche le
discours explicatif du discours présentatif, descriptif ou narratif : ex-
pliquer, c’est faire voir, faire connaître, faire comprendre en dévelop-
pant, en montrant, en exposant (visuellement ou verbalement).
L’action de déplier, de ‘désenvelopper’ suppose que soient montrés
des aspects non visibles à première vue. Expliquer, c’est en ce sens
dégager une structure, un fonctionnement ou une signification qui ne
‘saute pas aux yeux’. C’est le cas dans l’activité d’explication d’un
texte littéraire, d’un théorème mathématique, d’un phénomène phy-
sique. En outre, montrer la structure, le sens mais surtout le fonction-
nement d’un phénomène, d’un évènement ou d’un état de fait peut

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impliquer de chercher son origine, sa cause. Un des sens fréquents du
terme expliquer est justement celui de donner des raisons : on ex-
plique le motif d’un crime, l’étymologie d’un mot, la cause d’un acci-
dent, l’origine d’un comportement. Lorsque l’objet à expliquer ne peut
être ‘déplié’, c’est-à-dire que son origine, son fonctionnement ou sa
signification ne sont pas directement accessibles, l’explication peut
avoir un caractère hypothétique. Expliquer consiste alors avant tout à
interpréter, à construire un raisonnement pour tenter d’élucider un
mystère. Enfin, l’explication peut avoir pour but la compréhension en
soi, mais également, dans certains contextes, la compréhension en vue
d’actions qui peuvent être très concrètes : comprendre, c’est pouvoir
agir. Un des sens du verbe expliquer renvoie précisément à cette idée
d’action : on parle d’explication procédurale pour référer à un discours
indiquant une démarche étape par étape, comme dans une recette de
cuisine, le mode d’emploi d’un appareil électronique ou les règles
d’un jeu.
       Le foisonnement des significations qu’il est possible d’associer
à la notion d’explication est peut-être à l’origine de l’absence d’un
champ unifié d’étude de l’explication en sciences humaines. En effet,
l’objet sur lequel portent les études déclarant se focaliser sur la notion
d’explication varie parfois grandement d’une étude à l’autre. On peut
néanmoins dégager trois approches principales de la notion
d’explication dans les études en sciences humaines, l’explication 1)
comme système logique, 2) comme processus mental et 3) comme
discours ou action langagière.

1)    L’explication est abordée, dans le domaine de la philosophie
      des sciences, comme un système de conditions, de lois et de
      principes entretenant des relations de nature implicative et dé-
      ductive, qui forme un raisonnement logique destiné à décrire
      une réalité scientifique. Seule une explication répondant aux
      conditions de vériconditionnalité peut être qualifiée
      d’explication scientifique ; une explication ne remplissant pas
      les conditions de vériconditionnalité est dite non-scientifique.
2)    La théorie de l’attribution, dans le domaine de la psychologie
      sociale, s’intéresse aux représentations mentales des liens de
      causalité et à la manière dont ces représentations influencent les

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attitudes et les comportements des individus. La notion
      d’explication renvoie dans cette théorie au processus mental qui
      consiste à établir un lien de cause à effet entre deux phéno-
      mènes, événements ou situations.
3)    Les études portant sur l’explication en tant que discours ne relè-
      vent pas d’une discipline unique, mais proviennent de la philo-
      sophie, de la sociologie, de la psychologie, de la sémiologie, de
      la linguistique ou encore de la didactique (pour des recueils ré-
      cents, cf. Hudelot/Salazar Orvig/Veneziano 2008 ; Spreckels
      2009). La manière d’aborder la notion d’explication peut varier
      grandement d’une étude à l’autre, en fonction des intérêts de re-
      cherche. Certaines études en sémiologie s’intéressent par
      exemple à ce qui fait l’‘essence’ de l’explication par rapport à
      l’argumentation, à la justification ou encore à la description (cf.
      p.ex. Apothéloz/Brandt 1992 ; Borel 1980, 1981 ; Chesny-
      Kohler 1983 ; Ebel 1980, 1981 ; Grize 1980 ; Lecomte 1981).
      Ces études procèdent en analysant des exemples inventés, tirés
      de textes littéraires ou de conversation transcrites de mémoire.
      Elles définissent généralement l’explication comme un acte de
      langage constitué de deux propositions articulées par un lien
      causal (p.ex. Apothéloz/Brandt 1992) ou comme un type de
      processus cognitif s’actualisant dans le discours (p.ex. Borel
      1980). Un autre ensemble d’études s’intéresse à documenter la
      pratique de l’explication uniquement sur la base de données
      empiriques authentiques. C’est dans ce dernier ensemble que
      s’inscrit la recherche présentée dans cet ouvrage.

Les études s’intéressant à décrire et à documenter la pratique de
l’explication uniquement sur la base de données empiriques authen-
tiques n’envisagent généralement pas l’explication comme un genre
de discours possédant des marques formelles spécifiques : selon les
circonstances, « tout discours peut se comprendre comme explicatif,
comme un développement d’autres discours qu’il vise à éclairer »
(Ebel 1980 : 58). Dans cette optique, l’analyse d’une explication ne
peut être décontextualisée :

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‘An explanation’ can’t be defined without reference to the thing it’s meant to
      be explaining : it would be absurd to say that the utterance there are six peo-
      ple for dinner is an ‘explanation’ in its own right. It only becomes an explana-
      tion when it is prefaced by some other utterance like why did you cook so
      much food ? The question is not ‘what is an explanation ?’ but, rather, ‘what
      relation does one utterance have to have to another to qualify as an explana-
      tion ?’ (Antaki 1994 : 2)

      [‘Une explication’ ne peut être définie sans référence à l’objet que
      l’explication est supposée expliquer : ce serait absurde de dire que l’énoncé il y a
      6 personnes qui viennent souper est une ‘explication’ en soi. Cet énoncé ne ‘de-
      vient’ une explication que lorsqu’il est préfacé par un autre énoncé du type
      pourquoi est-ce que tu as préparé autant à manger ? La question n’est pas
      ‘qu’est-ce qu’une explication’ mais, plutôt, ‘quelle relation doit avoir un
      énoncé avec un autre pour pouvoir être qualifié d’explication ?’]

Ces études abordent l’explication comme une activité finalisée orien-
tée vers la gestion d’objets présentés comme potentiellement problé-
matiques pour la compréhension, et visant à (r)établir une compréhen-
sion partagée de ces objets, autrement dit à (se) faire comprendre (cf.
p.ex. Antaki 1988, 1994 ; Barbieri/Colavita/Scheuer 1990 ; Beals
1993 ; Coltier/Gentilhomme 1989 ; Draper 1988 ; de Gaulmyn 1986,
1991 ; Grandaty/Le Cunff 1994 ; Grøver Aukrust/Snow 1998 ; Gülich
1990 ; Halté 1988 ; Treigner 1990). Plusieurs d’entre elles proposent
de décrire les explications sous forme de séquences tripartites (Ducan-
cel 1991 ; de Gaulmyn 1986, 1991 ; Gülich 1990, Lepoire 1999 ;
Markee 1994 ; Rabatel/Lepoire 2005) :

1)    Une ouverture, qui contient la problématisation, la constitution
      de l’objet à expliquer (ou explanandum) ;
2)    Un noyau, qui contient la résolution du problème, parfois appe-
      lé ‘l’explication proprement dite’ (ou explanans).
3)    Une clôture, qui prend la forme d’une marque de réception ou
      de ratification de l’explication.

Les trois étapes peuvent être accomplies par un même locuteur ou par
plusieurs locuteurs. Le noyau de l’explication est généralement décrit
comme un processus d’intégration progressive, au moyen de
(re)conceptualisations et (re)structurations, de l’objet problématique

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dans un faisceau de connaissances partagées qui lui donnent son sens,
ce qui permet de passer d’un déséquilibre à une symétrie des connais-
sances entre les participants (Barbieri/Colavita/Scheuer 1990 ; de
Gaulmyn 1991 ; Halté 1988 ; Hudelot/Preneron/Salazar Orvig 1990 ;
Lepoire 1999 ; Rabatel/Lepoire 2005 ; Treigner 1990).

3.2 Explication et apprentissage

La recherche présentée dans la suite de cet ouvrage se penche sur
l’explication en classe de français L2, un lieu où les interactions sont
orientées vers l’apprentissage d’une langue (cf. chapitre 2). En raison
du caractère finalisé de ces interactions, mais également parce que les
opportunités pour le développement de ressources pour communiquer
à l’oral sont encore peu étudiées, il parait important de réfléchir à la
relation entre explication et apprentissage.
       La compréhension est un préalable nécessaire à l’apprentissage :
on ne peut pas apprendre quelque chose qu’on ne comprend pas, à
moins, éventuellement, de le mémoriser par cœur. L’explication, en
tant que moyen de ‘faire comprendre’, permet la mise en place de
conditions propices à l’apprentissage de nouvelles connaissances, tant
disciplinaires que linguistiques. Participer activement à la construction
d’une explication permet en outre de tester sa propre compréhension,
puisque cela nécessite de structurer et d’articuler ses propres connais-
sances :

      Speakers talk not only in order to be understood by their interlocutors, but also
      in order to understand what they themselves say and think. The speaker is also
      a recipient of his own utterance. He will often only gradually realise new
      meanings, make new associations, and see novel aspects or additional prob-
      lems connected to his topics, and this often happens in and through the very
      process of verbalization, in the very moment of saying something or having
      just said something. (Linell 1998 : 94)

      [Un locuteur ne parle pas seulement pour être compris de ses interlocuteurs,
      mais également pour comprendre ce qu’il dit et pense lui-même. Le locuteur

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est également récepteur de sa propre parole. Il se rendra progressivement
      compte de nouvelles significations, fera de nouvelles associations et verra de
      nouveaux aspects ou des problèmes additionnels connectés aux thèmes dont il
      parle au moment où il en parle ou juste après.]

La démarche explicative est ainsi susceptible de déclencher un proces-
sus réflexif qui permet de restructurer ses propres connaissances afin
d’en faire émerger de nouvelles. Une étude de Swain (2000) montre
que des apprenants du français L2 amenés à verbaliser leurs raison-
nements ainsi qu’à expliquer avec leurs propres mots un texte qu’ils
ont lu (qu’ils s’adressent à un tiers ou à eux-mêmes, en soliloquant)
apprennent plus vite et mieux que des apprenants qui ne le font pas.
La verbalisation aide les apprenants à prendre conscience de leurs
difficultés et de leurs besoins langagiers, ainsi qu’à réguler leurs
propres apprentissages.
       En somme, l’explication est donc non seulement un lieu de
construction de connaissances, mais également un lieu de vérification
de sa propre compréhension (pour la personne qui explique) ou de la
compréhension de quelqu’un d’autre (pour la personne qui demande
l’explication). Une consigne d’évaluation du type ‘expliquez avec
votre propre mots’ s’inscrit dans cette démarche d’appropriation et de
déploiement de la compréhension dans le discours, par opposition à la
simple restitution d’un contenu appris par cœur. En outre, le déploie-
ment du raisonnement dans la linéarité de la parole ne nécessite pas
simplement d’‘avoir compris’, mais encore de pouvoir verbaliser sa
compréhension de manière appropriée à la situation et au destinataire
projeté de l’explication : « apprendre à expliquer, ce n’est pas ap-
prendre à dire ce que je sais et ce que je vois, c’est apprendre à gérer
mon discours avec celui de l’autre » (Treigner 1990 : 101). Pour cette
raison, la capacité à élaborer une explication est l’indice d’une maî-
trise à la fois conceptuelle, linguistique, discursive et interactionnelle
qu’on peut appeler la compétence d’explication. L’explication est
ainsi non seulement un lieu de construction de connaissances – ap-
prendre en expliquant – mais également un lieu de déploiement d’une
compétence qui peut se développer et faire l’objet d’un apprentissage
– apprendre à expliquer.

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Les études s’intéressant aux manières dont on peut apprendre en
expliquant et/ou apprendre à expliquer se focalisent généralement sur
des enfants – de l’âge préscolaire à l’adolescence – parlant leur langue
première (L1) (cf. p.ex. Barbieri/Colavita/Scheuer 1990 ; Beals 1993 ;
Berthoud-Papandropoulou/Favre/Veneziano 1990 ; Coltier/Gentilhomme
1989 ; Grandaty/Le Cunff 1994 ; Hudelot/Preneron/Salazar Orvig 1990 ;
Lepoire 1999 ; Treigner 1990, ainsi que plusieurs articles réunis dans
Hudelot/Salazar Orvig/Veneziano 2008). Les rares études sur
l’explication en contexte d’apprentissage d’une L2 portent sur des
explications d’enseignants (p.ex. Lazaraton 2004 ; Seedhouse 2009) et
ne se penchent donc pas la compétence d’explication des apprenants.
Pourtant, étant donné les relations entre explication et apprentissage –
l’explication comme lieu pour développer et tester des connaissances,
l’explication comme lieu pour le déploiement, voire le développe-
ment, d’une compétence –, l’étude de l’explication en contexte
d’apprentissage des L2 apparait particulièrement prometteuse. La
recherche présentée dans la suite de cet ouvrage se propose pour cette
raison d’aborder l’explication en classe de L2, dans le but de mieux
comprendre comment les explications y sont organisées, mais égale-
ment de décrire la compétence d’explication des élèves ainsi que les
opportunités d’apprentissage relatives à un apprendre en expliquant et
à un apprendre à expliquer qui peuvent émerger de la participation
des élèves à l’organisation des séquences d’explication.

3.3 Compétence d’explication, compétence d’interaction

Décrire la compétence d’explication implique en premier lieu de con-
ceptualiser ce qu’on entend par compétence, une notion largement
utilisée et discutée dans les champs de la linguistique appliquée et de
la didactique des langues, notamment dans les travaux francophones
(cf. p.ex. Allal 1999 ; Beacco 2002 ; Bronckart/Dolz 1999 ; Castellotti
2002 ; Dolz 2002 ; Erard/Schneuwly 2005 ; Lüdi 2006 ; Mondada
2006 ; Pekarek Doehler 2002, 2005, 2006a, 2009 ; Springer 2002 ;

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Vasseur 2002). Dans le présent ouvrage, la compétence d’explication
est envisagée comme relevant de la compétence d’interaction. Cette
notion se distancie à la fois de l’approche chomskyenne de compé-
tence linguistique et de l’approche hymesienne de compétence de
communication.
       Dans les travaux s’inscrivant dans la lignée de ceux de Noam
Chomsky et du courant générativiste, la notion de compétence linguis-
tique désigne la disposition langagière innée, abstraite et idéale de
l’individu. Elle s’oppose à la performance, c’est-à-dire à la production
langagière effective. Dans cette perspective, tous les individus, dès
l’âge de sept ans environ (sauf troubles langagiers spécifiques), sont
considérés ‘compétents’. Dans les travaux s’inscrivant dans la lignée
de ceux de Dell Hymes, la notion de compétence de communication
désigne la capacité des individus à adapter leurs productions langa-
gières au contexte d’énonciation et à ses enjeux. C’est donc une com-
pétence d’usage, incluant des savoirs et savoir-faire relatifs non seu-
lement au lexique et à la syntaxe, mais également à des règles discur-
sives (p.ex. relatives à la cohérence) ainsi qu’à des normes culturelles
et sociales (p.ex. relatives à la politesse) (pour une présentation plus
détaillée et un historique de la manière d’envisager la compétence en
langue, cf. Bronckart/Dolz 1999 ; Pekarek Doehler 2005, 2006a).
       La notion de compétence d’interaction est utilisée dans des
études qui critiquent le clivage compétence / performance de Choms-
ky ainsi que l’idéologie monologale et la vision statique du contexte
qui sous-tendent la conception de Hymes. C’est notamment le cas des
études en analyse conversationnelle (cf. chapitre 2) qui se penchent
sur l’apprentissage des L2 (p.ex. Hellermann 2007 ; Kasper 2006 ;
Markee 2000 ; Mondada 2006 ; Mondada/Pekarek Doehler 2001,
2004 ; Pekarek Doehler 2002, 2005, 2006a, 2009 ; Seedhouse 2004,
2009 ; cf. également Schegloff et al. 2002, et les contributions réunies
dans Hall/Hellermann/Pekarek Doehler 2011). Sans nier l’existence
d’une dimension individuelle et éventuellement biologiquement dé-
terminée de la compétence, ces études insistent sur le fait que la com-
pétence n’est pas enfermée dans le cerveau des individus, décontex-
tualisée, mais se déploie et se construit collectivement dans les pra-
tiques sociales, à travers les ajustements conjoints et la coordination
réciproque des participants. Cette vision de la compétence s’inscrit

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dans une conception des processus cognitifs comme doublement si-
tués, à la fois « dans les contingences locales des activités quoti-
diennes et dans la définition historique, socioculturelle de la situa-
tion » (Pekarek Doehler 2005 : 47). La compétence d’interaction se
matérialise à travers les actions que les participants déploient publi-
quement dans l’interaction, ce qui la rend observable par le chercheur.
La compétence d’interaction se déploie dans l’interaction sociale à
travers les procédures mises en œuvre par les participants pour ac-
complir des actions, les organiser en épisodes et se rendre reconnais-
sable leur compréhension mutuelle du déroulement de l’interaction.
       La notion de compétence fait parfois l’objet de subdivisions en
catégories (pour des exemples de catégorisation, cf. p.ex. Springer
2002 ; Vasseur 2002). Ces subdivisions présentent un intérêt à la fois
théorique et pratique : elles permettent de prendre comme point de
départ pour l’analyse un objet délimité, de ‘taille’ raisonnable. On
peut procéder à deux sortes de subdivisions à l’intérieur de la notion
de compétence d’interaction. Premièrement, on peut prendre comme
pour point d’entrée une des dimensions de la compétence d’interaction
et les ressources qui lui sont associées. Des dimensions pertinentes
sont la dimension linguistique – phonologie, morphologie, syntaxe,
sémantique, lexique, etc. –, la dimension discursive – règles
d’enchaînement entre énoncés, règles de progression thématique, tem-
porelle, argumentative, modalisations, etc. – et la dimension interac-
tionnelle – coordination et articulation des actions mutuelles pour
obtenir la parole, garder la parole, passer la parole, etc. Ces trois di-
mensions correspondent à trois manières d’aborder la compétence
d’interaction et non à trois composants mutuellement exclusifs de la
compétence : les ressources linguistiques sont nécessaires pour assurer
la progression entre énoncés, les règles d’enchaînement entre énoncés
sont nécessaires pour obtenir la parole, etc. Deuxièmement, on peut
prendre comme point d’entrée pour l’analyse l’ensemble des méthodes
utilisées par les participants pour accomplir une action donnée. Dans
ce cas, on peut parler de ‘sous-compétence’ : la (sous-)compétence
pour élaborer un itinéraire dans le cadre d’un travail en groupe (Po-
chon/Steinbach Kohler 2007), la (sous-)compétence pour gérer
l’émergence et la résolution d’un désaccord (Fasel Lauzon/Pekarek
Doehler/Pochon-Berger 2009) ou encore, et c’est le point d’entrée de

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la recherche présentée dans cet ouvrage, la (sous-)compétence
d’explication.

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