L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon

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L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
L'implantation du Center Parcs de
     Chambaran dans la commune de
                              Roybon
  L´action des acteurs de la gouvernance locale par rapport aux
                  externalités d´un projet touristique

               Josselin PATRON et Hugo TOUSSAINT

Master 2 ADR promotion 2013/2014 – travail réalisé dans le cadre de l´UE 3A
L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
Sommaire

    Introduction                                                                                               2

    Partie 1 : Les atouts et les limites du projet de Center Parcs à Roybon                                    4
       I.         Un territoire qui présente de nombreux atouts pour le projet                                 4
             1.    Le concept de Center Parcs repris par le groupe Pierre & Vacances                           4
             2.    La proximité des axes de communication, une vaste forêt communale                           8
             3.    Des retombées positives pour le territoire                                                  10
       II.        L’externalisation de certains risques                                                        11
             1.    La dégradation de la qualité de la ressource en eau et de l’environnement                   11
             2.    Les problèmes de gestion quantitative de l’eau                                              15

    Partie 2 : Un territoire qui mise sur un projet ambitieux mais décidé hors du contexte local               19
       I.         Une commune fragilisée, prête à tout                                                         19
             1.    Un pari sur l’avenir                                                                        19
             2.    Roybon : une commune surendettée                                                            21
             3.    Un classement en Zone de Revitalisation Rurale (ZRR) déterminant                            23
       II.        Des élus locaux dépassés par les décisions et le contexte national                           25
             1.    La vision et la stratégie d’un grand groupe                                                 25
             2.    Un bilan positif immédiat pour les communes d’implantation de Center Parcs, mais mitigé à
plus long terme                                                                                                26
             3.    Le soutien et la générosité des aides publiques françaises                                  30

    Conclusion                                                                                                 33

    Bibliographie et sitographie                                                                               35

    Table des illustrations                                                                                    38

    Table des matières                                                                                         39

    Annexes : comptes rendus d’entretiens                                                                      40

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L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
Introduction

         En vieux français « Chambaran » signifie les champs bons à rien, en effet la qualité du
sol médiocre a permis à la forêt d´être relativement épargnée des extensions des terres
agricoles successives du passé. Cette forêt de Chambaran de 10 000 hectares située sur la
commune de Roybon est depuis 6 ans le théâtre d'un projet touristique qui est la construction du
5ème Center Parcs de France. La société Pierre & Vacances détentrice de la marque a en effet
lancé ce projet avec l´accord d'une large majorité de la classe politique locale avec comme
principale motivation le fait que le projet apporterait des recettes fiscales et des emplois
inattendus dans une telle zone rurale.
         Pourtant, malgré cet apparent plébiscite une association du nom «Pour les Chambaran
sans Center Parcs» (PCSCP) a, à plusieurs reprises, entravé le déroulement du projet par des
recours contre le permis de construire entre autre. L'association forte de 800 membres justifie
son opposition par des motivations écologiques, économiques ou encore de type «pas dans
mon arrière-cour».
         Ce conflit d´opinion important puisque le projet a d’ores et déjà pris au moins 3 ans de
retard a suscité notre intérêt car il oppose la classe politique unanime aux riverains. Il est
également une illustration des différents niveaux de vision que peuvent avoir les acteurs d'un
territoire au sujet des externalités d´un projet tel que le Center Parcs. Nous avons donc pris
comme axe de réflexion : Dans quelles mesures les élus locaux peuvent-ils appréhender un
projet d'aménagement touristique d'importance régionale en vue d'un développement durable
de leur territoire ?
         Nous proposons dans une première partie de présenter le territoire d´implantation du
projet, de ses forces et de ses faiblesses à accueillir un tel projet et comment celui-ci agirait sur
les conséquences en termes économiques et écologiques. Dans un second temps, nous
élargirons l'étude pour montrer que ce projet fait intervenir des facteurs multiples s'étendant au-
delà de la seule commune de Roybon. Notre méthodologie a consisté principalement en le
recueil de divers document législatifs, d'étude ou encore promotionnels au sujet du Center
Parcs ; nous avons également effectué une sortie de terrain le 17 décembre 2013 à Roybon
pour interroger les soutiens et les opposants au projet.

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L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
Figure 1 : Carte de localisation du projet de Center Parcs de Chambaran.   Hugo TOUSSAINT et Josselin PATRON

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L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
Partie 1 : Les atouts et les limites du projet de Center Parcs à Roybon

           La communication abondante que les porteurs de projets fournissent aux collectivités et
aux citoyens dévoile uniquement les aspects positifs de tels projets d’envergure. Nous allons
rappeler et développer quels en sont les atouts spécifiques du futur Center Parcs.

  I.      Un territoire qui présente de nombreux atouts pour le projet

           Le site est situé sur un plateau à environ 600 m d’altitude au sud-est du bourg de
Roybon. Cependant, un Center Parc ne s’adapte pas au territoire, il s’agit d’un modèle bien
établi.

       1. Le concept de Center Parcs repris par le groupe Pierre & Vacances

           Center Parcs est à l´origine une société néerlandaise fondée en 1968 dans le but de
créer des lieux de vacances dans un cadre «proche de la nature» mêlant confort moderne et
sentiment de retour à la nature. Au début cantonné aux Pays-Bas l´entreprise construit plusieurs
sites en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni et enfin en France. L´entreprise après avoir
été possédée par un groupe anglais est rachetée en 2000 pour 672 millions d´euros par la
société française Pierre & Vacances spécialisée dans la location de résidences de loisir.
           Depuis, quatre complexes ont été construits en France dont le plus grand étant en
Normandie. Deux projets ont également été mis sur pied : l´un dans la Vienne prévoit d´ouvrir
en 2015 et l´autre sur lequel porte ce travail se trouvera sur la commune de Roybon et prévoit
d´ouvrir lui aussi en 2015.
           Un Center Parcs (le nom désigne la marque et le lieu) présente toujours la même
organisation spatiale : un espace central et couvert qui concentre les principaux services
(administration, restaurants) et également un «aquamundo», espace aquatique intérieur
composé de piscines, bains bouillonnants. Cet aspect est toujours largement relayé dans les
publicités du groupe. Autour de ce bâtiment principal se trouve des chalets qui accueillent à
proprement dit les touristes. Ils se trouvent le plus souvent dans un espace boisé et aménagé :
pistes cyclables, activités et loisirs de plein air (parcours dans les arbres, tir à l´arc...).

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L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
Figure 2 : Plan du futur Center Parcs de 200ha. L´ensemble blanc au centre sera le futur Aquamundo, le long
    des chemins en marron seront les chalets pour un total de 1021. La partie tronquée en haut accueillera un
    parking de 2000 places.                                 Source : services techniques de la mairie de Roybon

         Les chalets, en bois respectent les normes de Haute Qualité Environnementale (HQE).
L'entreprise est également à cheval sur les principes de responsabilité sociale, en particulier sur
l´écologie : tri des déchets, interdiction des loisirs à moteur,… L'emprise au sol d´un Center
Parcs est variable selon les critères retenus. Dans les Chambaran la surface totale est de 200
ha mais seul 50 ha seront aménagés1.
         Le Center Parcs offre aux visiteurs la possibilité de vivre véritablement coupé du reste
du territoire en ne consommant que dans le complexe et souvent sans en sortir : 90% des
touristes. La plupart des séjours à Center Parcs s’étale sur un long week-end (ou mid-week) ce
qui rend ce modèle de consommation possible. Récemment, ceci a été mis en avant par des
collectivités (en Lorraine notamment) pour critiquer le fait que les touristes ne viennent pas
consommer sur leur territoire. Pierre & Vacances essaye donc de remédier à cela en invitant
entre autre des artisans locaux à vendre dans le parc.

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           Groupe Pierre et Vacances. Résumé non technique de l'étude d'impact du Center Parcs.
Janvier 2010.

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L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
Le modèle économique d´un Center Parcs se décompose ainsi : La Société Pierre &
Vacances décide d'un lieu d´implantation avec l´accord des pouvoir publics. Il s´agit de la
commune mais également de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont
elle est membre si il y en a un, du département et de la région. Ceci s´inscrit pleinement dans
une stratégie de gouvernance décentralisée puisque l´État en dehors du préfet n'a pas de rôle
décisionnel. De plus, le projet de Center Parcs est représentatif des investissements croisés
privés et publics couramment employés dans les opérations d'aménagement du territoire en
France.
          Les collectivités en plus de donner leur accord à Pierre & Vacances à la construction,
financent une partie du projet (37,5 millions d´euros pour le cas de Roybon). A cela s´ajoute la
vente du terrain à un prix très modéré à la société (0,30 euros le m² à Roybon). Pierre &
Vacances maître d'œuvre, construit le complexe en un peu moins de deux ans. Ici, la différence
est que Pierre & Vacances revend chacun des cottages à des particuliers qui bénéficient de
certains avantages à l´achat comme celui que leur fourni la loi Censi-Bouvard. Celle-ci permet,
dans le cas d'achat d'immobilier neuf et meublé une réduction d´impôt sur le revenu étalée
pendant 9 ans pour le propriétaire à hauteur de 11% du prix hors taxes. Ceci correspond à
27 500 euros de niche fiscale sur l´achat d'un chalet, soit 27,5 millions d’euros à l’échelle du
Center Parcs.
          Les chalets ainsi vendus, la compagnie se garde la mission de les louer, de les
entretenir et bien sûr de faire fonctionner la totalité du complexe de loisir. En plus d´être un
projet de tourisme, Center Parcs est également un projet d´investissement immobilier
destiné aux particuliers.

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L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
Figure 3 : Localisation de la commune de Roybon.   Josselin PATRON et Hugo TOUSSAINT

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L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
2. La proximité des axes de communication, une vaste forêt communale

         Expliquons brièvement pourquoi ce site a été spécifiquement choisi. Pierre & Vacances
possède déjà quatre Center Parcs en France tous situés dans la moitié nord du pays.
L´entreprise considère que la zone de chalandise d´un site s´étend dans un rayon d’environ 200
km autour : une implantation dans le sud de la France poursuit une logique d´expansion voulue.
Commune rurale située au milieu du triangle formé par les villes de Lyon, Valence et Grenoble,
Roybon présente de nombreux traits propres aux territoires ruraux tels que la baisse de la
démographie et le manque d´attractivité en termes d´emplois.
         Le site de Roybon présente de nombreux avantages : il ne concurrence pas d´autre
Center Parcs, est proche de zones densément peuplée et à proximité de l´A7, une des
autoroutes les plus fréquentée de France. Ceci combiné, il apparaît que le projet de Roybon
pourrait être fortement rentable (Pierre & Vacances table sur 80% d´occupation en moyenne).
L´absence de voie ferrée n´est pas un frein pour le développement du site, l´immense majorité
des visiteurs se rend sur place avec leur voiture personnelle, la taille du parking est par ailleurs
importante dans tous les Center Parcs, 2 000 places pour celui de Roybon. La commune est par
ailleurs bien reliée par le réseau routier, 6 routes départementales la traversent permettant de
relier entre autre l´autoroute A7 en 45 minutes.
         L'une des particularités de la commune est sa taille (67km²) comparée au nombre
d´habitants (1300). Elle accueille également la Forêt de Chambaran qui s’étend sur 10 000
m². Majoritairement privée, certaines portions sont publiques et sont donc aptes à accueillir un
projet appuyé par les pouvoirs publics tel que le Center Parcs.

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Examinons le site proprement dit : il se trouve en Isère à la frontière nord de la Drôme
en face du Massif du Vercors. La région naturelle est celle du plateau de Chambaran au climat
sensiblement plus doux que les Terres froides du nord de l´Isère. Cependant, la mise en valeur
de ces terres est rendue difficile en raison d’un sol très humide.

             Figure 4 : bois des Avenières, malgré plusieurs jours sans pluie, la nappe d´eau affleurant
                provoque des ruissellements dans les sillons formés par les chemins de randonnée.

        L’existence d´une zone boisée appartenant à la commune est fondamentale pour
permettre la naissance du projet, le choix s´est vite porté sur le bois des Avenières l´une des
rares zones suffisamment grande et possédée par la commune. Enfin le plateau sur lequel le
site s'implantera est caché de la plupart des points de vue environnants ce qui lui permet de se
fondre relativement bien dans le paysage.
        Le choix d´un site n´est pas que géographique et pratique, il est aussi mû par des
décisions politiques. Pierre & Vacances a ainsi contacté la commune dès 2007. D'autres
communes de la Drôme avaient été envisagées mais le département prévoyait de moins
contribuer financièrement au projet que le département de l´Isère. Le projet a en outre fait

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consensus parmi l´ensemble de la classe politique de la commune de Roybon à la
Région Rhône-Alpes.
         Résumons brièvement la chronologie du projet: après avoir décidé de l´implantation du
complexe, la commune révise en 2009 sont PLU pour permettre le dépôt d´un permis de
construire, à l´origine il était prévu une ouverture en 2012 mais c´est en 2010 que l´association
«Pour les Chambaran Sans Center Parcs» (PCSCP) s'est formée et a commencé à déposer de
multiples recours contre le projet.

   3. Des retombées positives pour le territoire

         L´implantation d´un Center Parcs pourrait, grâce aux retombées économiques comme
la Contribution économique territoriale (ancienne taxe professionnelle), contribuer à enrichir
fortement la commune. Les exemples sont nombreux de ces communes ayant accueilli un
projet d´envergure régionale voire nationale pour augmenter leurs recettes comme l'a fait Saint-
Vulbas avec la centrale nucléaire du Bugey. Il est prévu que 12 ans suffiraient à amortir les
investissements réalisés par les collectivités.
         En premier lieu la commune recevra la taxe locale d´équipement de 1,5 million
d´euros puis ensuite, tous les ans la taxe foncière sur le bâti à un demi-million d´euros.
L´intercommunalité touchera quant à elle 1,2 million d´euros par an, la région et le département
toucheront également des sommes significatives.
         Avant même son ouverture le Center Parcs générera déjà des retombées économiques
grâce aux 80 travailleurs du chantier qu´il faudra loger et nourrir pendant 1 an. De plus 12
millions d'euros seront dépensés en fourniture pour la construction. Une fois construit, le Center
Parcs pourrait créer près de 700 emplois. Le bassin d’emploi du Center Parcs pourrait s’étendre
dans un rayon de 25 km. Les commerces et les hébergements de la ville de Roybon espèrent
profiter de cette hausse de la clientèle en augmentant leur recette.

         Enfin, mise à part l´économie, la commune fait savoir que le Center Parcs aurait des
incidences minimes sur son environnement :
         La municipalité fait valoir plusieurs arguments dont le fait que le bois des Avenières
n'est pas une « Forêt primaire » mais un espace créé par l´Homme. Comme nous l´a confirmé
M. Mounier, le bois est utilisé surtout pour des coupes d´affouage. Le rapport concède qu'un
« impact écologique est inévitable mais que l’enjeu économique et le développement induit pour
Roybon […] sont tellement importants que la Commune, la Communauté de Communes, le
Conseil Général et la Région ont fermement soutenu ce projet depuis les premiers contacts

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avec l’aménageur ». Les impacts selon ce rapport seront minimes et les zones humides
détruites seront recréées comme le stipule le SDAGE Rhône-Alpes, cependant il reste encore à
la mairie à acheter les terrains adéquats.
         Le Center Parcs pourra être également un moyen d´attirer des touristes dans une
région méconnue, il sera le relais du mot «Isère» et «Chambaran» à travers le reste de la
France. Il vient compenser le déséquilibre entre tourisme blanc et tourisme vert dans le
département de l’Isère.
         En temps de crise, le Center Parcs représenterait donc une « bouffée d'air » pour la
commune mais aussi pour la région environnante. C´est précisément cet argument économique
qui créer « l’union sacrée » entre tous les politiques mais aussi avec une part importante des
habitants pour qui l´emploi est la priorité.

 II.   L’externalisation de certains risques

         Il semble pourtant évident que l’implantation d’une seconde ville de 5 000 habitants sur
un territoire qui n’en compte que 1 300 aura des conséquences immédiates sur le territoire. Il
faut que l’aménageur prenne en compte cette modification soudaine de l’environnement.

   1. La dégradation de la qualité de la ressource en eau et de l’environnement

         Le site retenu pour l’implantation du complexe touristique se situe en tête de bassin,
sur la ligne de crête qui sépare 2 bassins versants : l’Herbasse et la Galaure. La première
rivière qui s’écoule dans le département voisin (Drôme) est davantage concernée que la
seconde qui s’écoule en Isère. C’est pour cela que l’on retrouve un grand nombre d’associations
opposées à ce projet dans le département de la Drôme. La raison est également politique car
les associations iséroises, dépendantes des subventions départementales ne se positionnent
pas officiellement en opposition au projet.
         Or, le SDAGE 2010-2015 classe ces deux rivières en réservoirs biologiques. Il faut
savoir que le site est un lieu important de recharge pour la nappe de la molasse du miocène du
bas-Dauphiné. Cette ressource d’eau importante au niveau régional est actuellement de très
bonne qualité car plus profonde, et donc davantage filtrée par les roches qu’elle traverse. Si la
qualité de l’eau est intacte, la capacité de rechargement de cette nappe est limitée. Sur les
900mm/an de pluies, environ 300mm/an alimentent la nappe alors que 600mm s’évaporent.

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C’est pour ces raisons que « la nappe de la molasse est inscrite au SDAGE Rhône‐
               Méditerranée comme une masse d’eau d’enjeu régional, vulnérable et à préserver pour la
               satisfaction des besoins en eau potable des générations futures »2. Les zones d’infiltration des
               eaux anciennes (en vert) sur la carte matérialisent donc plus spécifiquement les zones à
               préserver pour le maintien de la qualité et le rechargement de la nappe.

Figure 5 : Fonctionnement de la nappe de la molasse du miocène du Bas-Dauphiné.                      Source : Caves Tiffanie, 2011

                          L’imperméabilisation d’une trentaine d’hectares à proximité de Roybon va donc réduire
               légèrement sa capacité de rechargement et augmenter le risque de pollution de cette
               nappe captive.

                          2
                           CAVES Tiffanie. Etude des écoulements au sein de la nappe de la molasse. Thèse de
               doctorat, Université d’Avignon, décembre 2011.

                                                                                                              12
De plus, la capacité d’absorption et de filtrage de l’eau risque d’être également réduite
par le drainage d’une large partie du bois. En effet, la majorité du sol du site d’implantation est
hydromorphe en raison de sa granulométrie et d’une lente migration des argiles vers le bas du
profil pédologique. La conséquence d’un tel profil de sol est un faible écoulement de l’eau
vertical comme horizontal en situation de topographie plane. Cela explique la présence de
nappes perchées au niveau fluctuant, ainsi que de nombreuses zones humides.

        En 2009, le Conservatoire des espaces naturels de l’Isère faisait état de plus de 4 000
hectares de zones humides sur le plateau de Chambarans et la tête du bassin versant de la
Galaure3. Le « plateau au sud-ouest de Roybon » (dont fait partie le bois des Avenières)
représente à lui seul 12,13% des zones humides de la commune de Roybon, soit environ 816
ha. L’implantation du complexe touristique va donc nécessiter une vaste opération de drainage
avant l’implantation des infrastructures et des cottages. Or, il s’agit d’un futur surcoût pour la
collectivité puisque l’on peut estimer que le pouvoir d’épuration des zones humides permet une
économie de traitement de l’eau potable estimée à 2 000 euros/ha/an4
        Les habitats de zones humides sont protégés au niveau national en raison de leur
disparition rapide au profit d’espaces agricoles ou urbains. Ils abritent des espèces spécifiques
qui, en raison de la disparition de leur habitat sont également protégées. C’est le cas du bois
des Avenières où l’on retrouve de nombreuses espèces patrimoniales, emblématiques de ces
milieux humides préservés. Cet espace enclos de plus de 200 hectares présentera également
un obstacle majeur à contourner pour la faune sauvage. Il vient interrompre des corridors
biologiques régionaux.
        Le Center Parcs devra présenter une station de traitement des eaux pour cette ville de
5 000 habitants, l’eau de vidange du complexe aquatique et l’eau de ruissellement des parkings
(hydrocarbures). Le SDAGE exige que le porteur de projet prenne également en charge la
compensation de la destruction de zones humides. Il s’agit de recréer ou d’agrandir des zones
humides préexistantes sur un bassin versant qui reste à définir. Le respect de la loi sur l’eau
fera bientôt l’objet d’un rapport de la part du commanditaire. Les opposants pourront ensuite
entamer une procédure judiciaire en cas de non-respect de cette loi.

        3
            Inventaire des zones humides du département de l’Isère, 2009
        4
            « Pour les Chambaran sans Center Parcs »

                                                                                                13
Figure 6 : Le site d’implantation est essentiellement constitué de zones humides situées sur le bassin versant de l’Herbasse.   Hugo TOUSSAINT et Josselin PATRON

                                                                                                                                                     14
Les zones humides ont un rôle indéniable sur la qualité du milieu en tant que filtre pour
les nappes phréatiques et d’habitat pour des espèces protégées. Mais elles jouent également le
rôle de tampon entre des périodes de fortes précipitations et des périodes plus sèches.

   2. Les problèmes de gestion quantitative de l’eau

         Les zones humides agissent effectivement comme de « gigantesques éponges » à
l’échelle d’un bassin versant. En période de forte précipitation, les zones humides absorbent
une quantité importante d’eau, qui va réduire le ruissellement et le risque de crue. A l’inverse, en
période de sécheresse, les zones humides libèrent très lentement l’eau stockée pour soutenir le
débit d’étiage des cours d’eau. C’est le rôle que jouent les zones humides du plateau des
Chambarans sur les bassins versants de la Galaure et de l’Herbasse.
         En automne 2013, l’Ardèche et la Drôme ont connus des précipitations record. Lors de
cette épisode orageux, l’Herbasse a connu un épisode de crues qui a occasionné de nombreux
dégâts matériels. Or, L’emprise du site concerne essentiellement ce bassin versant très sensible
aux inondations. 87% des eaux de précipitation du site se retrouveront dans le bassin versant
de l’Herbasse contre seulement 13% dans le bassin versant de la Galaure. L’artificialisation des
sols, le drainage et le tassement dû aux infrastructures en tête de bassin versant augmentera
l’ampleur et les dégâts de ces épisodes de crues exceptionnelles.

                                                                                                 15
Figure 7 : Conséquence des inondations de l’automne 2013 à St Donat sur l’Herbasse.

        Ces faits d’actualité ont fait prendre conscience au commanditaire la nécessité de
prendre en compte ce risque. Il prévoit donc de créer des bassins de rétentions sur le site pour
absorber les surplus ponctuels de précipitation. Or, les conditions de l’automne 2013 ont été
désastreuses en raison d’un épisode orageux à la suite d’abondantes précipitations les jours
précédents. Des bassins de rétentions à ciel ouvert n’auraient donc pas permis de stocker ce
nouveau surplus d’eau. Il faut donc recréer artificiellement des zones tampons pour recréer la
fonction des zones humides. Depuis les années 2000, de nombreux projets urbains ont adopté
un nouveau type de bassin de rétention : les Structures Alvéolaires Ultra-Légères (SAUL). Leur
généralisation de ces systèmes a notamment été favorisée par la loi sur l’eau de janvier 1992. Il
s’agit de structures alvéolaires (ou nid d’abeille) enterrées qui résistent aux compressions mais
présentent un taux de vide supérieur à 90%5. Leur intérêt est donc double : une grande capacité
d’absorption     et   une     emprunte      paysagère      moindre.      Ses     structures    libèrent   ensuite
progressivement l’eau accumulée par infiltration ou rejet à débit contrôlé. Ils sont toutefois plus
onéreux que les bassins de rétentions classiques à ciel ouvert.

        5
            http://structures-alveolaires-saul.fr/

                                                                                                              16
Figure 8 : Exemple de bassin de rétention des eaux alvéolaire dans l’Oise.   Source : http://www.lemoniteur.fr/

          Enfin, l’autre problématique concerne la gestion de l’eau en période d’étiage des cours
d’eau. Ces complexes à thème orienté sur les loisirs d’eau sont par définition particulièrement
gourmands en eau. Les prélèvements prévisionnels pour alimenter le complexe touristique
seraient de l’ordre de 1 200 m³/jour pour 5 000 personnes hébergées6. « Les besoins en eau
liés à ce projet sont l’équivalent de la consommation quotidienne d’une ville de 8 000
habitants »7.
          Selon la DREAL, Les conséquences de l’alimentation en eau du Center Parcs n’ont pas
été suffisamment étudiées : « Le rapport de compatibilité avec le SDAGE Rhône -Méditerranée
n’est pas abordé. En effet, dans un bassin versant où la question de la ressource en eau est

          6
            « Le projet Center Parcs des Chambaran et ses conséquences sur l’eau et les milieux
aquatiques » Fédérations de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques (F.P.P.M.A) de la Drôme et de
l’Isère.
         7
           Ibidem.

                                                                                                           17
sensible, le prélèvement lié directement au Center Parcs fait augmenter la demande en eau
potable sur le bassin de Bièvre-Liers-Valloire de 15 % »8.
        Le porteur de projet du complexe touristique a prévu de pomper une grande partie de
ses besoins en eau dans la vallée de la Bièvre et la Galaure. Or, ces cours d’eau font déjà
actuellement l’objet de prélèvements importants pour l’agriculture. L’accès à l’eau est fortement
réglementé. Le risque de conflit d’usage entre les agriculteurs exploitants dans la vallée de la
Galaure et le Center Parcs semble inévitable. Le porteur de projet prévoit de déverser les eaux
usées dans la vallée de l’Isère (changement de bassin versant), ce qui présente une atteinte au
système hydrologique naturel.

        A cette liste de conséquences négatives de l’implantation du site de Center Parcs, il
faut ajouter l’aspect confiscatoire pour les habitants. Certes, la commune dispose d’une
surface importante de forêt mais la perception des habitants doit être prise en compte.
Actuellement, le      bois des Avenières possède plusieurs usages sociaux et récréatifs :
promenade, chasse, cueillette et l’exploitation du bois sous forme de coupe d’affouage.
Cependant, la mairie de Roybon ne met pas en valeur ce bois dont elle est propriétaire pour
préparer les habitants à ce changement d’usage.

        8
            Ibidem.

                                                                                              18
Partie 2 : Un territoire qui mise sur un projet ambitieux mais décidé
hors du contexte local

           Les Center Parcs sont des projets ascendants, qui tiennent peu en compte les
spécificités socio-économiques du milieu. Le cas de Roybon est pourtant très spécifique.

  I.      Une commune fragilisée, prête à tout

           Si la commune de Roybon souffre de problèmes structurels, la société Pierre &
Vacances – Center Parcs présente elle aussi des difficultés depuis plusieurs années.

       1. Un pari sur l’avenir

           La prise de risque de la collectivité ne pèse pas uniquement sur les conséquences
environnementales. En effet, la vitalité économique d’un groupe comme Pierre & Vacances est
toujours difficile à évaluer en raison des multiples filiales et sous-traitants. On peut toutefois se
fier aux indicateurs boursiers qui donnent une idée de la santé du groupe. Or, il semble que
celui-ci n’a cessé de perdre de la valeur depuis 2007. Il faut dire qu’au cours de cette année la
valeur de l’action a atteint une valeur record : 117 euros.

  Figure 9 : Variation de la valeur de l’action Pierre & Vacances depuis 10 ans   Source : http://bourse.latribune.fr/
                                                                                                                   19
Mais depuis cette date, la valeur de l’action n’a cessé de chuter. Elle atteint même 11
euros en 2012. La stratégie du groupe s’oriente donc vers la relance de programmes de
construction et de communication. L’effet d’annonce, l’investissement et la vente anticipée des
cottages des projets de Pierre & Vacances a permis une hausse de cette valeur en 2013. Le
groupe a effectivement lancé la construction d’un nouveau Center Parcs dans le département
de la Vienne. Enfin, il prévoit de construire le plus grand Center Parcs de France à Roybon.
Ainsi, grâce à ces effets d’annonce et au résultat d’exploitation positif en 2013, la valeur
boursière de Pierre & Vacances connait un second souffle en cette fin d’année 2013. Elle atteint
ainsi une trentaine d’euros en ce début d’année 2014.

                                           2011                           2012                      2013
                                                                   1 419 millions
    Chiffre d’affaire           1 470 millions d’euros                                    1 307 millions d’euros
                                                                         d’euros
         Résultat                                                  -6,95 millions
                                 29,3 millions d’euros                                     2,6 millions d’euros
     d’exploitation                                                      d’euros
                                     10,5 millions                 -27,4 millions              -47,7 millions
      Résultat net
                                         d’euros                         d’euros                  d’euros
           Dette                 103 millions d’euros          177 millions d’euros         173 millions d’euros
   Investissements               36,1 millions d’euros                                      26 millions d’euros
Tableau 1 : Evolution récente du compte de résultat Pierre & Vacances.              Données : http://www.zonebourse.com/

          Les dirigeants du groupe justifient les mauvais résultats du groupe par la crise mais
aussi par les investissements importants en cours. On constate pourtant une baisse des
investissements entre 2011 et 2013. Confiants sur le potentiel économique et touristique
européen, ils espèrent retrouver un résultat positif et préparer l’avenir du groupe. Les
prévisionnistes ne prévoient pourtant pas un retour aux marges des années 2007/2008 (voir
figure 9). Cependant, les actionnaires devraient réinvestir dans la société en 2014 grâce à ces
prévisions.

                                                                                                                  20
Figure 10 : Graphique qui présente l’évolution et les prévisions des résultats de PVCP.

           En accueillant un projet de Pierre & Vacances, les collectivités misent sur une société à
la santé économique fragilisée dont le modèle économique est basé sur une croissance
indispensable à sa survie. La conjoncture actuelle et la volatilité des marchés ne permettent pas
d’assurer l’exactitude des prévisions. En cas de cessation de paiement, Roybon pourrait
accueillir une friche touristique si aucun acquéreur ne se présente.

    2. Roybon : une commune surendettée

           La commune de Roybon est comme beaucoup d´autre commune rurales de sa taille,

Figure 11 : L’évolution de la dette par habitant de Roybon (en bleu).     Source : ministère de l’économie et des finances.

                                                                                                                       21
dans une situation où peu d´investissements économiques sont entrepris. De plus elle est l'une
des communes les plus endettées de France avec 5 173 euros par habitants en 2012, le chiffre
s´est par ailleurs creusé fortement ces dernières années comme nous le voyons dans le tableau
ci-dessous. C’est la 44ème commune la plus endetté de France9.

        En outre, l´implantation d´un Center Parcs pourrait, grâce aux retombées économiques
et aux différentes taxes contribuer à enrichir fortement la commune :
                   la   Contribution        Economique         Territoriale        (CET   ou     ancienne         taxe
                    professionnelle), qui rapporterait à la commune environ 1,2 millions d’euros par
                    an
                   la taxe de séjour : environ 700 000 euros par an
                   la taxe foncière : environ 800 000 euros par an10
        Soit un total de près de 3 millions d’euros de recettes supplémentaires à répartir entre
les différentes collectivités, dont la moitié pour la commune. Une aubaine pour l’équipe
municipale sortante, première responsable de l’endettement de la commune.
        On perçoit alors l’utilité de ce projet pour assainir les finances municipales. Il faut dire
qu’en 2012, la commune a dépensé un peu moins de 150 000 euros du 1 millions d’euros de
budget11 pour rembourser ses dettes.

            Figure 12 : Répartition des dépenses de la commune de Roybon en 2012.     Source : http://roybon.fr/

        9
          http://www.journaldunet.com/
        10
           Association « Pour les Chambrans sans Center Parcs »
        11
           http://roybon.fr/

                                                                                                                    22
La mairie, propriétaire du bois a donc décidé de céder le bois des Avenières, terrain
devenu constructible suite à la révision du PLU, pour 0,30 euros/m². Ce cadeau de la part de la
mairie est à la hauteur des attentes de la commune. Selon l’association de soutien au projet
« Vivre en Chambaran » le prix moyen du m² constructible à Roybon est de 18 euros/m². Les
grands projets bénéficient donc d’avantage non-négligeables pour s’installer par rapport aux
particuliers ou aux petites entreprises.
         Les élus communaux estiment cependant que la commune a un autre point faible plus
difficile à surmonter.

    3. Un classement en Zone de Revitalisation Rurale (ZRR) déterminant

         La commune de Roybon connait effectivement une certaine stagnation sur le plan
démographique. La pyramide des âges de la commune présente les caractéristiques d’une
commune vieillissante : environ 20% des habitants ont plus de 60 ans mais qui correspond à la
moyenne nationale. Les personnes âgées participent d’ailleurs à la vie économique puisque le
premier pôle d’emploi de la commune est la maison de retraite.
         La commune a pourtant été classée en Zone de Revitalisation Rural établi à l’échelle
nationale. Ce zonage est principalement établi à partir de deux critères12 :
                   Une (très) faible densité de population à l’échelle de l’intercommunalité, du
                    canton ou de l’arrondissement.
                   Avoir connu une baisse de population, de population active ou avoir population
                    active agricole supérieur au double de la moyenne nationale.
         Le canton de Roybon répondait à tous ces critères lors de l’établissement du zonage et
de sa ratification en 2013 par arrêté ministériel. C’est d’ailleurs le seul canton de l’Isère et de la
Drôme inscrit en ZRR et répondant à des critères d’altitude et de prix du foncier peu élevé (voir
carte figure 12).

         12
              http://www.datar.gouv.fr/

                                                                                                   23
Figure 13 : Roybon, seul canton de l’Isère classé en ZRR à faible altitude.   Carte réalisée sur le site internet de l’Observatoire des territoires.

                                                                                                                                  24
Or, le fait d’implanter son activité en ZRR procure plusieurs avantages fiscaux pour les
promoteurs de complexe immobilier destiné au tourisme. « L’investissement en résidence de
tourisme située en ZRR, permet, de bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 25 % du montant
de l’investissement, dans une certaine limite, mais aussi de récupérer la TVA. Le propriétaire
doit s’engager à louer le logement nu pendant au moins neuf ans à l’exploitant de la résidence
de tourisme »13. D’où une durée de bail des cottages des Center Parcs fixé à 9 ans.
         On constate ainsi que les critères d’implantations des Center Parcs ne répondent pas
uniquement à des critères économiques ou touristiques mais également à des critères fiscaux.
Mais ces décisions se font à une échelle qui dépasse l’échelon local.

 II.   Des élus locaux dépassés par les décisions et le contexte national

   1. La vision et la stratégie d’un grand groupe

         Le rapport de force entre les collectivités et les grands groupes est d’autant plus
déséquilibré en période de crise. Les arguments de Pierre & Vacances pèsent effectivement très
lourd pour les élus : des centaines d’emplois et surtout l’effet d’annonce qui l’accompagne. Fort
de cet avantage stratégique, la société espère ainsi capter des investissements publics alloués
au développement territorial. Pour y parvenir, la mise en concurrence des collectivités
territoriales est le meilleur moyen.
         Les limites de région ou de département sont des espaces souvent peu peuplés, en
limite de bassin de vie, qui offrent de vastes espaces peu convoités et donc propices à
l’implantation de Center Parcs. Il est ainsi aisé au porteur de projet de présenter des projets aux
départements et région limitrophes et de réaliser son choix en fonction du soutien octroyé. C’est
le scénario qui s’est produit pour le projet de Center Parcs de Roybon où le choix d’implantation
dans le département de l’Isère a été privilégié au département de la Drôme. Le Conseil général
de l’Isère a ainsi choisi d’investir 15 millions d’euros dans ce projet tandis que le Conseil
Général de la Drôme souhaitait investir seulement 5 millions d’euros14.
         Bien que les collectivités tentent de négocier des contreparties en échange de leur
aide, le porteur de projet d’une multinationale n’a pas la même définition du local. L’échelle
locale de Pierre & Vacances correspond ainsi davantage à l’échelle régionale alors que le
département et les communes investissent davantage dans ce projet. L’illustration se retrouve
dans la communication sur le site internet du groupe Pierre & Vacances : « Des achats locaux

         13
              http://www.loi-defiscalisation.fr/
         14
              « Pour les Chambaran sans Center Parc »

                                                                                                25
(ex. un tiers des achats du Center Parcs de l’Ailette réalisé dans la région dès la première
année d’exploitation). Une politique de recrutement favorisant la diversité, l’emploi des jeunes et
des seniors »15 La communication est parfaitement soignée et les propos suffisamment évasifs
offrent au groupe une grande liberté d’action contre la confiance des acteurs du territoire.
         Une fois implanté, il est extrêmement facile à Pierre & Vacances de présenter des
statistiques qui prouvent le respect de leurs engagements. La stratégie du groupe est de monter
une multitude de société et de déléguer de nombreuses activités. L’activité de restauration est
par exemple déléguée au groupe Elior, implanté dans 14 pays. L’intérêt est donc multiple :
         -     jouer sur les différents statuts qu’offrent ses sociétés en matière d’avantages
               fiscaux
         -     communiquer les statistiques de la société choisie
         -     séparer les activités pour pouvoir sous-traiter lorsqu’elles ne sont pas rentables.
         Prenons l’exemple de l’engagement du Center Parcs de la Vienne. Le groupe s’engage
« à ce que 85 % des emplois créés en phase d'exploitation soient « réservés à des habitants de
la Vienne. Et 65 % en priorité attribués à des chômeurs ou des bénéficiaires de minima
sociaux. »16
         Or, parmi les 698 emplois annoncés pour le Center Parc de Roybon, on compte près
de la moitié de temps partiels destinés aux ménages. Le mode de gestion diffère peu d’un
Center Parcs à un autre. On sait qu’il s’agit de contrats de moins de 12 heures par semaine, qui
permettent de gagner moins de 400 euros par mois. Ce sont ces emplois précaires qui sont plus
facilement supprimés comme nous montre les autres Center Parcs français.

   2. Un bilan positif immédiat pour les communes d’implantation de Center Parcs,
       mais mitigé à plus long terme

         L’ouverture du premier Center Parcs en France date de 1988, dans le département de
l’Eure. Nous allons dresser le bilan statistique de ces trois communes du nord de la France qui
ont accueilli les trois premiers Center Parcs français.

         15
              http://www.groupepvcp.com/
         16
              http://www.lesechos.fr/

                                                                                                     26
Domaine des            Domaine des Hauts de            Domaine du Lac
       Nom et lieu                Bois-Francs à          Bruyères à Chaumont-                d’Ailette à
     d’implantation              Verneuil-sur-Avre        sur-Tharonne dans le            Chamouille dans
                                    dans l’Eure                Loir-et-Cher                    l’Aisne
   Année d’ouverture                    1988                        1993                         2007
        Superficie                 310 hectares                 111 hectares                84 hectares
  Nombre de cottages                    854                          756                         800
Population communale
                                       6 371                        1 087                        256
         en 2009
     Evolution de la
population communale                    -5%                        + 20 %                      + 67 %
   entre 1982 et 2009
 Taux de chômage en
                                       13,3 %                       9,6 %                      13,3 %
           1999
 Taux de chômage en
                                       16,8 %                       8,3 %                       9,6 %
           2009
 Evolution du nombre
 d’emploi dans la zone
                                      - 0,3 %                     - 11,6 %                     + 367 %
   entre 1999 et 2009
                                     (- 0,13 %)                   (-38,2 %)                   (+ 340 %)
  (dont temps partiel
          salarié)
  Evolution du revenu
   net déclaré moyen                  + 1,2 %                     + 1,7 %                      + 2,6 %
   entre 2006 et 2009
Tableau 2 : Quelques indicateurs qui permettent de dresser un bilan des conséquences économique et social de
l’implantation d’un Center Parcs dans une commune rurale.                    Sources : INSEE et http://www.centerparcs.fr

          Ces chiffres nous montrent d’abord que selon les territoires d’implantation, les
conséquences sur le tissu économique et social n’est pas forcément conséquent. Ces données
sont des tendances qui ne permettent pas d’identifier systématiquement les causes de ces
changements. Cependant, les Center Parcs s’implantent dans des bassins d’emploi peu
importants, qui suivent les évolutions de ces grands projets. Les statistiques communales
permettent ainsi d’en apprendre davantage sur les conséquences de ces projets :

                                                                                                            27
   On constate tout d’abord une densification des cottages sur les sites les plus
                   récents.
                  A en juger par l’évolution de la population de Verneuil-sur-Avre, l’implantation
                   d’un Center Parcs n’a pas été un élément déterminant pour renverser le déclin
                   démographique. La différence entre ces chiffres peut cependant s’expliquer par

Figure 14 : L’évolution du taux de chômage à Chamouille depuis l’implantation du Center Parcs en 2007.

                   le poids démographique initial de ces communes.
                  Si l’implantation d’un Center Parcs a un effet positif immédiat sur l’emploi
                   (voir figure 11), on peut déjà nuancer ces statistiques à court terme, au bout
                   d’une dizaine d’année.               La commune de Chaumont-sur-Tharonne, a
                   effectivement perdu une centaine d’emploi dans la zone entre 1999 et 2009 (-
                   11,6 %). Il s’agit en réalité essentiellement d’emplois salariés à temps partiel :
                   135 emplois supprimés (-38,2 %) sur la même période. Enfin on constate au
                   bout d’une vingtaine d’année une stabilisation du nombre d’emploi à
                   pourvoir mais une forte hausse du chômage sur la commune de Verneuil-sur-
                   Avre.

                                                                                                         28
    On constate malgré tout une légère hausse du revenu net moyen par foyer
                   entre 2006 et 2009. Chamouille connait la plus forte hausse de revenu
                   comparée aux deux autres communes étudiées grâce à l’implantation récente
                   du Center Parc en 2007.

Figure 15 : Evolution des recettes de la commune de Chamouille. L’année d’implantation du Center Parc est clairement
identifiable.

          Si les conséquences sur l’emploi sont relatives dans la durée, la collectivité se voit
progressivement dotée d’un budget plus conséquent pour intervenir sur le territoire. Le
graphique suivant nous présente ainsi l’augmentation des recettes de la commune de
Chamouille à partir de 2007, année d’implantation. L’étalement de cette recette est
probablement dû à l’arrivée de nouveaux habitants mais aussi la possibilité, de payer la Taxe
Locale d’Equipement (TLE) en deux fois.
          L’attractivité de ces territoires est confirmée par le fait que Chaumont-sur-Tharonne a
gagné plus de 150 habitants entre 1990 et 1999, période la plus dynamique sur le plan
démographique. Il semble donc évident que l’ouverture du Center Parcs en 1993 soit liée à ce
phénomène. La commune de Roybon peut espérer connaitre le même renouveau
démographique car elle présente de nombreux trait similaire avec Chaumont-sur-Tharonne :
une population légèrement supérieure à 1 000 habitants pour une surface supérieure à 60 km².
Elle doit cependant anticiper la suppression importante d’emploi environ dix ans après
l’ouverture du Center Parcs.

                                                                                                                29
Si les contreparties semblent réelle pour le territoire d’implantation, c’est le rapport
entre les aides perçues par le groupe Pierre & Vacances et les retombées économiques locales
qui est difficile à évaluer et à contrôler.

    3. Le soutien et la générosité des aides publiques françaises

          Le premier argument des opposants au projet du Center Parcs de Roybon est l’argent
que les collectivités investissent pour ce projet. D’après leurs estimations, voici les montants
totaux de subventions et d’exonérations fiscales perçus :

                      Organisme                                            Montant investi
         Conseil régionale Rhône-Alpes                                     7 millions d’euros
            Conseil général de l’Isère                                    15 millions d’euros
   Communauté de communes du Pays de
                                                                          7,5 millions d’euros
                      Chambaran
Commune de Roybon (contournement routier)                                  4 millions d’euros
        Syndicat des eaux de la Galaure                                    4 millions d’euros
          Total subventions perçues                                     37,5 millions d’euros
Tableau 3 : Les subventions promises par les collectivités pour la construction du Center Parcs de Chambran.
                                                               Source : « Pour les Chamabaran sans Center Parcs »

  Mesure d’exonération                                                            Montant estimé de
                                                 Calcul
            fiscale                                                              l’exonération fiscal
     Loi Censi-Bouvard                1 000 cottages à 250 000
                                                                                 27,5 millions d’euros
 (-11% du montant investi)                    euros × 11 %
                                      1 000 cottages à 250 000
   Loi Demessine (ZRR)                                                            49 millions d’euros
                                            euros × 19,6 %
 Total des exonérations
                                                                                76,5 millions d’euros
           fiscales
Tableau 4 : Les exonérations fiscales obtenues par Pierre & Vacances grâce à la construction du Center Parcs de
Chambarans.                                                    Source : « Pour les Chamabaran sans Center Parcs »

          Le montant total investi par la collectivité dans ce projet est donc d’environ 114
millions d’euros.

                                                                                                              30
En maintenant une politique d’investissement dans le logement de tourisme, le groupe
Pierre & Vacances réduit ses charges d’investissement de 11% et capte les subventions des
collectivités. Ce montant est variable d’un territoire à l’autre mais les territoires les plus fragiles
sont encore défavorisés.
            Il s’élève pour notre cas à (seulement) 37,5 millions d’euros à Roybon17. Cependant, le
Center Parcs Vienne Grand Ouest qui devrait voir le jour en 2015 dans le département de la
Vienne a bénéficié de subventions plus de trois fois supérieures au Center Parcs de
Chambaran. Il a, en effet, bénéficié de plus de 138 millions d’euros18 d’investissement de la part
des collectivités (sans compter les exonérations fiscales). Pour ce projet davantage éloigné des
grandes métropoles européennes, Pierre & Vacances a aussi davantage mis en concurrence
quatre départements voisins : les Deux-Sèvres, le Maine-et-Loire, l’Indre-et-Loire et la Vienne.
Or, le Conseil général de la Vienne et le Conseil régional de Poitou-Charentes disposent d’un
budget nettement moins conséquent que celui du Conseil général de l’Isère et du Conseil
régional Rhône-Alpes. C’est pourtant ces collectivités plus rurales qui vont davantage investir et
soutenir ces projets pensés à une autre échelle.

                          Principaux soutiens financier du                   Principaux soutiens financier du
                          Center Parc Vienne Grand Ouest                        Center Parc des Chambaran
                                                   Conseil régional
                          Conseil général                                    Conseil général          Conseil régional
                                                       de Poitou-
                            de la Vienne                                         de l’Isère             Rhône-Alpes
                                                       Charentes
                            415 millions              916 millions              1,3 milliard            2,46 milliard
  Budget 2013
                               d’euros                   d’euros                  d’euros                  d’euros
Tableau 5 : Les différences de budget entre les collectivités concernées par les deux projets en cours de Center Parcs en
France.                                                                           Sites internet des collectivités concernées

            En l’absence de ces subventions, les coûts de fonctionnement, d’entretien et de
rénovation des hébergements ne permettent pas de dégager des bénéfices. Cela force le
promoteur à réduire les loyers des propriétaires des cottages. Par conséquent, 15% des
propriétaires ne renouvellent pas leur bail 9 ans plus tard19. Pour y remédier, le groupe
Pierre & Vacances a décidé de relancer une politique d’investissement dans de grands projets

            17
               « Pour les Chambaran sans Center Parcs »
            18
               http://www.lanouvellerepublique.fr/
            19
               ANDREANI Emmanuelle. Temps de chiens pour Pierre & Vacances. In : Capital, février 2013,
p. 46-47.

                                                                                                                         31
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