L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon
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L'implantation du Center Parcs de Chambaran dans la commune de Roybon L´action des acteurs de la gouvernance locale par rapport aux externalités d´un projet touristique Josselin PATRON et Hugo TOUSSAINT Master 2 ADR promotion 2013/2014 – travail réalisé dans le cadre de l´UE 3A
Sommaire Introduction 2 Partie 1 : Les atouts et les limites du projet de Center Parcs à Roybon 4 I. Un territoire qui présente de nombreux atouts pour le projet 4 1. Le concept de Center Parcs repris par le groupe Pierre & Vacances 4 2. La proximité des axes de communication, une vaste forêt communale 8 3. Des retombées positives pour le territoire 10 II. L’externalisation de certains risques 11 1. La dégradation de la qualité de la ressource en eau et de l’environnement 11 2. Les problèmes de gestion quantitative de l’eau 15 Partie 2 : Un territoire qui mise sur un projet ambitieux mais décidé hors du contexte local 19 I. Une commune fragilisée, prête à tout 19 1. Un pari sur l’avenir 19 2. Roybon : une commune surendettée 21 3. Un classement en Zone de Revitalisation Rurale (ZRR) déterminant 23 II. Des élus locaux dépassés par les décisions et le contexte national 25 1. La vision et la stratégie d’un grand groupe 25 2. Un bilan positif immédiat pour les communes d’implantation de Center Parcs, mais mitigé à plus long terme 26 3. Le soutien et la générosité des aides publiques françaises 30 Conclusion 33 Bibliographie et sitographie 35 Table des illustrations 38 Table des matières 39 Annexes : comptes rendus d’entretiens 40 1
Introduction En vieux français « Chambaran » signifie les champs bons à rien, en effet la qualité du sol médiocre a permis à la forêt d´être relativement épargnée des extensions des terres agricoles successives du passé. Cette forêt de Chambaran de 10 000 hectares située sur la commune de Roybon est depuis 6 ans le théâtre d'un projet touristique qui est la construction du 5ème Center Parcs de France. La société Pierre & Vacances détentrice de la marque a en effet lancé ce projet avec l´accord d'une large majorité de la classe politique locale avec comme principale motivation le fait que le projet apporterait des recettes fiscales et des emplois inattendus dans une telle zone rurale. Pourtant, malgré cet apparent plébiscite une association du nom «Pour les Chambaran sans Center Parcs» (PCSCP) a, à plusieurs reprises, entravé le déroulement du projet par des recours contre le permis de construire entre autre. L'association forte de 800 membres justifie son opposition par des motivations écologiques, économiques ou encore de type «pas dans mon arrière-cour». Ce conflit d´opinion important puisque le projet a d’ores et déjà pris au moins 3 ans de retard a suscité notre intérêt car il oppose la classe politique unanime aux riverains. Il est également une illustration des différents niveaux de vision que peuvent avoir les acteurs d'un territoire au sujet des externalités d´un projet tel que le Center Parcs. Nous avons donc pris comme axe de réflexion : Dans quelles mesures les élus locaux peuvent-ils appréhender un projet d'aménagement touristique d'importance régionale en vue d'un développement durable de leur territoire ? Nous proposons dans une première partie de présenter le territoire d´implantation du projet, de ses forces et de ses faiblesses à accueillir un tel projet et comment celui-ci agirait sur les conséquences en termes économiques et écologiques. Dans un second temps, nous élargirons l'étude pour montrer que ce projet fait intervenir des facteurs multiples s'étendant au- delà de la seule commune de Roybon. Notre méthodologie a consisté principalement en le recueil de divers document législatifs, d'étude ou encore promotionnels au sujet du Center Parcs ; nous avons également effectué une sortie de terrain le 17 décembre 2013 à Roybon pour interroger les soutiens et les opposants au projet. 2
Figure 1 : Carte de localisation du projet de Center Parcs de Chambaran. Hugo TOUSSAINT et Josselin PATRON 3
Partie 1 : Les atouts et les limites du projet de Center Parcs à Roybon La communication abondante que les porteurs de projets fournissent aux collectivités et aux citoyens dévoile uniquement les aspects positifs de tels projets d’envergure. Nous allons rappeler et développer quels en sont les atouts spécifiques du futur Center Parcs. I. Un territoire qui présente de nombreux atouts pour le projet Le site est situé sur un plateau à environ 600 m d’altitude au sud-est du bourg de Roybon. Cependant, un Center Parc ne s’adapte pas au territoire, il s’agit d’un modèle bien établi. 1. Le concept de Center Parcs repris par le groupe Pierre & Vacances Center Parcs est à l´origine une société néerlandaise fondée en 1968 dans le but de créer des lieux de vacances dans un cadre «proche de la nature» mêlant confort moderne et sentiment de retour à la nature. Au début cantonné aux Pays-Bas l´entreprise construit plusieurs sites en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni et enfin en France. L´entreprise après avoir été possédée par un groupe anglais est rachetée en 2000 pour 672 millions d´euros par la société française Pierre & Vacances spécialisée dans la location de résidences de loisir. Depuis, quatre complexes ont été construits en France dont le plus grand étant en Normandie. Deux projets ont également été mis sur pied : l´un dans la Vienne prévoit d´ouvrir en 2015 et l´autre sur lequel porte ce travail se trouvera sur la commune de Roybon et prévoit d´ouvrir lui aussi en 2015. Un Center Parcs (le nom désigne la marque et le lieu) présente toujours la même organisation spatiale : un espace central et couvert qui concentre les principaux services (administration, restaurants) et également un «aquamundo», espace aquatique intérieur composé de piscines, bains bouillonnants. Cet aspect est toujours largement relayé dans les publicités du groupe. Autour de ce bâtiment principal se trouve des chalets qui accueillent à proprement dit les touristes. Ils se trouvent le plus souvent dans un espace boisé et aménagé : pistes cyclables, activités et loisirs de plein air (parcours dans les arbres, tir à l´arc...). 4
Figure 2 : Plan du futur Center Parcs de 200ha. L´ensemble blanc au centre sera le futur Aquamundo, le long des chemins en marron seront les chalets pour un total de 1021. La partie tronquée en haut accueillera un parking de 2000 places. Source : services techniques de la mairie de Roybon Les chalets, en bois respectent les normes de Haute Qualité Environnementale (HQE). L'entreprise est également à cheval sur les principes de responsabilité sociale, en particulier sur l´écologie : tri des déchets, interdiction des loisirs à moteur,… L'emprise au sol d´un Center Parcs est variable selon les critères retenus. Dans les Chambaran la surface totale est de 200 ha mais seul 50 ha seront aménagés1. Le Center Parcs offre aux visiteurs la possibilité de vivre véritablement coupé du reste du territoire en ne consommant que dans le complexe et souvent sans en sortir : 90% des touristes. La plupart des séjours à Center Parcs s’étale sur un long week-end (ou mid-week) ce qui rend ce modèle de consommation possible. Récemment, ceci a été mis en avant par des collectivités (en Lorraine notamment) pour critiquer le fait que les touristes ne viennent pas consommer sur leur territoire. Pierre & Vacances essaye donc de remédier à cela en invitant entre autre des artisans locaux à vendre dans le parc. 1 Groupe Pierre et Vacances. Résumé non technique de l'étude d'impact du Center Parcs. Janvier 2010. 5
Le modèle économique d´un Center Parcs se décompose ainsi : La Société Pierre & Vacances décide d'un lieu d´implantation avec l´accord des pouvoir publics. Il s´agit de la commune mais également de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont elle est membre si il y en a un, du département et de la région. Ceci s´inscrit pleinement dans une stratégie de gouvernance décentralisée puisque l´État en dehors du préfet n'a pas de rôle décisionnel. De plus, le projet de Center Parcs est représentatif des investissements croisés privés et publics couramment employés dans les opérations d'aménagement du territoire en France. Les collectivités en plus de donner leur accord à Pierre & Vacances à la construction, financent une partie du projet (37,5 millions d´euros pour le cas de Roybon). A cela s´ajoute la vente du terrain à un prix très modéré à la société (0,30 euros le m² à Roybon). Pierre & Vacances maître d'œuvre, construit le complexe en un peu moins de deux ans. Ici, la différence est que Pierre & Vacances revend chacun des cottages à des particuliers qui bénéficient de certains avantages à l´achat comme celui que leur fourni la loi Censi-Bouvard. Celle-ci permet, dans le cas d'achat d'immobilier neuf et meublé une réduction d´impôt sur le revenu étalée pendant 9 ans pour le propriétaire à hauteur de 11% du prix hors taxes. Ceci correspond à 27 500 euros de niche fiscale sur l´achat d'un chalet, soit 27,5 millions d’euros à l’échelle du Center Parcs. Les chalets ainsi vendus, la compagnie se garde la mission de les louer, de les entretenir et bien sûr de faire fonctionner la totalité du complexe de loisir. En plus d´être un projet de tourisme, Center Parcs est également un projet d´investissement immobilier destiné aux particuliers. 6
2. La proximité des axes de communication, une vaste forêt communale Expliquons brièvement pourquoi ce site a été spécifiquement choisi. Pierre & Vacances possède déjà quatre Center Parcs en France tous situés dans la moitié nord du pays. L´entreprise considère que la zone de chalandise d´un site s´étend dans un rayon d’environ 200 km autour : une implantation dans le sud de la France poursuit une logique d´expansion voulue. Commune rurale située au milieu du triangle formé par les villes de Lyon, Valence et Grenoble, Roybon présente de nombreux traits propres aux territoires ruraux tels que la baisse de la démographie et le manque d´attractivité en termes d´emplois. Le site de Roybon présente de nombreux avantages : il ne concurrence pas d´autre Center Parcs, est proche de zones densément peuplée et à proximité de l´A7, une des autoroutes les plus fréquentée de France. Ceci combiné, il apparaît que le projet de Roybon pourrait être fortement rentable (Pierre & Vacances table sur 80% d´occupation en moyenne). L´absence de voie ferrée n´est pas un frein pour le développement du site, l´immense majorité des visiteurs se rend sur place avec leur voiture personnelle, la taille du parking est par ailleurs importante dans tous les Center Parcs, 2 000 places pour celui de Roybon. La commune est par ailleurs bien reliée par le réseau routier, 6 routes départementales la traversent permettant de relier entre autre l´autoroute A7 en 45 minutes. L'une des particularités de la commune est sa taille (67km²) comparée au nombre d´habitants (1300). Elle accueille également la Forêt de Chambaran qui s’étend sur 10 000 m². Majoritairement privée, certaines portions sont publiques et sont donc aptes à accueillir un projet appuyé par les pouvoirs publics tel que le Center Parcs. 8
Examinons le site proprement dit : il se trouve en Isère à la frontière nord de la Drôme en face du Massif du Vercors. La région naturelle est celle du plateau de Chambaran au climat sensiblement plus doux que les Terres froides du nord de l´Isère. Cependant, la mise en valeur de ces terres est rendue difficile en raison d’un sol très humide. Figure 4 : bois des Avenières, malgré plusieurs jours sans pluie, la nappe d´eau affleurant provoque des ruissellements dans les sillons formés par les chemins de randonnée. L’existence d´une zone boisée appartenant à la commune est fondamentale pour permettre la naissance du projet, le choix s´est vite porté sur le bois des Avenières l´une des rares zones suffisamment grande et possédée par la commune. Enfin le plateau sur lequel le site s'implantera est caché de la plupart des points de vue environnants ce qui lui permet de se fondre relativement bien dans le paysage. Le choix d´un site n´est pas que géographique et pratique, il est aussi mû par des décisions politiques. Pierre & Vacances a ainsi contacté la commune dès 2007. D'autres communes de la Drôme avaient été envisagées mais le département prévoyait de moins contribuer financièrement au projet que le département de l´Isère. Le projet a en outre fait 9
consensus parmi l´ensemble de la classe politique de la commune de Roybon à la Région Rhône-Alpes. Résumons brièvement la chronologie du projet: après avoir décidé de l´implantation du complexe, la commune révise en 2009 sont PLU pour permettre le dépôt d´un permis de construire, à l´origine il était prévu une ouverture en 2012 mais c´est en 2010 que l´association «Pour les Chambaran Sans Center Parcs» (PCSCP) s'est formée et a commencé à déposer de multiples recours contre le projet. 3. Des retombées positives pour le territoire L´implantation d´un Center Parcs pourrait, grâce aux retombées économiques comme la Contribution économique territoriale (ancienne taxe professionnelle), contribuer à enrichir fortement la commune. Les exemples sont nombreux de ces communes ayant accueilli un projet d´envergure régionale voire nationale pour augmenter leurs recettes comme l'a fait Saint- Vulbas avec la centrale nucléaire du Bugey. Il est prévu que 12 ans suffiraient à amortir les investissements réalisés par les collectivités. En premier lieu la commune recevra la taxe locale d´équipement de 1,5 million d´euros puis ensuite, tous les ans la taxe foncière sur le bâti à un demi-million d´euros. L´intercommunalité touchera quant à elle 1,2 million d´euros par an, la région et le département toucheront également des sommes significatives. Avant même son ouverture le Center Parcs générera déjà des retombées économiques grâce aux 80 travailleurs du chantier qu´il faudra loger et nourrir pendant 1 an. De plus 12 millions d'euros seront dépensés en fourniture pour la construction. Une fois construit, le Center Parcs pourrait créer près de 700 emplois. Le bassin d’emploi du Center Parcs pourrait s’étendre dans un rayon de 25 km. Les commerces et les hébergements de la ville de Roybon espèrent profiter de cette hausse de la clientèle en augmentant leur recette. Enfin, mise à part l´économie, la commune fait savoir que le Center Parcs aurait des incidences minimes sur son environnement : La municipalité fait valoir plusieurs arguments dont le fait que le bois des Avenières n'est pas une « Forêt primaire » mais un espace créé par l´Homme. Comme nous l´a confirmé M. Mounier, le bois est utilisé surtout pour des coupes d´affouage. Le rapport concède qu'un « impact écologique est inévitable mais que l’enjeu économique et le développement induit pour Roybon […] sont tellement importants que la Commune, la Communauté de Communes, le Conseil Général et la Région ont fermement soutenu ce projet depuis les premiers contacts 10
avec l’aménageur ». Les impacts selon ce rapport seront minimes et les zones humides détruites seront recréées comme le stipule le SDAGE Rhône-Alpes, cependant il reste encore à la mairie à acheter les terrains adéquats. Le Center Parcs pourra être également un moyen d´attirer des touristes dans une région méconnue, il sera le relais du mot «Isère» et «Chambaran» à travers le reste de la France. Il vient compenser le déséquilibre entre tourisme blanc et tourisme vert dans le département de l’Isère. En temps de crise, le Center Parcs représenterait donc une « bouffée d'air » pour la commune mais aussi pour la région environnante. C´est précisément cet argument économique qui créer « l’union sacrée » entre tous les politiques mais aussi avec une part importante des habitants pour qui l´emploi est la priorité. II. L’externalisation de certains risques Il semble pourtant évident que l’implantation d’une seconde ville de 5 000 habitants sur un territoire qui n’en compte que 1 300 aura des conséquences immédiates sur le territoire. Il faut que l’aménageur prenne en compte cette modification soudaine de l’environnement. 1. La dégradation de la qualité de la ressource en eau et de l’environnement Le site retenu pour l’implantation du complexe touristique se situe en tête de bassin, sur la ligne de crête qui sépare 2 bassins versants : l’Herbasse et la Galaure. La première rivière qui s’écoule dans le département voisin (Drôme) est davantage concernée que la seconde qui s’écoule en Isère. C’est pour cela que l’on retrouve un grand nombre d’associations opposées à ce projet dans le département de la Drôme. La raison est également politique car les associations iséroises, dépendantes des subventions départementales ne se positionnent pas officiellement en opposition au projet. Or, le SDAGE 2010-2015 classe ces deux rivières en réservoirs biologiques. Il faut savoir que le site est un lieu important de recharge pour la nappe de la molasse du miocène du bas-Dauphiné. Cette ressource d’eau importante au niveau régional est actuellement de très bonne qualité car plus profonde, et donc davantage filtrée par les roches qu’elle traverse. Si la qualité de l’eau est intacte, la capacité de rechargement de cette nappe est limitée. Sur les 900mm/an de pluies, environ 300mm/an alimentent la nappe alors que 600mm s’évaporent. 11
C’est pour ces raisons que « la nappe de la molasse est inscrite au SDAGE Rhône‐ Méditerranée comme une masse d’eau d’enjeu régional, vulnérable et à préserver pour la satisfaction des besoins en eau potable des générations futures »2. Les zones d’infiltration des eaux anciennes (en vert) sur la carte matérialisent donc plus spécifiquement les zones à préserver pour le maintien de la qualité et le rechargement de la nappe. Figure 5 : Fonctionnement de la nappe de la molasse du miocène du Bas-Dauphiné. Source : Caves Tiffanie, 2011 L’imperméabilisation d’une trentaine d’hectares à proximité de Roybon va donc réduire légèrement sa capacité de rechargement et augmenter le risque de pollution de cette nappe captive. 2 CAVES Tiffanie. Etude des écoulements au sein de la nappe de la molasse. Thèse de doctorat, Université d’Avignon, décembre 2011. 12
De plus, la capacité d’absorption et de filtrage de l’eau risque d’être également réduite par le drainage d’une large partie du bois. En effet, la majorité du sol du site d’implantation est hydromorphe en raison de sa granulométrie et d’une lente migration des argiles vers le bas du profil pédologique. La conséquence d’un tel profil de sol est un faible écoulement de l’eau vertical comme horizontal en situation de topographie plane. Cela explique la présence de nappes perchées au niveau fluctuant, ainsi que de nombreuses zones humides. En 2009, le Conservatoire des espaces naturels de l’Isère faisait état de plus de 4 000 hectares de zones humides sur le plateau de Chambarans et la tête du bassin versant de la Galaure3. Le « plateau au sud-ouest de Roybon » (dont fait partie le bois des Avenières) représente à lui seul 12,13% des zones humides de la commune de Roybon, soit environ 816 ha. L’implantation du complexe touristique va donc nécessiter une vaste opération de drainage avant l’implantation des infrastructures et des cottages. Or, il s’agit d’un futur surcoût pour la collectivité puisque l’on peut estimer que le pouvoir d’épuration des zones humides permet une économie de traitement de l’eau potable estimée à 2 000 euros/ha/an4 Les habitats de zones humides sont protégés au niveau national en raison de leur disparition rapide au profit d’espaces agricoles ou urbains. Ils abritent des espèces spécifiques qui, en raison de la disparition de leur habitat sont également protégées. C’est le cas du bois des Avenières où l’on retrouve de nombreuses espèces patrimoniales, emblématiques de ces milieux humides préservés. Cet espace enclos de plus de 200 hectares présentera également un obstacle majeur à contourner pour la faune sauvage. Il vient interrompre des corridors biologiques régionaux. Le Center Parcs devra présenter une station de traitement des eaux pour cette ville de 5 000 habitants, l’eau de vidange du complexe aquatique et l’eau de ruissellement des parkings (hydrocarbures). Le SDAGE exige que le porteur de projet prenne également en charge la compensation de la destruction de zones humides. Il s’agit de recréer ou d’agrandir des zones humides préexistantes sur un bassin versant qui reste à définir. Le respect de la loi sur l’eau fera bientôt l’objet d’un rapport de la part du commanditaire. Les opposants pourront ensuite entamer une procédure judiciaire en cas de non-respect de cette loi. 3 Inventaire des zones humides du département de l’Isère, 2009 4 « Pour les Chambaran sans Center Parcs » 13
Figure 6 : Le site d’implantation est essentiellement constitué de zones humides situées sur le bassin versant de l’Herbasse. Hugo TOUSSAINT et Josselin PATRON 14
Les zones humides ont un rôle indéniable sur la qualité du milieu en tant que filtre pour les nappes phréatiques et d’habitat pour des espèces protégées. Mais elles jouent également le rôle de tampon entre des périodes de fortes précipitations et des périodes plus sèches. 2. Les problèmes de gestion quantitative de l’eau Les zones humides agissent effectivement comme de « gigantesques éponges » à l’échelle d’un bassin versant. En période de forte précipitation, les zones humides absorbent une quantité importante d’eau, qui va réduire le ruissellement et le risque de crue. A l’inverse, en période de sécheresse, les zones humides libèrent très lentement l’eau stockée pour soutenir le débit d’étiage des cours d’eau. C’est le rôle que jouent les zones humides du plateau des Chambarans sur les bassins versants de la Galaure et de l’Herbasse. En automne 2013, l’Ardèche et la Drôme ont connus des précipitations record. Lors de cette épisode orageux, l’Herbasse a connu un épisode de crues qui a occasionné de nombreux dégâts matériels. Or, L’emprise du site concerne essentiellement ce bassin versant très sensible aux inondations. 87% des eaux de précipitation du site se retrouveront dans le bassin versant de l’Herbasse contre seulement 13% dans le bassin versant de la Galaure. L’artificialisation des sols, le drainage et le tassement dû aux infrastructures en tête de bassin versant augmentera l’ampleur et les dégâts de ces épisodes de crues exceptionnelles. 15
Figure 7 : Conséquence des inondations de l’automne 2013 à St Donat sur l’Herbasse. Ces faits d’actualité ont fait prendre conscience au commanditaire la nécessité de prendre en compte ce risque. Il prévoit donc de créer des bassins de rétentions sur le site pour absorber les surplus ponctuels de précipitation. Or, les conditions de l’automne 2013 ont été désastreuses en raison d’un épisode orageux à la suite d’abondantes précipitations les jours précédents. Des bassins de rétentions à ciel ouvert n’auraient donc pas permis de stocker ce nouveau surplus d’eau. Il faut donc recréer artificiellement des zones tampons pour recréer la fonction des zones humides. Depuis les années 2000, de nombreux projets urbains ont adopté un nouveau type de bassin de rétention : les Structures Alvéolaires Ultra-Légères (SAUL). Leur généralisation de ces systèmes a notamment été favorisée par la loi sur l’eau de janvier 1992. Il s’agit de structures alvéolaires (ou nid d’abeille) enterrées qui résistent aux compressions mais présentent un taux de vide supérieur à 90%5. Leur intérêt est donc double : une grande capacité d’absorption et une emprunte paysagère moindre. Ses structures libèrent ensuite progressivement l’eau accumulée par infiltration ou rejet à débit contrôlé. Ils sont toutefois plus onéreux que les bassins de rétentions classiques à ciel ouvert. 5 http://structures-alveolaires-saul.fr/ 16
Figure 8 : Exemple de bassin de rétention des eaux alvéolaire dans l’Oise. Source : http://www.lemoniteur.fr/ Enfin, l’autre problématique concerne la gestion de l’eau en période d’étiage des cours d’eau. Ces complexes à thème orienté sur les loisirs d’eau sont par définition particulièrement gourmands en eau. Les prélèvements prévisionnels pour alimenter le complexe touristique seraient de l’ordre de 1 200 m³/jour pour 5 000 personnes hébergées6. « Les besoins en eau liés à ce projet sont l’équivalent de la consommation quotidienne d’une ville de 8 000 habitants »7. Selon la DREAL, Les conséquences de l’alimentation en eau du Center Parcs n’ont pas été suffisamment étudiées : « Le rapport de compatibilité avec le SDAGE Rhône -Méditerranée n’est pas abordé. En effet, dans un bassin versant où la question de la ressource en eau est 6 « Le projet Center Parcs des Chambaran et ses conséquences sur l’eau et les milieux aquatiques » Fédérations de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques (F.P.P.M.A) de la Drôme et de l’Isère. 7 Ibidem. 17
sensible, le prélèvement lié directement au Center Parcs fait augmenter la demande en eau potable sur le bassin de Bièvre-Liers-Valloire de 15 % »8. Le porteur de projet du complexe touristique a prévu de pomper une grande partie de ses besoins en eau dans la vallée de la Bièvre et la Galaure. Or, ces cours d’eau font déjà actuellement l’objet de prélèvements importants pour l’agriculture. L’accès à l’eau est fortement réglementé. Le risque de conflit d’usage entre les agriculteurs exploitants dans la vallée de la Galaure et le Center Parcs semble inévitable. Le porteur de projet prévoit de déverser les eaux usées dans la vallée de l’Isère (changement de bassin versant), ce qui présente une atteinte au système hydrologique naturel. A cette liste de conséquences négatives de l’implantation du site de Center Parcs, il faut ajouter l’aspect confiscatoire pour les habitants. Certes, la commune dispose d’une surface importante de forêt mais la perception des habitants doit être prise en compte. Actuellement, le bois des Avenières possède plusieurs usages sociaux et récréatifs : promenade, chasse, cueillette et l’exploitation du bois sous forme de coupe d’affouage. Cependant, la mairie de Roybon ne met pas en valeur ce bois dont elle est propriétaire pour préparer les habitants à ce changement d’usage. 8 Ibidem. 18
Partie 2 : Un territoire qui mise sur un projet ambitieux mais décidé hors du contexte local Les Center Parcs sont des projets ascendants, qui tiennent peu en compte les spécificités socio-économiques du milieu. Le cas de Roybon est pourtant très spécifique. I. Une commune fragilisée, prête à tout Si la commune de Roybon souffre de problèmes structurels, la société Pierre & Vacances – Center Parcs présente elle aussi des difficultés depuis plusieurs années. 1. Un pari sur l’avenir La prise de risque de la collectivité ne pèse pas uniquement sur les conséquences environnementales. En effet, la vitalité économique d’un groupe comme Pierre & Vacances est toujours difficile à évaluer en raison des multiples filiales et sous-traitants. On peut toutefois se fier aux indicateurs boursiers qui donnent une idée de la santé du groupe. Or, il semble que celui-ci n’a cessé de perdre de la valeur depuis 2007. Il faut dire qu’au cours de cette année la valeur de l’action a atteint une valeur record : 117 euros. Figure 9 : Variation de la valeur de l’action Pierre & Vacances depuis 10 ans Source : http://bourse.latribune.fr/ 19
Mais depuis cette date, la valeur de l’action n’a cessé de chuter. Elle atteint même 11 euros en 2012. La stratégie du groupe s’oriente donc vers la relance de programmes de construction et de communication. L’effet d’annonce, l’investissement et la vente anticipée des cottages des projets de Pierre & Vacances a permis une hausse de cette valeur en 2013. Le groupe a effectivement lancé la construction d’un nouveau Center Parcs dans le département de la Vienne. Enfin, il prévoit de construire le plus grand Center Parcs de France à Roybon. Ainsi, grâce à ces effets d’annonce et au résultat d’exploitation positif en 2013, la valeur boursière de Pierre & Vacances connait un second souffle en cette fin d’année 2013. Elle atteint ainsi une trentaine d’euros en ce début d’année 2014. 2011 2012 2013 1 419 millions Chiffre d’affaire 1 470 millions d’euros 1 307 millions d’euros d’euros Résultat -6,95 millions 29,3 millions d’euros 2,6 millions d’euros d’exploitation d’euros 10,5 millions -27,4 millions -47,7 millions Résultat net d’euros d’euros d’euros Dette 103 millions d’euros 177 millions d’euros 173 millions d’euros Investissements 36,1 millions d’euros 26 millions d’euros Tableau 1 : Evolution récente du compte de résultat Pierre & Vacances. Données : http://www.zonebourse.com/ Les dirigeants du groupe justifient les mauvais résultats du groupe par la crise mais aussi par les investissements importants en cours. On constate pourtant une baisse des investissements entre 2011 et 2013. Confiants sur le potentiel économique et touristique européen, ils espèrent retrouver un résultat positif et préparer l’avenir du groupe. Les prévisionnistes ne prévoient pourtant pas un retour aux marges des années 2007/2008 (voir figure 9). Cependant, les actionnaires devraient réinvestir dans la société en 2014 grâce à ces prévisions. 20
Figure 10 : Graphique qui présente l’évolution et les prévisions des résultats de PVCP. En accueillant un projet de Pierre & Vacances, les collectivités misent sur une société à la santé économique fragilisée dont le modèle économique est basé sur une croissance indispensable à sa survie. La conjoncture actuelle et la volatilité des marchés ne permettent pas d’assurer l’exactitude des prévisions. En cas de cessation de paiement, Roybon pourrait accueillir une friche touristique si aucun acquéreur ne se présente. 2. Roybon : une commune surendettée La commune de Roybon est comme beaucoup d´autre commune rurales de sa taille, Figure 11 : L’évolution de la dette par habitant de Roybon (en bleu). Source : ministère de l’économie et des finances. 21
dans une situation où peu d´investissements économiques sont entrepris. De plus elle est l'une des communes les plus endettées de France avec 5 173 euros par habitants en 2012, le chiffre s´est par ailleurs creusé fortement ces dernières années comme nous le voyons dans le tableau ci-dessous. C’est la 44ème commune la plus endetté de France9. En outre, l´implantation d´un Center Parcs pourrait, grâce aux retombées économiques et aux différentes taxes contribuer à enrichir fortement la commune : la Contribution Economique Territoriale (CET ou ancienne taxe professionnelle), qui rapporterait à la commune environ 1,2 millions d’euros par an la taxe de séjour : environ 700 000 euros par an la taxe foncière : environ 800 000 euros par an10 Soit un total de près de 3 millions d’euros de recettes supplémentaires à répartir entre les différentes collectivités, dont la moitié pour la commune. Une aubaine pour l’équipe municipale sortante, première responsable de l’endettement de la commune. On perçoit alors l’utilité de ce projet pour assainir les finances municipales. Il faut dire qu’en 2012, la commune a dépensé un peu moins de 150 000 euros du 1 millions d’euros de budget11 pour rembourser ses dettes. Figure 12 : Répartition des dépenses de la commune de Roybon en 2012. Source : http://roybon.fr/ 9 http://www.journaldunet.com/ 10 Association « Pour les Chambrans sans Center Parcs » 11 http://roybon.fr/ 22
La mairie, propriétaire du bois a donc décidé de céder le bois des Avenières, terrain devenu constructible suite à la révision du PLU, pour 0,30 euros/m². Ce cadeau de la part de la mairie est à la hauteur des attentes de la commune. Selon l’association de soutien au projet « Vivre en Chambaran » le prix moyen du m² constructible à Roybon est de 18 euros/m². Les grands projets bénéficient donc d’avantage non-négligeables pour s’installer par rapport aux particuliers ou aux petites entreprises. Les élus communaux estiment cependant que la commune a un autre point faible plus difficile à surmonter. 3. Un classement en Zone de Revitalisation Rurale (ZRR) déterminant La commune de Roybon connait effectivement une certaine stagnation sur le plan démographique. La pyramide des âges de la commune présente les caractéristiques d’une commune vieillissante : environ 20% des habitants ont plus de 60 ans mais qui correspond à la moyenne nationale. Les personnes âgées participent d’ailleurs à la vie économique puisque le premier pôle d’emploi de la commune est la maison de retraite. La commune a pourtant été classée en Zone de Revitalisation Rural établi à l’échelle nationale. Ce zonage est principalement établi à partir de deux critères12 : Une (très) faible densité de population à l’échelle de l’intercommunalité, du canton ou de l’arrondissement. Avoir connu une baisse de population, de population active ou avoir population active agricole supérieur au double de la moyenne nationale. Le canton de Roybon répondait à tous ces critères lors de l’établissement du zonage et de sa ratification en 2013 par arrêté ministériel. C’est d’ailleurs le seul canton de l’Isère et de la Drôme inscrit en ZRR et répondant à des critères d’altitude et de prix du foncier peu élevé (voir carte figure 12). 12 http://www.datar.gouv.fr/ 23
Figure 13 : Roybon, seul canton de l’Isère classé en ZRR à faible altitude. Carte réalisée sur le site internet de l’Observatoire des territoires. 24
Or, le fait d’implanter son activité en ZRR procure plusieurs avantages fiscaux pour les promoteurs de complexe immobilier destiné au tourisme. « L’investissement en résidence de tourisme située en ZRR, permet, de bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 25 % du montant de l’investissement, dans une certaine limite, mais aussi de récupérer la TVA. Le propriétaire doit s’engager à louer le logement nu pendant au moins neuf ans à l’exploitant de la résidence de tourisme »13. D’où une durée de bail des cottages des Center Parcs fixé à 9 ans. On constate ainsi que les critères d’implantations des Center Parcs ne répondent pas uniquement à des critères économiques ou touristiques mais également à des critères fiscaux. Mais ces décisions se font à une échelle qui dépasse l’échelon local. II. Des élus locaux dépassés par les décisions et le contexte national 1. La vision et la stratégie d’un grand groupe Le rapport de force entre les collectivités et les grands groupes est d’autant plus déséquilibré en période de crise. Les arguments de Pierre & Vacances pèsent effectivement très lourd pour les élus : des centaines d’emplois et surtout l’effet d’annonce qui l’accompagne. Fort de cet avantage stratégique, la société espère ainsi capter des investissements publics alloués au développement territorial. Pour y parvenir, la mise en concurrence des collectivités territoriales est le meilleur moyen. Les limites de région ou de département sont des espaces souvent peu peuplés, en limite de bassin de vie, qui offrent de vastes espaces peu convoités et donc propices à l’implantation de Center Parcs. Il est ainsi aisé au porteur de projet de présenter des projets aux départements et région limitrophes et de réaliser son choix en fonction du soutien octroyé. C’est le scénario qui s’est produit pour le projet de Center Parcs de Roybon où le choix d’implantation dans le département de l’Isère a été privilégié au département de la Drôme. Le Conseil général de l’Isère a ainsi choisi d’investir 15 millions d’euros dans ce projet tandis que le Conseil Général de la Drôme souhaitait investir seulement 5 millions d’euros14. Bien que les collectivités tentent de négocier des contreparties en échange de leur aide, le porteur de projet d’une multinationale n’a pas la même définition du local. L’échelle locale de Pierre & Vacances correspond ainsi davantage à l’échelle régionale alors que le département et les communes investissent davantage dans ce projet. L’illustration se retrouve dans la communication sur le site internet du groupe Pierre & Vacances : « Des achats locaux 13 http://www.loi-defiscalisation.fr/ 14 « Pour les Chambaran sans Center Parc » 25
(ex. un tiers des achats du Center Parcs de l’Ailette réalisé dans la région dès la première année d’exploitation). Une politique de recrutement favorisant la diversité, l’emploi des jeunes et des seniors »15 La communication est parfaitement soignée et les propos suffisamment évasifs offrent au groupe une grande liberté d’action contre la confiance des acteurs du territoire. Une fois implanté, il est extrêmement facile à Pierre & Vacances de présenter des statistiques qui prouvent le respect de leurs engagements. La stratégie du groupe est de monter une multitude de société et de déléguer de nombreuses activités. L’activité de restauration est par exemple déléguée au groupe Elior, implanté dans 14 pays. L’intérêt est donc multiple : - jouer sur les différents statuts qu’offrent ses sociétés en matière d’avantages fiscaux - communiquer les statistiques de la société choisie - séparer les activités pour pouvoir sous-traiter lorsqu’elles ne sont pas rentables. Prenons l’exemple de l’engagement du Center Parcs de la Vienne. Le groupe s’engage « à ce que 85 % des emplois créés en phase d'exploitation soient « réservés à des habitants de la Vienne. Et 65 % en priorité attribués à des chômeurs ou des bénéficiaires de minima sociaux. »16 Or, parmi les 698 emplois annoncés pour le Center Parc de Roybon, on compte près de la moitié de temps partiels destinés aux ménages. Le mode de gestion diffère peu d’un Center Parcs à un autre. On sait qu’il s’agit de contrats de moins de 12 heures par semaine, qui permettent de gagner moins de 400 euros par mois. Ce sont ces emplois précaires qui sont plus facilement supprimés comme nous montre les autres Center Parcs français. 2. Un bilan positif immédiat pour les communes d’implantation de Center Parcs, mais mitigé à plus long terme L’ouverture du premier Center Parcs en France date de 1988, dans le département de l’Eure. Nous allons dresser le bilan statistique de ces trois communes du nord de la France qui ont accueilli les trois premiers Center Parcs français. 15 http://www.groupepvcp.com/ 16 http://www.lesechos.fr/ 26
Domaine des Domaine des Hauts de Domaine du Lac Nom et lieu Bois-Francs à Bruyères à Chaumont- d’Ailette à d’implantation Verneuil-sur-Avre sur-Tharonne dans le Chamouille dans dans l’Eure Loir-et-Cher l’Aisne Année d’ouverture 1988 1993 2007 Superficie 310 hectares 111 hectares 84 hectares Nombre de cottages 854 756 800 Population communale 6 371 1 087 256 en 2009 Evolution de la population communale -5% + 20 % + 67 % entre 1982 et 2009 Taux de chômage en 13,3 % 9,6 % 13,3 % 1999 Taux de chômage en 16,8 % 8,3 % 9,6 % 2009 Evolution du nombre d’emploi dans la zone - 0,3 % - 11,6 % + 367 % entre 1999 et 2009 (- 0,13 %) (-38,2 %) (+ 340 %) (dont temps partiel salarié) Evolution du revenu net déclaré moyen + 1,2 % + 1,7 % + 2,6 % entre 2006 et 2009 Tableau 2 : Quelques indicateurs qui permettent de dresser un bilan des conséquences économique et social de l’implantation d’un Center Parcs dans une commune rurale. Sources : INSEE et http://www.centerparcs.fr Ces chiffres nous montrent d’abord que selon les territoires d’implantation, les conséquences sur le tissu économique et social n’est pas forcément conséquent. Ces données sont des tendances qui ne permettent pas d’identifier systématiquement les causes de ces changements. Cependant, les Center Parcs s’implantent dans des bassins d’emploi peu importants, qui suivent les évolutions de ces grands projets. Les statistiques communales permettent ainsi d’en apprendre davantage sur les conséquences de ces projets : 27
On constate tout d’abord une densification des cottages sur les sites les plus récents. A en juger par l’évolution de la population de Verneuil-sur-Avre, l’implantation d’un Center Parcs n’a pas été un élément déterminant pour renverser le déclin démographique. La différence entre ces chiffres peut cependant s’expliquer par Figure 14 : L’évolution du taux de chômage à Chamouille depuis l’implantation du Center Parcs en 2007. le poids démographique initial de ces communes. Si l’implantation d’un Center Parcs a un effet positif immédiat sur l’emploi (voir figure 11), on peut déjà nuancer ces statistiques à court terme, au bout d’une dizaine d’année. La commune de Chaumont-sur-Tharonne, a effectivement perdu une centaine d’emploi dans la zone entre 1999 et 2009 (- 11,6 %). Il s’agit en réalité essentiellement d’emplois salariés à temps partiel : 135 emplois supprimés (-38,2 %) sur la même période. Enfin on constate au bout d’une vingtaine d’année une stabilisation du nombre d’emploi à pourvoir mais une forte hausse du chômage sur la commune de Verneuil-sur- Avre. 28
On constate malgré tout une légère hausse du revenu net moyen par foyer entre 2006 et 2009. Chamouille connait la plus forte hausse de revenu comparée aux deux autres communes étudiées grâce à l’implantation récente du Center Parc en 2007. Figure 15 : Evolution des recettes de la commune de Chamouille. L’année d’implantation du Center Parc est clairement identifiable. Si les conséquences sur l’emploi sont relatives dans la durée, la collectivité se voit progressivement dotée d’un budget plus conséquent pour intervenir sur le territoire. Le graphique suivant nous présente ainsi l’augmentation des recettes de la commune de Chamouille à partir de 2007, année d’implantation. L’étalement de cette recette est probablement dû à l’arrivée de nouveaux habitants mais aussi la possibilité, de payer la Taxe Locale d’Equipement (TLE) en deux fois. L’attractivité de ces territoires est confirmée par le fait que Chaumont-sur-Tharonne a gagné plus de 150 habitants entre 1990 et 1999, période la plus dynamique sur le plan démographique. Il semble donc évident que l’ouverture du Center Parcs en 1993 soit liée à ce phénomène. La commune de Roybon peut espérer connaitre le même renouveau démographique car elle présente de nombreux trait similaire avec Chaumont-sur-Tharonne : une population légèrement supérieure à 1 000 habitants pour une surface supérieure à 60 km². Elle doit cependant anticiper la suppression importante d’emploi environ dix ans après l’ouverture du Center Parcs. 29
Si les contreparties semblent réelle pour le territoire d’implantation, c’est le rapport entre les aides perçues par le groupe Pierre & Vacances et les retombées économiques locales qui est difficile à évaluer et à contrôler. 3. Le soutien et la générosité des aides publiques françaises Le premier argument des opposants au projet du Center Parcs de Roybon est l’argent que les collectivités investissent pour ce projet. D’après leurs estimations, voici les montants totaux de subventions et d’exonérations fiscales perçus : Organisme Montant investi Conseil régionale Rhône-Alpes 7 millions d’euros Conseil général de l’Isère 15 millions d’euros Communauté de communes du Pays de 7,5 millions d’euros Chambaran Commune de Roybon (contournement routier) 4 millions d’euros Syndicat des eaux de la Galaure 4 millions d’euros Total subventions perçues 37,5 millions d’euros Tableau 3 : Les subventions promises par les collectivités pour la construction du Center Parcs de Chambran. Source : « Pour les Chamabaran sans Center Parcs » Mesure d’exonération Montant estimé de Calcul fiscale l’exonération fiscal Loi Censi-Bouvard 1 000 cottages à 250 000 27,5 millions d’euros (-11% du montant investi) euros × 11 % 1 000 cottages à 250 000 Loi Demessine (ZRR) 49 millions d’euros euros × 19,6 % Total des exonérations 76,5 millions d’euros fiscales Tableau 4 : Les exonérations fiscales obtenues par Pierre & Vacances grâce à la construction du Center Parcs de Chambarans. Source : « Pour les Chamabaran sans Center Parcs » Le montant total investi par la collectivité dans ce projet est donc d’environ 114 millions d’euros. 30
En maintenant une politique d’investissement dans le logement de tourisme, le groupe Pierre & Vacances réduit ses charges d’investissement de 11% et capte les subventions des collectivités. Ce montant est variable d’un territoire à l’autre mais les territoires les plus fragiles sont encore défavorisés. Il s’élève pour notre cas à (seulement) 37,5 millions d’euros à Roybon17. Cependant, le Center Parcs Vienne Grand Ouest qui devrait voir le jour en 2015 dans le département de la Vienne a bénéficié de subventions plus de trois fois supérieures au Center Parcs de Chambaran. Il a, en effet, bénéficié de plus de 138 millions d’euros18 d’investissement de la part des collectivités (sans compter les exonérations fiscales). Pour ce projet davantage éloigné des grandes métropoles européennes, Pierre & Vacances a aussi davantage mis en concurrence quatre départements voisins : les Deux-Sèvres, le Maine-et-Loire, l’Indre-et-Loire et la Vienne. Or, le Conseil général de la Vienne et le Conseil régional de Poitou-Charentes disposent d’un budget nettement moins conséquent que celui du Conseil général de l’Isère et du Conseil régional Rhône-Alpes. C’est pourtant ces collectivités plus rurales qui vont davantage investir et soutenir ces projets pensés à une autre échelle. Principaux soutiens financier du Principaux soutiens financier du Center Parc Vienne Grand Ouest Center Parc des Chambaran Conseil régional Conseil général Conseil général Conseil régional de Poitou- de la Vienne de l’Isère Rhône-Alpes Charentes 415 millions 916 millions 1,3 milliard 2,46 milliard Budget 2013 d’euros d’euros d’euros d’euros Tableau 5 : Les différences de budget entre les collectivités concernées par les deux projets en cours de Center Parcs en France. Sites internet des collectivités concernées En l’absence de ces subventions, les coûts de fonctionnement, d’entretien et de rénovation des hébergements ne permettent pas de dégager des bénéfices. Cela force le promoteur à réduire les loyers des propriétaires des cottages. Par conséquent, 15% des propriétaires ne renouvellent pas leur bail 9 ans plus tard19. Pour y remédier, le groupe Pierre & Vacances a décidé de relancer une politique d’investissement dans de grands projets 17 « Pour les Chambaran sans Center Parcs » 18 http://www.lanouvellerepublique.fr/ 19 ANDREANI Emmanuelle. Temps de chiens pour Pierre & Vacances. In : Capital, février 2013, p. 46-47. 31
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