L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE - innovationNOVEMBRE 2017 COMMENT - Présenté par - Swisscom
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innovation NOVEMBRE 2017 COMMENT L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE VA TRANSFORMER VOTRE ENTREPRISE Présenté par
2 Avant-propos SAISIR TOUS LES ATOUTS Sommaire POUR RESTER À LA POINTE L ’an dernier, un de gence artificielle. Quel mes anciens collè- entrepreneur peut au- 03 FORMATION L’EPFL se gues a pris sa retraite. jourd’hui négliger ces veut pionnière pour Il avait passé la moitié révolutions majeures? Les l’intelligence artificielle. de sa carrière à taper ses pages que mon ancien Rencontre avec son articles sur une machine à collègue écrivait sont président Martin Vetterli écrire. Il donnait ensuite les pleines de ces entreprises 06 ENTREPRISES Swisscom feuilles dactylographiées qui ont eu peur des ordi- mise sur l’innovation en à un coursier qui déposait nateurs et ont fermé leurs accompagnant ses clients les textes chez un correc- portes. Demain, d’autres dans leur recherche teur, qui relisait et éliminait entreprises fermeront. de solutions les coquilles au stylo rouge et demandait Mais celles que nous citons dans ces 07 ADMINISTRATION Le à une secrétaire de les retaper à la ma- pages auront en tout cas saisi tous les canton du Jura est devenu chine. Puis un autre coursier emportait atouts pour rester à la pointe. Et pour un modèle suisse pour cette page à l’atelier d’impression où un accroître leur compétitivité. les services en ligne ouvrier la composait à l’aide de carac- Car l’enjeu est bien là: les gains 08 MUTATION La transition tères mobiles, combinant articles et qu’une entreprise peut réaliser en numérique réussie petites annonces dictées par des lecteurs s’appuyant sur les solutions numé- de la Chambre vaudoise aux secrétaires. riques innovantes peuvent s’avérer du commerce En 2016, ordinateurs, courriel, cruciaux à l’heure où la rivalité n’est et de l’industrie correcteur orthographique, rotatives plus avec le concurrent local ou régio- 10 BANQUES Plongée connectées ont pris le relais. Les nal, mais avec le challenger continen- dans la stratégie digitale coursiers sont devenus commerciaux, tal ou mondial, issu de pays où les de la Banque Cantonale le correcteur a renforcé l’équipe des coûts sont moins élevés. Ces revenus de Genève, commencée journalistes, une secrétaire organise nouveaux et ces économies réalisées en 2013 des rencontres avec les lecteurs et une sont loin d’être négligeables: ils sont autre s’est formée au marketing. peut-être même vitaux. Les outils numériques n’ont pas Reste la question du sens. changé la nature du métier. Mais des Implémenter des solutions numé- forces nouvelles ont pu être affectées à riques n’est judicieux que si l’ensemble des missions plus gratifiantes au du processus est repensé. On ne plaque détriment de tâches automatisées. Et pas de l’intelligence artificielle sur une cette première phase de la révolution entreprise dont les biens ou services 12 MÉDECINE Une entreprise numérique ne touchait que des fonc- ne correspondent plus aux besoins des lausannoise devenue tions basiques. Désormais, quelle consommateurs, sous peine de voir la leader de la santé basée entreprise se pose encore la question sur les données greffe échouer. Sans oublier d’inclure d’avoir un site web, d’utiliser l’e-mail les collaborateurs dans la démarche, 13 AGRICULTURE Herbicides: ou d’équiper ses collaborateurs en afin que les équipes participent au un marché mondial ordinateurs? processus de transformation digitale. en mutation accélérée Dans dix ans, la même question se 14 DATA Comment posera sans doute pour les chatbots, MATTHIEU HOFFSTETTER l’intelligence artificielle l’impression 3D, les drones ou l’intelli- Rédacteur en chef adjoint de Bilan vient aux données clients RÉDACTRICE EN CHEF DIRECTEUR ARTISTIQUE RÉDACTION PHOTO GRAPHISME Myret Zaki Pierre Broquet David Huc Charlène Martin ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO MARKETING PUBLICITÉ RÉDACTION Fabrice Delaye Dahlia Al-Khudri, Jacques Molinari Tamedia Advertising 11, rue des Rois - 1204 Genève Matthieu Hoffstetter av. de la Gare 33 - 1001 Lausanne e-mail: bilan@bilan.ch PHOTO: DR Joan Plancade, Mary Vakaridis ÉDITEUR Tél. +41 21 349 50 50 Tél. +41 22 322 36 36 Myret Zaki Tamedia Publications romandes SA publicite.lausanne@tamedia.ch Fax +41 22 322 34 50 INNOVATION
Intelligence artificielle 3 Martin Vetterli: «Beaucoup de disciplines sont en pleine révolution, et nos chercheurs y sont très actifs.» «NOS DIPLÔMÉS SERONT AU RENDEZ-VOUS» P résident de l’Ecole polytech- Machine learning, deep learning... PAR MATTHIEU HOFFSTETTER DE PLUS nique fédérale de Lausanne Depuis 2006 et l’article du EN PLUS D’ENTREPRISES PHOTOS: FRANÇOIS WAVRE/LUNDI13 (EPFL), Martin Vetterli chercheur canadien Geoffrey LOCALES AURONT BESOIN DES explique le rôle des écoles Hinton, l’intelligence artificielle SPÉCIALISTES FORMÉS PAR suisses dans l’écosystème de l’intelli- connaît une véritable renaissance. L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE gence artificielle et rappelle que l’insti- Quelles sont les initiatives qu’a LAUSANNE DANS LE DOMAINE tution ne s’est pas contentée d’être prises l’EPFL dans ce domaine DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, pionnière dans le domaine, mais tant du point de vue de la ASSURE SON PRÉSIDENT continue d’explorer des pistes recherche que de l’éducation? MARTIN VETTERLI. révolutionnaires. L’EPFL est montée dès les premières NOVEMBRE 2017
4 Intelligence artificielle heures dans ce train-là, avec de nom- breuses approches complémentaires. L’émergence du big data et les puis- «Les compétences en sances de calcul phénoménales dont sont capables les ordinateurs au- analyse et traitement des jourd’hui ont ouvert de nouveaux données seront de plus champs de recherche dans lesquels nous nous sommes très vite engagés. en plus recherchées» L’apprentissage automatique n’en est qu’un volet. La cryptographie, les questions liées à la protection des séquençage génomique que l’on va données personnelles... Beaucoup de généraliser le plus possible afin d’éta- disciplines sont en pleine révolution, et blir des «cartographies génétiques» nos chercheurs y sont très actifs. Nous pertinentes pour prévenir des mala- observons l’évolution de la société, nous dies. Ajoutez à cela que la majorité de voyons survenir cette fameuse «vague ces recherches s’effectue désormais de la digitalisation», en raison de dans l’optique de l’Open Science, et que laquelle les compétences en analyse et tous ces résultats sont partagés et traitement des données, au sens large, rendus accessibles aux chercheurs du seront de plus en plus recherchées. monde entier, et vous aurez peut-être Nous sommes parfaitement conscients un aperçu de la phénoménale quantité du rôle que nous avons à jouer pour de données – particulièrement intéres- préparer et accompagner cette nouvelle santes – qui peut constituer la matière manière que la solution puisse être révolution industrielle, et croyez-moi: première de nos travaux de recherche formulée de manière computationelle. nos diplômés seront au rendez-vous. en deep learning et machine learning. Par exemple, en les «découpant» en séquences plus faciles à résoudre, puis Dans le domaine de l’intelligence Selon Google, dans une annonce sur en agrégeant les résultats pour parvenir artificielle, les chercheurs acadé- ses besoins, les deux EPF forment à une solution globale. Avec ce bagage, miques ne sont-ils pas pénalisés par 450 étudiants par an en intelligence ils seront «naturellement» des spécia- un accès au big data considérable- artificielle. N’est-on pas très loin listes de techniques computationnelles ment moins important que celui des besoins qui vont s’exprimer? à la fin de leur cursus, même si leur des entreprises et en particulier Nous venons de lancer un nouveau diplôme ne porte pas explicitement la des GAFA (Google, Apple, Facebook, master en data sciences, auquel notion de «data scientist». Amazon)? 65 étudiants se sont inscrits. Notre Nous avons aussi une responsabilité Notre rôle n’est pas tant d’exploiter cours sur le machine learning est l’un face au public et la prenons très au nous-mêmes ces bases de données que de ceux qui ont la plus forte audience sérieux. Avec notre toute nouvelle de développer les outils qui permet- de toute l’école, avec plus de 400 «Extension School», nous offrons une tront de les exploiter au mieux, tandis participants. Mais ce qu’il faut savoir, formation sans prérequis, accessible à qu’elles continueront de croître. Et c’est que la plupart des domaines toute personne prête à travailler et n’allez pas croire que nous n’avons pas d’activité des EPF font aujourd’hui désirant acquérir les compétences accès au big data: les chercheurs de intervenir des compétences en science nécessaires pour évoluer dans cette ère tous les domaines génèrent eux- des données. Vous savez, il faut élargir digitale. mêmes, par leurs travaux, des quantités la focale. A l’EPFL, nous avons décidé de données absolument phénomé- dès l’année prochaine d’introduire le On a vu les principaux groupes nales. On peut penser par exemple au computational thinking comme de R&D académiques en intelligence CERN, et aux centaines de térabytes matière de base de notre enseigne- artificielle être aspirés du jour au générées par chaque collision de ment, au même titre que les mathé- lendemain par les Google, Baidu et particules. Ou aux 6 pétabytes des matiques ou la physique. Il s’agit, en autre Facebook. Dans ce domaine, archives du Montreux Jazz Festival. quelques mots, d’apprendre aux l’académique va-t-il devoir Sans oublier, bien sûr, les opérations de étudiants à poser les problèmes de telle se contenter d’un strapontin? INNOVATION
5 le cadre du Human Brain Project, pourrait en effet déboucher sur de nouvelles perspectives intéressantes. Ces nouvelles puces, dont l’architecture s’inspire de l’organisation des neurones humains, pourraient montrer des capacités extraordinaires dans le champ du deep learning, avec une efficacité supérieure et une consommation d’énergie largement inférieure à celles des processeurs classiques basés sur des transistors. Donc, d’une certaine façon, oui: on pourrait s’attendre que l’imita- tion de ce que la nature a mis au point durant des millions d’années conduise à des progrès dans le domaine du ma- «Le rôle du milieu chine learning. académique reste absolument Quelles passerelles entre labora- fondamental.» toires de recherche et entreprises pourraient être envisagées afin de mieux diffuser dans l’écosystème Il est évident qu’avec les quantités de commune aux deux EPF, qui s’appuie- romand et suisse les innovations données dont ils disposent et qu’ils ra – avec d’autres – sur la puissance de issues de l’EPFL? cherchent à exploiter, ces groupes ont calcul phénoménale de ce superordi- Les parcs d’innovation, installés à des besoins considérables en termes de nateur installé au Tessin. L’un de ses proximité immédiate des hautes écoles, spécialistes. Mais d’où sortent-ils, ces objectifs principaux est de recueillir un sont conçus dans ce but. Ils rassemblent talents? Précisément de hautes écoles maximum d’informations scienti- les start-up issues des laboratoires et telles que la nôtre. Parce que le do- fiques, toujours dans cette optique des unités de recherche et développe- maine de la digitalisation est en pleine d’Open Science, pour les rassembler ment de grandes entreprises, qui évolution, il est extrêmement précieux dans une base de données intelligente. veulent se tenir au courant des der- pour ces géants d’embaucher des gens nières avancées, et aussi repérer les qui sont au plus près de la recherche, et Pensez-vous que les neurosciences, compétences dont ils ont besoin pour qui sont à même d’anticiper les ten- le reverse engineering imaginé s’adapter. dances. Le rôle du milieu académique par le neuroscientifique Henry Dans le domaine plus particulier des reste donc absolument fondamental. Markram, puissent être à l’origine sciences des données, le Swiss Data de la prochaine révolution Science Center proposera une journée Depuis juin dernier, le 3e plus puis- de l’intelligence artificielle? de rencontre avec l’industrie, le 29 no- sant ordinateur du monde L’informatique neuromorphique, telle vembre prochain à Berne. Ces événe- est suisse, derrière deux chinois qu’elle est notamment développée dans ments sont essentiels pour que les mais devant les américains. industriels sachent que les EPF sont à Cela a-t-il un lien avec une montée en leur service. Aujourd’hui, la notion de puissance de l’intelligence artificielle «Il est essentiel «digitalisation de la société» est sur dans notre pays? toutes les lèvres. De plus en plus d’en- Cela répond aux besoins actuels et que les industriels treprises locales vont elles aussi avoir futurs que nous avons identifiés dans besoin des spécialistes que nous ce domaine, et pour lesquels nous sachent que les EPF formons pour ne pas se laisser sub- voulons être à la pointe. Nous avons merger par cette vague, et au contraire aussi créé le Swiss Data Science Center sont à leur service» apprendre à la surfer. Nous nous y dans ce but. Il s’agit d’une plate-forme engageons. NOVEMBRE 2017
6 Intelligence artificielle Urs Lehner: selon des standards helvétiques. Cela «Etre actif sur nous permet notamment d’intervenir les sujets innovants rapidement auprès de nos clients et est crucial pour démontre notre excellente connais- Swisscom.» sance des dossiers que nous traitons depuis de nombreuses années. Nous n’avons bien entendu pas la prétention de rivaliser sur le marché global avec les grandes entreprises technologiques telles que Google ou IBM dans le do- maine de l’intelligence artificielle, mais pour les entreprises suisses, nous pouvons apporter des solutions avec un meilleur retour sur investissement. Comment cette démarche est-elle implémentée au sein de Swisscom? Notre démarche est bidirectionnelle. «LES POSSIBILITÉS D’un côté, nous disposons d’un research panel qui analyse certains thèmes se développant dans l’innovation et SONT IMMENSES» l’intelligence artificielle. Il repère ce qui pourrait nous intéresser pour des applications industrielles. De l’autre côté, nous avons des spécialistes qui PAR MATTHIEU HOFFSTETTER URS LEHNER, HEAD OF SWISSCOM ENTERPRISE travaillent uniquement à trouver des CUSTOMERS, EXPLIQUE COMMENT L’OPÉRATEUR ACCOMPAGNE solutions innovantes aux problèmes SES CLIENTS POUR TROUVER DES SOLUTIONS INNOVANTES. soulevés par nos clients. Pour ce faire, un dispositif d’observation fine des avancées de la recherche a été mis en Quel peut être le rôle de groupes ainsi de pouvoir estimer les éventuelles place. La structure interne que nous comme Swisscom, engagés aux transpositions vers le monde de l’entre- avons créée est assez flexible pour côtés des entreprises suisses pour prise. Les nouveaux algorithmes s’occuper de défis à relever. diffuser des solutions innovantes? ouvrent de vastes perspectives pour des Etre actif sur les sujets innovants est solutions très intéressantes. Nous avons Comment une entreprise faisant crucial pour Swisscom, afin de mieux par exemple développé avec l’EPFL et appel à Swisscom est-elle connaître ces solutions. Par exemple, un autre partenaire un dispositif ca- accompagnée dans son processus l’intelligence artificielle offre des possi- pable de comprendre le dialecte suisse de digitalisation? bilités immenses mais il n’est pas allemand pour les commandes vocales Lorsqu’un client nous sollicite pour que toujours évident pour une PME clas- de la Swisscom TV. Nous pouvons tout à nous l’aidions à régler un problème – et sique de comprendre comment elle fait imaginer décliner cette technologie que nous pensons avoir les compé- peut en tirer profit pour son business. pour bon nombre de différents usages tences pour y arriver –, alors nous Notre rôle est donc central: grâce no- pour nos clients. cherchons en premier lieu les solutions tamment à des expériences que nous C’est précisément sur ce point que disponibles à l’interne. Il peut arriver avons menées en interne, nous avons nous nous distinguons de sociétés que nous soyons poussés à investir acquis un savoir-faire solide que nous comme IBM ou Google: nous nous davantage de ressources lorsque le cas pouvons mettre à disposition des focalisons sur des besoins locaux. soumis par le client présente un intérêt entreprises. Swisscom est une entreprise suisse qui vaste et qui pourrait concerner d’autres Concernant l’intelligence artificielle dispose simultanément d’une réelle clients – ou même Swisscom. Nous uniquement, nous avons massivement proximité avec ses clients et qui déve- tenons à maintenir au cœur de notre investi voilà deux ans et demi des loppe des produits et services qualitatifs approche la notion d’agilité: fonction- dizaines de millions de francs et avons ner par projets, avec des essais et un étroitement collaboré avec l’environne- processus itératif. Dans le contexte ment de l’EPFL. Notre objectif n’est pas «Nous avons investi d’une organisation standard, on ne de faire de la recherche fondamentale dispose pas de cette agilité pour essayer, des dizaines PHOTO: SWISSCOM au sens classique, mais bel et bien de la développer et redévelopper encore des recherche appliquée. Pour cela, il est solutions. Nous avons adapté nos essentiel d’être au courant de ce qui se de millions de francs» manières de travailler pour ces envi- fait dans la recherche en permanence et ronnements de développement soft. INNOVATION
Intelligence artificielle 7 LE JURA, MODÈLE SUISSE POUR L’ADMINISTRATION EN LIGNE prestations pour les particuliers (télé- dû embaucher», confie Matthieu PAR MATTHIEU HOFFSTETTER DANS versement partiel des déclarations Lachat. Par ailleurs, des économies ont LE CANTON, 80 SERVICES fiscales)», confie Matthieu Lachat, chef pu être réalisées dans les communes: ET FORMALITÉS PEUVENT ÊTRE du service de l’informatique du canton «Nous avons mesuré +40% de télédé- RÉALISÉS EN LIGNE, DONT du Jura. Cette première version ren- clarations chaque année. On diminue le LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE. contre vite «un grand succès». En 2012, travail dans les communes qui véri- RETOUR SUR UNE RÉUSSITE elle est encore améliorée: désormais, 80 fiaient les pièces avant l’envoi au QUI POURRAIT INSPIRER services et formalités peuvent être Canton. Cela a permis de limiter le D’AUTRES CAPITALES. réalisés en ligne, «via un guichet vir- nombre de taxateurs, malgré l’augmen- tuel, bâti sur un principe comparable à tation du nombre de contribuables.» E t si le Jura devenait l’Estonie de la l’e-banking d’une banque». Suisse? Sur les bords de la La démarche n’est pas révolution- Un Prix de l’innovation Baltique, Linnar Viik a impulsé naire en Suisse; le canton de Neuchâtel Ces réussites suscitent l’intérêt d’autres une tendance révolutionnaire. Ce avait notamment déjà créé un portail. cantons. Fribourg puis Saint-Gall professeur en management de l’inno- Mais les autorités jurassiennes décident adoptent la solution développée par le vation, ancien de la licorne estonienne d’aller plus loin. En partenariat avec La Jura. Et plusieurs autres cantons mani- Skype, a inspiré et guidé la stratégie Poste, elles optent pour la SuisseID, festent leur intérêt. Alors que l’adminis- digitale de la jeune république au début «afin de pouvoir signer électronique- tration digitale tarde à se développer en des années 1990. «Nous avons compris ment un document». La stratégie Suisse, la réussite jurassienne pourrait rapidement que nous n’aurions pas les répondait à un besoin: «L’usager n’a pas servir de modèle. Une association moyens de déployer une infrastructure toujours le temps de se déplacer à un intercantonale a été créée fin octobre, gigantesque. Nous avons mis nos efforts bureau aux heures de travail. L’élément en partenariat avec l’Etat de Fribourg, dans la recherches de solutions offrant essentiel mis en avant par le politique afin de développer le guichet de ma- des coûts opérationnels au plus bas», dans son programme de législature: un nière uniforme à l’avenir. Et un Prix de rappelle Linnar Viik. Vingt ans plus retour sur investissement en diminuant l’innovation au niveau fédéral a été tard, le pays est devenu la référence les tâches à faible valeur ajoutée afin attribué à Delémont. Le tout pour un mondiale pour l’e-administration. que les collaborateurs de l’Etat puissent coût plus que modéré: «Sur la période En Suisse, le Jura est aussi une jeune se concentrer sur des tâches à forte 2012-2017, en tenant compte du retour république. Mais son administration valeur ajoutée, mais aussi désengorger sur investissement, nous avons dépensé était en place au début de la vague les guichets physiques pour des cas plus moins d’un million de francs», estime d’informatisation des années 1990. Plus complexes», détaille Matthieu Lachat. Matthieu Lachat. qu’une construction numérique ex Au sein de l’administration juras- Pas question de s’arrêter là. D’autres nihilo, c’est donc une transformation sienne commence alors un glissement pistes sont explorées: chatbot et intelli- des services qui a été initiée. Première des compétences: «On diminue les gence artificielle sont testés et devraient phase avec la création d’un portail en tâches de secrétariat pour se focaliser être déployés en 2018. Tout cela entre ligne: «Dès 2008, on s’est approchés des sur le métier. Pour l’office des véhicules, dans le cadre de la transformation professionnels (fiduciaires pour impôts, on avait un taux de 85% d’utilisation digitale de l’administration jurassienne registres foncier et du commerce, des pistes d’expertise, qui est monté à voulue par le politique et qui implique garagistes) et on a offert quelques 95 voire à 99% en peu de temps, et on a un profond changement culturel. PHOTO: IVO SCHOLZ/MONTAGE CH. MARTIN Saint-Ursanne: une ville rurale dont le canton est à la pointe en matière d’administration en ligne. NOVEMBRE 2017
8 Intelligence artificielle Des machines dont le prix de location varie en fonction du nombre de café servis: c’est la nouvelle offre de La Cimbali, grâce à la technologie. LA TRANSITION NUMÉRIQUE AU SERVICE DE L’HUMAIN Jusque-là vendeur de machines, le PAR MARY VAKARIDIS COMMENT UNE ENTREPRISE OU UNE ORGANISATION groupe s’est transformé en société de FAIT-ELLE LE SAUT VERS LA DIGITALISATION? L’EXEMPLE services. Désormais, l’entreprise met à DE LA CHAMBRE VAUDOISE DU COMMERCE ET DE L’INDUSTRIE. disposition des restaurants une ma- chine dont la location est facturée L a transition numérique? C’est un cafés et restaurants avaient vu leur mensuellement, en fonction du concept très concret pour le clientèle fondre et ne se trouvaient plus nombre de cafés servis. fabricant italien de machines à en mesure de financer l’acquisition de En Suisse, Elite a gagné un statut de café La Cimbali. Les nouvelles ses rutilantes machines. La Cimbali modèle international grâce à un déve- possibilités technologiques désignées s’est alors tournée vers l’innovation en loppement du même type. Installée à par l’expression «industrie 4.0» ont recourant à l’internet des objets (IoT). Aubonne (VD), l’entreprise est connue tout simplement permis à ce fournis- Les ingénieurs ont connecté les ma- pour sa literie traditionnelle de qualité. seur d’équipements pour la restaura- chines à un instrument de mesure qui Ancien patron de Honda Suisse, le CEO tion haut de gamme d’échapper à la permet de connaître le nombre de François Pugliese s’est inspiré du PHOTO: DR faillite, puis de relancer les affaires. cafés servis chaque jour. La Cimbali a secteur de l’automobile pour adapter le Dans le sillage de la crise de 2008, les ainsi modifié son modèle d’affaires. modèle du leasing aux matelas pour INNOVATION
9 l’hôtellerie. Des capteurs permettant de collaborateurs, soit près de la moitié échanges peuvent se poursuivre sur les d’identifier l’occupation des lits à de l’effectif. Choisis en raison de leurs réseaux sociaux ou sur une autre distance ont été intégrés aux articles affinités avec l’informatique, les parti- plateforme.» qui sortent de l’usine. Conséquence, au cipants ont été désignés «champions lieu d’acquérir des matelas de qualité numériques». Leur mission: trans- Surtout, rester agile supérieurs au prix fort, les hôteliers ont mettre à leurs collègues les nouveautés Au registre des conditions qui favo- maintenant la possibilité de les louer technologiques. Raphaël Rollier re- risent une transition réussie, Raphaël en payant une somme dépendante de prend: «Dans un tel processus, ce que Rollier cite une impulsion claire don- l’occupation effective des lits. l’on doit avant tout communiquer, c’est née par la direction et une gouvernance Ces deux exemples illustrent le la culture du numérique. Pour y parve- efficace, avec un chef d’orchestre potentiel révolutionnaire de la digitali- nir, il faut impliquer l’ensemble de autour duquel vont se constituer les sation pour les entreprises. «La transi- l’organisation.» Selon lui, les pires équipes. L’agilité reste le maître mot. tion numérique permet de gagner en blocages proviennent du cloisonne- «Nous sollicitons les outils du marché efficacité, d’améliorer l’expérience ment entre les services. Pour que les afin de développer des solutions, tout client et de développer un nouveau idées trouvent un terrain favorable, les en restant très souples sur leur utilisa- modèle d’affaires», souligne Raphaël collaborateurs doivent se parler entre tion. Rien ne doit être imposé d’en haut. Rollier, digital transformation designer les différentes équipes et établir des Si une nouveauté ne convient pas, elle chez Swisscom. L’ingénieur est à la tête relations transversales. sera abandonnée. La transformation d’un projet de transformation numé- numérique est un voyage qui doit rique pour le compte de la CVCI Des offres sur mesure continuellement améliorer l’efficacité (Chambre vaudoise du commerce et de Swisscom défend l’idée que la base de et l’expérience client.» l’industrie), qui conseille 3000 entre- la transformation numérique est de prises dans le canton et emploie comprendre les besoins des clients et 90 personnes. d’orienter les processus selon la pers- «INDUSTRIE 4.0»? «La CVCI est confrontée à de nom- breux défis liés aux nouvelles techno- pective de la clientèle. Ce qui a été fait à la CVCI. Une fois les axes stratégiques CONNAIS PAS! logies et également aux nouveaux définis, un plan d’action a été déployé SONDAGE Alors que le digital est devenu besoins et habitudes de ses clients. Il sur plusieurs mois. Un des projets un thème rabattu par les médias, un faut sans cesse s’adapter, se reposition- lancés porte sur la valorisation de sondage montre qu’un tiers (34%) des ner, et surtout avoir un esprit ouvert l’expertise juridique de la Chambre entreprises vaudoises n’ont jamais entendu aux changements. Nous avons donc dans le domaine des ressources hu- parler des concepts «industrie 4.0» et choisi d’entreprendre une transforma- maines. «Alors que nous vivons à l’ère «numérisation de l’économie». Voilà un tion digitale non seulement pour de Google, l’ensemble des informa- résultat surprenant que livre une récente améliorer notre fonctionnement et tions existantes peut être disponible enquête réalisée par l’institut M.I.S. Trend, adapter nos services, mais aussi pour sur le net. La mise en ligne des res- sur mandat de la CVCI (Chambre vaudoise acquérir une expérience à faire parta- sources de la CVCI va permettre aux de commerce et d’industrie). ger à nos membres», dévoile Claudine employés de se muer en véritables La transition numérique recouvre tout un Amstein, directrice de la CVCI. conseillers.» Claudine Amstein ren- éventail d’instruments: des réseaux chérit: «L’optimisation de l’exploita- sociaux et applications mobiles aux Décloisonner les services tion des données nous permettra de senseurs intelligents en passant par les Lorsqu’il aborde une telle mission, proposer des offres sur mesure à nos objets connectés et les «chatbots». Or, il Raphaël Rollier mène avec la direction membres. Dans un second temps, apparaît qu’une entreprise sur trois n’a une réflexion en amont et privilégie le l’expérience acquise nous guidera pour encore rien mis en place. Pour les firmes dialogue avec les collaborateurs. faire évoluer notre catalogue de qui se sont lancées, la présence sur les «L’humain reste au centre des préoc- prestations.» médias sociaux arrive en tête des outils les cupations. Pour que les nouveautés Une autre action concerne l’intensi- plus utilisés (une entreprise sur deux), digitales rencontrent l’adhésion des fication des relations de la CVCI avec devant les applications mobiles (36%) et utilisateurs, elles doivent correspondre ses membres. Parmi ses activités, la les objets connectés (22%). Seules 2% des à leurs attentes et apporter des amélio- Chambre organise des événements et entreprises vaudoises ont déjà procédé à rations tangibles.» Des ateliers ont des formations qui jouent un rôle une robotisation de la production ou des ainsi été menés avec une quarantaine essentiel au niveau du réseautage. prestations de services. Mais 34% «Loin de nous l’idée de remplacer les estiment que ce pas est «tout à fait» ou rencontres physiques entre les gens par «plutôt» envisageable. «Afin d’accompa- «Il faut sans cesse des cours en ligne, affirme Raphaël gner les PME, nous allons lancer prochai- Rollier. Le numérique doit au contraire nement des «ateliers d’aide à la digitalisa- s’adapter, et surtout servir à favoriser les contacts. Internet tion des PME», particulièrement adaptés permet de publier des documents aux entreprises de 50 à 100 collabora- avoir un esprit ouvert» utiles pour préparer les rencontres. teurs», indique Claudine Amstein, à la CVCI. Une fois la manifestation terminée, les NOVEMBRE 2017
10 Intelligence artificielle «POUR LE CLIENT, LA RELATION DOIT ÊTRE LA PLUS FLUIDE POSSIBLE» mation a concerné les succursales, la PAR MYRET ZAKI LANÇANT LA RÉFLEXION DÈS 2013, LA BCGE A REPENSÉ gestion des placements, les finance- L’ENTIER DE SON SYSTÈME ET INVESTI À LONG TERME EN VUE ments, la téléphonie, les équipements, DE CONNECTER LE CLIENT SUR L’ENSEMBLE DES CANAUX le conseil, et internet. Sur les services ET D’AUTOMATISER LA GESTION JUSQU’AU BACK OFFICE. bancaires de base, la banque a choisi d’être early follower. «Mais sur les J ean-Marc Joris, haut responsable autres domaines, on va se transformer. informatique et chef de la digitali- Dans les placements et financements, sation de la Banque Cantonale de nous pouvons être leader, avec une Genève (BCGE), n’aime pas se certaine avance, en tous les cas.» définir comme un «chief digital offi- Là, il s’agit de «prendre des prestations cer». Pour mener la stratégie de trans- existantes, et de les transporter dans le formation digitale de la banque, il se monde digital». décrit comme un «animateur», avec Dans le domaine de l’ouverture de une vision globale et sans casquette compte, la banque le fera à travers IT centralisatrice, soulignant qu’un deux canaux: en agence, et sur inter- processus de transformation digitale se net/avec une tablette. L’ouverture de veut décentralisé et ne porte pas que compte en ligne reposera sur le pro- sur des raisonnements de type infor- cessus d’identification en ligne du matique. «Définir ce qu’il est utile de client tel qu’approuvé par la Finma. garder ou non dans un département, Il utilisera un service de Swisscom de parmi les processus du passé, ce n’est reconnaissance digitale lors duquel la pas d’ordre technologique», webcam peut reconnaître le passeport résume-t-il. du client lorsqu’il est montré à la La réflexion digitale au sein de la caméra. Dans ce domaine, la BCGE a BCGE a commencé il y a près de choisi d’investir aussi pour transfor- quatre ans, autour de 2013. Toute la mer le back office. «Ainsi, au gain de cartographie du système d’informa- compétitivité, qui n’est jamais éternel, tion a été repensée. Un processus qui a s’ajoute également le gain d’effi- passionné Jean-Marc Joris, qui fait Jean-Marc Joris: «Un jour, le client nous cience», souligne Jean-Marc Joris. partie des six membres de la direction appelera sur WhatsApp, Viber, Skype...» générale menée par le CEO Blaise Sur tous les canaux à la fois Goetschin. Le contexte a conféré aux L’intention stratégique de la BCGE est Voir à long terme, c’est aussi anticiper responsables informatique un rôle d’avoir les moyens digitaux d’une les besoins du client de communiquer prépondérant dans les banques. banque cantonale de ligue nationale, via l’ensemble des canaux avec la «J’ai beaucoup lu, observé, écouté», présente à l’international (Lyon, Paris, banque. «Un client pourra désormais indique Jean-Marc Joris. Au cœur de Dubaï, Hongkong), avec un porte- initier un conseil sur internet, aller le la stratégie, un postulat immuable: feuille d’activités étoffé qui exige poursuivre à l’agence, et le terminer «La BCGE restera toujours la BCGE. une plateforme opérationnelle au téléphone. Bref, ce qu’il a com- Elle a une identité; tout ce qu’on fait multilingue. mencé sur internet, il doit pouvoir le doit servir cette identité.» Le responsable a identifié 14 ten- finir sur tous les autres canaux et être dances qui affectent les banques totalement autonome.» Cela concerne 14 tendances (allant de la dématérialisation de tous les processus de conseil La transformation démarre du client. l’argent à la blockchain, en passant par et de service au client. Ce dernier, PHOTO: LORIS VON SIENBENTHAL/BCGE «On part des nouveaux besoins, la diffusion d’avis des clients sur les analyse Jean-Marc Joris, vient pour définis par les différents départe- établissements indiqués sur Google 120 types de conseil ou «cas de vie». ments à travers la méthode du design map…). Le diagnostic numérique a «Ces moments doivent être le plus thinking, et on implémente la techno- permis à la BCGE de se positionner face fluides possible pour lui.» Il observe logie qui en découle. Le design thin- à ces 14 tendances. «Il a fallu choisir, que le téléphone est de plus en plus king puise dans l’expérience du client, en fonction de nos forces et faiblesses, utilisé par la clientèle. «On note une et la transformation technologique se dans quels domaines nous serions des croissance importante au centre met au service de la stratégie.» followers, ou des leaders.» La transfor- d’appel. Les clients préfèrent souvent INNOVATION
11 QUELQUES ÉVOLUTIONS RÉCENTES ET À VENIR À LA BCGE SOLUTION DE PAIEMENT DIGITAL L’application mobile BCGE Twint permet aux particuliers de transmettre et de recevoir des sommes d’argent et de payer les achats sans liquide via leur smartphone. OUVERTURE DE COMPTE VIA INTERNET Depuis chez lui, le client peut ouvrir un compte. Il est identifié en se présen- tant, à côté d’une pièce d’identité, devant une webcam. Un logiciel vérifie la coïncidence entre son visage et la photo du document. COFFRE-FORT NUMÉRIQUE Permet aux clients de la banque de regrouper dans un espace unique et sécurisé en ligne leurs documents importants, bancaires et non bancaires. communiquer directement un chan- Car pour transformer les processus, MARCHÉ DES CHANGES gement d’adresse ou une demande de différents départements (conformité, EN LIGNE POUR ENTREPRISE conseil que de cliquer sur un bouton. juridique…) sont impliqués dans la Grâce à On réfléchit dès lors à la suite: un jour, réflexion. Des animateurs ou consul- ForXchange by ce client va nous appeler sur tants externes aident à la réflexion en BCGE, les clients WhatsApp, Facebook, Viber, Skype. mode design thinking. «Il s’agit de peuvent traiter Nous devons mettre en place les créer un débat interne, faire tomber les principales infrastructures qui permettent ces des digues par rapport à ce qui a été paires de devises contacts.» nécessaire dans le passé, mais qui ne et métaux précieux, le sera plus dans le futur.» Fait surpre- à un tarif Des millions investis nant, la BCGE n’a pas recruté de avantageux, et réaliser des opérations En tout, l’investissement informatique nouveaux profils. «Nous avons choisi spot à terme et swap en temps réel de la BCGE dans cette phase de digita- de faire adhérer, former, convaincre sur une plage horaire étendue. lisation a représenté autour de 20 à les profils existants. Cela requiert de 25 millions de francs sur quatre à cinq consacrer beaucoup de temps à trans- PLATEFORME DÉDIÉE ans. «Le coût d’acquisition technolo- former la psychosociologie des AUX GÉRANTS INDÉPENDANTS gique n’est pas si élevé», reconnaît groupes pour amener les collabora- E-GFI est un outil facilitant la proactivité Jean-Marc Joris. C’est l’investissement teurs à ces nouvelles méthodes. opérationnelle des gérants externes humain et la conduite du changement Quand un collaborateur découvre le avec un accès aux données qui sont les plus importants. Le ras- résultat de ce qu’il avait émis comme et aux passages des ordres semblement de toutes les compétences besoin, l’adhésion est énorme», à partir de différents supports. dans tous les secteurs.» témoigne le haut responsable. NOVEMBRE 2017
12 Intelligence artificielle SOPHIA, LA PREMIÈRE «SOPHiA», utilisée par plus de 350 hôpitaux dans 55 pays, est la technologie la plus avancée du monde CHAMPIONNE SUISSE pour identifier les altérations pré- sentes dans le profil génomique des patients. SOPHiA analyse en quelques DU BIG DATA MÉDICAL heures seulement le profil génomique d’un patient, données entièrement anonymisées et sécurisées, en garan- tissant la précision analytique. Elle aide plus de 8000 patients par mois PAR FABRICE DELAYE LE SECTEUR DE LA SANTÉ EST DEVENU LE GRAAL mais reste peu connue en Suisse. DES IBM, GOOGLE ET CONSORTS. NÉE À LAUSANNE, SOPHIA GENETICS LES DÉFIE DANS CETTE COURSE QUI TRANSFORME LA MÉDECINE. Médecine personnalisée DES START-UP COMME DEEPCUBE LUI EMBOÎTENT LE PAS. Pour établir son leadership face à la concurrence croissante des géants du big data qui manœuvrent vers la santé, l’entreprise a adapté son IA pour développer une nouvelle appli- cation génomique particulièrement prometteuse. SOPHiA aide les clini- ciens à surveiller l’évolution de la maladie en examinant l’ADN tumoral circulant (ctDNA, détectable par biopsie liquide) directement dans le sang. L’une des premières utilisatrices de SOPHiA pour les biopsies liquides, la professeure Léa Payen-Gay, coinvesti- gatrice au sein du programme CIRCAN (CIRculating CANcer) au laboratoire des Hospices civils de Lyon, en France, explique: «La technologie d’analyse génomique SOPHiA AI permet la détection des mutations de l’ADN tumoral circulant à partir des biopsies liquides et ainsi de guider le choix du traitement, de suivre son SOPHiA apprend continuellement de milliers de profils génomiques de patients. efficacité et l’évolution du cancer.» Autrement dit de personnaliser le C hef du Service de génétique Vu les conséquences d’une telle traitement. médicale à l’Institut central des «prédiction», Thomas von Känel Si Sophia Genetics a déjà pris une Hôpitaux à Sion, le docteur s’assure que ces tests ne génèrent pas position de leader dans l’application Thomas von Känel pratique d’erreur. Et comme le séquençage de de l’IA à la génomique, ce sont toutes avec son équipe des tests génomiques l’ADN produit des milliards de don- les données cliniques qui font au- qui indiquent les prédispositions à nées avec beaucoup de bruit de fond, jourd’hui l’enjeu d’une formidable certains cancers héréditaires. il utilise les services d’une entreprise bataille industrielle. En commençant «Typiquement, si en fonction de l’âge, lausannoise devenue leader de la par celles de l’imagerie médicale: des antécédents familiaux, etc. un médecine basée sur les données: radio, IRM… Au Biopole de Lausanne, oncogénéticien suspecte une prédis- Sophia Genetics. c’est ce segment que vise la start-up position au cancer du sein chez sa Son intelligence artificielle (IA), DeepCube. En création, l’entreprise patiente, il nous envoie un échantillon a testé son IA pour détecter la rétino- de sang», explique-t-il. «Nous sé- pathie sur 2000 images de rétine quençons l’ADN de la patiente pour Une formidable bataille fournies par trois hôpitaux. Résultat: ensuite analyser 26 gènes susceptibles un record mondial avec 99% de de porter une altération qui implique industrielle se livre sur précision, soit une amélioration de un risque de cancer du sein, comme 18% du diagnostic par rapport aux les données cliniques PHOTO: DR celle du gène BCRA1 détectée chez meilleurs médecins sur les mêmes Angelina Jolie.» images! INNOVATION
Intelligence artificielle 13 Le robot ecoRobotix effectue un désherbage de précision, ce qui réduit l’utilisation de produits chimiques. LA TECHNOLOGIE EST DANS LE PRÉ l’EPFL Gamaya a récolté 4 millions en PAR JOAN PLANCADE LE DEEP LEARNING ET LES TECHNIQUES D’IMAGERIE 2017 pour accélérer son développe- DE POINTE PERMETTENT D’AFFINER LA CONNAISSANCE DU SOL ET DE ment. Il équipe des drones de caméras LIMITER L’EMPLOI DES HERBICIDES. DES START-UP SUISSES VISENT hyperspectrales ultralégères UN MARCHÉ MONDIAL DE L’AGRICULTURE EN MUTATION ACCÉLÉRÉE. (250 grammes) pour photographier les surfaces agricoles. Combinés à des L a machine s’apparente à une en toute saison, toute luminosité. Grâce images satellites et de stations météo- table de 4 m2 posée sur des roues au deep learning, le système a appris à rologiques, ces clichés permettent, via et équipée de panneaux solaires. reconnaître la plante cultivée et à la un algorithme, d’établir un diagnostic Totalement autonome, elle distinguer des mauvaises herbes dans sur plusieurs points clés, notamment arpente les champs, déposant dans les n’importe quelle nouvelle situation l’érosion des sols et la présence sillons, à l’aide de deux bras méca- rencontrée. Le robot applique alors d’herbes indésirables. A la clé, une niques, de petites doses d’herbicide. l’herbicide de façon ciblée. La vision application ciblée de chimiques pour 30 000 m2 peuvent ainsi être traités en permet également au robot de circuler des gains de rendement et des baisses une journée de travail sans interven- sans écraser les cultures. Deux ans de de coût de l’ordre de 10%, selon le tion humaine. Au-delà du gain de prises d’images et d’analyse sont fondateur et CEO Yosef Akhtman. main-d’œuvre, Steve Tanner, CTO et aujourd’hui nécessaires pour «former» En Suisse, de manière croissante, les cofondateur de la start-up ecoRobotix la machine à reconnaître un type de GPS équipent les tracteurs, et les à l’origine de la technologie, met en culture. Dès 2019, les premières ver- progiciels de gestion de l’entreprise avant l’efficience économique et sions seront commercialisées pour les permettent d’avoir une vue d’en- écologique de cette technologie: «Le oignons, la betterave, le colza et l’éli- semble et une meilleure maîtrise des marché du désherbage, c’est 25 mil- mination du rumex, un indésirable des coûts. Toutefois, Gamaya ne vise pas en liards de dollars dans le monde, dont prairies. D’autres cultures seront priorité le pays pour son développe- deux tiers de la somme est consacrée à intégrées au fur et à mesure au logiciel. ment, comme l’explique Yosef la chimie. Appliquer le désherbage de L’objectif d’EcoRobotix, à moyen Akhtman: «D’une manière générale, la précision réduit de plus 90% l’emploi terme, est de parvenir à un désherbage taille modeste des exploitations et le de produits chimiques et de près de sans pesticides, grâce à une extension fait que l’agriculture suisse soit large- 50% les coûts globaux. La digitalisation mécanique du robot. ment subventionnée et peu concur- s’entend en termes de détail: en pas- rentielle poussent moins à la recherche sant du niveau du champ à celui de la Affiner l’analyse d’efficience à grande échelle. Dans plante, on gagne en efficience. La des surfaces agricoles notre cas, nous privilégions pour nature s’en porte mieux également.» EcoRobotix n’est pas la seule start-up l’instant d’autres marchés comme A l’origine de l’avancée, l’utilisation romande qui fait parler d’elle pour l’Amérique du Sud et l’Europe de l’Est, de l’intelligence artificielle. Le principe mettre l’intelligence artificielle au notamment le Brésil, l’Ukraine et la PHOTO: DR est celui d’une caméra à haute résolu- service de l’agriculture. Après avoir Russie, pour lesquels le bénéfice est tion, qui prend des photos du terrain levé 3,2 millions en 2016, le spin-off de plus clair.» NOVEMBRE 2017
14 Intelligence artificielle DONNÉES CLIENTS: ainsi analysé par cette IA afin d’être dirigé vers la personne compétente. L’opérateur travaille aussi à améliorer l’interface de ses boîtes vocales, là aussi ET L’INTELLIGENCE FUT en raccourcissant le cheminement au travers des menus. «Cette application en développement reconnaît la langue et la transforme en texte afin d’adresser PAR FABRICE DELAYE DANS LES ENTREPRISES, LE BIG DATA EXPLOITABLE la requête à la bonne personne», PAR DES INTELLIGENCES ARTIFICIELLES SE NICHE AUSSI DANS LES indique Andreea Hossmann. BASES DE DONNÉES CLIENTS. DES START-UP SUISSES SONT L’IA sert aussi à aider les agents du PIONNIÈRES DE CES APPLICATIONS POUR LE COMMERCE. support client de Swisscom. «Il y a beaucoup de pression sur les employés des call centers pour apporter une L e commerce en ligne est le lieu start-up suisses qui ont réalisé que réponse rapide et efficace. Nous les de naissance de la «nouvelle» l’intelligence artificielle, permet d’offrir aidons avec un programme qui com- intelligence artificielle (IA), des solutions aux monopoles des géants prend la description du cas qui leur est celle qui, en associant réseaux de d’internet. présenté lorsqu’ils le saisissent sous neurones, système d’apprentissage et forme de texte. A partir de là, l’intelli- big data, a donné naissance au machine Testé d’abord à l’interne gence artificielle va chercher dans des learning, puis au deep learning. C’est Chez Swisscom, Andreea Hossmann, bases de données souvent hétéroclites, dans ce domaine que les géants de head of data science, artificial intelli- vu le nombre de produits et de services, l’internet comme Amazon, Google ou gence & machine learning group, les cas résolus et présenter à l’agent les Alibaba disposent de quantités phéno- explique ainsi que l’opérateur a d’abord trois premières meilleures solutions.» ILLUSTRATION: ARLENE ADAMS/GETTY IMAGES ménales de données sur les consom- mis au point des solutions basées sur Dans ce cas, l’IA s’améliore aussi au fur mateurs. Et là aussi que ces connais- l’intelligence artificielle pour ses et à mesure avec le feed-back de l’agent sances, issues du traitement des infor- propres besoins internes avant de les chaque fois qu’un cas est résolu. mations par les IA, prennent une valeur proposer à ses clients entreprises. Chez Swisscom, l’expérience client immédiate. «Nous avons commencé par dévelop- est aussi passée à l’intelligence artifi- En d’autres termes, si vous voulez per une solution qui facilite le routage cielle. Cette fois, il s’agit de veille, en toucher un certain type de consomma- des requêtes des utilisateurs vers la particulier sur les médias sociaux, afin teurs, Facebook et consorts sauront les bonne équipe de support», explique- de pouvoir détecter des tendances et identifier et les cibler avec une pub t-elle. Le contenu d’un e-mail ou celui des thèmes qui montent. «Cela nous adaptée. Facebook, mais aussi quelques d’une forme à remplir sur le site web est permet non seulement de suivre l’évo- INNOVATION
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