La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 37 - été 2017

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La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 37 - été 2017
la porte des étoiles
        le journal des astronomes amateurs du nord de la France

Numéro 37 - été 2017                                 37
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 37 - été 2017
À la une
                                                     La planeterrella du STCE
                                                     Auteur : Simon Lericque
                                                     Date : 10/03/2017
                                                     Lieu : Courrières (62)
                                                     Matériel : APN Canon EOS 7D et
GROUPEMENT D’ASTRONOMES                              objectif Canon 35mm
  AMATEURS COURRIEROIS

                                                                                                              Édito
Adresse postale
GAAC - Simon Lericque
12 lotissement des Flandres
62128 WANCOURT
                                                     C’est l’été ! Dans nos contrées boréales, c’est le moment de
Internet
                                                     l’année où les nuits sont les plus courtes ; il n’y a d’ailleurs pas
Site : http://www.astrogaac.fr                       de nuit au sens astronomique de part et d’autre du solstice. Qu’à
Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62
E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr                   cela ne tienne, l’été c’est aussi la Voie lactée qui s’étire dans
                                                     le ciel nocturne et qui culmine au zénith, l’exubérance de ses
                                                     nébuleuses, de ses nuages obscures, de ses amas globulaires...
Les auteurs de ce numéro                             De quoi passer des heures l’oeil à l’oculaire d’un télescope ou
Simon Lericque - membre du GAAC                      à enregistrer les photons célestes sur le capteur d’un appareil
E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr                   photo. Qui plus est, cet été 2017 sera marqué par une belle
Site : http://lericque.simon.free.fr                 éclipse totale de Soleil que certains de nos auteurs auront
Jean-Pierre Auger - membre du GAAC
                                                     le privilège d’admirer de l’autre côté de l’Atlantique, aux
E-mail : francoise.auger95@wanadoo.fr                États-Unis ! Puis, à l’été, succédera l’automne : sa rentrée, sa
                                                     météo capricieuse et son ciel nocturne un peu fade, sans étoile
Fabienne Clauss - membre du GAAC                     remarquable et sans objet de ciel profond particulièrement
E-mail : claussjerome@yahoo.fr                       spectaculaire. Mais tout cela est encore loin. Profitons d’abord
Site : http://www.astrosurf.com/shootingstar
                                                     pleinement des belles semaines estivales qui s’annoncent...
Gervais Vanhelle - membre du GAAC

                                                                                Sommaire
E-mail : GVanhelle01@aol.com

L’équipe de conception
Simon Lericque : rédac’ chef tyrannique              5............................La planeterrella, des aurores en laboratoire
Arnaud Agache : relecture et diffusion                                                                    par Simon Lericque
Catherine Ulicska : relecture et bonnes idées
Fabienne Clauss : relecture et bonnes idées
                                                     12..................................Ce que les céphéides nous apprennent
David Fayolle : relecture et bonnes idées
Émeline Taubert : relecture et bonnes idées                                                             par Jean-Pierre Auger
Serge Vasseur : relecture et bonnes idées
Olivier Moreau : conseiller scientifique             22.................................André Brahic, le seigneur des anneaux
                                                                                                         par Fabienne Clauss

                                                     27........................................Une monture de voyage artisanale
                                                                                      par Gervais Vanhelle et Simon Lericque

   Edition numérique sous Licence Creative Commons   35.....................Le GAAC en visite chez Camille Flammarion
                                                                                                    par Simon Lericque

                                                     44����������������������������������������������������������������������������� La galeríe
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• • • • LA VIE DU GAAC

    C’était ce printemps
              Nuits Astronomiques                      Nuit Astro de Grévillers du 25 mars
               de Touraine 2017                                        Contact avec Thomas Pesquet
                                                                          au collège de Wingles
           La Nuit des Ondes Gravitationnelles
                                                                 25ème Nuit Noire du Pas-de-Calais
                Une soirée à l’Observatoire de Lille

 Conférence de Francis Meilliez et Jean-                    Les 40 ans du CARL
  Yves Reynaud à Villeneuve d’Ascq
                                                        Conférence de Yaël Nazé à Cappelle-la-Grande
  Conférence d’Emmanuel Lellouch
      à l’Observatoire de Lille
                                                               Signature de la charte ANPCEN à Pittefaux

         Visite de l’observatoire Flammarion                                    Conférence de Simon Lericque
                  de Juvisy-sur-Orge                                                 à Mont Bernenchon
Visite de l’Institut du Monde Arabe                         Exposition ‘‘les merveilles du
                                                              ciel’’ à Mont Bernenchon
                     Conférence de Carine Souplet à Wasquehal

    Ce sera cet été
             Nuit des Étoiles                             Valdrôme                                           AG
     C’est       le        rendez-vous       À nouveau en août, plusieurs                La     neuvième       Assemblée
     astronomique estival à ne               courageux      traverseront  la             Générale du GAAC se déroulera
     pas rater. La Nuit des Étoiles          France pour participer aux                  le vendredi 8 septembre.
     courriéroise aura cette année lieu      rencontres Astrociel organisées             L’occasion de faire le bilan et de
     le samedi 29... juillet, toujours à     par la Société Astronomique de              préparer l’année à venir, riche
     la ferme pédagogique.                   France.                                     en activités comme toujours.

                       Retrouvez l’agenda complet de l’association sur http://www.astrogaac.fr/agenda.html
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• • • • LA VIE DU GAAC

Les instantanés

                         Les gros yeux !
                   Radinghem (62) - 01/11/2016                                           Vive le roi !
                                                                                 Courrières (62) - 10/02/2017

                                                                     On a retrouvé l’imprimante de Flammarion
                                                                         Juvisy-sur-Orge (91) - 07/05/2017

                  Yann a une idée !
             Courrières (62) - 17/02/2017

                                                                                    Tag astronomique
    Le monde vu à travers une lentille gravitationnelle !
                                                                                 Lille (59) - 10/04/2017
          Villeneuve d’Ascq (59) - 20/03/2017
          Retrouvez la vie ‘‘officieuse’’ de l’association sur la page Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62

la porte des étoiles n°37                                                                                           
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 37 - été 2017
• • • • HISTOIRE

La        planeterrella
                         des aurores en laboratoire
Par Simon Lericque

Les aurores polaires ont toujours fait partie des cieux des contrées nordiques. Mais à l’échelle de l’humanité,
la compréhension du mécanisme des aurores est assez récente puisqu’elle ne remonte qu’à un peu plus
d’un siècle. Bien avant de maîtriser le fonctionnement du Soleil et ses interactions avec notre Terre, son
atmosphère et son champ magnétique, une expérience sortie de l’imagination d’un scientifique norvégien,
Kristian Birkeland, a jeté les bases de la compréhension de la formation des aurores et lancé les prémices
de la météorologie spatiale. Un siècle plus tard, un autre scientifique - français cette fois-ci - Jean Lilensten,
(re)découvre cette expérience historique et la modernise pour la proposer au grand public. Cette expérience,
c’est la planeterrella, que la commune de Courrières a eu la chance de recevoir en mars 2017.

la porte des étoiles n°37                                                                                       
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 37 - été 2017
• • • • HISTOIRE

   Mythologie des aurores
À l’instar des constellations, ces ‘‘dessins
d’étoiles’’représentant personnages, animaux
ou objets, mis en scène dans diverses légendes
par les Grecs (mais aussi bien évidemment,
par d’autres peuples à travers le monde), les
aurores polaires ont aussi donné lieu à tout
un tas d’histoires, farfelues et poétiques...
Selon les régions, l’apparition d’une aurore
est un présage positif ou négatif, les couleurs
et les formes sont soumises à de nombreuses
interprétations. Il en existe un nombre non
négligeable, aussi nous n’en citerons que
quelques unes parmi les plus représentatives
et répandues.                                                 Ancienne représentation d’une aurore boréale

Pour les Inuits, dans les contrées septentrionales du continent américain, les lueurs aurorales sont les âmes des
défunts qui attendent la renaissance. Dans la région du Labrador, la légende est précisée : ces âmes traversent
                                un trou dans le ciel pour gagner la terre des morts. Alors arrivées à destination,
                                   des lumières sont allumées afin d’indiquer le chemin pour les suivantes. Ces
                                      lumières forment les aurores...
                                        En Sibérie, on croit que les aurores soulagent les femmes alors en
                                         période d’accouchement. Plus à l’ouest, les Saami de Finlande estiment
                                         que les lumières boréales protégent les peuples de la sorcellerie et des
                                          mauvais sorts. Certains pensent qu’il peut s’agir d’un renard traversant
                                         les montagnes arctiques qui, en se déplaçant, fait virevolter la neige
                                        dans le ciel. Pour rester dans la faune, les Baltes imaginent quant à eux
                                       que les aurores sont dues aux reflets des écailles de bancs de harengs
                                      dans le ciel. Pour d’autres peuplades, les aurores sont les âmes dansantes
                                    de bélugas, de saumons, de rennes, de renards ou de phoques...
Il n’existe pas de légende australe. En effet, l’ovale auroral - la zone de visibilité privilégiée (voir plus loin)
des aurores - s’étire dans l’hémisphère Sud au-dessus des océans. Très rares sont les terres émergées dans cette
zone.
Ce n’est qu’à partir du XVIIème siècle que les aurores sont étudiées
avec un point de vue scientifique. L’astronome français Pierre
Gassendi (1592-1655) ou l’anglais Edmund Halley (1656-1742) sont
des précurseurs mais il faut attendre l’arrivée du norvégien Kristian
Birkeland pour comprendre les bases de la formation des aurores.

                    Kristian Birkeland
Celui qui avait pris l’habitude de signer ‘‘Kristian’’ Birkeland se
nomme en réalité Olaf Christian Bernhard Birkeland et est né le 13
décembre 1867 à Oslo en Norvège. Très jeune attiré par les sciences
– il publie d’ailleurs son premier article scientifique dès 18 ans –
Kristian Birkeland achève ses études de sciences physiques à l’âge
de 23 ans et décroche rapidement un poste d’assistant de recherche
à l’Université d’Oslo. C’est à cette époque que le jeune physicien
a l’occasion de côtoyer le célèbre mathématicien français Henri
Poincaré (1854-1912).
                                                                              Birkeland dans son laboratoire vers 1900

la porte des étoiles n°37                                                                                                
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• • • • HISTOIRE

En 1895, alors qu’il n’a que 28 ans, Birkeland intègre la prestigieuse Académie des Sciences et Lettres de
Norvège. Il est alors le plus jeune académicien derrière l’explorateur Fridtjof Nansen (1861-1930). Trois ans
plus tard, l’ascension de Birkeland se poursuit puisque le roi Oscar II de Suède et Norvège (1829-1907) en
personne le nomme professeur de physique à l’Université d’Oslo.
Même si comme beaucoup de Norvégiens, les aurores boréales ont toujours fait partie de son environnement,
ce n’est qu’à partir de 1895 que Birkeland s’intéresse véritablement au phénomène avec une approche
scientifique. Il mène d’ailleurs trois expéditions au Nord de la Norvège pour les étudier et fonde le premier
observatoire permanent sur le mont Haddle, site privilégié à près de 1000 mètres d’altitude et à 70° de latitude
Nord où les aurores sont quasi-quotidiennes.
Si sa vie de scientifique connaît de grandes réussites, il n’en est pas de même pour sa vie privée. Il épouse
une certaine Ida Charlotte Hammer en 1905 mais divorce six ans plus tard, bien plus passionné par ses
expériences scientifiques. Birkeland perd petit à petit l’audition après avoir mené des recherches sur les ondes
radio. Victime de lourdes insomnies, il quitte la Norvège pour l’Egypte en 1913 pour tenter d’améliorer sa
santé. Mais les barbituriques qu’il ingurgite
pour lutter contre ses insomnies le rendent
paranoïaque... En 1917, il finit d’ailleurs
par mourir d’une surdose médicamenteuse
alors qu’il est en séjour à Tokyo, au Japon.
Il n’a pourtant que 49 ans.
Outre son intérêt pour les aurores, Birkeland
étudie également les queues cométaires, les
anneaux de Saturne, ainsi que la lumière
zodiacale et a d’ailleurs quelques belles
intuitions sur ces sujets de recherche. Il mène
également des travaux très éclectiques...        Le billet de 200 couronnes à l’éffigie de Kristian Birkeland édité par la
                                                                         banque norvégienne.
Ainsi, durant sa carrière, le scientifique
dépose des brevets relatifs aux prothèses auditives, au raffinage du pétrole, aux interrupteurs électriques et... à
la margarine. Conscient de ce qu’a apporté Birkeland à son pays, la Banque de Norvège édite en 1994 un billet
de 200 couronnes à l’effigie du physicien et de sa célèbre expérience de la terrella.

                                                                           La terrella de Birkeland
                                                                      C’est en 1901 que débutent les travaux de
                                                                      Birkeland sur la terrella. En faisant le lien entre
                                                                      l’activité des taches solaires et l’apparition
                                                                      d’aurores boréales remarquables, le physicien
                                                                      norvégien a en effet l’intuition que les aurores
                                                                      sont dues à une forme d’interaction avec les
                                                                      particules envoyées par l’astre du jour et le
                                                                      magnétisme qui pourrait être généré par le
                                                                      noyau terrestre... Lui qui est spécialiste de
                                                                      l’électricité et du magnétisme entame alors
                                                                      la réalisation d’un outil permettant de recréer
                                                                      une Terre en modèle réduit qu’il baptise la
                                                                      terrella (petite Terre en latin).
    La terrella en fonctionnement dans le laboratoire de Birkeland
                                                                   Sa terrella est en réalité une sphère aimantée,
avec un pôle Nord et un pôle Sud donc, qu’il place dans une chambre à vide simulant ce qu’il considère comme
le vide spatial. Au sein de cet espace vide, Birkeland envoie un flux d’électrons important (on parlait alors de
faisceaux cathodiques). Mais bien sûr, dans cette chambre à ‘‘vide’’, le vide n’est pas absolu, il reste un peu
d’air. Et par le plus grand des hasards, Birkeland recrée la haute atmosphère de la Terre (environ celle qui règne
à 70 kilomètres d’altitude) avec juste ce qu’il faut de pression atmosphérique ; un peu plus ou un peu moins et

la porte des étoiles n°37                                                                                               
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 37 - été 2017
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                                                                                    son expérience n’aurait donné
                                                                                    aucun résultat probant.
                                                                                Une fois l’expérience plongée
                                                                                dans une obscurité absolue,
                                                                                Birkeland et son assistant
                                                                                Carl Størmer (1874-1954)
                                                                                observent alors des lueurs
                                                                                cernant la terrella. Les deux
                                                                                scientifiques constatent que
                                                                                les pôles Nord et Sud de
                                                                                leur maquette sont épargnées
                                                                                et que les ‘‘aurores’’ ne se
                                                                                produisent qu’à des latitudes
                  Deux résultats en images de la terrella de Birkeland
                                                                                plus basses. Ils comprennent
que les lueurs apparues dans la chambre à vide matérialisent le chemin suivi par les particules électriques mais
ils sont bien incapables, avec les moyens scientifiques de l’époque, de comprendre et d’expliquer ce qu’ils ont
sous les yeux.
Bien sûr, la terrella ne montre qu’un aperçu des influences entre le Soleil et le magnétisme de la planète Terre
mais elle met déjà en évidence les fameux ovales auroraux. Il faudra environ un siècle pour que les premières
images satellites réalisées au-dessus des pôles de la Terre viennent corroborer les observations de Birkeland.

                                   Le mécanisme des aurores
  Le mécanisme de formation des aurores polaires est très complexe. Il est dû à un afflux de particules
  chargées issues du vent solaire qui entre en interaction avec la magnétosphère terrestre. Ces particules
  suivent les lignes de champ magnétique terrestre et excitent les atomes de la haute atmosphère de notre
  planète. Ces derniers, pour revenir à leur état initial, sont contraints de libérer de l’énergie sous forme
  de photons. De la lumière
  est ainsi émise et forme
  des aurores que l’on peut
  apercevoir durant la nuit.
  Plus le flux de particules
  est important, plus les
  aurores sont spectaculaires,
  agitées et lumineuses. Elles
  dépendent donc grandement
  de l’activité solaire.
  La couleur des aurores
  donne globalement des
  renseignements      sur     la
  hauteur du phénomène et
  les gaz qui interagissent
  avec les particules chargées
  du vent solaire. Ainsi, le
  vert – majoritaire dans les
                                       Aurore polaire photographiée par Carine Souplet lors d’un séjour en Islande
  aurores – montre la présence
  d’oxygène entre 100 et 200 kilomètres d’altitude. Le mauve (ou le rose) quant à lui, est symptomatique de
  la présence d’azote entre 70 et 100 kilomètres : c’est ce phénomène qui est recréé dans la planeterrella.
  En revanche, l’interaction avec l’oxygène à des altitudes plus élevées, typiquement au-delà de 200
  kilomètres environ donne des colorations mauves. D’autres couleurs peuvent apparaître, signes d’une
  interaction avec d’autres gaz que l’azote et l’oxygène, mais elles sont beaucoup plus rares.

la porte des étoiles n°37                                                                                            
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 37 - été 2017
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                                                                                 La planeterrella
                                                                          D’autres terrella sont construites
                                                                          par Birkeland en Norvège, certaines
                                                                          voient ensuite le jour un peu partout
                                                                          en Europe mais toutes tombent dans
                                                                          l’oubli, même celles de Birkeland...
                                                                          Jusqu’à ce que Jean         Lilensten,
                                                                          directeur de recherche au CNRS la
                                                                          remette au goût du jour un siècle plus
                                                                          tard.
                                                                           Jean Lilensten officie à l’Institut
                                                                           de Planétologie et d’Astrophysique
                                                                           de Grenoble (IPAG), il est l’un des
                                                                           pionniers de la météorologie spatiale
                                                                           en Europe et, dans le cadre de ses
                                                                           fonctions, se rend régulièrement près
                     Jean Lilensten et sa planeterrella
                                                                           du cercle polaire arctique pour étudier
les aurores. Alors en mission à Tromsø en 2005, il entend parler de la remise en état d’une terrella de Birkeland
par un ingénieur local et spécialiste de l’histoire des sciences, Terje Brundtland. Le scientifique français prend
vite contact et se rend à Oslo auprès de son collègue norvégien pour découvrir ce que l’on pense être la
dernière terrella fabriquée par Birkeland.
Terje Brundtland a retrouvé l’engin dans une cave de la capitale norvégienne. Très abîmée par les outrages
du temps, Bruntland obtient l’autorisation de rénover la terrella en respectant le plus fidèlement possible
les contraintes de la fin du XIXème siècle et imagine la faire fonctionner à nouveau. C’est une réussite !
L’expérience est aujourd’hui classée ‘‘monument historique’’.
Jean Lilensten, qui a pu assister à une démonstration de la terrella historique imagine pouvoir développer un
outil similaire. Ce n’est qu’à son retour en France qu’il entreprend, en utilisant des pièces de récupération,
la réalisation de la première terrella hexagonale et moderne. Rapidement, il améliore l’expérience originale,
ajoute une seconde sphère, imagine d’autres configurations ; il implique alors certains de ses amis et collègues :
Mathieu Barthélémy, Cyril Simon, Guillaume Gronoff ou Philippe Jeanjacquot.
L’expérience est finalement baptisée planeterrella en hommage à Kristian Birkeland mais la réalisation de
Jean Lilensten offre bien davantage de configurations. Ainsi, avec la planeterrella, il est désormais possible de
simuler les aurores d’Uranus ou de Neptune, les influences de Ganymède – le plus gros satellite jovien – sur la
planète Jupiter et, plus globalement, toutes sortes d’interactions entre une étoile et une planète disposant d’un
champ magnétique. À ce titre, bien sûr, elle permet de montrer les aurores polaires sur Terre comme dans la
version originale.
En plus d’être pertinente d’un point de vue scientifique, l’expérience est aussi spectaculaire... et colorée ! De
lumineuses nuances de mauves et de rouges se forment dans la cloche à vide autour des sphères magnétisées
conférant à l’ensemble un aspect esthétique, voire artistique.
À la vue de la planeterrella en fonctionnement, on comprend
pourquoi Jean Lilensten et son équipe ont souhaité montrer
l’expérience au plus grand nombre. La première présentation au
public a lieu au planétarium de Vaulx-en-Velin en octobre 2008.
Le concepteur lui-même propose ensuite des démonstrations
dans des écoles, des maisons de jeunes ou des maisons de
retraite du Sud-Est de la France.
Plus remarquable encore, Jean Lilensten refuse de déposer un
brevet sur son invention. Les plans de la planeterrella sont
désormais fournis à quiconque les demande (en contrepartie                   Le logo du projet ‘‘planeterrella’’

la porte des étoiles n°37                                                                                          
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 37 - été 2017
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d’une simple mention du ‘‘créateur’’ et de son
laboratoire). Le bouche-à-oreille fonctionne à
merveille et bien vite, des planeterrella voient le jour
dans des laboratoires un peu partout en France, puis
en Europe, puis aux États-Unis... Jean Lilensten et
son simulateur d’aurores polaires reçoivent plusieurs
récompenses liées à la vulgarisation des sciences,
parmi lesquels le prix ‘‘le goût des sciences’’ remis
par le ministère de la Recherche en 2012, ou le prix
‘‘outreach Europlanet’’ décerné en 2010.

  Une planeterrella à Courrières
Mars 2017, le Groupement d’Astronomes Amateurs
Courriérois organise la quatrième édition de
                                                      Lors de la remise du prix ‘‘le goût des sciences’’, Jean Lilensten
ses Rencontres Astronomiques de Courrières.            aux côtés de la ministre de la recherche Geneviève Fioraso et
L’événement est le plus grand rassemblement                           de l’animateur Jamy Gourmaud.
d’astronomes amateurs existant au Nord de Paris.
Sur les recommandations – et l’insistance bénéfique – de Carine Souplet, le GAAC décide de troquer ses
traditionnelles animations sous un dôme de planétarium pour la présentation originale d’une planeterrella.
Certains membres de l’association connaissent déjà cet outil, qu’ils ont pu découvrir lors d’une manifestation
organisée par le club d’astronomie de Trilport en mai 2015, ou plus récemment dans la flambant neuve Maison
du Soleil de Saint-Véran. D’autres ont aussi vaguement lu des articles présentant ce simulateur d’aurores dans
la presse spécialisée... Mais où trouver une planeterrella ? Quel laboratoire pourrait prêter un tel outil ? La
                          planeterrella la plus proche se trouve à l’Observatoire Royal de Belgique, à Uccle,
                          en banlieue bruxelloise. Carine se charge de prendre contact et, miracle, la réponse
                          est immédiatement positive !
                            La planeterrella présentée aux Rencontres Astronomiques de Courrières a donc été
                            conçue par le Centre d’Excellence Solaire Terrestre à partir des plans fournis par Jean
                            Lilensten, et notamment par Eddy Equeter. Le Centre d’Excellence Solaire Terrestre
                                                            (STCE, pour Solar-Terrestrial Centre of Excellence)
                                                            est une structure constituée de trois instituts
                                                            scientifiques belges (Institut d’Aéronomie Spatiale
                                                            de Belgique, Observatoire Royal de Belgique,
                                                            Institut Royal de Météorologie) s’intéressant aux
                                                            thèmes de l’espace, de la Terre, du Soleil et de leurs
                                                            interactions.
                                                                La planeterrella est installée par Olivier Ferrière,
                                                                Karolien Lefever et par le consciencieux Eddy
                                                                Equeter, dans la salle de réunion habituelle du
                                                                GAAC. Les fenêtres ont été occultées pour obtenir
                                                                une ambiance suffisamment sombre. Ravis, mais un
                                                                peu anxieux, les animateurs de l’association rodent
   La planeterrella du STCE en pleine installation à Courrières leur discours avec un public scolaire. En effet, quatre
                                                                classes de la commune participent à la première
journée des Rencontres Astronomiques de Courrières. Après une présentation commentée sur les interactions
entre le Soleil et la Terre, sur l’histoire des aurores, de Birkeland et de la planeterrella sur grand écran,
les enfants sont invités à prendre place dans la petite salle, déjà plongée dans une pénombre relative. Une
courte explication de l’engin – pompe à vide, courant électrique, sphère aimantée – et la lumière est coupée !
Les aurores apparaissent instantanément autour de la ‘‘petite Terre’’ en même temps que les ‘‘wouahou’’ des
enfants. Mission accomplie !

la porte des étoiles n°37                                                                                            10
• • • • HISTOIRE

Pendant toute la manifestation, les démonstrations se succèdent sans interruption... Si ce n’est pour aller
dormir quelques heures. Durant trois jours, ce ne sont pas moins de 520 personnes – par petits groupes de 20
à 30 – qui ont pu découvrir les aurores générées par la planeterrella du STCE. Un succès remarquable qu’il
conviendra de renouveler... Des aurores polaires à Courrières, ce n’est pas tous les jours !

                            En pleine animation avec les élèves de primaire de la ville de Courrières

        Sources et remerciements
- Le livre ‘‘Chasseur d’aurores’’ de Jean Lilenstein,
éditions de La Martinière
- Le livre ‘‘Les colères du Soleil’’ de Viviane Pierrard
édité par l’Académie Royale de Belgique
- Le site de la planeterrella : http://planeterrella.osug.fr
- Le site du STCE : http://www.stce.be

Merci à Petra Vanlommel, Karolien Lefever, Eddy
Equeter et Olivier Ferrière, membres du STCE, pour leur
disponibilité, leur gentillesse et leur compétence.
Merci à Carine Souplet, pour sa relecture attentive et ses
conseils avisés et pour son idée (un peu folle) de faire
venir une planeterrella à Courrières.

                         La planeterrella ‘‘courriéroise’’ en action

la porte des étoiles n°37                                                                                        11
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Ce que les céphéides nous
apprennent
Par Jean-Pierre Auger

Les étoiles céphéides sont les piliers de nos mesures de distance en cosmologie. Elles sont plusieurs dizaines
de fois plus grosses que le Soleil et des milliers de fois plus brillantes. Elles grossissent et se contractent
régulièrement avec une période de l’ordre de quelques jours à quelques semaines. Une relation importante
existe entre la période de cette pulsation (P) et leur luminosité absolue (L), ce qui permet de connaître leur
distance en mesurant simplement leur période et leur luminosité apparente. La relation période-luminosité
est essentielle pour permettre la mesure des distances en cosmologie et en particulier pour l’estimation de la
constante de Hubble, utilisée pour déterminer la taille et l’âge de notre Univers.

                 Le principe d’équilibre hydrostatique des étoiles
Toutes les étoiles se caractérisent par leur masse, leur rayon, leur luminosité et leur température. Une étoile
qui vient de naître chemine dans la séquence principale du diagramme H.R. (Hertzsprung-Russell). C’est une
boule de gaz qui émet de la lumière parce qu’elle est chaude. Elle est dans la séquence principale quand elle
‘‘brûle’’ son hydrogène et le transforme en hélium. Dans cette transformation, les atomes à haute température
libèrent énormément d’énergie, ce qui permet à l’étoile de briller.
                                                 Sur le graphique de
                                                 gauche, on pourrait
                                                 s’attendre, en traçant
                                                 la       température
                                                 spectrale           des
                                                 étoiles en abscisse
                                                 et en ordonnée
                                                 leur       magnitude
                                                 absolue, d’avoir une
                                                 image totalement
                                                 surchargée           de
                                                 points repartis sur
                                                 toute sa surface.
                                                 Les       astronomes
                                                 Hertzsprung
                                                 et             Russell
                                                 démontrèrent qu’il
                                                 n’en était rien et qu’il y avait une relation entre la luminosité et la température
                                                 des étoiles. Le graphique de droite montre l’évolution qu’aura notre Soleil
                                                 dans les prochaines 4,5 milliards d’années.

Le gaz constituant l’étoile est en équilibre constant sous deux contraintes qui s’opposent : la pression intrinsèque
qui tend à dilater l’étoile et qui est fonction de la fusion des atomes au cœur de l’étoile et la force de gravitation
qui tend à la comprimer et qui est fonction de la masse de l’étoile.
Quand le Soleil quittera la séquence principale, une modification du type de réactions thermonucléaires qui
lui fournissent son énergie interviendra. Davantage d’énergie sera libérée au sein du Soleil et l’équilibre sera
modifié : la pression intrinsèque prendra alors le dessus. L’étoile se dilatera et deviendra une géante rouge. Et
comme sa surface augmentera, sa température superficielle diminuera.

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Dans le cas des céphéides, qui sont les
étoiles variables les mieux comprises et dont                          Hans Bethe
la théorie sert de base à la compréhension
des autres étoiles pulsantes, les astronomes       C’est Hans Bethe qui élucida les cycles de réactions
sont parvenus à comprendre et à expliquer          nucléaires dont les étoiles tirent leur énergie. Hans Bethe
leurs mécanismes de fluctuation. Les               naquit à Strasbourg (alors allemande) en 1906. Émigré
oscillations des enveloppes de ces étoiles         aux États-Unis en 1933, il fut le responsable du groupe de
seraient entretenues par des phénomènes            théoriciens qui calculèrent la première bombe atomique.
d’ionisation        et de recombinaison            Sa contribution à la compréhension de la combustion de
des atomes situés dans leurs couches               l’hydrogène stellaire remonte à 1938 et lui valut le prix
supérieures.                                       Nobel en 1967.

   Pourquoi les céphéides
      pulsent-elles ?
La phase de géante rouge une fois atteinte,
l’étoile va fusionner en son cœur l’hélium
en carbone. C’est dans cet état particulier
que la géante va commencer à pulser. Ce
phénomène concerne les céphéides mais
aussi les étoiles de type W Virginis, qui
sont de très vieilles étoiles peu massives
(une masse solaire) qui pulsent avec une
période comprise entre 1 et 60 jours, et
les RR Lyrae encore moins massives (0,5
masse solaire) avec une période de 0,5                              Hans Bethe, en plein cours
jour.
Une céphéide type est donc une étoile jeune de 3 à 50 masses solaires, qui se trouve dans la phase d’instabilité
du diagramme H.R. Elle fusionne de l’hélium en carbone dans son cœur et de l’hydrogène en hélium dans ses
couches périphériques. Une céphéide est donc une étoile pulsante de très grande régularité et dont la période
de pulsation va de 1 à 50 jours avec une variation d’amplitude photométrique de 0,5 à 2 magnitudes. Au cours
de cette variation, le type spectral, compris entre F et K, caractérise par la présence de métaux neutres et/ou
ionisés. Les céphéides appartiennent à la population de type I de Baade, c’est-à-dire que leur composition en
masse est voisine de 70% d’hydrogène, 28% d’hélium et 2% d’éléments lourds, que l’on regroupe par abus de
langage sous le nom de métaux.
Ces étoiles, relativement jeunes, sont concentrées au voisinage du plan galactique. Pour comparaison, les
étoiles plus vieilles ou de type II de Baade, comme les RR Lyrae ou W Virginis, sont plus pauvres en
métaux : hydrogène 90%, hélium 10% et éléments lourds 0,001%. Elles sont généralement présentes dans
les amas globulaires situés dans les galaxies elliptiques, mais également en spirales (noyau, bulbe et surtout
halo).
C’est l’astrophysicien Arthur Standley Eddington (1882-1944) qui nous donna en 1926 une première
explication de l’instabilité et des variations de luminosité des céphéides. Le phénomène d’ionisation partielle
de l’hydrogène et de l’hélium se situe dans l’une des couches internes de l’étoile, qui entraîne les autres
couches. Si, par suite d’une perturbation, le gaz d’une couche d’une étoile se contracte, il va s’échauffer. Cette
augmentation de température devrait normalement faire augmenter la pression et arrêter la contraction. Mais
cela ne se passe pas comme cela. C’est l’hélium qui va absorber cette énergie en s’ionisant.
La contraction de la couche pourra donc se poursuivre, mais la transparence de la couche s’opacifiera.
L’énergie produite par le cœur de l’étoile se trouvera piégée par cette couche opaque et finalement arrêtera
la contraction. Mais l’énergie accumulée sous forme d’hélium ionisé provoquera la dilatation en allant bien
au-delà du rayon d’équilibre. Arrivé à ce rayon d’équilibre, l’hélium sera redevenu neutre et le milieu stellaire
retrouvera sa transparence. L’énergie pourra alors s’échapper de la couche. La dilatation s’arrêtera et une
nouvelle contraction commencera.
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                              Le cycle de pulsation d’une céphéide

  Suite à une perturbation, une couche      La contraction échauffe l’hélium qui       L’opacification empêche l’énergie
   de l’étoile se contracte sous l’effet   sous la pression s’ionise et opacifie la   de fusion du cœur de s’échapper. La
               de la gravité.                         couche gazeuse.                  pression monte, prend le pas sur la
                                                                                        gravité et stoppe la contraction.

   Cependant, l’énergie accumulée            La couche en se dilatant se refroidit    Sans l’apport de la source d’énergie
 amène la pression au-dessus du point          et devient plus transparente pour        rayonnée, l’expansion s’arrête, la
   d’équilibre statique de la couche         l’énergie rayonnée qui arrive à s’en     pression tombe et la force de gravité
     gazeuse. La couche se dilate.                         échapper.                   prend le dessus. L’étoile est prête à
                                                                                            une nouvelle contraction.

La couche de gaz agit donc pour l’énergie comme une valve qui s’ouvrirait ou se fermerait. La pression
augmente et pousse les autres couches vers le haut. Ensuite, les différentes couches se dilatent et se refroidissent.
L’ionisation de l’hydrogène et de l’hélium va diminuer jusqu’à ce que le gaz retrouve son état initial. L’opacité
décroit et les rayonnements peuvent s’échapper des couches de l’étoile en faisant tomber la pression du gaz,
jusqu’à ce que la pression du gaz soit trop basse pour soutenir les couches qui retombent les unes sur les
autres en attendant le prochain cycle pour rebondir. Ce phénomène s’appelle ‘‘valve d’Eddington’’ ou ‘‘kappa-
mécanisme’’. Le nom de kappa-mécanisme donné au phénomène vient de la constante du ressort κ (Kappa)
utilisée par les théoriciens pour désigner la fonction donnant l’absorption en fonction de la longueur d’onde.
Ce mécanisme de stockage d’énergie interne, ressemble donc à celui d’une masse attachée à un ressort. Quand
le ressort est contracté, la masse stocke de l’énergie potentielle, qui en se restituant conduit à une oscillation.
Ces mouvements s’accompagnent des changements de température, responsables de la variation périodique de
la luminosité. En pratique, les variations de rayon et de température sont en quadrature, et la luminosité est en
phase avec la température. L’astrophysicien Sir Arthur Eddington démontra que la période de pulsation d’une
céphéide représente environ deux fois le temps mis par une onde de pression pour se propager du centre de
l’étoile à sa surface. Elle dépend donc de l’état du milieu traversé par l’onde et constitue de ce fait une source
précieuse d’informations sur la structure interne de l’étoile. Il détermina que cette période était également
inversement proportionnelle à la racine carrée de la densité de l’étoile.

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Formule d’Eddington - Une estimation de la période de pulsation d’une céphéide est obtenue en calculant le temps qu’il faudrait à
une onde sonore pour traverser une étoile. R est le rayon de l’étoile et vs est la vitesse moyenne du son dans l’étoile.
Toutes les étoiles ne pulsent pas, cela ne concerne que certaines étoiles, car cela dépend de la profondeur
des couches d’ionisation. La durée de vie d’une céphéide dans cet état d’oscillations régulières est de l’ordre
d’un million d’années. Cette particularité de régularité de pulsation des céphéides permet aux astronomes de
s’en servir comme des indicateurs de distance. Ils peuvent calculer par approches successives, les distances à
grande échelle des galaxies et remontent ainsi jusqu’au plus profond de l’univers observable. La plupart des
étoiles entre 3 et 15 masses solaires passent par cette phase. Les étoiles les plus massives ont les périodes les
plus longues. Ayant un rayon plus important, elles mettent plus de temps à se dilater.

 La relation entre période de pulsation et
   magnitude absolue d’une céphéide
La relation entre magnitude absolue moyenne et la période de
pulsation d’une céphéide a été mise en évidence en 1912 par Henrietta
Leavitt en étudiant les céphéides du Petit Nuage de Magellan,
considérée alors comme une nébuleuse, visible dans l’hémisphère
Sud. Personne ne savait à l’époque quelle était la distance de ce
regroupement d’étoiles, ni s’il appartenait à notre galaxie, la Voie
lactée. La seule chose que l’on savait, c’est que toutes les étoiles
de cette nébuleuse étaient liées gravitationnellement, donc proches
les unes des autres et qu’elles étaient très éloignées de nous. Elles
pouvaient donc être considérées comme étant toutes à la même
distance de nous.
Le travail de fourmi d’Henrietta Leawitt est simple et fastidieux :
comparer chaque point brillant de toutes les plaques photographiques
prises du Petit Nuage de Magellan et en mesurer la grosseur afin
d’identifier les variations d’éclats de ses étoiles. Henrietta passe ses
journées à comparer des milliers de plaques photographiques, qui lui
permettront d’identifier dans le ciel plus de 2000 étoiles variables,
dont 16 seulement sont des céphéides !
En les classant par périodes croissantes, elle s’aperçoit qu’elle les
classe aussi par magnitude décroissante... Elle en conclut que plus
une céphéide est brillante, plus sa période est élevée. Pour en avoir le
cœur net, elle parvient à découvrir neuf céphéides supplémentaires
                                                                                   En haut : relation entre luminosité et période
dans le Petit Nuage de Magellan, et note précisément sur un graphique              de pulsation. En bas : relation entre luminosité
leur magnitude maximale, leur magnitude minimale et leur période                   et logarithme de la période.
afin de pouvoir afficher tout cela dans un graphique.
Le premier graphique qu’elle obtient est celui du haut, où la luminosité maximale et minimale des différentes
étoiles augmente de façon logarithmique avec la période. Dans ce premier graphique, l’axe des abscisses est
gradué selon une échelle linéaire et représente la période mesurée en jours. Elle conclut donc que l’éclat des
céphéides du Petit Nuage de Magellan dépend directement de leur période...

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Dans l’autre graphique (voir page précédente), l’axe des abscisses est gradué selon une échelle logarithmique
et représente le logarithme de la période. Les deux droites de ce graphique révèlent une relation entre le
logarithme de la période et la luminosité de la céphéide. Cette relation période-luminosité est à la base d’une
méthode d’évaluation des distances des amas stellaires et des galaxies dans notre Univers.
Toutes les étoiles du Petit Nuage de Magellan peuvent être considérées comme étant situées à la même distance
de la Terre. Deux céphéides du Petit Nuage de Magellan qui ont la même période et donc la même luminosité
intrinsèque, ont de ce fait la même magnitude apparente. En revanche, deux céphéides situées ailleurs dans le
ciel qui auraient la même période mais une magnitude apparente différente seraient forcément situées à des
distances différentes !

                                                                    La bande d’instabilité du
                                                                        diagramme HR
                                                                   La bande d’instabilité est une bande
                                                                   presque verticale du diagramme H.R.
                                                                   Elle indique la place des étoiles variables
                                                                   pulsantes radiales. On explique que de part
                                                                   et d’autre il n’y ait pas de pulsation, par le
                                                                   fait que la bande d’instabilité correspond
                                                                   aux     températures       qui    permettent
                                                                   l’ionisation de l’hélium et accessoirement
                                                                   de l’hydrogène. Du côté rouge (à droite
                                                                   de la bande), qui correspond aux étoiles
                                                                   de faible masse, la température est plus
                                                                   faible et la densité plus élevée.

  La convection peut se développer et bloquer les pulsations. Du côté bleu (à gauche de la bande), qui
  correspond aux étoiles de plus forte masse, la zone d’ionisation de l’hélium est à une température plus
  élevée et la densité est plus faible. L’augmentation d’opacité produite ne suffit pas, dans ce milieu dilué,
  à arrêter le transfert d’énergie.

                               La relation période-luminosité
Les céphéides ont deux propriétés fondamentales qu’il faut retenir pour mesurer les distances cosmiques.
La première est qu’elles sont très brillantes, donc observables à de grandes distances. La seconde est que
leur période fondamentale est directement liée à leur luminosité grâce a la relation période-luminosité (P-L)
découverte par Henrietta Leavitt : M = a (log P-1) + b ; dans laquelle M est la magnitude absolue et P la période
de pulsation, et a et b des constantes de calibration, qui dépendent du type de céphéide. Par ailleurs, il existe
une relation entre la magnitude absolue, la magnitude relative et la distance entre l’observateur et l’étoile. En
effet, si la lumière qu’émet l’étoile reste la même, son éclat perçu va diminuer en proportion du carré de sa
distance. On a ainsi pu établir la relation suivante : m-M = 5log d-5 ; dans laquelle m est la magnitude visuelle,
M la magnitude absolue et d la distance en parsecs.
Connaissant la magnitude apparente de l’étoile grâce à des séries de mesures et connaissant sa magnitude
absolue grâce à la détermination de sa période de pulsation, il va donc être possible d’en déduire la distance
qui nous sépare de l’étoile considérée.

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                             Les principales méthodes de mesure
Nous devons nous rappeler que l’estimation des distances en cosmologie nous est connue par l’empilement de
différentes techniques et que chaque technique nécessite un étalonnage par la méthode précédente. Elles sont
donc toutes liées par leur degré d’incertitude. La méthode des parallaxes trigonométriques permet le calcul
des distances dans le Système solaire et pour les étoiles proches. La relation période-luminosité permet le
calcul des distances dans le Groupe local qui contient environ 40 galaxies dans un volume dont le diamètre est
d’environ 3 millions de parsecs. Elle est également nécessaire pour l’étalonnage des méthodes plus évoluées,
telle la méthode de Tully-Fisher ou des supernovae Ia.
Voici les principes des principales méthodes utilisées en fonction de la distance supposée de l’objet :
- La méthode des parallaxes trigonométriques, qui consiste à observer le changement de position d’une étoile
proche au cours de l’année par rapport à des objets extrêmement éloignés. La trajectoire de l’étoile paraît
décrire une petite ellipse. La parallaxe π est, en secondes d’arc, le demi-grand axe de cette ellipse et est définie
comme égale au rapport du rayon de l’orbite terrestre à la distance de l’étoile. Elle est utilisée pour des étoiles
éloignées jusqu’à 1000 parsecs.
- La méthode de Baade-Wesselink, qui est la plus utilisée. Elle permet de calculer la distance d’une céphéide
en comparant les variations du diamètre stellaire (parallèle à la ligne de visée) aux variations angulaires du
diamètre (perpendiculaire à la ligne de visée). La distance est calculée géométriquement par la relation :
dans laquelle ΔR est évalué en intégrant la courbe de vitesse radiale mesurée par spectroscopie à haute
résolution et Δθ est estimé, soit par photométrie (on parle alors de la méthode de brillance de surface), soit par
interférométrie, on parle alors de la méthode de Baade-Wesselink-Interferometrique (IBWM). Cette méthode
est utilisée pour les étoiles éloignées de mille à un million de parsecs.
- La méthode période–luminosité des céphéides, qui est une loi logarithmique linéaire, relie la période
fondamentale de pulsation à la luminosité intrinsèque de l’étoile. Cette méthode est utilisée pour les étoiles
éloignées de mille à dix millions de parsecs.

      Échelle des distances en parsecs entre les principales méthodes utilisées pour la mesure des distances en cosmologie.

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- La méthode de Tully-Fisher, qui est une loi logarithmique linéaire reliant la luminosité intrinsèque d’une
galaxie spirale à sa vitesse de rotation. Si l’on mesure par spectroscopie la vitesse de rotation, on peut obtenir
la magnitude absolue qui, comparée avec la magnitude apparente, donne une mesure de la distance. Cette
méthode est utilisée pour les étoiles éloignées de 1 million à 100 millions de parsecs.
- La méthode des supernovæ de type Ia, qui est basée sur la similarité du profil des courbes de luminosité
absolue des supernovæ Ia. La mesure du profil de luminosité apparente permet l’estimation des distances. Elle
est utilisée pour la mesure des distances entre 10 millions et 1 milliard de parsecs.
- La méthode des lentilles gravitationnelles, basée sur les images multiples d’un quasar observé à travers une
lentille gravitationnelle. En mesurant le décalage de temps d’arrivée des photons entre ces images multiples
et en connaissant les angles de déviation, il est possible d’estimer la distance. Cependant, il est nécessaire de
connaître auparavant la distance relative entre le quasar et la lentille ainsi que des informations sur la lentille
elle-même (masse, distribution, etc.).
Il existe bien d’autres techniques pour estimer les distances, telles la relation de Faber-Jackson, les supernovæ
de type II, l’effet Sunyaev-Zeldovich, etc. La relation p-l est l’élément central dans l’estimation des distances
de notre Univers. Cependant, elle a besoin des techniques précédentes pour être étalonnée et elle sert également
à l’étalonnage des autres méthodes de calcul des distances.

                                   La céphéide V1-Andromède
En octobre 1923, après plusieurs mois d’observation sur le télescope de 2,50 mètres du mont Wilson aux États-
Unis, l’astrophysicien Edwin Hubble découvre sa toute première étoile variable dans ce qui était considéré
comme la nébuleuse d’Andromède. Il s’agit d’une céphéide. Elle est minuscule sur sa plaque photographique.
Elle sera baptisée V1. Et c’est elle qui va révolutionner notre perception de l’Univers qui, à cette époque, se
résumait aux dimensions de notre galaxie, la Voie lactée.
Elle a une magnitude 19,4, c’est à dire qu’elle est 226 000 fois moins brillante que la plus faible étoile visible à
l’œil nu ! Sa période est de 31,4 jours ce qui signifie que selon la formule d’Henrietta Leavitt dont l’étalonnage
(constantes a et b de la formule) avait été réalisé par Harlow Shapley, la galaxie d’Andromède devait se trouver
à une distance de 900 000 années-lumière, donc bien en dehors de la Voie lactée. Cependant, en étalonnant
la formule d’Henrietta Leavitt, Harlow Shapley ignorait qu’il existait deux types de céphéides. La distance
trouvée par Edwin Hubble s’en est trouvée erronée d’un facteur de plus de deux. Cette erreur passa inaperçue
jusqu’en 1953. La galaxie d’Andromède est en réalité distante de 2,54 millions d’années-lumière… Mais elle
se rapproche de nous à la vitesse vertigineuse de 430 000 km/h !

L’une des plaques photographiques de la céphéide découverte par Edwin Hubble dans la nébuleuse d’andromède, M31. Hubble a
joint ce graphique de luminosité de l’étoile V1 dans une lettre à Harlow Shapley datée du 19 février 1924.

la porte des étoiles n°37                                                                                             18
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