La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 37 - été 2017
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la porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France Numéro 37 - été 2017 37
À la une La planeterrella du STCE Auteur : Simon Lericque Date : 10/03/2017 Lieu : Courrières (62) Matériel : APN Canon EOS 7D et GROUPEMENT D’ASTRONOMES objectif Canon 35mm AMATEURS COURRIEROIS Édito Adresse postale GAAC - Simon Lericque 12 lotissement des Flandres 62128 WANCOURT C’est l’été ! Dans nos contrées boréales, c’est le moment de Internet l’année où les nuits sont les plus courtes ; il n’y a d’ailleurs pas Site : http://www.astrogaac.fr de nuit au sens astronomique de part et d’autre du solstice. Qu’à Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62 E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr cela ne tienne, l’été c’est aussi la Voie lactée qui s’étire dans le ciel nocturne et qui culmine au zénith, l’exubérance de ses nébuleuses, de ses nuages obscures, de ses amas globulaires... Les auteurs de ce numéro De quoi passer des heures l’oeil à l’oculaire d’un télescope ou Simon Lericque - membre du GAAC à enregistrer les photons célestes sur le capteur d’un appareil E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr photo. Qui plus est, cet été 2017 sera marqué par une belle Site : http://lericque.simon.free.fr éclipse totale de Soleil que certains de nos auteurs auront Jean-Pierre Auger - membre du GAAC le privilège d’admirer de l’autre côté de l’Atlantique, aux E-mail : francoise.auger95@wanadoo.fr États-Unis ! Puis, à l’été, succédera l’automne : sa rentrée, sa météo capricieuse et son ciel nocturne un peu fade, sans étoile Fabienne Clauss - membre du GAAC remarquable et sans objet de ciel profond particulièrement E-mail : claussjerome@yahoo.fr spectaculaire. Mais tout cela est encore loin. Profitons d’abord Site : http://www.astrosurf.com/shootingstar pleinement des belles semaines estivales qui s’annoncent... Gervais Vanhelle - membre du GAAC Sommaire E-mail : GVanhelle01@aol.com L’équipe de conception Simon Lericque : rédac’ chef tyrannique 5............................La planeterrella, des aurores en laboratoire Arnaud Agache : relecture et diffusion par Simon Lericque Catherine Ulicska : relecture et bonnes idées Fabienne Clauss : relecture et bonnes idées 12..................................Ce que les céphéides nous apprennent David Fayolle : relecture et bonnes idées Émeline Taubert : relecture et bonnes idées par Jean-Pierre Auger Serge Vasseur : relecture et bonnes idées Olivier Moreau : conseiller scientifique 22.................................André Brahic, le seigneur des anneaux par Fabienne Clauss 27........................................Une monture de voyage artisanale par Gervais Vanhelle et Simon Lericque Edition numérique sous Licence Creative Commons 35.....................Le GAAC en visite chez Camille Flammarion par Simon Lericque 44����������������������������������������������������������������������������� La galeríe
• • • • LA VIE DU GAAC C’était ce printemps Nuits Astronomiques Nuit Astro de Grévillers du 25 mars de Touraine 2017 Contact avec Thomas Pesquet au collège de Wingles La Nuit des Ondes Gravitationnelles 25ème Nuit Noire du Pas-de-Calais Une soirée à l’Observatoire de Lille Conférence de Francis Meilliez et Jean- Les 40 ans du CARL Yves Reynaud à Villeneuve d’Ascq Conférence de Yaël Nazé à Cappelle-la-Grande Conférence d’Emmanuel Lellouch à l’Observatoire de Lille Signature de la charte ANPCEN à Pittefaux Visite de l’observatoire Flammarion Conférence de Simon Lericque de Juvisy-sur-Orge à Mont Bernenchon Visite de l’Institut du Monde Arabe Exposition ‘‘les merveilles du ciel’’ à Mont Bernenchon Conférence de Carine Souplet à Wasquehal Ce sera cet été Nuit des Étoiles Valdrôme AG C’est le rendez-vous À nouveau en août, plusieurs La neuvième Assemblée astronomique estival à ne courageux traverseront la Générale du GAAC se déroulera pas rater. La Nuit des Étoiles France pour participer aux le vendredi 8 septembre. courriéroise aura cette année lieu rencontres Astrociel organisées L’occasion de faire le bilan et de le samedi 29... juillet, toujours à par la Société Astronomique de préparer l’année à venir, riche la ferme pédagogique. France. en activités comme toujours. Retrouvez l’agenda complet de l’association sur http://www.astrogaac.fr/agenda.html
• • • • LA VIE DU GAAC Les instantanés Les gros yeux ! Radinghem (62) - 01/11/2016 Vive le roi ! Courrières (62) - 10/02/2017 On a retrouvé l’imprimante de Flammarion Juvisy-sur-Orge (91) - 07/05/2017 Yann a une idée ! Courrières (62) - 17/02/2017 Tag astronomique Le monde vu à travers une lentille gravitationnelle ! Lille (59) - 10/04/2017 Villeneuve d’Ascq (59) - 20/03/2017 Retrouvez la vie ‘‘officieuse’’ de l’association sur la page Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62 la porte des étoiles n°37
• • • • HISTOIRE La planeterrella des aurores en laboratoire Par Simon Lericque Les aurores polaires ont toujours fait partie des cieux des contrées nordiques. Mais à l’échelle de l’humanité, la compréhension du mécanisme des aurores est assez récente puisqu’elle ne remonte qu’à un peu plus d’un siècle. Bien avant de maîtriser le fonctionnement du Soleil et ses interactions avec notre Terre, son atmosphère et son champ magnétique, une expérience sortie de l’imagination d’un scientifique norvégien, Kristian Birkeland, a jeté les bases de la compréhension de la formation des aurores et lancé les prémices de la météorologie spatiale. Un siècle plus tard, un autre scientifique - français cette fois-ci - Jean Lilensten, (re)découvre cette expérience historique et la modernise pour la proposer au grand public. Cette expérience, c’est la planeterrella, que la commune de Courrières a eu la chance de recevoir en mars 2017. la porte des étoiles n°37
• • • • HISTOIRE Mythologie des aurores À l’instar des constellations, ces ‘‘dessins d’étoiles’’représentant personnages, animaux ou objets, mis en scène dans diverses légendes par les Grecs (mais aussi bien évidemment, par d’autres peuples à travers le monde), les aurores polaires ont aussi donné lieu à tout un tas d’histoires, farfelues et poétiques... Selon les régions, l’apparition d’une aurore est un présage positif ou négatif, les couleurs et les formes sont soumises à de nombreuses interprétations. Il en existe un nombre non négligeable, aussi nous n’en citerons que quelques unes parmi les plus représentatives et répandues. Ancienne représentation d’une aurore boréale Pour les Inuits, dans les contrées septentrionales du continent américain, les lueurs aurorales sont les âmes des défunts qui attendent la renaissance. Dans la région du Labrador, la légende est précisée : ces âmes traversent un trou dans le ciel pour gagner la terre des morts. Alors arrivées à destination, des lumières sont allumées afin d’indiquer le chemin pour les suivantes. Ces lumières forment les aurores... En Sibérie, on croit que les aurores soulagent les femmes alors en période d’accouchement. Plus à l’ouest, les Saami de Finlande estiment que les lumières boréales protégent les peuples de la sorcellerie et des mauvais sorts. Certains pensent qu’il peut s’agir d’un renard traversant les montagnes arctiques qui, en se déplaçant, fait virevolter la neige dans le ciel. Pour rester dans la faune, les Baltes imaginent quant à eux que les aurores sont dues aux reflets des écailles de bancs de harengs dans le ciel. Pour d’autres peuplades, les aurores sont les âmes dansantes de bélugas, de saumons, de rennes, de renards ou de phoques... Il n’existe pas de légende australe. En effet, l’ovale auroral - la zone de visibilité privilégiée (voir plus loin) des aurores - s’étire dans l’hémisphère Sud au-dessus des océans. Très rares sont les terres émergées dans cette zone. Ce n’est qu’à partir du XVIIème siècle que les aurores sont étudiées avec un point de vue scientifique. L’astronome français Pierre Gassendi (1592-1655) ou l’anglais Edmund Halley (1656-1742) sont des précurseurs mais il faut attendre l’arrivée du norvégien Kristian Birkeland pour comprendre les bases de la formation des aurores. Kristian Birkeland Celui qui avait pris l’habitude de signer ‘‘Kristian’’ Birkeland se nomme en réalité Olaf Christian Bernhard Birkeland et est né le 13 décembre 1867 à Oslo en Norvège. Très jeune attiré par les sciences – il publie d’ailleurs son premier article scientifique dès 18 ans – Kristian Birkeland achève ses études de sciences physiques à l’âge de 23 ans et décroche rapidement un poste d’assistant de recherche à l’Université d’Oslo. C’est à cette époque que le jeune physicien a l’occasion de côtoyer le célèbre mathématicien français Henri Poincaré (1854-1912). Birkeland dans son laboratoire vers 1900 la porte des étoiles n°37
• • • • HISTOIRE En 1895, alors qu’il n’a que 28 ans, Birkeland intègre la prestigieuse Académie des Sciences et Lettres de Norvège. Il est alors le plus jeune académicien derrière l’explorateur Fridtjof Nansen (1861-1930). Trois ans plus tard, l’ascension de Birkeland se poursuit puisque le roi Oscar II de Suède et Norvège (1829-1907) en personne le nomme professeur de physique à l’Université d’Oslo. Même si comme beaucoup de Norvégiens, les aurores boréales ont toujours fait partie de son environnement, ce n’est qu’à partir de 1895 que Birkeland s’intéresse véritablement au phénomène avec une approche scientifique. Il mène d’ailleurs trois expéditions au Nord de la Norvège pour les étudier et fonde le premier observatoire permanent sur le mont Haddle, site privilégié à près de 1000 mètres d’altitude et à 70° de latitude Nord où les aurores sont quasi-quotidiennes. Si sa vie de scientifique connaît de grandes réussites, il n’en est pas de même pour sa vie privée. Il épouse une certaine Ida Charlotte Hammer en 1905 mais divorce six ans plus tard, bien plus passionné par ses expériences scientifiques. Birkeland perd petit à petit l’audition après avoir mené des recherches sur les ondes radio. Victime de lourdes insomnies, il quitte la Norvège pour l’Egypte en 1913 pour tenter d’améliorer sa santé. Mais les barbituriques qu’il ingurgite pour lutter contre ses insomnies le rendent paranoïaque... En 1917, il finit d’ailleurs par mourir d’une surdose médicamenteuse alors qu’il est en séjour à Tokyo, au Japon. Il n’a pourtant que 49 ans. Outre son intérêt pour les aurores, Birkeland étudie également les queues cométaires, les anneaux de Saturne, ainsi que la lumière zodiacale et a d’ailleurs quelques belles intuitions sur ces sujets de recherche. Il mène également des travaux très éclectiques... Le billet de 200 couronnes à l’éffigie de Kristian Birkeland édité par la banque norvégienne. Ainsi, durant sa carrière, le scientifique dépose des brevets relatifs aux prothèses auditives, au raffinage du pétrole, aux interrupteurs électriques et... à la margarine. Conscient de ce qu’a apporté Birkeland à son pays, la Banque de Norvège édite en 1994 un billet de 200 couronnes à l’effigie du physicien et de sa célèbre expérience de la terrella. La terrella de Birkeland C’est en 1901 que débutent les travaux de Birkeland sur la terrella. En faisant le lien entre l’activité des taches solaires et l’apparition d’aurores boréales remarquables, le physicien norvégien a en effet l’intuition que les aurores sont dues à une forme d’interaction avec les particules envoyées par l’astre du jour et le magnétisme qui pourrait être généré par le noyau terrestre... Lui qui est spécialiste de l’électricité et du magnétisme entame alors la réalisation d’un outil permettant de recréer une Terre en modèle réduit qu’il baptise la terrella (petite Terre en latin). La terrella en fonctionnement dans le laboratoire de Birkeland Sa terrella est en réalité une sphère aimantée, avec un pôle Nord et un pôle Sud donc, qu’il place dans une chambre à vide simulant ce qu’il considère comme le vide spatial. Au sein de cet espace vide, Birkeland envoie un flux d’électrons important (on parlait alors de faisceaux cathodiques). Mais bien sûr, dans cette chambre à ‘‘vide’’, le vide n’est pas absolu, il reste un peu d’air. Et par le plus grand des hasards, Birkeland recrée la haute atmosphère de la Terre (environ celle qui règne à 70 kilomètres d’altitude) avec juste ce qu’il faut de pression atmosphérique ; un peu plus ou un peu moins et la porte des étoiles n°37
• • • • HISTOIRE son expérience n’aurait donné aucun résultat probant. Une fois l’expérience plongée dans une obscurité absolue, Birkeland et son assistant Carl Størmer (1874-1954) observent alors des lueurs cernant la terrella. Les deux scientifiques constatent que les pôles Nord et Sud de leur maquette sont épargnées et que les ‘‘aurores’’ ne se produisent qu’à des latitudes Deux résultats en images de la terrella de Birkeland plus basses. Ils comprennent que les lueurs apparues dans la chambre à vide matérialisent le chemin suivi par les particules électriques mais ils sont bien incapables, avec les moyens scientifiques de l’époque, de comprendre et d’expliquer ce qu’ils ont sous les yeux. Bien sûr, la terrella ne montre qu’un aperçu des influences entre le Soleil et le magnétisme de la planète Terre mais elle met déjà en évidence les fameux ovales auroraux. Il faudra environ un siècle pour que les premières images satellites réalisées au-dessus des pôles de la Terre viennent corroborer les observations de Birkeland. Le mécanisme des aurores Le mécanisme de formation des aurores polaires est très complexe. Il est dû à un afflux de particules chargées issues du vent solaire qui entre en interaction avec la magnétosphère terrestre. Ces particules suivent les lignes de champ magnétique terrestre et excitent les atomes de la haute atmosphère de notre planète. Ces derniers, pour revenir à leur état initial, sont contraints de libérer de l’énergie sous forme de photons. De la lumière est ainsi émise et forme des aurores que l’on peut apercevoir durant la nuit. Plus le flux de particules est important, plus les aurores sont spectaculaires, agitées et lumineuses. Elles dépendent donc grandement de l’activité solaire. La couleur des aurores donne globalement des renseignements sur la hauteur du phénomène et les gaz qui interagissent avec les particules chargées du vent solaire. Ainsi, le vert – majoritaire dans les Aurore polaire photographiée par Carine Souplet lors d’un séjour en Islande aurores – montre la présence d’oxygène entre 100 et 200 kilomètres d’altitude. Le mauve (ou le rose) quant à lui, est symptomatique de la présence d’azote entre 70 et 100 kilomètres : c’est ce phénomène qui est recréé dans la planeterrella. En revanche, l’interaction avec l’oxygène à des altitudes plus élevées, typiquement au-delà de 200 kilomètres environ donne des colorations mauves. D’autres couleurs peuvent apparaître, signes d’une interaction avec d’autres gaz que l’azote et l’oxygène, mais elles sont beaucoup plus rares. la porte des étoiles n°37
• • • • HISTOIRE La planeterrella D’autres terrella sont construites par Birkeland en Norvège, certaines voient ensuite le jour un peu partout en Europe mais toutes tombent dans l’oubli, même celles de Birkeland... Jusqu’à ce que Jean Lilensten, directeur de recherche au CNRS la remette au goût du jour un siècle plus tard. Jean Lilensten officie à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG), il est l’un des pionniers de la météorologie spatiale en Europe et, dans le cadre de ses fonctions, se rend régulièrement près Jean Lilensten et sa planeterrella du cercle polaire arctique pour étudier les aurores. Alors en mission à Tromsø en 2005, il entend parler de la remise en état d’une terrella de Birkeland par un ingénieur local et spécialiste de l’histoire des sciences, Terje Brundtland. Le scientifique français prend vite contact et se rend à Oslo auprès de son collègue norvégien pour découvrir ce que l’on pense être la dernière terrella fabriquée par Birkeland. Terje Brundtland a retrouvé l’engin dans une cave de la capitale norvégienne. Très abîmée par les outrages du temps, Bruntland obtient l’autorisation de rénover la terrella en respectant le plus fidèlement possible les contraintes de la fin du XIXème siècle et imagine la faire fonctionner à nouveau. C’est une réussite ! L’expérience est aujourd’hui classée ‘‘monument historique’’. Jean Lilensten, qui a pu assister à une démonstration de la terrella historique imagine pouvoir développer un outil similaire. Ce n’est qu’à son retour en France qu’il entreprend, en utilisant des pièces de récupération, la réalisation de la première terrella hexagonale et moderne. Rapidement, il améliore l’expérience originale, ajoute une seconde sphère, imagine d’autres configurations ; il implique alors certains de ses amis et collègues : Mathieu Barthélémy, Cyril Simon, Guillaume Gronoff ou Philippe Jeanjacquot. L’expérience est finalement baptisée planeterrella en hommage à Kristian Birkeland mais la réalisation de Jean Lilensten offre bien davantage de configurations. Ainsi, avec la planeterrella, il est désormais possible de simuler les aurores d’Uranus ou de Neptune, les influences de Ganymède – le plus gros satellite jovien – sur la planète Jupiter et, plus globalement, toutes sortes d’interactions entre une étoile et une planète disposant d’un champ magnétique. À ce titre, bien sûr, elle permet de montrer les aurores polaires sur Terre comme dans la version originale. En plus d’être pertinente d’un point de vue scientifique, l’expérience est aussi spectaculaire... et colorée ! De lumineuses nuances de mauves et de rouges se forment dans la cloche à vide autour des sphères magnétisées conférant à l’ensemble un aspect esthétique, voire artistique. À la vue de la planeterrella en fonctionnement, on comprend pourquoi Jean Lilensten et son équipe ont souhaité montrer l’expérience au plus grand nombre. La première présentation au public a lieu au planétarium de Vaulx-en-Velin en octobre 2008. Le concepteur lui-même propose ensuite des démonstrations dans des écoles, des maisons de jeunes ou des maisons de retraite du Sud-Est de la France. Plus remarquable encore, Jean Lilensten refuse de déposer un brevet sur son invention. Les plans de la planeterrella sont désormais fournis à quiconque les demande (en contrepartie Le logo du projet ‘‘planeterrella’’ la porte des étoiles n°37
• • • • HISTOIRE d’une simple mention du ‘‘créateur’’ et de son laboratoire). Le bouche-à-oreille fonctionne à merveille et bien vite, des planeterrella voient le jour dans des laboratoires un peu partout en France, puis en Europe, puis aux États-Unis... Jean Lilensten et son simulateur d’aurores polaires reçoivent plusieurs récompenses liées à la vulgarisation des sciences, parmi lesquels le prix ‘‘le goût des sciences’’ remis par le ministère de la Recherche en 2012, ou le prix ‘‘outreach Europlanet’’ décerné en 2010. Une planeterrella à Courrières Mars 2017, le Groupement d’Astronomes Amateurs Courriérois organise la quatrième édition de Lors de la remise du prix ‘‘le goût des sciences’’, Jean Lilensten ses Rencontres Astronomiques de Courrières. aux côtés de la ministre de la recherche Geneviève Fioraso et L’événement est le plus grand rassemblement de l’animateur Jamy Gourmaud. d’astronomes amateurs existant au Nord de Paris. Sur les recommandations – et l’insistance bénéfique – de Carine Souplet, le GAAC décide de troquer ses traditionnelles animations sous un dôme de planétarium pour la présentation originale d’une planeterrella. Certains membres de l’association connaissent déjà cet outil, qu’ils ont pu découvrir lors d’une manifestation organisée par le club d’astronomie de Trilport en mai 2015, ou plus récemment dans la flambant neuve Maison du Soleil de Saint-Véran. D’autres ont aussi vaguement lu des articles présentant ce simulateur d’aurores dans la presse spécialisée... Mais où trouver une planeterrella ? Quel laboratoire pourrait prêter un tel outil ? La planeterrella la plus proche se trouve à l’Observatoire Royal de Belgique, à Uccle, en banlieue bruxelloise. Carine se charge de prendre contact et, miracle, la réponse est immédiatement positive ! La planeterrella présentée aux Rencontres Astronomiques de Courrières a donc été conçue par le Centre d’Excellence Solaire Terrestre à partir des plans fournis par Jean Lilensten, et notamment par Eddy Equeter. Le Centre d’Excellence Solaire Terrestre (STCE, pour Solar-Terrestrial Centre of Excellence) est une structure constituée de trois instituts scientifiques belges (Institut d’Aéronomie Spatiale de Belgique, Observatoire Royal de Belgique, Institut Royal de Météorologie) s’intéressant aux thèmes de l’espace, de la Terre, du Soleil et de leurs interactions. La planeterrella est installée par Olivier Ferrière, Karolien Lefever et par le consciencieux Eddy Equeter, dans la salle de réunion habituelle du GAAC. Les fenêtres ont été occultées pour obtenir une ambiance suffisamment sombre. Ravis, mais un peu anxieux, les animateurs de l’association rodent La planeterrella du STCE en pleine installation à Courrières leur discours avec un public scolaire. En effet, quatre classes de la commune participent à la première journée des Rencontres Astronomiques de Courrières. Après une présentation commentée sur les interactions entre le Soleil et la Terre, sur l’histoire des aurores, de Birkeland et de la planeterrella sur grand écran, les enfants sont invités à prendre place dans la petite salle, déjà plongée dans une pénombre relative. Une courte explication de l’engin – pompe à vide, courant électrique, sphère aimantée – et la lumière est coupée ! Les aurores apparaissent instantanément autour de la ‘‘petite Terre’’ en même temps que les ‘‘wouahou’’ des enfants. Mission accomplie ! la porte des étoiles n°37 10
• • • • HISTOIRE Pendant toute la manifestation, les démonstrations se succèdent sans interruption... Si ce n’est pour aller dormir quelques heures. Durant trois jours, ce ne sont pas moins de 520 personnes – par petits groupes de 20 à 30 – qui ont pu découvrir les aurores générées par la planeterrella du STCE. Un succès remarquable qu’il conviendra de renouveler... Des aurores polaires à Courrières, ce n’est pas tous les jours ! En pleine animation avec les élèves de primaire de la ville de Courrières Sources et remerciements - Le livre ‘‘Chasseur d’aurores’’ de Jean Lilenstein, éditions de La Martinière - Le livre ‘‘Les colères du Soleil’’ de Viviane Pierrard édité par l’Académie Royale de Belgique - Le site de la planeterrella : http://planeterrella.osug.fr - Le site du STCE : http://www.stce.be Merci à Petra Vanlommel, Karolien Lefever, Eddy Equeter et Olivier Ferrière, membres du STCE, pour leur disponibilité, leur gentillesse et leur compétence. Merci à Carine Souplet, pour sa relecture attentive et ses conseils avisés et pour son idée (un peu folle) de faire venir une planeterrella à Courrières. La planeterrella ‘‘courriéroise’’ en action la porte des étoiles n°37 11
• • • • SCIENCES Ce que les céphéides nous apprennent Par Jean-Pierre Auger Les étoiles céphéides sont les piliers de nos mesures de distance en cosmologie. Elles sont plusieurs dizaines de fois plus grosses que le Soleil et des milliers de fois plus brillantes. Elles grossissent et se contractent régulièrement avec une période de l’ordre de quelques jours à quelques semaines. Une relation importante existe entre la période de cette pulsation (P) et leur luminosité absolue (L), ce qui permet de connaître leur distance en mesurant simplement leur période et leur luminosité apparente. La relation période-luminosité est essentielle pour permettre la mesure des distances en cosmologie et en particulier pour l’estimation de la constante de Hubble, utilisée pour déterminer la taille et l’âge de notre Univers. Le principe d’équilibre hydrostatique des étoiles Toutes les étoiles se caractérisent par leur masse, leur rayon, leur luminosité et leur température. Une étoile qui vient de naître chemine dans la séquence principale du diagramme H.R. (Hertzsprung-Russell). C’est une boule de gaz qui émet de la lumière parce qu’elle est chaude. Elle est dans la séquence principale quand elle ‘‘brûle’’ son hydrogène et le transforme en hélium. Dans cette transformation, les atomes à haute température libèrent énormément d’énergie, ce qui permet à l’étoile de briller. Sur le graphique de gauche, on pourrait s’attendre, en traçant la température spectrale des étoiles en abscisse et en ordonnée leur magnitude absolue, d’avoir une image totalement surchargée de points repartis sur toute sa surface. Les astronomes Hertzsprung et Russell démontrèrent qu’il n’en était rien et qu’il y avait une relation entre la luminosité et la température des étoiles. Le graphique de droite montre l’évolution qu’aura notre Soleil dans les prochaines 4,5 milliards d’années. Le gaz constituant l’étoile est en équilibre constant sous deux contraintes qui s’opposent : la pression intrinsèque qui tend à dilater l’étoile et qui est fonction de la fusion des atomes au cœur de l’étoile et la force de gravitation qui tend à la comprimer et qui est fonction de la masse de l’étoile. Quand le Soleil quittera la séquence principale, une modification du type de réactions thermonucléaires qui lui fournissent son énergie interviendra. Davantage d’énergie sera libérée au sein du Soleil et l’équilibre sera modifié : la pression intrinsèque prendra alors le dessus. L’étoile se dilatera et deviendra une géante rouge. Et comme sa surface augmentera, sa température superficielle diminuera. la porte des étoiles n°37 12
• • • • SCIENCES Dans le cas des céphéides, qui sont les étoiles variables les mieux comprises et dont Hans Bethe la théorie sert de base à la compréhension des autres étoiles pulsantes, les astronomes C’est Hans Bethe qui élucida les cycles de réactions sont parvenus à comprendre et à expliquer nucléaires dont les étoiles tirent leur énergie. Hans Bethe leurs mécanismes de fluctuation. Les naquit à Strasbourg (alors allemande) en 1906. Émigré oscillations des enveloppes de ces étoiles aux États-Unis en 1933, il fut le responsable du groupe de seraient entretenues par des phénomènes théoriciens qui calculèrent la première bombe atomique. d’ionisation et de recombinaison Sa contribution à la compréhension de la combustion de des atomes situés dans leurs couches l’hydrogène stellaire remonte à 1938 et lui valut le prix supérieures. Nobel en 1967. Pourquoi les céphéides pulsent-elles ? La phase de géante rouge une fois atteinte, l’étoile va fusionner en son cœur l’hélium en carbone. C’est dans cet état particulier que la géante va commencer à pulser. Ce phénomène concerne les céphéides mais aussi les étoiles de type W Virginis, qui sont de très vieilles étoiles peu massives (une masse solaire) qui pulsent avec une période comprise entre 1 et 60 jours, et les RR Lyrae encore moins massives (0,5 masse solaire) avec une période de 0,5 Hans Bethe, en plein cours jour. Une céphéide type est donc une étoile jeune de 3 à 50 masses solaires, qui se trouve dans la phase d’instabilité du diagramme H.R. Elle fusionne de l’hélium en carbone dans son cœur et de l’hydrogène en hélium dans ses couches périphériques. Une céphéide est donc une étoile pulsante de très grande régularité et dont la période de pulsation va de 1 à 50 jours avec une variation d’amplitude photométrique de 0,5 à 2 magnitudes. Au cours de cette variation, le type spectral, compris entre F et K, caractérise par la présence de métaux neutres et/ou ionisés. Les céphéides appartiennent à la population de type I de Baade, c’est-à-dire que leur composition en masse est voisine de 70% d’hydrogène, 28% d’hélium et 2% d’éléments lourds, que l’on regroupe par abus de langage sous le nom de métaux. Ces étoiles, relativement jeunes, sont concentrées au voisinage du plan galactique. Pour comparaison, les étoiles plus vieilles ou de type II de Baade, comme les RR Lyrae ou W Virginis, sont plus pauvres en métaux : hydrogène 90%, hélium 10% et éléments lourds 0,001%. Elles sont généralement présentes dans les amas globulaires situés dans les galaxies elliptiques, mais également en spirales (noyau, bulbe et surtout halo). C’est l’astrophysicien Arthur Standley Eddington (1882-1944) qui nous donna en 1926 une première explication de l’instabilité et des variations de luminosité des céphéides. Le phénomène d’ionisation partielle de l’hydrogène et de l’hélium se situe dans l’une des couches internes de l’étoile, qui entraîne les autres couches. Si, par suite d’une perturbation, le gaz d’une couche d’une étoile se contracte, il va s’échauffer. Cette augmentation de température devrait normalement faire augmenter la pression et arrêter la contraction. Mais cela ne se passe pas comme cela. C’est l’hélium qui va absorber cette énergie en s’ionisant. La contraction de la couche pourra donc se poursuivre, mais la transparence de la couche s’opacifiera. L’énergie produite par le cœur de l’étoile se trouvera piégée par cette couche opaque et finalement arrêtera la contraction. Mais l’énergie accumulée sous forme d’hélium ionisé provoquera la dilatation en allant bien au-delà du rayon d’équilibre. Arrivé à ce rayon d’équilibre, l’hélium sera redevenu neutre et le milieu stellaire retrouvera sa transparence. L’énergie pourra alors s’échapper de la couche. La dilatation s’arrêtera et une nouvelle contraction commencera. la porte des étoiles n°37 13
• • • • SCIENCES Le cycle de pulsation d’une céphéide Suite à une perturbation, une couche La contraction échauffe l’hélium qui L’opacification empêche l’énergie de l’étoile se contracte sous l’effet sous la pression s’ionise et opacifie la de fusion du cœur de s’échapper. La de la gravité. couche gazeuse. pression monte, prend le pas sur la gravité et stoppe la contraction. Cependant, l’énergie accumulée La couche en se dilatant se refroidit Sans l’apport de la source d’énergie amène la pression au-dessus du point et devient plus transparente pour rayonnée, l’expansion s’arrête, la d’équilibre statique de la couche l’énergie rayonnée qui arrive à s’en pression tombe et la force de gravité gazeuse. La couche se dilate. échapper. prend le dessus. L’étoile est prête à une nouvelle contraction. La couche de gaz agit donc pour l’énergie comme une valve qui s’ouvrirait ou se fermerait. La pression augmente et pousse les autres couches vers le haut. Ensuite, les différentes couches se dilatent et se refroidissent. L’ionisation de l’hydrogène et de l’hélium va diminuer jusqu’à ce que le gaz retrouve son état initial. L’opacité décroit et les rayonnements peuvent s’échapper des couches de l’étoile en faisant tomber la pression du gaz, jusqu’à ce que la pression du gaz soit trop basse pour soutenir les couches qui retombent les unes sur les autres en attendant le prochain cycle pour rebondir. Ce phénomène s’appelle ‘‘valve d’Eddington’’ ou ‘‘kappa- mécanisme’’. Le nom de kappa-mécanisme donné au phénomène vient de la constante du ressort κ (Kappa) utilisée par les théoriciens pour désigner la fonction donnant l’absorption en fonction de la longueur d’onde. Ce mécanisme de stockage d’énergie interne, ressemble donc à celui d’une masse attachée à un ressort. Quand le ressort est contracté, la masse stocke de l’énergie potentielle, qui en se restituant conduit à une oscillation. Ces mouvements s’accompagnent des changements de température, responsables de la variation périodique de la luminosité. En pratique, les variations de rayon et de température sont en quadrature, et la luminosité est en phase avec la température. L’astrophysicien Sir Arthur Eddington démontra que la période de pulsation d’une céphéide représente environ deux fois le temps mis par une onde de pression pour se propager du centre de l’étoile à sa surface. Elle dépend donc de l’état du milieu traversé par l’onde et constitue de ce fait une source précieuse d’informations sur la structure interne de l’étoile. Il détermina que cette période était également inversement proportionnelle à la racine carrée de la densité de l’étoile. la porte des étoiles n°37 14
• • • • SCIENCES Formule d’Eddington - Une estimation de la période de pulsation d’une céphéide est obtenue en calculant le temps qu’il faudrait à une onde sonore pour traverser une étoile. R est le rayon de l’étoile et vs est la vitesse moyenne du son dans l’étoile. Toutes les étoiles ne pulsent pas, cela ne concerne que certaines étoiles, car cela dépend de la profondeur des couches d’ionisation. La durée de vie d’une céphéide dans cet état d’oscillations régulières est de l’ordre d’un million d’années. Cette particularité de régularité de pulsation des céphéides permet aux astronomes de s’en servir comme des indicateurs de distance. Ils peuvent calculer par approches successives, les distances à grande échelle des galaxies et remontent ainsi jusqu’au plus profond de l’univers observable. La plupart des étoiles entre 3 et 15 masses solaires passent par cette phase. Les étoiles les plus massives ont les périodes les plus longues. Ayant un rayon plus important, elles mettent plus de temps à se dilater. La relation entre période de pulsation et magnitude absolue d’une céphéide La relation entre magnitude absolue moyenne et la période de pulsation d’une céphéide a été mise en évidence en 1912 par Henrietta Leavitt en étudiant les céphéides du Petit Nuage de Magellan, considérée alors comme une nébuleuse, visible dans l’hémisphère Sud. Personne ne savait à l’époque quelle était la distance de ce regroupement d’étoiles, ni s’il appartenait à notre galaxie, la Voie lactée. La seule chose que l’on savait, c’est que toutes les étoiles de cette nébuleuse étaient liées gravitationnellement, donc proches les unes des autres et qu’elles étaient très éloignées de nous. Elles pouvaient donc être considérées comme étant toutes à la même distance de nous. Le travail de fourmi d’Henrietta Leawitt est simple et fastidieux : comparer chaque point brillant de toutes les plaques photographiques prises du Petit Nuage de Magellan et en mesurer la grosseur afin d’identifier les variations d’éclats de ses étoiles. Henrietta passe ses journées à comparer des milliers de plaques photographiques, qui lui permettront d’identifier dans le ciel plus de 2000 étoiles variables, dont 16 seulement sont des céphéides ! En les classant par périodes croissantes, elle s’aperçoit qu’elle les classe aussi par magnitude décroissante... Elle en conclut que plus une céphéide est brillante, plus sa période est élevée. Pour en avoir le cœur net, elle parvient à découvrir neuf céphéides supplémentaires En haut : relation entre luminosité et période dans le Petit Nuage de Magellan, et note précisément sur un graphique de pulsation. En bas : relation entre luminosité leur magnitude maximale, leur magnitude minimale et leur période et logarithme de la période. afin de pouvoir afficher tout cela dans un graphique. Le premier graphique qu’elle obtient est celui du haut, où la luminosité maximale et minimale des différentes étoiles augmente de façon logarithmique avec la période. Dans ce premier graphique, l’axe des abscisses est gradué selon une échelle linéaire et représente la période mesurée en jours. Elle conclut donc que l’éclat des céphéides du Petit Nuage de Magellan dépend directement de leur période... la porte des étoiles n°37 15
• • • • SCIENCES Dans l’autre graphique (voir page précédente), l’axe des abscisses est gradué selon une échelle logarithmique et représente le logarithme de la période. Les deux droites de ce graphique révèlent une relation entre le logarithme de la période et la luminosité de la céphéide. Cette relation période-luminosité est à la base d’une méthode d’évaluation des distances des amas stellaires et des galaxies dans notre Univers. Toutes les étoiles du Petit Nuage de Magellan peuvent être considérées comme étant situées à la même distance de la Terre. Deux céphéides du Petit Nuage de Magellan qui ont la même période et donc la même luminosité intrinsèque, ont de ce fait la même magnitude apparente. En revanche, deux céphéides situées ailleurs dans le ciel qui auraient la même période mais une magnitude apparente différente seraient forcément situées à des distances différentes ! La bande d’instabilité du diagramme HR La bande d’instabilité est une bande presque verticale du diagramme H.R. Elle indique la place des étoiles variables pulsantes radiales. On explique que de part et d’autre il n’y ait pas de pulsation, par le fait que la bande d’instabilité correspond aux températures qui permettent l’ionisation de l’hélium et accessoirement de l’hydrogène. Du côté rouge (à droite de la bande), qui correspond aux étoiles de faible masse, la température est plus faible et la densité plus élevée. La convection peut se développer et bloquer les pulsations. Du côté bleu (à gauche de la bande), qui correspond aux étoiles de plus forte masse, la zone d’ionisation de l’hélium est à une température plus élevée et la densité est plus faible. L’augmentation d’opacité produite ne suffit pas, dans ce milieu dilué, à arrêter le transfert d’énergie. La relation période-luminosité Les céphéides ont deux propriétés fondamentales qu’il faut retenir pour mesurer les distances cosmiques. La première est qu’elles sont très brillantes, donc observables à de grandes distances. La seconde est que leur période fondamentale est directement liée à leur luminosité grâce a la relation période-luminosité (P-L) découverte par Henrietta Leavitt : M = a (log P-1) + b ; dans laquelle M est la magnitude absolue et P la période de pulsation, et a et b des constantes de calibration, qui dépendent du type de céphéide. Par ailleurs, il existe une relation entre la magnitude absolue, la magnitude relative et la distance entre l’observateur et l’étoile. En effet, si la lumière qu’émet l’étoile reste la même, son éclat perçu va diminuer en proportion du carré de sa distance. On a ainsi pu établir la relation suivante : m-M = 5log d-5 ; dans laquelle m est la magnitude visuelle, M la magnitude absolue et d la distance en parsecs. Connaissant la magnitude apparente de l’étoile grâce à des séries de mesures et connaissant sa magnitude absolue grâce à la détermination de sa période de pulsation, il va donc être possible d’en déduire la distance qui nous sépare de l’étoile considérée. la porte des étoiles n°37 16
• • • • SCIENCES Les principales méthodes de mesure Nous devons nous rappeler que l’estimation des distances en cosmologie nous est connue par l’empilement de différentes techniques et que chaque technique nécessite un étalonnage par la méthode précédente. Elles sont donc toutes liées par leur degré d’incertitude. La méthode des parallaxes trigonométriques permet le calcul des distances dans le Système solaire et pour les étoiles proches. La relation période-luminosité permet le calcul des distances dans le Groupe local qui contient environ 40 galaxies dans un volume dont le diamètre est d’environ 3 millions de parsecs. Elle est également nécessaire pour l’étalonnage des méthodes plus évoluées, telle la méthode de Tully-Fisher ou des supernovae Ia. Voici les principes des principales méthodes utilisées en fonction de la distance supposée de l’objet : - La méthode des parallaxes trigonométriques, qui consiste à observer le changement de position d’une étoile proche au cours de l’année par rapport à des objets extrêmement éloignés. La trajectoire de l’étoile paraît décrire une petite ellipse. La parallaxe π est, en secondes d’arc, le demi-grand axe de cette ellipse et est définie comme égale au rapport du rayon de l’orbite terrestre à la distance de l’étoile. Elle est utilisée pour des étoiles éloignées jusqu’à 1000 parsecs. - La méthode de Baade-Wesselink, qui est la plus utilisée. Elle permet de calculer la distance d’une céphéide en comparant les variations du diamètre stellaire (parallèle à la ligne de visée) aux variations angulaires du diamètre (perpendiculaire à la ligne de visée). La distance est calculée géométriquement par la relation : dans laquelle ΔR est évalué en intégrant la courbe de vitesse radiale mesurée par spectroscopie à haute résolution et Δθ est estimé, soit par photométrie (on parle alors de la méthode de brillance de surface), soit par interférométrie, on parle alors de la méthode de Baade-Wesselink-Interferometrique (IBWM). Cette méthode est utilisée pour les étoiles éloignées de mille à un million de parsecs. - La méthode période–luminosité des céphéides, qui est une loi logarithmique linéaire, relie la période fondamentale de pulsation à la luminosité intrinsèque de l’étoile. Cette méthode est utilisée pour les étoiles éloignées de mille à dix millions de parsecs. Échelle des distances en parsecs entre les principales méthodes utilisées pour la mesure des distances en cosmologie. la porte des étoiles n°37 17
• • • • SCIENCES - La méthode de Tully-Fisher, qui est une loi logarithmique linéaire reliant la luminosité intrinsèque d’une galaxie spirale à sa vitesse de rotation. Si l’on mesure par spectroscopie la vitesse de rotation, on peut obtenir la magnitude absolue qui, comparée avec la magnitude apparente, donne une mesure de la distance. Cette méthode est utilisée pour les étoiles éloignées de 1 million à 100 millions de parsecs. - La méthode des supernovæ de type Ia, qui est basée sur la similarité du profil des courbes de luminosité absolue des supernovæ Ia. La mesure du profil de luminosité apparente permet l’estimation des distances. Elle est utilisée pour la mesure des distances entre 10 millions et 1 milliard de parsecs. - La méthode des lentilles gravitationnelles, basée sur les images multiples d’un quasar observé à travers une lentille gravitationnelle. En mesurant le décalage de temps d’arrivée des photons entre ces images multiples et en connaissant les angles de déviation, il est possible d’estimer la distance. Cependant, il est nécessaire de connaître auparavant la distance relative entre le quasar et la lentille ainsi que des informations sur la lentille elle-même (masse, distribution, etc.). Il existe bien d’autres techniques pour estimer les distances, telles la relation de Faber-Jackson, les supernovæ de type II, l’effet Sunyaev-Zeldovich, etc. La relation p-l est l’élément central dans l’estimation des distances de notre Univers. Cependant, elle a besoin des techniques précédentes pour être étalonnée et elle sert également à l’étalonnage des autres méthodes de calcul des distances. La céphéide V1-Andromède En octobre 1923, après plusieurs mois d’observation sur le télescope de 2,50 mètres du mont Wilson aux États- Unis, l’astrophysicien Edwin Hubble découvre sa toute première étoile variable dans ce qui était considéré comme la nébuleuse d’Andromède. Il s’agit d’une céphéide. Elle est minuscule sur sa plaque photographique. Elle sera baptisée V1. Et c’est elle qui va révolutionner notre perception de l’Univers qui, à cette époque, se résumait aux dimensions de notre galaxie, la Voie lactée. Elle a une magnitude 19,4, c’est à dire qu’elle est 226 000 fois moins brillante que la plus faible étoile visible à l’œil nu ! Sa période est de 31,4 jours ce qui signifie que selon la formule d’Henrietta Leavitt dont l’étalonnage (constantes a et b de la formule) avait été réalisé par Harlow Shapley, la galaxie d’Andromède devait se trouver à une distance de 900 000 années-lumière, donc bien en dehors de la Voie lactée. Cependant, en étalonnant la formule d’Henrietta Leavitt, Harlow Shapley ignorait qu’il existait deux types de céphéides. La distance trouvée par Edwin Hubble s’en est trouvée erronée d’un facteur de plus de deux. Cette erreur passa inaperçue jusqu’en 1953. La galaxie d’Andromède est en réalité distante de 2,54 millions d’années-lumière… Mais elle se rapproche de nous à la vitesse vertigineuse de 430 000 km/h ! L’une des plaques photographiques de la céphéide découverte par Edwin Hubble dans la nébuleuse d’andromède, M31. Hubble a joint ce graphique de luminosité de l’étoile V1 dans une lettre à Harlow Shapley datée du 19 février 1924. la porte des étoiles n°37 18
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