Le Bassin parisien ; une région métropolitaine
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Le Bassin parisien ; une région métropolitaine Frédéric Gilli frederic.gilli@ensae.org ENPC-CERASi, France Résumé : L’influence de Paris dépasse très largement les seules limites de son agglomération ou de son aire urbaine. Les déplacements quotidiens à travers tous le bassin parisien plaide pour l’existence d’une région fonctionnelle intégrant plusieurs régions administratives. De même, l’organisation économique de l’ensemble (spécialisation des territoires, concentration des activités, regroupement des établissements) fait apparaître une très vaste région métropolitaine. La présence de l’agglomération parisienne se fait bien évidemment sentir dans toutes les zones d’emploi du bassin. Mais loin d’être uniquement organisée de manière hiérarchique, périphéries reliées à un centre, les zones entourant la région centrale sont très fortement intégrées dans les échanges internationaux (groupes étrangers, secteurs économiques différents du centre). Mots clés : aménagement du territoire, croissance urbaine, déplacements domicile-travail, développement régional, emploi, géographie industrielle, géographie urbaine, concentration, décentralisation industrielle, Paris Abstract : The Greater Paris area has a direct influence over its administrative boundaries. The commuting pattern shows people crossing the entire Parisian Basin. The industrial pattern shows a vast and complex organisation made of functional and sectoral complementarities : companies are spread over the basin, places are specialized, activites are concentrated,… Of course, each area has very particular relations with Paris. But some of the most dynamic areas take an active part in the globalisation of the economy and do that on their own. Hence the Parisian basin is less and less hierarchical. Peripheral region take advantage of their proximity to Paris to attract Global Firms and to develop activities that are not dynamic in Paris. Key words: centrality, cities, regional planning, urban geography, urban growth, Paris
« La division de l’espace en unités distinctes et précises répond à une nécessité politique évidente et ancienne ». Cette remarque de J-F Thisse (1997) le conduit à s’interroger sur la définition des contours d’une région. Il en conclue que les découpages régionaux peuvent répondre à trois logiques différentes. Une ‘région’, cela peut tout d’abord être des espaces qui se ressemblent. Suivant cette logique d’homogénéité, le découpage et l’étude devront s’appesantir sur les points communs et différences. Mais une ‘région’, cela peut également n’être qu’un parti pris administratif décidé sur la base de la meilleure administration fiscale de territoires, plus vastes ou plus petits, sur la base du principe de subsidiarité. Une ‘région’, cela peut enfin se comprendre en positionnant les différents espaces au sein d’un réseau de relations plus large et en rapprochant ceux qui ont le plus de relations ensemble. Cette dernière approche est dite fonctionnelle. Finalement, une région est toujours un compromis historique à insérer dans un réseau de relations plus larges. Ceci nous invite à intégrer les régions administratives dans la gestion des espaces fonctionnels en nous appuyant pour cela sur les homogénéités repérées dans les différents ensembles. Une sorte d’impossible triangulation du cercle que nous allons tenter dans ce qui va suivre. La Picardie est une région administrative dont le fonctionnement, s’il n’est pas parfaitement connu, est beaucoup étudié. Une de ses principales caractéristiques est sa relative diversité et son organisation spatiale centrifuge (Leroux, 2002). Dans cet ensemble, les zones d’emploi définissent des lieux plus petits dont la raison d’être est une certaine homogénéité. Le but de cette introduction générale est d’apporter le troisième niveau d’approche, c’est à dire de positionner les régions homogènes et la région administrative dans une région fonctionnelle par définition plus vaste, le Bassin parisien. Nous commencerons par exposer les mécanismes structurant les grandes régions métropolitaines mondiales pour comprendre l’échelle à laquelle cet espace fait sens. Nous nous pencherons ensuite sur l’organisation des flux quotidiens au sein de cette région fonctionnelle de manière à en faire apparaître la structure. Nous terminerons notre description par une étude du fonctionnement de cet espace économique intégrée. Se positionner au coeur des réseaux internationaux Paris est une des toutes premières villes mondiales (Sassen, 1991). A ce titre, ses activités, populations et infrastructures ont souvent été comparées à celles des autres villes de son rang, que ce soient Londres, New York ou Tokyo. Son insertion dans le réseau des capitales contemporaines est très importante. Mais une ville n’est pas qu’un nœud dans un réseau mondial. Elle s’inscrit dans des territoires qui ont leurs logiques propres. Le positionnement de la ville mondiale dans son réseau local peut être déterminant pour son rayonnement. Evidemment, le dynamisme de la ville centre ne repose pas nécessairement sur celui d’espaces de rang inférieur ; de nombreux cas de villes isolats existent en Asie. Mais dès que ces relations existent entre une ville et son territoire, elles conditionnent en partie l’efficacité et le positionnement de l’espace central. Elles rejaillissent aussi, évidemment, sur le dynamisme des espaces locaux en question. Nous nous interrogerons donc sur l’extension de l’hinterland Paris et sur l’organisation interne du bassin parisien.
L’importance de l’hinterland de Paris Une métropole est une grande concentration d’hommes et d’activités dont l’espace est organisé suivant une logique commune. L’étalement urbain dessine ainsi de grandes régions urbaines aux contours et aux modes d’organisation flous. Des espaces historiquement monocentriques deviennent polycentriques. Des espaces polycentriques voient leurs trajectoires se fondre de plus en plus dans des ensembles univoques. Dans les deux cas, les logiques d’organisation spatiales qui apparaissent dépassent largement le cadre de la simple agglomération ou même de la région urbaine. Il est évident que plus le cœur sera important, plus ces phénomènes ont des chances de se produire à grande échelle. Si l’on se place au niveau des villes ‘mondiales’, ce sont de véritables régions économiques qui naissent du fait de la redistribution des populations entre les espaces. Les distances en jeu peuvent alors être gigantesques. Beaverstock et alii (2000) pensent ainsi que Chicago pâtit partiellement de la présence de New York à moins de 1000 km… Cet effet d’ombre tient, entre autres, à des logiques de desserte et d’aire de marché qui favorisent concentration géographique des acteurs dans une économie oligopolistique et mondialisée (Krugman 1993). Il y aurait donc de vastes régions économiques gravitant autour d’un même centre, au sein desquelles l’émergence d’un second centre de premier rang serait impossible, ou gênée. Celles-ci s’organiseraient alors autour de la ville mondiale. Cela ne signifie évidemment pas que ces espaces régionaux sont exclusivement dans l’orbite de la ville centre. Ils sont également inscrits dans des réseaux parallèles dans lesquels ils sont en relation avec des villes de leur niveau (Cattan et alii, 1999). Toutefois, leur montée en puissance est gênée par la présence d’une ville de rang supérieur avec laquelle des relations privilégiées existent. Les exemples de la Randstad et de Chicago mettent en évidence deux éléments fondamentaux pour notre analyse du bassin parisien. Tout d’abord, l’organisation de l’espace structuré par les villes mondiales doit être pensée à travers leur insertion dans le réseau des villes mondiales (Taylor, 2001). C’est en effet de plus en plus les relations qu’une ville entretient avec les autres villes (types et intensité) qui vont caractériser son dynamisme et mesurer son statut de métropole. Mais alors que l’aire d’influence des métropoles s’étend de plus en plus, il faut aussi s’intéresser à des réseaux plus locaux. Si l’on reste au premier stade de l’analyse, nous ne pourrons esquisser que ce que Taylor appelle des hinterworld1, soit le monde des villes mondiales vu selon Paris ou Londres. Toutefois, ces villes globales ne s’inscrivent pas uniquement dans un réseau de villes mondiales. Elles s’inscrivent dans des espaces de proximité et y dominent de véritables régions qui s’étendent bien au-delà des contours traditionnellement considérés de l’agglomération ou de l’aire urbaine. Au-delà de l’hinterworld, il nous faut donc nous intéresser à l’hinterland. Dans les espaces entourant les villes mondiales, des villes plus petites profitent du rayonnement de la métropole principale. De la même manière qu’un port constitue le point d’ancrage d’un territoire dans le réseau des routes maritimes et irrigue un hinterland plus ou moins vaste, une ville mondiale constitue le point d’ancrage d’un territoire dans un réseau. L’organisation de ces hinterlands peut fortement varier. L’hinterland peut très bien être indistinct de l’espace central (comme c’est le cas dans la Randstad) ou, au contraire, la ville peut être totalement coupée de tout territoire (comme ce fût longtemps le cas de Hong-Kong),. Ce que nous allons chercher à comprendre ici dans le cas du bassin parisien, c’est la manière dont les territoires situés autour d’une ville mondiale s’inscrivent dans un espace commun. 1 “A city's hinterworld is the global distribution of service connections which lay behind its world city formation” (Taylor, 2001).
L’intégration des espaces locaux S’interroger sur le caractère métropolitain de l’espace gravitant autour de Paris, ce n’est en effet pas uniquement se demander si l’agglomération parisienne ou son aire urbaine ont développé des modes d’organisation spécifiques. C’est se demander si la vaste région économique qui l’entoure constitue ou non un espace intégré, répondant à des logiques économiques communes et dont le fonctionnement est imaginé et géré comme un tout. Considérons qu’une métropole est la combinaison d’une agglomération humaine de taille critique, de centres d’activité spécialisés reconnus et d’une organisation répondant à des logiques propres. L’étalement des villes, l’éclatement des modèles résidentiels traditionnels (double résidence, navettes de centres à centres et non plus seulement de banlieues à centres), contribuent à troubler la vision traditionnelle de l’espace métropolitain. Un espace peut très bien ne faire sens qu’à une échelle englobant plusieurs ‘métropoles régionales’. Lorsque l’on pense à l’inscription de Paris dans un réseau mondial, il est possible de se demander si Orléans, Tours, Rouen ou encore Amiens et à une autre échelle Chartres, Beauvais ou Compiègne ont un positionnement spécifique dans ce réseau. Il est tout à fait envisageable que le rayonnement de ces agglomérations soit à inscrire dans un sous-réseau constitué à l’échelle du bassin parisien dans lequel chacun des espaces y compris le centre est un nœud de compétences contribuant et vivant du dynamisme de ‘Paris ville mondiale’. Notons à nouveau que la particularité d’une géographie en réseau est qu’il n’y a pas d’appartenance univoque d’un espace à un ensemble d’espaces. Que le bassin parisien constitue une région métropolitaine ne signifierait donc pas que chaque composante n’existe que dans et par ce réseau. Il n’y a en effet pas un mais plusieurs types d’intégration économique. Les travaux de la nouvelle économie géographique ont cerné analytiquement ceci, en distinguant des logiques de spécialisation et des logiques de concentration simultanément à l’œuvre. Lorsque deux espaces économiques voient croître leur degré d’intégration, des dynamiques cumulatives tendent à favoriser, dans une certaine mesure, la concentration des facteurs les plus productifs dans l’une des régions. Les logiques à l’œuvre sont multiples : ce peut être des effets de taille de marché au travers de liens verticaux en amont – fournisseurs, ou en aval – clients (Venables, 1996). Ce peut également être des logiques de concentration autour des structures déjà existantes (Krugman, 1991) : dans une économie à rendements croissants, tout écart de taille se traduit par des écarts de productivité. L’apparition d’une géographie centre-périphérie peut ainsi trouver une explication sur la seule base des activités et des dynamiques économiques (Puga, 1999). Si une double dynamique de spécialisation et concentration apparaît entre les régions du cœur de la triade et celles de la périphérie plus ou moins éloignée (Puga et Venables, 1996), des dynamiques similaires existent aussi à des niveaux plus fins. Lorsque l’on considère la structure interne de ces vastes régions, les établissements suivent des logiques de concentration au sein d’espaces spécialisés. Les grandes politiques de décentralisation industrielle des années 1970 auraient par exemple permis de véritables transferts d’activité entre l’Ile-de-France et les régions voisines, mais auraient également débouché à la fois sur une double concentration et une double spécialisation : concentration des activités à forte valeur ajoutée à Paris et spécialisation de la capitale dans ces activités et concentration des activités de production en périphérie dans des espaces qui se spécialisent sur ces activités. Les activités mêmes de chaque ville dépendent ainsi de leur insertion dans ces espaces régionaux. Fujita et Hamaguchi (2001) ont saisi ce phénomène dans un cadre formalisé : l’augmentation des relations entre deux villes se traduit par une évolution de leurs spécialisations respectives et peut progressivement déboucher sur un réseau urbain hiérarchisé et spécialisé avec des villes industrielles et des villes tertiaires.
Le Bassin parisien, un espace interrégional fonctionnel Toutefois, ce double mouvement ne se traduit pas par un éclatement des espaces régionaux. Au contraire, cela peut même déboucher sur une plus grande interdépendance. Les structures d’activité de ces espaces s’harmonisent et on y trouve les mêmes groupes nationaux et internationaux. Au regard de la structure institutionnelle de l’appareil productif, le bassin parisien finit ainsi par constituer une exception à l’échelle nationale puisqu’il est le seul qui présente une économie fortement dominée par les grands groupes (Hecquet et Lainé, 1997). En dépit et même du fait de leurs spécialisations, les régions industrielles du bassin parisien feraient ainsi toutes parties d’une grande région économique très fortement intégrée. C’est sur cette base que le modèle centre-périphérie qui caractérise le bassin parisien dans les années 1970-1980 s’est développé. C’est à partir de là qu’il évolue aujourd’hui très rapidement, les espaces étant affectés de façon différente par les mutations structurelles de l’activité (Thiard, 2001). Cette apparente unité fonctionnelle du bassin parisien se retrouve également dans les grandes tendances démographiques qui l’animent. Que ce soient les déplacements domicile-travail, les migrations résidentielles, les structures par âge des populations locales ou leur composition socio-économique, les différents éléments du bassin parisien peuvent s’inscrire dans un modèle de fonctionnement unique (Gilli, 2002a). Même si l’on se cantonne aux critères socio- démographiques, qui valorisent pourtant la proximité au détriment des relations en réseau, la région parisienne déborde actuellement largement les limites administratives de l’Ile-de- France. Nous allons revenir sur ce point plus en détail de manière à comprendre comment cet espace s’organise. Car si l’on cherche à saisir un possible fonctionnement métropolitain du bassin parisien, il nous faudra tout d’abord mener un travail sur les frontières que l’on observe éventuellement au sein de la zone d’étude. Si l’on met en évidence des sous-espaces, il sera alors nécessaire de s’interroger la façon dont se fait leur insertion dans le bassin parisien. Il n’est pas neutre que les espaces soient, par exemple, polarisés autour d’une ville qui est la seule porte sur l’extérieur ou que les échanges avec les régions voisines se fassent par simple contact le long des bords de chacun des espaces. Au total, les deux grands enjeux qui apparaissent sont ainsi d’une part la question de l’extension des franges périurbaines de l’agglomération parisienne et d’autre part la nature et la localisation des concentrations spécialisées d’emploi dans le bassin parisien. Les deux concernent la Picardie au premier chef. Le premier enjeu, l’extension de l’emprise physique de la Région Urbaine de Paris, pose la question du mode d’intégration du bassin parisien du point de vue des espaces de proximité. Alors que la capitale étend toujours plus loin son influence, voit-on une structure centre-périphérie se généraliser dans les espaces périurbains et le bassin parisien ou bien les espaces s’organisent-ils toujours suivant des logiques de proximité ? En définitive, quelle forme d’organisation spatiale obtient-on pour le bassin parisien si l’on se concentre sur ces types de relations ? A cheval sur les franges internes (Zone d’emploi de Sud-Oise) et les franges externes (Zones d’emploi de Beauvais, Santerre- Oise, Compiègne, Soissons et Château-Thierry) de la Région Urbaine de Paris, la Picardie contient trois Villes avant-postes (Beauvais, Compiègne et Château-Thierry) est se trouve donc au cœur de cette problématique (les projections de population à 30 ans en témoignent d’ailleurs, (Evrard, 2002)). Le deuxième enjeu relève plus des logiques industrielles qui se greffent sur les espaces vécus. L’intégration régionale, si elle est vérifiée, devrait en effet conduire à une structure centre- périphérie à l’échelle du Bassin parisien. Caractérisé par la place particulièrement forte des groupes industriels d’envergure nationale et internationale dans les appareils productifs
locaux, les différentes composantes de cet espace sont plutôt spécialisées. Leur pérennité en cas de changement structurel est alors assurée par la forte relation qui unit ces espaces et la diffusion en son sein des activités dynamiques, partiellement par le biais de très importantes relocalisations d’établissements. La question des différences entre les structures économiques de l’hypercentre et celles des espaces qui l’entourent n’est donc pas tranchée a priori. Elle sera même cruciale pour appréhender le fonctionnement du bassin parisien. Organisation des espaces vécus à l’aide des migrations alternantes Tracer des frontières est un moment délicat de l’étude. En effet, comment ne pas penser que l’espace au sein duquel les frontières ont été tracées n’est pas trop étriqué. Si Paris est véritablement à opposer au désert français, alors ne faut-il pas commencer par s’interroger à l’échelle nationale ? Cela constitue en fait un travail en soi. Nous nous sommes ici seulement positionnés dans un cadre administratif instauré dans les années 1970 et plusieurs fois validé comme un espace pertinent pour se poser les questions sur l’aire d’influence directe de Paris, quelles qu’en soient les conclusions (Thiard, 2001). Il se compose donc de la région Ile-de- France, des régions Haute-Normandie, Picardie, Champagne Ardennes, Centre, Basse- Normandie et des départements de l’Yonne et de la Sarthe. Cet espace de plus de 21 millions d’habitants est majoritairement dominé par la capitale qui pèse pour moitié dans ce total. La Picardie qui compte pour 9% du total arrive en troisième position derrière la région Centre (12%). Cette disproportion se retrouve dans la répartition des emplois telle qu’elle apparaît dans le Tableau 1. Sur les dix premières zones d’emplois du bassin parisien qui en compte cent une, deux seulement ne sont pas situées dans l’Aire Urbaine de Paris, Rouen et Caen, et aucune n’apparaît dans les cinq premières qui sont toutes dans le centre de la région parisienne (Paris et première couronne de zones d’emplois). Cette dissymétrie apparaît clairement lorsque l’on se concentre sur les Aires Urbaines, puisque Paris compte 25 fois plus d’emplois que le deuxième plus important centre d’emplois, Rouen. Dans cette hiérarchie, il est à noter que seules les grandes villes du bassin parisien sont présentes en tête de classement. Toutefois, les villes avant-postes (Gilli 2003) Chartres, Evreux, Compiègne ou Beauvais pointent immédiatement après dans l’approche par aires urbaines et se situent au même niveau que certaines grandes villes dans l’approche par zones d’emploi. Ce sont des zones dans lesquelles la densité de l’emploi hors du centre est élevée, même si le centre d’emploi n’est pas forcément très important. Lorsque l’on fait le rapport entre l’emploi de l’Aire Urbaine et l’emploi dans la zone d’emploi2, les dix villes avant-postes ressortent dans les quatorze premières places. 2 une fois enlevé le cas épineux de Paris qui est la seule Aire Urbaine à être divisée en plusieurs zones d’emplois
Actifs au lieu Actifs au lieu Actifs L.T. AU Zone Aire Urbaine Rang de travail en Aire Urbaine de travail en / d'emploi (sauf Paris) 1999 1999 Actifs L.T. ZE 1 Paris* 1126762 Paris 4973476 Pithiviers** 0,236 2 Nanterre* 827923 Rouen 187290 Charleville 0,330 3 Saint-Denis* 532909 Orléans 144430 Château-Thierry** 0,373 4 Montreuil* 481292 Tours 143686 Dreux** 0,388 5 Créteil* 427980 Caen 125476 Sens** 0,413 6 Boulogne* 412730 Le Mans 109597 Laon 0,427 7 Rouen 331423 Reims 100652 Cherbourg 0,427 8 Versailles* 315122 Le Havre 98879 Beauvais** 0,441 9 Caen 218756 Amiens 92213 Montargis** 0,472 10 Orly* 218565 Troyes 60802 Soissons** 0,483 11 Orléans 183632 Bourges 48699 Evreux** 0,488 12 Sud Oise* 177760 Chartres** 47482 Chartres** 0,500 13 Tours 173647 Blois 42390 Auxerre 0,502 14 Le Havre 155749 Compiègne** 41509 Compiègne** 0,522 15 Amiens 151778 Evreux** 39267 Blois 0,528 *Zone d’emploi incluse dans la Région Urbaine de Paris (définition ci-après); ** Ville avant-poste Source : Recensement de la Population, 1999, exploitation principale. Tableau 1 – Les emplois du bassin parisien : à Paris et dans les grandes villes Dans ce paysage, la Picardie occupe une place originale. Elle est caractérisée par la présence d’une métropole de taille moyenne, Amiens apparaît en 9ème position des Aires Urbaines et en 15ème position pour les Zones d’Emploi. Mais la principale spécificité de la région picarde est son degré d’interaction avec l’espace francilien : une zone d’emploi appartient pour partie à l’agglomération parisienne (Sud-Oise) et le sud de la Picardie compte également plusieurs villes avant-postes pouvant structurer la croissance future de la région parisienne. Aux frontières de l’Ile-de-France, il y a donc des espaces dans lesquels de nombreux emplois sont localisés en dehors des centres urbains clairement identifiés. Il y a donc des limites administratives à la région francilienne, mais elles ne semblent correspondre que très partiellement à la réalité fonctionnelle de ces espaces. Cela se perçoit clairement à l’aide des déplacements domicile-travail. Différents niveaux de cohérence territoriale Les déplacements domicile-travail constituent une donnée synthétique du fonctionnement des espaces locaux. En effet, ils sont le résultat d’une géographie des résidents, d’une géographie des emplois et d’une géographie des transports (modes de déplacement, propension à se déplacer et évidemment réseaux de transport). L’aire urbaine, utilisée par l’Insee, ou la région urbaine, utilisée au niveau européen les mettent d’ailleurs à profit. Comme nous visons une compréhension du bassin parisien, nous nous positionnerons pour la suite du travail au niveau des 101 zones d’emploi, qui permettent une meilleure lisibilité des résultats que les 11 000 communes. Les zones d’emplois étant également découpées suivant une logique de navettes, leur mobilisation ne pose pas de problèmes méthodologiques cruciaux (sauf pour Paris, mais nous n’y reviendrons pas en détail ici). Si l'on prend le critère de la région urbaine fonctionnelle (10% d’actifs au lieu de résidence travaillent dans le centre d’emploi principal) et qu’on l’applique aux zones d’emploi, on retrouve un découpage plus radio-concentrique pour ce que nous appellerons la Région parisienne (Figure 1). Paris étant excentré en Ile-de- France, il n’y a pas d’homogénéité entre la région administrative et la Région parisienne.
Figure 1 Figure 2
L’ensemble des zones d’emploi dont plus de 10% des actifs vont travailler à Paris déborde ainsi en Picardie, la zone d’emploi Sud-Oise y appartenant. Si l’on considère maintenant l’ensemble des migrants vers la Région parisienne, nous mettrons en évidence des franges dites externes dans la mesure où elles n’appartiennent pas directement à l’espace central (Figure 2). S’y trouvent les trois zones d’emplois franciliennes qui n’appartiennent pas à la Région parisienne (Nemours, Provins et Monterau-Fault-Yonne) ainsi que toutes les zones d’emplois périphériques de la Région parisienne (à l’exception du Sud-Ouest Champenois dont seulement 7% des actifs vont travailler dans la région parisienne). Cette couronne de franges externes correspond donc aux zones centrées sur les villes avant-postes. Autour du centre de l’agglomération, un vaste espace graviterait. Cette approche descriptive présente l’avantage indéniable de fournir des frontières claires. Toutefois, elle ne permet pas de savoir si ces espaces correspondent effectivement à des espaces vécus comme proches par les actifs résidents. La construction d’un modèle gravitaire sur les navettes de commune à commune permet de faire ressortir ces préférences (Gilli, 2002a). Vu depuis la capitale, quatre types d’espace se distinguent (Figure 3). Depuis le centre de l’espace vers la périphérie, on trouve dans l’ordre : - Un espace fortement intégré où les flux sont importants et significatifs. Leur significativité est souvent négative (les flux négatifs étant rendus plus visibles sur la figure 2) dans la mesure où les déplacements sont plus difficiles dans des zones urbaines denses que dans des espaces ruraux. Le modèle étant calibré sur l’ensemble du bassin parisien, les flux intra-urbains feront apparaître cet effet de barrière, de frein aux déplacements, que constitue la ville. Notons que cet espace couvre les zones d’emplois de la Région parisienne. - On observe ensuite une couronne de centres organisant localement des faisceaux de flux convergents. Ces pôles locaux correspondent aux villes avant-postes de la Région parisienne identifiées précédemment. Elles font apparaître une relation privilégiée à Paris tandis qu’aucun effet de proximité n’est noté avec les grandes villes situées plus loin de Paris. Cela ne signifie évidemment pas que les relations entre ces villes sont nulles, sinon les flux ressortiraient négativement. - Ces grandes villes sont elles aussi reliées à Paris de façon privilégiée. Elles polarisent également leur espace local, mais entretiennent également des rapports de proximité avec des villes de rang inférieur. A l’échelle des déplacements domicile-travail, on voit ainsi réapparaître des modes d’organisation de type Christallerien, l’exemple typique étant repérable autour de Caen, mais existe également autour du Mans, de Reims et à une échelle moindre autour d’Orléans. Les seules relations de Centre à Centre que l’on observe en dehors de la relation à Paris concernent des villes relativement proches (Orléans-Blois-Tours ou Rouen et Le Havre). Notons que ce type d’organisation est profondément lié à la variable que nous mobilisons : les navettes mettent fortement en valeur les relations de proximité. Cela ne signifie donc pas nécessairement que l’espace productif suive un schéma de type Christallerien. - Enfin, des espaces sont faiblement connectés au reste du bassin parisien. Toutes les marges s’y trouvent, y compris une grande ville, Troyes. On observe donc une structure radio concentrique à deux niveaux autour la capitale, constitué d’un disque fortement intégré et d’une couronne reliée par l’intermédiaire de portes d’entrée. Au-delà, des espaces s’organisent autour de la majeure partie des grandes villes, à l’exception de Troyes (très faiblement reliée au reste du bassin parisien) et d’Amiens (fortement reliée à Paris mais ne polarisant qu’une petite zone au-delà de sa zone propre. Il ne s’agit pas de dire que d’importants flux domicile-travail sont un point positif ou négatif d’un point de vue normatif. Mais d’un point de vue positif, c’est à dire compte tenu des tendances actuelles
guidant l’organisation des espaces (étalement et métropolisation), la faiblesse de ces flux est plus le signe d’un manque de dynamisme métropolitain que celui d’une structure multipolaire équilibrée garantissant à chacun un emploi à proximité de son lieu de travail. Figure 3 Des pôles structurant dans un bassin véritablement parisien. Pour bien comprendre comment cet espace fonctionne, il est donc nécessaire de différencier les relations existant à l’échelle du bassin parisien et celles existant dans la région parisienne. Le niveau urbain et le niveau régional répondent en effet à des logiques et à des niveaux de flux très différents. Les figures 4 et 5 représentent ainsi les flux observés entre zones d’emplois du bassin parisien, entre zones d’emploi du bassin parisien et zones d’emploi de la région parisienne et au sein de la région parisienne. Les premiers (flux en bleu) confirment les analyses précédentes : en dehors de la région parisienne, les zones d’emploi incluant d’importantes aires urbaines sont les seules à être concernés par des flux de zone d’emploi à zone d’emploi qui soient supérieurs à 2000 migrants quotidiens. On observe également les deux éléments précédemment soulignés, à savoir tout d’abord que les espaces locaux sont hiérarchisés, les petites zones d’emplois entretenant rarement des relations importantes (plus de 1000 déplacements) entre elles et que les flux convergent vers les ‘grandes’ zones d’emplois. Ensuite que ces zones d’emploi importantes entretiennent rarement des relations entre elles. Rouen est ainsi un contre exemple dans la mesure où la zone d’emploi émet un flux important en direction certes de Paris, mais aussi du Havre et d’Evreux. Orléans présente également un profil particulier dans la mesure où la zone d’emploi alimente le seul flux supérieur à 1000 personnes vers une zone non parisienne du cœur de l’agglomération centrale, Nanterre.
Figure 4 Figure 5
En dehors des relations directes à Paris, les flux importants entre zones du bassin parisien et celles de la région parisienne sont surtout observés autour de celle-ci. C’est d’ailleurs le seul endroit du bassin parisien où il y a d’importants flux non hiérarchisés. C’est également le seul endroit où l’on observe des zones d’emplois à cheval sur deux aires d’influence. Des actifs de Vernon vont ainsi travailler à Paris tandis que d’autres vont à Rouen, de même on observe des flux importants d’actifs de Pithiviers ou Montargis à la fois vers Orléans et vers Paris. Ce type de profil reste cependant De nombreux échanges apparaissent ainsi de part et d’autre de la frontière de la région parisienne, ce qui va totalement dans le sens de l’intégration de la première couronne de zones d’emploi (au moins) dans l’espace fonctionnel parisien. Si 22% des actifs de l’Oise travaillent en Ile-de-France, ce sont 50000 actifs de la seule zone d’emploi de Sud-Oise soit le tiers de la population locale qui va travailler en Ile de France, dont 14000 à Paris même. Même si l’on regarde au-delà de ce cas particulier (puisque le Sud-Oise appartient partiellement à l’agglomération parisienne), les franges externes se distinguent fortement. Les zones d’emplois des villes avant-postes sont ainsi, avec les grandes villes, les seules à échanger avec Paris et elles échangent toutes sans exception. Les seules villes Picardes à envoyer une part importante de leur population à Paris, en dehors d’Amiens, du Sud-Oise et du Santerre-Oise, sont Beauvais, Compiègne, Soissons et Château-Thierry. Le constat vaut également pour la Haute Normandie où Vernon et Evreux sont les deux seulles villes à échanger avec Paris en dehors de Rouen et le Havre ainsi que pour la région Centre. De plus, des mouvements plus locaux se produisent au sein des franges externes et des franges internes de la région parisienne, avec des flux convergents depuis des zones d’emploi des franges externes vers des zones des franges internes qui jouent presque le rôle de sas. Versailles, Sud Oise, Cergy ou même Melun accueillent ainsi de nombreux migrants provenant des franges externes, que ce soit Chartres, Dreux ou Beauvais. Ces franges internes s’insèrent également dans les flux observés à l’intérieur de la région parisienne. Dans cet espace, les navettes dessinent un cœur qui fonctionne en réseau. Les échanges entre les zones d’emplois de Paris et de la première couronne sont très importants et sont tout autant périphériques que radiaux. Par contre, dès que l’on considère les zones d’emplois de la deuxième et la troisième couronne, la logique radiale redevient prépondérante. Des flux entre zones voisines existent mais ne sortent pas de ce cadre et les flux principaux émanant de Cergy, Sud-Oise, Roissy, Lagny-sur-Marne, Meaux, Melun, Evry, Orsay et même Versailles sont en direction du centre (Paris, ou les zones de la première couronne). En conclusion (Carte 6), on observe donc un espace central très important dont l’influence directe s’étend au-delà des limites administratives régionales et dont la présence se fait fortement sentir beaucoup plus loin encore. Le fonctionnement de cet espace repose en effet sur un hypercentre dont l’influence est relayée jusqu’à un réseau de villes avant-postes par le biais de pôles situés en bordure de l’aire d’influence directe de l’espace central. En dépit d’une rupture physique dans le tissu urbain (renforcée par le fait que les villes avant-postes se trouvent de l’autre côté de la ceinture verte entourant la région parisienne), ces villes s’inscrivent profondément dans les espaces vécus qui sont sous forte influence parisienne. On trouve ensuite, un réseau de métropoles d’importance inférieure qui jouent un rôle local significatif, dans la mesure où elles structurent véritablement l’espace qui les entoure. A l’aide des déplacements domicile-travail, nous avons donc traduit une organisation des espaces vécus pertinente à l’échelle du bassin parisien. Elle se base sur une région métropolitaine centrale qui s’étend dans un rayon de 70km autour de Paris et sur des espaces régionaux qui s’organisent en fonction de la relation de leur centre au centre francilien.
Figure 6 Analyse de la structure des effectifs industriels Mais cette organisation ressort uniquement de l’analyse des déplacements domicile-travail, c’est à dire sur un indicateur synthétisant le fonctionnement des espaces à proximité immédiate des gens. Il est évident que, même si de forts liens organiques lient deux Orléans et Caen, peu de personnes vont faire la navette de façon quotidienne. Ces villes offrent des cadres de vie proches, ceux d’agglomérations de 250 000 habitants, sont assez distantes et ne sont pas reliées par des transports rapides. Toutefois, cela ne présage de rien pour ce qui est des liens existant dans le système productif. Ces liens sont évidemment très difficiles à mettrent en évidence en l’absence de données de flux téléphoniques ou de flux marchands. Si l’on considère qu’il y a une répartition centre- périphérie, comme la théorie le laisse supposer, une façon d’entrer dans la question serait d’essayer de vérifier cette hypothèse en utilisant des informations sur la structure industrielle. Il est possible de choisir soit une approche par Catégories Socio-Professionnelles, soit une approche par activités. Si la distinction entre centre et périphérie se fait au niveau fonctionnel, les Catégories Socio-Professionnelles devraient suivre un gradient depuis le centre vers la périphérie. Ceci présente un inconvénient, puisque s’il sera possible de vérifier une structure centre-périphérie, on perdra toute trace des relations pouvant exister entre les espaces étudiés. L’avantage d’une approche par activités est ainsi de garder la possibilité d’analyser les relations possibles entre les espaces en utilisant les activités qu’ils hébergent. Cette variable présente en outre l’avantage de conserver une trace de la fonction à l’intérieur de l’activité,
puisque les activités de fabrication sont distinguées. C’est donc sur la structure par activités que nous allons travailler3. Nous pouvons ainsi étudier la spatialisation de filières économiques dans le bassin parisien. Une forte intégration économique Pour étudier cette spatialisation, nous mobilisons les résultats obtenus en utilisant des indices de répartition de l’activité en secteurs et zones géographiques (Gilli 2002b). Elaborés dans un premier temps par Ellison et Glaeser (1997), ces indices ont été repris avec quelques modifications par Maurel et Sedillot (1997) dans le cas français. Ils permettent de caractériser la concentration spatiale des activités une fois éliminés les biais de structure. Ces biais peuvent être liés à la structure géographique de l’espace considérée au sein duquel l’ensemble de l’industrie peut-être plus ou moins concentrée. Ils peuvent également être liés à la structure industrielle, c’est le cas lorsque la concentration spatiale est totalement expliquée par l’existence d’un ou deux très grands établissements employant la majeure partie de la main d’œuvre du secteur. A partir de la répartition des effectifs entre les différents établissements, les indices permettent de caractériser la concentration spatiale d’une activité en la rendant comparable à celle observée sur d’autres espaces, de taille et de structure industrielle différente. Vu que l’on utilise les mêmes indices que Maurel et Sedillot (1997), la première étape de l’analyse est de positionner les deux résultats l’un par rapport à l’autre. Ils sont obtenus sur des bases différentes dans la mesure où l’ensemble d’activité que nous avons considéré est composé de l’industrie, moins les activités d’extraction, à laquelle nous avons ajouté les services, moins les administrations et les services de détail. Les activités couvrent ainsi l’industrie au sens large, c’est à dire activités de production et services aux entreprises. L’étude de Maurel et Sédillot (1997) ne prenait pas en compte les services, ce qui rend les résultats difficilement comparables. Les activités de services sont en effet largement plus concentrées que les activités industrielles. Toutefois, du fait même de l’introduction de ces services, la concentration moyenne des activités du bassin parisien sera plus importante. Pour une même activité, la pondération effectuée dans le bassin parisien sera donc plus forte que si les activités de services n’avaient pas été prises en compte, et l’indice de concentration d’une activité industrielle sera diminué par la prise en compte des services. Comme les indices observés pour les activités présentes dans les deux bases sont identiques, ou plus élevés dans le cas du bassin parisien, cela signifie que, toutes choses égales par ailleurs, les activités sont plus concentrées dans cet espace. Une plus forte intégration économique se traduisant en théorie par une augmentation de la concentration et de la spécialisation des espaces, le bassin parisien constitue donc une zone économique plus fortement intégrée que l’espace national. Dans la perspective d’une économie de plus en plus dépendante de dynamiques locales (Marshall, 1898, Jacobs, 1969, Barro et Sala-i-Martin, 1996), des indices de spécialisation calculés de manière similaire permettent de mettre en évidence les zones dans lesquelles l’activité est spécialisée dans quelques secteurs sans pour autant que cela se traduise par une structure industrielle déséquilibrée en faveur de quelques établissements. L’avantage de cette méthode est qu’elle permet de varier le niveau des zones que l’on étudie. Nous allons ainsi pouvoir étudier la spécialisation des départements, des zones d’emploi et même des communes du bassin parisien. Si les chiffres obtenus aux différents niveaux géographiques ne 3 Sans ignorer les inconvénients liés à ce choix : à un établissement est alloué une seule activité et il n’y a pas de logique claire dans la NAF qui permette de regrouper efficacement les activités liées entre elles. Sur ce dernier point, nous avons essayé de réagréger les activités de la NAF600 de manière à constituer des ensembles industriels cohérents.
sont pas comparables, ils permettent toutefois de caractériser des organisations spatiales différentes. Une organisation de type Centre-Périphérie Les indices de spécialisation calculés au niveau des départements révèle une structure centre- périphérie complète : le centre présente des indices élevés, la périphérie des indices plus faibles et les marges des indices à nouveau élevés (Figure 7). Figure 7 Les départements centraux (Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Essonne, Yvelines et Val d’Oise) doivent leurs indices à la combinais d’emplois spécialisés dans quelques activités et d’effectifs répartis de façon homogène entre les différents établissements. Les indices sont ainsi naturellement assez élevés et ne subissent que de faibles corrections lorsque l’on tient compte des structures industrielles. Le niveau élevé de ces indices tient également aux activités qui sont concernées, ce sont généralement des activités fortement concentrées. Les emplois fictifs sur lesquels sont calculés les indices sont donc supérieurs aux emplois réels. On trouve ensuite une vaste périphérie englobant la quasi-totalité du bassin parisien dans laquelle les indices sont plus faibles. Cela tient au fait qu’en dépit d’une structure d’emploi relativement peu éloignée de celle du centre, les effectifs sont concentrés dans de grands établissements. La correction des indices de concentration par la structure industrielle affecte donc fortement le niveau des indices. Que les activités soient relativement similaires alors que les structures industrielles sont profondément différentes plaide en faveur d’une organisation centre-périphérie dans laquelle les activités seraient identiques dans toute la région, mais il y aurait à la fois spécialisation du centre dans des fonctions reposant sur de plus petites structures et de la périphérie sur des fonctions reposant sur des économies d’échelle et à la fois une concentration de ces deux fonctions dans chacun des sous-espaces régionaux, les
petites structures étant peu présentes dans la périphérie et les grands ensembles absents du centre. Enfin, aux marges du bassin parisien, on retrouve à nouveau des indices élevés. Ceux-ci sont liés à de très fortes spécialisations locales. La Manche, la Marne, les Ardennes ou la Haute- Marne sont des départements dont la structure industrielle diffère peu de celle des départements voisins, mais étant beaucoup plus spécialisés que ces derniers l’indice pondéré reste élevé. Que ce soit la Construction navale (Manche) ou la Champagnisation (Marne), la double dynamique de concentration et spécialisation est également sensible. Ces activités sont marquent très fortement les espaces locaux de leur empreinte et les espaces locaux sont quasiment les seuls à être présents sur les activités considérées. De fortes spécialisations des Zones d’Emploi Au niveau des zones d’emplois (Figure 8), le centre et les marges apparaissent toujours et pour les mêmes raisons. Le contour du centre est affiné : Paris, Nanterre, Boulogne, Orly, Orsay, Versailles et Roissy. Les marges également, puisque le sud de la région Centre apparaît. Mais les grandes caractéristiques de ces espaces varient peu. Le profil de la périphérie change lui profondément. Alors que les départements avaient tous des indices de spécialisation relativement voisins, les zones d’emplois présentent elles une variance beaucoup plus grande. Cette grande disparité était masquée au niveau départemental ; plusieurs zones hyper spécialisées chacune dans une activité différente produisent, lorsqu’elles sont agrégées un département faiblement spécialisé. C’est ce qui se passe pour une grande partie des zones d’emplois entourant l’ouest de la région parisienne : de Beauvais à Pithiviers en passant par le Perche, les indices de spécialisation deviennent localement très élevés. On observe dans ces zones d’emploi des profils voisins de ceux des marges : des emplois spécialisés dans très peu d’activités regroupés dans de grands établissements. Toutefois, que les départements ne retraduisent pas cette spécialisation locale signifie que chaque zone d’emploi est spécialisée dans une activité différente de sa voisine. Sous l’apparence d’une structure Centre-périphérie relativement cohérente d’un point de vue fonctionnel se cachent donc de fortes hétérogénéités au niveau des activités. Les périphéries sont donc elles aussi spécialisées à un niveau local fin.
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