Le " bonheur danois " : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité

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Le " bonheur danois " : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité
Nordiques
                          41 | 2021
                          Le bonheur nordique

Le « bonheur danois » : entre satisfactions au
travail et sentiment de sécurité
Xavier Chatron-Colliet

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/nordiques/2754
DOI : 10.4000/nordiques.2754
ISSN : 2777-8479

Éditeur :
Association Norden, Bibliothèque de Caen la mer

Référence électronique
Xavier Chatron-Colliet, « Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de
sécurité », Nordiques [En ligne], 41 | 2021, mis en ligne le 01 novembre 2021, consulté le 26 mars 2022.
URL : http://journals.openedition.org/nordiques/2754 ; DOI : https://doi.org/10.4000/nordiques.2754

Ce document a été généré automatiquement le 26 mars 2022.

Nordiques
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité   1

    Le « bonheur danois » : entre
    satisfactions au travail et sentiment
    de sécurité
    Xavier Chatron-Colliet

    Introduction
1   Les pays nordiques sont connus pour être dans le top 10 de la plupart des classements
    liés au bien-être ou au progrès. Qu’il s’agisse du World Happiness Report, du Social Progress
    Index ou du Better Life Index de l’OCDE, ceux-ci sont toujours très bien classés. Le
    Danemark, en particulier, porte une représentation du bonheur marquée qui se
    constate à travers le succès de livres bestsellers comme Heureux comme un Danois de
    Malene Rydahl ou Hygge : l’art du bonheur danois de Marie Tourell Soderberg. Dans les
    rapports, comme dans l’imaginaire collectif, le Danemark est l’un des pays les plus
    heureux du monde, seulement détrôné de sa première place par la Norvège en 2017 et
    la Finlande depuis 2018.
2   S’il est difficile de définir précisément le bonheur, on peut l’accepter comme un état
    global de satisfaction durable et générale que peut ressentir une personne au cours de
    sa vie. On pourrait compter au moins trois dimensions du bonheur : affective (somme
    des affects positifs et négatifs), cognitive (capacité d’évaluer son bien-être) et
    eudémonique (fait, entre autres, de considérer que sa vie a un sens dans une
    perspective existentielle)1. Les trois termes étant corrélés et ayant une structure
    similaire2, on les emploiera indifféremment, bien qu’ils ne revêtent pas l’exacte même
    signification. De sorte à ne pas opposer binairement malheur et bonheur, il convient de
    voir la satisfaction de vie de manière échelonnée. Pour mesurer cela, l’une des
    méthodes les plus utilisées (par le WHR qui se base sur le World Gallup Poll ) est de
    demander directement aux personnes leur état de bien-être subjectif sur une échelle
    de 0 à 10 (Cantril ladder). Cette méthode fait majoritairement appel à la dimension
    cognitive du bonheur, et permettrait aux auteurs du WHR d’élaborer des comparaisons

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Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité   2

    internationales, à travers un indicateur national agrégé de la moyenne des réponses
    données3, et d’analyser les facteurs déterminants du bonheur. Cette approche demeure
    critiquée et critiquable quant aux hypothèses que ces méthodes impliquent, comme le
    fait qu’il n’y ait pas de différences entre les individus 4.
3   À travers ces méthodes, différentes explications ont pu être avancées quant à la
    réussite des pays nordiques et de l’exception dont ils font figure. Le chapitre 7 du World
    Happiness Report 20205 tente d’étudier cet « exceptionnalisme » et propose une liste non
    exhaustive d’arguments explicatifs de la réussite de ces pays, comme la présence d’un
    État-providence fort, la qualité des institutions, la faible inégalité de revenus, la liberté
    (politique, économique, culturelle), etc. En particulier, c’est la confiance
    interpersonnelle, d’une part, et institutionnelle, d’autre part, qui y favoriserait le plus
    le bonheur citoyen dans une dynamique de cercle vertueux auto-renforçant 6. En cela,
    les pays nordiques, et notamment le Danemark, tendent à se démarquer des autres
    pays.
4   Toutefois, le bonheur nordique est souvent contrasté par d’autres indicateurs, ce qui
    tend à nuancer la démarcation des modèles nordiques. Le Nordic Council of Ministers
    montre, dans un rapport de 20187, que les pays nordiques font face aux mêmes
    problèmes et aux mêmes défis, en termes de bonheur, que la plupart des pays
    occidentaux, tels que le chômage, les troubles de santé (notamment mentale),
    l’isolement et l’exclusion, les violences genrées, etc. Le Danemark en particulier
    apparaît comme étant à la fois similaire et différent des pays nordiques et occidentaux.
    Par exemple, il semble se distinguer de ses voisins comme la Suède : près de 20 % des
    jeunes femmes suédoises (18-23 ans) rapportent souffrir ou rencontrer des difficultés,
    contre seulement 6 % des jeunes femmes danoises du même âge sur la
    période 2012-20168. Pourtant 32 % des femmes déclarent avoir subi, au cours de leur
    vie, une violence de la part d’un partenaire intime contre 26 % en France 9. Si le
    Danemark semble faire cas d’exception dans beaucoup de domaines, il n’est donc pas si
    différent, ni de ses voisins, ni des autres pays occidentaux. Dans les pays nordiques
    comme ailleurs en Occident, la santé apparaît être l’explication la plus rigoureuse des
    inégalités de bonheur et comme la principale cause de difficultés ou de souffrances. Le
    chômage est également cité comme une cause importante de malheur alors même qu’il
    s’y trouve relativement faible. En effet, celui-ci entraîne des effets de contaminations
    (spillover)10 pour ceux qui ne le subissent pas, et de comparaison à la norme sociale 11,
    pour ceux qui le subissent et notamment lorsque le taux régional ou agrégé de chômage
    est faible.
5   Ainsi, il paraît évident que le « bonheur nordique » est contrasté par des « causes » de
    souffrances connues de la plupart des pays occidentaux. Cela mène à une interrogation
    légitime quant à leur réussite : si les pays nordiques, et en particulier le Danemark,
    connaissent les mêmes problèmes que les autres pays occidentaux, comment expliquer
    que les indicateurs du bonheur montrent une telle réussite ? La confiance
    interpersonnelle et institutionnelle (élément souligné par le WHR 2020) ne suffirait pas,
    à elle toute seule, à expliquer l’intégralité de la « réussite » de ces pays. Afin de
    comprendre le bonheur nordique, il faut s’atteler à analyser les interactions complexes
    des différents facteurs de bonheur. Pour faciliter l’analyse, seul le cas du Danemark
    sera étudié puisque celui-ci semble être au moins le deuxième pays le plus heureux du
    monde. D’autre part, il s’agira de se focaliser sur l’analyse de l’intégration sociale par le

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    travail – qui n’est pas envisagé tel quel dans le chapitre 7 précité du WHR 2020 – comme
    élément déterminant du bonheur.
6   L’article propose de montrer que le bonheur au Danemark peut s’expliquer par
    l’interaction entre deux grandes caractéristiques de l’intégration sociale par le travail :
    la présence de satisfactions au travail et la protection sociale permise par l’emploi. Il
    convient alors de présenter le cadre analytique en discutant de l’importance du travail
    dans l’analyse complexe du bonheur au Danemark. Cela permettra ensuite de
    confronter l’analyse aux paradoxes du modèle danois, comme la question du rapport
    entre sécurité et flexibilité du marché du travail, que l’on nommera « flexisécurité »
    pour faire référence au modèle des années 90 ayant principalement évolué dans le sens
    de la flexibilité.

    Le Danemark : un pays nordique heureux
7   Le bonheur apparaît comme un phénomène complexe et multifactoriel. De manière
    générale, différents facteurs, comme le revenu12, la santé (notamment mentale)13, la
    possession d’un travail14, la satisfaction au travail15 ou le capital social 16, lui sont
    corrélés. Par exemple, la présence d’un fort capital social au travail est également un
    prédicteur relativement important du bonheur dans ses dimensions affectives et
    cognitives17. Le capital social et les travaux sur la relation entre le travail et le bien-être
    rendent généralement compte de la confiance et de la coopération accumulées au fil
    des relations qui se tissent au travail. Or, le niveau de confiance, au travail, est corrélé
    au bien-être subjectif18.
8   Cependant, la théorie du capital social de R. Putnam19 ne permet pas d’englober tous les
    facteurs de satisfaction au travail ou de bonheur. Selon Serge Paugam, le travail peut
    être considéré comme un lien social de « participation organique », permettant
    l’intégration sociale des individus, en plus d’autres liens sociaux (familial, électif,
    citoyen)20. Pour l’analyser, « il faut prendre en considération non seulement le rapport
    au travail conformément à l’analyse de Durkheim, mais aussi le rapport à l’emploi qui
    relève de la logique protectrice de l’État social. »21. Ainsi, en tant que lien social « de
    participation organique », le travail serait source de reconnaissance (matérielle et
    symbolique) et de protection (sociale), qui se traduisent respectivement en satisfactions
    au travail et en sécurité. Au niveau macroscopique, ces liens se meuvent en régime
    d’attachement dès lors qu’un lien est prédominant sur les autres (sans pour autant les
    occulter). C’est par ce mode d’intégration sociale que le travail produirait ainsi de la
    solidarité et constituerait un rempart face à l’anomie. Selon Paugam, les pays nordiques
    sont en grande partie, mais pas uniquement, fondés sur des régimes d’attachement
    citoyen22. En particulier, au Danemark, le travail demeure un domaine important de la
    vie, notamment du fait de la culture protestante qui y a été historiquement dominante.
    Le lien de participation organique constitue un vecteur considérable de reconnaissance
    et de protection du fait d’une construction d’un marché du travail sur le système de
    « Gand »23 donnant une place prépondérante aux syndicats, notamment dans la gestion
    de l’assurance chômage et la cogestion des conventions collectives. Or, dans cette
    perspective, le « bonheur danois » pourrait s’expliquer à travers l’interaction et la
    solidité des liens organiques et de citoyenneté.
9   Dans l’analyse de Paugam, on retrouve l’importance de la situation matérielle liée au
    travail qui regroupe différents aspects, comme la stabilité de l’emploi, la durée du

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     contrat, le caractère suffisant de la rémunération, la protection sociale issue de l’emploi
     et enfin le sentiment de sécurité qui en découle. La situation psychologique est aussi
     présente dans son analyse à travers les éléments qui agissent sur l’épanouissement au
     travail et dans la vie. Si Paugam n’est pas cité par les travaux sur le bonheur, les
     critères qu’il soulève ont eux-mêmes été commentés dans la littérature scientifique.
     Par exemple, la rémunération compte beaucoup en tant qu’élément de reconnaissance
     matérielle, mais elle semble également déterminer, conjointement avec la sécurité de
     l’emploi, la satisfaction du travailleur et sa propension à démissionner 24. En particulier,
     ce que décrit Paugam sur les formes de disqualification sociale 25 s’observe, à quelques
     différences conceptuelles près, à travers le lien entre le mal-être au travail et les
     démissions26. De même, la sécurité offerte par l’État social conditionnée par l’obtention
     d’un emploi, que cite Paugam, semble aussi influencer le bonheur 27.
10   L’intérêt présent de lier ces cadres analytiques est qu’ils permettent de mieux prendre
     en compte la complexité multifactorielle du « bonheur danois ». En particulier, dans les
     analyses sur le bonheur, on a tendance à séparer, par souci de simplification, des
     éléments qui peuvent interagir. C’est notamment ce qui est fait dans le chapitre 7 du
     WHR 202028 qui conduit à disjoindre le travail de la protection sociale qui en découle.
     Or, les dissocier conduit à ignorer les interactions entre la structure socio-économique
     et la structure institutionnelle, c’est-à-dire entre le lien de participation organique et le
     lien de citoyenneté. Cela conduit aussi à concevoir le bonheur comme un élément
     explicable arithmétiquement et, dans le cas du travail, c’est ignorer les rapports entre
     la possession d’un travail, la satisfaction au travail et la sécurité sociale qui lui est
     associée. Pourtant, il est possible, et même probable que ces facteurs interagissent, se
     renforcent, se contredisent et se cumulent, dans une logique géométrique complexe.
11   Dans ce chapitre, les chercheurs s’intéressent au cas des pays nordiques sous un axe
     institutionnel. En effet, d’une part, en examinant le rapport sous le prisme conceptuel
     de Paugam, on penserait que la majorité des arguments explicatifs du bonheur
     proviennent de la reconnaissance et de la protection produites par le lien de
     citoyenneté. Les éléments objectifs cités qui seraient corrélés au « bonheur nordique »
     renvoient au « cadre institutionnel des États Sociaux Nordiques », à la qualité du
     gouvernement – autant dans l’accès et la transparence du pouvoir que dans son
     exercice respectueux de l’État de droit29 –, à l’autonomie permise par la société dans
     son ensemble, et à la cohésion sociale. C’est une analyse macroscopique qui n’envisage
     pas les autres types de liens comme producteurs de solidarité, de cohésion et de
     bonheur. Par exemple, l’état des familles, l’importance des réseaux associatifs, ou
     encore l’intégration sociale par le travail (ou même par l’école) n’y sont pas des
     éléments analysés et discutés comme pouvant expliquer le bonheur dans les pays
     nordiques, alors qu’ils pourraient l’être. D’autre part, si un rôle considérable est donné
     à la présence d’un État-providence (Welfare) fort et particulièrement à l’égalité socio-
     économique qu’il produit, ce n’est jamais le travail, tel quel, qui est analysé comme
     générateur de liens sociaux, de cohésion, de sécurité et in fine de bonheur. La différence
     majeure demeure ainsi dans l’analyse du travail et de l’emploi comme des déterminants
     complexes du bonheur et dans le fait de ne plus y voir seulement l’effet du Welfare. Ici, il
     ne s’agit donc pas de questionner le seul rôle du Welfare sur le bien-être subjectif, mais
     d’associer ce dernier aux satisfactions produites par le travail dans un cadre conceptuel
     qui permet de prendre en considération le rapport de l’individu au travail et à l’emploi.

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12   Dans le cas du Danemark, les caractéristiques citées par le WHR 2020 semblent assez
     consensuelles puisqu’elles se recoupent avec d’autres facteurs cités dans un rapport du
     Happiness Research Institute30. Le haut niveau de revenu est aussi associé au bonheur à
     travers le bien-être matériel, mais ce qui différencie le Danemark de pays comme les
     États-Unis, c’est le faible niveau d’insatisfaction parmi les ménages les moins aisés.
     C’est ce qu’on appelle l’effet danois (the Danish effect)31. En effet, selon
     Gøsta Esping Andersen32, il existerait au Danemark un processus de démarchandisation
     (decommodification) garantissant aux individus une liberté contre le marché qui se
     concrétise par une assurance matérielle face aux risques sociaux comme le chômage.
     Or, ce processus semble être statistiquement corrélé au bien-être des individus 33,
     indépendamment de leur niveau de richesse34. Cela pouvant s’expliquer autant par le
     sentiment de sécurité face aux risques de marché que par les bénéfices directs que
     produit l’État-providence en termes de services publics. Néanmoins, certains ont pu
     remarquer que l’augmentation du coefficient de Gini – indicateur synthétique des
     inégalités de revenu, dans une population donnée, allant de 0 (égalité parfaite) à 1
     (inégalité totale) –, au Danemark sur la période 2002-2014, se serait traduite par une
     baisse de bonheur35, ce qui permet de relativiser encore une fois la réussite du
     Danemark en termes de bonheur.
13   Plus précisément, selon les données de l’OCDE, en 2019 36, le Danemark rassemblait des
     caractéristiques économiques particulières. Avec 5,8 millions d’habitants, dont 63,9 %
     de personnes en âge de travailler (15-64 ans), 19,3 % de personnes âgées et 16,4 % de
     jeunes, le Danemark avait un taux d’emploi relativement (75 %) par rapport à la
     moyenne de l’OCDE (68,7 %). Le Danemark faisait alors face à un faible niveau de
     chômage (5,09 %) dont 16,6 % de chômage de longue durée, soit moins de 1 % de la
     population active. L’emploi temporaire (10,9 % de l’emploi total) ou l’indépendance
     (8 % des travailleurs en 201437) y étaient plutôt faibles. De même, le volume annuel
     moyen d’heures travaillées est plutôt faible (1380h/travailleurs). La législation
     protectrice de l’emploi (LPE) en vigueur est assez peu stricte, puisque le score moyen de
     l’indicateur de rigueur de la réglementation en matière de licenciements individuels est
     de 1,86 (contre 2,44 pour la France par exemple), mais cela est compensé par
     l’importance des syndicats dans la structure du marché du travail (avec un taux de
     syndicalisation de 67 % et un taux de couverture syndicale de 82 % 38). Enfin, la
     protection sociale au Danemark est également un élément important. Si le taux de
     risque de pauvreté (11,9 %)39 était relativement faible en 2016, c’est en partie du fait
     d’un faible nombre d’heures de travail (à 67 % du salaire moyen) nécessaire pour sortir
     de la pauvreté (nul pour les couples au chômage et les personnes seules avec 2 enfants)
     et d’un montant d’allocations chômage généreux (82 % du revenu précédant le
     chômage).
14   Par ailleurs, si on peut penser que 36,1 % de la population ne serait a priori pas impactée
     par les questions relatives à l’emploi, et donc par l’analyse de l’intégration sociale par le
     travail, l’ensemble des personnes âgées ont pu l’être, au cours de leur vie, et le
     demeurent à travers la problématique de la retraite, qu’ils aient décidé d’y rentrer ou
     non. Autrement dit, les 19,3 % de personnes âgées sont concernées par l’analyse si,
     d’une part, l’on considère hypothétiquement que leurs conditions socio-économiques
     et leur satisfaction au cours de leur vie active peuvent entraîner des effets positifs
     persistants sur leur bonheur à l’âge de la retraite (selon la même logique que les
     déterminants de la satisfaction de vie à l’âge adulte40) et si, d’autre part, on intègre la

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     question de la protection sociale – c’est-à-dire les retraites pour lesquels les travailleurs
     paient des impôts (régime de base) et cotisent (régime complémentaire) – qui renvoie à
     la dimension protectrice de l’État social dans le lien de participation organique chez
     Paugam. De même, les jeunes seront impactés par ces questions, mais de manière plus
     indirecte, à travers le rôle de leur éducation présente pour leur futur et celui du
     marché du travail. Ceci implique que l’analyse de la satisfaction de vie dans le cadre de
     l’intégration sociale par le travail demeure opportune même à leur égard.
15   Ainsi, ce sont peut-être les interactions entre, d’une part, les composantes du lien de
     participation organique et, d’autre part, les liens organiques et citoyens, qui pourraient
     expliquer ce « bonheur danois » grevé de paradoxes.

     Le lien de participation organique : une explication au
     « bonheur danois » ?
16   Si le lien de participation organique se compose de reconnaissance et de protection, on
     peut alors traduire cela en satisfactions au travail et en sécurité de l’emploi pour
     caractériser concrètement la solidité du lien. Pour apprécier celle-ci, on peut alors
     tenter de comparer les divers critères de satisfactions au travail (revenu,
     reconnaissance et présence de violence ou de stress, équilibre) et de sécurité de
     l’emploi (risque et intensité du chômage, sentiment de sécurité, durée et type de
     contrat), à des éléments objectifs qui caractérisent le « modèle danois ».
17   Le bien-être au travail peut être influencée par divers éléments comme la
     rémunération, les primes et promotions, l’absence de violences physiques ou morales,
     l’équilibre entre l’autonomie et la responsabilité, la balance vie-travail, la
     reconnaissance du travail fourni, les situations de flow (état d’épanouissement et de
     concentration intense et temporaire41), la participation aux décisions, le sentiment
     d’adéquation aux valeurs ou à la culture de l’entreprise, la cohésion et la confiance
     entre collègues, etc. Dans le cas du « bonheur danois », le Happiness Research Institute 42,
     le Job Satisfaction Knowledge Centre43 et le Krifa44 collaborent chaque année sur un rapport
     explicitant l’index danois de bien-être (au travail), en se basant sur les données
     récoltées par Kantar Gallup. En 2019, les Danois indiquaient ainsi un bonheur de 75/100
     et une satisfaction au travail de 73/10045. Une augmentation de cette dernière de
     10 points engendrerait une augmentation du « bonheur danois » de 5,2 points selon le
     rapport. Ici, le bonheur renvoie à toutes ces dimensions (hédonique, cognitif,
     eudémonique), tandis que la satisfaction au travail renvoie surtout à une dimension
     cognitive. Ensuite, il semblerait que cette mesure s’explique à 74 % par 7 facteurs : le
     sentiment de sens au travail, la maîtrise de son travail, l’équilibre vie-travail, la relation
     hiérarchique (leadership), l’équilibre entre autonomie et responsabilités, le sentiment de
     réussite, et enfin le climat social46. Il paraît assez cohérent que, lorsque l’on est satisfait
     par son travail, vis-à-vis de ces facteurs notamment, notre bonheur ait tendance à
     augmenter également. Cela se vérifie empiriquement, autant de son expérience
     personnelle que dans les enquêtes de bien-être subjectif47.
18   Parmi les sources de bien-être au travail, le fait de se sentir bien payé, ou même d’être
     suffisamment payé pour répondre à ses besoins et se mettre en sécurité face aux
     risques du marché est indéniablement un facteur de bonheur. Le revenu est un facteur
     majeur à la fois de satisfaction au travail et de sécurité. On voit d’ailleurs que les Danois

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     disent être d’accord avec un score de 3,8 à l’affirmation » je trouve que je suis bien payé
     pour les efforts que je fournis et le travail que je fais (1 = pas du tout d’accord ; 5 = tout à
     fait d’accord) »48.
19   Outre le revenu, la reconnaissance symbolique est un élément déterminant et peut
     notamment jouer dans la relation entretenue au travail entre collègues et avec la
     hiérarchie. C’est ce qui permet, entre autres, un climat social sain, où les individus
     peuvent se faire confiance, coopérer et s’estimer. Paradoxalement, au Danemark, le
     climat social n’est pas spécifiquement le critère de réussite le plus important. Le score
     d’index d’environnement social n’est pas particulièrement élevé (75 contre 78 pour la
     moyenne de l’UE et presque 90 pour la Bulgarie et le Portugal) 49. Ce score s’explique par
     la proportion élevée de travailleurs danois qui font face à des comportements sociaux
     difficiles (25 %)50 et au stress (1 employé danois sur 4 est stressé 51 et 22 % des
     travailleurs déclarent travailler sous pression52). Toutefois, seulement 18 % des
     travailleurs danois indiquent devoir cacher leurs sentiments au travail contre 50 % en
     France par exemple53. Il y a donc une ambiguïté sur la question de la reconnaissance
     symbolique et du climat social puisque les résultats sont relativement contradictoires.
     Si les Danois demeurent très satisfaits au travail, cela pourrait s’expliquer par le fait
     qu’ils seraient moins sensibles aux conditions de travail que les Français 54, c’est-à-dire
     qu’ils y apporteraient relativement moins d’importance, en termes de bonheur.
20   Si les Danois semblent moins sensibles aux conditions de travail, ce n’est néanmoins
     pas le cas pour l’autonomie et l’équilibre vie-travail. En effet, ce sont deux facteurs
     indirects importants de satisfaction au travail et de bien-être subjectif 55. Concernant
     l’équilibre vie-travail, cela contribue à améliorer la relation entre le travailleur et sa
     hiérarchie, à améliorer les liens sociaux familiaux et électifs et à favoriser les loisirs.
     Selon les indicateurs du Job Satisfaction Index, il semblerait qu’une augmentation de
     l’équilibre vie-travail de 10 points sur 100 se traduit par une augmentation de 1,5 point
     de satisfaction sur 10056. L’état du marché du travail danois semble de ce côté
     suffisamment efficace pour concilier un faible taux de chômage, un haut niveau de
     revenu et un faible niveau d’heure moyenne annuelle ouvrée par travailleur. C’est aussi
     le cas du rapport à l’autonomie, c’est-à-dire une marge de liberté dans la manière de
     réaliser son travail et d’atteindre les objectifs fixés. Par exemple, en situation de travail
     en équipe, les travailleurs danois peuvent choisir la division des tâches dans 70 % des
     cas et leur responsable d’équipe dans 40 % des cas (ce qui reste bien supérieur à la
     moyenne de l’UE)57. Or, le Danemark semble entretenir un rapport institutionnel
     particulier à l’autonomie dans la mesure où l’on observe déjà un apprentissage de
     l’autonomie dans le cursus scolaire58. Cela laisse penser qu’il y a un processus de
     socialisation à l’autonomie, perçue à la fois comme une valeur et une norme.
21   Si la structure du travail danois semble ainsi être source de bien-être au travail et de
     bonheur, cela ne précise pas tout, et les facteurs présentés par le Job Satisfaction Index ne
     permettent d’expliquer que 74 % de la satisfaction au travail. Une autre source de
     bonheur au travail pourrait être le sentiment de sécurité pouvant découler de la
     situation objective du marché et de sa structure plus ou moins protectrice. De même, si
     la sécurité permise par l’emploi est source de satisfaction à la fois dans la vie et au
     travail, cela signifierait que les deux catégories se cumulent pour permettre une plus
     grande satisfaction de vie supposant ainsi des effets d’endogénéité.
22   La sécurité permise par l’emploi renvoie alors aux éléments objectifs et subjectifs qui
     permettent de sécuriser l’individu dans sa position sociale tant absolue, c’est-à-dire son

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     statut, que relative, c’est-à-dire par rapport aux autres et à la norme. Parmi ceux-là, on
     peut notamment compter la durée et le type de contrat de travail, la sécurité sociale en
     cas de risques, la structure de protection contre les abus (ex., syndicats) et le sentiment
     subjectif de sécurité. Cette sécurité est en elle-même source de bonheur lorsqu’elle
     répond aux besoins de sécurité et de stabilité, crée des attentes positives et optimistes
     et diminue l’incertitude. Dans ce cadre, le « bonheur danois » pourrait
     hypothétiquement être le produit d’une forte sécurité par l’emploi, alliée avec de
     nombreuses sources de satisfactions au travail. Pourtant, ce qu’on constate pour la
     situation danoise peut sembler paradoxal puisque la situation objective est peu
     protectrice.
23   Le modèle danois est historiquement fondé sur l’idéal d’un État providence fort,
     généreux et universel. Toutefois, comme la plupart des pays occidentaux, le Danemark
     n’a pas échappé aux dynamiques de restructuration par des politiques néolibérales qui
     ont transformé le marché du travail en profondeur depuis les années 90. Le passage de
     l’État Providence au « Workfare »59 ou à l’État de compétition 60 a ainsi mené à la
     dissolution de l’idéal d’universalité dans l’apparente nécessité de l’idéal du mérite, le
     travail devenant dès lors la contrepartie méritante au filet de sécurité qu’est l’État
     providence.
     Le modèle de « flexisécurité » entraîne une forte mobilité des travailleurs, une
     instabilité et une rotation de l’emploi accrues, tout en n’assurant pas de protection
     rigoureuse contre le licenciement régulier, qu’il soit individuel ou collectif. En
     reprenant le cadre analytique, cela devrait avoir un effet négatif sur le bien-être
     subjectif en ce que cela peut tendre à réduire la sécurité subjective des individus. Or, il
     semblerait que le Danemark soit un pays avec un niveau d’insécurité subjective de
     l’emploi historiquement faible : 12,2 % en 1995 et 14,6 % en 2005 61. Si l’hypothèse
     explicative du bonheur est que l’intégration sociale par le travail produit un niveau
     élevé de satisfactions et de sécurité, il semblerait que cette dernière ne passe pas
     forcément ou exclusivement par des éléments objectifs de protection. La situation
     semble donc plus complexe, car le lien entre sécurité subjective et objective paraît
     distendu, de sorte que le sentiment subjectif soit plus important que les niveaux
     observés de protection de l’emploi.
24   Par exemple, la durée de travail et le type de contrat devraient constituer des
     configurations importantes pour la sûreté de l’emploi. Plus le contrat est temporaire et
     atypique, moins il générerait de sécurité. Or, il semble y avoir une tension entre la
     sécurité subjective et le niveau objectif de protection, ce qui suppose que les deux ne
     soient pas purement équivalents. Autrement dit, la sécurité subjective ne dérive pas
     forcément des niveaux objectifs de protection de l’emploi, mais plutôt du risque perçu
     de perte et de non-retour à l’emploi62. C’est notamment ce que l’on constate concernant
     la durée du contrat de travail qui est assez peu révélatrice du niveau subjectif
     d’insécurité63. On observe même dans plusieurs pays d’Europe une corrélation négative
     avec la LPE ainsi qu’une corrélation positive avec les allocations chômage 64. Toutefois,
     pour analyser ce résultat avec plus de robustesse, il faudrait, pour le Danemark en tout
     cas, prendre en compte le rôle prépondérant des syndicats comme élément structurant.
     Dans ce cas, on peut légitimement se demander ce qui peut contribuer à ce sentiment
     subjectif de sécurité, davantage qu’aux éléments protecteurs objectifs, et donc
     indirectement au bonheur.

     Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité   9

25   En général, le faible taux de chômage, notamment de long-terme, jouerait ainsi en
     faveur de niveaux moins élevés d’insécurité subjective65, notamment en diminuant le
     risque perçu de non-retour à l’emploi. L’employabilité, c’est-à-dire la capacité d’un
     individu à retrouver un emploi et s’y maintenir du fait de caractéristiques diverses
     (compétences, qualifications, adaptabilité, autonomie, etc.), tend également à accroître
     le sentiment de sécurité et la satisfaction de vie en générant par ailleurs des effets
     positifs sur la santé mentale66. De même, si les institutions entretiennent des relations
     complexes avec le sentiment de sécurité en fonction des groupes observés 67, des
     dispositifs spécifiques, tels que les allocations chômage et les politiques de retour à
     l’emploi par la formation, jouent un rôle considérable dans la construction du
     sentiment subjectif de sécurité des Danois68.
26   On pourrait tirer une dernière hypothèse explicative, à la fois du haut niveau de
     satisfaction des Danois et du sentiment subjectif de sécurité élevé. En effet, si
     l’intégration sociale par le travail au Danemark produit suffisamment de satisfactions
     et de sentiment de sécurité, on pourrait suggérer que leur interaction se construise au
     sein « d’un contrat social triparti » produisant une relation entre le lien de
     participation organique et le lien de citoyenneté. Au-delà de l’hypothèse culturaliste
     qui consisterait à voir l’acceptation de la flexisécurité comme une réussite d’un
     « moralisme danois » fondé uniquement sur le civisme et la confiance entre les
     membres de la société, celle-ci pourrait provenir d’un contrat social liant le gouvernant
     à l’amélioration de l’employabilité et la diminution du chômage (notamment de long
     terme) – ce qui jouerait, entre autres, sur le risque perçu de perte et de non-retour à
     l’emploi –, les entreprises au règne relatif de l’autonomie des travailleurs, et les
     travailleurs à une plus grande instabilité du travail, qu’elle fût subie ou choisie.
     D’ailleurs, l’aspiration danoise à l’autonomie n’est pas simplement une caractéristique
     culturelle, mais elle revêt plutôt un caractère institutionnel : elle est produite tout au
     long de la scolarité, ce qui suppose l’importance conjointe de l’intégration sociale
     citoyenne et organique. Ainsi, le système économique et les politiques économiques du
     travail étant faits d’arbitrages, si l’on considère que le chômage entraîne de plus
     grandes dégradations sur le bonheur, alors la flexisécurité est peut-être, pour les
     Danois, le prix d’un moindre chômage et d’une plus grande satisfaction. Néanmoins, s’il
     semble que la santé soit affectée par le sentiment de sécurité, certains résultats
     montrent en réalité qu’au Danemark la flexisécurité tend à diminuer ce sentiment et
     entretenir de cette manière des effets négatifs sur la santé des travailleurs 69. De même,
     les cas de situations précaires, de vulnérabilité, d’exclusion et de disqualification
     sociale demeurent particulièrement difficiles à traiter70. Il y a donc au Danemark un
     enjeu particulier de limitation des effets négatifs de la flexisécurité pour ces situations
     où le sentiment subjectif de sécurité ne joue pas un rôle suffisant pour concilier
     l’efficacité économique et la satisfaction individuelle et collective.

     Conclusion
27   Finalement, le « bonheur danois » semble pouvoir s’expliquer par l’interaction entre
     une multitude de facteurs. L’intégration sociale se forme autour de deux liens
     principaux (lien de citoyenneté et lien de participation organique) qui interagissent
     pour produire de la reconnaissance et de la protection, et qui se traduisent, dans le
     domaine du travail et de l’emploi, en satisfactions et sécurité. Si le modèle danois

     Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité   10

     semble produire un niveau relativement élevé de satisfaction, la sécurité de l’emploi est
     plus difficile à analyser du fait de la flexibilisation croissante du marché du travail.
     Pourtant, le sentiment subjectif d’insécurité semble se maintenir à des niveaux
     relativement faibles. Celui-ci importerait alors au moins autant, si ce n’est plus, que les
     conditions de la protection de l’emploi, tout en dépendant d’éléments objectifs comme
     l’employabilité, ou le risque de perte et surtout de non-retour à l’emploi.
28   L’explication du « bonheur danois » est à l’intersection entre une vision de
     « l’exceptionnalisme » nordique et un questionnement sur les paradoxes du progrès
     danois qui, en l’espèce, concernent le rapport des individus au travail, à l’emploi et au
     risque de chômage. On peut alors éventuellement avancer l’idée que la « réussite
     danoise » renvoie moins à un exceptionnalisme, fondé sur la confiance, ou à un
     moralisme, fondé sur le civisme, qu’à un contrat social particulier se formant au cœur
     de l’interaction entre les liens de participation organique et de citoyenneté. Si ce
     contrat est voué à évoluer, notamment vers une meilleure prise en charge de la
     vulnérabilité économique et sociale (comme le mal-logement par exemple) qui
     constitue un enjeu pour le Danemark, on peut continuer à s’interroger quant aux sens
     de ses évolutions vers un futur plus ou moins utopique, en fonction du rapport de la
     société, plus ou moins distant et intense, au travail71.

     NOTES
     1. R. Shankland, M. Svitex, « La naissance de la Psychologie Positive », in Une histoire mondiale du
     Bonheur, F. Durpaire (dir.), Paris, Editions Le Cherche Midi, février 2020, p. 377-383.
     2. C. Senik, « Is Happiness Different From Flourishing? Cross-Country Evidence from the ESS »,
     Revue d’économie politique, vol. 121, n° 1, 2011, p. 17-34.
     3. J. F. Helliwell, H. Huang, S. Wang, M. Norton, « Statistical Appendix for Chapter 2 of World
     Happiness Report 2020 », in World Happiness Report 2020, J. F. Helliwell, R. Layard, J. Sachs & J-E. De
     Neve (eds.), New York : Sustainable Development Solutions Network, 2020.
     4. T. N. Bond, K. Lang, « The sad truth about happiness scales », Journal of Political Economy, 127(4),
     p. 1629-1640.
     5. F. Martel, B. Greve, B. Rothstein and J. Saari, « The Nordic Exceptionalism: What Explains Why
     the Nordic Countries are Constantly Among the Happiest in the World », in World Happiness
     Report 2020, J. F. Helliwell, R. Layard, J. D. Sachs & J. E. De Neve (Eds.), Sustainable Developments
     Solutions Network, 2020, p. 128-145.
     6. « Most likely, both directions of influence play a role, leading to a self-reinforcing feedback loop that
     produces high levels of trust in the Nordic region, and a high-functioning state and society model. », Ibid.,
     p. 130-131.
     7. U. Andreasson, In the shadows of Happiness, Nordic Council of Ministers, 2018.
     8. Figure 3 : « Proportion of young people (18-23) who are struggling or suffering in the Nordic
     countries (both genders), 2012-2016 », Ibid., p. 19.
     9. OCDE, Violences faites aux femmes (indicateur), 2021. doi: 101787/f97b5d95-fr (consulté le
     24 février 2021).

     Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité   11

10. S. Luechinger, S. Meier and A. Stutzer, « Why does unemployment hurt the employed?
Evidence from the life satisfaction gap between the public and the private sector. », Journal of
Human Resources 45(4), 2010, p. 998-1045.
11. A. E. Clark, « Unemployment as a social norm : psychological Evidence from Panel Data »,
Journal of Labor Economics, 21(2), 2003, p. 323-351.
12. B. Stevenson, J. Wolfers, « Economic Growth and Subjective Well-Being: Reassessing the
Easterlin Paradox », IZA Discussion Paper n° 3654, 2008, Available at SSRN: https://ssrn.com/
abstract =1251022 or https://dx.doi.org/10.2139/ssrn.1251022 (consulté en mars 2021) ; D. A.
Sacks, B. Stevenson, and J. Wolfers, « Subjective Well-Being, Income, Economic Development and
Growth ». NBER Working Paper n° 16441, 2010.
13. S. Flèche, A. E. Clark, N. Powdthavee, R. Layard, G. Ward, The origins of Happiness: The science of
Well-Being over the Life Course, Princeton University press, 2019.
14. J-E. De Neve, G. Ward, « Does work makes you Happy in World happiness Report 2017 », in
World Happiness Report, J. Helliwell, R. Layard, J. Sachs, J-E. De Neve, H. Huang and S. Wang (eds.),
Sustainable Developments Solutions Network, 2017.
15. Ibid.
16. J. Helliwell, and R. Putnam, « The Social Context of Well-Being », Philosophical transactions of
the Royal Society of London. Series B, Biological sciences 359, 2004, p. 1435-46. https://dx.doi.org/
10.1098%2Frstb.2004.1522 (consulté en mars 2021) ; R. Calvo, Y. Zheng, S. Kumar, A. Olgiati, and L.
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142 Countries », PloS one 7, e42793, 2012. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0042793 (consulté
en mars 2021) ; J. Helliwell, H. Huang, and S. Wang., « Social Capital and Well-Being in Times of
Crisis ». Journal of Happiness Studies, 2014. https://doi.org/10.1007/s10902-013-9441-z (consulté en
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17. J. F. Helliwell & H. Huang, « How’s the job? Well-being and social capital in the workplace »,
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18. C. Senik, Bien-être au travail : ce qui compte, Sécuriser l’emploi, Les presses de Sciences Po, 2020,
p. 34-36.
19. R. Putnam, Bowling alone: the collapse and revival of American community, Simon and Schuster,
2000.
20. S. Paugam, Le Lien Social, Presses Universitaires de France, 2013.
21. A. Châteauneuf-Malclès, Le « lien social » : entretien avec Serge Paugam, SES-ENS, http://ses.ens-
lyon.fr/articles/le-lien-social-entretien-avec-serge-paugam-158136 (consulté en mars 2021).
22. S. Paugam, op. cit., Chapitre III et V.
23. J. Lind, « A Nordic Saga: The Ghent System and Trade Unions » International Journal of
Employment Studies, vol. 15, 2007.
24. A. E. Clark, « What really matters in a job? Hedonic measurement using quit data », Labour
economics, 8(2), 2001, p. 223-242.
25. S. Paugam, Le salarié de la précarité, PUF, 2007.
26. P. Böckerman & P. Ilmakunnas, « Job disamenities, job satisfaction, quit intentions, and actual
separations: Putting the pieces together » Industrial Relations: A Journal of Economy and Society,
48(1), 2009, p. 73-96.
27. R. MacCulloch, « How political systems and social welfare policies affect well-being », in
Handbook of well-being, E. Diener, S. Oishi, & L. Tay (Eds.), Salt Lake City, DEF Publishers, 2018. DOI:
nobascholar.com (consulté en mars 2021).
28. F. Martela, B. Greve, B. Rothstein, J. Saari, op. cit.
29. « Typically, government quality has been divided into two dimensions: democratic quality and delivery
quality. The first is about the access to power including factors such as the ability to participate in selecting
the government, freedom of expression, freedom of association, and political stability. The latter is about

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Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité   12

the exercise of power, including the rule of law, control of corruption, regulatory quality, and government
effectiveness. », Ibid., p. 132-133.
30. Happiness Research Institute, The Happy Danes. Exploring the reasons behind the high levels of
happiness in Denmark, 2014.
31. R. Biswas-Diener, J. Vittersø, E. Diener, « The Danish Effect : Beginning to Explain High Well-
Being in Denmark », Soc Indic Res, 97, 2010, p. 229-246. https://doi.org/10.1007/s11205-009-9499-5
(consulté en mars 2021).
32. G. Esping-Andersen, The Three Worlds of Welfare Capitalism. Cambridge: Polity Press &
Princeton, Princeton University Press, 1990.
33. A. C. Pacek, B. Radcliff, « Welfare Policy and Subjective Well-Being Across Nations: An
Individual-Level Assessment ». Soc Indic Res, 89, 2008, p. 179-191. https://doi.org/10.1007/
s11205-007-9232-1 (consulté en mars 2021).
34. P. Flavin, A. C. Pacek, B. Radcliff, « Assessing the Impact of the Size and Scope of Government
on Human Well-Being », Social Forces, Volume 92, Issue 4, June 2014, p. 1241-1258. https://
doi.org/10.1093/sf/sou010 (consulté en mars 2021).
35. S. Jensen, P. J. Pedersen, « Satisfaction with Life, Happiness, and Inequality – a Pseudo-Panel
Study », IZA DP No.12972, 2020 https://www.iza.org/publications/dp/12972/satisfaction-with-
life-happiness-and-inequality-a-pseudo-panel-study (consulté en mars 2021).
36. Le choix de l’année 2019 pour la collecte des données se justifie compte tenu des possibles
variations dues à la crise du Covid-19.
37. European Working Conditions Survey (EWCS) 2015, Figure 8, p. 21.
38. OECD and AIAS, « Institutional Characteristics of Trade Unions, Wage Setting, State
Intervention and Social Pacts », OECD Publishing, Paris, www.oecd.org/employment/ictwss-
database.htm (consulté en Septembre 2021).
39. Eurostat, Statistiques sur la pauvreté monétaire, 2016.
40. S. Flèche, A. E. Clark, N. Powdthavee, R. Layard, G. Ward, op. cit.
41. M. Csíkszentmihályi, Vivre : la psychologie du Bonheur, Pocket, 2006.
42. Le Happiness Research Institute est un Think tank sur les sciences du bonheur qui publie au
Danemark et à l’étranger.
43. Le Job Satisfaction Knowledge Centre fait partie du Krifa, étudie les déterminants du bonheur
danois au travail et permet l’analyse mathématiques des données en créant l’indicateur annuel
de la satisfaction du travail (Job Satisfaction Index).
44. Le Krifa est une organisation danoise du travail, créée en 1899, qui assure contre le chômage
et offre une couverture syndicale.
45. Happiness Research Institute & Job Satisfaction Knowledge Centre, Job Satisfaction Index 2019.
Your life – your job satisfaction, 2019.
46. « The seven factors that affect Danes’ job satisfaction are: meaning, mastering, leadership, balance,
influence, achievements and colleagues. », Ibid., p. 6.
47. M. Ford, Y-R. Wang, & Y. Huh, « Work, the work-family interface, and subjective well-being »,
in Handbook of well-being, E. Diener, S. Oishi, & L. Tay (Eds.), Salt Lake City, 2018, UT: DEF
Publishers. DOI: nobascholar.com (consulté en mars 2021).
48. C. Senik, op. cit., graphique 10, p. 97. Source EWCS, 2015.
49. EWCS 2015, Figure 47, p. 65.
50. Ibid., Figure 51, p. 69.
51. Job satisfaction index 2019, op. cit., p. 16.
52. EWCS 2015, Figure 127, p. 131.
53. Ibid., p. 50.
54. C. Senik, op. cit. p. 101.
55. S. Drobnič, B. Beham & S. Präg, « Good job, good life? Working conditions and quality of life in
Europe », Social indicators research, 99(2), 2010, p. 205-225.

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Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité   13

56. Job Satisfaction Index 2019, op. cit., p. 8.
57. EWCS 2015, Figure 76, p. 88.
58. Y. Aucante, M. Hellerstedt, « À l’école de l’autonomie nordique : interview collective des
membres du consortium Erasmus lycée Jehan-Ango de Dieppe ». Revue Nordiques. p. 77-98.
59. J. Torfing, « Workfare with welfare » Journal of European Social Policy, vol. 9, n° 1, 1999, p. 1-31 ;
J. Torfing,      « Det      stille       sporskifte       i      velfærdsstaten :           en       diskursteoretisk
beslutningsprocesanalyse », Aarhus, Aarhus Universitetsforlag, 2004.
60. Ove K. Pedersen, Konkurrencestaten, København, Hans Reitzels Forlag, 2011.
61. F. Green, « Subjective employment insecurity around the world », Cambridge Journal of Regions,
Economy and Society, 2(3), 2009, 343–363. https://doi.org/10.1093/cjres/rsp003 (consulté en
septembre 2021).
62. B. Klandermans, J. K. Hesselink, T. Van uuren, « Employment status and job insecurity: On the
subjective appraisal of an objective status », Economic and Industrial Democracy, 31(4), 2010, p. 557–
577. https://doi.org/10.1177/0143831X09358362 (consulté en septembre 2021).
63. F. Origo, L. Pagani, « Flexicurity and job satisfaction in Europe: The importance of perceived
and actual job stability for well-being at work », Labour economics, 16(5), 2009, p. 547-555.
64. A. Clark, F. Postel-Vinay, « Job security and job protection ». Oxford Economic Papers, 61(2),
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65. M. Erlinghagen, « Self-Perceived Job Insecurity and Social Context: A Multi-Level Analysis of
17 European Countries », European Sociological Review, 24(2), 2007, Figure 1(e), p. 183–197. https://
doi.org/10.1093/esr/jcm042 (consulté en septembre 2021)
66. F. Green, « Unpacking the misery multiplier: How employability modifies the impacts of
unemployment and job insecurity on life satisfaction and mental health », Journal of health
economics, 30(2), 2010, p. 265-276.
67. H. Chung, S. Mau, « Subjective insecurity and the role of institutions », Journal of European
Social Policy, 24(4), 2014, p. 303–318. https://doi.org/10.1177%2F0958928714538214 (consulté en
septembre 2021).
68. A. L. Kalleberg, « Job Insecurity and Well-being in Rich Democracies Geary Lecture », The
Economic and Social Review, vol. 49, n° 3, Autumn 2018, p. 241-258.
69. E. Cottini, & P. Ghinetti, « Employment insecurity and employees’ health in Denmark », Health
Economics, 27(2),        2017,       p. 426–439.       https://doi.org/10.1002/hec.3580               (consulté       en
septembre 2021).
70. N. A. Andersen, D. Caswell, F. Larsen, « Innovation of Employment Services for Vulnerable
Groups – The Case of Denmark », Paper presented at Changing Labour Markets: Challenges for
Welfare and Labour Market Policy, Vexsjö, Sweden, 2016.
71. A. L. Kalleberg, A., L. op. cit. 6.1 Plausible Futures, p. 256-257.

RÉSUMÉS
En partant des divers indicateurs de bonheur et de satisfaction au travail au Danemark, l’article
s’intéresse à l’intégration sociale et à la relation complexe d’interaction qui peut exister entre la
présence de satisfactions au travail et le sentiment de sécurité découlant de la possession d’un
emploi. L’existence d’un lien de participation organique solide, même en régime d’attachement
citoyen, contribue ainsi à la mise en place d’un cercle vertueux de bonheur. Les sources de

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Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité   14

satisfactions au travail sont importantes au Danemark tandis que la sécurité permise par l’emploi
apparaît comme une source multifactorielle de bien-être subjectif. Cela, même en situation
d’étiolement des dispositifs sécurisants, à l’aune des politiques néolibérales de restructuration du
marché du travail et du modèle de flexisécurité. L’article montre ainsi que le sentiment subjectif
de sécurité face au marché semble jouer un rôle relativement plus important que la protection
objective de l’emploi. Une explication plausible serait l’existence d’un contrat social particulier
liant l’État, les entreprises et les travailleurs.

The article examines several happiness and job satisfaction indexes in Denmark to fathom social
integration and the complex interaction that can exist between job satisfactions, perceived job
security and social security deriving from employment. The existence of a solid organic social
bond – even in a society where the citizenship bond prevails – contributes to create a “self-
reinforcing feedback loop” of happiness. Job satisfaction sources are important in Denmark.
Furthermore, social and job security are a multifactorial source of subjective wellbeing – even
when this security weakened through neoliberal policies of job market and flexicurity
restructuration. The article thus shows that the subjective feeling of security and perceived job
security are more important for Danes than the objective situation of employment protection.
One plausible explanation could stem from a social contract between the State, firms, and
workers.

INDEX
Mots-clés : bonheur, bien-être subjectif, lien social, sécurité de l’emploi, Danemark
Keywords : happiness, subjective well-being, social bond, employment security, Denmark

AUTEUR
XAVIER CHATRON-COLLIET
Xavier Chatron-Colliet est étudiant en Sciences Économiques et Sociales à Paris 1 Panthéon-
Sorbonne et a obtenu un Master 2 en Études Politiques à l’École des Hautes Études en Sciences
Sociales (EHESS) après la rédaction d’un mémoire sur le thème des Sciences du bonheur.

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