Le " bonheur danois " : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité
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Nordiques 41 | 2021 Le bonheur nordique Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité Xavier Chatron-Colliet Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/nordiques/2754 DOI : 10.4000/nordiques.2754 ISSN : 2777-8479 Éditeur : Association Norden, Bibliothèque de Caen la mer Référence électronique Xavier Chatron-Colliet, « Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité », Nordiques [En ligne], 41 | 2021, mis en ligne le 01 novembre 2021, consulté le 26 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/nordiques/2754 ; DOI : https://doi.org/10.4000/nordiques.2754 Ce document a été généré automatiquement le 26 mars 2022. Nordiques
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 1 Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité Xavier Chatron-Colliet Introduction 1 Les pays nordiques sont connus pour être dans le top 10 de la plupart des classements liés au bien-être ou au progrès. Qu’il s’agisse du World Happiness Report, du Social Progress Index ou du Better Life Index de l’OCDE, ceux-ci sont toujours très bien classés. Le Danemark, en particulier, porte une représentation du bonheur marquée qui se constate à travers le succès de livres bestsellers comme Heureux comme un Danois de Malene Rydahl ou Hygge : l’art du bonheur danois de Marie Tourell Soderberg. Dans les rapports, comme dans l’imaginaire collectif, le Danemark est l’un des pays les plus heureux du monde, seulement détrôné de sa première place par la Norvège en 2017 et la Finlande depuis 2018. 2 S’il est difficile de définir précisément le bonheur, on peut l’accepter comme un état global de satisfaction durable et générale que peut ressentir une personne au cours de sa vie. On pourrait compter au moins trois dimensions du bonheur : affective (somme des affects positifs et négatifs), cognitive (capacité d’évaluer son bien-être) et eudémonique (fait, entre autres, de considérer que sa vie a un sens dans une perspective existentielle)1. Les trois termes étant corrélés et ayant une structure similaire2, on les emploiera indifféremment, bien qu’ils ne revêtent pas l’exacte même signification. De sorte à ne pas opposer binairement malheur et bonheur, il convient de voir la satisfaction de vie de manière échelonnée. Pour mesurer cela, l’une des méthodes les plus utilisées (par le WHR qui se base sur le World Gallup Poll ) est de demander directement aux personnes leur état de bien-être subjectif sur une échelle de 0 à 10 (Cantril ladder). Cette méthode fait majoritairement appel à la dimension cognitive du bonheur, et permettrait aux auteurs du WHR d’élaborer des comparaisons Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 2 internationales, à travers un indicateur national agrégé de la moyenne des réponses données3, et d’analyser les facteurs déterminants du bonheur. Cette approche demeure critiquée et critiquable quant aux hypothèses que ces méthodes impliquent, comme le fait qu’il n’y ait pas de différences entre les individus 4. 3 À travers ces méthodes, différentes explications ont pu être avancées quant à la réussite des pays nordiques et de l’exception dont ils font figure. Le chapitre 7 du World Happiness Report 20205 tente d’étudier cet « exceptionnalisme » et propose une liste non exhaustive d’arguments explicatifs de la réussite de ces pays, comme la présence d’un État-providence fort, la qualité des institutions, la faible inégalité de revenus, la liberté (politique, économique, culturelle), etc. En particulier, c’est la confiance interpersonnelle, d’une part, et institutionnelle, d’autre part, qui y favoriserait le plus le bonheur citoyen dans une dynamique de cercle vertueux auto-renforçant 6. En cela, les pays nordiques, et notamment le Danemark, tendent à se démarquer des autres pays. 4 Toutefois, le bonheur nordique est souvent contrasté par d’autres indicateurs, ce qui tend à nuancer la démarcation des modèles nordiques. Le Nordic Council of Ministers montre, dans un rapport de 20187, que les pays nordiques font face aux mêmes problèmes et aux mêmes défis, en termes de bonheur, que la plupart des pays occidentaux, tels que le chômage, les troubles de santé (notamment mentale), l’isolement et l’exclusion, les violences genrées, etc. Le Danemark en particulier apparaît comme étant à la fois similaire et différent des pays nordiques et occidentaux. Par exemple, il semble se distinguer de ses voisins comme la Suède : près de 20 % des jeunes femmes suédoises (18-23 ans) rapportent souffrir ou rencontrer des difficultés, contre seulement 6 % des jeunes femmes danoises du même âge sur la période 2012-20168. Pourtant 32 % des femmes déclarent avoir subi, au cours de leur vie, une violence de la part d’un partenaire intime contre 26 % en France 9. Si le Danemark semble faire cas d’exception dans beaucoup de domaines, il n’est donc pas si différent, ni de ses voisins, ni des autres pays occidentaux. Dans les pays nordiques comme ailleurs en Occident, la santé apparaît être l’explication la plus rigoureuse des inégalités de bonheur et comme la principale cause de difficultés ou de souffrances. Le chômage est également cité comme une cause importante de malheur alors même qu’il s’y trouve relativement faible. En effet, celui-ci entraîne des effets de contaminations (spillover)10 pour ceux qui ne le subissent pas, et de comparaison à la norme sociale 11, pour ceux qui le subissent et notamment lorsque le taux régional ou agrégé de chômage est faible. 5 Ainsi, il paraît évident que le « bonheur nordique » est contrasté par des « causes » de souffrances connues de la plupart des pays occidentaux. Cela mène à une interrogation légitime quant à leur réussite : si les pays nordiques, et en particulier le Danemark, connaissent les mêmes problèmes que les autres pays occidentaux, comment expliquer que les indicateurs du bonheur montrent une telle réussite ? La confiance interpersonnelle et institutionnelle (élément souligné par le WHR 2020) ne suffirait pas, à elle toute seule, à expliquer l’intégralité de la « réussite » de ces pays. Afin de comprendre le bonheur nordique, il faut s’atteler à analyser les interactions complexes des différents facteurs de bonheur. Pour faciliter l’analyse, seul le cas du Danemark sera étudié puisque celui-ci semble être au moins le deuxième pays le plus heureux du monde. D’autre part, il s’agira de se focaliser sur l’analyse de l’intégration sociale par le Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 3 travail – qui n’est pas envisagé tel quel dans le chapitre 7 précité du WHR 2020 – comme élément déterminant du bonheur. 6 L’article propose de montrer que le bonheur au Danemark peut s’expliquer par l’interaction entre deux grandes caractéristiques de l’intégration sociale par le travail : la présence de satisfactions au travail et la protection sociale permise par l’emploi. Il convient alors de présenter le cadre analytique en discutant de l’importance du travail dans l’analyse complexe du bonheur au Danemark. Cela permettra ensuite de confronter l’analyse aux paradoxes du modèle danois, comme la question du rapport entre sécurité et flexibilité du marché du travail, que l’on nommera « flexisécurité » pour faire référence au modèle des années 90 ayant principalement évolué dans le sens de la flexibilité. Le Danemark : un pays nordique heureux 7 Le bonheur apparaît comme un phénomène complexe et multifactoriel. De manière générale, différents facteurs, comme le revenu12, la santé (notamment mentale)13, la possession d’un travail14, la satisfaction au travail15 ou le capital social 16, lui sont corrélés. Par exemple, la présence d’un fort capital social au travail est également un prédicteur relativement important du bonheur dans ses dimensions affectives et cognitives17. Le capital social et les travaux sur la relation entre le travail et le bien-être rendent généralement compte de la confiance et de la coopération accumulées au fil des relations qui se tissent au travail. Or, le niveau de confiance, au travail, est corrélé au bien-être subjectif18. 8 Cependant, la théorie du capital social de R. Putnam19 ne permet pas d’englober tous les facteurs de satisfaction au travail ou de bonheur. Selon Serge Paugam, le travail peut être considéré comme un lien social de « participation organique », permettant l’intégration sociale des individus, en plus d’autres liens sociaux (familial, électif, citoyen)20. Pour l’analyser, « il faut prendre en considération non seulement le rapport au travail conformément à l’analyse de Durkheim, mais aussi le rapport à l’emploi qui relève de la logique protectrice de l’État social. »21. Ainsi, en tant que lien social « de participation organique », le travail serait source de reconnaissance (matérielle et symbolique) et de protection (sociale), qui se traduisent respectivement en satisfactions au travail et en sécurité. Au niveau macroscopique, ces liens se meuvent en régime d’attachement dès lors qu’un lien est prédominant sur les autres (sans pour autant les occulter). C’est par ce mode d’intégration sociale que le travail produirait ainsi de la solidarité et constituerait un rempart face à l’anomie. Selon Paugam, les pays nordiques sont en grande partie, mais pas uniquement, fondés sur des régimes d’attachement citoyen22. En particulier, au Danemark, le travail demeure un domaine important de la vie, notamment du fait de la culture protestante qui y a été historiquement dominante. Le lien de participation organique constitue un vecteur considérable de reconnaissance et de protection du fait d’une construction d’un marché du travail sur le système de « Gand »23 donnant une place prépondérante aux syndicats, notamment dans la gestion de l’assurance chômage et la cogestion des conventions collectives. Or, dans cette perspective, le « bonheur danois » pourrait s’expliquer à travers l’interaction et la solidité des liens organiques et de citoyenneté. 9 Dans l’analyse de Paugam, on retrouve l’importance de la situation matérielle liée au travail qui regroupe différents aspects, comme la stabilité de l’emploi, la durée du Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 4 contrat, le caractère suffisant de la rémunération, la protection sociale issue de l’emploi et enfin le sentiment de sécurité qui en découle. La situation psychologique est aussi présente dans son analyse à travers les éléments qui agissent sur l’épanouissement au travail et dans la vie. Si Paugam n’est pas cité par les travaux sur le bonheur, les critères qu’il soulève ont eux-mêmes été commentés dans la littérature scientifique. Par exemple, la rémunération compte beaucoup en tant qu’élément de reconnaissance matérielle, mais elle semble également déterminer, conjointement avec la sécurité de l’emploi, la satisfaction du travailleur et sa propension à démissionner 24. En particulier, ce que décrit Paugam sur les formes de disqualification sociale 25 s’observe, à quelques différences conceptuelles près, à travers le lien entre le mal-être au travail et les démissions26. De même, la sécurité offerte par l’État social conditionnée par l’obtention d’un emploi, que cite Paugam, semble aussi influencer le bonheur 27. 10 L’intérêt présent de lier ces cadres analytiques est qu’ils permettent de mieux prendre en compte la complexité multifactorielle du « bonheur danois ». En particulier, dans les analyses sur le bonheur, on a tendance à séparer, par souci de simplification, des éléments qui peuvent interagir. C’est notamment ce qui est fait dans le chapitre 7 du WHR 202028 qui conduit à disjoindre le travail de la protection sociale qui en découle. Or, les dissocier conduit à ignorer les interactions entre la structure socio-économique et la structure institutionnelle, c’est-à-dire entre le lien de participation organique et le lien de citoyenneté. Cela conduit aussi à concevoir le bonheur comme un élément explicable arithmétiquement et, dans le cas du travail, c’est ignorer les rapports entre la possession d’un travail, la satisfaction au travail et la sécurité sociale qui lui est associée. Pourtant, il est possible, et même probable que ces facteurs interagissent, se renforcent, se contredisent et se cumulent, dans une logique géométrique complexe. 11 Dans ce chapitre, les chercheurs s’intéressent au cas des pays nordiques sous un axe institutionnel. En effet, d’une part, en examinant le rapport sous le prisme conceptuel de Paugam, on penserait que la majorité des arguments explicatifs du bonheur proviennent de la reconnaissance et de la protection produites par le lien de citoyenneté. Les éléments objectifs cités qui seraient corrélés au « bonheur nordique » renvoient au « cadre institutionnel des États Sociaux Nordiques », à la qualité du gouvernement – autant dans l’accès et la transparence du pouvoir que dans son exercice respectueux de l’État de droit29 –, à l’autonomie permise par la société dans son ensemble, et à la cohésion sociale. C’est une analyse macroscopique qui n’envisage pas les autres types de liens comme producteurs de solidarité, de cohésion et de bonheur. Par exemple, l’état des familles, l’importance des réseaux associatifs, ou encore l’intégration sociale par le travail (ou même par l’école) n’y sont pas des éléments analysés et discutés comme pouvant expliquer le bonheur dans les pays nordiques, alors qu’ils pourraient l’être. D’autre part, si un rôle considérable est donné à la présence d’un État-providence (Welfare) fort et particulièrement à l’égalité socio- économique qu’il produit, ce n’est jamais le travail, tel quel, qui est analysé comme générateur de liens sociaux, de cohésion, de sécurité et in fine de bonheur. La différence majeure demeure ainsi dans l’analyse du travail et de l’emploi comme des déterminants complexes du bonheur et dans le fait de ne plus y voir seulement l’effet du Welfare. Ici, il ne s’agit donc pas de questionner le seul rôle du Welfare sur le bien-être subjectif, mais d’associer ce dernier aux satisfactions produites par le travail dans un cadre conceptuel qui permet de prendre en considération le rapport de l’individu au travail et à l’emploi. Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 5 12 Dans le cas du Danemark, les caractéristiques citées par le WHR 2020 semblent assez consensuelles puisqu’elles se recoupent avec d’autres facteurs cités dans un rapport du Happiness Research Institute30. Le haut niveau de revenu est aussi associé au bonheur à travers le bien-être matériel, mais ce qui différencie le Danemark de pays comme les États-Unis, c’est le faible niveau d’insatisfaction parmi les ménages les moins aisés. C’est ce qu’on appelle l’effet danois (the Danish effect)31. En effet, selon Gøsta Esping Andersen32, il existerait au Danemark un processus de démarchandisation (decommodification) garantissant aux individus une liberté contre le marché qui se concrétise par une assurance matérielle face aux risques sociaux comme le chômage. Or, ce processus semble être statistiquement corrélé au bien-être des individus 33, indépendamment de leur niveau de richesse34. Cela pouvant s’expliquer autant par le sentiment de sécurité face aux risques de marché que par les bénéfices directs que produit l’État-providence en termes de services publics. Néanmoins, certains ont pu remarquer que l’augmentation du coefficient de Gini – indicateur synthétique des inégalités de revenu, dans une population donnée, allant de 0 (égalité parfaite) à 1 (inégalité totale) –, au Danemark sur la période 2002-2014, se serait traduite par une baisse de bonheur35, ce qui permet de relativiser encore une fois la réussite du Danemark en termes de bonheur. 13 Plus précisément, selon les données de l’OCDE, en 2019 36, le Danemark rassemblait des caractéristiques économiques particulières. Avec 5,8 millions d’habitants, dont 63,9 % de personnes en âge de travailler (15-64 ans), 19,3 % de personnes âgées et 16,4 % de jeunes, le Danemark avait un taux d’emploi relativement (75 %) par rapport à la moyenne de l’OCDE (68,7 %). Le Danemark faisait alors face à un faible niveau de chômage (5,09 %) dont 16,6 % de chômage de longue durée, soit moins de 1 % de la population active. L’emploi temporaire (10,9 % de l’emploi total) ou l’indépendance (8 % des travailleurs en 201437) y étaient plutôt faibles. De même, le volume annuel moyen d’heures travaillées est plutôt faible (1380h/travailleurs). La législation protectrice de l’emploi (LPE) en vigueur est assez peu stricte, puisque le score moyen de l’indicateur de rigueur de la réglementation en matière de licenciements individuels est de 1,86 (contre 2,44 pour la France par exemple), mais cela est compensé par l’importance des syndicats dans la structure du marché du travail (avec un taux de syndicalisation de 67 % et un taux de couverture syndicale de 82 % 38). Enfin, la protection sociale au Danemark est également un élément important. Si le taux de risque de pauvreté (11,9 %)39 était relativement faible en 2016, c’est en partie du fait d’un faible nombre d’heures de travail (à 67 % du salaire moyen) nécessaire pour sortir de la pauvreté (nul pour les couples au chômage et les personnes seules avec 2 enfants) et d’un montant d’allocations chômage généreux (82 % du revenu précédant le chômage). 14 Par ailleurs, si on peut penser que 36,1 % de la population ne serait a priori pas impactée par les questions relatives à l’emploi, et donc par l’analyse de l’intégration sociale par le travail, l’ensemble des personnes âgées ont pu l’être, au cours de leur vie, et le demeurent à travers la problématique de la retraite, qu’ils aient décidé d’y rentrer ou non. Autrement dit, les 19,3 % de personnes âgées sont concernées par l’analyse si, d’une part, l’on considère hypothétiquement que leurs conditions socio-économiques et leur satisfaction au cours de leur vie active peuvent entraîner des effets positifs persistants sur leur bonheur à l’âge de la retraite (selon la même logique que les déterminants de la satisfaction de vie à l’âge adulte40) et si, d’autre part, on intègre la Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 6 question de la protection sociale – c’est-à-dire les retraites pour lesquels les travailleurs paient des impôts (régime de base) et cotisent (régime complémentaire) – qui renvoie à la dimension protectrice de l’État social dans le lien de participation organique chez Paugam. De même, les jeunes seront impactés par ces questions, mais de manière plus indirecte, à travers le rôle de leur éducation présente pour leur futur et celui du marché du travail. Ceci implique que l’analyse de la satisfaction de vie dans le cadre de l’intégration sociale par le travail demeure opportune même à leur égard. 15 Ainsi, ce sont peut-être les interactions entre, d’une part, les composantes du lien de participation organique et, d’autre part, les liens organiques et citoyens, qui pourraient expliquer ce « bonheur danois » grevé de paradoxes. Le lien de participation organique : une explication au « bonheur danois » ? 16 Si le lien de participation organique se compose de reconnaissance et de protection, on peut alors traduire cela en satisfactions au travail et en sécurité de l’emploi pour caractériser concrètement la solidité du lien. Pour apprécier celle-ci, on peut alors tenter de comparer les divers critères de satisfactions au travail (revenu, reconnaissance et présence de violence ou de stress, équilibre) et de sécurité de l’emploi (risque et intensité du chômage, sentiment de sécurité, durée et type de contrat), à des éléments objectifs qui caractérisent le « modèle danois ». 17 Le bien-être au travail peut être influencée par divers éléments comme la rémunération, les primes et promotions, l’absence de violences physiques ou morales, l’équilibre entre l’autonomie et la responsabilité, la balance vie-travail, la reconnaissance du travail fourni, les situations de flow (état d’épanouissement et de concentration intense et temporaire41), la participation aux décisions, le sentiment d’adéquation aux valeurs ou à la culture de l’entreprise, la cohésion et la confiance entre collègues, etc. Dans le cas du « bonheur danois », le Happiness Research Institute 42, le Job Satisfaction Knowledge Centre43 et le Krifa44 collaborent chaque année sur un rapport explicitant l’index danois de bien-être (au travail), en se basant sur les données récoltées par Kantar Gallup. En 2019, les Danois indiquaient ainsi un bonheur de 75/100 et une satisfaction au travail de 73/10045. Une augmentation de cette dernière de 10 points engendrerait une augmentation du « bonheur danois » de 5,2 points selon le rapport. Ici, le bonheur renvoie à toutes ces dimensions (hédonique, cognitif, eudémonique), tandis que la satisfaction au travail renvoie surtout à une dimension cognitive. Ensuite, il semblerait que cette mesure s’explique à 74 % par 7 facteurs : le sentiment de sens au travail, la maîtrise de son travail, l’équilibre vie-travail, la relation hiérarchique (leadership), l’équilibre entre autonomie et responsabilités, le sentiment de réussite, et enfin le climat social46. Il paraît assez cohérent que, lorsque l’on est satisfait par son travail, vis-à-vis de ces facteurs notamment, notre bonheur ait tendance à augmenter également. Cela se vérifie empiriquement, autant de son expérience personnelle que dans les enquêtes de bien-être subjectif47. 18 Parmi les sources de bien-être au travail, le fait de se sentir bien payé, ou même d’être suffisamment payé pour répondre à ses besoins et se mettre en sécurité face aux risques du marché est indéniablement un facteur de bonheur. Le revenu est un facteur majeur à la fois de satisfaction au travail et de sécurité. On voit d’ailleurs que les Danois Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 7 disent être d’accord avec un score de 3,8 à l’affirmation » je trouve que je suis bien payé pour les efforts que je fournis et le travail que je fais (1 = pas du tout d’accord ; 5 = tout à fait d’accord) »48. 19 Outre le revenu, la reconnaissance symbolique est un élément déterminant et peut notamment jouer dans la relation entretenue au travail entre collègues et avec la hiérarchie. C’est ce qui permet, entre autres, un climat social sain, où les individus peuvent se faire confiance, coopérer et s’estimer. Paradoxalement, au Danemark, le climat social n’est pas spécifiquement le critère de réussite le plus important. Le score d’index d’environnement social n’est pas particulièrement élevé (75 contre 78 pour la moyenne de l’UE et presque 90 pour la Bulgarie et le Portugal) 49. Ce score s’explique par la proportion élevée de travailleurs danois qui font face à des comportements sociaux difficiles (25 %)50 et au stress (1 employé danois sur 4 est stressé 51 et 22 % des travailleurs déclarent travailler sous pression52). Toutefois, seulement 18 % des travailleurs danois indiquent devoir cacher leurs sentiments au travail contre 50 % en France par exemple53. Il y a donc une ambiguïté sur la question de la reconnaissance symbolique et du climat social puisque les résultats sont relativement contradictoires. Si les Danois demeurent très satisfaits au travail, cela pourrait s’expliquer par le fait qu’ils seraient moins sensibles aux conditions de travail que les Français 54, c’est-à-dire qu’ils y apporteraient relativement moins d’importance, en termes de bonheur. 20 Si les Danois semblent moins sensibles aux conditions de travail, ce n’est néanmoins pas le cas pour l’autonomie et l’équilibre vie-travail. En effet, ce sont deux facteurs indirects importants de satisfaction au travail et de bien-être subjectif 55. Concernant l’équilibre vie-travail, cela contribue à améliorer la relation entre le travailleur et sa hiérarchie, à améliorer les liens sociaux familiaux et électifs et à favoriser les loisirs. Selon les indicateurs du Job Satisfaction Index, il semblerait qu’une augmentation de l’équilibre vie-travail de 10 points sur 100 se traduit par une augmentation de 1,5 point de satisfaction sur 10056. L’état du marché du travail danois semble de ce côté suffisamment efficace pour concilier un faible taux de chômage, un haut niveau de revenu et un faible niveau d’heure moyenne annuelle ouvrée par travailleur. C’est aussi le cas du rapport à l’autonomie, c’est-à-dire une marge de liberté dans la manière de réaliser son travail et d’atteindre les objectifs fixés. Par exemple, en situation de travail en équipe, les travailleurs danois peuvent choisir la division des tâches dans 70 % des cas et leur responsable d’équipe dans 40 % des cas (ce qui reste bien supérieur à la moyenne de l’UE)57. Or, le Danemark semble entretenir un rapport institutionnel particulier à l’autonomie dans la mesure où l’on observe déjà un apprentissage de l’autonomie dans le cursus scolaire58. Cela laisse penser qu’il y a un processus de socialisation à l’autonomie, perçue à la fois comme une valeur et une norme. 21 Si la structure du travail danois semble ainsi être source de bien-être au travail et de bonheur, cela ne précise pas tout, et les facteurs présentés par le Job Satisfaction Index ne permettent d’expliquer que 74 % de la satisfaction au travail. Une autre source de bonheur au travail pourrait être le sentiment de sécurité pouvant découler de la situation objective du marché et de sa structure plus ou moins protectrice. De même, si la sécurité permise par l’emploi est source de satisfaction à la fois dans la vie et au travail, cela signifierait que les deux catégories se cumulent pour permettre une plus grande satisfaction de vie supposant ainsi des effets d’endogénéité. 22 La sécurité permise par l’emploi renvoie alors aux éléments objectifs et subjectifs qui permettent de sécuriser l’individu dans sa position sociale tant absolue, c’est-à-dire son Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 8 statut, que relative, c’est-à-dire par rapport aux autres et à la norme. Parmi ceux-là, on peut notamment compter la durée et le type de contrat de travail, la sécurité sociale en cas de risques, la structure de protection contre les abus (ex., syndicats) et le sentiment subjectif de sécurité. Cette sécurité est en elle-même source de bonheur lorsqu’elle répond aux besoins de sécurité et de stabilité, crée des attentes positives et optimistes et diminue l’incertitude. Dans ce cadre, le « bonheur danois » pourrait hypothétiquement être le produit d’une forte sécurité par l’emploi, alliée avec de nombreuses sources de satisfactions au travail. Pourtant, ce qu’on constate pour la situation danoise peut sembler paradoxal puisque la situation objective est peu protectrice. 23 Le modèle danois est historiquement fondé sur l’idéal d’un État providence fort, généreux et universel. Toutefois, comme la plupart des pays occidentaux, le Danemark n’a pas échappé aux dynamiques de restructuration par des politiques néolibérales qui ont transformé le marché du travail en profondeur depuis les années 90. Le passage de l’État Providence au « Workfare »59 ou à l’État de compétition 60 a ainsi mené à la dissolution de l’idéal d’universalité dans l’apparente nécessité de l’idéal du mérite, le travail devenant dès lors la contrepartie méritante au filet de sécurité qu’est l’État providence. Le modèle de « flexisécurité » entraîne une forte mobilité des travailleurs, une instabilité et une rotation de l’emploi accrues, tout en n’assurant pas de protection rigoureuse contre le licenciement régulier, qu’il soit individuel ou collectif. En reprenant le cadre analytique, cela devrait avoir un effet négatif sur le bien-être subjectif en ce que cela peut tendre à réduire la sécurité subjective des individus. Or, il semblerait que le Danemark soit un pays avec un niveau d’insécurité subjective de l’emploi historiquement faible : 12,2 % en 1995 et 14,6 % en 2005 61. Si l’hypothèse explicative du bonheur est que l’intégration sociale par le travail produit un niveau élevé de satisfactions et de sécurité, il semblerait que cette dernière ne passe pas forcément ou exclusivement par des éléments objectifs de protection. La situation semble donc plus complexe, car le lien entre sécurité subjective et objective paraît distendu, de sorte que le sentiment subjectif soit plus important que les niveaux observés de protection de l’emploi. 24 Par exemple, la durée de travail et le type de contrat devraient constituer des configurations importantes pour la sûreté de l’emploi. Plus le contrat est temporaire et atypique, moins il générerait de sécurité. Or, il semble y avoir une tension entre la sécurité subjective et le niveau objectif de protection, ce qui suppose que les deux ne soient pas purement équivalents. Autrement dit, la sécurité subjective ne dérive pas forcément des niveaux objectifs de protection de l’emploi, mais plutôt du risque perçu de perte et de non-retour à l’emploi62. C’est notamment ce que l’on constate concernant la durée du contrat de travail qui est assez peu révélatrice du niveau subjectif d’insécurité63. On observe même dans plusieurs pays d’Europe une corrélation négative avec la LPE ainsi qu’une corrélation positive avec les allocations chômage 64. Toutefois, pour analyser ce résultat avec plus de robustesse, il faudrait, pour le Danemark en tout cas, prendre en compte le rôle prépondérant des syndicats comme élément structurant. Dans ce cas, on peut légitimement se demander ce qui peut contribuer à ce sentiment subjectif de sécurité, davantage qu’aux éléments protecteurs objectifs, et donc indirectement au bonheur. Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 9 25 En général, le faible taux de chômage, notamment de long-terme, jouerait ainsi en faveur de niveaux moins élevés d’insécurité subjective65, notamment en diminuant le risque perçu de non-retour à l’emploi. L’employabilité, c’est-à-dire la capacité d’un individu à retrouver un emploi et s’y maintenir du fait de caractéristiques diverses (compétences, qualifications, adaptabilité, autonomie, etc.), tend également à accroître le sentiment de sécurité et la satisfaction de vie en générant par ailleurs des effets positifs sur la santé mentale66. De même, si les institutions entretiennent des relations complexes avec le sentiment de sécurité en fonction des groupes observés 67, des dispositifs spécifiques, tels que les allocations chômage et les politiques de retour à l’emploi par la formation, jouent un rôle considérable dans la construction du sentiment subjectif de sécurité des Danois68. 26 On pourrait tirer une dernière hypothèse explicative, à la fois du haut niveau de satisfaction des Danois et du sentiment subjectif de sécurité élevé. En effet, si l’intégration sociale par le travail au Danemark produit suffisamment de satisfactions et de sentiment de sécurité, on pourrait suggérer que leur interaction se construise au sein « d’un contrat social triparti » produisant une relation entre le lien de participation organique et le lien de citoyenneté. Au-delà de l’hypothèse culturaliste qui consisterait à voir l’acceptation de la flexisécurité comme une réussite d’un « moralisme danois » fondé uniquement sur le civisme et la confiance entre les membres de la société, celle-ci pourrait provenir d’un contrat social liant le gouvernant à l’amélioration de l’employabilité et la diminution du chômage (notamment de long terme) – ce qui jouerait, entre autres, sur le risque perçu de perte et de non-retour à l’emploi –, les entreprises au règne relatif de l’autonomie des travailleurs, et les travailleurs à une plus grande instabilité du travail, qu’elle fût subie ou choisie. D’ailleurs, l’aspiration danoise à l’autonomie n’est pas simplement une caractéristique culturelle, mais elle revêt plutôt un caractère institutionnel : elle est produite tout au long de la scolarité, ce qui suppose l’importance conjointe de l’intégration sociale citoyenne et organique. Ainsi, le système économique et les politiques économiques du travail étant faits d’arbitrages, si l’on considère que le chômage entraîne de plus grandes dégradations sur le bonheur, alors la flexisécurité est peut-être, pour les Danois, le prix d’un moindre chômage et d’une plus grande satisfaction. Néanmoins, s’il semble que la santé soit affectée par le sentiment de sécurité, certains résultats montrent en réalité qu’au Danemark la flexisécurité tend à diminuer ce sentiment et entretenir de cette manière des effets négatifs sur la santé des travailleurs 69. De même, les cas de situations précaires, de vulnérabilité, d’exclusion et de disqualification sociale demeurent particulièrement difficiles à traiter70. Il y a donc au Danemark un enjeu particulier de limitation des effets négatifs de la flexisécurité pour ces situations où le sentiment subjectif de sécurité ne joue pas un rôle suffisant pour concilier l’efficacité économique et la satisfaction individuelle et collective. Conclusion 27 Finalement, le « bonheur danois » semble pouvoir s’expliquer par l’interaction entre une multitude de facteurs. L’intégration sociale se forme autour de deux liens principaux (lien de citoyenneté et lien de participation organique) qui interagissent pour produire de la reconnaissance et de la protection, et qui se traduisent, dans le domaine du travail et de l’emploi, en satisfactions et sécurité. Si le modèle danois Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 10 semble produire un niveau relativement élevé de satisfaction, la sécurité de l’emploi est plus difficile à analyser du fait de la flexibilisation croissante du marché du travail. Pourtant, le sentiment subjectif d’insécurité semble se maintenir à des niveaux relativement faibles. Celui-ci importerait alors au moins autant, si ce n’est plus, que les conditions de la protection de l’emploi, tout en dépendant d’éléments objectifs comme l’employabilité, ou le risque de perte et surtout de non-retour à l’emploi. 28 L’explication du « bonheur danois » est à l’intersection entre une vision de « l’exceptionnalisme » nordique et un questionnement sur les paradoxes du progrès danois qui, en l’espèce, concernent le rapport des individus au travail, à l’emploi et au risque de chômage. On peut alors éventuellement avancer l’idée que la « réussite danoise » renvoie moins à un exceptionnalisme, fondé sur la confiance, ou à un moralisme, fondé sur le civisme, qu’à un contrat social particulier se formant au cœur de l’interaction entre les liens de participation organique et de citoyenneté. Si ce contrat est voué à évoluer, notamment vers une meilleure prise en charge de la vulnérabilité économique et sociale (comme le mal-logement par exemple) qui constitue un enjeu pour le Danemark, on peut continuer à s’interroger quant aux sens de ses évolutions vers un futur plus ou moins utopique, en fonction du rapport de la société, plus ou moins distant et intense, au travail71. NOTES 1. R. Shankland, M. Svitex, « La naissance de la Psychologie Positive », in Une histoire mondiale du Bonheur, F. Durpaire (dir.), Paris, Editions Le Cherche Midi, février 2020, p. 377-383. 2. C. Senik, « Is Happiness Different From Flourishing? Cross-Country Evidence from the ESS », Revue d’économie politique, vol. 121, n° 1, 2011, p. 17-34. 3. J. F. Helliwell, H. Huang, S. Wang, M. Norton, « Statistical Appendix for Chapter 2 of World Happiness Report 2020 », in World Happiness Report 2020, J. F. Helliwell, R. Layard, J. Sachs & J-E. De Neve (eds.), New York : Sustainable Development Solutions Network, 2020. 4. T. N. Bond, K. Lang, « The sad truth about happiness scales », Journal of Political Economy, 127(4), p. 1629-1640. 5. F. Martel, B. Greve, B. Rothstein and J. Saari, « The Nordic Exceptionalism: What Explains Why the Nordic Countries are Constantly Among the Happiest in the World », in World Happiness Report 2020, J. F. Helliwell, R. Layard, J. D. Sachs & J. E. De Neve (Eds.), Sustainable Developments Solutions Network, 2020, p. 128-145. 6. « Most likely, both directions of influence play a role, leading to a self-reinforcing feedback loop that produces high levels of trust in the Nordic region, and a high-functioning state and society model. », Ibid., p. 130-131. 7. U. Andreasson, In the shadows of Happiness, Nordic Council of Ministers, 2018. 8. Figure 3 : « Proportion of young people (18-23) who are struggling or suffering in the Nordic countries (both genders), 2012-2016 », Ibid., p. 19. 9. OCDE, Violences faites aux femmes (indicateur), 2021. doi: 101787/f97b5d95-fr (consulté le 24 février 2021). Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 11 10. S. Luechinger, S. Meier and A. Stutzer, « Why does unemployment hurt the employed? Evidence from the life satisfaction gap between the public and the private sector. », Journal of Human Resources 45(4), 2010, p. 998-1045. 11. A. E. Clark, « Unemployment as a social norm : psychological Evidence from Panel Data », Journal of Labor Economics, 21(2), 2003, p. 323-351. 12. B. Stevenson, J. Wolfers, « Economic Growth and Subjective Well-Being: Reassessing the Easterlin Paradox », IZA Discussion Paper n° 3654, 2008, Available at SSRN: https://ssrn.com/ abstract =1251022 or https://dx.doi.org/10.2139/ssrn.1251022 (consulté en mars 2021) ; D. A. Sacks, B. Stevenson, and J. Wolfers, « Subjective Well-Being, Income, Economic Development and Growth ». NBER Working Paper n° 16441, 2010. 13. S. Flèche, A. E. Clark, N. Powdthavee, R. Layard, G. Ward, The origins of Happiness: The science of Well-Being over the Life Course, Princeton University press, 2019. 14. J-E. De Neve, G. Ward, « Does work makes you Happy in World happiness Report 2017 », in World Happiness Report, J. Helliwell, R. Layard, J. Sachs, J-E. De Neve, H. Huang and S. Wang (eds.), Sustainable Developments Solutions Network, 2017. 15. Ibid. 16. J. Helliwell, and R. Putnam, « The Social Context of Well-Being », Philosophical transactions of the Royal Society of London. Series B, Biological sciences 359, 2004, p. 1435-46. https://dx.doi.org/ 10.1098%2Frstb.2004.1522 (consulté en mars 2021) ; R. Calvo, Y. Zheng, S. Kumar, A. Olgiati, and L. Berkman, « Well-Being and Social Capital on Planet Earth: Cross-National Evidence from 142 Countries », PloS one 7, e42793, 2012. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0042793 (consulté en mars 2021) ; J. Helliwell, H. Huang, and S. Wang., « Social Capital and Well-Being in Times of Crisis ». Journal of Happiness Studies, 2014. https://doi.org/10.1007/s10902-013-9441-z (consulté en mars 2021). 17. J. F. Helliwell & H. Huang, « How’s the job? Well-being and social capital in the workplace », ILR Review, 63(2), 2010, p. 205-227. 18. C. Senik, Bien-être au travail : ce qui compte, Sécuriser l’emploi, Les presses de Sciences Po, 2020, p. 34-36. 19. R. Putnam, Bowling alone: the collapse and revival of American community, Simon and Schuster, 2000. 20. S. Paugam, Le Lien Social, Presses Universitaires de France, 2013. 21. A. Châteauneuf-Malclès, Le « lien social » : entretien avec Serge Paugam, SES-ENS, http://ses.ens- lyon.fr/articles/le-lien-social-entretien-avec-serge-paugam-158136 (consulté en mars 2021). 22. S. Paugam, op. cit., Chapitre III et V. 23. J. Lind, « A Nordic Saga: The Ghent System and Trade Unions » International Journal of Employment Studies, vol. 15, 2007. 24. A. E. Clark, « What really matters in a job? Hedonic measurement using quit data », Labour economics, 8(2), 2001, p. 223-242. 25. S. Paugam, Le salarié de la précarité, PUF, 2007. 26. P. Böckerman & P. Ilmakunnas, « Job disamenities, job satisfaction, quit intentions, and actual separations: Putting the pieces together » Industrial Relations: A Journal of Economy and Society, 48(1), 2009, p. 73-96. 27. R. MacCulloch, « How political systems and social welfare policies affect well-being », in Handbook of well-being, E. Diener, S. Oishi, & L. Tay (Eds.), Salt Lake City, DEF Publishers, 2018. DOI: nobascholar.com (consulté en mars 2021). 28. F. Martela, B. Greve, B. Rothstein, J. Saari, op. cit. 29. « Typically, government quality has been divided into two dimensions: democratic quality and delivery quality. The first is about the access to power including factors such as the ability to participate in selecting the government, freedom of expression, freedom of association, and political stability. The latter is about Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 12 the exercise of power, including the rule of law, control of corruption, regulatory quality, and government effectiveness. », Ibid., p. 132-133. 30. Happiness Research Institute, The Happy Danes. Exploring the reasons behind the high levels of happiness in Denmark, 2014. 31. R. Biswas-Diener, J. Vittersø, E. Diener, « The Danish Effect : Beginning to Explain High Well- Being in Denmark », Soc Indic Res, 97, 2010, p. 229-246. https://doi.org/10.1007/s11205-009-9499-5 (consulté en mars 2021). 32. G. Esping-Andersen, The Three Worlds of Welfare Capitalism. Cambridge: Polity Press & Princeton, Princeton University Press, 1990. 33. A. C. Pacek, B. Radcliff, « Welfare Policy and Subjective Well-Being Across Nations: An Individual-Level Assessment ». Soc Indic Res, 89, 2008, p. 179-191. https://doi.org/10.1007/ s11205-007-9232-1 (consulté en mars 2021). 34. P. Flavin, A. C. Pacek, B. Radcliff, « Assessing the Impact of the Size and Scope of Government on Human Well-Being », Social Forces, Volume 92, Issue 4, June 2014, p. 1241-1258. https:// doi.org/10.1093/sf/sou010 (consulté en mars 2021). 35. S. Jensen, P. J. Pedersen, « Satisfaction with Life, Happiness, and Inequality – a Pseudo-Panel Study », IZA DP No.12972, 2020 https://www.iza.org/publications/dp/12972/satisfaction-with- life-happiness-and-inequality-a-pseudo-panel-study (consulté en mars 2021). 36. Le choix de l’année 2019 pour la collecte des données se justifie compte tenu des possibles variations dues à la crise du Covid-19. 37. European Working Conditions Survey (EWCS) 2015, Figure 8, p. 21. 38. OECD and AIAS, « Institutional Characteristics of Trade Unions, Wage Setting, State Intervention and Social Pacts », OECD Publishing, Paris, www.oecd.org/employment/ictwss- database.htm (consulté en Septembre 2021). 39. Eurostat, Statistiques sur la pauvreté monétaire, 2016. 40. S. Flèche, A. E. Clark, N. Powdthavee, R. Layard, G. Ward, op. cit. 41. M. Csíkszentmihályi, Vivre : la psychologie du Bonheur, Pocket, 2006. 42. Le Happiness Research Institute est un Think tank sur les sciences du bonheur qui publie au Danemark et à l’étranger. 43. Le Job Satisfaction Knowledge Centre fait partie du Krifa, étudie les déterminants du bonheur danois au travail et permet l’analyse mathématiques des données en créant l’indicateur annuel de la satisfaction du travail (Job Satisfaction Index). 44. Le Krifa est une organisation danoise du travail, créée en 1899, qui assure contre le chômage et offre une couverture syndicale. 45. Happiness Research Institute & Job Satisfaction Knowledge Centre, Job Satisfaction Index 2019. Your life – your job satisfaction, 2019. 46. « The seven factors that affect Danes’ job satisfaction are: meaning, mastering, leadership, balance, influence, achievements and colleagues. », Ibid., p. 6. 47. M. Ford, Y-R. Wang, & Y. Huh, « Work, the work-family interface, and subjective well-being », in Handbook of well-being, E. Diener, S. Oishi, & L. Tay (Eds.), Salt Lake City, 2018, UT: DEF Publishers. DOI: nobascholar.com (consulté en mars 2021). 48. C. Senik, op. cit., graphique 10, p. 97. Source EWCS, 2015. 49. EWCS 2015, Figure 47, p. 65. 50. Ibid., Figure 51, p. 69. 51. Job satisfaction index 2019, op. cit., p. 16. 52. EWCS 2015, Figure 127, p. 131. 53. Ibid., p. 50. 54. C. Senik, op. cit. p. 101. 55. S. Drobnič, B. Beham & S. Präg, « Good job, good life? Working conditions and quality of life in Europe », Social indicators research, 99(2), 2010, p. 205-225. Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 13 56. Job Satisfaction Index 2019, op. cit., p. 8. 57. EWCS 2015, Figure 76, p. 88. 58. Y. Aucante, M. Hellerstedt, « À l’école de l’autonomie nordique : interview collective des membres du consortium Erasmus lycée Jehan-Ango de Dieppe ». Revue Nordiques. p. 77-98. 59. J. Torfing, « Workfare with welfare » Journal of European Social Policy, vol. 9, n° 1, 1999, p. 1-31 ; J. Torfing, « Det stille sporskifte i velfærdsstaten : en diskursteoretisk beslutningsprocesanalyse », Aarhus, Aarhus Universitetsforlag, 2004. 60. Ove K. Pedersen, Konkurrencestaten, København, Hans Reitzels Forlag, 2011. 61. F. Green, « Subjective employment insecurity around the world », Cambridge Journal of Regions, Economy and Society, 2(3), 2009, 343–363. https://doi.org/10.1093/cjres/rsp003 (consulté en septembre 2021). 62. B. Klandermans, J. K. Hesselink, T. Van uuren, « Employment status and job insecurity: On the subjective appraisal of an objective status », Economic and Industrial Democracy, 31(4), 2010, p. 557– 577. https://doi.org/10.1177/0143831X09358362 (consulté en septembre 2021). 63. F. Origo, L. Pagani, « Flexicurity and job satisfaction in Europe: The importance of perceived and actual job stability for well-being at work », Labour economics, 16(5), 2009, p. 547-555. 64. A. Clark, F. Postel-Vinay, « Job security and job protection ». Oxford Economic Papers, 61(2), 2009, p. 207-239. 65. M. Erlinghagen, « Self-Perceived Job Insecurity and Social Context: A Multi-Level Analysis of 17 European Countries », European Sociological Review, 24(2), 2007, Figure 1(e), p. 183–197. https:// doi.org/10.1093/esr/jcm042 (consulté en septembre 2021) 66. F. Green, « Unpacking the misery multiplier: How employability modifies the impacts of unemployment and job insecurity on life satisfaction and mental health », Journal of health economics, 30(2), 2010, p. 265-276. 67. H. Chung, S. Mau, « Subjective insecurity and the role of institutions », Journal of European Social Policy, 24(4), 2014, p. 303–318. https://doi.org/10.1177%2F0958928714538214 (consulté en septembre 2021). 68. A. L. Kalleberg, « Job Insecurity and Well-being in Rich Democracies Geary Lecture », The Economic and Social Review, vol. 49, n° 3, Autumn 2018, p. 241-258. 69. E. Cottini, & P. Ghinetti, « Employment insecurity and employees’ health in Denmark », Health Economics, 27(2), 2017, p. 426–439. https://doi.org/10.1002/hec.3580 (consulté en septembre 2021). 70. N. A. Andersen, D. Caswell, F. Larsen, « Innovation of Employment Services for Vulnerable Groups – The Case of Denmark », Paper presented at Changing Labour Markets: Challenges for Welfare and Labour Market Policy, Vexsjö, Sweden, 2016. 71. A. L. Kalleberg, A., L. op. cit. 6.1 Plausible Futures, p. 256-257. RÉSUMÉS En partant des divers indicateurs de bonheur et de satisfaction au travail au Danemark, l’article s’intéresse à l’intégration sociale et à la relation complexe d’interaction qui peut exister entre la présence de satisfactions au travail et le sentiment de sécurité découlant de la possession d’un emploi. L’existence d’un lien de participation organique solide, même en régime d’attachement citoyen, contribue ainsi à la mise en place d’un cercle vertueux de bonheur. Les sources de Nordiques, 41 | 2021
Le « bonheur danois » : entre satisfactions au travail et sentiment de sécurité 14 satisfactions au travail sont importantes au Danemark tandis que la sécurité permise par l’emploi apparaît comme une source multifactorielle de bien-être subjectif. Cela, même en situation d’étiolement des dispositifs sécurisants, à l’aune des politiques néolibérales de restructuration du marché du travail et du modèle de flexisécurité. L’article montre ainsi que le sentiment subjectif de sécurité face au marché semble jouer un rôle relativement plus important que la protection objective de l’emploi. Une explication plausible serait l’existence d’un contrat social particulier liant l’État, les entreprises et les travailleurs. The article examines several happiness and job satisfaction indexes in Denmark to fathom social integration and the complex interaction that can exist between job satisfactions, perceived job security and social security deriving from employment. The existence of a solid organic social bond – even in a society where the citizenship bond prevails – contributes to create a “self- reinforcing feedback loop” of happiness. Job satisfaction sources are important in Denmark. Furthermore, social and job security are a multifactorial source of subjective wellbeing – even when this security weakened through neoliberal policies of job market and flexicurity restructuration. The article thus shows that the subjective feeling of security and perceived job security are more important for Danes than the objective situation of employment protection. One plausible explanation could stem from a social contract between the State, firms, and workers. INDEX Mots-clés : bonheur, bien-être subjectif, lien social, sécurité de l’emploi, Danemark Keywords : happiness, subjective well-being, social bond, employment security, Denmark AUTEUR XAVIER CHATRON-COLLIET Xavier Chatron-Colliet est étudiant en Sciences Économiques et Sociales à Paris 1 Panthéon- Sorbonne et a obtenu un Master 2 en Études Politiques à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) après la rédaction d’un mémoire sur le thème des Sciences du bonheur. Nordiques, 41 | 2021
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