LE COÛT DE LA PROTECTION DES RESSOURCES EN EAU - EAU ET ASSAINISSEMENT - FNCCR
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Eau et assainissement Le coût de la protection des ressources en eau congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement 1
Le coût de la protection des ressources en eau Animation : Hélène HERZOG-STASI, agence État d’esprit-Stratis Hélène HERZOG-STASI mise en œuvre depuis 1993 avec Bretagne eau pure Les services d’eau potable sont à la confluence de (BEP) 2. plusieurs enjeux : Il a beaucoup été question, par le passé, de la - sanitaires et doivent réduire les risques de Bretagne et des conséquences de l’élevage sur l’eau pollutions ponctuelles de la ressource (en de son territoire. Il est désormais aussi question des définissant des périmètres de protection de retours sur investissements de nos programmes captages) BEP… Ceux-ci ont été contestés, et ont consommé - environnementaux et doivent contribuer à limiter beaucoup de subsides3. et réduire les pollutions diffuses émises par les Il est important de savoir, à l’avenir, qui endossera activités économiques (en définissant des aires chaque aspect de la protection de la ressource. Le d’alimentation de captages) raisonnement ne peut pas être que l’eau potable - économiques et doivent mettre en place et exploiter se finance elle-même. Une aire de captage ne des ouvrages de traitement de la ressource en s’envisage pas que sous l’angle de la ponction d’eau eau pour répondre aux normes de qualité de l’eau potable, mais aussi sous celui de l’environnement, potable. du paysage. Voilà pourquoi nous devons définir une Ces enjeux préventifs et curatifs induisent des politique et un partage des responsabilités. coûts importants pour les services d’eau potable. Quels sont-ils, comment les financer, comment les limiter ? Coûts de l’action curative Des dépenses à contextualiser U ne préoccupation des autorités et du citoyen Aimé KERGUERIS Président d’Eau du Morbihan Christophe POUPARD Eau du Morbihan est un syndicat qui vient de fêter Sous-directeur de l’économie des ressources ses 40 ans et dont la compétence est la production naturelles et des risques au Commissariat général et le transport (pour 220 communes sur les 250 du au développement durable (CGDD) - Ministère de département du Morbihan) et la distribution d’eau l’environnement, de l’énergie et de la mer (MEEM) potable (sur 120 communes). Le Schéma directeur Avant de savoir combien ça rapporte de protéger la d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ressource, il suffit de savoir combien ça coûte de ne Loire-Bretagne identifie 56 captages classés pas protéger. prioritaires en Bretagne dont seulement 8 dans le Aujourd’hui, les ressources en eau sont très département du Morbihan. 5 captages prioritaires surveillées. En France, nous comptons 44 % de en eau souterraine et 1 en eau de surface masses d’eau superficielles en « bon état », et concernant Eau du Morbihan. Aucun dépassement 67 % des eaux souterraines. Il reste donc des efforts nitrate ou pesticide n’est constaté sur ces captages à faire pour arriver au bon état général. prioritaires morbihannais. Mais notre syndicat a En 2013, les agences de l’eau ont lancé une l’obligation de mettre en œuvre des programmes consultation nationale sur les enjeux de gestion d’action dans les aires d’alimentation de captage de l’eau. La préoccupation du citoyen qui arrivait (AAC). Cette notion récente est assez souvent en tête, à 78 %, était l’élimination des substances confondue avec les périmètres de protection1. dangereuses dans l’eau. La deuxième, pour Nous avons peu de recul sur la façon d’aborder 76 % était « garantir une eau potable en qualité et ces actions, par rapport à l’organisation spécifique quantité suffisantes ». 1- L’AAC englobe toute la surface de collecte des eaux d’un captage. Les périmètres de protection sont donc par nature inclus dans l’AAC. 2- Programme de lutte contre les pollutions de l’eau, démarré en 1990 à l’initiative du Conseil régional de Bretagne. 3- De 1994 à 2010, un milliard d’euros de fonds publics ont été dépensés dans l’initiative Bretagne eau pure, pour le programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole, pour le plan régional d’agriculture… Malgré cela, les collectivités se sont autofinancées. Les mises aux normes des élevages ont fortement pesé sur le dynamisme économique des exploitants. 2
Notre service veut démontrer pourquoi se soucier et mutuelles) ; l’enlèvement des algues est supporté des questions environnementales est important par les communes. Le changement climatique, pour l’économie. quant à lui, pèsera sur chacun… C oûts directs et indirects Colla borer avec les émetteurs de pollution En décembre dernier, dans une étude, nous nous sommes intéressés à deux types de pollution de Marc LAMBERT l’eau : par l’azote et par les phytosanitaires (il y a Directeur du Syndicat des eaux du Vivier bien d’autres types de pollutions qui existent y Le syndicat des eaux du Vivier est compétent compris venant de l’industrie ou des stations en production d’eau potable (et en distribution), d’épuration). L’azote est essentiel pour la compétence qui inclut la protection de la ressource croissance des plantes, et a permis de développer en eau, ce qui est important pour maitriser une agriculture performante. Cependant, lorsque l’ensemble des coûts.. l’agriculteur en répand trop, ou au mauvais moment, Dans les années 1970-80, nous avons eu une une partie se retrouve dans l’environnement et l’eau compétition d’usages sur la quantité d’eau et ensuite potable. des problèmes sur la qualité de la ressource en eau. À l’échelon national, nous avons chiffré le coût du Ce qui est courant mais dans les secteurs comme traitement des nitrates agricoles dans les stations la Poitou-Charentes, les aires d’alimentation de de potabilisation entre 300 et 600 millions d’euros captages sont très grandes par rapport au nombre par an. d’abonnés du service d’eau. L’ordre de grandeur La charge en nitrate favorise la croissance des pour estimer les coûts est le suivant : un ménage algues vertes et dégrade la biodiversité. Le coût prend en charge les actions de protection de la d’enlèvement des algues vertes est de 70 à ressource sur 1,5 ha à 3-4 ha de surfaces agricoles 100 millions d’euros par an. Ce coût pourrait être utiles (SAU). évité s’il n’y avait pas de nitrate dans les eaux. Un autre effet des épandages excessifs d’azote est constaté sur la qualité de l’air : épandre de l’azote A ctions quantitatives sur les terres produit de l’ammoniac, précurseur de particules fines ayant des conséquences néfastes La première problématique était donc quantitative sur la santé (maladies cardio-vasculaires et et nous nous sommes rapprochés très tôt de respiratoires). Le coût sanitaire des maladies dues la profession agricole sur le sujet. Nous avons aux particules fines est de 200 millions d’euros par également travaillé sur la zone urbaine : en 10 an. ans, nous avons diminué de 40 % nos besoins de Enfin, l’épandage d’azote en trop grande quantité prélèvement dans le milieu naturel. Et en parallèle, contribue au changement climatique. Il produit du après un effondrement de la ressource en eau protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre 300 fois principale de Niort en 1991, la profession agricole plus réchauffant que le CO2, et qui demande 110 ans a également été mise à contribution. Nous sommes pour se dégrader. Le coût estimé du changement arrivés à un consensus sur le besoin de stocker de climatique, pour mémoire, est estimé entre 350 et l’eau en été pour maintenir une activité agricole 2 000 millions d’euros (fourchette importante car rentable dans le département des Deux-Sèvres. difficultés d’évaluation du coût du changement La problématique quantitative est donc en bonne climatique selon les référentiels). voie, après quelques arbitrages et notamment L’addition de tous ces coûts aboutit à un montant après un étiage centennal en 2005 qui a donné de 1 à 3 milliards d’euros/an. L’effort que nous raison à nos projections. portons à la protection de la ressource est donc utile, non seulement pour la filière eau potable, A ctions qualitatives mais aussi pour de nombreux autres domaines. La problématique qualitative diffuse est plus D es coûts supportés par tous complexe, avec l’existence de polluants urbains (perturbateurs endocriniens, médicaments) et les Le coût de la potabilisation, ce sont les services pollutions diffuses agricoles dont proviennent 90% d’eau qui l’assument, soit les consommateurs (300 des nitrates retrouvés dans la ressource en eau. à 600 millions d’euros par an). Pour la pollution de Nous avons mis en place les périmètres de l’air, il s’agit des services de santé (Sécurité sociale protection, avec des périmètres éloignés d’une congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement 3
taille similaire à celles de nos AAC (milieux actions qualitatives. karstiques). La question posée aux hydrogéologues agréés définissant les périmètres de protection, Sous les yeux de l’Europe initialement prévus pour lutter contre les pollutions ponctuelles, était de savoir s’il allait y avoir des Nous sommes sous les yeux de l’Europe pour une prescriptions en termes de pollutions diffuses. condamnation éventuelle de la France. Si nous L’Agence Régionale de Santé (ARS) a précisé que écopons d’une amende, ce seront les collectivités les pollutions diffuses devaient être traitées à part et les usagers qui la supporteront (loi NOTRe). dans le cadre de programmes volontaires aidés Cela pointe le principe pollués-payeurs. Pour cette par des mesures agro-environnementales (MAE). raison, la protection de la ressource doit rester de Donc, depuis 2009, nous avons mis en place des l’initiative des services de production d’eau potable contrats territoriaux (CT). Ils n’ont pas été faciles car ils en portent les conséquences en suite. à promouvoir mais commencent à porter leurs Je crois à un partenariat possible, dans la mesure fruits. La première étude sur les pollutions diffuses où nos exploitants présents sur les AAC (familles, a montré que les 30 % d’exploitants agricoles fermes, groupements agricoles d’exploitation présents sur l’AAC qui ont contractualisé avec le communs - GAEC) n’auront pas à pâtir syndicat des eaux du Vivier ont amélioré faiblement économiquement du changement. Pour cela, nous ou sensiblement la qualité de la ressource en eau devons dissocier le modèle économique, éprouvé au bout de quelques années. en Poitou-Charentes, qui est à l’œuvre sur les aires Nos mesures agro-environnementales (MAE) sont où il n’y a pas les contraintes liées au captage, avec financées par des fonds européens, au travers de celui des AAC où il faut un traitement à part mais l’agence de l’eau. Elles représentaient des sommes qui peut être rentable. attractives ; cependant, ces aides doivent être Pour donner un ordre de grandeur, en termes de maintenues si l’on veut que le changement de coûts aujourd’hui on oppose le curatif au préventif. pratiques et les reconversions avancent. Avec le ratio vu précédemment du nombre d’abonnés par rapport au nombre d’hectares de D ifficultés de l’intervention SAU dans l’AAC, si on appliquait juste le montant qualitative des MAE optimisées (ancien mode de calcul) sur la facture d’eau, on arriverait des multiplications La première phase de contrats territoriaux a par 2 ou 3 de la facture d’eau4. Ce qui est inaudible fonctionné. Nous rentrons aujourd’hui dans une pour les usagers qui payent déjà le coût du deuxième phase de contrats territoriaux, avec traitement (usine de potabilisation), une partie de des MAE plus compliquées à lancer car plus la protection de la ressource contre les pollutions contraignantes pour les agriculteurs. ponctuelles (périmètre de protection rapproché) et Les études menées avec l’Institut national de le stockage pour éviter les compétitions d’usages recherches agronomiques (INRA) et AgroParisTech en été. Le modèle économique de Munich n’est pas visaient à atteindre, sans perte économique ni heure transposable sur le territoire des Deux-Sèvres. de travail supplémentaire pour l’exploitant agricole, des changements de pratiques cohérents avec la M esures correctives qualité de l’eau sur l’AAC (seuils de substances acceptables sur les AAC). Dès 1995, nous avons dépassé les normes de Cependant, alors même qu’il était démontré que potabilité sur l’eau brute utilisée sans traitement. l’activité resterait rentable, nous nous sommes Nous avons dû installer une usine de dénitrification heurtés à une opposition ; les chambres d’agriculture biologique (charbon actif). Son coût intégré est et quelques coopératives ne souhaitant pas diminuer de l’ordre de 60-70 centimes d’euro/m3. Cela la quantité de pesticides utilisés. Alors qu’il avait représente un tiers du prix en plus par rapport à été démontré qu’à marges constantes, sans avoir la moyenne nationale, sur un prix de l’eau qui est à recourir à des MAE plus coûteuses et sur longue déjà supérieur à celui d’autres communes comme durée, qu’il était possible d’avoir une agriculture Besançon ou Grenoble qui ont une ressource en rentable compatible avec la qualité de la ressource eau de bonne qualité. en eau. Le modèle économique, concernant les La profession agricole réclame une indemnisation AAC, n’est toujours pas trouvé, mais nous avons de 1 000/ha, alors que nos MAE les plus optimisées bon espoir de faire aboutir le partenariat sur ces étaient de l’ordre de 400-500 euros/ha dans 4- Calculé sur ces bases : nombre d’abonnés par rapport à la surface agricole utile ; prise en compte des seules MAE définies selon les anciens modes de calcul. 4
l’ancien programme. Devons-nous faire peser ces e rôle d’un animateur du L indemnisations sur la facture de l’usager par une péréquation locale ? territoire Nos études cherchent à démontrer que le différentiel peut être bien inférieur, et nous cherchons à nous Trouver sa place et son langage entendre avec les agriculteurs sur des actions qualitatives. Nous discutons directement avec Laurent GOUILLOUD les agriculteurs et non avec les fournisseurs de Directeur du Syndicat intercommunal de gestion de l’eau et de l’assainissement de Roussillon, Péage et produits, semences. Pour autant le syndicat des environs (SIGEARPE) eaux du Vivier travaille aussi avec les coopératives et les organismes professionnels agricoles et nous avons bon espoir d’aboutir. Les choses évoluent même si les échanges restent tendus. Nous capitalisons sur notre bonne foi et notre succès dans le dossier quantitatif. D es différences d’hydrosystèmes Nous avons deux niveaux d’échanges avec les collectivités ayant des problématiques de protection de leur ressource en eau vis-à-vis des pollutions diffuses : • Un échelon régional avec un travail en réseau via le programme Re-Source, sur lequel le syndicat travaille avec la Rochelle, Poitiers ou encore Notre syndicat se situe dans la vallée du Rhône Angoulême, qui ont les mêmes thématiques sur aux confins de plusieurs départements et exploite les mêmes types de grandes cultures céréalières 3 ressources principales : et les mêmes types de captages. Il y a différentes -La plus petite de nos ressources, le captage stratégies : certains demandent aux Autorités du Golley qui fait l’objet, depuis longtemps, de d’appliquer la réglementation sur les AAC, sans mesures de protection et de prévention avec des contrepartie, mais ce n’est pas le souhait du engagements de la collectivité ; gouvernement. Certains sont à mi-chemin de - Les sources du plateau de Louze (environ notre position et de l’application réglementaire. Il 400 000 m3/an), ressource qu’il est intéressant n’y a pas encore de cohérence nationale et chaque de diversifier et qui entre maintenant dans une bassin-versant a sa particularité. démarche de qualité ; • À l’échelon national, nous faisons partie d’un - La ressource principale de Saint-Maurice l’Exil où groupe de travail large regroupant la Fédération nous pompons dans la nappe alluviale du Rhône. nationale des collectivités concédantes et régies Le captage du Golley connait depuis longtemps une (FNCCR) mais aussi l’ASTEE, l’ONEMA, etc. Le dégradation de la qualité en termes de nitrates, de syndicat des eaux du Vivier a poussé d’autres pesticides et de phytosanitaires. collectivités adhérentes à la FNCCR à s’emparer Depuis les années 1990, la politique a été variable du sujet. Les hydrosystèmes n’ont pas les mêmes en partant d’une vague implication, puis notre temps de réponse ; les business model ne sont collectivité a suivi de loin les actions initiées par la donc pas identiques. Cependant, les régions Chambre d’agriculture, et financées par l’Agence comme la nôtre sont suffisamment nombreuses de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (AERMC) ; pour que la réflexion, lancée par un rapport du puis une réelle implication. Dans les années 2000, CGEDD-CGAAER-IGAS « Pour une meilleure l’agence nous a demandé de soutenir nous aussi efficacité et une simplification des dispositions financièrement les actions, le SIGEARPE a alors relatives à la protection des captages d’eau abondé de 4 000 euros en suivant les actions des potable5 », soit revue en termes d’impacts agriculteurs via une réunion annuelle sans que économiques sur la facture d’eau. la qualité de l’eau au captage s’améliore. Jusqu’à l’arrivée du classement en captage Grenelle où les entités comme la nôtre sont devenues 5- http://cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/cgedd/008725-01_rapport.pdf congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement 5
responsables des actions menées pour la protection a démarche de prévention : L des ressources en eau. Cela a été mal vécu : comment devenir responsable de la qualité de l’eau impacts financiers de la nappe en amont du captage ? Ce fonctionnement est-il efficace ? Oui, à l’échelle Arbitrairement, nous avons décidé que ces efforts de 30 ans, les actions sur la qualité de l’eau ont ne coûteraient pas plus que 4-5 centimes/m3 un des résultats : vraie baisse des nitrates (mais puisque de toute façon nous allions traiter l’eau. pas jusqu’à descendre sous la barre de 25 mg/L L’alternative étant d’abandonner totalement la de nitrates), pas plus d’apparition de produits ressource si non exploitable. phytosanitaires. Nous avons rencontré les agriculteurs, ce qui n’avait Grâce à l’action préventive, nos variations jamais eu lieu en 15 ans d’initiatives de leur part. climatiques ne provoquent plus de dépassements Nous avons construit un plan d’action, défini une importants de normes (en-dessous des 50 mg/L de AAC (nouveau vocabulaire), mais la première étape nitrates, moins de pics). Mais il faudra un certain a été de mettre au point notre langage commun : temps pour savoir si cette évolution est le fruit du nous ne possédions pas forcément tous les termes hasard ou de notre politique. Je ne peux pas être employés par l’autre partie… plus précis, car nous ne mesurons, aujourd’hui, que les menaces connues (phytosanitaire, nitrates). Des besoins humains Mais l’engagement est sur du très long terme car nous voyons déjà pointer d’autres molécules Entre nos réunions biannuelles, il ne se passait potentiellement dangereuses pour la santé, sur rien et nous avons fait le pari de l’animation pour lesquelles il va falloir travailler dans l’avenir. Nous tenter de nous rejoindre, les exploitants et nous- essayons de travailler avec les agriculteurs sur les mêmes, la collectivité. Nous sommes entrés dans produits actuellement utilisés dans les champs une démarche de MAE territorialisée (MAET), nous pour voir vers quoi ils ont évolué comme molécules nous sommes formés et, en 2012, nous avons donc et commencer à les rechercher dans l’eau. recruté un animateur pour faire le lien avec le monde agricole. Nous l’avons partagé à mi-temps En 2015, nous avons repris l’animateur à temps avec un autre syndicat et nous avons réalisé des complet : nous voulions intégrer pleinement ce formations, des enquêtes individuelles, etc. (en nouveau métier dans notre organigramme (prise remettant 8 000 euros sur la table dont l’utilisation de conscience des 27 agents du syndicat sur cette était très transparente) problématique de la qualité de la ressource en eau). Travailler sur la ressource en eau avec les Lorsqu’on travaille à l’échelle de toutes nos agriculteurs demande avant tout des qualités ressources et sur l’ensemble de nos actions, humaines. Ce sont des familles avec des chefs les analyses, etc. ; l’impact de la démarche de d’entreprise et il est important de comprendre prévention représente 6 centimes/m3 vendu, soit leurs difficultés. Inversement, ils boivent l’eau du 2 centimes sur la facture d’eau, déduction faite des territoire et sont conscients du rôle qu’ils ont à jouer. aides de l’AERMC. Les personnes qui ont envie de travailler ensemble trouvent un terrain d’entente. Notre animateur a Le coût de traitement a été estimé sur 2 exemples une formation universitaire d’hydrogéologue, mais de syndicats à peu près semblables en Isère. Sans c’est sa personnalité qui a fait la différence. compter l’investissement des installations difficiles à estimer, les coûts de fonctionnement seraient L’écueil, au départ, était économique : les de l’ordre de 8 centimes/m3 produit (production agriculteurs demandaient une indemnisation. Ce de 100 000 m3/an par charbon actif en régie) à discours n’est plus tenu, ou plus sous cette forme ; 16 centimes/m3 produit (production de 300 000 m3/ nous avons de notre côté révisé notre approche. an). Le rendement de réseau n’étant jamais de Nous avons, toujours dans la limite que je citais, 100%, le coût est donc un peu pus élevé si on le provisionné des montants pour indemniser les ramène au m3 distribué et davantage au m3 vendu. exploitants. Nous tenions à plafonner notre implication car nous ne voulions pas devenir des Ceci nous conforte donc dans notre raisonnement, financeurs de l’agriculture. avec la prise en compte d’un nouveau métier que Depuis 2012, nous suivons notre plan d’action, nous nous n’avions pas imaginé il y a quelques années. avons mis en place des partenariats locaux, que Nous poursuivons nos actions de préservation nous évaluons toujours. mais pas à n’importe quel prix. Si nous sommes 6
amenés à traiter les eaux malgré tout, nous Quand le volontariat devient bénéficierons des dispositifs mis en place pour la préservation de la ressource. obligatoire Le deuxième programme, de 1996 à 2000, a Prolo nger les dynamiques de mobilisé l’ensemble des acteurs concernés autour temps de crise des collectivités (collectivités qui n’étaient pas les syndicats d’eau). 19 contrats territoriaux de bassins Un programme régional de versants ont été signés à l’échelle régionale. leurs protection de la ressource objectifs étaient la sensibilisation, le conseil agricole autour de la fertilisation, les pratiques, les plans Françoise JEHANNO de fumure, les cahiers d’épandage, la promotion Directrice générale des services au Syndicat de l’eau de fertilisation hydro-équilibrée, la couverture du Morbihan des sols en hiver... Un panel d’actions qui se sont Bretagne, première région d’élevage donc développées avec l’expérience. particulièrement touchée par ces problématiques À partir des années 2000, les programmes d’action qui ont fait la Une des journaux et tribunaux. Nitrates, qui découlent localement de la directive Nous avons fait le constat depuis les années 1970 Nitrates, ont rendu réglementairement obligatoires d’une rapide et forte augmentation des nitrates. certaines de ces actions, leur retirant ainsi de leur Le premier objectif était d’abord économique. La substance volontaire. Dans le même temps, la directive Nitrates6 de 1991 a fait quelque peu réagir France a été condamnée pour des manquements à les pouvoirs publics. Ils se sont alors organisés la qualité des eaux brutes, principalement à cause au sein du Contrat de plan État-Région (CPER). du territoire breton (rappel : ne pas confondre avec Le problème a donc été pris en compte au niveau l’eau distribuée qui, elle, a toujours été potable). régional, avec la mise en place de programmes Suite à cette condamnation, nous avons élargi nos destinés à maintenir le potentiel économique en démarches : dans le programme suivant, 45 contrats Bretagne tout en réduisant la pollution d’origine de bassin-versant, portant sur la problématique agricole. Les notions d’AAC, et même de captage eau potable, ont été signés. Le territoire régional d’eau potable, n’existaient pas : le CPER permettait est désormais presque entièrement couvert par ce de coordonner les moyens financiers employés pour type de démarches. protéger la ressource en eau sur la région Bretagne Aujourd’hui, les contrats sont plus ambitieux : ils (Europe, Etat, région, département, Agence de l’eau, intègrent les notions de bocage, de morphologie, etc.). d’entretien, de travaux en cours d’eau, de continuité Les programmes ont progressivement évolué, écologique… De par notre historique, nous visons notamment avec la loi sur l’eau7. Ils ont privilégié plus l’atteinte du bon état des eaux (logique les actions préventives à l’échelle du bassin- Directive Cadre sur l’Eau) que la stricte potabilité versant en intégrant une notion de gestion équi- sur quelques paramètres (phytosanitaires et librée de la ressource. nitrates). Les actions vis-à-vis des pollutions diffuses sont maintenant plus restreintes, vu l’historique exposé précédemment. Les systèmes agricoles ont été optimisés. Les dernières fuites d’azote sont incompressibles, sauf à changer de modèle économique mais les résistances sont fortes. Ce type d’actions est aussi moins pertinent vu l’évolution de la réglementation, qui a rattrapé les actions volontaires. La qualité des eaux terrestres s’est améliorée, hormis certaines proliférations d’algues vertes. La logique des financeurs aujourd’hui est celle de la directive-cadre sur l’eau (DCE). 6- Directive européenne 91/676/CEE du 12 décembre 1991. Les objectifs de la directive Nitrates sont rejoignent ceux de la DCE et font ainsi partie des objectifs de reconquête du bon état des eaux. 7- Loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau. congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement 7
Coûts et bénéfices a Région Wallonne, entre L coercition et collaborations On parle de pollutions diffuses et les coûts liés à la protection de la ressource en eau vis-à-vis de Une instance à l’échelle régionale ces pollutions sont également diffus. Les maîtrises d’ouvrage se sont organisées autour de syndicats Nicolas TRIOLET de bassins versants (syndicats intercommunaux Responsable du service protection des ressources en ou syndicats mixtes différents des syndicats de eau de la Société publique de gestion de l’eau (SPGE), production d’eau potable), ce qui fait que nous Région wallonne, Belgique n’avons pas de visibilité sur les coûts. Ces syndicats Comme beaucoup de pays européens, les principaux se sont associés progressivement à d’autres maîtres problèmes actuels portent sur les nitrates et les d’ouvrage comme les chambres d’agriculture, pesticides. Sur nos 600 zones de captages, environ les mouvements d’agriculture biologique, les 15% présentent un risque en termes de pollutions fédérations de pêche, etc. diffuses. La Bretagne partait de loin et n’a pas eu le choix Pour voir comment nous répondons à ces enjeux, d’avancer dans des actions de protection de la resituons le contexte belge et en particulier wallon : ressource un peu lourdement. En 15 ans, de 1994 La Belgique est un état fédéral, de nombreuses à 2010, 1 milliard d’euros d’aides publiques ont été compétences, dont l’environnement, sont fléchés sur la Bretagne pour ces programmes (via régionalisées. En Wallonie, le ministre de Bretagne Eau Pure, le programme de lutte contre l’environnement a la compétence de l’eau. Il y a donc les pollutions d’origine agricole, le plan hexagonal une administration de l’eau qui va nécessairement de l’agriculture, etc.). Ce montant ne tient pas réaliser des contrôles et des mesures chez les compte de la participation des collectivités et des agriculteurs notamment et gérer les systèmes de agriculteurs eux-mêmes ; qui ont notamment pris surveillance des eaux souterraines et de surface. en charge la mise aux normes des exploitations La Société publique de gestion de l’eau (SPGE) d’élevage, ce qui a pesé sur les dynamiques de a été créée par le gouvernement wallon pour territoire. investir en matière d’épuration des eaux usées et de protection des captages. Nous fixons le Coût En ce qui concerne Eau du Morbihan : même si le vérité assainissement (CVA)8 et nous percevons portage se fait par des syndicats mixtes, vu l’enjeu une redevance captage auprès des 50 producteurs- eau potable, notre syndicat départemental s’était distributeurs du territoire (via un contrat de service investi dès 1996 en apportant son soutien financier et prélevée sur la facture d’eau). Ce sont in fine les par une contribution à la part d’autofinancement ménages qui paient le coût de l’impact agricole des des maîtres d’ouvrage. Cette participation est mesures. ciblée sur des actions de suivi de la qualité de La SPGE mutualise les recettes au niveau régional l’eau, d’animation et de communication, d’actions et les affecte à la protection de la ressource en sur les pollutions diffuses en amont des prises eau. Les enjeux actuels allant davantage vers les d’eau. Il y a aussi des actions de bassin-versant sur aires d’alimentation de captage et les pollutions des problématiques sans lien avec l’eau potable. diffuses que restreints au périmètre de protection Aujourd’hui, nous sommes sur des actions discutées réglementaire. avec les maîtres d’ouvrage et priorisées sur les AAC. Nous ne faisons pas de chèque en blanc. Nous participons à la définition des besoins, nous suivons les actions et nous sommes cosignataires des contrats de bassin-versant. L’ensemble des actions pour le milieu naturel en Morbihan, en 2015, s’élevait à plus de 5 millions d’euros. Les actions en lien avec la pollution diffuse et l’animation en représentent trois millions. Notre contribution, sur notre périmètre, est à hauteur de 10 % de cette enveloppe. 8- http://www.spge.be/fr/le-prix-de-l-eau.html?IDC=7&IDD=298 8
Une action régionale et locale proviennent des eaux souterraines. Le temps de transfert, qui est dans certains cas de 25-30 ans, Au niveau régional, nous avons établi des plans représente autant de délai avant que se voient les de gestion de la DCE. Nous suivons également la effets d’une action publique. directive Nitrates, le « paquet pesticides9» et toute la série de réglementations auxquelles les pays Mesures répressives et incitatives européens sont soumis. Notre programme de gestion durable de l’azote en Nous avons mis en œuvre un schéma directeur de agriculture est notre réponse à la directive Nitrates. production au niveau régional. Un certain nombre Suivant ce programme, tous les agriculteurs de petits captages difficiles à contrôler et ayant des wallons, même hors des zones vulnérables, doivent problèmes qualitatifs vont être, suivant ce schéma, appliquer certaines normes. supprimés pour alimenter les usagers concernés Notre arsenal comporte un contrôle très intéressant : avec d’autres ressources plus importantes et mieux l’azote potentiellement lessivable (APL). Il s’agit protégées. de quantifier les reliquats azotés en période de Si le ministre constate que les concentrations en lessivage (septembre-décembre). La mesure nitrates ou pesticides atteignent 75 % de la norme, de contrôle est comparée à des exploitations de il peut prendre toutes les mesures nécessaires référence, dont nous savons qu’elles appliquent pour diminuer les teneurs dans l’eau, pouvant fidèlement les directives. aller jusqu’à l’interdiction d’épandage ou au Si, chez l’agriculteur contrôlé, deux parcelles changement de cultures. sur trois sortent des normes, nous lançons le Nous préférons toutefois utiliser des mesures programme d’actions qui peut aboutir, in fine incitatives. Nos « contrats captage », sans doute au bout de 4 ans, à une pénalité législative de assez proches de vos contrats territoriaux, 100 euros/ha de surface agricole utile. permettent d’établir un diagnostic et de préconiser des mesures pour mettre en place des bonnes Encadrement agricole pratiques. Cette approche se révèle efficace sur de nombreux cas concrets. Les agriculteurs sont contrôlés, mais ont aussi besoin de conseil en amont. Un coût supporté par le consommateur La SPGE et l’administration de la région wallonne ont investi dans des structures d’encadrement C’est le consommateur (les ménages) qui paye agricole. Citons par exemple PhytEauWal10, que je la facture. Le taux de récupération des coûts préside : nos 25 conseillers agricoles se rendent environnementaux (tel que calculés lors du gratuitement dans les fermes, préconisent de deuxième plan de gestion de la DCE) pour le bonnes pratiques et suivent les agriculteurs. Cela secteur agricole est de 2,6 % seulement (pollutions représente 25 000 ha conseillés et 2 000 visites par diffuses agricoles). an, financés par la collectivité. Contrairement à la démarche d’animation territoriale évoquée tout à Des solutions reproductibles ? l’heure, nous n’agissons pas que sur les bassins d’alimentation de captages mais aussi sur la zone Hélène HERZOG-STASI vulnérable au sens large. Il y a aussi des actions Ces démarches différentes sont-elles dupliquables spécifiques sur la protection des captages aussi. ou chaque contexte est-il réellement différent ? Clairement, l’encadrement ne fonctionne pas s’il n’y a pas de contrôle. D’ailleurs, l’APL (azote ’importance d’une interface avec L potentiellement lessivable) est aussi un excellent le monde agricole indicateur. Même si les effets ne se retrouvent pas encore dans l’eau, nous constatons une diminution Marc LAMBERT des teneurs. L’APL moyen régional est passé de 46 Chaque hydro-système réagit plus ou moins kg d’azote nitrique/ha à 40 kg. Nous devons certes rapidement (un an à plus de 20 ans). Par contre, investir dans le traitement, mais nous ne devons pas ce qui peut être transposable, c’est de se doter de négliger la prévention : 80 % de nos eaux potables personnes qui comprennent la profession agricole 9- Règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ; Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil de l’Europe du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. 10- http://www.phyteauwal.be/ congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement 9
et puissent servir d’interprète avec la collectivité. etrouver la confiance des R Lorsque nous avons recruté un animateur agricole, nous avons subi les réticences du Conseil régional consommateurs d’eau de Poitou-Charentes. La crainte était de compliquer Hélène HERZOG-STASI les rapports avec les instances professionnelles Le coût de protection de la ressource en eau est-il du monde agricole. Deux ans plus tard, aucune à considérer comme un investissement pour le signature de contrat territorial ne se faisait en futur ? l’absence de ces animateurs agricoles. Christophe POUPARD Garder la maîtrise des préconisations C’est un investissement pour le futur, en effet, et non seulement pour les coûts de traitement, Il s’agit ensuite de conserver une « ligne éditoriale ». mais aussi pour la protection de la biodiversité et Tout en conservant des partenariats techniques, la lutte contre le changement climatique. Il y a un nous devons rester à l’origine des préconisations réel intérêt économique à faire de la protection faites par les professionnels de l’agriculture (notre de la ressource en eau très en amont, même s’il animateur agricole, l’INRA etc.) Comment savoir, est difficile de chiffrer le coût de la disparition de autrement, que le business model des exploitants biodiversité et un certain nombre de services qu’elle agricoles sur notre AAC justifie 50, 100, 1 000 euros nous rend comme l’épuration de l’eau au travers d’indemnisation pour un changement de pratique ? des zones humides et des bandes enherbées. Cela permet d’accéder aux vrais leviers. Suite à une enquête réalisée en 2014, nous avons En corollaire de ceci, il ne faut pas diviser la constaté que 3 millions de personnes buvaient de compétence production en plusieurs missions (en l’eau en bouteilles ou de l’eau filtrée plutôt que l’eau retirant la protection de la ressource en eau) qui du robinet, par crainte des pollutions industrielles échapperaient à la maîtrise du prix total et de ces ou agricoles. Alors que leur eau potable respecte indemnisations. toutes les normes. Mais ils ont en tête qu’un risque Ensuite, l’État n’étant plus réellement en mesure existe. Le surcoût global sur leur budget est estimé de réaliser un réel contrôle, nous nous devons à 300 millions d’euros. Nous devons regagner la d’y participer. En plus du contrôle à la source, confiance des consommateurs. il faut offrir des solutions de conseil et de suivi sur le terrain en contrepartie de la participation Échanges avec la salle des organismes professionnels agricoles (OPA), coopératives. Marc AUBRY, directeur de Morbihan Energies Enfin, nous devons nous affranchir, dans les Les bandes enherbées sont-elles toujours aussi mesures, des effets climatiques, et disposer de efficaces ? Car j’ai entendu dire qu’elles relarguaient données agricoles. les nitrates. aire supporter les coûts par le F Nicolas TRIOLET La bande enherbée est un phénomène antiérosif. plus grand nombre L’herbe est mise en place pour pomper le nitrate et lors de la fauche, il y a exportation de nitrates Pour éviter que la démarche fasse exploser le prix qui pourraient rester donc il est nécessaire qu’elle de l’eau, nous devons, comme le fait la Belgique, soit bien mise en place pour éviter que le nitrate songer à une péréquation à une échelle beaucoup aille vers la nappe ou la rivière. Il en est de même plus large que l’AAC. Les usagers captifs d’une AAC avec les cultures intermédiaires pièges à nitrates contaminée ne peuvent supporter seuls les effets (CIPAN) type moutardes, phacélies, mises en place de décennies d’industrialisation agricole. à l’automne pour pomper le nitrate qui reste dans le C’est au travers des agences de l’eau, voire sol et éviter son lessivage. nationalement, que la péréquation est possible. Le syndicat des eaux du Vivier a fait l’exercice de calcul des coûts et ce n’est pas tenable de prendre Sanctions et compensations en charge, seul, les actions de protection de la ressource sur l’AAC (augmentation de 300% du prix Laure SEMBLAT, Département cycle de l’eau, FNCCR de l’eau actuel) surtout lorsque les services d’eau Nous avons parlé de contrôles nécessaires et potable sont priés de ne pas augmenter le prix de d’échelle de travail optimale. Au niveau des coûts, l’eau au-delà de l’inflation. subsistent des interrogations sur la comparaison Belgique/France. La SPGE a parlé de sanctions. 10
À notre échelle nationale, nous n’avons pas actuellement et ne dépassent pas les seuils. Les aujourd’hui d’équivalent. nouveaux classements prioritaires avec obligation Lorsque l’on dialogue en France avec le de programmes d’actions et de nouveaux objectifs monde agricole, on est confronté à la notion de alors que « tout va bien » sont difficiles à faire compensation. Même dans les termes européens, accepter aux exploitants. Les efforts ont déjà été il n’est pas question d’indemnisation. Quel est faits collectivement et il n’est pas possible de porter l’argumentaire des agriculteurs en Wallonie ? seul cette nouvelle réglementation. Le terme de compensation est-il employé dans la construction des contrats ? Ou plutôt celui de Christophe POUPARD « construction collective » ? Les sanctions ne sont- Il est vrai que tout le monde se mobilise quand il y elles pas suffisamment inhibantes, au regard du a le feu et qu’ensuite les efforts retombent. On se potentiel de ces compensations qui oriente à chaque rend compte alors qu’on ne règle pas le problème fois la manière avec laquelle les collectivités sont de fond : on utilise toujours de l’azote en trop sollicitées? grande quantité et des phytosanitaires malgré leurs conséquences sur la santé. Il s’agit bien, Nicolas TRIOLET au fond, de faire changer petit à petit le modèle La DCE est pensée en termes de résultat et non agricole actuel qui est un modèle fabriqué au sortir pas de moyens. de la guerre pour produire massivement. Le programme de gestion durable de l’azote, Ce modèle a tout à fait rempli son objectif, et nous la directive Nitrates, les dispositifs autour des pouvons avoir de la gratitude pour nos agriculteurs pesticides fonctionnent en Wallonie selon le qui ont fait ces efforts pour que l’on ait profusion de principe de conditionnalité des aides. Dès lors que nourritures à portée de main ; mais de nouveaux l’agriculteur ne respecte pas, dans un certain délai, défis se trouvent devant nous, et nous devons les mesures préconisées dans ces programmes, changer collectivement ce modèle. Le ministère de il s’expose à une diminution des primes agricoles, l’agriculture promeut l’agro-écologie (mieux utiliser pouvant aller jusqu’à 100 % au bout de 5 ans. ce que les écosystèmes nous donnent comme Bien entendu, nous avons aussi des compensations. fonctionnalité pour produire) mais on a encore un Nous disposons d’un programme agri- long chemin devant nous. environnemental qui permet à l’agriculteur, moyennant des bonnes pratiques, de compenser Laurent GOUILLOUD une éventuelle perte de revenus. Nous réfléchissons Nous avons une petite AAC concernant 25-30 d’ailleurs à une MAE « eau » dont l’objectif serait agriculteurs. Sur les reliquats azotés, nous avons pour chaque agriculteur d’obtenir moins de 40 kg mis en place une action, avec la volonté qu’elle d’azote nitrique/ha sur ses parcelles quelle que soit devienne pérenne après la fin des aides. Deux la culture. Ce serait une manière de récompenser tiers des exploitants ont effectivement poursuivi l’agriculteur pour ses bons résultats. Il est important les pratiques. Nous avons gardé un rôle d’organi- de travailler sur les résultats et non sur les moyens sateur, de facilitateur de la démarche. Nous pour faire dans la durabilité. avons des outils mobilisables sur chaque L’inconvénient des MAE est qu’elles durent 5 ans territoire de part notre nature de syndicats des et qu’une fois les compensations terminées, les eaux, d’intercommunalités, inclus dans des mauvaises pratiques reviennent. bassins versants : nous devons échanger, à ces échelles, sur ces problématiques. Nous Pérenniser les bonnes pratiques devons parler « eau », mais aussi « économie », « développement », « urbanisme », « paysages », Françoise JEHANNO avec tous nos interlocuteurs des autres services (de Le caractère durable est difficile à atteindre. En l’État, de la Direction départementale des territoires Bretagne, les collectivités, la profession se sont (DDT), d’autres directions de la même structure, mobilisées au moment de la crise, lorsque nous etc.) étions sous le coup du contentieux européen. À partir du moment où les efforts ont été faits et Nicolas TRIOLET nous sommes arrivés à une situation satisfaisante Notre APL (reliquat d’azote) n’est pas qu’une au niveau des captages d’eau potable, il a été mesure de contrôle. Pour l’agriculteur, c’est là extrêmement difficile de préserver la mobilisation. un bon indicateur de performance économique : Il n’est plus question de faire baisser encore l’engrais qui reste dans le sol a été payé lui aussi, les concentrations en nitrates qui stagnent mais ne se retrouve pas dans le tonnage produit. congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement 11
Nous mettons ceci en avant dans nos contrats l’énergie, en particulier en cogénération pour le captage : les syndicats d’eaux financent des séchage des boues issues des stations d’épuration contrôles supplémentaires, qui permettent in fine gérées par la SPGE. à l’exploitant de voir comment il a tenu sa saison culturale et de mesurer sa performance au travers de ce qu’il reste dans le sol. Protection de la ressource et loi NOTRe Agir sur la filière Hélène HERZOG-STASI Laure SEMBLAT Nous sommes pris dans une réforme territoriale Je profite de la présence d’un représentant de la qui va redistribuer les compétences. Cela fait-il région wallonne pour vous demander si, lorsque peser un risque sur les schémas et les démarches vous mettez en place une mesure, vous intégrez qui ont été exposés ? aussi, dans la facture d’eau, la prise en charge du développement de filière ? Les actions que vous Françoise JEHANNO entreprenez se limitent-elles à la partie pratique La structuration des maîtrises d’ouvrage agricole, ou sont-elles étendues à la filière, à la en Bretagne se fait sur la base de syndicats distribution, voire au marché ? Et que prend en intercommunaux. Dans le cadre de la loi NoTRe12, charge la facture d’eau ? ceux-ci sont pointés du doigt. Pour autant, la logique de bassin-versant se Nicolas TRIOLET différencie des logiques administratives. Il s’agit Notre facture d’eau comprend : aujourd’hui de conserver la dynamique à l’échelle - Un coût-vérité distribution11, qui reprend bien de bassins versants, alors que les compétences, entendu les frais du producteur-distributeur officiellement, sont dévolues aux Établissements (réseaux/usines), et qui englobe également : publics de coopération intercommunale (EPCI). Il - une contribution de prélèvement (sur les quantités est à craindre que, pendant quelques années d’eau produites) qui permet de gérer les aspects (le temps des transferts de compétences, des quantitatives via le schéma directeur de produc- adhésions, des maintiens ou non de ces structures tion d’eau ; à l’échelle du bassin-versant), les programmes - une redevance de 7,44 centimes d’euros/m3 d’action soient un peu oubliés. Cependant, la pire produit, destinée à la protection de la ressource des erreurs, lorsqu’une dynamique est lancée, est - Un coût-vérité assainissement de 2,11 euros/m3 de « lever le pied ». Il faut absolument conserver les traité et qui risque d’augmenter encore car plus acquis. le prix de l’eau augmente, moins les gens en consomment et on doit continuer à augmenter Laurent GOUILLOUD le prix de l’eau pour réaliser les investissements Notre périmètre se prête bien aux évolutions de la nécessaires à la réalisation du service, etc. Nous loi NOTRe. Le territoire coïncide avec celui de la avons investi 3,5 milliards d’euros depuis 15 ans communauté de communes (deux petits bassins sur ce poste. versants). Localement, cette loi nous apportera Nous n’agissons pas pour un développement filière, donc plutôt un bénéfice ; j’ai même hâte de voir son mais nous observons ce qui se passe en France, application, et la simplification des structures pour notamment en Bretagne. Nous sommes conscients toutes nos compétences. que c’est essentiel de pouvoir lier les pratiques agricoles aux filières car c’est bien le type de culture Marc LAMBERT qui pose problème. Par exemple, pour une pomme Le syndicat des eaux du Vivier va être dissous dans de terre, on passe 23 fois avec un phytosanitaire, une agglomération. Même si nous sommes déjà le en termes de reliquat d’azote, on aura entre 90 et service d’eau de cette agglomération dans le fait, la 100 kg d’azote nitrique allant directement dans le loi NOTRe va changer la gouvernance. sol parce que la plante ne pourra pas tout prélever, D’autre part, si une condamnation européenne est et on devra mettre des pesticides pour lutter prononcée sur la qualité des ressources en eau contre les maladies. Nous réfléchissons donc au après 2020, la loi indique que ce sont les habitants développement de filières du type miscanthus pour qui vivent dans l’agglomération qui récupère la 11- Coût absolu, tous frais compris (notion belge). Autre exemple : « La gestion de nos déchets coûte cher, il faut les collecter mais surtout les traiter. Le coût-vérité est le coût réel et complet de la collecte et du traitement des déchets des ménages. » (syndicat de déchets Viroinval). Pour plus d’informations : http://www.spge.be/fr/le-prix-de-l-eau.html?IDC=7&IDD=298 12- Loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République. 12
compétence « eau potable » (qu’ils habitent ou non sur l’AAC) qui supporteront la pénalité. L’État, manifestement, botte ici en touche. J’encourage tous les services d’eaux à démontrer qu’ils ont eu une démarche proactive auprès des professions agricole et industrielle et tout ce qui contribue à dégrader la qualité de la masse d’eau. Ils doivent faire valoir que la réglementation leur fera supporter l’amende alors qu’ils n’auront pas nécessairement les leviers pour agir sur le territoire incriminé. C’est là une des raisons fortes pour ne pas découper la compétence production. congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement 13
Du 21 au 23 juin Intelligences territoriales Tours CONGRÈS 2016 Rédaction et conception graphique : agence AVERTI – www.averti.fr
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