LE COÛT DE LA PROTECTION DES RESSOURCES EN EAU - EAU ET ASSAINISSEMENT - FNCCR

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LE COÛT DE LA PROTECTION DES RESSOURCES EN EAU - EAU ET ASSAINISSEMENT - FNCCR
Eau et assainissement

Le coût de la
protection des
ressources en eau

        congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement   1
LE COÛT DE LA PROTECTION DES RESSOURCES EN EAU - EAU ET ASSAINISSEMENT - FNCCR
Le coût de la protection
des ressources en eau
    Animation :       Hélène HERZOG-STASI, agence État d’esprit-Stratis

Hélène HERZOG-STASI                                                         mise en œuvre depuis 1993 avec Bretagne eau pure
Les services d’eau potable sont à la confluence de                          (BEP) 2.
plusieurs enjeux :                                                          Il a beaucoup été question, par le passé, de la
- sanitaires et doivent réduire les risques de                             Bretagne et des conséquences de l’élevage sur l’eau
   pollutions ponctuelles de la ressource (en                               de son territoire. Il est désormais aussi question des
   définissant des périmètres de protection de                              retours sur investissements de nos programmes
   captages)                                                                BEP… Ceux-ci ont été contestés, et ont consommé
- environnementaux et doivent contribuer à limiter                         beaucoup de subsides3.
   et réduire les pollutions diffuses émises par les                        Il est important de savoir, à l’avenir, qui endossera
   activités économiques (en définissant des aires                          chaque aspect de la protection de la ressource. Le
   d’alimentation de captages)                                              raisonnement ne peut pas être que l’eau potable
- économiques et doivent mettre en place et exploiter                      se finance elle-même. Une aire de captage ne
   des ouvrages de traitement de la ressource en                            s’envisage pas que sous l’angle de la ponction d’eau
   eau pour répondre aux normes de qualité de l’eau                         potable, mais aussi sous celui de l’environnement,
   potable.                                                                 du paysage. Voilà pourquoi nous devons définir une
Ces enjeux préventifs et curatifs induisent des                             politique et un partage des responsabilités.
coûts importants pour les services d’eau potable.
Quels sont-ils, comment les financer, comment les
limiter ?                                                                      Coûts de l’action curative

    Des dépenses à contextualiser                                             U
                                                                                ne préoccupation des autorités et
                                                                               du citoyen
Aimé KERGUERIS
Président d’Eau du Morbihan
                                                                            Christophe POUPARD
Eau du Morbihan est un syndicat qui vient de fêter                          Sous-directeur de l’économie des ressources
ses 40 ans et dont la compétence est la production                          naturelles et des risques au Commissariat général
et le transport (pour 220 communes sur les 250 du                           au développement durable (CGDD) - Ministère de
département du Morbihan) et la distribution d’eau                           l’environnement, de l’énergie et de la mer (MEEM)
potable (sur 120 communes). Le Schéma directeur                             Avant de savoir combien ça rapporte de protéger la
d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)                                ressource, il suffit de savoir combien ça coûte de ne
Loire-Bretagne identifie 56 captages classés                                pas protéger.
prioritaires en Bretagne dont seulement 8 dans le                           Aujourd’hui, les ressources en eau sont très
département du Morbihan. 5 captages prioritaires                            surveillées. En France, nous comptons 44 % de
en eau souterraine et 1 en eau de surface                                   masses d’eau superficielles en « bon état », et
concernant Eau du Morbihan. Aucun dépassement                               67 % des eaux souterraines. Il reste donc des efforts
nitrate ou pesticide n’est constaté sur ces captages                        à faire pour arriver au bon état général.
prioritaires morbihannais. Mais notre syndicat a                            En 2013, les agences de l’eau ont lancé une
l’obligation de mettre en œuvre des programmes                              consultation nationale sur les enjeux de gestion
d’action dans les aires d’alimentation de captage                           de l’eau. La préoccupation du citoyen qui arrivait
(AAC). Cette notion récente est assez souvent                               en tête, à 78 %, était l’élimination des substances
confondue avec les périmètres de protection1.                               dangereuses dans l’eau. La deuxième, pour
Nous avons peu de recul sur la façon d’aborder                              76 % était « garantir une eau potable en qualité et
ces actions, par rapport à l’organisation spécifique                        quantité suffisantes ».
1- L’AAC englobe toute la surface de collecte des eaux d’un captage. Les périmètres de protection sont donc par nature inclus dans l’AAC.
2- Programme de lutte contre les pollutions de l’eau, démarré en 1990 à l’initiative du Conseil régional de Bretagne.
3- De 1994 à 2010, un milliard d’euros de fonds publics ont été dépensés dans l’initiative Bretagne eau pure, pour le programme de maîtrise
   des pollutions d’origine agricole, pour le plan régional d’agriculture… Malgré cela, les collectivités se sont autofinancées. Les mises aux
   normes des élevages ont fortement pesé sur le dynamisme économique des exploitants.
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Notre service veut démontrer pourquoi se soucier           et mutuelles) ; l’enlèvement des algues est supporté
des questions environnementales est important              par les communes. Le changement climatique,
pour l’économie.                                           quant à lui, pèsera sur chacun…

  C
   oûts directs et indirects                                
                                                             Colla borer avec les émetteurs
                                                             de pollution
En décembre dernier, dans une étude, nous nous
sommes intéressés à deux types de pollution de             Marc LAMBERT
l’eau : par l’azote et par les phytosanitaires (il y a     Directeur du Syndicat des eaux du Vivier
bien d’autres types de pollutions qui existent y           Le syndicat des eaux du Vivier est compétent
compris venant de l’industrie ou des stations              en production d’eau potable (et en distribution),
d’épuration). L’azote est essentiel pour la                compétence qui inclut la protection de la ressource
croissance des plantes, et a permis de développer          en eau, ce qui est important pour maitriser
une agriculture performante. Cependant, lorsque            l’ensemble des coûts..
l’agriculteur en répand trop, ou au mauvais moment,        Dans les années 1970-80, nous avons eu une
une partie se retrouve dans l’environnement et l’eau       compétition d’usages sur la quantité d’eau et ensuite
potable.                                                   des problèmes sur la qualité de la ressource en eau.
À l’échelon national, nous avons chiffré le coût du        Ce qui est courant mais dans les secteurs comme
traitement des nitrates agricoles dans les stations        la Poitou-Charentes, les aires d’alimentation de
de potabilisation entre 300 et 600 millions d’euros        captages sont très grandes par rapport au nombre
par an.                                                    d’abonnés du service d’eau. L’ordre de grandeur
La charge en nitrate favorise la croissance des            pour estimer les coûts est le suivant : un ménage
algues vertes et dégrade la biodiversité. Le coût          prend en charge les actions de protection de la
d’enlèvement des algues vertes est de 70 à                 ressource sur 1,5 ha à 3-4 ha de surfaces agricoles
100 millions d’euros par an. Ce coût pourrait être         utiles (SAU).
évité s’il n’y avait pas de nitrate dans les eaux.
Un autre effet des épandages excessifs d’azote est
constaté sur la qualité de l’air : épandre de l’azote         A
                                                               ctions quantitatives
sur les terres produit de l’ammoniac, précurseur de
particules fines ayant des conséquences néfastes           La première problématique était donc quantitative
sur la santé (maladies cardio-vasculaires et               et nous nous sommes rapprochés très tôt de
respiratoires). Le coût sanitaire des maladies dues        la profession agricole sur le sujet. Nous avons
aux particules fines est de 200 millions d’euros par       également travaillé sur la zone urbaine : en 10
an.                                                        ans, nous avons diminué de 40 % nos besoins de
Enfin, l’épandage d’azote en trop grande quantité          prélèvement dans le milieu naturel. Et en parallèle,
contribue au changement climatique. Il produit du          après un effondrement de la ressource en eau
protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre 300 fois        principale de Niort en 1991, la profession agricole
plus réchauffant que le CO2, et qui demande 110 ans        a également été mise à contribution. Nous sommes
pour se dégrader. Le coût estimé du changement             arrivés à un consensus sur le besoin de stocker de
climatique, pour mémoire, est estimé entre 350 et          l’eau en été pour maintenir une activité agricole
2 000 millions d’euros (fourchette importante car          rentable dans le département des Deux-Sèvres.
difficultés d’évaluation du coût du changement             La problématique quantitative est donc en bonne
climatique selon les référentiels).                        voie, après quelques arbitrages et notamment
L’addition de tous ces coûts aboutit à un montant          après un étiage centennal en 2005 qui a donné
de 1 à 3 milliards d’euros/an. L’effort que nous           raison à nos projections.
portons à la protection de la ressource est donc
utile, non seulement pour la filière eau potable,             A
                                                               ctions qualitatives
mais aussi pour de nombreux autres domaines.
                                                           La problématique qualitative diffuse est plus
  D
   es coûts supportés par tous                            complexe, avec l’existence de polluants urbains
                                                           (perturbateurs endocriniens, médicaments) et les
Le coût de la potabilisation, ce sont les services         pollutions diffuses agricoles dont proviennent 90%
d’eau qui l’assument, soit les consommateurs (300          des nitrates retrouvés dans la ressource en eau.
à 600 millions d’euros par an). Pour la pollution de       Nous avons mis en place les périmètres de
l’air, il s’agit des services de santé (Sécurité sociale   protection, avec des périmètres éloignés d’une

                                                congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement       3
LE COÛT DE LA PROTECTION DES RESSOURCES EN EAU - EAU ET ASSAINISSEMENT - FNCCR
taille similaire à celles de nos AAC (milieux                              actions qualitatives.
karstiques). La question posée aux hydrogéologues
agréés définissant les périmètres de protection,                              Sous les yeux de l’Europe
initialement prévus pour lutter contre les pollutions
ponctuelles, était de savoir s’il allait y avoir des
                                                                           Nous sommes sous les yeux de l’Europe pour une
prescriptions en termes de pollutions diffuses.
                                                                           condamnation éventuelle de la France. Si nous
L’Agence Régionale de Santé (ARS) a précisé que
                                                                           écopons d’une amende, ce seront les collectivités
les pollutions diffuses devaient être traitées à part
                                                                           et les usagers qui la supporteront (loi NOTRe).
dans le cadre de programmes volontaires aidés
                                                                           Cela pointe le principe pollués-payeurs. Pour cette
par des mesures agro-environnementales (MAE).
                                                                           raison, la protection de la ressource doit rester de
Donc, depuis 2009, nous avons mis en place des
                                                                           l’initiative des services de production d’eau potable
contrats territoriaux (CT). Ils n’ont pas été faciles
                                                                           car ils en portent les conséquences en suite.
à promouvoir mais commencent à porter leurs
                                                                           Je crois à un partenariat possible, dans la mesure
fruits. La première étude sur les pollutions diffuses
                                                                           où nos exploitants présents sur les AAC (familles,
a montré que les 30 % d’exploitants agricoles
                                                                           fermes, groupements agricoles d’exploitation
présents sur l’AAC qui ont contractualisé avec le
                                                                           communs - GAEC) n’auront pas à pâtir
syndicat des eaux du Vivier ont amélioré faiblement
                                                                           économiquement du changement. Pour cela, nous
ou sensiblement la qualité de la ressource en eau
                                                                           devons dissocier le modèle économique, éprouvé
au bout de quelques années.
                                                                           en Poitou-Charentes, qui est à l’œuvre sur les aires
Nos mesures agro-environnementales (MAE) sont
                                                                           où il n’y a pas les contraintes liées au captage, avec
financées par des fonds européens, au travers de
                                                                           celui des AAC où il faut un traitement à part mais
l’agence de l’eau. Elles représentaient des sommes
                                                                           qui peut être rentable.
attractives ; cependant, ces aides doivent être
                                                                           Pour donner un ordre de grandeur, en termes de
maintenues si l’on veut que le changement de
                                                                           coûts aujourd’hui on oppose le curatif au préventif.
pratiques et les reconversions avancent.
                                                                           Avec le ratio vu précédemment du nombre
                                                                           d’abonnés par rapport au nombre d’hectares de
    D
     ifficultés de l’intervention                                         SAU dans l’AAC, si on appliquait juste le montant
    qualitative                                                            des MAE optimisées (ancien mode de calcul) sur
                                                                           la facture d’eau, on arriverait des multiplications
La première phase de contrats territoriaux a                               par 2 ou 3 de la facture d’eau4. Ce qui est inaudible
fonctionné. Nous rentrons aujourd’hui dans une                             pour les usagers qui payent déjà le coût du
deuxième phase de contrats territoriaux, avec                              traitement (usine de potabilisation), une partie de
des MAE plus compliquées à lancer car plus                                 la protection de la ressource contre les pollutions
contraignantes pour les agriculteurs.                                      ponctuelles (périmètre de protection rapproché) et
Les études menées avec l’Institut national de                              le stockage pour éviter les compétitions d’usages
recherches agronomiques (INRA) et AgroParisTech                            en été. Le modèle économique de Munich n’est pas
visaient à atteindre, sans perte économique ni heure                       transposable sur le territoire des Deux-Sèvres.
de travail supplémentaire pour l’exploitant agricole,
des changements de pratiques cohérents avec la                                M
                                                                               esures correctives
qualité de l’eau sur l’AAC (seuils de substances
acceptables sur les AAC).                                                  Dès 1995, nous avons dépassé les normes de
Cependant, alors même qu’il était démontré que                             potabilité sur l’eau brute utilisée sans traitement.
l’activité resterait rentable, nous nous sommes                            Nous avons dû installer une usine de dénitrification
heurtés à une opposition ; les chambres d’agriculture                      biologique (charbon actif). Son coût intégré est
et quelques coopératives ne souhaitant pas diminuer                        de l’ordre de 60-70 centimes d’euro/m3. Cela
la quantité de pesticides utilisés. Alors qu’il avait                      représente un tiers du prix en plus par rapport à
été démontré qu’à marges constantes, sans avoir                            la moyenne nationale, sur un prix de l’eau qui est
à recourir à des MAE plus coûteuses et sur longue                          déjà supérieur à celui d’autres communes comme
durée, qu’il était possible d’avoir une agriculture                        Besançon ou Grenoble qui ont une ressource en
rentable compatible avec la qualité de la ressource                        eau de bonne qualité.
en eau. Le modèle économique, concernant les                               La profession agricole réclame une indemnisation
AAC, n’est toujours pas trouvé, mais nous avons                            de 1 000/ha, alors que nos MAE les plus optimisées
bon espoir de faire aboutir le partenariat sur ces                         étaient de l’ordre de 400-500 euros/ha dans

4- Calculé sur ces bases : nombre d’abonnés par rapport à la surface agricole utile ; prise en compte des seules MAE définies selon les
   anciens modes de calcul.

4
LE COÛT DE LA PROTECTION DES RESSOURCES EN EAU - EAU ET ASSAINISSEMENT - FNCCR
l’ancien programme. Devons-nous faire peser ces                          e rôle d’un animateur du
                                                                        L
indemnisations sur la facture de l’usager par une
péréquation locale ?
                                                                        territoire
Nos études cherchent à démontrer que le différentiel
peut être bien inférieur, et nous cherchons à nous                       Trouver sa place et son langage
entendre avec les agriculteurs sur des actions
qualitatives. Nous discutons directement avec                         Laurent GOUILLOUD
les agriculteurs et non avec les fournisseurs de                      Directeur du Syndicat intercommunal de gestion de
                                                                      l’eau et de l’assainissement de Roussillon, Péage et
produits, semences. Pour autant le syndicat des
                                                                      environs (SIGEARPE)
eaux du Vivier travaille aussi avec les coopératives
et les organismes professionnels agricoles et nous
avons bon espoir d’aboutir. Les choses évoluent
même si les échanges restent tendus. Nous
capitalisons sur notre bonne foi et notre succès
dans le dossier quantitatif.

   D
    es différences d’hydrosystèmes

Nous avons deux niveaux d’échanges avec les
collectivités ayant des problématiques de protection
de leur ressource en eau vis-à-vis des pollutions
diffuses :
• Un échelon régional avec un travail en réseau via
le programme Re-Source, sur lequel le syndicat
travaille avec la Rochelle, Poitiers ou encore                        Notre syndicat se situe dans la vallée du Rhône
Angoulême, qui ont les mêmes thématiques sur                          aux confins de plusieurs départements et exploite
les mêmes types de grandes cultures céréalières                       3 ressources principales :
et les mêmes types de captages. Il y a différentes                    -La plus petite de nos ressources, le captage
stratégies : certains demandent aux Autorités                           du Golley qui fait l’objet, depuis longtemps, de
d’appliquer la réglementation sur les AAC, sans                         mesures de protection et de prévention avec des
contrepartie, mais ce n’est pas le souhait du                           engagements de la collectivité ;
gouvernement. Certains sont à mi-chemin de                            - Les sources du plateau de Louze (environ
notre position et de l’application réglementaire. Il                    400 000 m3/an), ressource qu’il est intéressant
n’y a pas encore de cohérence nationale et chaque                       de diversifier et qui entre maintenant dans une
bassin-versant a sa particularité.                                      démarche de qualité ;
• À l’échelon national, nous faisons partie d’un                      - La ressource principale de Saint-Maurice l’Exil où
groupe de travail large regroupant la Fédération                        nous pompons dans la nappe alluviale du Rhône.
nationale des collectivités concédantes et régies                     Le captage du Golley connait depuis longtemps une
(FNCCR) mais aussi l’ASTEE, l’ONEMA, etc. Le                          dégradation de la qualité en termes de nitrates, de
syndicat des eaux du Vivier a poussé d’autres                         pesticides et de phytosanitaires.
collectivités adhérentes à la FNCCR à s’emparer                       Depuis les années 1990, la politique a été variable
du sujet. Les hydrosystèmes n’ont pas les mêmes                       en partant d’une vague implication, puis notre
temps de réponse ; les business model ne sont                         collectivité a suivi de loin les actions initiées par la
donc pas identiques. Cependant, les régions                           Chambre d’agriculture, et financées par l’Agence
comme la nôtre sont suffisamment nombreuses                           de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (AERMC) ;
pour que la réflexion, lancée par un rapport du                       puis une réelle implication. Dans les années 2000,
CGEDD-CGAAER-IGAS « Pour une meilleure                                l’agence nous a demandé de soutenir nous aussi
efficacité et une simplification des dispositions                     financièrement les actions, le SIGEARPE a alors
relatives à la protection des captages d’eau                          abondé de 4 000 euros en suivant les actions des
potable5 », soit revue en termes d’impacts                            agriculteurs via une réunion annuelle sans que
économiques sur la facture d’eau.                                     la qualité de l’eau au captage s’améliore. Jusqu’à
                                                                      l’arrivée du classement en captage Grenelle où
                                                                      les entités comme la nôtre sont devenues

5- http://cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/cgedd/008725-01_rapport.pdf

                                                      congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement               5
responsables des actions menées pour la protection             a démarche de prévention :
                                                              L
des ressources en eau. Cela a été mal vécu :
comment devenir responsable de la qualité de l’eau
                                                              impacts financiers
de la nappe en amont du captage ?
                                                            Ce fonctionnement est-il efficace ? Oui, à l’échelle
Arbitrairement, nous avons décidé que ces efforts
                                                            de 30 ans, les actions sur la qualité de l’eau ont
ne coûteraient pas plus que 4-5 centimes/m3
                                                            un des résultats : vraie baisse des nitrates (mais
puisque de toute façon nous allions traiter l’eau.
                                                            pas jusqu’à descendre sous la barre de 25 mg/L
L’alternative étant d’abandonner totalement la
                                                            de nitrates), pas plus d’apparition de produits
ressource si non exploitable.
                                                            phytosanitaires.
Nous avons rencontré les agriculteurs, ce qui n’avait
                                                            Grâce à l’action préventive, nos variations
jamais eu lieu en 15 ans d’initiatives de leur part.
                                                            climatiques ne provoquent plus de dépassements
Nous avons construit un plan d’action, défini une
                                                            importants de normes (en-dessous des 50 mg/L de
AAC (nouveau vocabulaire), mais la première étape
                                                            nitrates, moins de pics). Mais il faudra un certain
a été de mettre au point notre langage commun :
                                                            temps pour savoir si cette évolution est le fruit du
nous ne possédions pas forcément tous les termes
                                                            hasard ou de notre politique. Je ne peux pas être
employés par l’autre partie…
                                                            plus précis, car nous ne mesurons, aujourd’hui,
                                                            que les menaces connues (phytosanitaire, nitrates).
    Des besoins humains                                    Mais l’engagement est sur du très long terme
                                                            car nous voyons déjà pointer d’autres molécules
Entre nos réunions biannuelles, il ne se passait            potentiellement dangereuses pour la santé, sur
rien et nous avons fait le pari de l’animation pour         lesquelles il va falloir travailler dans l’avenir. Nous
tenter de nous rejoindre, les exploitants et nous-          essayons de travailler avec les agriculteurs sur les
mêmes, la collectivité. Nous sommes entrés dans             produits actuellement utilisés dans les champs
une démarche de MAE territorialisée (MAET), nous            pour voir vers quoi ils ont évolué comme molécules
nous sommes formés et, en 2012, nous avons donc             et commencer à les rechercher dans l’eau.
recruté un animateur pour faire le lien avec le
monde agricole. Nous l’avons partagé à mi-temps             En 2015, nous avons repris l’animateur à temps
avec un autre syndicat et nous avons réalisé des            complet : nous voulions intégrer pleinement ce
formations, des enquêtes individuelles, etc. (en            nouveau métier dans notre organigramme (prise
remettant 8 000 euros sur la table dont l’utilisation       de conscience des 27 agents du syndicat sur cette
était très transparente)                                    problématique de la qualité de la ressource en eau).
Travailler sur la ressource en eau avec les                 Lorsqu’on travaille à l’échelle de toutes nos
agriculteurs demande avant tout des qualités                ressources et sur l’ensemble de nos actions,
humaines. Ce sont des familles avec des chefs               les analyses, etc. ; l’impact de la démarche de
d’entreprise et il est important de comprendre              prévention représente 6 centimes/m3 vendu, soit
leurs difficultés. Inversement, ils boivent l’eau du        2 centimes sur la facture d’eau, déduction faite des
territoire et sont conscients du rôle qu’ils ont à jouer.   aides de l’AERMC.
Les personnes qui ont envie de travailler ensemble
trouvent un terrain d’entente. Notre animateur a            Le coût de traitement a été estimé sur 2 exemples
une formation universitaire d’hydrogéologue, mais           de syndicats à peu près semblables en Isère. Sans
c’est sa personnalité qui a fait la différence.             compter l’investissement des installations difficiles
                                                            à estimer, les coûts de fonctionnement seraient
L’écueil, au départ, était économique : les                 de l’ordre de 8 centimes/m3 produit (production
agriculteurs demandaient une indemnisation. Ce              de 100 000 m3/an par charbon actif en régie) à
discours n’est plus tenu, ou plus sous cette forme ;        16 centimes/m3 produit (production de 300 000 m3/
nous avons de notre côté révisé notre approche.             an). Le rendement de réseau n’étant jamais de
Nous avons, toujours dans la limite que je citais,          100%, le coût est donc un peu pus élevé si on le
provisionné des montants pour indemniser les                ramène au m3 distribué et davantage au m3 vendu.
exploitants. Nous tenions à plafonner notre
implication car nous ne voulions pas devenir des            Ceci nous conforte donc dans notre raisonnement,
financeurs de l’agriculture.                                avec la prise en compte d’un nouveau métier que
Depuis 2012, nous suivons notre plan d’action, nous         nous n’avions pas imaginé il y a quelques années.
avons mis en place des partenariats locaux, que             Nous poursuivons nos actions de préservation
nous évaluons toujours.                                     mais pas à n’importe quel prix. Si nous sommes

6
amenés à traiter les eaux malgré tout, nous                                    Quand le volontariat devient
bénéficierons des dispositifs mis en place pour la
préservation de la ressource.
                                                                               obligatoire

                                                                           Le deuxième programme, de 1996 à 2000, a
  
  Prolo nger les dynamiques de                                             mobilisé l’ensemble des acteurs concernés autour
  temps de crise                                                           des collectivités (collectivités qui n’étaient pas les
                                                                           syndicats d’eau). 19 contrats territoriaux de bassins
   Un programme régional de                                               versants ont été signés à l’échelle régionale. leurs
   protection de la ressource                                              objectifs étaient la sensibilisation, le conseil agricole
                                                                           autour de la fertilisation, les pratiques, les plans
Françoise JEHANNO                                                          de fumure, les cahiers d’épandage, la promotion
Directrice générale des services au Syndicat de l’eau                      de fertilisation hydro-équilibrée, la couverture
du Morbihan                                                                des sols en hiver... Un panel d’actions qui se sont
Bretagne, première région d’élevage donc                                   développées avec l’expérience.
particulièrement touchée par ces problématiques                            À partir des années 2000, les programmes d’action
qui ont fait la Une des journaux et tribunaux.                             Nitrates, qui découlent localement de la directive
Nous avons fait le constat depuis les années 1970                          Nitrates, ont rendu réglementairement obligatoires
d’une rapide et forte augmentation des nitrates.                           certaines de ces actions, leur retirant ainsi de leur
Le premier objectif était d’abord économique. La                           substance volontaire. Dans le même temps, la
directive Nitrates6 de 1991 a fait quelque peu réagir                      France a été condamnée pour des manquements à
les pouvoirs publics. Ils se sont alors organisés                          la qualité des eaux brutes, principalement à cause
au sein du Contrat de plan État-Région (CPER).                             du territoire breton (rappel : ne pas confondre avec
Le problème a donc été pris en compte au niveau                            l’eau distribuée qui, elle, a toujours été potable).
régional, avec la mise en place de programmes                              Suite à cette condamnation, nous avons élargi nos
destinés à maintenir le potentiel économique en                            démarches : dans le programme suivant, 45 contrats
Bretagne tout en réduisant la pollution d’origine                          de bassin-versant, portant sur la problématique
agricole. Les notions d’AAC, et même de captage                            eau potable, ont été signés. Le territoire régional
d’eau potable, n’existaient pas : le CPER permettait                       est désormais presque entièrement couvert par ce
de coordonner les moyens financiers employés pour                          type de démarches.
protéger la ressource en eau sur la région Bretagne                        Aujourd’hui, les contrats sont plus ambitieux : ils
(Europe, Etat, région, département, Agence de l’eau,                       intègrent les notions de bocage, de morphologie,
etc.).                                                                     d’entretien, de travaux en cours d’eau, de continuité
Les programmes ont progressivement évolué,                                 écologique… De par notre historique, nous visons
notamment avec la loi sur l’eau7. Ils ont privilégié                       plus l’atteinte du bon état des eaux (logique
les actions préventives à l’échelle du bassin-                             Directive Cadre sur l’Eau) que la stricte potabilité
versant en intégrant une notion de gestion équi-                           sur quelques paramètres (phytosanitaires et
librée de la ressource.                                                    nitrates).

                                                                           Les actions vis-à-vis des pollutions diffuses
                                                                           sont maintenant plus restreintes, vu l’historique
                                                                           exposé précédemment. Les systèmes agricoles
                                                                           ont été optimisés. Les dernières fuites d’azote
                                                                           sont incompressibles, sauf à changer de modèle
                                                                           économique mais les résistances sont fortes.
                                                                           Ce type d’actions est aussi moins pertinent vu
                                                                           l’évolution de la réglementation, qui a rattrapé les
                                                                           actions volontaires.
                                                                           La qualité des eaux terrestres s’est améliorée,
                                                                           hormis certaines proliférations d’algues vertes. La
                                                                           logique des financeurs aujourd’hui est celle de la
                                                                           directive-cadre sur l’eau (DCE).

6- Directive européenne 91/676/CEE du 12 décembre 1991. Les objectifs de la directive Nitrates sont rejoignent ceux de la DCE et font ainsi
   partie des objectifs de reconquête du bon état des eaux.
7- Loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau.

                                                          congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement                              7
Coûts et bénéfices                                            a Région Wallonne, entre
                                                                  L
                                                                  coercition et collaborations
On parle de pollutions diffuses et les coûts liés à
la protection de la ressource en eau vis-à-vis de                 Une instance à l’échelle régionale
ces pollutions sont également diffus. Les maîtrises
d’ouvrage se sont organisées autour de syndicats                Nicolas TRIOLET
de bassins versants (syndicats intercommunaux                   Responsable du service protection des ressources en
ou syndicats mixtes différents des syndicats de                 eau de la Société publique de gestion de l’eau (SPGE),
production d’eau potable), ce qui fait que nous                 Région wallonne, Belgique
n’avons pas de visibilité sur les coûts. Ces syndicats          Comme beaucoup de pays européens, les principaux
se sont associés progressivement à d’autres maîtres             problèmes actuels portent sur les nitrates et les
d’ouvrage comme les chambres d’agriculture,                     pesticides. Sur nos 600 zones de captages, environ
les mouvements d’agriculture biologique, les                    15% présentent un risque en termes de pollutions
fédérations de pêche, etc.                                      diffuses.

La Bretagne partait de loin et n’a pas eu le choix              Pour voir comment nous répondons à ces enjeux,
d’avancer dans des actions de protection de la                  resituons le contexte belge et en particulier wallon :
ressource un peu lourdement. En 15 ans, de 1994                 La Belgique est un état fédéral, de nombreuses
à 2010, 1 milliard d’euros d’aides publiques ont été            compétences,       dont     l’environnement,     sont
fléchés sur la Bretagne pour ces programmes (via                régionalisées. En Wallonie, le ministre de
Bretagne Eau Pure, le programme de lutte contre                 l’environnement a la compétence de l’eau. Il y a donc
les pollutions d’origine agricole, le plan hexagonal            une administration de l’eau qui va nécessairement
de l’agriculture, etc.). Ce montant ne tient pas                réaliser des contrôles et des mesures chez les
compte de la participation des collectivités et des             agriculteurs notamment et gérer les systèmes de
agriculteurs eux-mêmes ; qui ont notamment pris                 surveillance des eaux souterraines et de surface.
en charge la mise aux normes des exploitations                  La Société publique de gestion de l’eau (SPGE)
d’élevage, ce qui a pesé sur les dynamiques de                  a été créée par le gouvernement wallon pour
territoire.                                                     investir en matière d’épuration des eaux usées et
                                                                de protection des captages. Nous fixons le Coût
En ce qui concerne Eau du Morbihan : même si le                 vérité assainissement (CVA)8 et nous percevons
portage se fait par des syndicats mixtes, vu l’enjeu            une redevance captage auprès des 50 producteurs-
eau potable, notre syndicat départemental s’était               distributeurs du territoire (via un contrat de service
investi dès 1996 en apportant son soutien financier             et prélevée sur la facture d’eau). Ce sont in fine les
par une contribution à la part d’autofinancement                ménages qui paient le coût de l’impact agricole des
des maîtres d’ouvrage. Cette participation est                  mesures.
ciblée sur des actions de suivi de la qualité de                La SPGE mutualise les recettes au niveau régional
l’eau, d’animation et de communication, d’actions               et les affecte à la protection de la ressource en
sur les pollutions diffuses en amont des prises                 eau. Les enjeux actuels allant davantage vers les
d’eau. Il y a aussi des actions de bassin-versant sur           aires d’alimentation de captage et les pollutions
des problématiques sans lien avec l’eau potable.                diffuses que restreints au périmètre de protection
Aujourd’hui, nous sommes sur des actions discutées              réglementaire.
avec les maîtres d’ouvrage et priorisées sur les
AAC. Nous ne faisons pas de chèque en blanc.
Nous participons à la définition des besoins, nous
suivons les actions et nous sommes cosignataires
des contrats de bassin-versant.
L’ensemble des actions pour le milieu naturel en
Morbihan, en 2015, s’élevait à plus de 5 millions
d’euros. Les actions en lien avec la pollution diffuse
et l’animation en représentent trois millions. Notre
contribution, sur notre périmètre, est à hauteur de
10 % de cette enveloppe.

8- http://www.spge.be/fr/le-prix-de-l-eau.html?IDC=7&IDD=298

8
Une action régionale et locale                                      proviennent des eaux souterraines. Le temps de
                                                                        transfert, qui est dans certains cas de 25-30 ans,
Au niveau régional, nous avons établi des plans                         représente autant de délai avant que se voient les
de gestion de la DCE. Nous suivons également la                         effets d’une action publique.
directive Nitrates, le « paquet pesticides9» et toute
la série de réglementations auxquelles les pays                             Mesures répressives et incitatives
européens sont soumis.
Notre programme de gestion durable de l’azote en                        Nous avons mis en œuvre un schéma directeur de
agriculture est notre réponse à la directive Nitrates.                  production au niveau régional. Un certain nombre
Suivant ce programme, tous les agriculteurs                             de petits captages difficiles à contrôler et ayant des
wallons, même hors des zones vulnérables, doivent                       problèmes qualitatifs vont être, suivant ce schéma,
appliquer certaines normes.                                             supprimés pour alimenter les usagers concernés
Notre arsenal comporte un contrôle très intéressant :                   avec d’autres ressources plus importantes et mieux
l’azote potentiellement lessivable (APL). Il s’agit                     protégées.
de quantifier les reliquats azotés en période de                        Si le ministre constate que les concentrations en
lessivage (septembre-décembre). La mesure                               nitrates ou pesticides atteignent 75 % de la norme,
de contrôle est comparée à des exploitations de                         il peut prendre toutes les mesures nécessaires
référence, dont nous savons qu’elles appliquent                         pour diminuer les teneurs dans l’eau, pouvant
fidèlement les directives.                                              aller jusqu’à l’interdiction d’épandage ou au
Si, chez l’agriculteur contrôlé, deux parcelles                         changement de cultures.
sur trois sortent des normes, nous lançons le                           Nous préférons toutefois utiliser des mesures
programme d’actions qui peut aboutir, in fine                           incitatives. Nos « contrats captage », sans doute
au bout de 4 ans, à une pénalité législative de                         assez proches de vos contrats territoriaux,
100 euros/ha de surface agricole utile.                                 permettent d’établir un diagnostic et de préconiser
                                                                        des mesures pour mettre en place des bonnes
   Encadrement agricole                                                pratiques. Cette approche se révèle efficace sur de
                                                                        nombreux cas concrets.
Les agriculteurs sont contrôlés, mais ont aussi
besoin de conseil en amont.                                                Un coût supporté par le consommateur
La SPGE et l’administration de la région wallonne
ont investi dans des structures d’encadrement                           C’est le consommateur (les ménages) qui paye
agricole. Citons par exemple PhytEauWal10, que je                       la facture. Le taux de récupération des coûts
préside : nos 25 conseillers agricoles se rendent                       environnementaux (tel que calculés lors du
gratuitement dans les fermes, préconisent de                            deuxième plan de gestion de la DCE) pour le
bonnes pratiques et suivent les agriculteurs. Cela                      secteur agricole est de 2,6 % seulement (pollutions
représente 25 000 ha conseillés et 2 000 visites par                    diffuses agricoles).
an, financés par la collectivité. Contrairement à la
démarche d’animation territoriale évoquée tout à                           Des solutions reproductibles ?
l’heure, nous n’agissons pas que sur les bassins
d’alimentation de captages mais aussi sur la zone
                                                                        Hélène HERZOG-STASI
vulnérable au sens large. Il y a aussi des actions
                                                                        Ces démarches différentes sont-elles dupliquables
spécifiques sur la protection des captages aussi.
                                                                        ou chaque contexte est-il réellement différent ?
Clairement, l’encadrement ne fonctionne pas
s’il n’y a pas de contrôle. D’ailleurs, l’APL (azote                         ’importance d’une interface avec
                                                                            L
potentiellement lessivable) est aussi un excellent                          le monde agricole
indicateur. Même si les effets ne se retrouvent pas
encore dans l’eau, nous constatons une diminution                       Marc LAMBERT
des teneurs. L’APL moyen régional est passé de 46                       Chaque hydro-système réagit plus ou moins
kg d’azote nitrique/ha à 40 kg. Nous devons certes                      rapidement (un an à plus de 20 ans). Par contre,
investir dans le traitement, mais nous ne devons pas                    ce qui peut être transposable, c’est de se doter de
négliger la prévention : 80 % de nos eaux potables                      personnes qui comprennent la profession agricole

9- Règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits
   phytopharmaceutiques ; Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil de l’Europe du 21 octobre 2009 instaurant un cadre
   d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.
10- http://www.phyteauwal.be/
                                                        congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement                          9
et puissent servir d’interprète avec la collectivité.         etrouver la confiance des
                                                             R
Lorsque nous avons recruté un animateur agricole,
nous avons subi les réticences du Conseil régional
                                                             consommateurs d’eau
de Poitou-Charentes. La crainte était de compliquer
                                                           Hélène HERZOG-STASI
les rapports avec les instances professionnelles
                                                           Le coût de protection de la ressource en eau est-il
du monde agricole. Deux ans plus tard, aucune
                                                           à considérer comme un investissement pour le
signature de contrat territorial ne se faisait en
                                                           futur ?
l’absence de ces animateurs agricoles.
                                                           Christophe POUPARD
     Garder la maîtrise des préconisations                C’est un investissement pour le futur, en effet,
                                                           et non seulement pour les coûts de traitement,
Il s’agit ensuite de conserver une « ligne éditoriale ».   mais aussi pour la protection de la biodiversité et
Tout en conservant des partenariats techniques,            la lutte contre le changement climatique. Il y a un
nous devons rester à l’origine des préconisations          réel intérêt économique à faire de la protection
faites par les professionnels de l’agriculture (notre      de la ressource en eau très en amont, même s’il
animateur agricole, l’INRA etc.) Comment savoir,           est difficile de chiffrer le coût de la disparition de
autrement, que le business model des exploitants           biodiversité et un certain nombre de services qu’elle
agricoles sur notre AAC justifie 50, 100, 1 000 euros      nous rend comme l’épuration de l’eau au travers
d’indemnisation pour un changement de pratique ?           des zones humides et des bandes enherbées.
Cela permet d’accéder aux vrais leviers.                   Suite à une enquête réalisée en 2014, nous avons
En corollaire de ceci, il ne faut pas diviser la           constaté que 3 millions de personnes buvaient de
compétence production en plusieurs missions (en            l’eau en bouteilles ou de l’eau filtrée plutôt que l’eau
retirant la protection de la ressource en eau) qui         du robinet, par crainte des pollutions industrielles
échapperaient à la maîtrise du prix total et de ces        ou agricoles. Alors que leur eau potable respecte
indemnisations.                                            toutes les normes. Mais ils ont en tête qu’un risque
Ensuite, l’État n’étant plus réellement en mesure          existe. Le surcoût global sur leur budget est estimé
de réaliser un réel contrôle, nous nous devons             à 300 millions d’euros. Nous devons regagner la
d’y participer. En plus du contrôle à la source,           confiance des consommateurs.
il faut offrir des solutions de conseil et de suivi
sur le terrain en contrepartie de la participation           Échanges avec la salle
des organismes professionnels agricoles (OPA),
coopératives.                                              Marc AUBRY, directeur de Morbihan Energies
Enfin, nous devons nous affranchir, dans les               Les bandes enherbées sont-elles toujours aussi
mesures, des effets climatiques, et disposer de            efficaces ? Car j’ai entendu dire qu’elles relarguaient
données agricoles.                                         les nitrates.

      aire supporter les coûts par le
     F                                                     Nicolas TRIOLET
                                                           La bande enherbée est un phénomène antiérosif.
     plus grand nombre
                                                           L’herbe est mise en place pour pomper le nitrate
                                                           et lors de la fauche, il y a exportation de nitrates
Pour éviter que la démarche fasse exploser le prix
                                                           qui pourraient rester donc il est nécessaire qu’elle
de l’eau, nous devons, comme le fait la Belgique,
                                                           soit bien mise en place pour éviter que le nitrate
songer à une péréquation à une échelle beaucoup
                                                           aille vers la nappe ou la rivière. Il en est de même
plus large que l’AAC. Les usagers captifs d’une AAC
                                                           avec les cultures intermédiaires pièges à nitrates
contaminée ne peuvent supporter seuls les effets
                                                           (CIPAN) type moutardes, phacélies, mises en place
de décennies d’industrialisation agricole.
                                                           à l’automne pour pomper le nitrate qui reste dans le
C’est au travers des agences de l’eau, voire
                                                           sol et éviter son lessivage.
nationalement, que la péréquation est possible.
Le syndicat des eaux du Vivier a fait l’exercice de
calcul des coûts et ce n’est pas tenable de prendre          Sanctions et compensations
en charge, seul, les actions de protection de la
ressource sur l’AAC (augmentation de 300% du prix          Laure SEMBLAT, Département cycle de l’eau, FNCCR
de l’eau actuel) surtout lorsque les services d’eau        Nous avons parlé de contrôles nécessaires et
potable sont priés de ne pas augmenter le prix de          d’échelle de travail optimale. Au niveau des coûts,
l’eau au-delà de l’inflation.                              subsistent des interrogations sur la comparaison
                                                           Belgique/France. La SPGE a parlé de sanctions.

10
À notre échelle nationale, nous n’avons pas               actuellement et ne dépassent pas les seuils. Les
aujourd’hui d’équivalent.                                 nouveaux classements prioritaires avec obligation
Lorsque l’on dialogue en France avec le                   de programmes d’actions et de nouveaux objectifs
monde agricole, on est confronté à la notion de           alors que « tout va bien » sont difficiles à faire
compensation. Même dans les termes européens,             accepter aux exploitants. Les efforts ont déjà été
il n’est pas question d’indemnisation. Quel est           faits collectivement et il n’est pas possible de porter
l’argumentaire des agriculteurs en Wallonie ?             seul cette nouvelle réglementation.
Le terme de compensation est-il employé dans
la construction des contrats ? Ou plutôt celui de         Christophe POUPARD
« construction collective » ? Les sanctions ne sont-      Il est vrai que tout le monde se mobilise quand il y
elles pas suffisamment inhibantes, au regard du           a le feu et qu’ensuite les efforts retombent. On se
potentiel de ces compensations qui oriente à chaque       rend compte alors qu’on ne règle pas le problème
fois la manière avec laquelle les collectivités sont      de fond : on utilise toujours de l’azote en trop
sollicitées?                                              grande quantité et des phytosanitaires malgré
                                                          leurs conséquences sur la santé. Il s’agit bien,
Nicolas TRIOLET                                           au fond, de faire changer petit à petit le modèle
La DCE est pensée en termes de résultat et non            agricole actuel qui est un modèle fabriqué au sortir
pas de moyens.                                            de la guerre pour produire massivement.
Le programme de gestion durable de l’azote,               Ce modèle a tout à fait rempli son objectif, et nous
la directive Nitrates, les dispositifs autour des         pouvons avoir de la gratitude pour nos agriculteurs
pesticides fonctionnent en Wallonie selon le              qui ont fait ces efforts pour que l’on ait profusion de
principe de conditionnalité des aides. Dès lors que       nourritures à portée de main ; mais de nouveaux
l’agriculteur ne respecte pas, dans un certain délai,     défis se trouvent devant nous, et nous devons
les mesures préconisées dans ces programmes,              changer collectivement ce modèle. Le ministère de
il s’expose à une diminution des primes agricoles,        l’agriculture promeut l’agro-écologie (mieux utiliser
pouvant aller jusqu’à 100 % au bout de 5 ans.             ce que les écosystèmes nous donnent comme
Bien entendu, nous avons aussi des compensations.         fonctionnalité pour produire) mais on a encore un
Nous      disposons      d’un    programme        agri-   long chemin devant nous.
environnemental qui permet à l’agriculteur,
moyennant des bonnes pratiques, de compenser              Laurent GOUILLOUD
une éventuelle perte de revenus. Nous réfléchissons       Nous avons une petite AAC concernant 25-30
d’ailleurs à une MAE « eau » dont l’objectif serait       agriculteurs. Sur les reliquats azotés, nous avons
pour chaque agriculteur d’obtenir moins de 40 kg          mis en place une action, avec la volonté qu’elle
d’azote nitrique/ha sur ses parcelles quelle que soit     devienne pérenne après la fin des aides. Deux
la culture. Ce serait une manière de récompenser          tiers des exploitants ont effectivement poursuivi
l’agriculteur pour ses bons résultats. Il est important   les pratiques. Nous avons gardé un rôle d’organi-
de travailler sur les résultats et non sur les moyens     sateur, de facilitateur de la démarche. Nous
pour faire dans la durabilité.                            avons des outils mobilisables sur chaque
L’inconvénient des MAE est qu’elles durent 5 ans          territoire de part notre nature de syndicats des
et qu’une fois les compensations terminées, les           eaux, d’intercommunalités, inclus dans des
mauvaises pratiques reviennent.                           bassins versants : nous devons échanger, à
                                                          ces échelles, sur ces problématiques. Nous
   Pérenniser les bonnes pratiques                       devons parler « eau », mais aussi « économie »,
                                                          « développement », « urbanisme », « paysages »,
Françoise JEHANNO                                         avec tous nos interlocuteurs des autres services (de
Le caractère durable est difficile à atteindre. En        l’État, de la Direction départementale des territoires
Bretagne, les collectivités, la profession se sont        (DDT), d’autres directions de la même structure,
mobilisées au moment de la crise, lorsque nous            etc.)
étions sous le coup du contentieux européen. À
partir du moment où les efforts ont été faits et          Nicolas TRIOLET
nous sommes arrivés à une situation satisfaisante         Notre APL (reliquat d’azote) n’est pas qu’une
au niveau des captages d’eau potable, il a été            mesure de contrôle. Pour l’agriculteur, c’est là
extrêmement difficile de préserver la mobilisation.       un bon indicateur de performance économique :
Il n’est plus question de faire baisser encore            l’engrais qui reste dans le sol a été payé lui aussi,
les concentrations en nitrates qui stagnent               mais ne se retrouve pas dans le tonnage produit.

                                              congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement        11
Nous mettons ceci en avant dans nos contrats                                l’énergie, en particulier en cogénération pour le
captage : les syndicats d’eaux financent des                                séchage des boues issues des stations d’épuration
contrôles supplémentaires, qui permettent in fine                           gérées par la SPGE.
à l’exploitant de voir comment il a tenu sa saison
culturale et de mesurer sa performance au travers
de ce qu’il reste dans le sol.
                                                                                Protection de la ressource et loi
                                                                                NOTRe
     Agir sur la filière
                                                                            Hélène HERZOG-STASI
Laure SEMBLAT                                                               Nous sommes pris dans une réforme territoriale
Je profite de la présence d’un représentant de la                           qui va redistribuer les compétences. Cela fait-il
région wallonne pour vous demander si, lorsque                              peser un risque sur les schémas et les démarches
vous mettez en place une mesure, vous intégrez                              qui ont été exposés ?
aussi, dans la facture d’eau, la prise en charge du
développement de filière ? Les actions que vous                             Françoise JEHANNO
entreprenez se limitent-elles à la partie pratique                          La structuration des maîtrises d’ouvrage
agricole, ou sont-elles étendues à la filière, à la                         en Bretagne se fait sur la base de syndicats
distribution, voire au marché ? Et que prend en                             intercommunaux. Dans le cadre de la loi NoTRe12,
charge la facture d’eau ?                                                   ceux-ci sont pointés du doigt.
                                                                            Pour autant, la logique de bassin-versant se
Nicolas TRIOLET                                                             différencie des logiques administratives. Il s’agit
Notre facture d’eau comprend :                                              aujourd’hui de conserver la dynamique à l’échelle
- Un coût-vérité distribution11, qui reprend bien                          de bassins versants, alors que les compétences,
   entendu les frais du producteur-distributeur                             officiellement, sont dévolues aux Établissements
   (réseaux/usines), et qui englobe également :                             publics de coopération intercommunale (EPCI). Il
- une contribution de prélèvement (sur les quantités                       est à craindre que, pendant quelques années
   d’eau produites) qui permet de gérer les aspects                         (le temps des transferts de compétences, des
   quantitatives via le schéma directeur de produc-                         adhésions, des maintiens ou non de ces structures
   tion d’eau ;                                                             à l’échelle du bassin-versant), les programmes
- une redevance de 7,44 centimes d’euros/m3                                d’action soient un peu oubliés. Cependant, la pire
   produit, destinée à la protection de la ressource                        des erreurs, lorsqu’une dynamique est lancée, est
- Un coût-vérité assainissement de 2,11 euros/m3                           de « lever le pied ». Il faut absolument conserver les
   traité et qui risque d’augmenter encore car plus                         acquis.
   le prix de l’eau augmente, moins les gens en
   consomment et on doit continuer à augmenter                              Laurent GOUILLOUD
   le prix de l’eau pour réaliser les investissements                       Notre périmètre se prête bien aux évolutions de la
   nécessaires à la réalisation du service, etc. Nous                       loi NOTRe. Le territoire coïncide avec celui de la
   avons investi 3,5 milliards d’euros depuis 15 ans                        communauté de communes (deux petits bassins
   sur ce poste.                                                            versants). Localement, cette loi nous apportera
Nous n’agissons pas pour un développement filière,                          donc plutôt un bénéfice ; j’ai même hâte de voir son
mais nous observons ce qui se passe en France,                              application, et la simplification des structures pour
notamment en Bretagne. Nous sommes conscients                               toutes nos compétences.
que c’est essentiel de pouvoir lier les pratiques
agricoles aux filières car c’est bien le type de culture                    Marc LAMBERT
qui pose problème. Par exemple, pour une pomme                              Le syndicat des eaux du Vivier va être dissous dans
de terre, on passe 23 fois avec un phytosanitaire,                          une agglomération. Même si nous sommes déjà le
en termes de reliquat d’azote, on aura entre 90 et                          service d’eau de cette agglomération dans le fait, la
100 kg d’azote nitrique allant directement dans le                          loi NOTRe va changer la gouvernance.
sol parce que la plante ne pourra pas tout prélever,                        D’autre part, si une condamnation européenne est
et on devra mettre des pesticides pour lutter                               prononcée sur la qualité des ressources en eau
contre les maladies. Nous réfléchissons donc au                             après 2020, la loi indique que ce sont les habitants
développement de filières du type miscanthus pour                           qui vivent dans l’agglomération qui récupère la

11- Coût absolu, tous frais compris (notion belge). Autre exemple : « La gestion de nos déchets coûte cher, il faut les collecter mais surtout
    les traiter. Le coût-vérité est le coût réel et complet de la collecte et du traitement des déchets des ménages. » (syndicat de déchets
    Viroinval). Pour plus d’informations : http://www.spge.be/fr/le-prix-de-l-eau.html?IDC=7&IDD=298
12- Loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République.

12
compétence « eau potable » (qu’ils habitent ou
non sur l’AAC) qui supporteront la pénalité. L’État,
manifestement, botte ici en touche.
J’encourage tous les services d’eaux à démontrer
qu’ils ont eu une démarche proactive auprès des
professions agricole et industrielle et tout ce qui
contribue à dégrader la qualité de la masse d’eau.
Ils doivent faire valoir que la réglementation leur
fera supporter l’amende alors qu’ils n’auront pas
nécessairement les leviers pour agir sur le territoire
incriminé. C’est là une des raisons fortes pour ne
pas découper la compétence production.

                                             congrès de la FNCCR - juin 2016 / Eau et assainissement   13
Du 21 au 23 juin
Intelligences territoriales
                          Tours
                                       CONGRÈS 2016
                                                      Rédaction et conception graphique : agence AVERTI – www.averti.fr
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