Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY

La page est créée Pascal Rolland
 
CONTINUER À LIRE
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre de l’attractivité
industrielle de la France

Le grand
paradoxe
Novembre 2018
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre EY de l’attractivité
                        Baromètre
                               industrielle
                                    EY de del’attractivité
                                               la France : industrielle de la France : le grand paradoxe
                                                           le grand paradoxe

    AVANT-PROPOS
                                                         Jean-Pierre Letartre
                                                         Président d’EY France,
                                                         CEO d’EY France, Luxembourg et Maghreb

                         Nombreux et riches sont les commentaires,                        Selon le Baromètre EY, la France est la
                         les études, les statistiques sur l’industrie                     première destination européenne des
                         française. Nombreuses sont les crises, mais                      investissements étrangers dans l’industrie
                         aussi les réussites industrielles qui continuent                 depuis plusieurs années. Ce n’est pas un
                         de marquer nos territoires. Dans cette somme                     hasard. Si leurs maisons-mères ont choisi notre
                         d’informations, difficile d’avoir un point de vue                pays pour accélérer leur développement, faire
                         objectif sur sa situation réelle.                                de la recherche, c’est au fil de choix complexes,
                                                                                          objectifs, factuels.
                         Pour les plus pessimistes, l’industrie française,
                         c’est un déficit commercial qui perdure depuis                   Notre observation est que ces choix reposent
                         2003, une fuite des emplois vers les services                    sur un ensemble de paradoxes. Au cours de
                         ou le chômage, des délocalisations d’outils                      nos échanges avec ces industriels, nous en
                         industriels, un avenir incertain, compte tenu                    avons relevé trois principaux. Ils expliquent
                         de la mondialisation et de la robotisation                       le décalage entre la perception que l’on a de
                         désormais largement engagée…                                     notre pays et de son industrie et sa capacité à
                                                                                          attirer les capitaux et les cerveaux du monde
                         Ce constat brutal est à la fois juste et                         entier. Ils nous donnent de nouvelles clés de
                         réducteur. Surtout, il ne dit pas quelle est la                  compréhension de son fonctionnement et plus
                         place réelle de notre industrie dans l’économie,                 globalement de celui de l’économie française.
                         les territoires et la société française.                         Ils cassent certaines idées reçues, et apportent
                                                                                          un éclairage nouveau sur les ressorts de nos
                         Certes, la France n’a plus la position dominante                 industries.
                         qu’elle eut naguère sur l’industrie. Qui se
                         rappelle qu’elle comptait 185 constructeurs                      Vous l’aurez compris, ce Baromètre EY de
                         automobiles en 1914 et que de leurs usines                       l’attractivité industrielle n’est pas un portrait
                         sortait la moitié de la production mondiale ?                    angélique du Made in France, même si les
                         Qui se souvient que la France était le premier                   innovations présentées ce mois-ci au Grand
                         constructeur d’avions et de moteurs d’avions                     Palais lors de “L’Usine Extraordinaire” invitent
                         avant la Grande Guerre ? Que sa chimie, sa                       à l’enthousiasme. Ce Baromètre n’est pas non
                         pharmacie, son agroalimentaire s’imposaient                      plus une photographie à 360° de l’industrie
                         aux quatre coins du monde ?                                      tricolore, mais le reflet tout en contrastes
                         Que Alcatel était il y a peu le numéro un                        du regard des investisseurs étrangers, qui
                         mondial des équipementiers télécom ?                             témoigne de leur confiance mais aussi de leur
                                                                                          retenue, parfois, vis-à-vis de la France.
                         Certes, l’industrie reste fragile en France.
                         En 2017, pour la première fois depuis 2000,                      Et qui explique pourquoi, à leurs yeux,
                         elle créait des emplois : 5 400 au total.                        elle reste encore, finalement, un pays
                                                                                          extraordinaire. Si eux y croient, pourquoi pas
                         Mais la flamme n’est pas éteinte, loin de là.                    nous ?
                         En dépit de ces difficultés, de ces fragilités,
                         d’autres chiffres existent, plus encourageants,
                         qui témoignent avec force du pouvoir
                         d’attraction de notre industrie auprès des
                         dirigeants étrangers.

2
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

    La France est leader en Europe,                                               38 % des répondants du
    avec 323 projets industriels menés                                            Baromètre EY de l’attractivité
    par des investisseurs étrangers,                                              2018 souhaitent une baisse du
    contre 216 au Royaume-Uni                                                     coût du travail en France.
    et 163 en Allemagne.

    L’industrie capte le tiers des projets                                        41 % des répondants du
    d’investissement étranger en France.                                          Baromètre EY de l’attractivité
    À titre de comparaison, ce ratio ne                                           2018 souhaitent plus de
    s’élève qu’à 20 % au Royaume-Uni et                                           simplification administrative.
    en Allemagne.
                                                                                  Seuls 32 emplois sont créés
                                                                                  par IDE* industriel, contre 50 au
    77 % des décideurs internationaux                                             Royaume-Uni et 60 en Allemagne.
    ont confiance en l’avenir de
    l’industrie en France.
                                                                                  Entre 2014 et 2016, seules 51 %
                                                                                  des entreprises de 10 salariés
    73 % des consommateurs sont prêts                                             ou plus ont innové.
    à payer plus pour des produits
    garantis Made in France.

                                                           * IDE : investissements directs à l’étranger
                                                           Sources : Baromètre EY de l’attractivité de la France (2018), INSEE (2018),
                                                           Enquête LSA (février 2018)

Sommaire
        e constat
       L
       Certes, l’industrie en France est au milieu du gué, mais elle se révèle attractive

        aradoxe 1
       P
       La France a un coût élevé, mais elle est plus compétitive qu’on ne le croit

       Paradoxe 2
         La France a su développer de grands champions, mais nos PME et nos ETI industrielles
         doivent développer leur rayonnement mondial

        aradoxe 3
       P
       Bien que complexe et centralisée, la France industrielle parvient à irriguer tous les territoires

       L’industrie française face aux défis de son attractivité

                                                                                                                                         3
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Le constat

Certes, l’industrie en France
est au milieu du gué,
mais elle se révèle attractive

L’Europe - et la France en particulier -
continuent d’attirer les investissements
industriels étrangers

Depuis la fin de la crise financière, les                                 Notons que l’Europe de l’Ouest et l’Europe de
investissements étrangers dans l’industrie                                l’Est se « partagent » de manière quasi égale
sont repartis à la hausse en Europe, avec                                 ces investissements (51 % vs. 49 %), même
un taux de croissance annuel moyen de près                                si les implantations dans les pays d’Europe
de 20 % ces cinq dernières années, exprimé                                centrale et orientale (PECO) sont évidemment
en nombre de projets d’implantation ou                                    plus intensives en emplois (60 % vs. 40 % selon
d’extension portés par les investissements                                le Baromètre de l’attractivité de la France
directs étrangers (IDE).                                                  2018).

II Nombre de projets industriels portés par des investisseurs étrangers
   en Europe
                                                                 +27 %
                                                                               1 982

                                                  +7 %

                                                         1 562
                                      1 455

                    1 237

    1 018                                                                              Taux de croissance
                                                                                       annuel moyen
                                                                                       2013-2017
                                                                                       +19 %

    2013            2014               2015              2016                  2017

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (données IBM 2017)

4
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

                            Un marché européen de 500 millions                     C’est notamment le cas de 1
                            de consommateurs, la puissance                         salarié sur 5 dans l’industrie
                            mondiale de grands donneurs                            manufacturière.
                            d’ordre dans certaines industries                      Dans ce contexte de résilience
                            clés (automobile, aéronautique,                        européenne et d’attractivité plus
                            santé...), la compacité de ses chaînes                 soutenue, la France accueillait 16 %
                            logistiques, la variété des structures                 des projets européens en 2017.
                            de coûts et des mécanismes fiscaux                     Contre toute attente, compte
                            incitatifs... Les raisons de cette                     tenu des difficultés de certaines
                            progression des IDE sont multiples                     filières, la France est le pays qui
                            et évidemment très spécifiques à                       accueille le plus d’investissements
                            chaque filière.                                        industriels étrangers en Europe.
                            Plus de 22 000 entreprises à                           Cette situation n’est pas nouvelle.
                            capitaux étrangers sont implantées                     Elle dure depuis 2000, année de
                            en France, et près de 1 salarié sur 9                  publication du premier Baromètre
                            travaille dans une filiale de groupe                   EY de l’attractivité. Mieux, la France
                            étranger.                                              creuse l’écart avec le Royaume-Uni et
                                                                                   l’Allemagne entre 2016 et 2017.

II Implantations et extensions d’usines réalisées en 2016 et 2017
   par des investisseurs étrangers en Europe (nombre de projets)
   Rang         Pays                            Projets            Projets           Évolution          Pourcentage
                                                2016               2017              2016/2017          total 2017

   1            France                          212                323               52 %               16 %

    2           Royaume-Uni                     184                216               17 %               11 %

    3           Turquie                         98                 201               105 %              10 %

    4           Russie                          136                178               31 %               9%

    5           Allemagne                       129                163               26 %               8%

    6           Serbie                          34                 88                159 %              4%

    7           République Tchèque              74                 83                12 %               4%

    8           Hongrie                         58                 81                40 %               4%

    9           Pologne                         119                71                -40 %              4%

    10          Belgique                        52                 67                29 %               3%

    11          Espagne                         59                 61                3%                 3%

    12          Roumanie                        56                 47                -16 %              2%

    13          Portugal                        35                 46                31 %               2%

    14          Bosnie Herzégovine              28                 46                64 %               2%

    15          Slovaquie                       42                 33                -21 %              2%

    Autres                                      246                278               13 %               14 %

    Total                                       1 582              1 982             27 %               100 %

  Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018

                                                                                                                                5
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Parmi ces observations factuelles et positives, notons                                Lourd bémol, ces projets industriels sont moins
que le solde de créations (ouverture de nouvelles usines                              créateurs d’emplois en France que chez la plupart
- fermetures d’usines existantes) est redevenu positif                                de ses concurrents. Deux explications peuvent être
au troisième trimestre 2016, l’Observatoire Trendeo de                                avancées. D’une part, l’essentiel des projets sont des
l’emploi et de l’investissement recensant alors près de 40                            extensions de sites déjà existants, qui représentent
ouvertures contre 38 fermetures.                                                      86 % des projets en France, contre seulement 75 %
                                                                                      au Royaume-Uni et 62 % en Allemagne.
Ce même observatoire relève que le mouvement de
relocalisations industrielles s’est affirmé au cours des                              D’autre part, on ne peut occulter le fait que les
douze derniers mois avec 18 relocalisations contre 20                                 investisseurs sont – ou ont été – très prudents face au
délocalisations. Ce phénomène est encourageant, mais il                               coût du travail, à la législation sociale, à l’image que
faudrait qu’il s’intensifie vivement pour effacer les traces                          reflète – ou reflétait – notre pays. Notons toutefois
des délocalisations massives qui ont frappé nos bassins                               que le nombre total d’emplois créés par les IDE dans
industriels et leurs emplois dans les années 1990 et                                  l’industrie en France est assez proche de ceux observés
2000.                                                                                 au Royaume-Uni et en Allemagne.

II Évolution 2013-2017 des investissements industriels en France,
   en Allemagne et au Royaume-Uni (nombre de projets)

                                                                                                 323               +52 %

                                    231
                                                              213              212
                                                                                                 216               + 17 %

                                                             183               184

            166                     165
                                                                                                 163               + 26 %
                                    142                       142
            131
            124                                                                129                                France

                                                                                                                  Royaume-Uni

                                                                                                                  Allemagne

            2013                     2014                     2015             2016              2017

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (données IBM 2017)

6
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

II Top 10 européen en nombre d’emplois créés par des projets industriels
    Rang        Pays                            Projets 2017   Emplois 2017       Emploi/projet 2017

   1            Russie                          178            23 450             132

   2            Serbie                          88             15 757             179

   3            Hongrie                         81             12 183             150

    4           Royaume-Uni                     216            10 825             50

    5           France                          323            10 211             32

    6           Pologne                         71             9 886              139

    7           République Tchèque              83             9 834              118

    8           Allemagne                       163            9 737              60

    9           Turquie                         201            9 286              46

    10          Bosnie Herzégovine              46             7 674              167

    Autres                                      368            25 392             69

    Total                                       1 982          173 958            88

  Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018

                                                                                                                                                   7
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

L’industrie est au centre de l’attractivité tricolore

En dépit de ces handicaps structurels, l’industrie                                      Plus éclairant, sur la même année, ces investissements
représentait en 2017 le tiers des projets                                               comptent pour 40 % des emplois créés par les IDE,
d’investissement étranger en France. À titre de                                         contre 22 % au Royaume-Uni et 31 % en Allemagne.
comparaison, ce ratio ne s’élève                                                        À noter, enfin, que 61 % des projets de Recherche &
qu’à 20 % au Royaume-Uni et en Allemagne.                                               Développement sont réalisés dans l’industrie.

II Poids des activités industrielles dans le flux d’investissement étranger

                     216
                                              22  %*

                                  50
                    Projets Emplois                                                     60  %*
                            par projet

                                                                                                       163

                                        323
                                                               40  %*                                                 31
                                                                                                     Projets    Emplois
                                                                                                               par projet

                                                    32
                                       Projets    Emplois
                                                 par projet                                                            * % des emplois crées par les investissements
                                                                                                                       industriels étrangers par rapport au nombre
                                                                                                                       total d’emplois créés par les IDE

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (données EY 2016, IBM 2017)

Selon le Baromètre EY 2018,                                   Avez-vous confiance en l’avenir de l’industrie en France ?
l’attractivité de la France s’améliore
considérablement. Et cette tendance
devrait se prolonger puisque 80 %
des investisseurs étrangers trouvent
                                                                            13 %                               18 %
désormais le site France attractif
ou très attractif. La proportion

                                                                                                                                                               77 %
                                                                            52 %
de dirigeants envisageant son                                                                                  59 %
amélioration à trois ans a même                           Oui                               Oui
doublé entre 2017 et 2018.                                65 %                              77 %                                                                   Oui
Quand on les interroge sur le sujet,
77 % des décideurs internationaux
ont confiance en l’avenir de
l’industrie en France.                                                      29 %

                                                                                                                                        Oui, tout à fait
                                                          Non                                                  22 %
                                                                                                                                        Oui, plutôt
                                                          35 %                              Non
                                                                                                                                        Non, plutôt pas
                                                                                            23 %
                                                                            6%                                 1%                       Non, pas du tout

                                                                           2017                               2018

                                                               Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (enquête janvier 2018, 144 répondants, entreprises
                                                               implantées en France uniquement)

8
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Le portrait de notre attractivité industrielle
est fait d’ombres et de lumières

Nombreux sont les sujets de réjouissances ou                   Mais en attendant que ces événements se produisent
d’inquiétudes qui pourraient fragiliser ou accélérer le        ou non, une question demeure : comment expliquer
renouvellement de l’industrie. D’un côté, le rythme des        le pouvoir de séduction de l’industrie française sur les
réformes, les marges de manœuvre fiscales offertes             investisseurs étrangers ?
par la réduction de la dépense publique, la relative
robustesse de la demande en France et en Europe, et les        Ne compte-t-elle que des atouts ? Bien sûr que non.
opportunités de relocalisation liées au Brexit permettent      La France industrielle cumule les paradoxes. Nous en
d’envisager avec plus de confiance les prochaines              avons identifié trois, majeurs, qui résument ses forces et
années. De l’autre, les tensions commerciales entre les        ses handicaps.
grandes régions du monde, la compétition fiscale au sein
de l’Europe mais aussi avec les États-Unis incitent à la       Ils nous permettent de dresser son portrait qui, à travers
prudence.                                                      le regard des investisseurs étrangers, témoignent de la
                                                               renaissance du Made in France ou, à tout le moins, de sa
                                                               résilience.

                                                                                                                                      9
Le grand paradoxe Baromètre de l'attractivité industrielle de la France - Novembre 2018 - EY
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Paradoxe n° 1

La France a un coût élevé,
mais elle est plus compétitive
qu’on ne le croit

Le facteur RH est à la fois un fort handicap…
mais aussi la 1re satisfaction
des investisseurs étrangers

Selon le Baromètre EY de l’attractivité de                                  dirigeants internationaux, le seul qui inquiète
la France, le coût du travail reste un des                                  toujours davantage. En revanche, la fiscalité,
grands obstacles à une nouvelle amélioration                                l’environnement administratif et la législation
de notre attractivité. C’est en tout cas,                                   sociale recueillent nettement moins de
parmi les grands enjeux relevés par 208                                     reproches en 2018 qu’en 2017.

II Les réformes qui pourraient jouer en faveur de l’attractivité de la France
   selon les décideurs (résultats et évolution 2017 et 2018)
             2017                     2018

                   Améliorer la compétitivité                                                                            43 %
                         fiscale de la France                                                                                             55 %     -12 pts

        Intensifier l’action de simplification                                                                      41 %
        administrative pour les entreprises                                                                                 46 %          -5 pts

            Poursuivre l’action de réduction                                                                     38 %
                          du coût du travail                                                          31 %                      +7 pts

   Aller plus loin dans la réforme du droit                                                               34 %
 du travail vers une plus grande flexibilité                                                                      39 %
                                                                                                                                 -5 pts

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (enquête janvier 2018, 144 répondants, entreprises implantées en France uniquement)

10
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Comment envisager l’avenir ? Depuis 2012,                       La transformation du crédit d’impôt pour
la progression du coût horaire du travail                       la compétitivité et l’emploi (CICE) en
dans le secteur marchand – qui intègre                          allégements de charges en 2019 pourrait
l’industrie – a été plus modérée en France                      réduire le coût du travail en France dans
qu’en zone euro (+5,4 % contre +7,1 %                           certains secteurs.
en zone euro). L’écart est encore plus
prononcé entre la France et l’Allemagne                         Tentant d’alléger cette pression des coûts,
(+11,4 %). Si l’on observe le coût salarial                     notamment en direction des entreprises à
unitaire, qui tient compte de la productivité,                  capitaux étrangers, l’exécutif a une nouvelle
l’amélioration est également très nette.                        fois retouché le régime fiscal des impatriés.
                                                                Réformé en 2017, il sera encore plus
Conséquence des réformes fiscales et                            favorable grâce aux dispositions contenues
des allégements de charges décidés ces                          dans la loi Pacte qui sera votée par le
dernières années par l’exécutif, le coût de                     Parlement d’ici la fin de l’année.
la main d’œuvre dans l’industrie était plus
faible qu’en Allemagne en 2017 (38,8 €
contre 40,2 €).

                  II Niveau du coût de l’heure de travail (en €)
                                                   Enquête             Enquête              Enquête
                                                   2000                2008                 2018

                        Zone euro*                 21,93               27,02                33,83
                        Allemagne                  28,48               33,37                41,04
                        Royaume-Uni                23,50               23,49                25,80
                        Espagne                    15,12               20,28                23,07
                        France                     24,01               33,16                39,60
                        Italie                     18,28               24,02                28,03
                        Pologne                    -                   6,85                 8,98

                      * zone euro à 11 en 2000, à 19 depuis 2004
                      Source : Eurostat - Calcul Rexecode

                  II Comparaison des montants d’impôts à acquitter
                     selon les régimes d’impatriation (en €)
                                             Impôt sur le revenu               Impôt sur le revenu              Durée
                                             sans régime                       avec régime                      du régime
                                             favorable                         impatrié
                   Royaume-Uni               15 813                            11 007                           7 ans
                   France                    23 335                            5 155                            8 ans
                   Pays-Bas                  35 341                            19 466                           5 ans

                  Source : IGF - Attractivité du territoire pour les talents internationaux, avril 2016, ministère de l’Économie
                  Note : les calculs ont été réalisés sur les bases suivantes : une rémunération nette totale de 100 k€, une prime
                  d’impatriation de 50 k€, 20 % de jours à l’étranger, profil célibataire.

                                                                                                                                     11
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Certes, faire le choix de la France a un coût, mais celui-ci                   Selon Eurostat, le prix du kWh au tarif réglementé pour
est en partie compensé par nos arguments en termes                             les entreprises était de 0,089 € en 2016 en France
de productivité et de compétences. Depuis le début des                         contre 0,149 € en Allemagne et 0,114 € en moyenne
années 2000, les gains de productivité du travail ont                          dans la zone euro.
été plus soutenus et les coûts salariaux unitaires plus                        Enfin, et les industriels étrangers le relèvent très
modérés dans l’industrie manufacturière en France que                          fréquemment, nos compétences en matière industrielle
dans la moyenne de la zone euro (et en particulier en                          sont jugées parmi les plus élevées au monde. Dans
Allemagne, en Espagne et en Italie).                                           l’enquête IMD World Competitiveness Yearbook 2018,
Parmi tous les autres facteurs de compétitivité-coût, dont                     la main d’œuvre tricolore se classe au 6e rang pour sa
cette étude n’a pas vocation à faire la liste, notons par                      compétence et au 12e pour la productivité horaire.
exemple le champ de l’énergie.

La fiscalité pesant sur l’industrie reste élevée,
mais évolue dans le bon sens

Selon Rexecode, les prélèvements obligatoires pesant                           Toutefois, cet écart doit être relativisé car son calcul
sur l’industrie manufacturière atteignaient 27,9 % de                          repose sur les taux nominaux des prélèvements
la valeur ajoutée en France en 2016, comparé à 17,2 %                          obligatoires et n’intègre pas les nombreux crédits
en Allemagne, en grande partie en raison du poids                              d’impôts dont peuvent bénéficier les entreprises
des impôts de production qui frappent les entreprises                          françaises. Néanmoins, les investisseurs étrangers
industrielles, parmi lesquels on trouve notamment la                           interrogés dans le cadre du Baromètre EY de l’attractivité
Cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), la Contribution                       2018 réclament toujours un allègement de la fiscalité
sociale de solidarité des sociétés (C3S), la Cotisation                        tricolore.
foncière des entreprises (CFE) qui a remplacé la Taxe                          La perception de la pression fiscale pourrait changer.
professionnelle en 2010. À ces impôts s’ajoutent des                           Une baisse progressive de l’impôt sur les sociétés
taxes spécifiquement sectorielles. Concrètement, cet                           (IS) au niveau de la moyenne européenne (25 %) est
écart se traduit par un différentiel de 13,5 milliards                         programmée jusqu’en 2022.
d’euros au détriment des industriels français.

II Poids des prélèvements obligatoires                                         II Évolution du taux nominal d’impôt sur les
   qui pèsent sur les entreprises                                                 sociétés
   manufacturières en % de la valeur ajoutée                                        Jusqu’à 500 000 € de bénéfices : 28 %
                                                                                    Plus de 500 000 € de bénéfices
                                           France      Allemagne

 Cotisations sociales effectives           14 %        9,4 %                     33,3 %        33,3 %
 à la charge des employeurs                                                                                      31 %
                                                                                                28 %             28 %
                                                                                                                        28 %
 Impôts de production                      9,7 %       4%                                                                      26,5 %   25 %

 Impôts sur les salaires                   1,5 %       0%
 Autres impôts sur la production           3,2 %       0,5 %
 Impôts sur les produits requalifiés       4,1 %       2,6 %
 en impôts de production
 Taxes de prestations reclassées en        0,9 %       0,9 %
                                                                                Ancien         2018          2019       2020   2021     2022
 impôts de production
                                                                                 taux
 Impôts sur les sociétés                   4,2 %       3,8 %                   Source : Business France (2018)
 Total des prélévements                    27,9 %      17.2 %
 obligatoires sur la production

Source : Rexecode, 2016

12
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

                   TÉMOIGNAGE

                   Benoit d’Iribarne
                   Délégué général Europe Centrale et responsable Programmes d’Excellence
                   Industrielle chez Saint-Gobain

                   En dépit de certaines faiblesses, notamment dans le domaine de
                   la compétitivité-coût, pourquoi la France industrielle est-elle si
                   attractive ?
                   Il est délicat d’avoir un avis tranché. Pour créer de nouveaux sites
                   industriels, la France est attractive. Avec le crédit impôt recherche
 Pour créer de     (CIR), une main-d’œuvre qualifiée et abondante - à la différence de
                   l’Allemagne -, les perspectives de relocalisation liées au Brexit, la taille
nouveaux sites     du marché français et sa position géographique, notre pays dispose
                   de nombreux atouts en Europe de l’Ouest. Toutefois, la France est une
    industriels,   destination « coûteuse » qui souffre de la concurrence des pays de l’Est.
  la France est    L’équation est différente pour la rénovation d’usine existante.
                   La complexité administrative, la difficulté à établir un dialogue social
  attractive.      serein peuvent, entre autres, être des freins à la modernisation de nos
                   « vieilles » usines.

                   Comment votre entreprise se transforme-t-elle ?
                   Je dirais qu’il y a deux axes, selon la nature des produits. Il y a les
                   produits de base ou commodités, pour lesquels le coût minimum est la
                   clé de la compétitivité et qui demandent des performances industrielles
                   et une productivité maximum.
                   L’autre axe concerne les produits pour lesquels une personnalisation est
                   possible. Notre enjeu est de réaliser cette personnalisation de manière
                   très réactive, en liaison étroite avec le client à des coûts abordables.

                                                                                                          13
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

                                                       TÉMOIGNAGE

                                                      Guillaume Alvarez
                                                      Senior vice-président Europe, Middle-East and Africa chez Steelcase

                                                      Quels sont les atouts de la France industrielle ?
                                                      La France profite d’une réelle qualité d’infrastructure. C’est le cas du
                                                      maillage de province à province qui est nettement plus complet qu’il ne
                                                      l’était il y a 20 ans, même si les opérations de blocages sur les routes
                                                      ou dans les ports ont parfois paralysé la circulation des biens dans nos
                   La France                          chaînes de valeur interconnectées.
                                                      La France retrouve aussi le goût de l’industrie. On le sent dans les
            retrouve le goût                          discours des pouvoirs publics et dans les écoles, les universités.
                                                      La performance industrielle ? Elle est bonne parce que nous avons en
            de l’industrie.                           France, des équipes souvent dédiées, passionnées, efficaces et parce
                                                      que nos usines sont productives (coût, qualité, conformité, respect des
                                                      délais…). Cependant, nous rencontrons des difficultés de recrutement
                                                      et nous sommes toujours en quête d’une certaine stabilité dans nos
                                                      effectifs, notamment dans nos rôles clefs. Nos métiers sont fondés sur
                                                      des savoir-faire très riches et en évolution rapide. Former un employé
                                                      pendant un an ou deux puis le voir partir vers des métiers plus valorisés
                                                      socialement est une perte importante. Apaisées par rapport aux années
                                                      passées, les relations sociales pourraient cependant être davantage
                                                      axées sur le développement et la transformation de l’entreprise. Enfin,
                                                      si la France dispose d’experts dans l’AI ou la robotique, ceux-ci semblent
                                                      plus attirés par les grandes entreprises, perçues comme prestigieuses
                                                      ou moins risquées, ou les secteurs de pointes comme l’aéronautique.
                                                      Nos talents nationaux doivent aider notre tissu industriel, en particulier
                                                      en province, à aborder en tête le virage de la digitalisation, de la
                                                      robotisation et de l’augmentation du potentiel humain par l’AI.

                                                      Quels sont les axes de transformation de votre entreprise ?
                                                      Nous avons trois sujets de transformation.
                                                      Le premier porte sur la performance industrielle et logistique, et
                                                      notamment la réduction constante des délais, c’est à dire le just-on-
                                                      time, tout en augmentant notre capacité de personnalisation des
                                                      commandes, dont les demandes sont de plus en plus fréquentes.
                                                      Le deuxième a trait à l’arrivée de nouveaux matériaux intelligents,
                                                      comme les tissus composites ou anti-germes. De plus en plus variés,
                                                      ils mobilisent davantage de compétences et d’investissements que les
                                                      matériaux classiques. Ils satisfont de nouveaux besoins et ceci nous
                                                      permet de conserver un leadership international.
                                                      Notre troisième défi est humain. En favorisant la visibilité de nos clients
                                                      dans nos usines, nous apportons plus de sens au travail, davantage
                                                      d’ouverture sur l’extérieur et nous conjuguons travail bien fait, clients
                                                      satisfaits et atteinte de nos objectifs de croissance et de transformation.

14
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Paradoxe n° 2

La France a su développer de grands
champions, mais nos PME et nos ETI
industrielles doivent développer leur
rayonnement mondial

La France est forte de ses leaders mondiaux
industriels

Quel pays n’envie pas notre CAC 40 et notre armada              Airbus Group (aéronautique) Saint Gobain et Vinci
de grands groupes ? Leaders mondiaux ou, à défaut,              (BTP), Sanofi (pharmacie), CMA-CGM (transport
européens, ces fleurons sont autant de moteurs de               maritime), LafargeHolcim et Vicat (ciment,) l’alliance
leurs écosystèmes sectoriels : Danone et Limagrain              Renault-Nissan-Mitsubishi (automobile), Air France KLM
(agroalimentaire), Pernod-Ricard (boissons), Danone             (compagnie aérienne)... Tous ont fait du globe leur terrain
et Lactalis (produits laitiers), Carrefour (grande              de jeu. Tirée par ces leaders, la France excelle dans
distribution), Adéo (bricolage), Vivendi (divertissement),      certains secteurs industriels. Dans son argumentaire sur
EDF et Engie (électricité), Total (industrie pétrolière),       l’attractivité de la France, Business France dresse la liste
AXA (assurance), L’Oréal (cosmétique), LVMH et Kering           du classement international de certains secteurs :
(luxe), Schneider Electric (équipement électrique),

    Aéronautique                Chimie              Agroalimentaire                       Luxe                       Nucléaire

     1er en Europe            2e en Europe             2e en Europe                 1er dans le monde               1er en Europe
 2e exportateur mondial     7e dans le monde       4e exportateur mondial

                                                                                                                                     15
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

                             Ces grands champions réalisent aujourd’hui                 Certes, ce pourcentage recule légèrement.
                             plus de la moitié de leur chiffre d’affaires               Mais après trois années de baisse consécutives,
                             à l’international (54 % selon l’Insee), ce qui             la détention des non résidents dans les sociétés
                             témoigne de notre savoir-faire et de notre                 françaises cotées hors CAC 40 a augmenté
                             capacité à le vendre à travers le monde.                   en 2017 de 0,6 point pour s’élever à 28 %.
                             Par ailleurs, les investisseurs étrangers                  L’économie française est clairement une
                             détenaient 42,7 % du CAC 40 en 2017.                       économie ouverte.

                             Le principal handicap français est la
                             faiblesse de son « Mittelstand »

                             Cependant, à cause de la faiblesse de notre                de la France était de 3 % en 2017 contre 5,1 %
                             Mittelstand, c’est à dire nos PMI et nos ETI,              en 2000. La part de marché de la France en
                             notre puissance industrielle patine, notamment             Europe s’élevait à 12,9 % en 2017 contre 17 %
                             à l’international. Notre tissu d’entreprises               en 2000.
                             exportatrices est en effet très limité. Bon an
                             mal an, la France ne compte que 120 000                    Cette faible densité de notre tissu productif
                             entreprises exportatrices quand l’Allemagne                ne laisse pas les investisseurs étrangers
                             en recense plus de 300 000...                              insensibles. C’est un regret souvent exprimé
                                                                                        par les entreprises internationales, qui
                             Résultat, le secteur manufacturier affiche un              cherchent en France des partenaires industriels
                             solde commercial négatif depuis 2003 et les                (fournisseurs, sous ou co-traitants, clients…)
                             parts de marché à l’international de la France             d’envergure au moins européenne et pas
                             s’érodent. Ainsi, la part de marché mondiale               uniquement cantonnés au marché domestique.

II Solde commercial de l’Allemagne, de l’Italie et de la France (en Md €)

                                                                                      248     252    249

                                                                               216

                    194                                      192     199
                               178

           160                                        157
 156                                           154
                                        139

                                                                                              52     48
                                                                                42    42
                                                                      29

                                                             10

  -9
 -14                 -9                  -6
                               -13
            -20
                                               -30    -26
                                        -45                                           -45    -48
           -50      -43                        -52
                               -56                                                                                        Allemagne
                                                                      -62      -59                   -62
                                                             -68
                                                      -75                                                                 Italie

2005      2006      2007      2008      2009   2010   2011   2012   2013       2014   2015   2016   2017                  France

Source : Douanes françaises, Eurostat

16
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

En tête des atouts de la France, l’innovation
et la recherche

Sa capacité d’innovation et de recherche reste l’atout                                    d’autres critères (l’Europe, les secteurs, les talents, le
majeur de l’attractivité de la France pour 38 % des                                       rayonnement).
dirigeants étrangers interrogés, même si le Baromètre                                     Les industriels considèrent que cette inventivité
EY 2018 voit cet avantage concurrencé par                                                 compense toujours certains des handicaps du site France.

  Quels sont les atouts qui permettront à la France de renforcer son rôle dans l’économie mondiale ?

                Sa capacité d’innovation
                        et de recherche
                                                                                                    43 %

          Son rayonnement touristique                                                     33 %

       Son rôle dans le projet européen                                          26 %

    Ses spécificités sectorielles fortes                                         25 %

         Sa capacité à former et attirer                                                                                               Moyenne des
                                                                                 25 %
                            des talents                                                                                                citations 2017-2018

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (enquête janvier 2018, 208 répondants, 2 réponses possibles)

La nature de leurs projets en témoigne : avec 78                                          grands groupes. Tour à tour, Facebook, Microsoft,
nouveaux centres de R&D en 2017 (+53 % contre                                             Google, Fujitsu ou encore Samsung ont décidé d’ouvrir
+31 % au Royaume-Uni et +23 % en Allemagne), la                                           en France des laboratoires de recherche spécialisés
France s’affirme comme un pays compétitif en matière                                      dans ce domaine. À la suite du rapport Villani dévoilé en
d’innovation. Selon le Baromètre EY de l’attractivité                                     mars 2018, l’exécutif français a par ailleurs anoncé un
2018, 35 % des dirigeants interrogés citent les capacités                                 programme d’investissement d’1,5 milliard d’euros dédiés
de la France dans ce domaine.                                                             à l’intelligence artificielle d’ici 2022. Deux secteurs sont
La France attire notamment l’attention en affichant ses                                   particulièrement ciblés : les transports, avec le véhicule
ambitions de leader européen sur des sujets d’avenir                                      autonome, et la santé, via la création d’un centre de
comme l’intelligence artificielle (IA). Le début de l’année                               données de santé exploitables par des programmes
2017 a en effet été marqué par les annonces de plusieurs                                  d’intelligence artificielle.

                                                                                                                                                             17
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

                                                   TÉMOIGNAGE

                                                  Yann Vincent
                                                  Directeur industriel de Groupe PSA

                                                  En dépit de certaines faiblesses, notamment dans le
                                                  domaine de la compétitivité-coût, pourquoi la France
                                                  industrielle est-elle si attractive ?
                                                  On a toujours intérêt à produire à proximité de son
                                                  point de consommation. Or, la France reste un marché
                La France est                     très significatif en Europe, dynamique, ce qui explique
                                                  l’attractivité française, indépendamment de toute
        mieux placée que                          difficulté ou facilité industrielle à s’y développer. Ensuite,
                                                  il n’y a pas de fatalité quant à notre capacité à produire
               l’Allemagne.                       de manière efficiente en France, même si un certain
                                                  nombre d’obstacles doivent être surmontés. Il y a de la
                                                  place pour une production industrielle de très bon niveau
                                                  en France.
                                                  Ceci étant dit, si l’on se base sur les principaux
                                                  paramètres d’une performance industrielle (coût du
                                                  travail, performance qualité…), l’Espagne est plus
                                                  attractive que la France aujourd’hui. Mais la France
                                                  est mieux placée que l’Allemagne. Sur le terrain,
                                                  nous constatons des disparités entre les régions dans
                                                  lesquelles nous opérons, une agilité différente dans le
                                                  soutien qu’elles apportent à leur industrie. Par exemple,
                                                  en Espagne, à Vigo, nous observons une collaboration
                                                  très étroite entre les autorités publiques locales, les
                                                  entreprises, les centres d’innovation ou la R&D. En
                                                  France, nous avons encore des marges de progrès pour
                                                  créer cette alchimie.

                                                  Comment votre entreprise se transforme-t-elle ?
                                                  Le Groupe PSA se transforme autour de trois axes : le
                                                  premier est structurant pour notre industrie puisqu’il
                                                  concerne les motorisations hybrides ou électriques ;
                                                  le second consiste à saisir toutes les opportunités des
                                                  nouvelles technologies pour améliorer nos performances
                                                  et notre compétitivité dans un environnement
                                                  extrêmement concurrentiel ; le troisième consiste à
                                                  améliorer notre couverture mondiale de production et
                                                  donc à cibler les marchés émergents.

18
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Paradoxe n° 3

Bien que complexe et centralisée,
la France industrielle parvient
à irriguer tous les territoires

L’industrie a besoin d’un pays à la fois moins
centralisé et moins émietté...

Régulièrement, au fil des enquêtes menées auprès d’eux,           L’écosystème dédié à l’innovation industrielle reste
les dirigeants d’entreprises appellent de leurs vœux              particulièrement émietté. Renforcer les synergies entre
un État plus agile et un environnement administratif              les nombreux acteurs (pôles de compétitivité, clusters,
« simplifié ». C’est le cas de 41 % des répondants du             Instituts Carnot, French Tech, French Fab, les Territoires
Baromètre EY de l’attractivité 2018. Ils pointent en              d’innovation de grande ambition [TIGA] du Programme
particulier le nombre de normes et règlements, mais               des investissements d’avenir [PIA]…) mais également
aussi leur réversibilité, problème dont l’exécutif semble         inciter les territoires à se différencier semblent une
désormais avoir pris conscience.                                  évidence.

Parfois, le poids et la stratégie de l’État actionnaire sont      La France tire profit de sa diversité économique.
également critiqués. C’est notamment le cas des décrets           La très grande variété de ses savoir-faire sectoriels
réglementant l’investissement étranger en France. Que             se traduit en effet par des investissements étrangers
disent-ils ? En résumé, tout groupe étranger souhaitant           dans tous les pans de l’économie française : industries
prendre le contrôle d’une entreprise française dans les           traditionnelles et de pointe, services aux entreprises et
secteurs de l’énergie, des télécoms, des transports,              aux consommateurs, transport et logistique…
de l’eau ou de la santé doit obtenir préalablement                Ainsi, les cinq premiers secteurs d’activité en matière
l’autorisation de l’État. Notons que la France ne fait que        d’IDE ne représentent qu’un peu plus de la moitié du total
dupliquer des principes de défense existants chez ses             des projets accueillis en 2017 en France, contre 58 % en
concurrents…                                                      Allemagne et 60 % au Royaume-Uni.

Le fonctionnement de l’économie française se caractérise
à la fois par une hyper-concentration des centres de
décision à Paris (État et administrations, finance, médias,
influenceurs…) et par une grande diversité – pour ne pas
dire dispersion – des acteurs et responsables publics
(régions, départements, intercommunalités, réseaux
consulaires…) quand bien même certains d’entre eux
disparaissent progressivement du champ de l’action
industrielle.

                                                                                                                                       19
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

... pour soutenir les dynamiques territoriales,
en particulier dans les villes moyennes

La France est riche de ses territoires. Loin des drames                        indique que 65 % des investissements se réalisent dans
industriels dans des zones en souffrance qui rythment                          des villes moyennes, territoires ruraux ou péri-urbains.
parfois l’actualité, le Baromètre attractivité EY 2018

II Répartition des projets d’investissement étranger par activité et type de territoire
Centres de décision                      Centres R&D                           Fonctions tertiaires             Activités industrielles
                                                                               et commerciales

                                                   8%                                     3%
           8%                                                                        9%                             28 %
     8%
                                           17 %

                          84 %                                   75 %                              88 %                              42 %

                                                                                                                       30 %

Très grande ville et métropole                     Moyenne et grande ville                          Zone rurale et petite ville
> 200 000 habitants                                De 20 000 à 200 000 habitants                    Moins de 20 000 habitants
Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (données IBM 2017)

Signée Trendeo, une autre étude témoigne du                                    Les industriels étrangers investissent les écosystèmes,
dynamisme industriel d’un certain nombre de villes                             tels que la FrenchTech, la FrenchFab ou les pôles
moyennes. Ainsi, dans la zone de Vitré, en Ille-et-Vilaine,                    de compétitivité. À titre d’exemple, le nombre
l’emploi industriel est 7,4 fois plus concentré que dans le                    d’interventions d’investisseurs étrangers dans des
reste de la France.                                                            levées de fonds de start-up françaises a bondi de 62 %
Parmi les régions françaises, les Hauts-de-France,                             entre 2016 et 2017. Les collaborateurs internationaux
Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est sont en tête des                             soulignent pour leur part la qualité de vie et la culture
classements pour la création ou l’extension de sites                           locale (pour 90 % des répondants), l’accès aux services
industriels portés par des investisseurs étrangers.                            de santé (pour 85 % des répondants), la qualité des
Ainsi, 138 des 323 projets recensés en 2017 y sont                             infrastructures de transport et de télécommunications
localisés, dans des secteurs aussi divers que l’automobile                     (pour 75 %), ainsi que la garde et la scolarité des enfants
et l’aéronautique, la chimie et la plasturgie ou encore                        (67 %).
l’agroalimentaire.

II Les villes moyennes les plus dynamiques pour l’emploi industriel en France (2017)
 Rang         Ville                                    Nombre              % de la population      % des emplois           Sur-
                                                       d’emplois           employée en France      industriels en France   représentation

 1            Vitré                                    22 667              0,1 %                   0,74 %                  773,7 %

 2            Cherbourg - Octeville                    75 963              0,3 %                   2,24 %                  692,2 %

 3            Saint-Nazaire                            106 392             0,4 %                   3,09 %                  681,7 %

 4            Flers                                    38 888              0,1 %                   0,91 %                  32,2 %

 5            Sarreguemines                            35 455              0,1 %                   0,79 %                  501,5 %

 6            Le Creusot-Montceau                      36 075              0,1 %                   0,69 %                  412,4 %

 7            Belfort - Montbéliard - Héricourt        139 777             0,5 %                   2,59 %                  398,0 %

 8            Coutances                                20 703              0,1 %                   0,38 %                  392,9 %

 9            Fougères                                 25 614              0,1 %                   0,47 %                  389,7 %

 10           Valenciennes                             128 025             0,5 %                   2,25 %                  371,8 %
Source : Trendeo

20
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

                       TÉMOIGNAGE

                       Thierry Herning
                       Président de BASF France

                       Pour quelles raisons la France est-elle encore un pays qui compte
                       dans le domaine industriel ?
                       La France est un pays majeur de la chimie mondiale. C’est le 2e pays
                       en Europe après l’Allemagne, le 7e dans le monde. Un large spectre
                       d’industries clientes y sont présentes : plastique, construction,
       Il faut aller   pharmacie, aéronautique, santé, agriculture… C’est donc un marché
                       incontournable pour BASF.
plus loin dans les     La France a des atouts aussi remarquables que singuliers : une
                       ouverture à l’innovation, une fiscalité favorable – notamment grâce
      réformes.        au crédit d’impôt recherche – et un vivier d’ingénieurs d’une grande
                       richesse. C’est en raison de cet environnement que nous avons décidé
                       d’y implanter deux nouveaux centres de recherche ces dernières
                       années. En contrepartie, nos sièges sont parfois surpris par la
                       réglementation française. Il est déroutant de constater à la fois le
                       plaidoyer pro-européen de la France et la facilité avec laquelle son cadre
                       réglementaire va au-delà des textes européens, en surtransposition,
                       créant un handicap pour l’attractivité industrielle.

                       Comment envisagez-vous la suite ?
                       Les récentes réformes vont dans le bon sens : charges salariales,
                       code du travail. Nous suivons avec intérêt la mise en place de ces
                       dispositions. Il faut aller plus loin. Par exemple, la baisse programmée
                       de l’IS à 25 % est positive, mais une réforme d’impôts de production est
                       nécessaire. Là encore, ils singularisent la France en Europe.

                                                                                                             21
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

22
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Perspective

L’industrie française
face aux défis
de son attractivité

Aimer l’industrie                                                Poursuivre la
ne suffira pas                                                   transformation de notre
                                                                 attractivité
À cause ou en dépit de ces paradoxes, 75 % des
investisseurs étrangers croient en notre industrie selon
le Baromètre EY de l’attractivité. Ils auraient tort de          Les dirigeants le disent, la priorité des priorités est de
bouder leur plaisir puisque leur choix s’avère payant.           retrouver des marges de manœuvre financière et de la
En effet, les filiales de groupes étrangers sont plus            compétitivité-coût. De ce point de vue, la transformation
performantes que les entreprises franco-françaises.              en 2019 du CICE en baisse de charges et la réduction
Selon une étude du Conseil d’analyse économique (CAE),           programmée d’ici 2022 du taux de l’IS à 25 % - c’est-à-
les filiales de groupes étrangers sont 18 % plus grandes et      dire au niveau de la moyenne européenne - vont dans le
emploient 10 % de plus de personnes que les entreprises          bon sens. Mais le sujet des impôts de production reste
domestiques, toutes choses égales par ailleurs. Quant            sur la table.
aux différences de productivité, elles sont également
avérées, mais plus modérées puisqu’elles n’atteignent            Bien sûr, il faut inciter à l’innovation, pour qu’elle
jamais plus de 4 % en moyenne entre les filiales                 devienne une priorité pour les entreprises. Ce n’est pas
étrangères et les firmes domestiques.                            encore le cas. Entre 2014 et 2016, seules 51 % des
                                                                 sociétés de 10 salariés ou plus ont innové. L’État ne fait
Les chefs d’entreprises ne sont pas les seuls à être             guère mieux. Il ne représente qu’un tiers de la dépense
convaincus du potentiel industriel tricolore. Les Français       intérieure de Recherche & Développement (DIRD) de la
y croient également et ils y sont très attachés : 73 % des       France. Soutenir la robotisation et miser sur l’industrie du
consommateurs sont prêts à payer plus pour des produits          futur, et en particulier sur l’intelligence artificielle, sont
garantis Made in France. C’est ce qui ressort d’une              des évidences.
enquête publiée par le magazine LSA en février 2018.
                                                                 Il est également impératif de trouver et de former de
Bien entendu, l’industrie française ne peut rester statique      nouvelles compétences puisque si les prévisions du
si elle veut rester compétitive, se montrer encore plus          Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) s’avèrent justes,
innovante et renforcer sa capacité d’exportation.                80 000 emplois dans le numérique pourraient naître d’ici
Et continuer à séduire les investisseurs étrangers               2020.
qui représentent justement 35 % de nos exportations
industrielles.                                                   À l’évidence, il faut partir à la chasse de nouvelles
                                                                 ressources financières, puisque si le nombre des
                                                                 levées de fonds dans le capital-risque et le capital
                                                                 développement progressent vite, les montants restent
                                                                 encore faibles par rapport à ceux levés au Royaume-Uni,
                                                                 aux États-Unis et en Chine.

                                                                                                                                      23
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Faire confiance aux industriels n’est pas un pari insensé

Ce sont eux qui ont lancé les pôles de compétitivité en                        Par leur savoir-faire, par leur esprit d’initiative, leur
2004 avec l’idée de faire jouer les synergies entre les                        esprit de conquête, ce sont eux qui, in fine, ont permis
acteurs d’un même secteur.                                                     à la France de rester à la pointe de l’innovation, de la
                                                                               créativité et de l’excellence dans de nombreux secteurs.
Dans la vallée de la chimie, dans le sillon rhodanien, ce                      Sans nul doute, c’est en leur donnant les moyens d’être
sont eux qui se sont mobilisés pour prendre en main leur                       encore plus forts que la France pourra rester attractive.
avenir à travers l’Appel des 30.
                                                                               En effet, que nous disent les dirigeants étrangers que
Ce sont eux qui, lors de la crise de 2008 dans la vallée de                    nous rencontrons tous les jours ? Pour que l’industrie
l’Arve, ont fait jouer les solidarités pour sauver l’industrie                 retrouve son lustre d’antan et joue à nouveau pleinement
de la plasturgie alors que plus aucun client ou fournisseur                    son rôle d’aiguillon de l’économie française, leur idée
ne pouvait payer ses factures.                                                 est simple : qu’on leur fasse confiance, toujours, qu’on
                                                                               soutienne leurs projets, parfois, et qu’on aligne les
Ce sont eux qui, à Toulouse, ont créé des écoles de                            normes avec la moyenne européenne afin de leur
peinture industrielle dans le secteur aéronautique pour                        permettre d’agir, de se transformer mieux et plus
lutter contre la pénurie de compétences.                                       rapidement, de réagir plus vite aux opportunités qui se
                                                                               présentent à elles, et aux ruptures qui s’imposent à elles.
Ce sont eux qui, pour compenser le niveau du coût du
travail en France, ont permis à l’économie française d’être                    À ce prix, la France industrielle révèlera encore davantage
si productive, dans une adaptation si darwinienne…                             son extraordinaire potentiel.

24
Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Contacts

Aymeric de La Morandière                                                                                                   Marc Lhermitte                                                        Olivier Lluansi
Associé                                                                                                                    Associé                                                               Associé
Responsable de l’animation du secteur                                                                                      Responsable du Secteur Public en                                      Manufacturing
Industrie pour EY en France                                                                                                France, en charge des baromètres                                      Ernst & Young Advisory
Ernst & Young et Associés                                                                                                  de l’attractivité                                                     01 46 93 84 25
01 46 93 72 64                                                                                                             Ernst & Young Advisory                                                olivier.lluansi@fr.ey.com
aymeric.de.la.morandiere@fr.ey.com                                                                                         01 46 93 72 76
                                                                                                                           marc.lhermitte@fr.ey.com

Publications EY

                                                                                                                                                                                                                     Baromètre EY de la croissance 2018
                                                                                                                                                                                                                     France

                                                                                                                                     Croire en                               Baromètre EY
  Retour                                                                                                                             l’Industrie du                          de l’investissement
                                                                                                                                                                             dans les entreprises
  gagnant ?
  Baromètre EY de l’attractivité
                                                                                             Game                                    futur et au futur
                                                                                                                                     de l’industrie
                                                                                                                                                                             innovantes en France                        Quelle stratégie
                                                                                                                                                                                                                         de développement dans
  France
  2018
                                                                                             changers                                                                        1er semestre 2018                           un monde qui change ?
                                                                                              EY’s Attractiveness Survey                                                                                                 Comment les PME et ETI françaises
                                                                                              Europe                                                                                                                     prennent leur avenir en main
                                                                                              June 2018

                                                                                                                                                                                                                     The better the question. The better the answer.
                                                                                                                                                                                                                     The better the world works.
                                   Baromètre de l’attractivité de la France - Juin 2018 1

Retour gagnant                                                                              Game changers                          Croire en l’industrie                   Baromètre EY de                         Baromètre EY de la
Baromètre                                                                                   Baromètre                              du futur et au futur                    l’investissement dans                   croissance des PME
de l’attractivité                                                                           de l’attractivité                      de l’industrie                          les entreprises                         et ETI en France
de la France 2018                                                                           de l’Europe 2018                       2017                                    innovantes en France                    2018
                                                                                                                                                                           1er semestre 2018

                                                                                                                                                                                                                                                                       25
Vous pouvez aussi lire