Les modèles psychodynamiques en contexte d'intervention de courte durée : défis et stratégies Dre Julie Dauphin, psychologue - Salle : Auteuil ...
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Les modèles psychodynamiques en contexte d’intervention de courte durée : défis et stratégies Salle : Auteuil Dre Julie Dauphin, psychologue
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LES MODÈLES PSYCHODYNAMIQUES EN CONTEXTE D’INTERVENTIONS DE COURTE DURÉE DÉFIS ET STRATÉGIES Dre Julie Dauphin, Ph. D. Psychologue Les Rendez‐vous de la formation de l’OPQ 10 mars 2017 Hôtel Sheraton ‐ Laval 1
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève OBJECTIFS DE L’ATELIER 1) Reconnaître ce qui distingue la psychothérapie psychodynamique brève de la psychothérapie à plus long terme 2) Connaître les données probantes concernant la psychothérapie psychodynamique 3) Sélectionner la clientèle susceptible de bénéficier de la psychothérapie psychodynamique brève et définir des objectifs thérapeutiques réalistes qui tiennent compte du cadre de pratique 4) Utiliser les techniques de base propres à la psychothérapie psychodynamique brève 2 2
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève QUESTIONS DE PROCESSUS… 1) Quels sont les problèmes auxquels je fais face dans ma pratique? 2) Ai‐je déjà tenté les approches psychodynamiques brèves (PPB)? 3) Ma personnalité et mon style d’intervention font‐ils de moi un(e) bon candidat(e) à la pratique de la PPB? 4) Pourquoi ai‐je choisi de m’inscrire à cet atelier? 5) Mon processus personnel face à ces questions 3 3
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève L’APPROCHE PSYCHODYNAMIQUE : DÉFINITION 4 4
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DES PSYCHOTHÉRAPIES PSYCHODYNAMIQUES Selon Shedler (2010), les traitements psychodynamiques portent plus spécifiquement sur différentes combinaisons des éléments suivants, indépendamment de la durée du traitement (court, moyen ou long terme) : 1) Accent sur l’affect et l’expression de l’émotion * 2) Exploration des tentatives pour éviter les pensées/émotions causant de la détresse * 3) L’identification de thèmes et patrons récurrents * 4) Discussion des expériences passées (accent développemental) 5) Accent sur les relations interpersonnelles * 6) Accent sur la relation thérapeutique (transfert) 7) Exploration des désirs et des fantaisies (surtout inconscients) * (*) Indique les aspects plus étroitement liés à la psychothérapie psychodynamique brève. 5 5
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LES TYPES D’INTERVENTIONS PSYCHODYNAMIQUES La « psychothérapie psychodynamique » est un concept parapluie qui recouvre plusieurs techniques d’interventions pouvant être placées sur un continuum quant aux niveaux d’inférences communiqués au client (Gunderson & Gabbard, 1999; Leichsenring, 2014; Luborsky, 1984; Wallerstein, 2002) : Affirmation, conseils et encouragements Clarification Interprétation Validation Confrontation empathique et encouragement à SUPPORT élaborer (favorisant Exploratoire l’amélioration Expressive des ressources (favorisant l’insight) psychologiques) 6 6
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LES NIVEAUX D’INFÉRENCES AVANCÉS1 Vise à attirer l’attention du client sur un aspect conscient ou préconscient de sa situation ou de son expérience subjective. Clarification Le clinicien n’exprime pas directement son point de vue. Niveaux d’inférences Souligner les obstacles au travail thérapeutique, les résistances et les défenses. Faite de manière bienveillante. Confrontation Objectif : rétablir le dialogue et poursuivre le processus d’exploration qui a été entravé, et/ou de surmonter les impasses thérapeutiques. Liens entre les représentations conscientes/préconscientes et les Interprétation aspects inconscients de l’expérience du client. 7 1 Tiré et adapté de : Bouchard, M.‐A. (2013). Interpreting as a Communicating of Inferential Conjectures Through Clarification, Confrontation and Interpretation (Ver.1). Unpublished Manuscript. 7
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LA PSYCHOTHÉRAPIE PSYCHODYNAMIQUE ET LES DONNÉES PROBANTES 8 8
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LA PSYCHODYNAMIQUE ET LES DONNÉES PROBANTES « Il existe une croyance dans certains milieux, à savoir que les concepts et traitements psychodynamiques manquent de support empirique ou alors que les études scientifiques indiquent que d’autres formes de traitement sont plus efficaces. Cette croyance semble avoir acquis une autonomie propre. Les académiciens se la répètent les uns les autres, tout comme les administrateurs ou les décideurs de politiques publiques. Avec chaque répétition, la crédibilité de cette croyance augmente en apparence. À un certain point, il semble même inutile de la remettre en question, puisque « tout le monde » le sait. Les données scientifiques dépeignent pourtant un portrait complètement différent. » […] [traduction libre – gras et italiques ajoutés] (Shedler, 2010) 9 9
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LA QUESTION DES DONNÉES PROBANTES Mouvement des approches fondées sur les données probantes émerge dans les années 90, d’abord en médecine, puis en psychothérapie. Définition : « Les données probantes sont des renseignements qui se rapprochent le plus des faits d’un sujet. La forme qu’elles prennent dépend du contexte. Les résultats de recherches de haute qualité, qui reposent sur une méthodologie appropriée, sont les données probantes les plus précises. Comme les recherches sont souvent incomplètes et parfois contradictoires ou non disponibles, d’autres catégories de renseignements sont nécessaires pour les compléter ou les remplacer. Les données probantes constituant la base sur laquelle se fonde une décision sont composées de multiples formes de données, combinées de manière à établir un équilibre entre rigueur et convenance, le premier de ces deux aspects étant toutefois préféré au deuxième. » (FCRSS, 2005)1. 1 Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (2005). Conceptualiser et regrouper les données probantes pour guider le système de santé. (www.fcrss.ca) 10 10
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève PROCESSUS DÉCISIONNEL BASÉ SUR LES DONNÉES PROBANTES Études empiriques : 1) Efficacité 2) Innocuité Décision basée sur les 3) Équivalence données probantes Meilleure recherche disponible Contexte clinique Expertise spécifique clinique (caractéristiques du (expérience) patient) 11 Tiré et adapté de : Norcross (2008) 11
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève CRITÈRE DE PREUVE SCIENTIFIQUE* Plus forts « […] Dans le paysage Revues systématiques et méta‐analyses postmoderne, la preuve [scientifique] se base Qualité de la méthodologie & désormais sur les quantités, niveau de preuve associé Essais contrôlés randomisés les similarités, les populations et les Études de cohortes moyennes, plutôt que sur les qualités, l’idiosyncrasie, Études de cas appariés les narrations individuelles et les détails précis. » Études de cas / Séries de cas (Traduction libre ‐ Jackson, 2004, dans Koehler & Silver, 2009) Expertise clinique (opinion) Plus faibles 12 Schéma de la méthodologie « GRADE » tiré et adapté de Norcross (2008) 12
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève ENJEUX LIÉS AUX DONNÉES PROBANTES Fiabilité : Taille de l’échantillon, taille d’effet et autres artéfacts statistiques : effets statistiques vs clinique Biais de confirmation (attentes du chercheur) Effet Hawthorne (effet de la motivation des participants) Contrôle de l’effet placébo et des variables confondantes Validité du diagnostic initial (création des groupes) et accords interjuges Qualités psychométriques des échelles, tests et mesures utilisées Problèmes méthodologiques (p.ex. non‐conformité par rapport au protocole initial) Biais de publication Généralisation des résultats à un contexte clinique particulier (validité écologique) : Caractéristiques de la clientèle (diagnostic, médication, ressources du client, etc.) Implantation réaliste d’un protocole identique (p. ex. autres interventions parallèles) Efficacité de l’alternative proposée (p. ex. liste d’attente vs support minimal) Critère d’efficacité choisi (p. ex. diminution des symptômes, satisfaction, fonctionnement…) 13 13
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève ENJEUX LIÉS AUX DONNÉES PROBANTES (2) Efficience : Rapport coûts‐bénéfices Investissement économique (nombre de séances et d’intervenants, matériel, etc.) Mobilisation des ressources humaines (temps de préparation, formation, etc.) Contexte organisationnel (ouverture, dédoublement des services, etc.) Possibilité ou non de transfert des connaissances dans le milieu L’expertise clinique et facteurs liés au psychothérapeute Savoir‐être du clinicien : explique la plus grande variabilité des résultats (Wampold & Brown, 2005). Le savoir‐faire n’y est qu’un ajout et ne peut s’y substituer (Goldbloom, 2003). Alliance / relation thérapeutique Interaction des facteurs socioculturels du client et du thérapeute CONCLUSION L’application du modèle : plus facile en médecine qu’en relation d’aide? Cela suppose que la place laissée à l’expertise clinique devrait être plus grande en psychologie, tout en tenant compte des données probantes. 14 14
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève REVUE SYSTÉMATIQUE CONCERNANT L’EFFICACITÉ DE LA PSYCHOTHÉRAPIE PSYCHODYNAMIQUE (PDT) (Leichsenring et al., 2015) Dépression Des essais cliniques randomisés ont démontré l’efficacité et/ou la supériorité de Deuil compliqué la psychothérapie psychodynamique à Trouble panique court/moyen terme (8‐40 séances) ou à long Anxiété sociale terme (12 mois et plus) pour les troubles suivants. L’effet le plus largement démontré Trouble d’anxiété généralisé est pour les troubles de la personnalité. Anxiété + dépression (comorbidité) Stress post‐traumatique Troubles somatoformes (côlon irritable, dyspepsie, douleur chronique) Troubles alimentaires (boulimie, anorexie, binge eating) Troubles de la personnalité (groupes B et C) Abus de substances 15 15
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LA PSYCHOTHÉRAPIE PSYCHODYNAMIQUE BRÈVE 16 16
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève DÉFINITION DE LA PSYCHOTHÉRAPIE PSYCHODYNAMIQUE BRÈVE (PPB) Durée arbitraire variant de 8 à 40 séances, durant lesquelles le client est amené à prendre conscience d’un conflit central en lien avec ses symptômes. Plusieurs auteurs / écoles : Principes de base assez similaires, Sifneos (Boston) mais emphase sur certains aspects Davanloo (Montréal) selon les auteurs, ou aménagement du cadre un peu différent, par Malan (Londres) exemple : ‐ Nombre de séances fixe ou non Giliéron (Lausanne) ‐ Confrontation +/‐ soutenue Beck (Basel) ‐ Interprétation du transfert ou non ‐ Interventions de soutien +/‐ Kesselman (Buenos Aires) ‐ Etc. 17 17
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LES PRINCIPAUX MODÈLES EN PSYCHOTHÉRAPIE PSYCHODYNAMIQUE Psychanalyse Psychodynam. Axée sur le transfert Axée sur la Intersubjective (Freud) expressive (Kernberg) mentalisation (Stolorow, Atwood, Soutien (Bateman & Fonagy) etc.) Conflit ICS Conflit ICS Renforcement des Affects/pulsions Affects/pulsions Affects/pulsions Correction des déficits Rétablir le potentiel ressources Fantasmes Fantasmes Relations d’objet de mentalisation dus à Objectifs et intersubjectif par psychologiques angles de travail Emphase sur Emphase sur Répétition de patrons des défaillances l’expérience Miser sur les forces l’intrapsychique l’intrapsychique relationnels développementales émotionnelle correctrice Optimiser adaptation et Mécanismes de Mécanismes de Conflit ICS (re : attachement) fonctionnement défenses (ICS) défenses (ICS) Position allongée Gestion du stress et des Clarification Clarification de ce que le Interprétation Face-à-face Refus de la position symptômes Confrontation client éprouve et de ce Techniques Association libre (pt.) Clarification d’autorité clinique Accompagnement centrales Emphase sur qu’il croit que les autres Attention flottante (th.) Confrontation Co-construction de la Résolution de problèmes l’interprétation du éprouvent (en termes Neutralité (th.) Interprétation subjectivité Encouragements transfert d’états mentaux) Silences (th.) Conseils Régression parfois Régression encouragée encouragée mais Régression modulée Régression activement Régression Régression modulée Régression modulée (risque maximal) encadrée (risque Contrat thérapeutique contrecarrée moindre) Transfert contenu Reconnu et redéfini Interprétation Transfert encouragé Interprété (en lien avec Utilisé comme comme schéma Utilisé comme levier systématique en séance Transfert Interprété en lien avec relations actuelles) si laboratoire d’observation intersubjectif (transfert positif) ou (here-and-now) et en relations passées et très actif en séance (états mentaux ici et (perceptivo-cognitivo- accueilli et contourné lien avec relations actuelles (amoureux/érotique, maintenant) affectif) organisateur de (transfert négatif) actuelles surtout négatif) l’expérience Emphase sur la Emphase sur la Emphase sur la Emphase sur la Emphase sur la Emphase sur l’alliance construction/élaboration construction/élaboration construction/élaboration perception des Poids du réel vs. rencontre/relation réelle productive avec un fantasmatique fantasmatique des fantasmatique des fantasmatique des événements et avec l’autre consultant/expert événements/personnes événements/personnes événements/personnes personnes réels PCS-CSC PCS-CSC ICS ICS-PCS ICS-PCS PCS-CSC 18 18
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève CLIENTÈLE VISÉE PAR LA PPB Il existe un consensus relatif concernant la sélection des clients pour la PPB : Clients possédant suffisamment de ressources psychologiques pour faire face à l’angoisse sans se désorganiser : implique une évaluation relativement claire et d’un essai thérapeutique durant l’évaluation (trial therapy) Clients capables de fonctionner de manière autonome à la fin du suivi Clients qui possèdent une vision psychologique de leurs difficultés (vs concrète ou externalisée) (psychological mindedness). Critères d’exclusion : tendances suicidaires importantes, risque de décompensation psychotique ou autres troubles très sévères, difficultés d’autorégulation importantes (agirs à l’extérieur des rencontres, attaques du cadre et/ou de la relation thérapeutique), troubles de consommation à l’avant‐plan, extrême dépendance relationnelle. 19 19
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève PRINCIPES TECHNIQUES GÉNÉRAUX Il existe un consensus relatif quant aux principes techniques utilisés en PPB : Le plan d’intervention inclut un objectif (focus) limité dès le début auquel le thérapeute doit s’en tenir. Cela implique de négliger volontairement certains aspects. Niveau d’inférence avancé : confrontations et interprétations Les interventions visent à faire prendre conscience au patient que les émotions qu’il ressent dans les contextes relationnels (y compris face au thérapeute) s’inscrivent dans une répétition de patrons relationnels typiques (« conflit central »). Un travail spécifique est effectué sur les résistances (défenses). Posture très active du thérapeute 20 Mais : Attention au piège que peut représenter l’impact pragmatique 20
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève CONCEPTION PSYCHODYNAMIQUE DE LA DÉPRESSION (Laikin, Winston & McCullough, 1991/2015; Leichsenring & Shauenburg, 2014) Triangle du conflit Triangle de la personne Affect (AF) Objet passé (OP) Défense (D) Angoisse (A) Thérapeute (T) Objet actuel (OA) Exemple appliqué à la dépression Colère (AF) Parent Dépression (D) Rejet (A) Thérapeute Patron 21 21
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève EXEMPLE D’ÉVALUATION ET D’ESSAI THÉRAPEUTIQUE Cas : Un homme dit se sentir déprimé suite au fait de n’avoir pas été considéré pour une promotion au travail. Th. : Comment vous êtes‐vous senti (AF) face à votre patron (OA)? Pt. : J’étais un peu (D) fâché (AF). Th. : Vous étiez en colère (AF) contre votre patron (OA) et vous êtes devenu déprimé (D). La colère, ce n’est pas la même chose qu’être déprimé. Pt. : J’ai quitté les lieux (D). Th. : Vous avez pris vos distances en évitant votre patron (D). Pouvez‐vous décrire comment vous viviez votre colère? Pt. : Je ne sais pas comment je vivais la colère (D). Th. : Lorsque vous dites que vous ne savez pas (D), c’est comme si vous exprimiez de l’impuissance (D) face à la colère que nous tentons de comprendre. (AF) Pt. : Je me sens impuissant la plupart du temps. 22 22
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève EXEMPLE D’ÉVALUATION ET D’ESSAI THÉRAPEUTIQUE (2) Th. : Donc vous êtes demeuré impuissant (D), mais ce n’est toujours pas clair comment vous avez vécu cette colère contre votre patron. Pt. : J’ai senti ma gorge se serrer, j’avais des papillons dans le ventre (A). Th. : Vous êtes devenu anxieux, votre gorge s’est serrée, vous aviez des papillons dans le ventre. Est‐ce qu’on peut dire que lorsque vous ressentez de la colère (AF), vous devenez anxieux? (A) Pt. : Oui Th. : Et si on essai de revenir à la colère que vous ressentiez? (AF) Pt. : Je n’aime pas être en colère. (D) Th. : Non, la colère vous rend anxieux et impuissant (D). C’est comme vous étiez en danger lorsque vous êtes en colère. (AF) Pt. : Je n’aime pas faire des vagues, ça donne une mauvaise impression. Th. : Et qu’est‐ce qui pourrait arriver si vous donniez une mauvaise impression à votre patron? Pt. : Il m’apprécierait moins. Peut‐être qu’il ne voudrait plus me confier des mandats importants, je ne sais pas. (A) 23 23
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève INDICATION DE SUCCÈS DE LA THÉRAPIE D’ESSAI 1) Les séances ont permis d’établir au moins une fois des liens (cognitifs et affectifs – vécus comme tels au plan expérientiel) entre les relations actuelles et passées (incluant parfois le thérapeute) – triangle de la personne : identification d’une répétition. 2) Le thérapeute parvient à se représenter les éléments du conflit central (triangle du conflit) : souvenirs, associations, rêves, etc. 3) Le client adopte au moins temporairement une posture ou un comportement différent (ou des défenses plus adaptées) dans les premières séances : effet de soulagement relativement rapide (même si initialement non durable). 24 24
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève CYCLE DE LA PSYCHOTHÉRAPIE BRÈVE POUR LA DÉPRESSION (PROTOCOLE UNIFIÉ) 2. Identifier les étapes 4. Alliance et 2. Travailler le conflit du processus Interventions de central durant et entre (synthèse) support les séances 3. Éduquer et redonner du pouvoir au client 3. Relier les symptômes Gérer les crises et les 1. Identifier le conflit récurrents au contexte 1. Annoncer la de la terminaison stress immédiats central : Affects, terminaison et revoir les relations d'objet, objectifs défenses 2. Motiver, gérer l’ambivalence et 4. Mettre l’emphase sur établir des objectifs le fait que les résultats 4. Se centrer sur la sont le fruit du travail du 1. Expliquer le réponse 5. Consolider les gains processus 3. Se centrer sur les patient d’autoprotection du (3 « booster sessions » thérapeutique client (défenses) affects non conscients aux 2 semaines) et la modification des relations d’objet Poursuite du traitement (modules complémentaires) Tiré et adapté de : Leichsenring & Shauenberg (2014) 25 25
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève MODULES SUPPLÉMENTAIRES : POURSUITE À MOYEN OU LONG TERME DU TRAITEMENT DE LA DÉPRESSION 1) Accent sur la mentalisation Emphase sur les aspects interpersonnels (en lien avec la dépression) Encourage la réflexivité à propos des pensées et émotions de soi et de l’autre 2) Accent sur la réponse mitigée au traitement : rétroaction sur les progrès (questionnaires) et approche centrée sur la résolution de problèmes Ambivalence marquée face au traitement Conditions psychosociales qui contrecarrent les effets du traitement Conflit associé à la dépression qui n’a pas été bien évalué et doit être reformulé Lien entre le conflit central et les symptômes qui n’a pas été suffisamment travaillé Le client ne généralise pas les gains effectués dans les situations de son quotidien Manque d’habiletés sociales Présence de gains secondaires importants 26 26
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève MODULES SUPPLÉMENTAIRES (2) 3) Emphase sur la dépression résistante et les troubles de personnalités associés Histoire d’abus durant l’enfance et autres traumatismes Emphase plus spécifique sur les résistances au traitement (défenses) 4) Traitement de maintien Poursuite des sessions « booster » pour s’assurer du maintien des gains Prévention de la rechute 5) Autres options de traitement Clients n’ayant pas suffisamment bénéficié du traitement Poursuite du travail sur les obstacles à l’efficacité du traitement Ajout d’une pharmacothérapie Support et acceptation des symptômes résiduels et des difficultés associées 27 27
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève CAS 1 : DÉPRESSION *** MATÉRIEL RENDU ANONYME AFIN DE PRÉSERVER LA CONFIDENTIALITÉ *** Cliente : Femme, début cinquantaine, commis de bureau. Contexte : Santé mentale 1ère ligne (CLSC) Motif de consultation : Dépression majeure Médication : Effexor 75 mg Antécédents connus : Dépression majeure diagnostiquée Idéations suicidaires depuis l’adolescence Consommation d’alcool importante durant plusieurs années, cessée sans aide extérieure Cessations d’emploi multiples en raison d’absences répétées. Vol à l’étalage 28 28
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève DÉPRESSION (2) Symptômes et observations en entrevue : Parait plus jeune que son âge, apparence très soignée, élégante. Alterne entre un état d’affaissement et d’irritabilité. Cynique et sarcastique. Relativement contenue, mais visiblement souffrante. Dit ne plus se tolérer elle‐ même. Pleure parfois de découragement durant les entrevues. Idées passives de mort. Pas de plan. Vision très pessimiste de sa situation actuelle et de l’avenir. Sommeil et appétit diminués, tout juste préservés. Activité psychomotrice normale. Craint de consommer à nouveau de l’alcool. Méprisante lorsqu’elle parle des autres, incluant les policiers qui l’ont arrêtée. Se relie bien à moi. N’est ni méfiante, ni méprisante. Démontre un désir réel d’être aidée, malgré son ambivalence et ses doutes. 29 29
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève DÉPRESSION (3) Processus psychothérapeutique Séances hebdomadaires de 50 minutes : psychodynamique expressive Semaines 1‐3 : Évaluation et objectif : Éducation sur la dépression et aspects concrets de la gestion du symptôme dépressif (activation comportementale). Début d’exploration des affects (thérapie d’essai). Semaines 4‐10 : Identification et exploration du conflit central : abandon/solitude et tendance à ne pas s’appuyer sur les autres (défense). Cliente commence à affirmer davantage ses besoins auprès du conjoint : conflits Tentative suicidaire sérieuse (Rx + ROH) suite à la rupture d’avec le conjoint à la semaine 10 : Hospitalisation 2 semaines. Contacts réguliers avec l’équipe de l’hôpital. Contact téléphonique avec la cliente la 2e semaine. Semaine 11 : Rencontre avec la cliente seule Semaines 12‐17 : Augmentation de la fréquence à 2 fois par semaine (3 semaines) Semaine 18 : Dernière rencontre Rencontre de suivi un et deux mois plus tard (« booster sessions »). 30 30
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève POINT D’ENTRÉE DANS LE PROTOCOLE UNIFIÉ POUR CETTE CLIENTE 2. Identifier les étapes 4. Alliance et 2. Travailler le conflit du processus Interventions de central durant et entre (synthèse) support les séances 3. Éduquer et redonner du pouvoir au client 3. Relier les symptômes Gérer les crises et les 1. Identifier le conflit récurrents au contexte 1. Annoncer la de la terminaison stress immédiats central : Affects, terminaison et revoir les relations d'objet, objectifs défenses 2. Motiver, gérer l’ambivalence et 4. Mettre l’emphase sur établir des objectifs le fait que les résultats 4. Se centrer sur la sont le fruit du travail du 1. Expliquer le réponse 5. Consolider les gains processus 3. Se centrer sur les patient d’autoprotection du (3 « booster sessions » thérapeutique client (défenses) affects non conscients aux 2 semaines) et la modification des relations d’objet Poursuite du traitement (modules complémentaires) Tiré et adapté de : Leichsenring & Shauenberg (2014) 31 31
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève DÉPRESSION (4) Extrait verbatim de la première séance au retour de l’hospitalisation (semaine 11) : JD : Je suis contente de vous voir ici ce matin. On a failli vous perdre... Comment ça va? Pte : Ça va, je pense. J’ai encore mal à la gorge [puis raconte le séjour à l’hôpital] […]. JD : Avec le recul que vous avez peut‐être un peu plus maintenant, pouvez‐vous me dire ce qui s’est passé pour vous pour que vous en arriviez là, ce jour‐là? Pte : Je ne sais pas, ça me semble irréel. C’est fou. J’ai honte… Ce n’est pas moi de faire une affaire de même, même quand ça va mal. Je veux vivre pour ma fille, je veux pas lui donner cet exemple‐là. Au pire d’habitude, je me saoule un bon coup... J’ai vraiment honte, je ne sais pas si je peux vous regarder en face... Je me dis que vous devez vraiment penser que je suis un cas désespéré... (regarde par terre, l’air triste). JD : Je pense que vous, vous étiez désespérée... Il s’est passé quelque chose à l’intérieur de vous qui vous a amenée dans une sorte de spirale qui vous a tiré vers le bas. Je pense qu’il faut qu’on essaie de comprendre cette spirale‐là ensemble. 32 32
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève DÉPRESSION (5) Pte : Une spirale oui, c’est vrai que j’ai comme dégringolé en dedans. On s’est vraiment engueulés avec [le conjoint]. Je lui ai un peu donné un ultimatum, ça n’avait plus d’allure notre affaire, de jamais se voir de même, ça m’insécurisait trop et là, je me suis affirmée pour une fois au lieu de brailler en boule après qu’il soit parti… Mais là, il était fâché. Il est sorti de mon appartement… C’est quand il est sorti, je ne sais pas… Je ne sais pas, tout s’est embrouillé dans ma tête. JD : Vous dites ”Quand il est sorti”, comme si c’était le fait de le voir sortir qui avait déclenché quelque chose en vous. Pte : Je me suis adossée au mur, je manquais de souffle. Je me suis laissée glissée par terre, le dos contre le mur, jusqu’au plancher, puis je suis restée là. Après ça, je ne sentais comme plus rien, je suis allée dans la pharmacie... Les médicaments, la bouteille de vin qui était sur la table... Enfin... J’ai honte (regarde par terre). JD : Vous vous êtes effondrée au sol quand vous l’avez vu partir. Pte : Oui. Effondrée, c’est le mot. 33 33
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève DÉPRESSION (6) JD : Pouvez‐vous revenir à ce moment‐là, avant que vous vous leviez pour aller dans la salle de bain. Vous êtes par terre, contre le mur… Pouvez‐vous revenir là? Pte : J’ai mal… J’ai tellement mal! JD : Oui... Cette douleur‐là, est‐ce que vous la reconnaissez? Vous l’avez déjà sentie? Pte : C’est flou, mais... Il me revient un souvenir. J’imagine que ça a un lien. JD : Oui? Allez‐y, je vous écoute. Pte : Ma mère, je devais avoir 3‐4 ans, je pense, elle est partie. Je ne me souviens même plus pourquoi. Elle m’a laissée chez ma grand‐mère. Je la détestais, ma grand‐mère. C’était une femme très... froide, autoritaire. Elle me faisait peur. Un bon matin, juste comme ça, ma mère m’a « dompée » là‐bas, sans rien me dire. Je me souviens d’être à genoux sur le sofa dans le salon, de la regarder partir par la fenêtre. Quelle sorte de mère laisse son enfant comme ça, voulez‐vous bien me dire? J’ai tellement, tellement pleuré! Je ne comprenais rien. Elle ne m’a jamais dit si elle allait revenir, je pensais qu’elle partait pour toujours et qu’elle me laissait‐là avec la sorcière. C’est la même peine. Quand X. est parti de chez moi l’autre jour, c’était la même peine. Elle est revenue au bout de trois jours, je pense, mais ça ne changeait rien. J’avais encore plus de peine en la revoyant. 34 34
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève CAS 2 : TROUBLE LIMITE DE LA PERSONNALITÉ *** MATÉRIEL RENDU ANONYME AFIN DE PRÉSERVER LA CONFIDENTIALITÉ *** Cliente : Femme, début trentaine, sécurité du revenu Contexte : Clinique externe de psychiatrie Motif de consultation : Dépression récurrente et difficultés relationnelles (familiales). Diagnostic principal : trouble limite de la personnalité avec traits histrioniques. Médication : Effexor + Remeron + Seroquel Antécédents connus : Hospitalisations en psychiatrie pour dépression majeure avec caractéristiques psychotiques Idées suicidaires plus ou moins constantes Hyperphagie boulimique (épisodes) Automutilation A déjà suivi le programme des troubles de la personnalité (DBT) : effets relatifs au niveau de l’autorégulation, mais difficultés relationnelles et dépression persistent 35 35
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève TROUBLE LIMITE DE LA PERSONNALITÉ (2) Éléments de l’histoire développementale : Fille cadette d’une fratrie de cinq enfants Famille en apparence « normale » et « fonctionnelle » Abus sexuels par un frère aîné durant plusieurs années Tout est centré sur les apparences Patiente investie superficiellement, surtout par la mère Père qui paraît plus adéquat, mais qui est idéalisé et qui décède subitement : décompensation Conjoint qu’elle aime beaucoup, mais qui la traite en « trophée » Consommation de substances avec le conjoint et fréquentations douteuses. Au moins deux agressions sexuelles à l’âge adulte, dont un viol collectif. Grossesse non planifiée à la fin de l’adolescence Séparation peu de temps après la naissance de leur fils et désinvestissement : monoparentalité Surinvestissement de son rôle de mère et désinvestissement de sa vie personnelle et de sa féminité (se « laisse aller »). Dépression récurrente avec épisodes d’hyperphagie boulimique. 36 36
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève TROUBLE LIMITE DE LA PERSONNALITÉ (3) Symptômes et observations en entrevue : Paraît son âge, en surpoids, habillée adéquatement, mais simplement. Allure très infantile et théâtrale (ton de voix, expressions faciales, gestuelle) Se présente souvent débordée Capacité de se relier adéquatement – non méfiante Collabore bien au traitement pharmacologique et suit les recommandations Idéalise l’équipe traitante Peu de clivage négatif entre les intervenants Pas d’attaque du cadre en tant que tel Malgré les idées suicidaires chroniques, inquiète rarement les intervenants Problématique d’automutilation relativement sous contrôle Dysphorie et insatisfaction chroniques 37 37
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève TROUBLE LIMITE DE LA PERSONNALITÉ (4) Processus psychothérapeutique : Évaluation initiale déjà effectuée par une autre psychologue (clarification du diagnostic – testing) : élimination du trouble psychotique 37 séances hebdomadaires (50 minutes) Connaît bien les stratégies d’autorégulation et les applique : contrat Entente explicite visant le travail sur les difficultés relationnelles actuelles avec le fils, et non sur les traumatismes antérieurs et l’histoire développementale : Représentation de soi comme victime vs contribution active aux conflits Emphase sur l’identification des affects/états mentaux Globalement : approche axée sur la mentalisation (Bateman & Fonagy) Des liens avec l’histoire développementale sont faits lorsque pertinent, mais ne sont pas explorés en profondeur. Utilisation du transfert idéalisant comme levier : non interprété 38 38
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève POINT D’ENTRÉE DANS LE PROTOCOLE UNIFIÉ POUR CETTE CLIENTE 2. Identifier les étapes 4. Alliance et 2. Travailler le conflit du processus Interventions de central durant et entre (synthèse) support les séances 3. Éduquer et redonner du pouvoir au client 3. Relier les symptômes Gérer les crises et les 1. Identifier le conflit récurrents au contexte 1. Annoncer la de la terminaison stress immédiats central : Affects, terminaison et revoir les relations d'objet, objectifs défenses 2. Motiver, gérer l’ambivalence et 4. Mettre l’emphase sur établir des objectifs le fait que les résultats 4. Se centrer sur la sont le fruit du travail du 1. Expliquer le réponse 5. Consolider les gains processus 3. Se centrer sur les patient d’autoprotection du (3 « booster sessions » thérapeutique client (défenses) affects non conscients aux 2 semaines) et la modification des relations d’objet Poursuite du traitement (modules complémentaires) Tiré et adapté de : Leichsenring & Shauenberg (2014) 39 39
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève TROUBLE LIMITE DE LA PERSONNALITÉ (5) Ce jour‐là, la patiente est assise dans la salle d’attente, avec une peluche collée contre elle. Elle a le regard perdu dans le vide. Pte : Je suis fatiguée aujourd’hui. J’ai pleuré toute la nuit dans mon lit… Une chance que j’avais Lulu (sa peluche) avec moi… (elle pointe le bol de bonbons sur la table) Est‐ce que je peux en prendre un? JD : Oui, bien sûr. Alors, vous dites que vous avez pleuré toute la nuit? Pouvez‐vous me dire ce qui vous faisait pleurer? Pte : J’ai écouté la chanson « Angel » de Sarah McLachlan. Je l’ai écoutée en boucle, puis je sanglotais… J’avais mon petit Lulu ici, comme ça (elle mime, de manière très infantile). Je pensais que j’allais me noyer dans un ouragan de larmes (elle a un ton lyrique, larmoyant, sans pleurer toutefois). Des fois, je rêve qu’un ange m’emporte avec lui… Comme dans la chanson. 40 40
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève TROUBLE LIMITE DE LA PERSONNALITÉ (6) JD : À quoi pensiez‐vous en pleurant? Pte : C’est mon fils. On s’est encore chicanés. Il m’a dit que j’étais grosse, et que j’étais malade, et il m’a engueulée parce que je ne l’avais pas réveillé le matin. Il a été en retard à ses cours. Je ne comprends pas pourquoi il me dénigre comme ça, après tout ce que j’ai fait pour lui. Je veux dire, c’est vrai, j’ai été hospitalisée souvent, mais j’ai payé ses études, je faisais le taxi, je me suis privée pour lui payer des leçons de batterie… Je ne lui demandais même pas de faire du ménage dans la maison. J’ai toujours été là pour lui. JD : Vous avez l’impression qu’il n’a pas de gratitude. Comment avez‐vous réagi quand il s’est fâché contre vous? Pte : J’ai littéralement explosé! Je l’ai suivi jusque dans sa chambre, et là, tout est un peu confus… (elle ferme les yeux) Je criais, je criais… (long silence) J’ai pensé : « Je vais le frapper ». C’est épouvantable pour une mère de penser à ça! JD : Et qu’est‐ce qui vous a retenue de le faire? Pte : Je ne sais pas. J’ai eu très peur… (elle se retient de pleurer, baisse les yeux) 41 41
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève TROUBLE LIMITE DE LA PERSONNALITÉ (7) JD : Vous avez eu peur de ce que vous auriez pu lui faire. Pte : Oui. C’est épouvantable… Quelle sorte de mère est‐ce que je suis? JD : Et juste avant d’avoir eu cette idée que vous pourriez le frapper, quelle émotion était là, quand vous le poursuiviez dans le couloir? Pte : J’ai vu noir. C’est comme si ce n’était pas moi qui courais après lui dans le corridor. J’étais comme folle. J’étais comme une enragée! JD : Vous étiez folle de rage. Pte : Folle de rage, oui… Ah! J’ai un peu la tête qui tourne là (elle inspire profondément, ferme les yeux, de manière un peu théâtrale). JD : Qu’est‐ce qui vous a enragée, au juste, dans cette situation? Pte : Il m’a traitée de grosse… Ce n’est pas très constructif. Et est‐ce que je lui dis moi qu’il a les cheveux gras et qu’il est mal rasé? Non, bon ben… JD : Il vous a dénigrée physiquement, c’est une attaque personnelle très directe et très blessante. 42 42
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève TROUBLE LIMITE DE LA PERSONNALITÉ (8) Pte : Quand j’étais petite, j’étais tellement belle… Toute petite, toute parfaite, des beaux petits rubans dans mes grands cheveux roux. Tout le monde m’aimait. J’étais la préférée de mes profs, la préférée de ma mère qui m’habillait tout le temps comme une carte de mode. Elle était tellement fière de moi! J’ai perdu tout ça maintenant, à cause des médicaments qui m’ont fait engraisser… Je suis moche. Pas étonnant que je sois célibataire depuis 10 ans! JD : Votre apparence physique a toujours eu une place très importante dans votre vie; on en a parlé souvent. Votre mère y accordait beaucoup d’importance, souvent même plus que n’importe quoi d’autre qui pouvait vous arriver, au point de ne pas se rendre compte que vous étiez déprimée et que vous vous coupiez avec des lames de rasoir… Votre beauté, ç’a été depuis longtemps votre porte d’accès à l’amour, à l’attention et à l’approbation des autres. Pte : (Pleure doucement en silence). Je me sens tellement vide, comme une catin vide. JD : L’image qui me vient, c’est celle d’une poupée de porcelaine. Toute belle, toute parfaite, mais aussi cassante… 43 43
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève TROUBLE LIMITE DE LA PERSONNALITÉ (9) Pte : Oui, je peux me casser facilement. Je suis fragile… JD : Vous vous êtes cassée quand votre fils vous a attaquée par rapport à votre apparence physique (Pte : Oui). Et vous êtes aussi devenue très cassante dans vos propos par la suite. Au point même où vous auriez eu envie de le casser, lui aussi. Pte : Oui, j’aurais voulu le casser. C’est comme s’il m’enlevait la seule chose qui m’a permis de survivre : ma beauté. Imagine si j’avais été laide, je me serais tuée depuis longtemps! Mais au fond… Ça n’est pas lui, je veux dire, ça fait longtemps que je n’ai plus l’air d’une poupée parfaite… JD : Il vous l’a rappelé assez violemment par contre. Et c’était injuste. Pte : Oui… Et je me suis violentée après ça. JD : Comment vous êtes‐vous violentée? Pte : J’ai eu envie de me couper, mais je ne l’ai pas fait. Je suis allée dans ma chambre, je me suis enfermée, et j’ai pleuré, pleuré, pleuré… Je me sentais tellement coupable et laide en même temps… Je me violente en me dénigrant moi‐même. Je me déteste. Je suis triste quand je constate ce que je pense de moi. 44 44
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève CAS 3 : TOC ET POC « LE CHÉQUIER » *** MATÉRIEL RENDU ANONYME AFIN DE PRÉSERVER LA CONFIDENTIALITÉ *** Client : Homme, quarantaine, assurance‐salaire (invalidité courte durée) Contexte : pratique privée (en collaboration avec psychiatre traitant – vu 3X par an) Motif de consultation : TOC d’accumulation et insatisfactions dans la relation de couple Médication : Effexor + Remeron + Seroquel Antécédents connus : Une dépression non traitée probable à l’adolescence Plusieurs suivis de psychothérapie, approche surtout TCC du TOC Pas d’historique de tentative suicidaire ni d’hospitalisation Éléments de l’histoire développementale : Cadet d’une fratrie de deux enfants Très performant à l’école – 2e cycle universitaire Introverti, isolé socialement, une seule relation amoureuse dans la vingtaine 45 Mère chroniquement déprimée, père plus vivant, mais plus ou moins présent Pas d’histoire de traumatismes 45
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LE CHÉQUIER (2) Symptômes et observations en entrevue Assidu, ponctuel, excellente collaboration Demande d’aide claire : détresse N’en peut plus « d’être lui‐même » Efforts pour régler son TOC : sentiment d’impuissance Dysphorique, mais pas de dépression franche Se relie bien, non méfiant, ouvert : un habitué de la psychothérapie Style narratif qui demande beaucoup de travail de ma part : affects isolés Personnalité obsessionnelle‐compulsive très franche 46 46
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LE CHÉQUIER (3) Processus psychothérapeutique Processus court en raison des ressources financières limitées du client. Objectif initial : pas d’emphase sur le TOC lui‐même, mais sur les aspects émotionnels et relationnels : POC. 22 séances hebdomadaires (50 minutes) : mentalisation + transfert Amorce très rapide, puisque client habitué au processus. Processus homogène d’un bout à l’autre : emphase sur les défenses Terminaison : interprétation jusqu’à la dernière séance Processus qui aurait pu se poursuivre plus longtemps, mais progression significative 47 47
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève POINT D’ENTRÉE DANS LE PROTOCOLE UNIFIÉ POUR CE CLIENT 2. Identifier les étapes 4. Alliance et 2. Travailler le conflit du processus Interventions de central durant et entre (synthèse) support les séances 3. Éduquer et redonner du pouvoir au client 3. Relier les symptômes Gérer les crises et les 1. Identifier le conflit récurrents au contexte 1. Annoncer la de la terminaison stress immédiats central : Affects, terminaison et revoir les relations d'objet, objectifs défenses 2. Motiver, gérer l’ambivalence et 4. Mettre l’emphase sur établir des objectifs le fait que les résultats 4. Se centrer sur la sont le fruit du travail du 1. Expliquer le réponse 5. Consolider les gains processus 3. Se centrer sur les patient d’autoprotection du (3 « booster sessions » thérapeutique client (défenses) affects non conscients aux 2 semaines) et la modification des relations d’objet Poursuite du traitement (modules complémentaires) Tiré et adapté de : Leichsenring & Shauenberg (2014) 48 48
Congrès OPQ 2016 – Julie Dauphin, Ph.D. Psychothérapie psychodynamique brève LE CHÉQUIER (4) Pt. : Elle voudrait que je fasse plus d’efforts en thérapie. Elle m’a demandé si elle pouvait vous appeler. Je lui ai dit que ça ne dépend pas de moi, mais que c’est préférable qu’elle reste en dehors. J.D. : Oui. Et comme vous la maintenez en dehors de votre appartement aussi. Pt. : Oui, ça la fâche. Elle se fâche quand je fais des bêtises. J.D. : Comme perdre votre chéquier. Pt. : Je sais pas, je lui dirai pas je pense. Ça ne servirait à rien vraiment. J.D. : C’est votre secret, un peu comme les images de femmes que vous gardez. Pt. : Ça non plus, ça ne lui plaît pas tellement… Je la comprends, d’une certaine manière… Elle ne peut pas vraiment comprendre, ce n’est pas tellement rationnel il faut dire. J.D. : Oui, il y a une partie de vous qui est irrationnelle et que vous‐même avez du mal à comprendre et envers laquelle vous êtes plutôt sévère, il me semble. 49 49
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