Los Angeles Philharmonic Gustavo Dudamel - Samedi 5 mai 2018 - 20h30 Amériques

 
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Amériques
Los Angeles Philharmonic
    Gustavo Dudamel
   Samedi 5 mai 2018 – 20h30

Grande salle Pierre Boulez – Philharmonie
WEEK-END LEONARD BERNSTEIN

Voici presque cent ans (le 25 août 1918 exactement) que naissait Leonard
Bernstein : « Peu de compositeurs captent l’esprit de leur temps et deviennent
la voix iconique de leur époque, écrit John Mauceri. Bernstein trouva sa
“voix” au début des années 1940 et porta le son de l’Amérique urbaine
de l’époque de la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux mouvements paci-
fistes des années 1970 et à la chute du mur de Berlin et du communisme
en Europe. » Cet Américain d’origine juive ukrainienne a exploré tous les
styles et les genres, passant des uns aux autres avec une aisance manifeste,
et élaborant un corpus artistique d’une grande diversité, où se côtoient les
pièces les plus célèbres (on pense évidemment à West Side Story) et les moins
connues.

Le week-end que lui consacre la Philharmonie est l’occasion d’entendre (et
de voir) en ciné-concert le film d’Elia Kazan On the Waterfront, pour lequel
il tissa en 1954 – et ce fut la seule fois qu’il écrivit spécialement pour le
cinéma – une bande originale remarquée : le critique du Time parlait ainsi en
1957 d’un « nouveau ton dans la musique de Bernstein, une sorte de pureté
étonnamment vive qui semblait naître d’un noyau brûlant d’originalité ».

Gustavo Dudamel à la tête du Los Angeles Philharmonic élabore un double
programme. Le premier s’articule autour de l’Amérique, avec Amériques de
Varèse, qui fut inspiré par la rencontre du compositeur avec les sonorités
du West Side de Manhattan – le même West Side qui sera, une trentaine
d’années plus tard, le théâtre des affrontements entre Jets et Sharks de
l’« histoire » de Bernstein. Le second fait dialoguer la Symphonie n° 9 de
Beethoven – que Bernstein a dirigée et enregistrée avec joie à de multiples
reprises (« Je ne suis jamais fatigué de sa musique, disait-il. Elle exprime une
universalité de pensée, de fraternité humaine, de liberté et d’amour ») – et
les Chichester Psalms du compositeur américain. Mises en musique de la Bible
hébraïque, ces derniers se rattachent à l’inspiration religieuse de Bernstein,
une inspiration dont le Sirba Octet et Isabelle Georges font également le fil
conducteur de leurs concerts en mêlant aux musiques de comédies musi-
cales des musiques traditionnelles yiddish.
Week-end leonard bernstein

              Vendredi 4 mai                               Samedi 5 mai
19h00                          renContre    17h00                       ConCert éduCatif

naissance de la cOmédie                     musicals
musicale américaine                         ConCert performanCe
riChard SChmouCler et Cyrille lehn          cOnservatOires d’Île-de-france - musiciens
                                            du sirBa Octet - isaBelle GeOrGes
20h30                             ConCert

Bernstein,                                  20h30                 ConCert Symphonique

du Shtetl à New-York                        GustavO dudamel
sirBa Octet                                 amériqueS
isaBelle GeOrGes, chant, claquettes
                                            lOs anGeles PhilharmOnic
richard schmOucler, violon 1
                                            GustavO dudamel, direction
laurent manaud-Pallas, violon 2
                                            Esa-Pekka Salonen, Pollux (commande
claude GirOn, violoncelle
                                            du Los Angeles Philharmonic et du Barbican
Bernard cazauran, contrebasse
                                            Centre – création française)
david Gaillard, alto
                                            Edgard Varèse, Amériques
PhiliPPe BerrOd , clarinette
                                            Dmitri Chostakovitch, Symphonie n° 5
christOPhe henry, piano
iurie mOrar, cymbalum
Répertoire traditionnel yiddish
et pièces de Harold Arlen, George
Gershwin, Richard Rodgers, Jerry Bloch,
Irving Berlin, Lew Pollack, Sholom
Secunda et Leonard Bernstein
Dimanche 6 mai
15h00                               Ciné-ConCert

On the waterfrOnt
Orchestre natiOnal d’Île-de-france
ernst van tiel, direction
Leonard Bernstein
On the Waterfront
Film d’Elia Kazan
Coproduction Orchestre national d’Île-de-France,
Philharmonie de Paris
                                                            aC t ivit é S Ce week-end
On the waterfront © 1954, Renewed 1982 Columbia
Pictures Industries, Inc.
Une Récréation musicale est proposée à 16h             Samedi
aux enfants de 3 à 10 ans dont les parents assistent   Le Lab à 11h
au concert. 8€ par enfant, réservation conseillée.     I love BernsteIn

16h30                            ConCert voCal
                                                       Visite-atelier du Musée à 15h
                                                       les musIques de fIlm
GustavO dudamel
hymne
                                                       dimanChe
lOs anGeles PhilharmOnic                               Un dimanche en orchestre à 14h
lOndOn symPhOny chOrus                                 leonard BernsteIn
GustavO dudamel, direction
Julianna di GiacOmO, soprano
Jennifer JOhnsOn canO, mezzo-soprano
JOhn hOliday, contre-ténor
michael KöniG, ténor
sOlOman hOward, basse
matthew hamiltOn, chef de chœur
Leonard Bernstein, Chichester Psalms
                                                                  C ollè ge
Ludwig van Beethoven, Symphonie n° 9
                                                              musiq ues de f ilms
« Hymne à la joie »                                              Avec Patrick Niedo

                                                       Jeudi 17 mai – 15h
                                                       de Broadway à Hollywood

                                                       Jeudi 24 mai – 15h
                                                       BernsteIn sIde story :
                                                       ses comédIes musIcales
PROGRAMME

Esa-Pekka Salonen
Pollux – création française, commande du Los Angeles Philharmonic
et du Barbican Centre

Edgard Varèse
Amériques

ENTR ACTE

Dmitri Chostakovitch
Symphonie no 5

Los Angeles Philharmonic
Gustavo Dudamel, direction

Fin du concert vers 22h10.
LES ŒUVRES

Esa-Pekka Salonen (1958)
Pollux – création française

Composition : 2018.
Création : le 13 avril 2018, au Walt Disney Concert Hall, Los Angeles,
par le Los Angeles Philharmonic, sous la direction de Gustavo Dudamel.
Commande : Los Angeles Philharmonic, Barbican Centre.
Effectif : 4 flûtes (la 2e flûte alto, les 3e et 4e piccolos), 3 hautbois, cor anglais,
3 clarinettes (la 2e clarinette en mi bémol, la 3e clarinette basse), clarinette contrebasse,
3 bassons, contrebasson – 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba – timbales,
percussions (glockenspiel, vibraphone, 2 tambours basse) – harpe – célesta/piano
– cordes.
Durée : environ 12 minutes.

Alors que je travaillais à la composition de Pollux, j’ai rencontré un curieux
problème : mon matériel musical semblait vouloir partir dans deux direc-
tions totalement opposées. J’ai fini par comprendre que ces deux visages
très différents (dans mes ébauches, je m’y référais comme à deux frères)
ne tiendraient pas à l’intérieur d’une forme unique et cohérente. Leur
coexistence était simplement impossible.

Cela m’a fait penser au mythe des faux jumeaux, Castor et Pollux, qui parta-
geaient la moitié de leur ADN mais avec des phénotypes très différents, et
qui connurent des destins dramatiquement opposés. Dans la mythologie
gréco-romaine, Pollux est immortel puisqu’il est engendré par Zeus. Castor
a pour père Tyndare, roi de Sparte ; il est donc mortel, même si son statut
évolue après sa mort. Tous deux ont pour mère Léda. Alors que celle-ci
attendait déjà un enfant de son mari, elle fut séduite par Zeus qui, pour ce
faire, avait pris l’apparence d’un cygne (n’est-ce pas fascinant d’imaginer
une telle beauté attirée par de grands oiseaux aquatiques ?).

Ma solution a été d’écrire deux ouvrages pour orchestre, indépendants
mais génétiquement liés. Pollux, lent et plutôt sombre dans son expression,
est le premier des deux. Il sera suivi de Castor, extraverti et plutôt rapide.
Pollux évoque quelque chose de rituel, et s’appuie sur un leitmotiv

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rythmique que j’ai entendu il y a plusieurs mois alors que je dînais dans
un restaurant du 11e arrondissement de Paris. Un groupe post-grunge
passait en fond sonore, et j’ai noté la ligne de basse sur une serviette
en papier sans savoir de quoi il s’agissait ni le nom des musiciens. Cette
musique m’a poursuivi, et j’ai décidé de l’utiliser pour Pollux dans une
version fortement modifiée. Le motif s’est épuré jusqu’à devenir un simple
rythme, ralenti au quart de la vitesse originale, et même plus lent encore.

J’ai également puisé mon inspiration dans un choral (ici sans paroles),
basé sur les premiers vers des Sonnets à Orphée de Rilke :

    Da stieg ein Baum. O reine Übersteigung!
    O Orpheus singt! O hoher Baum im Ohr*.

J’ai été frappé par cette image amusante et surréaliste, à la Dali, d’un
arbre poussant dans l’oreille. La métaphore est tout sauf évidente, mais
il est clair qu’Orphée est capable de réunir l’art et la nature par la simple
force de son chant. Tous les musiciens que je connais aimeraient pouvoir
en faire autant.

Pollux oscille entre des formations nuageuses (demeure des demi-dieux)
et des textures plus précises évoquant la musique orphique. Après le
finale, incarnation fortissimo du choral, un solo nostalgique au cor anglais
amène Pollux à destination. On entend à la toute fin un écho de la gamme
éolienne (utilisée en Grèce ancienne) – un simple accord formé par les
harmoniques naturelles des cordes. J’ai essayé d’imaginer quelque chose
qui sonnerait plus ancien que la plupart des musiques.

Esa-Pekka Salonen, le 23 mars 2018, Munich

* « Alors un arbre s’éleva. Ô pure élévation !
 Ô chant d’Orphée ! Ô grand arbre dressé dans l’oreille ! »
 Traduction de Jean-François Angelloz, Paris, Aubier-Montaigne, 1974.

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Edgard Varèse (1883-1965)
Amériques, pour grand orchestre

Composition : 1918-1921 ; révision en 1927-1929 ; 1973 (édition de Chou Wen-chung).
Création de la version originale : le 9 avril 1926, à l’Académie de musique de Philadelphie,
États-Unis, par l’Orchestre de Philadelphie, sous la direction de Leopold Stokowski.
Création de la version révisée : le 30 mai 1929, Salle Gaveau, à Paris,
par l’Orchestre des Concerts Poulet, sous la direction de Gaston Poulet.
Dédicace : « Aux amis inconnus du printemps de 1921 ».
Éditeur : Ricordi.
Effectif : 3 flûtes piccolo, 4 flûtes, flûte contrebasse, 4 hautbois, cor anglais,
heckelphone, 2 clarinettes en mi b, 2 clarinettes en la, clarinette basse, clarinette
contrebasse, 4 bassons, 2 contrebassons – 8 cors, 6 trompettes, 4 trombones,
trombone basse, tuba, 2 tubas contrebasse – 2 timbales, 13 percussionnistes
– 2 harpes – 16 violons I, 16 violons II, 14 altos, 10 violoncelles, 10 contrebasses.
Fanfare interne : 4 trombones alto, 2 trombones, trombone basse.
Durée : environ 26 minutes.

Lorsqu’il foule le sol américain pour la première fois, à la fin du mois de
décembre 1915, Edgard Varèse laisse derrière lui une Europe dévastée
par la guerre, qui n’offre plus l’espoir de nouvelles germinations artis-
tiques, et une terre natale, la France, qui, selon lui, n’est plus que « frilosité
esthétique ». Il a également laissé à Berlin, où il s’était installé entre 1907
et 1913, la plupart de ses manuscrits, dont deux poèmes symphoniques,
encore influencés par Richard Strauss, et une ébauche d’opéra sur le
mythe d’Œdipe. Toutes ses œuvres de jeunesse disparaissent dans un
incendie. Varèse doit désormais regarder devant lui, oublier une partie
de ses racines et de ses modèles pour renaître artistiquement dans ce
nouveau pays de tous les possibles. Il n’a cependant pas oublié le conseil
que lui a donné Busoni de « trouver des formes personnelles en premier
lieu » et, encore moins, le choc qu’a provoqué chez lui l’audition du Sacre
du printemps de Stravinski, lors de la création de l’œuvre, à Paris, en 1913.

Amériques, dont il entreprend la composition probablement dès 1918,
est donc, en quelque sorte, son opus 1. Le pluriel du titre ne fait pas
référence, comme on pourrait le penser, aux trois zones géographiques
du continent (Amérique du Nord, Centrale et du Sud), mais à un nombre

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infini d’Amériques imaginaires aux potentialités et aux beautés encore
inexplorées, « de nouveaux mondes inconnus sur cette planète, dans
l’espace et dans l’esprit des hommes. » Mais la source d’inspiration
initiale est plus concrète. Ce sont les bruits de la ville de New York avec
ses vrombissements de moteur des voitures de police, ses hurlements
des sirènes de pompier, mais aussi les bruits de la rivière et le son des
cornes de brume. Toute cette cacophonie sonore, avec ses rythmes
motoriques, ses accents violents et intempestifs, ses longs grincements
plaintifs, se conjugue avec l’impression visuelle tout aussi saisissante des
masses volumiques géantes des nouveaux gratte-ciel qui redéfinissent
l’espace de Manhattan.

Varèse compose sa partition en privilégiant les sonorités dures des percus-
sions et celles, éclatantes, des cuivres, et en dédaignant le trop classique
son velouté des cordes. La musique se déploie en un vaste mouvement
unique mais, à la place du développement traditionnel des matériaux
thématiques ou motiviques, il coupe continuellement, mélange, dissèque
et projette dans l’espace des masses sonores qui s’entrechoquent. Il se
dégage avant tout de l’œuvre une impression physique, qui provient de la
combinaison singulière d’une spontanéité animale et d’une implacabilité
machiniste. Le souvenir du Sacre est bien présent dans les poussées d’éner-
gie brute, tout comme dans les ostinatos rituels et les solos incantatoires
des vents. Varèse eut les plus grandes difficultés à faire jouer Amériques.
La raison principale était d’ordre pratique. En effet, la version originale
avait été écrite pour une formation de cent quarante-deux instrumentistes,
ce qui rendait la coordination musicale très délicate. De plus, réunir un tel
effectif représentait un coût financier exorbitant pour une œuvre dont la
modernité n’attirerait pas un large public.

À la fin de 1922, Varèse avait envoyé une copie d’Amériques à Leopold
Stokowski, alors directeur musical de l’Orchestre de Philadelphie. Le
célèbre chef avait manifesté son intérêt pour la partition et avait promis
de la diriger lorsqu’il serait moins occupé. Les années passèrent, et
Varèse perdit tout espoir d’entendre un jour Amériques. Mais Stokowski
tint promesse, et l’œuvre fut créée le 9 avril 1926. Elle avait nécessité
pas moins de seize répétitions complètes ! Le public très conservateur
de Philadelphie ne fit pas un bon accueil à cette musique bien trop

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révolutionnaire à son goût, et les critiques furent divisés. La partition
fut révisée en 1927 avec un effectif réduit à cent vingt-cinq musiciens,
mais Amériques resta longtemps peu jouée par les grandes phalanges
symphoniques. Aujourd’hui, l’œuvre est considérée comme un classique
incontournable de la musique du xxe siècle.

Max Noubel

Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie no 5 en ré mineur op. 47

I. Moderato
II. Allegretto
III. Largo
IV. Allegro non troppo

Composition : entre le 18 avril et le 20 juillet 1937.
Création : le 21 novembre 1937, à Leningrad (Saint-Pétersbourg), par l’Orchestre
Philharmonique de Leningrad, placé sous la direction d’Evgueni Mravinski.
Éditeur : Mouzgiz.
Effectif : 3 flûtes, 2 hautbois, 3 clarinettes (dont petite clarinette), 3 bassons (dont
contrebasson) – 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba – percussions (avec timbales,
grande batterie, cloches, xylophone) – 2 harpes – célesta, piano – cordes.
Durée : environ 50 minutes.

Le 28 janvier 1936 paraît dans la Pravda un article sulfureux intitulé « Du
chaos en place de musique ». L’écrit, au ton vigoureux et polémique,
fustige les arts d’avant-garde et amorce une vaste campagne de dénigre-
ment des artistes dits « avancés ». Les œuvres de Dmitri Chostakovitch
sont particulièrement visées. « Il est difficile de suivre cette musique, il
est impossible de la mémoriser. Sur scène, le chant est supplanté par des
cris. Si le compositeur se trouve soudain sur la voie d’une mélodie simple
et compréhensible, il s’empresse, comme effrayé d’un tel accident, de
repartir dans le dédale de ce chaos musical qui, par moments, touche à
la cacophonie », lit-on à propos de son opéra Lady Macbeth de Mtsensk,
dont la création a suscité l’ire de Staline. Dans les semaines qui suivent,

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de nombreux proches du musicien sont arrêtés, tel le metteur en scène
Meyerhold avec qui il avait monté, quelques années auparavant, La
Punaise de Maïakovski. Le beau-frère du compositeur est interrogé
tandis que sa propre sœur est déportée dans un camp, en Sibérie…
Profondément meurtri et anxieux, Chostakovitch annule les répétitions
de sa Symphonie no 4, dont le finale, pathétique et tragique, aurait proba-
blement été voué à la réprobation la plus rude. On lui aurait de nouveau
reproché son pessimisme et son « formalisme » – terme peu défini et d’un
emploi par conséquent aisé pour qui entend dénigrer un artiste. À la
place, le musicien présente un nouvel opus, qu’il décrit lui-même, avant
la première moscovite, comme un symbole « de l’optimisme triomphant
de l’homme » : sa Symphonie no 5.

La composition, entreprise à Gaspra, en Crimée, est menée rapidement.
Le Largo est achevé en trois jours, et la partition complète rédigée entre
le 18 avril et le 20 juillet 1937. La toute-puissante Union des composi-
teurs, qui régit la vie musicale publique et dont l’avis est sans appel,
demande à lire l’œuvre pour savoir si elle peut être donnée en public.
Chostakovitch la fait entendre dans une réduction pour piano à quatre
mains, qu’il joue en compagnie du compositeur Nikita Bogoslovski.
L’ouvrage est accepté, à son grand soulagement. On confie à Evgueni
Mravinski, un jeune chef âgé d’à peine 35 ans, le soin d’en assurer la
première audition. Cinq jours de répétition intenses suivent. La création
est un triomphe. Les applaudissements crépitent durant plus d’une
demi-heure, et Chostakovitch est rappelé à maintes reprises. « Cette
musique dégageait une force si galvanisante qu’en définitive tout le
monde se retrouva debout. Lorsque la tempête d’applaudissements
fit trembler les piliers de la salle de la Philharmonie, Mravinski brandit
la partition pour bien signifier que ces ovations ne s’adressaient pas
plus à lui-même qu’à l’orchestre, mais à l’auteur de cette musique – à
Chostakovitch », se souvient un proche. Le caractère pathétique, la
force des idées, l’expression directe des sentiments, l’orchestration
brillante ou l’impression de monumentalité se dégageant de l’ensemble
expliquent probablement ce succès. La partition est, jusqu’à aujourd’hui
encore, la plus jouée des quinze symphonies de Chostakovitch, et
demeure l’un de ses ouvrages les plus populaires.

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Le premier mouvement surprend par son tempo modéré qui fait songer
à une introduction lente avant que l’on s’aperçoive qu’il n’en est rien :
l’œuvre a bel et bien commencé sans exorde. Les premières mesures
installent une atmosphère de catastrophe latente en confiant aux
cordes un thème sombre, qui accompagnera chacun des deux éléments
principaux. Les rythmes pointés, les vastes sauts d’intervalle, l’écriture
sévère en unissons et en octaves, la distribution rigoureuse en canon
et le chromatisme instaurent un climat pathétique, qui place d’emblée
l’œuvre sous l’angle du tragique. Conçu comme une vaste forme sonate
(exposition des thèmes, développement puis reprise variée des diffé-
rents éléments thématiques), le mouvement est bâti sur une montée
progressive de la tension, qui culmine lors de la réexposition puis retombe
graduellement avant la dislocation finale. Le premier thème est une
mélodie dépressive, qui prolonge le sentiment initial de désolation par
sa retenue et ses nombreuses suspensions. Le second thème est une
nouvelle mélopée des violons présentée en mineur, sur un rythme obstiné
des basses. L’entrée inattendue d’un piano ouvre le développement et
inaugure un changement notable de climat. Les notes accentuées, le
temps mesuré et « mécanisé », le tempo sans cesse accéléré marquent
une installation dans le drame. L’apparition grotesque du premier thème
à la trompette, le martèlement continu des timbales, l’ajout sans fin de
nouvelles strates, la sonorité stridente du xylophone et la combinaison
progressive des deux thèmes principaux mènent vers un point culmi-
nant particulièrement violent, qui amorce la réexposition. Aux unissons
violents, con tutta forza, du premier thème répondent la flûte et le cor
solistes du deuxième. La fin, étrange, fait entendre, sur fond de harpes
puis de gammes ascendantes au célesta, un violon soliste dans l’aigu. Le
discours se désagrège peu à peu, et la musique finit au seuil du silence.

Le scherzo apporte un contraste nécessaire. Le mouvement évoque Mahler
par son mariage réussi d’ironie, de sarcasme, de trivialité et de gravité.
Les idées, en apparence décousues – une ligne sévère des violoncelles
et contrebasses à l’octave, une mélodie des bois sans cesse variée par les
changements de timbres, un thème de valse en mineur accompagné par des
accords en pizzicato, quelques percées des cuivres –, sont unifiées par de
courtes cellules d’intervalle ou de rythme. L’orchestration limite le nombre
de tutti au profit de dialogues chambristes se succédant au sein d’une

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mosaïque de tonalités impressionnante. La forme, traditionnelle, place en
son centre un trio marqué par la ligne humoristique d’un violon soliste, les
glissandos persifleurs des harpes et les pizzicatos espiègles des violoncelles.

    « La fin ne sonne pas du tout comme une solution
    […], mais comme un châtiment et une sanction.
    Ce qui s’exerce ici, c’est une force émotionnelle terrible,
    mais tragique. L’impression est angoissante. »
                                Alexander Fadeïev, sur la Symphonie no 5, 1937

Cœur expressif de la symphonie, le Largo en fa dièse mineur est un
moment d’interrogation, de réflexion, de méditation après la densité
des événements passés. La forme, ternaire, est cadrée par deux points
culminants placés symétriquement au début et à la fin. Le déploiement
mélodique continu, l’engendrement des thèmes les uns à partir des autres,
la transformation incessante des éléments (notamment l’absence de reprise
littérale) distillent une tension permanente, comme un écho aux douleurs
du premier mouvement. Le thème principal est exposé par les cordes
divisées dans un entrelacs de lignes épurées. Le rythme harmonique
lent, le ton mineur, la direction tonale incertaine instaurent un nouveau
climat de désolation. Après l’atteinte d’un premier sommet, le hautbois
ouvre la partie centrale par une mélodie originale… qui n’est en réalité
que le renversement du thème initial. Exposée sur une simple ligne des
violons en trémolos dans l’aigu, la cantilène est reprise par une clarinette
puis une flûte solistes, dans un tissu volontairement raréfié. Le retour du
thème initial dans des tessitures graves – clarinette, basson, contrebasson
– marque la réexposition. La polyphonie étoffée, la domination des tons
mineurs, l’atteinte d’un second point culminant marqué par la présence du
piano et du xylophone sont autant de variations de la première partie. La
conclusion, elle, réfléchit celle du premier mouvement : les thèmes meurent
graduellement tandis que la musique confine progressivement au silence
et au vide. Le travail sur la couleur – harmoniques au célesta et à la harpe,
trémolos des premiers violons sur une simple note dans l’aigu – exacerbe
l’expressivité tandis que l’arrivée inopinée du mode majeur confère au
récit un caractère étrange, comme irréel.

                                     15
Le finale récuse le plan traditionnel de l’allegro de sonate au profit d’une
vaste forme ternaire, où les idées sont développées dès leur première
exposition. Le mouvement semble commencer in medias res par un
énoncé triomphal du thème principal sur un martèlement de timbales.
Le mineur progresse vers le majeur, tandis que la mélodie, travaillée
par les cuivres, est menée vers un nouveau sommet. Une retombée
brutale – un effondrement chromatique – précède la partie centrale.
L’atmosphère change brusquement de caractère. À un choral des cuivres
répondent une mélodie tourmentée des cordes puis un dialogue serein
des bois. Un court solo de percussion introduit un passage mystérieux
préludant à la réexposition. Le thème initial y est réentendu en mineur
dans des teintes sombres avant d’être développé au sein d’une anima-
tion graduelle du tempo. La fin en majeur et les accords emphatiques
semblent quelque peu forcés, comme plaqués arbitrairement. « Dans le
finale de ma symphonie, j’ai cherché à résoudre les motifs tragiques des
premiers mouvements en un projet optimiste et plein de vie », expliquait
Chostakovitch lors de la création. La lecture de ses Mémoires, publiés en
1979, quatre ans après sa mort, montre une vision opposée et sans doute
plus exacte. « Ce qui se passe dans la Cinquième Symphonie me semble
être clair pour tout le monde. C’est une allégresse forcée comme dans
Boris Godounov. C’est comme si on nous matraquait tous en nous disant :
“Votre devoir est de vous réjouir, votre devoir est de vous réjouir”. » Sous
l’allégresse se cache la souffrance, tel est le singulier spectacle offert par
la fin de la Symphonie no 5 – une œuvre tragique, où les notes se font
l’écho douloureux d’une période trouble et vécue comme telle.

Jean-François Boukobza

                                  Partenaire de la Philharmonie de Paris

    MET À VOTRE DISPOSITION SES TAXIS POUR FACILITER VOTRE RETOUR
                 À LA SORTIE DES CONCERTS DU SOIR.
    Le montant de la course est établi suivant indication du compteur et selon le tarif préfectoral en vigueur.

                                                       16
Le saviez-vous ?

Les symphonies de Chostakovitch

Comme son compatriote Nikolaï Miaskovski (auteur de vingt-sept
symphonies), Chostakovitch brisa la malédiction du chiffre 9 qui frappa
Beethoven, Schubert, Bruckner et Mahler (lesquels ne parvinrent pas à
dépasser le nombre de neuf symphonies). Entre 1925 et 1971, le compo-
siteur russe s’illustra quinze fois dans le genre. Son corpus se divise en
plusieurs catégories : d’un côté les œuvres instrumentales de « musique
pure » (nos 1, 4, 5, 6, 8, 10 et 15) ou à programme (no 7 « Leningrad »,
no 11 « L’année 1905 » et no 12 « L’année 1917 ») ; d’un autre côté les
symphonies avec voix (no 2 « À octobre », no 3 « Le premier mai », no 13
« Babi Yar » et no 14).

Les symphonies à programme s’inspirent de l’histoire de la Russie au
xxe siècle. La Septième, créée pendant le siège de Leningrad, devint
d’ailleurs un symbole de lutte contre l’ennemi. Mais la frontière entre
musique programmatique et musique pure s’avère ténue quand on
sait que Chostakovitch sous-titra la Cinquième « Réponse d’un artiste
soviétique à la critique justifiée », déclara que la Sixième reflétait « les
sentiments du printemps, de la joie et de la jeunesse », chercha dans la
Huitième à « recréer le climat intérieur de l’être humain assourdi par le
gigantesque marteau de la guerre ». Par ailleurs, la Symphonie no 2 et la
Symphonie no 3, en un seul mouvement, s’achèvent par un chœur : on
peut les assimiler à une cantate, comme la Treizième pour basse et chœur
d’hommes. Quant à la Quatorzième, pour soprano, basse et orchestre de
chambre, elle ne se distingue pas d’un cycle de mélodies avec orchestre.
Mais même en excluant ces symphonies qui ne ressemblent pas tout à
fait à des symphonies, Chostakovitch a dépassé le 9 fatidique !

Hélène Cao

                                   17
Les COMPOSITEURs

Esa-Pekka Salonen                        d’une tournée européenne dans le
Innovateur infatigable, Esa-Pekka        cadre de la résidence du compositeur,
Salonen s’efforce constamment de         laquelle donnera lieu cette année à la
repositionner le répertoire classique    création new-yorkaise de Gambit et
dans le cadre du xxie siècle. Il est     d’Helix. En février 2018, le Los Angeles
actuellement chef permanent et           Philharmonic a donné l’intégrale des
conseiller artistique du Philharmonie    concertos du compositeur, avec
Orchestra de Londres, et chef lauréat    Yo-Yo Ma, le pianiste Yefim Bronfman
du Los Angeles Philharmonic, dont il a   et la violoniste Leila Josefowicz. Le
été directeur musical de 1992 à 2009.    Concerto pour violon a remporté le
Cette année marque la troisième de       célèbre Grawemeyer Award et été
trois saisons en tant que compositeur    utilisé lors de la campagne internatio-
en résidence Marie-Josée Kravis du       nale d’Apple en 2014 pour son iPad.
New York Philharmonic et la seconde      Cette saison, l’ouvrage sera donné
de cinq en tant qu’artiste associé de    avec une chorégraphie de Saburo
l’Opéra-Ballet national de Finlande,     Teshigawara par le Ballet de l’Opéra
où il dirigera bientôt son premier       national de Paris. Tout au long de la
cycle du Ring. Il est directeur artis-   saison, le Barbican Centre de Londres
tique et co-fondateur du Festival de     fait la part belle aux œuvres d’Esa-
la mer Baltique, qui réunit chaque       Pekka Salonen. Ses œuvres seront
année des artistes pour promouvoir       également données au Festival d’Hel-
l’unité et la conscience écologique      sinki, au Carnegie Hall, et interprétées
de la région. Esa-Pekka Salonen est      par l’Orchestre Symphonique de la
également conseiller du Sync Project,    Radio Bavaroise sous la direction du
initiative mondiale de développe-        compositeur, les orchestres sympho-
ment des technologies musicales          niques de Kansas City, Nashville et
pour le bien-être et la santé. Les       Toronto. La Compagnie Tero Saarinen
compositions d’ Esa-Pekka Salonen        ainsi le Royal Ballet et le Boston Ballet
trouvent librement leur place au sein    donneront la version chorégraphiée
des langages contemporains, mêlant       de deux pièces orchestres supplé-
complexité et virtuosité technique à     mentaires du compositeur – Foreign
de joyeuses innovations rythmiques et    Bodies et Nyx. Alors dans sa dixième
mélodiques. Son Concerto pour violon-    année en tant que chef permanent et
celle, écrit pour Yo-Yo Ma, a été créé   conseiller artistique du Philharmonia
par le Chicago Symphony Orchestra        Orchestra, Esa-Pekka Salonen dirige
au printemps 2016, repris par le New     les Symphonies nos 3 et 9 de Mahler,
York Philharmonic à domicile puis lors   un programme célébrant le centenaire
                                     18
de l’indépendance de la Finlande, la             Widor au Conservatoire. Établi en 1908
première européenne du Chant des                 à Berlin, où est créé Bourgogne grâce à
enfants des étoiles d’Unsuk Chin et              l’appui de Richard Strauss, il rencontre
les Gurrelieder de Schönberg. En                 Busoni, et compte au nombre des
véritables pionniers de la présenta-             premiers auditeurs de Pierrot lunaire,
tion musicale, Esa-Pekka Salonen et              en 1912, de Schönberg, dont il fait
le Philharmonia ont lancé la première            connaître l’œuvre à Debussy. Mobilisé
grande production de réalité virtuelle           puis réformé, il quitte, le 18 décembre
d’un orchestre britannique avec les              1915, l’Europe pour New York, où il
installations RE-RITE et Universe of             dirige deux ans plus tard le Requiem
Sound, lesquelles ont permis à des               de Berlioz « à la mémoire des morts de
personnes du monde entier de diriger,            toutes les nations », et où il ne cessera
de jouer et d’approcher au plus près             de fonder des institutions (en 1919 le
un orchestre au moyen de projections             New Symphony Orchestra, en 1921
audio et vidéo, sans oublier la célèbre          l’International Composers Guild, en
application pour l’iPad The Orchestra            1928 la Panamerican Association of
qui offre à l’utilisateur un accès sans          Composers, en 1941 le New Chorus).
précédent aux rouages internes de                En 1922, Varèse termine Amériques,
huit ouvrages symphoniques. Directeur            qu’il considère comme son premier
musical du Los Angeles Philharmonic              opus – il a détruit ou détruira toutes
durant dix-sept ans, Esa-Pekka Salonen           ses partitions antérieures –, avant
peut s’enorgueillir d’avoir largement            de composer des œuvres rares qui
revivifié l’organisation de l’orchestre.         l’imposent comme l’un des représen-
Il l’a soutenu de façon cruciale au              tants de la « nouvelle musique » les
moment de l’ouverture du Walt Disney             plus engagés dans la conquête de
Concert Hall, présidé à d’innombrables           mondes sonores inouïs. À Paris, où
créations contemporaines, lancé le               il réside de 1928 à 1933, il noue des
Fonds de Commandes Esa-Pekka                     amitiés avec les milieux de l’avant-
Salonen et fait de cet ensemble l’un             garde, et a comme élève Jolivet.
des plus écoutés et soutenus du pays.            Le 27 septembre 1933, après avoir
                                                 envisagé une Quatrième Internationale
Edgard Varèse                                    des Arts, il regagne les États-Unis.
Né à Paris le 22 décembre 1883,                  Là commence, en 1935, une longue
Ed g a r d Va r è s e v i t a u V i l l a r s    période de crise, jalonnée par quelques
(Bourgogne) avant de suivre ses                  conférences dans le centre et l’ouest
parents à Turin, où il commence des              du pays (Santa Fe, San Francisco, Los
études musicales. En 1903, de retour             Angeles), puis de nouveau à New
à Paris, il est élève de d’Indy, Roussel         York en 1941. Invité aux cours d’été de
et Bordes à la Schola Cantorum, et de            Darmstadt en 1950, Varèse prononce

                                            19
des conférences à Francfort, Berlin et      brutale de janvier 1936. On annule
Munich, et réalise, dans les studios        la création de la Symphonie no 4…
dirigés par Pierre Schaeffer, les inter-    Après une Symphonie no 5 de réhabi-
polations de Déserts. À Georges             litation (1937), Chostakovitch enchaîne
Charbonnier, Varèse accorde en              d’épiques symphonies de guerre (nos 6
1955 une série d’entretiens devenus         à 9). La célébrissime « Leningrad »
célèbres. De 1956 à 1958, il travaille au   (no 7) devient un symbole, rapidement
Poème électronique, pour le pavillon        internationalisé, de la résistance au
Philips de l’Exposition universelle de      nazisme. À partir de 1944, le quatuor
Bruxelles de 1958. Invité par les plus      à cordes, genre plus intime, prend son
prestigieuses universités (Columbia,        essor. Deuxième disgrâce, en 1948,
Princeton, Yale), interprété par les plus   au moment du Concerto pour violon
grands chefs d’orchestre (Bernstein,        écrit pour Oïstrakh : Chostakovitch est
Boulez, Maderna), lauréat en 1963 du        mis à l’index et accusé de formalisme.
prix Koussevitzky pour l’enregistre-        Jusqu’à la mort de Staline en 1953, il
ment de son œuvre chez Columbia,            s’aligne et s’abstient de dévoiler des
il connaît une tardive reconnaissance       œuvres indésirables. Le funambulisme
internationale avant de s’éteindre le       de Chostakovitch face aux autorités se
6 novembre 1965 à New York.                 poursuit. Après l’intense Symphonie
                                            n o 10, les officielles Onzième et
Dmitri Chostakovitch                        Douzième (dédiées à « 1905 » et
Issu d’un milieu musicien, Dmitri           « 1917 ») marquent un creux. L’intérêt
Chostakovitch entre à 16 ans au             se réfugie dans les domaines du
Conservatoire de Saint-Pétersbourg.         concerto (pour violoncelle, écrit pour
Il s’enthousiasme pour Hindemith et         Rostropovitch) et du quatuor à cordes
Krenek, travaille comme pianiste de         (Septième et Huitième). Ces années
cinéma. Œuvre de fin d’études, sa           sont aussi marquées par une vie
Symphonie no 1 (1926) soulève l’enthou-     personnelle bousculée et une santé
siasme. Suit une période de moder-          qui décline. En 1960, Chostakovitch
nisme extrême et de commandes               adhère au Parti communiste. En contre-
(ballets, musiques de scène et de film,     partie, la Symphonie no 4 peut enfin
dont La Nouvelle Babylone). Après la        être créée. Elle côtoie la dénoncia-
Symphonie no 2 (1927), la collaboration     trice Treizième (« Babi Yar »), source
avec le metteur en scène Meyerhold          de derniers démêlés avec le pouvoir.
stimule l’expérimentation débridée          Après quoi Lady Macbeth est monté
du Nez (1928), opéra gogolien tôt taxé      sous sa forme révisée, en 1963.
de « formalisme ». Deuxième opéra,          Chostakovitch cesse d’enseigner, les
Lady Macbeth (créé en 1934) triomphe        honneurs se multiplient. Mais sa santé
pendant deux ans, avant la disgrâce         devient préoccupante (infarctus en

                                        20
1966 et 1971, cancer à partir de 1973).    mahlérien-shakespearien. Son langage
Dernière réhabilitation, Le Nez est        plurivoque, en seconds degrés, réagit
repris en 1974. Chostakovitch était        – et renvoie – aux inter férences
attiré par le mélange de satire, de        déterminantes entre le pouvoir et
grotesque et de tragique d’un modèle       la musique.

                           Les INterprètes

Gustavo Dudamel                            Philharmoniker. 2017-2018 marque
Fort d’une renommée d’excellence dans      sa neuvième saison au poste de
les domaines de la musique sympho-         directeur musical et artistique du Los
nique comme de l’opéra, Gustavo            Angeles Philharmonic. Sous sa direc-
Dudamel est porté par une profonde         tion, l’orchestre a considérablement
croyance en la puissance unificatrice      accru la portée de ses initiatives locales
de la musique. Il occupe actuellement      avec des projets phares tels que le
les fonctions de directeur musical de      YOLA (Youth Orchestra Los Angeles),
l’Orchestre Symphonique Simón Bolívar      inspiré du célèbre El Sistema et de
du Venezuela et de directeur musical et    sa conception de la musique comme
artistique du Los Angeles Philharmonic.    facteur de progrès social. Directeur
Cet artiste engagé imprime sa marque       musical depuis dix-neuf ans du projet
aussi bien sur les grandes scènes          El Sistema au Venezuela, Gustavo
internationales que dans les salles        Dudamel reste attaché à sa vision
de classe, les cinémas, sans oublier       d’une musique capable de créer des
les plates-formes numériques du            ponts et de transformer les vies. Il
monde entier. Gustavo Dudamel est          défend l’association de la musique
fréquemment invité aux côtés des           et des arts, fondamentale selon lui
meilleures formations internationales.     dans l’éducation des jeunes du monde
En 2017-2018, il sillonne l’Europe avec    entier. Élargissant ses horizons, il a
les Berliner Philharmoniker, et mène les   travaillé à de nombreuses occasions
Wiener Philharmoniker en tournée sur       avec El Sistema Japon et l’Orchestre
le continent américain. Cette saison       Philharmonique des Jeunes de Sendai
est également celle de son retour à        suite au tsunami de 2011, et soutient
l’opéra avec une nouvelle produc-          activement des projets tels que Big
tion de La Bohème de Puccini, qu’il        Noise en Écosse, Superar à Vienne,
dirige à l’Opéra national de Paris. En     SerHacer à Boston et El Sistema Suède,
2017, Gustavo Dudamel a été le plus        avec lequel il a lancé un Orchestre de
jeune chef de l’histoire à diriger le      l’Avenir rassemblant des jeunes des
Concert du Nouvel An des Wiener            cinq continents pour le concert des prix

                                       21
Nobel en 2017. Les enregistrements,        ouvrages de référence et découvertes
les retransmissions et les innovations     audacieuses. Que ce soit à Los Angeles
numériques occupent une place essen-       ou en tournée, l’orchestre – reconnu
tielle dans son action en faveur de        comme l’un des meilleurs au monde –
l’accès universel à la musique. On lui     joue un rôle moteur avec une program-
doit la production indépendante d’un       mation originale à l’image de son art et
enregistrement Wagner disponible           de ses convictions, interprétée dans le
exclusivement en téléchargement,           cadre traditionnel du concert comme
d’une intégrale des symphonies de          au sein de la collectivité. 2017-2018
Beethoven destiné à l’apprentissage        marque la quatre-vingt-dix-neu-
numérique ainsi qu’une retransmis-         vième saison de l’orchestre. Chaque
sion de deux ballets de Stravinski         saison, plus de deux cent cinquante
avec l’Orchestre Symphonique               concerts sont donnés ou présentés par
Simón Bolívar en coopération avec          l’orchestre dans ses deux lieux emblé-
le Digital Concert Hall des Berliner       matiques que sont le Walt Disney
Philharmoniker. Gustavo Dudamel s’est      Concert Hall et le Hollywood Bowl. Au
vu remettre le Cultural Achievement        cours de la saison d’hiver, qui compte
Award de l’Americas Society ainsi          environ cent soixante-cinq concerts au
que le prix Leonard Bernstein par la       Walt Disney Concert Hall, l’orchestre
Longy School of Music récompensant         organise festivals, résidences d’artistes
l’ensemble de sa carrière et ses efforts   et autres programmes thématiques.
de promotion de la musique dans la         L’engagement de l’ensemble envers le
société. Nommé Musicien de l’année         répertoire contemporain y est évident,
2013 par Musical America, il a égale-      que ce soit dans sa passionnante série
ment été cité dans le Hall of Fame du      Green Umbrella ou à l’occasion de
Gramophone. La Fondation Gustavo           ses nombreuses commandes. Depuis
Dudamel a été créée en 2012 dans           2003, le Los Angeles Philharmonic a
le but de promouvoir le droit d’accès      pour résidence le Walt Disney Concert
à la musique comme un droit de             Hall. L’engagement de l’orchestre
l’homme, véritable catalyseur d’appren-    envers la ville de Los Angeles dépasse
tissage, d’intégration et de change-       le cadre traditionnel du concert et
ment social (gustavodudamel.com et         vise les écoles, les églises et d’autres
dudamelfoundation.org).                    centres de proximité au sein de cette
                                           communauté vaste et diverse. Parmi
Los Angeles Philharmonic                   ses nombreuses réalisations éduca-
Sous la direction passionnée de son        tives, citons le Youth Orchestra Los
directeur musical et artistique Gustavo    Angeles, inspiré d’El Sistema. Avec
Dudamel, le Los Angeles Philharmonic       le YOLA, le Los Angeles Philharmonic
défend un répertoire foisonnant mêlant     et ses partenaires locaux organisent

                                       22
un prêt d’instruments ainsi qu’un         Beinum (1956-1959), Zubin Mehta
programme intensif de cours et de         (1962-1978), Carlo Maria Giulini (1978-
soutien à l’intention de près de huit     1984), André Previn (1985-1989),
cents étudiants de milieux défavo-        Esa-Pekka Salonen (1992-2009) et,
risés, leur permettant grâce à un         depuis 2009, Gustavo Dudamel.
suivi de plusieurs années d’entrer au
collège et de devenir des citoyens,       Directeur musical et artistique
dirigeants et acteurs du changement       (Walt and Lilly Disney Chair)
à part entière. L’orchestre se produit    Gustavo Dudamel
également en tournée, régulièrement
invité à New York, Paris et Tokyo. Le     Chef lauréat
Los Angeles Philharmonic a été associé    Esa-Pekka Salonen
international du Barbican Centre de
Londres depuis 2009. La première          Principal chef invité (Ann Ronus Chair)
tournée de l’ensemble date de 1921,       Susanna Mälkki
et l’organisation de tournées annuelles
de la saison 1969-1970. L’orchestre       Chef assistant
propose un vaste catalogue de             Paolo Bortolameolli
concerts disponibles en ligne, dont
le premier concert classique complet      Creative Chair
paru en vidéo sur iTunes. En 2017, le     John Adams
Los Angeles Philharmonic et son chef
lauréat, Esa-Pekka Salonen, ont été       Violons I
nominés pour le Grammy Award de la        Martin Chalifour (Principal
meilleure compilation classique pour      Concertmaster, Marjorie Connell
leur enregistrement en direct des 200     Wilson Chair)
Motels de Frank Zappa. Le Los Angeles     Nathan Cole (First Associate
Philharmonic a été fondé en 1919 par      Concertmaster, Ernest Fleischmann
William Andrews Clark Jr, millionnaire    Chair)
et musicien amateur qui a ainsi donné à   Bing Wang (Associate Concertmaster,
la ville son premier orchestre sympho-    Barbara and Jay Rasulo Chair)
nique permanent. Son premier direc-       Akiko Tarumoto (Assistant
teur musical, Walter Henry Rothwell,      Concertmaster, Philharmonic
a conservé ce poste jusqu’en 1927.        Affiliates Chair)
Lui ont succédé dix chefs d’orchestre     Michele Bovyer
de renom : Georg Schnéevoigt (1927-
1929), Artur Rodziński (1929-1933),       Rochelle Abramson
Otto Klemperer (1933-1939), Alfred        Camille Avellano (Margaret
Wallenstein (1943-1956), Eduard van       and Jerrold L. Eberhardt Chair)

                                      23
Mark Baranov                          Altos
Minyoung Chang (I.H. Albert           NN (Principal, John Connell Chair)
Sutnick Chair)                        Dale Hikawa Silverman
Miika Gregg                           (Associate Principal)
Vijay Gupta (Mark Houston Dalzell     Ben Ullery (Assistant Principal)
and James Dao-Dalzell Chair)          Dana Lawson
Mischa Lefkowitz
Edith Markman                         Richard Elegino
Mitchell Newman                       John Hayhurst
Rebecca Reale                         Ingrid Hutman
Stacy Wetzel                          Michael Larco
                                      Hui Liu
Violons II                            Meredith Snow
Lyndon Johnston Taylor (Principal,    Leticia Oaks Strong
Dorothy Rossel Lay Chair)             Minor L. Wetzel
Mark Kashper (Associate Principal)
Kristine Whitson                      Violoncelles
Johnny Lee                            Robert deMaine (Principal, Bram
                                      and Elaine Goldsmith Chair)
Dale Breidenthal                      Ben Hong (Associate Principal,
Ingrid Chun                           Sadie and Norman Lee Chair)
Jin-Shan Dai                          Dahae Kim (Assistant Principal)
Tianyun Jia                           Jonathan Karoly
Chao-Hua Jin
Nickolai Kurganov                     David Garrett
Guido Lamell                          Barry Gold
Varty Manouelian                      Jason Lippmann
Yun Tang                              Gloria Lum (Linda and Maynard
Michelle Tseng                        Brittan Chair)
Suli Xue                              Tao Ni
                                      Serge Oskotsky
                                      Brent Samuel

                                     24
Contrebasses                            Clarinettes
Dennis Trembly (Principal)              Boris Allakhverdyan (Principal,
Christopher Hanulik (Principal)         Michele and Dudley Rauch Chair)
Oscar M. Meza (Assistant Principal)     Burt Hara (Associate Principal)
David Allen Moore                       Andrew Lowy
                                        David Howard
Ted Botsford
Jack Cousin                             Clarinette en mi bémol
Jory Herman                             Andrew Lowy
Brian Johnson
Peter Rofé                              Clarinette basse
                                        David Howard
Flûtes
Denis Bouriakov (Principal, Virginia    Bassons
and Henry Mancini Chair)                Whitney Crockett (Principal)
Catherine Ransom Karoly (Associate      Shawn Mouser (Associate Principal)
Principal, Mr. and Mrs. H. Russell      Michele Grego
Smith Chair)
Elise Shope Henry                       Contrebasson
(Mari L. Danihel Chair)                 NN
Sarah Jackson
                                        Cors
Piccolo                                 Andrew Bain (Principal,
Sarah Jackson                           John Cecil Bessell Chair)
                                        NN (Associate Principal)
Hautbois                                Gregory Roosa
NN (Principal)                          Amy Jo Rhine (Loring Charitable
Marion Arthur Kuszyk                    Trust Chair)
(Associate Principal)                   Brian Drake (Reese and Doris
Anne Marie Gabriele                     Gothie Chair)
                                                                             Licences E.S. 1-1083294, 1-1041550, 2-1041546, 3-1041547 - Imprimeur :Impro

Carolyn Hove                            Ethan Bearman (Assistant,
                                        Bud and Barbara Hellman Chair)
Cor anglais
Carolyn Hove

                                       25
Trompettes
Thomas Hooten (Principal,
M. David and Diane Paul Chair)
James Wilt (Associate Principal,
Nancy and Donald de Brier Chair)
Christopher Still (Ronald and Valerie
Sugar Chair)

Trombones
David Rejano Cantero (Principal)
James Miller (Associate Principal,
Judith and Thomas L. Beckmen Chair)

Trombone basse
John Lofton

Tuba
Norman Pearson

Timbales
Joseph Pereira (Principal,
Cecilia and Dudley Rauch Chair)

Percussions
Matthew Howard (Principal)
James Babor
Perry Dreiman

Claviers
Joanne Pearce Martin (Katharine
Bixby Hotchkis Chair)

Harpe
Lou Anne Neill

                                    26
P H I L H A R M O N I E D E PA R I S
                             SAISON 2018-19

           Orchestres
        internationaux.
            Biennale    11 - 21 janvier
             ORCHESTRE DE PARIS / DANIEL HARDING
            STAATSKAPELLE BERLIN / DANIEL BARENBOIM
        BOSTON SYMPHONY ORCHESTRA / ANDRIS NELSONS
            ORCHESTRE DU MARIINSKY / VALERY GERGIEV
         LONDON SYMPHONY ORCHESTRA / SIMON RATTLE /
            FRANÇOIS -XAVIER ROTH / BERNAND HAITINK
        GEWANDHAUSORCHESTER LEIPZIG / ANDRIS NELSONS
          FILARMONICA DELLA SCALA / RICCARDO CHAILLY
        BERLINER PHILHARMONIKER / YANNICK NÉZET-SÉGUIN
    ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL / KENT NAGANO

                    AVEC LE SOUTIEN DE LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
                                                             Photo : © Ava du Parc

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LES ÉDITIONS DE LA PHILHARMONIE

LE MUSÉE IMAGINAIRE
DES ŒUVRES MUSICALES
LYDIA GOEHR
Traduit de l’anglais par Christophe Jaquet
avec la collaboration de Claire Martinet

Qui, de nos jours, contesterait que les
symphonies de Beethoven, les concertos
de Schumann et les sonates de Schubert
sont des œuvres musicales ?
L’on découvre pourtant dans cet ouvrage
que penser la musique en termes d’œuvres
ne va pas de soi : il n’en a pas toujours été
ainsi, et le concept d’œuvre lui-même varie au gré des époques. Cette enquête
sur les origines de notre « musée imaginaire des œuvres musicales » retrace les
développements esthétiques, musicaux, politiques et sociaux qui, à partir de la fin
du XVIIIe siècle, ont contribué à sa formation, puis à son institution. Pour répondre
aux interrogations modernes sur la nature et les implications de la production
d’œuvres dans le champ musical, Lydia Goehr revendique un concept d’œuvre
ouvert, historique, immanent aux pratiques elles-mêmes. Il s’étend alors aux
formes contemporaines de la musique désormais intégrées dans notre « musée »,
comme celles de John Cage, en rébellion contre l’œuvre, et jusqu’aux genres
tenus pour populaires, comme le jazz.

Philosophe reconnue internationalement pour ses travaux en esthétique, Lydia Goehr est professeure à Columbia University (New
York). Elle est également l’auteure de Politique de l’autonomie musicale : essais philosophiques (La rue musicale, 2016).

                                                              Collection Esthétique • 576 pages • 12 x 17 cm • 16,90 €
                                                                              ���� 979�10�9�6�2�2��5 • �����E� 201�
                                                                                                                                © Brigitte Dannehl / Beethoven Haus Bonn

                   La rue musicale est un « projet » qui dépasse le cadre de la simple collection
                   d’ouvrages. Il s’inscrit dans l’ambition générale de la Philharmonie de Paris d’établir
                   des passerelles entre différents niveaux de discours et de représentation, afin
                   d’accompagner une compréhension renouvelée des usages de la musique.

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