Lymphomes cérébraux primitifs - Edimark
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mise au point Lymphomes cérébraux primitifs Primary cerebral lymphomas C. Houillier*, K. Hoang-Xuan* Épidémiologie crânienne, des troubles cognitifs ou un déficit focal (1). et physiopathologie Des crises d’épilepsie sont possibles, mais plus rares que dans d’autres types de tumeurs cérébrales, car le Le lymphome cérébral primitif est une forme rare lymphome a volontiers une topographie profonde. de lymphome non hodgkinien qui touche le cerveau Certaines présentations cliniques plus rares sont en de façon isolée à l’exception des méninges, de la revanche assez évocatrices d’un lymphome : il en est moelle épinière et de l’œil. On compte environ ainsi de l’hyperventilation neurogène centrale (5) ou 300 nouveaux cas par an en France (1), ce qui repré- de signes d’atteinte de l’axe hypothalamo-hypophy- sente 2 % des lymphomes non hodgkiniens et 5 % saire (diabète insipide, panhypopituitarisme) [6]. Les des tumeurs cérébrales primitives. symptômes apparaissent le plus souvent de façon Le seul facteur de risque de survenue clairement subaiguë sur quelques jours à quelques semaines. En établi est l’immunodépression, qu’elle soit induite cas d’atteinte oculaire associée, on retrouve parfois par le virus du VIH, par une pathologie de l’immunité des symptômes ophtalmologiques (essentiellement ou par la prise de médicaments immunosuppres- baisse d’acuité visuelle indolore uni- ou bilatérale). Il seurs. Dans les années 1980 et 1990, beaucoup des peut également y avoir une altération de l’état général. sujets atteints étaient immunodéprimés. Cependant, depuis l’introduction des trithérapies antirétrovi- rales dans le VIH, la pathologie atteint de façon Présentation radiologique très majoritaire les sujets immunocompétents (2). Le lymphome cérébral peut débuter à tout âge, mais L’IRM cérébrale avec injection est l’examen radio- on constate une prédilection pour les adultes d’âge logique de référence. Dans la majorité des cas, le mûr, avec une médiane de survenue à l’âge d’environ lymphome a une présentation caractéristique : il 65 ans. Les cas pédiatriques sont exceptionnels (3). s’agit d’un processus expansif bien limité, en hypo- La physiopathologie de la maladie est mal connue. ou en isosignal T2, en hyposignal T1, se rehaussant Elle semble cependant différente entre les sujets de façon intense et homogène après injection, le plus immunodéprimés et les sujets immunocompétents souvent profond et périventriculaire (figure 1) [7]. puisque l’Epstein-Barr virus (EBV) est présent de Il peut être uni- ou multifocal, sus- ou sous- façon quasi constante chez les premiers alors qu’il tentoriel. L’œdème périlésionnel est très variable. est quasiment toujours absent chez les seconds (4). Cependant, il existe parfois des formes atypiques, notamment sans prise de contraste, infiltrantes ou superficielles. Après la prise de corticoïdes, Présentation clinique la lésion peut considérablement diminuer, voire disparaître ou encore changer d’aspect et devenir La présentation clinique du lymphome cérébral est annulaire. Il existe d’exceptionnels cas de tumeurs * Service de neurologie Mazarin, aspécifique et dépend essentiellement de la locali- fantômes, qui peuvent disparaître sans aucun hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris ; et Réseau expert national LOC (INCa). sation de la tumeur dans le cerveau. Elle peut se traitement, pour réapparaître quelques temps plus manifester par un syndrome d’hypertension intra- tard, éventuellement dans une autre localisation. 124 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 4 - avril 2013
Points forts »» Le lymphome cérébral primitif est une tumeur rare, touchant surtout des sujets immunocompétents Mots-clés d’âge mûr. Lymphome cérébral »» L’aspect typique à l’IRM est celui d’une tumeur profonde, prenant le contraste de façon intense primitif et homogène. Statut immunitaire »» Le diagnostic repose sur la biopsie cérébrale, qui doit être réalisée avant toute corticothérapie. IRM cérébrale Le bilan comporte systématiquement une sérologie VIH et un examen ophtalmologique. Biopsie cérébrale »» Le traitement repose sur une chimiothérapie à base de méthotrexate à hautes doses. La radiothérapie de consolidation est réservée aux patients de moins de 60 ans en raison du risque de neurotoxicité. Méthotrexate »» Malgré une forte chimiosensibilité permettant des rémissions de qualité, le pronostic reste sombre, avec une médiane de survie de 30 à 60 mois. Il y a toutefois 20 à 25 % de survivants à long terme. hez le sujet immunodéprimé, l’aspect typique C (figure 2) [8]. Il existe de nombreux diagnostics diffé- Highlights est celui de lésions annulaires, souvent multiples rentiels, principalement d’autres types de tumeurs »» Primary cerebral lymphoma cérébrales (gliomes, métastases, méningiomes), mais is a rare tumor, occuring mainly également des maladies inflammatoires (sclérose en in old immunocompetent plaques pseudo-tumorale, sarcoïdose, histiocytose, patients. encéphalomyélite aiguë disséminée) ou encore des »» On MRI it appears typically abcès, notamment toxoplasmiques, chez le sujet as a deep tumor with intense immunodéprimé. and homogeneous contrast Idéalement, l’IRM cérébrale standard est complétée enhancement. »» The diagnosis is based on par des séquences multimodalités qui peuvent brain biopsy which must be apporter des éléments supplémentaires en faveur performed before any steroids. du diagnostic. La séquence la plus évocatrice »» Moreover, the tumor assess- est la perfusion, qui montre le plus souvent un ment includes a systematic HIV sus-décalage lors du retour de la courbe à la ligne serology and ophthalmologic de base, traduisant une fuite capillaire, alors que examination. l’hyperperfusion est en général modérée, notamment »» Treatment is based on par rapport aux gliomes malins (figure 3, p. 126) [9]. high dose methotrexate À la spectroscopie, l’aspect caractéristique est celui chemotherapy. Consolidation radiotherapy is reserved for d’une baisse du pic de N-acétyl-aspartate et d’une youngest patients because of élévation de la choline, souvent plus modestes que the risk of neurotoxicity. dans les tumeurs gliales malignes, associées à un »» Despite a high chemosen- Figure 1. Lymphome cérébral primitif du sujet important pic de lipides (10). Sur les séquences de sitivity allowing remissions immunocompétent : aspect typique (IRM cérébrale, séquence T1 après injection de gadolinium). diffusion, le coefficient apparent de diffusion est en with good quality of life, the général abaissé (10). prognosis remains poor, with a median overall survival of about 30 to 60 months. Diagnostic histologique However, there are 20 to 25% of long-term survivors. Malgré les apports de l’imagerie moderne multi- modalités, le diagnostic de lymphome cérébral Keywords reste histologique sauf contre-indication parti Primary cerebral lymphoma culière, compte tenu notamment de la lourdeur Immune status des traitements qui découlent du diagnostic. En cas d’atteinte oculaire associée à une image cérébrale Cerebral MRI typique, le diagnostic peut être obtenu par une Cerebral biopsy vitrectomie. De même, le diagnostic peut être Methotrexate posé en présence d’une image cérébrale typique associée à une méningite lymphomateuse prouvée par des techniques de cytologie, d’immuno-histo- chimie ou de recherche de clonalité. En dehors de ces 2 cas, le diagnostic de lymphome cérébral nécessite la réalisation d’une biopsie cérébrale qui est faite le plus souvent en condition stéréo- taxique. Figure 2. Présentation annulaire du lymphome céré- bral chez un sujet immunodéprimé (IRM cérébrale, Dans plus de 90 % des cas, le diagnostic histologique séquence T1 après injection de gadolinium). est celui d’un lymphome B diffus à grandes cellules de haut grade de malignité (11). Il existe également La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 4 - avril 2013 | 125
mIse Au pOInT Lymphomes cérébraux primitifs Figure 3. Lymphome cérébral primitif : aspect typique sur une séquence de perfusion, retour très significativement au-dessus de la ligne de base (courbe violette), sans hyperperfusion. de rares cas de lymphomes B de bas grade ou de est asymptomatique dans 20 à 50 % des cas. Le lymphomes T. Le diagnostic anatomo-pathologique lymphome oculaire se présente habituellement de lymphome cérébral ne pose en général pas de comme une uvéite postérieure (12). Le reste du difficulté majeure. La prise de corticoïdes avant la bilan d’extension, à la recherche de localisations biopsie peut toutefois rendre son interprétation systémiques du lymphome, est peu rentable difficile, voire totalement négative. Dans la mesure (< 10 %) et reste sujet à controverses pour certains. du possible, il convient donc, en cas de suspicion de Il comporte un scanner thoraco-abdomino-pelvien, lymphome, d’éviter toute corticothérapie avant le une biopsie ostéo-médullaire, une échographie geste biopsique. testiculaire chez l’homme et éventuellement un TEP scan (13). Bilan d’extension Traitement Une fois que le diagnostic est confirmé, il est néces- saire de compléter le bilan d’extension et le bilan Traitement antitumoral préthérapeutique de la maladie. En cas de lésion menaçante, les examens ne doivent toutefois Le traitement spécifique du lymphome cérébral pas retarder la mise en place d’un traitement en repose sur une polychimiothérapie à base de métho- urgence. Le bilan biologique doit comporter une trexate à hautes doses (> 1-3 g/m2) [14]. Il s’agit sérologie VIH dont la positivité entraîne une prise d’un traitement lourd, nécessitant des hospitalisa- en charge spécifique, ainsi qu’un bilan sanguin tions répétées en milieu spécialisé pendant plusieurs comportant notamment NFS, bilan hépatique et mois, en raison notamment du risque de néphro- fonction rénale en vue du traitement. Une ponction toxicité associé au méthotrexate. Parmi les autres lombaire est nécessaire, sauf si elle est contre- effets indésirables de la chimiothérapie, on note les indiquée par une hypertension intracrânienne complications infectieuses, qui sont très fréquentes, importante, et elle doit être de nouveau contrôlée notamment chez les patients sous corticothérapie en fin de traitement si elle était anormale initia- prolongée, alités ou présentant des troubles intellec- lement. Un examen ophtalmologique avec fond tuels. Les chimiothérapies utilisées habituellement d’œil et lampe à fente est indispensable car il existe dans les lymphomes non hodgkiniens telles que le une atteinte lymphomateuse oculaire associée à R-CHOP sont inefficaces, notamment en raison de l’atteinte cérébrale dans 10 à 15 % des cas et elle l’obstacle de la barrière hémato-encéphalique. 126 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 4 - avril 2013
mise au point Sauf exception, la chirurgie ne fait pas partie de Évolution et pronostic l’arsenal thérapeutique du lymphome cérébral, qui est une maladie d’emblée diffuse. La radiothérapie, La chimiosensibilité du lymphome cérébral est quant à elle, n’est pas efficace quand elle est utilisée élevée, avec environ 45 à 60 % de réponse complète seule, car si elle induit un fort taux de réponse, après la chimiothérapie de première ligne (14). La les rechutes sont quasi constantes et précoces. En réponse complète est définie par la disparition de revanche, la radiothérapie de l’encéphale en totalité toute prise de contraste à l’IRM cérébrale, alors qu’il est le traitement de consolidation de référence peut persister un hypersignal FLAIR séquellaire (13). après chimiothérapie chez les sujets âgés de moins En parallèle à l’amélioration radiologique, l’amé- de 60 ans. Elle a cependant été abandonnée chez lioration clinique est souvent rapide et importante les plus de 60 ans en raison du risque de leuco- après la mise en place du traitement, permettant encéphalopathie sévère qu’elle entraîne dans cette la récupération d’une bonne qualité de vie. Il paraît tranche d’âge. Elle est ainsi responsable de près de donc légitime de proposer un traitement même à 50 % des cas de démence à 2 ans (15). Le risque de des patients âgés présentant un handicap neuro- séquelles post-radiques n’est toutefois pas négli- logique important. geable chez les patients jeunes, pour lesquels la Après l’obtention d’une rémission complète, la chimiothérapie intensive avec autogreffe de cellules surveillance clinique et l’IRM doivent toutefois être souches est une alternative du traitement de conso- rapprochées car les rechutes sont très fréquentes, lidation en cours d’évaluation actuellement. notamment chez les sujets âgés qui n’ont pas pu Chez les patients immunodéprimés, la première avoir de traitement de consolidation après la chimio- étape du traitement consiste à réduire l’immuno- thérapie. La survie sans progression médiane n’est dépression quand cela est possible. Un rétablis- ainsi que de 6 à 10 mois chez les patients de plus de sement de l’immunité peut à lui seul permettre 60 ans (17). Dans 90 % des cas, la rechute se situe une régression du lymphome voire une mise en au niveau cérébral, localement ou à distance. Elle rémission complète (16). Dans la plupart des cas, peut être uni- ou multifocale. Dans 10 à 20 % des il est néanmoins nécessaire d’y associer des traite- cas, elle est oculaire alors qu’elle n’est systémique ments complémentaires de chimiothérapie et/ou que dans 5 à 10 %. Il n’y a donc pas de surveillance de radiothérapie. radiologique systémique systématique. Chez les patients âgés, le pronostic est très réservé après une rechute, alors que les patients les plus jeunes peuvent Traitement symptomatique bénéficier d’une deuxième ligne de traitement suivie d’une chimiothérapie intensive avec autogreffe qui Du point de vue symptomatique, une cortico permet jusqu’à 50 % de survie à 5 ans (18). thérapie est mise en place juste après la réalisation Plusieurs facteurs pronostiques ont été identifiés : de la biopsie. Elle permet souvent une amélioration du point de vue clinique, l’âge jeune, un bon état rapide et significative des symptômes. Les corti- clinique initial ou encore une réponse complète coïdes ont également un rôle antilymphomateux précoce au traitement sont associés à une survie propre, mais ils ne constituent jamais un traitement prolongée (19). Du point de vue moléculaire, la perte suffisant, car, en l’absence d’autre traitement, ils du chromosome 6q et les réarrangements de Bcl-6 ne permettent pas d’obtenir une médiane de survie sont associés à un mauvais pronostic (20). Globa- supérieure à 3 mois. Un traitement antiépileptique lement, le pronostic reste sévère, avec une médiane n’est nécessaire que s’il y a eu une ou plusieurs de survie d’environ 30 à 60 mois (14), qui descend crises d’épilepsie. On utilise alors les règles à 15-35 mois chez les sujets de plus de 60 ans. Il y a habituelles de traitement d’une épilepsie partielle, néanmoins 20 à 25 % de longs survivants (> 5 ans), et en évitant les inducteurs enzymatiques compte la guérison peut constituer un objectif du traitement, tenu des nombreux médicaments associés. En cas notamment chez les patients jeunes. de handicap neurologique physique ou intellectuel, une rééducation peut être mise en place (kinési- thérapeute, neuropsychologue, orthophoniste). Conclusion Elle doit cependant être adaptée à la lourdeur des traitements et à l’asthénie des patients. Enfin, une Pour répondre aux enjeux diagnostiques et théra- prise en charge globale est primordiale, notamment peutiques difficiles de cette tumeur rare, un réseau sociale ou psychologique. expert national de la maladie, le réseau LOC, a été La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 4 - avril 2013 | 127
mIse Au pOInT Lymphomes cérébraux primitifs Guyane Martinique Interrégion Coordinateurs Guadeloupe Réunion Alsace-Lorraine L. Taillandier Aquitaine P. Soubeyran Auvergne J.O. Bay Bourgogne O. Casasnovas Bretagne T. Lamy Centre P. Colombat Champagne-Ardennes P. Colin Franche-Comté E. Deconinck Île-de-France & DOM C. Soussain & K. Hoang-Xuan Languedoc-Roussillon C. Campello Limousin A. Jaccard Midi-Pyrénées A. Benouaich-Amiel Nord-Pas-de-Calais F. Morschhauser Basse-Normandie O. Reman Haute-Normandie F. Jardin Pays-de-Loire T. Gastinne Picardie G. Damaj Poitou-Charentes V. Delwail PACA-Corse O. Chinot Rhône-Alpes H. Ghesquières Figure 4. Réseau LOC : répartition des centres experts (en vert : centre expert national ; en rouge : centres experts régionaux) et médecins coordinateurs. mis en place depuis début 2011, financé par l’Institut tous et de développer la recherche (figure 4). Une national du cancer. Il s’articule autour d’un centre réunion de concertation pluridisciplinaire nationale expert national en Île-de-France et de 20 centres a notamment été créée. experts régionaux en province. Il a pour objectifs Pour tout renseignement, il est possible de contacter de permettre une prise en charge de qualité pour caroline.houillier@psl.aphp.fr ■ Références bibliographiques 1. Bauchet L, Rigau V, Mathieu-Daudé H et al. French 8. Ruiz A, Post MJ, Bundschu C et al. Primary central nervous 16. Travi G, Ferreri AJ, Cinque P et al. Long-term remission brain tumor data bank: methodology and first results on system lymphoma in patients with AIDS. Neuroimaging of HIV-associated primary CNS lymphoma achieved with 10,000 cases. J Neurooncol 2007;84(2):189-99. Clin N Am 1997;7(2):281-96. highly active antiretroviral therapy alone. J Clin Oncol 2. Kadan-Lottick NS, Skluzacek MC, Gurney JG. Decrea- 9. Hartmann M, Heiland S, Harting I et al. 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