Mobilités : la révolution presque tranquille - Les Echos
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WWW.LESECHOSSTART.FR LUNDI 13 DÉCEMBRE 2021 // SUPPLÉMENT GRATUIT AU NUMÉRO 23599 | ISSN 0.153.4831 Mobilités : la révolution presque tranquille Illustration Yukiko Noritake pour « Les Echos » ENQUÊTE PORTRAITS Les jeunes, des usagers de transport Quatre entrepreneuses qui révolutionnent pas tout à fait comme les autres les micromobilités DÉCRYPTAGE BILLET La jeunesse est-elle vraiment fâchée avec l’avion ? Pourquoi je déteste les trottinettes INTERVIEW TENDANCE Olivier Lesbres (Isae-Supaero) : « Le défi pour Et si le covoiturage courte distance décollait enfin nos étudiants : inventer des avions propres » TÉMOIGNAGE ANALYSE » « En onze ans, j’ai gagné 7.316 euros Qui se cache derrière le lobby du vélo ? sur BlaBlaCar »
02 // START Lundi 13 décembre 2021 Les Echos Transports propres, flexib comment les jeunes veulen Chloé Marriault Ils les veulent verts, partagés, et Marion Simon-Rainaud flexibles et pas chers. Mais Tom, 26 ans, se déplace pres- les aspirations des générations que quotidien- X, Y et Z en matière de transport nement à vélo dans sa ville, se heurtent à des obstacles : Paris. Pour faire tout n’est pas faisable, et tous son plein de cour- ses, il préfère enfourcher un vélo ne peuvent en bénéficier. cargo qu’il partage avec un copain. Et lorsque la charge est trop lourde, il loue une voiture sur une appli aux vélos. » Les disparités territoria- principale bataille se joue sur d’auto-partage. Il a aussi toujours les restent un des freins principaux l’accès aux transports publics. Les sur lui son passe Navigo, pour sau- au développement des mobilités syndicats étudiants militent pour la ter dans un métro, un RER ou un propres. « Une partie de la jeunesse baisse du prix, voire la gratuité, des tram. Quand il rentre de soirée, que située en zone rurale est encore coin- transports en commun. Chloé les transports en commun sont cée dans le schéma classique du Morhain, doctorante qui analyse arrêtés, il opte parfois pour un “scooter à 14 ans et voiture à 18” faute les pratiques des étudiants en Vélib’, bicyclette disponible dans d’avoir accès à d’autres moyens de matière de mobilité, rappelle que, l’agglomération parisienne. Pen- transport », souligne Olivier Klein, malgré des tarifs préférentiels, dant ses vacances, il jongle aussi chercheur en aménagement et « leur reste à charge est similaire à entre les modes de transport : train, urbanisme. Et de résumer : « Ce n’est celui des salariés, dont une partie de covoiturage et avion – « mais le pas facile d’être écolo quand on ne l’abonnement est remboursée par moins possible ». peut rien faire sans sa voiture ou sa Il est ultramobile, agile, à l’aise moto ! » avec un smartphone, et il pense Au quotidien, si la baisse de l’utili- empreinte carbone. Un peu comme sation de la voiture est bel et bien la toute sa génération. Enfin presque. plus marquée dans la tranche d’âge Le quotidien du Parisien et ses aspi- 25-34 ans (65 % des déplacements rations d’ultracitadin diffèrent de en 2019, soit -5 points par rapport à celles des jeunes installés à la cam- 2008-2009), la voiture reste de loin pagne, dans les banlieues et même le premier mode de transport pour dans certaines métropoles pas l’ensemble de la population, d’après aussi bien dotées en moyens de les premiers résultats issus de transport que la capitale. Mais de l’enquête « Mobilité des personnes » manière générale, quatre tendan- 2018-2019, réalisée tous les dix ans ces se dégagent : les jeunes veulent par le ministère de la Transition des transports propres, abordables, écologique. Pis, le nombre de voitu- partagés et variés. Des aspirations res particulières a augmenté de qui ne sont pas nées pendant la pan- 9,6 % entre 2011 et 2021, passant d’un démie, mais qui se sont confirmées peu moins de 34 millions à plus de durant celle-ci. 38 millions, d’après le Service de la Cette vision « idéalisée » com- donnée et des études statistiques prend en elle-même des contradic- (SDES). tions et pose de vraies questions de Voiture, mais pas n’importe faisabilité. On s’est penché sur cha- laquelle : les jeunes envisagent cune de leurs attentes. davantage que leurs aînés la voiture électrique. Dans les villes, ceux de la génération Z sont 36 % à vouloir ILS LES VEULENT « acheter sûrement ou très proba- blement une voiture électrique », PROPRES contre 16 % pour la génération X, d’après une étude de Kantar publiée l’employeur ». Pour les voyages plus « J’aime me déplacer à vélo parce que en 2021. « S’ils étaient en minorité, longue distance, la SNCF avait je suis libre, c’est propre et je fais du désormais la tendance s’inverse : à ce ouvert la voie en 2017 en proposant sport en même temps », s’enthou- rythme-là, la voiture électrique pour- le forfait Max Jeune (ex-TGV Max), siasme Tom, cycliste aguerri rait s’imposer en 2030 », explique qui permet aux 16-27 ans de pren- d’avant pandémie. Il a vu fleurir les Carole Pezzali, associée au cabinet dre TGV et Intercités en illimité nouvelles « coronapistes » dans conseil Wavestone, spécialisée pour 79 euros par mois. Le groupe Paris avec une immense joie et note, dans les mobilités. ferroviaire dénombre à ce jour « un un tantinet agacé, une affluence Un obstacle de taille demeure : peu plus de 100.000 clients abonnés à accrue depuis plus d’un an. Covid sur tout le territoire, on ne compte ce forfait – un chiffre stable depuis oblige, le vélo, mode actif, indivi- « que » 612.000 bornes de recharge plusieurs années ». Le chercheur duel et vert (par excellence), séduit en France (privées incluses), et seu- Olivier Klein observe qu’il y a de plus en plus. Et notamment les lement la moitié des aires d’auto- « aujourd’hui toute une offre de Illustrations Yukiko Noritake pour « Les Echos » jeunes. route sont équipées. Il en manque transports low cost qui n’existait pas Près de 77 % des moins de 35 ans encore 15.000 pour être au bon avant », que ce soit pour le train, se disent intéressés par le vélo de niveau d’équipement d’ici à 2025, l’avion ou encore les bus. fonction, selon une étude menée selon le gouvernement. Pour attein- Le critère environnemental par Zenride, publiée le 6 décembre dre cet objectif, aux 100 millions passe souvent après le prix. Les dernier, contre 69 % tous âges con- promis à l’été, une rallonge de… urbains de 25-34 ans sont ceux qui fondus. Porté par la demande, le 500 millions d’euros a été annoncée utilisent le plus l’avion (14,3 % de marché explose. « On ne s’attendait fin novembre. leurs voyages), selon l’étude Kantar pas à un développement aussi fulgu- 2021. Certes, sur le long terme, rant ! » se réjouit Jean-François Dhi- l’étude relativise cette boulimie naux, CEO d’Azfalte, start-up lilloise spécialisée dans ces flottes profes- … MAIS PAS aérienne : « Leur mentalité “durable” les amènera à voyager moins souvent sionnelles. CHERS et pendant plus longtemps. Et à allier Exit donc la traditionnelle voi- travail à distance et découvertes, afin ture de fonction. Pour attirer ces Comptez tout de même 4.732 euros de prendre le temps et de minimiser talents, les employeurs proposent par an, tout compris (décote, entre- leur impact sur la planète. » destination de l’Europe. La compa- population en France, d’après des solutions de mobilité alternati- tien, assurance, essence…) pour En attendant, « le “shame to fli- gnie irlandaise Ryanair proposait, l’Insee. ves, en particulier les vélos à assis- avoir le « privilège » de pouvoir ght” est encore très marginal, voire elle, à cette occasion, « un billet tance électrique (VAE), et adaptent vous déplacer quotidiennement en marginalisé, insiste Olivier Klein. offert pour un billet acheté ». leurs services aux abords et au sein de leurs locaux : stationnement, voiture. Ce chiffre de l’Adetec, un cabinet spécialiste des études de Au contraire, le fait de voyager loin est toujours valorisé socialement. Autre mode de transport qui a les faveurs de la jeune génération : les ILS LES VEULENT casiers, douches, station d’autoré- mobilité, calculé en 2018, est à On a été cloué au sol pendant un an « cars Macron », ces cars privés lon- PARTAGÉS paration cycliste, bornes de rechar- revoir à la hausse avec la flambée du et demi, le discours qui consisterait gue distance à petits prix, dont le gement, etc. prix du carburant en 2021… A titre à dire qu’on peut se passer de voya- marché a été libéralisé en 2015. Dans les grandes villes, tout se loue, Encore faut-il être en ville. Fabien de comparaison, c’est près de vingt ger loin est devenu partiellement Flixbus, la compagnie née en 2013 tout se partage : vélos, trottinettes, Leurent, chercheur au Centre inter- fois le coût du passe transports illi- inaudible. » en Allemagne, assure que 55 % de scooters et voitures électriques. La national de recherche sur l’environ- mité pour les 18-25 ans à Lyon (à Surtout avec les tarifs proposés ses passagers en France ont entre 18 voirie est ponctuée de bornes de nement et le développement, 250 euros l’année). par les compagnies aériennes low et 34 ans, en 2021. Chez BlaBlaCar, location. Les trottoirs, parsemés de pointe un problème : « Pour faire Avec un budget serré, les étu- cost. Exemple criant lors du dernier on avance qu’ils représentent 57 % trottinettes et de vélos en free floa- pédaler les gens à la campagne, il fau- diants et jeunes diplômés ont une Black Friday : la compagnie espa- des passagers des bus que l’entre- ting – un système qui permet à leurs drait revoir toute la voirie interur- priorité : payer le moins cher possi- gnole Volotea a proposé 100.000 prise tricolore fait circuler. Des chif- usagers de les déposer n’importe baine car celle-ci est étroite, parfois ble. Pour les étudiants, plus urbains billets d’avion à 1 euro pour des fres élevés quand on sait que les où, n’importe quand. Ainsi, 61 % des sinueuse et ne laisse guère de place que la moyenne des Français, la départs en décembre et janvier à 20-34 ans représentent 17 % de la urbains des générations Z et Y utili-
Les Echos Lundi 13 décembre 2021 START // 03 les, mais abordables… t bouger CÔTÉ START- UP Skipr « mobilité subie » à une « mobilité trajets multimodaux : les MaaS – tous : 17 % de la population française Le « ticket restau » choisie », estime Carole Pezzali. acronyme de « Mobility as a Ser- se dit mal à l’aise avec les nouvelles de la mobilité pour « C’est la fin du métro-boulot-dodo ! » vice ». Ces applications mobiles réu- technologies. les salariés. Qui dit multimodalité, dit par- nissent tous les modes de transport « Contrairement à ce qu’on pour- tage de la voirie, et donc querelles d’une agglomération. À Mulhouse rait penser, les améliorations techno- WattPark urbaines. Dans ce contexte de libé- (Haut-Rhin), il est possible de réser- logiques ne sont pas au cœur des pré- L’Airbnb de la borne ralisation de la rue, l’espace stricte- ver son trajet de bus, son véhicule occupations des Français pour le de recharge pour ment public géré par les collectivi- d’autopartage, puis son stationne- futur, explique Tom Dubois, res- voiture électrique. tés (seules maîtresses à bord) est ment, et enfin son vélo, sur une ponsable de la communication et passé à un espace pris d’assaut (par- seule et même appli créée en 2017. de la valorisation des études au Transition-One fois sans autorisation) par des opé- Et pourquoi ne pas l’imaginer Forum Vies Mobiles. Nous sommes Transforme votre rateurs privés (par exemple, free pour des voyages longue distance. arrivés à un moment où l’urgence cli- moteur thermique floating, waze, etc.). Or « le futur des C’est le pari de Combigo, une matique, les aspirations à ralentir et en électrique. mobilités devra se faire tous ensem- agence de voyages 2.0 lancée en à vivre en plus grande proximité nous ble ! » projette Olivier Klein. L’enjeu 2020. Via des algorithmes, la obligent à réinventer plus largement A Fond Gaston, des parkings à vélos dans les gares start-up combine différents modes notre système de mobilité. » Quid des Virvolt de grandes et moyennes villes est de transport non connectés entre taxis volants, des trains supersoni- et Teebike colossal, tout comme l’ajout de pla- eux : par exemple un billet de train ques et des tramways aériens ? « Ce Pour électrifier vos ces destinées aux vélos dans les et un billet d’avion. Mais ces outils n’est pas, non plus, la priorité des jeu- vieux biclous. trains. Autre levier pour faciliter ces numériques ne peuvent convenir à nes ! » tranche le spécialiste. n sent des applications de mobilité soirée, en partageant l’addition », partagée, contre 27 % pour la géné- remarque la doctorante Chloé ration X, d’après l’étude de Kantar. Morhain. Une des raisons principales de leur succès est leur flexibilité. La même application peut servir à louer une trottinette à Paris ou à Marseille, … MAIS Y contrairement aux abonnements ACCÉDER pour les transports en commun EN TOUTE dont l’usage est circonscrit à une LIBERTÉ ! agglomération. « Posséder une voiture a long- temps été un symbole de liberté, Partager oui, tant que c’est facile, Vous proposer des d’indépendance et un marqueur de statut social. C’est en train de chan- réservable en un clic, annulable et remboursable ! Et c’est peut être bornes de recharge ger », assure Olivier Klein. La pro- d’ailleurs la grande différence avec priété laisse place à l’usage. Toutes les métropoles et 83 % des commu- leurs aînés : la génération Z jongle volontiers avec les moyens de trans- électrique dans nos stations, nes entre 50.000 et 250.000 habi- port car elle veut aller vite. « Internet tants disposent d’au moins un ser- a profondément changé notre rap- vice d’autopartage, d’après un port aux mobilités : le champ des pos- baromètre de l’Association des acteurs de l’auto-partage, qui a étu- dié les données des vingt-quatre sibles est désormais immense, et les jeunes ont été biberonnés à cela », rappelle le chercheur Olivier Klein. c’est ça devenir principaux opérateurs du secteur. « Parmi les utilisateurs de ces servi- Niels, 28 ans, chirurgien-den- tiste, en est le parfait exemple. Pen- TotalEnergies. ces, les jeunes sont surreprésentés », dant ses études, grâce à son abonne- observe Virginie Boutueil, cher- ment Max Jeune, il a voyagé partout Trouvez la station la plus proche grâce cheuse en socio-économie de la en France. « Je me suis acheté un vélo mobilité et professeure à l’Ecole des de course dont les roues se démontent à l’app mobile Services-TotalEnergies. Ponts ParisTech. facilement, une housse pour pouvoir Mais tous les jeunes n’y ont pas le mettre dans le train sans payer de accès, les services partagés étant supplément, et chaque jour, je partais concentrés dans les hyper-centres avec les premiers départs depuis urbains. Seules 2 % des communes Paris vers une destination incluse de moins de 50.000 habitants sont dans l’offre, raconte-t-il. Dans le desservies par un service d’auto- train, j’avançais sur ma thèse. C’était partage. assez crevant mais très stimulant. » Et la mobilité partagée n’a pas Une offre qui l’a séduit aussi par sa révolutionné le quotidien des étu- flexibilité, lui permettant d’annuler diants, en raison de son coût. « Ils sans frais ses billets, et ce, n’importe n’utilisent que ponctuellement la quand. trottinette électrique en libre-service Cette multiplication des modes ou les services à la demande comme de transport, encouragée par le télé- Uber, par exemple pour rentrer de travail, permet de passer d’une
04 // START Lundi 13 décembre 2021 Les Echos Les jeunes sont-ils vraiment brouillés avec l’avion ? DÉCRYPTAGE Plus la crise sanitaire s’installe, plus l’envie de dépaysement devient aiguë. Les voyages forment la jeunesse, mais les nouvelles générations ont un problème avec l’empreinte carbone des vols. Dilemme. Pour un trajet en France ou en Europe, l’impact de l’avion sur le climat est environ 200 fois supérieur à celui du train, selon l’Ademe. Photo Ludwig Wallendorff/RÉA Laura Makary popularisé le « Flygskam », la honte Cette tendance est irréversible, le données de longue durée, qui atti- continuer à voyager sur nos lignes. » @laura_makary de prendre l’avion en suédois. L’opé- mode de déplacement fait rent 65 % des jeunes, contre à peine EasyJet revendique d’avoir ainsi L rateur public Swedavia, qui exploite aujourd’hui partie intégrante de 30 % des plus de 50 ans. réduit ses émissions de carbone par a rentrée 2021 avait les dix principaux aéroports du l’expérience touristique », relève Paul Chiambaretto, enseignant- passager et par kilomètre de plus bien commencé. Une pays, avait d’ailleurs constaté une Yousra Hallem, enseignante-cher- chercheur de Montpellier Business d’un tiers en vingt ans. De quoi ras- reprise à cent à baisse de trafic de 4,4 % en 2019, une cheuse à l’école de commerce School et directeur de la chaire surer les passagers ? l’heure, à coups de première en dix ans. Inseec, spécialisée sur le marketing À SAVOIR Pégase, dédiée à l’économie du Responsable des ventes directes promotions pour le « Les gens font de plus en plus du tourisme. transport aérien, met cependant en chez Allianz Partners, spécialisée Black Friday et sur fond de réouver- attention à leurs décisions quotidien- Audrey Baylac, qui tient depuis Le référentiel Isae- garde : « Attention au décalage entre dans l’assurance voyage, Aurélie El ture des frontières américaines. nes par rapport à la planète […]. Ils se 2018 L’Atelier Bucolique, un blog Supaéro rappelle à déclarations et actions réelles. C’est Sair constate une « explosion des Emirates prévoyait encore en disent : si moi personnellement, indi- consacré au tourisme durable, quelle hauteur l’aviation comme pour les produits bio : en demandes » à chaque fois qu’un pays novembre un retour à la normale viduellement, je ne fais rien, je suis en constate que le « slow tourisme » contribue à l’accentuation théorie, tout le monde est d’accord rouvre ses frontières (Canada, île du trafic pour 2023, avec en vue le contradiction. » C’est l’ancien prési- progresse, tout comme le rapport du réchauffement pour payer plus cher… Pour les voya- Maurice, Etats-Unis, etc.). Pour elle, cap des 100 millions de passagers dent de la SNCF Guillaume Pepy qui au voyage de la nouvelle généra- climatique et les solutions geurs loisirs, le premier critère reste « la question climatique est internationaux franchi avant la fin parle, en cette fin août 2019, alors tion : « Pendant des décennies, il fal- pour atténuer ces effets. avant tout le prix, suivi de la commo- aujourd’hui passée au second plan de la décennie. Avec le nouveau que le nombre de voyageurs ferro- lait prendre l’avion et partir loin l Effets CO2 uniquement dité. » D’un côté, le chercheur cite tant les gens, et notamment les jeu- variant Omicron, l’enthousiasme viaires estivaux enregistre +7 % en pour déconnecter. Aujourd’hui, de L’aviation commerciale a plusieurs études montrant que les nes, ont été privés de voyages ». Idem est brutalement retombé. D’autant un an, un record alors imputé à la plus en plus de personnes ont la été responsable de 2,6 % jeunes semblent davantage prêts à p our les étudiants visant un plus que, en arrière-plan, une autre prise de conscience écologique. volonté de voyager différemment. » des émissions réduire leur consommation de échange académique à l’étranger. menace plane : les jeunes ne sont-ils Également autrice de « Voyager anthropiques mondiales transport aérien par rapport à leurs Ceux qui ont pu partir depuis le pas en train de se détourner de sans avion », Audrey confie être sui- de CO2 en 2018. D’ici à aînés. De l’autre, peu sont ceux qui y début de la crise l’ont fait sans se l’avion ? Les compagnies vie et régulièrement contactée par ont renoncé pour des raisons pure- retourner. Pour preuve : la France 2050, des solutions de Pour un trajet en France ou en aériennes ne des jeunes, souvent des étudiants à rupture permettent ment environnementales. demeure le sixième pays de départ Europe, l’impact de l’avion sur le cli- remarquent pas la recherche d’inspirations, pour d’envisager un avion bas- des étudiants dans le monde. mat est environ 200 fois supérieur à « se forger une philosophie sur le carbone. En attendant, les Une clientèle qui rajeunit celui du train, selon l’Ademe. Alors de chute sur voyage, au-delà même de la question Les compagnies aériennes, elles, ne seuls leviers matures sont La publicité que l’on pour Florent Vince, étudiant ingé- leur cible jeune. de l’avion ». « J’aime surtout l’idée de les améliorations remarquent pas de chute sur leur nieur, plus question de voler : « Pour mériter son voyage, de vraiment le incrémentales de cible jeune. Au contraire, nous indi- fera de son voyage sur mes vacances ou mes loisirs, je choi- Le tout dans un contexte de mise savourer, témoigne Guillaume, un l’efficacité des avions que Transavia : « Depuis la pandé- Instagram dépendra de sis d’autres modes de transport, bien en place de la Convention citoyenne jeune professionnel de la restaura- (en passe cependant mie, notre clientèle a rajeuni : la part moins polluants que l’avion. Je le pour le climat, à la suite de laquelle tion. Cet été, je suis parti à vélo en des 20-29 ans est passée de 17,2 % en son mode de transport. d’atteindre des limites prendrai si je n’ai pas le choix, pour l’Assemblée nationale a voté l’inter- Alsace avec ma copine, un séjour à technologiques) et 2019 à 20,3 % en 2021. Depuis la un événement familial ou un dépla- diction des liaisons aériennes taille humaine qui m’a beaucoup plu l’utilisation des reprise du trafic, nous avons observé Reste le dilemme moral. Armelle cement professionnel. » Cette déci- domestiques en cas d’alternative de et enlevé toute cette culpabilité. » biocarburants (sujette une réelle envie de la part de notre Solelhac, fondatrice de l’agence sion n’est pas du tout vécue comme transport en moins de 2 h 30, dans L’avion ? « Un mode de transport très à des problèmes de clientèle de voyager à nouveau. Cet Switch, spécialisée dans la prospec- une punition : « Cela donne l’occa- le cadre de la loi Climat et Rési- polluant, et aussi avec beaucoup de production et de été, nos passagers étaient nombreux tive et la stratégie dans le tourisme, sion de redécouvrir d’autres façons lience. Une mesure aujourd’hui plastique et d’objets à usage unique disponibilité). à vouloir retrouver famille et amis, et constate que la jeune génération est de se déplacer, comme le stop ou le contestée par le secteur. Le Syndicat durant les vols. » Il l’a proscrit pour à partir au soleil vers la Grèce, le Por- prête à des compromis pour conti- covoiturage. » des compagnies aériennes autono- ses déplacements en France ou en l Si l’on considère tugal et l’Espagne, nos marchés pha- nuer à voyager : « Ce sont des petits mes (Scara), qui revendique de Europe mais ne s’interdit pas de l’ensemble des effets res. » arrangements avec eux-mêmes : je Retour en grâce du train ? regrouper la moitié des compa- voler à nouveau un jour, par exem- (CO2 et non-CO2, Même son de cloche chez easy- vais traverser la moitié du monde, Florent est président de la Conven- gnies françaises, a déposé une ple pour une destination très loin- comme les traînées de Jet, où les 18-25 ans représentent mais pour une bonne action, huma- tion pour la transition des établisse- plainte fin novembre auprès de la taine. « Mais ce sera vraiment à titre condensation), l’aviation 20 % des passagers. « Nous n’avons nitaire ou environnementale. Finale- ments du supérieur (CTES, ex- Commission européenne pour exceptionnel ! » commerciale a représenté pas observé d’évolution sur ce chiffre ment, certains se soulagent la cons- COP2 Etudiante) et appartient à faire abroger l’article en question. 5,1 % de l’impact climatique depuis la crise, indique Bertrand cience en choisissant avec attention cette frange de jeunes très engagés La bataille juridique ne suffira Décalage entre parole sur la période 2000-2018. Godinot, directeur général France, des activités responsables sur place. » sur ce sujet. Mais ce n’est pas un cas pas à effacer la dynamique, accen- et action « Les stratégies de qui ne tarde pas cependant à valori- Et la publicité que l’on fera de son isolé non plus. Dans un sondage de tuée en partie par la pandémie et les Selon une enquête Ifop publiée au réduction des effets non- ser les efforts de la compagnie pour voyage sur Instagram dépendra de l’Union des banques suisses réalisé confinements. En 2020, 94 % des printemps, 55 % des répondants CO2 représentent un levier réduire son empreinte carbone. son mode de transport… « Les “Y” aux Etats-Unis, en Allemagne, en Français ayant pris des vacances seraient « prêts à choisir leurs vols majeur et peuvent être Nous avons investi dans des avions de continuent de prendre l’avion, mais France et au Royaume-Uni, 21 % des l’ont fait dans l’Hexagone, selon le et destinations de voyage en fonc- efficaces rapidement » dernière génération, plus économes postent moins d’images de hublots sondés déclaraient avoir déjà réduit cabinet Protourisme. Ils étaient tion des émissions et impact car- mais « ne peuvent pas se en carburant. Depuis 2019, nous ou de tarmacs, remarque Armelle leurs déplacements en avion en encore 85 % à faire ce choix en 2021. bone des avions », tous âges confon- substituer aux efforts de compensons l’ensemble de notre Solelhac. Ils passent sous silence 2019, avant la crise. Cette année-là, « De nombreux jeunes ont pris le dus. Un autre sondage, cette fois réduction des émissions émission carbone et travaillons sur le comment ils sont arrivés à destina- le choix médiatisé de Greta Thun- temps de découvrir leur propre pays d’Harris Interactive, publié à la de CO2 du secteur », remplissage de nos vols, afin de tion ! À l’inverse, ceux qui prennent le berg de traverser l’Atlantique en pendant la crise. Nous avons par même période, montre l’appétence rappelle le rapport. réduire l’impact par passager. Ces train de nuit, qui utilisent le covoitu- voilier pour assister au sommet de exemple observé une explosion des des jeunes pour l’écotourisme, en engagements font partie des argu- rage, le vélo, le van, le mettent large- l’ONU sur le climat à New York a locations de vans et de camping-cars. particulier les treks et autres ran- ments donnant envie aux jeunes de ment en avant. » n
Les Echos Lundi 13 décembre 2021 START // 05 « Nos étudiants doivent inventer des avions qui ne produiront plus de CO2 » INTERVIEW Former les ingénieurs aéronautiques de demain, c’est la mis- à débattre en groupe, en français et en anglais. biomasse ou même du CO 2 de l’atmosphère. Technologiquement, sion de l’école d’ingénieurs leader en Europe, Isae-Supaero. Olivier Lesbre, c’est tout à fait envisageable. Déve- Beaucoup de jeunes sont sou- lopper un nouveau système de pro- son directeur général, se livre sur ses formations et l’avenir du secteur. cieux de leur empreinte car- duction d’énergie prendra cepen- bone, mais il est difficile de dant du temps. Nous sommes dans Propos recueillis de défense. En revanche, pour En parallèle, nous avons ajouté des créée au même moment. Depuis, résister aux vols low cost… une phase où il faut faire les bons par Laura Makary l’aéronautique civile, le choc a été cours sur les enjeux climatiques chaque génération d’ingénieurs a L’avion vert est-il pour bientôt ? choix en matière d’investissement. @laura_makary brutal en 2020. Alors qu’elle repré- dans le tronc commun, tout en eu de grands défis à relever. Après Les pistes existent, par exemple Mais est clair que, demain, nous sente généralement 30 % des menant un travail de fond afin l’invention et la construction, la avec des travaux sur les batteries saurons construire des avions avec embauches pour nos diplômés, ce d’intégrer la problématique de la sécurisation puis la démocratisa- pour les petits avions et l’hydrogène une empreinte carbone nulle. Il y a Les spécialités aéronautiques chiffre est tombé à 18 % l’an décarbonation et du réchauf- tion et l’industrialisation, rendant pour les moyen-courriers. Sur les aussi des sujets sur lesquels on peut attirent-elles toujours les dernier. Cela ne les a pas fement climatique dans l’aviation accessible à des milliards carburants, l’objectif est de rempla- aller plus vite. Je pense par exemple jeunes ? empêchés d’être recru- l’ensemble des ensei- de passagers, les jeunes ingénieurs cer le kérosène d’origine fossile par aux traînées de condensation des Oui, nous sommes toujours la cin- tés par d’autres sec- gnements. Côté doivent maintenant relever le qua- un carburant durable, à partir de avions, qui peuvent avoir un effet quième école d’ingénieurs sur con- teurs : transports, r e c h e r ch e , n o u s trième défi, celui de la décarbona- significatif sur le réchauffement cli- cours la plus demandée en France, énergie, finance ou avons publié avant tion. matique. Des études scientifiques derrière Polytechnique, Centrale- encore conseil. la COP26 un « réfé- montrent qu’en modifiant les altitu- Supélec, les Mines de Paris et les L’insertion a été in rentiel aviation-cli- C’est une énorme responsabi- EN des de vol et en prenant garde aux Ponts. La crise n’a pas modifié notre fine similaire aux mat » [voir page 4, lité qui pèse sur cette nouvelle conditions atmosphériques, il est attractivité. Nous n’avons, par années précédentes. NDLR], synthèse des génération d’ingénieurs… CHIFFRES possible de gérer ce phénomène. ailleurs, jamais eu autant d’étu- Et aujourd’hui les connaissances scienti- Voilà pourquoi nous avons remis à Avec une telle mobilisation géné- diants étrangers que cette année, soit 40 % des 830 nouvelles recrues de nos différents programmes. Cela signaux de reprise sont clairs. fiques quant à l’impact de l’aviation sur le climat. Celle-ci pèse 2,5 % des émissions de CO 2 plat notre stratégie sur le dévelop- pement durable. Nous devons bien sûr armer nos étudiants, leur don- 1.700 étudiants rale du secteur, je suis assez con- fiant sur le fait que de nouvelles idées et innovations vont émerger. montre bien que l’aéronautique et Comment ressentez-vous la mondiales, mais si l’on ne fait rien, ner les connaissances, outils et l’espace font toujours rêver les jeu- montée des préoccupations cette part pourrait croître. compétences, afin d’être à la pointe Et vous, quand avez-vous pris nes générations… Pourtant, l’insertion de vos liées au climat chez vos étu- diants, et comment les prépa- rez-vous à la transition écolo- Est-ce une nouvelle ère pour l’aéronautique ? de ce travail qui nous occupera pen- dant les trente à quarante prochai- nes années. Mais il faut aussi qu’ils 200 professeurs l’avion pour la dernière fois ? Hier ! Je le prends cependant beau- coup moins qu’avant. Avec la crise, diplômés a dû être particuliè- gique du secteur ? Imaginer des avions qui produi- soient capables de convaincre : ils nous nous sommes familiarisés n° 3 rement difficile dans ces sec- Du côté de nos recrues, il est clair que raient peu de CO2, voire pas du tout, doivent participer au débat public avec la visioconférence. Cependant, teurs pratiquement mis à cette préoccupation est marquée ! c’est un challenge passionnant pour et expliquer ce que la technologie dans de nombreuses situations, il l’arrêt par la crise… Nous avons commencé à y répondre nos étudiants. Il faut rappeler que le peut offrir. Aux côtés des modules vaut mieux se voir. À titre person- Isae-Supaero Côté spatial, les acteurs européens en 2014, avec la création d’un certifi- secteur n’est pas très ancien : la tra- sur les enjeux environnementaux, au classement « Les Echos nel, j’estime que la moitié de mes se portent bien et ont continué à cat de deux mois sur l’ingénierie versée de la Manche remonte à nos étudiants ont donc des exerci- START » - ChangeNOW déplacements sont désormais rem- recruter. Idem pour l’aéronautique environnementale pour l’aviation. 1909. Notre école a d’ailleurs été ces durant lesquels ils sont amenés placés par des Zoom… n Crédit photo : B. GROSSMANN > Des acteurs du changement solidaires et engagés, préparés au monde de demain. > Une offre de formation conçue autour des sujets actuels de réflexion de notre Société : responsabilité sociétale, éthique et environnementale. *
06 // START Lundi 13 décembre 2021 Les Echos Qui se cache derrière le lobby du vélo ? ANALYSE En France, la pandémie a dynamisé l’usage de la petite reine : 30 % d’augmentation l’an dernier. Derrière cet engouement, le mouvement militant est bien en place. Voici comment s’organisent les défenseurs de la bicyclette. Marion Simon-Rainaud de toutes les réunions et de tous les « plan vélo » d’Edouard Philippe, Paris en Selle. Depuis, elle a été de France est la première à créer des @Maacls groupes de travail pour y inviter la alors Premier ministre. C’est la pre- reprise quasiment de A à Z par le « coronapistes » sur lesquelles per- thématique vélo. » Année d’élection mière fois qu’un tel plan apparaît en Centre d’études et d’expertise sur les sonne n’a rien à redire. L présidentielle oblige, à la fin de ces début de mandature et qu’il est doté risques, l’environnement, la mobi- Si c’est une des forces du lobby e mapping de la planète trois mois de concertation, les pro- d’une véritable enveloppe – soit lité et l’aménagement (Cerema) vélo, cela peut être aussi son talon vélo n’est pas simple. » positions sont devenues concrètes 350 millions d’euros jusqu’en 2024. dans un nouveau guide officiel d’Achille. Dans la métropole d’Aix- Camille Thomé, la et envoyées à tous les candidats publié en juin 2020. Autre exemple : Marseille par exemple, les associa- directrice de Vélo et pendant la campagne électorale. 2020, annus mirabilis l’association Vélocité Grand Mont- tions d’usagers regroupées au sein Territoires (V&T), une A l’élection présidentielle succè- pour le vélo pellier a développé une appli bapti- du collectif RamDam n’ont, elles, association qui fédère les collectivi- dent les législatives, la FUB conti- Comme l’ECF à Bruxelles, la FUB a sée « Vigilio » qui répertorie les pro- pas le sentiment d’être écoutées. tés territoriales autour des aména- nue son travail de sape. Via son fait de la loi son périmètre d’action à blèmes rencontrés par les cyclistes « Les élus considèrent encore que la gements cyclables, le concède réseau d’adhérents-militants, Paris. Régulièrement, l’association sur les pistes cyclables (véhicules voiture est au centre des politiques de volontiers. « Nous ne sommes pas l’organisation distribue plus de rédige des amendements « en toute mal garés, nids-de-poule, tracés la ville. On part de très très loin, des ayatollahs du vélo, mais, ces der- 10.000 fascicules déclinant leurs transparence », précise son prési- effacés, etc.). Elle est désormais uti- déplore Jean-Yves Petit, qui cha- nières années, le jeu s’est bigrement propositions en faveur du vélo aux dent, qu’elle fait passer par des lisée dans une quinzaine de villes. peaute l’interassociations. C’est musclé ! » Encore invisible sur la candidats déclarés sur tout le terri- députés engagés pour le vélo. Avec catastrophique ! » Même si un plan scène politique nationale en 2015, le toire. Résultat : plus de 600 promet- 37 salariés, c’est l’organisation avec A l’exact opposé vélo a été voté (avec un budget de vélo est aujourd’hui devenu « un tent et 10 % d’entre eux siègent la plus grosse force de frappe. Mais du lobby voiture 60 millions d’euros alloués par Aix- objet de politique publique » de pre- aujourd’hui sur les bancs de ses alliés s’y essaient aussi. Le Club Aux quatre coins de la France, ces Marseille et 40 millions d’euros par mier plan. Un statut conquis de l’Assemblée nationale. La majorité des villes et des territoires cyclables militants épaulent ou bousculent les Bouches-du-Rhône), les nouvel- haute lutte par les acteurs du « lobby d’entre eux est étiquetée LREM. Ce (CVTC), une fédération de collecti- leurs élus locaux. A Rennes, Florian les pistes cyclables marseillaises vélo ». Au niveau national, voire n’est pas le corollaire d’une quelcon- vités territoriales, a aussi un relais Le Villain, coordinateur de l’asso- sont encore… sur les trottoirs. européen, mais aussi dans les que couleur politique assignée au parlementaire institutionnalisé : ciation Rayons d’Action, note : « On En terre visiblement « hostile », métropoles et les collectivités terri- toriales, ces militants quadrillent le territoire. La Fédération des usagers de vélo mais « la conséquence statisti- que d’une victoire électorale », insiste le président de la FUB, qui assure discuter avec tout le monde. son groupe, d’une soixantaine d’« élus nationaux pour le vélo ». Ensemble, la FUB, le CVTC et même V&T travaillent main dans la main +30 % D’UTILISATION du vélo ne lutte plus pour exister ; mainte- nant, les décideurs nous attendent pour prendre des décisions. Nous ne sommes plus dans la réaction mais Jean-Yves Petit liste plusieurs freins : la compétence voirie est éclatée entre les acteurs locaux, le millefeuille administratif qui en bicyclette (FUB), dirigée par Olivier et corédigent certaines de leurs pro- du 1er janvier au 5 force de proposition. » découle, l’entremêlement des Schneider depuis six ans, rassemble positions d’amendement. décembre 2021 par A Bordeaux, Vélo-Cité, avec ses financements, un manque de 461 associations (et leurs antennes) Née en 1980, la FUB En avril 2020, au plus fort de la rapport à 2019 (-1% par 1.130 adhérents, compte ses parti- volonté politique et de ressources qui défendent les intérêts de la petite a comme mission crise sanitaire, Thierry du Crest, rapport à 2020 hors sans : deux tiers des élus actuels ont humaines. Pour avoir le moindre reine. Née en 1980, la FUB s’est coordonnateur interministériel confinements). signé leur plaidoyer en faveur du rendez-vous, selon le président de donné comme mission principale principale de « créer pour le développement de l’usage vélo. Coordinateur du collectif, RamDam, c’est la croix et la ban- les conditions pour 1.784 de « créer les conditions pour démo- du vélo, les a réunis pour accélérer Benoit Gilliot analyse : « Le lobby du nière. « L’élu chargé des transports cratiser la pratique du vélo », expli- démocratiser la le mouvement. Depuis, chacun a vélo se structure symétriquement à est aux abonnés absents ! », peste que son président, qui réfute l’appel- une mission bien définie. « Nous l’inverse de celui de la voiture : ce ne Jean-Yves Petit, qui dit se faire le lation « lobby ». « Notre logique n’est pratique du vélo ». sommes chargés du suivi des pistes sont pas du tout les constructeurs qui porte-parole du dépit généralisé pas seulement de défendre les intérêts transitoires mises en place dans les KILOMÈTRES de portent les enjeux liés aux véhicules, des cyclistes marseillais. d’une minorité, soit 3 millions de Au niveau européen, la FUB peut villes pendant la pandémie, souligne « véloroutes » nouvelles mais les usagers eux-mêmes. » Alors, dans le Sud-Est comme cyclistes quotidiens et 30 millions compter sur un relais de poids, Catherine Pilon, secrétaire générale ouvertes en 2020. Chaque territoire fait face à des pro- ailleurs, « la lutte continue ». En d’usagers réguliers. » Son objectif est l’European Cyclists’ Federation de CVTC. La FUB a été chargée de blématiques spécifiques. A Mont- chœur, tous les militants pointent 12 clair : mettre en selle les 60 % de per- (ECF), dont l’ancien président structurer la filière des métiers du pellier, l’ex-maire Philippe Saurel encore des insuffisances – jusqu’au sonnes qui se disent « pourquoi Christophe Najdovski a été adjoint à vélo et V&T de rassembler toutes les (PS), qui a prononcé cette phrase à plus haut niveau. Selon le plan vélo pas » mais qui n’osent pas. la mairie de Paris, chargé des trans- données françaises. » la télévision locale, en octobre 2018 : de 2018, sa part modale, ports et de la voirie, lors du premier Cette data est récoltée par les MILLIARDS de « Faire une infrastructure pour aujourd’hui estimée à 2,9 %, doit 2017, année pivot mandat d’Anne Hidalgo. « Nous fai- associations locales. Massivement kilomètres parcourus qu’elle soit utilisée par deux person- passer en 2024 à 9 % et à 12 % en pour le vélo sons du lobbying auprès des institu- membres de la FUB, ce sont elles qui par an par les cyclistes nes, ce n’est peut-être pas l’idéal », a 2030. Or, pour atteindre cet objectif, Pour cela, leurs plaidoyers sont tions européennes pour débloquer font bouger les lignes dans les français. dû composer avec les cyclistes – il faudrait que la progression excep- rodés, les décideurs identifiés et les des fonds dédiés au vélo », explique métropoles – puisque ces dernières finalement plus nombreux. Piqués tionnelle de 30 % enregistrée en 8,2 canaux maîtrisés. La dynamique a Jill Warren, CEO de l’ECF. Le travail sont chargées d’aménager la voirie. au vif, les militants se sont rebellés à 2020 soit constante pendant les commencé en 2015-2016 : « On est semble porter ses fruits puisque Toutes les associations s’appuient la fois dans les rues lors de manifes- neuf ans à venir. De plus, les fonds allé dans toutes les réunions publi- 1,7 milliard d’euros y ont été alloués sur des outils mis à disposition par tations spontanées et spectaculai- alloués sont bien insuffisants, selon ques ouvertes pour poser des ques- en juillet 2021, selon le tableau en la fédération : son baromètre res, ou sur les réseaux avec le hash- le CVTC. Jusqu’ici 61 % de l’enve- tions simples. Il a fallu démontrer ligne tenu par l’organisation. annuel des villes cyclables, ses MILLIARDS D’EUROS tag #jesuisundesdeux, aujourd’hui loppe globale a été dépensée. Cathe- qu’on avait la compétence », se rap- En France, au Parlement comme au questionnaires de satisfaction, ses de retombées directes encore actif sur Twitter. rine Pilon, secrétaire générale du pelle Olivier Schneider. Puis, le gouvernement, la FUB s’est impo- manifestes, ses fiches pratiques, sa économiques pour le Progressivement, le militan- CVTC, conclut : « Selon nos calculs, il mouvement s’est structuré en 2017. sée comme un interlocuteur incon- revue, etc. Mais toutes ont leur spé- vélo en France en 2019. tisme a pris de l’ampleur et s’est pro- faut multiplier par dix le budget A l’automne de la même année, tournable. « On est passé de la con- cialité et la mettent en commun. fessionnalisé avec de nouveaux annuel, passer de 50 millions à lors des Assises de la mobilité orga- descendance à de l’intérêt pour notre La bible de ces associations de adhérents aux profils techniques, 500 millions d’euros pour respecter nisées par Elisabeth Borne, alors travail et nos arguments », raconte cyclistes, le « Guide des aménage- comme des urbanistes, architectes, le seuil que l’Etat s’est lui-même ministre chargée des Transports, le Olivier Schneider. Le changement ments cyclables », a été ainsi rédi- informaticiens, etc. Résultat : en fixé. » Bref, le lobby vélo n’est pas au plan d’action est le même : « On était de posture est acté en 2018 par le gée par l’association parisienne avril 2020, la ville la plus ensoleillée bout de ses combats. n Aux quatre coins de la France, les militants des associations locales épaulent ou bousculent leurs élus. DR
Les Echos Lundi 13 décembre 2021 START // 07 Quatre entrepreneuses qui bousculent la micromobilité PORTRAITS Elles ont fondé Zoov, VelyVelo, Pony ou Gaya. Pour elles, le vélo électrique (ou pas) améliore la qualité de vie des citadins. Elles espèrent contribuer à sa généralisation en développant des versions high-tech et sécurisées. Amélie Guicheney, Amira Haberah, cofondatrice de Zoov cocréatrice de Gaya Hélaine Lefrançois leur service « alors que les modèles et une alarme La pandémie l’a ralentie dans son Camille Wong @HelaineLef étaient jusque-là subventionnés par se déclenche. élan. Mais Amira Haberah est per- @wg_camille les villes », résume la chief marke- Quand bien suadée que cette crise a permis de A D mira Haberah n’a pas le ting and sales officer de la jeune même le vélo « convertir » des utilisateurs et ans les années 1990, la permis B. L’entrepreneuse pousse. serait dérobé, engendré une « transformation jeune Amélie Guicheney de 33 ans, qui a grandi en La concurrence est rude : les il est ver- durable » pour cette mobilité douce casse sa tirelire. Son pre- banlieue parisienne, utilise les acteurs historiques (JCDecaux, rouillé au qui « a des bénéfices sur le long mier « gros achat » ? Un vélo transports en commun. Ou bien Smoove) continuent leur expan- Chaque niveau du frein terme ». « Chaque utilisateur crée un Decathlon, à 12 ans. Quelques elle enfourche son Zoov. Ce vélo sion, et des groupes chinois débar- utilisateur moteur, donc inuti- tas d’externalités positives : on éco- années plus tard, l’étudiante en électrique et connecté est disponi- quent sur le marché européen. lisable. nomise du CO2, on réduit les dépen- école de commerce à Lyon s’amou- ble en libre-service, en free-floating Pour s’y faire une place, Zoov mise crée un tas Doté de nombreux cap- ses de santé », liste-t-elle. rache des Vélo’v, les cycles en libre- et en location longue durée, dans le sur un objet high-tech, « léger, con- d’externalités teurs, l’objet connecté transmet Pour la jeune femme qui a été service de la capitale des Gaules. sud du Grand Paris et à Bordeaux. fortable et sécurisé ». Dans les gran- positives : on des « données brutes » à une intelli- conseillère municip ale à La Aujourd’hui, à Paris, elle utilise C’est Amira Haberah qui a conçu des villes comme Paris, des entre- gence artificielle qui interprète les Garenne-Colombes, sa ville les vélos Gaya, des prototypes qu’elle cette petite reine 2.0 avec Eric Car- prises rebroussent chemin, à économise dysfonctionnements – un pneu natale, entre 2008 et 2014, l’entre- va bientôt produire avec sa start-up reel et Arnaud Le Rodallec. Quand l’image de Bolt, qui retire sa bicy- du CO2, on réduit dégonflé, un frein fatigué – afin preneuriat est une « forme encore en phase d’amorçage. ils se lancent, en 2017, le marché clette trois mois après son lance- les dépenses d’intervenir au plus vite. « On a d’engagement » et ce projet lui L’ambition : créer des vélos qui des mobilités est en pleine évolu- tion, raconte celle qui ne jure que ment. La faute au manque de renta- bilité et au vandalisme. de santé.” investi 8 millions d’euros en R&D entre 2017 et 2020, et 4-5 millions en permet d’agir. « En termes de qua- lité de vie, le vélo électrique est un répondent aux demandes des urbains et les vendre sur Internet. A par le mot « rupture ». « Rupture Le vélo Zoov, lui, ne se laisse pas 2021 », explique l’ancienne étu- game changer », affirme celle qui savoir, des cycles sécurisés, prati- technologique », car les vélos sont de faire. Voilà deux ans qu’Amira AMIRA HABERAH diante de HEC. L’entreprise mise espère que les candidats à la pré- ques, compacts, connectés, dura- plus en plus sophistiqués. « Rup- Haberah laisse son deux-roues en sur sa technologie de pointe, sidentielle accorderont une place bles, réparables et surtout adaptés à ture du business model », car de bas de chez elle, sans l’attacher. Un qu’elle fournit à des partenaires dans leur programme à son objet tous. La cheffe d’entreprise de 35 ans DR nouvelles entreprises développent capteur détecte les tentatives de vol présents dans trente autres villes. fétiche. n constate que l’écosystème est très masculin, et la mobilité ne fait pas exception. Un manque de diversité qui conduit à des produits sou- vent (trop) homogènes, estime cette membre de Clara Vaisse, COO de Pony Comète, un club d’entraide et de partage Corinne Dillenseger de « femmes leaders ». @CDillenseger Angers, en 2017, avec son compa- teurs uniques ont déjà enfourché « J’ai beaucoup d’admi- gnon, Paul-Adrien Cormerais, un Pony, 1.000 sont des acheteurs ration pour les solu- après s’être heurtée aux inconvé- localisés à Angers, lieu du siège tions qui simplifient le C ette micromobilité locale et nients du partage de vélos abîmés, social, Bordeaux, Paris, Grenoble, quotidien des gens, leur partagée est unique au avec des stations soit pleines, soit Turin, Liège, Bruxelles, Namur, Lis- font gagner en temps et en monde », tient à préciser vides. « On a eu l’idée de proposer une bonne. La jeune femme compte sur efficacité, comme Doctolib, Clara Vaisse, 35 ans, née de parents alternative avec des vélos mécaniques la communauté des « riders », ajoute-t-elle. Je savais que je entrepreneurs lorrains. Concrète- en libre-service robustes et beaux, choyés grâce à une appli voulais entreprendre dans un sec- ment, un particulier achète un raconte la startuppeuse. Les gens mobile ludique, « Adopte un teur qui ait ce genre d’impact. » DR Pony en libre-service, le priva- étaient tellement séduits qu’ils nous Pony » : on peut donner un nom à Méticuleuse, Amélie Guicheney tise ou le loue à d’autres uti- demandaient s’ils pouvaient en ache- son Pony, suivre ses tournées en a eu un plan de carrière précis : sept lisateurs de sa ville. A chaque trajet, il partage ter. On a mis 100 exemplaires en vente pour voir si ça mordait vraiment. Ils live, recevoir des news sur les gains. « Chaque engin devient presque un Chaque engin années formatrices dans le conseil, où elle s’est « éclatée », avant de la moitié des gains sont partis en un quart d’heure. Le objet d’affection. Ce lien responsabi- devient presque rejoindre une entreprise de la tech avec la start-up, qui concept participatif de Pony était né. » lise l’usager, qui comprend que le un objet pour voir « ce qu’était une start-up de finance ainsi sa R&D Depuis, l’opérateur a développé Pony appartient à un habitant de sa d’affection. Ce lien l’intérieur ». Début 2021, elle subit la et les équipes locales une flotte de 5.000 trottinettes et ville. Il va donc en prendre soin. » vague d’un plan de licenciements chargées de la main- vélos électriques, avec des produits Cet engouement a permis à la responsabilise chez Evaneos, une scale-up dans le tenance et des répara- toujours plus innovants – batteries société de tripler son chiffre d’affai- l’usager [...]. Il va voyage qui prend le cataclysme tions. d’une durée de vie de dix ans, VAE res entre 2020 et 2021. Quant à son donc en prendre Covid de plein fouet. Elle estime que Ce cercle vertueux, la biplaces –, en partie financée par développement, il passera par une c’est le bon moment pour se lancer COO (chief operating offi- une levée de fonds de 2,2 millions nouvelle levée de fonds de 10 mil- soin.” dans la création d’entreprise, sur- Pony cer) l’a peaufiné à Oxford puis à d’euros en 2019 : 150.000 utilisa- lions d’euros prévue en 2022. n tout que la pratique du vélo est en CLARA VAISSE plein boom. Mais l’approvisionne- ment reste compliqué, les délais explosent alors que la demande ne cesse de croître… « Un vrai chal- lenge », presque grisant pour la Asmaa Chakir Alaoui, cofondatrice de VelyVelo jeune femme, accompagnée d’un associé, Jacques Bonneville, 61 ans, spécialiste de cette industrie. Sa start-up a déjà démarré un proces- Adrien Lelièvre plus grosse enveloppe dans les pro- fois moins chers en 2022. Lan- sus de levée de fonds et recrute @Lelievre_Adrien chains mois. Asmaa Chakir Alaoui qu’un scooter cée à pleine aujourd’hui ses premiers salariés. n’était pas programmée pour deve- thermique. » vitesse, la Sur tous les fronts, l’entrepre- I ls cherchent de l’or, VelyVelo nir l’un des nouveaux visages de la Asmaa Chakir patronne veut neuse est aussi mentor chez Arti- leur fournit les pelles. » Asmaa Nous sommes cyclologistique. La trentenaire a Alaoui, qui ne étoffer la flotte cle 1, une association pour l’égalité Chakir Alaoui, 34 ans, pose un deux fois une formation d’expert-comptable comptait pas ses heu- de vélos (de des chances. n regard amusé sur l’essor des et a réalisé l’essentiel de sa carrière res chez EY, a été sur- 4.000 à 10.000) de start-up de livraison express des moins chers dans l’audit chez EY. Au sein de ce prise « par la charge de tra- sa société dans les pro- produits d’épicerie, qui ont donné qu’un scooter cabinet, où elle a passé près de huit vail très lourde » liée à son nouveau chains mois et séduire des un spectaculaire élan à sa société de thermique.” ans, elle se familiarise avec l’univers travail, mais juge l’expérience nouveaux clients dans d’autres ver- location de vélos pour profession- des start-up. En 2017, elle franchit le « excitante ». VelyVelo a connu une ticales du retail. nels. Ces derniers mois, Cajoo, pas et fonde VelyVelo avec deux croissance rapide et devrait réaliser Alors que les villes investissent Gorillas, Getir, Flink et GoPuff lui ASMAA CHAKIR spécialistes de la restauration, un chiffre d’affaires aux alentours de plus en plus dans les pistes cycla- ont en effet réclamé des vélos en ALAOUI Jamil El Garti et Othman Razine, de 2,7 millions d’euros en 2021. La bles et que les citadins plébiscitent J’ai beaucoup urgence pour se déployer dans les avec lequel elle est mariée et a deux société assure aussi être profitable, les livraisons du dernier kilomètre grandes villes françaises. enfants. ce qui est loin d’être la norme dans décarbonées, Asmaa Chakir Alaoui d’admiration pour L’entrepreneuse, qui travaillait « Nous savions que le vélo allait les start-up de mobilité… n’a pas fini de fournir des pelles… n les solutions qui déjà avec Just Eat, Pizza Hut et devenir de plus en plus compétitif « J’y tiens », sourit l’entrepre- simplifient le Domino’s Pizza, ne s’est pas fait prier et est prête à passer à la vitesse dans les villes », confie-t-elle. VelyVelo offre un service complet neuse, qui donne des cours de comptabilité financière à l’univer- quotidien des gens, supérieure car VelyVelo vient de aux professionnels, allant de la sité Paris Panthéon-Sorbonne, où leur font gagner boucler un tour de table de 4 mil- fourniture du vélo électrique, à la elle a effectué toutes ses études. en temps et en Julien Photography lions d’euros (dont 2 millions euros maintenance en passant par l’assu- « Cela fait du bien de sortir quelques efficacité.” en equity) auprès de Via ID. « Il s’agit rance et l’accès à une plateforme. En heures de la bulle de VelyVelo », d’une pré-levée », insiste Asmaa plus d’être plus écologique, la insiste celle qui se prépare à partici- Chakir Alaoui, sous-entendant que patronne vante les atouts économi- per à un raid 100 % féminin de AMÉLIE les investisseurs lui confieront une ques du vélo. « Nous sommes deux 100 km au cœur du désert marocain GUICHENEY
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