Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
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Éditorial NE ME JETTE PAS passe-moi à un ami 40 ans de journalisme té en juin 1974, à une époque où un Et ce à plusieurs niveaux. La version diplôme en journalisme n’existait anglophone du magazine, son site même pas. Internet ainsi que la publication de livres en anglais va permettre à l’or- Bon, je vais essayer de me souvenir ganisme de s’ouvrir un peu plus aux en 2023 que j’aurai 49 ans de ser- anglophones. Sur le terrain, nous vice et qu’il faut que je me prépare sommes multiculturels, mais dans pour mon 50e. Il ne faudrait pas les outils, nous étions essentielle- que je le manque. Parce que je sais ment francophones. que je ne me rendrai pas à 75 ans en journalisme. J’ai prévu une se- Le Bistro le Ste-Cath va permettre mi-retraite à l’âge de 86 ans. Je vais un rayonnement et une implication donc me limiter à 70 ans de travail culturelle plus importante dans le journalistique. soutien de nos artistes et ceux de la Raymond Viger relève. Ce projet permet aussi de nous www.raymondviger.wordpress.com J’aimerais bien en 2044 me limiter rapprocher davantage de notre com- à écrire des livres et faire des confé- munauté et de pouvoir nous y impli- 2014. Ça aurait pu être une année rences. Ou peut-être quelques quer. De plus, d’autres organismes spéciale pour moi. Mais semblerait spectacles d’humour. Je n’ai pas communautaires pourront utiliser que j’y suis encore passé tout droit. encore fait mon coming-out, mais nos équipements et notre expertise je devrais pouvoir le faire d’ici là. pour soutenir leurs propres projets. En 2005, un an après avoir chan- gé le nom du magazine passant de Dans mes derniers échanges avec Continuité Journal de la Rue à Reflet de Socié- Julie ( journaliste à Radio-Canada Et dans tout ce brouhaha, je ne rêve té, j’ai réalisé que j’avais peut-être et ancienne stagiaire chez nous), que d’une chose. Prendre quelques un anniversaire à souligner. Mes 25 elle me disait que d’avoir des ré- semaines de vacances pour… écrire ans en journalisme. Après avoir fait férences est essentiel dans la vie. et éditer quelques livres qui sont le décompte, je me suis vite rendu J’ai terminé notre conversation sur mon bureau et que je n’ai pas eu compte que j’avais dépassé le quart par cette constatation: J’aimerais le temps de terminer. de siècle depuis longtemps: j’en bien avoir des références. Mais tous étais déjà à 31 ans dans le milieu! ceux qui auraient pu m’en donner Certains se passionnent par la lec- sont décédés ou disparus. Je me sens ture. Moi c’est l’écriture. Mais une Zut de zut. Je me reprendrai à 40 comme un orphelin professionnel. écriture qu’on ne partage pas et qui ans me dis-je. Et voilà que l’année demeure dans le fond du tiroir est va bientôt s’achever. Ayant débuté Nouveaux projets comme ce peintre qui crée dans à l’âge de 16 ans, mes 40 années de Question nouveaux projets, l’orga- le fond de son placard sans jamais service auraient dû être fêtées il y nisme a le vent dans les voiles. Des pouvoir exposer ses œuvres. a 6 mois. Je regarde l’agenda avec projets qui permettront à davan- la promotion à faire du Bistro le tage de jeunes de trouver une place Notre créativité trouve tout son Ste-Cath, l’intervention auprès des d’expression en plus d’augmenter sens au moment où on lui donne sa jeunes, les événements culturels à le financement d’autres organismes liberté et qu’on la laisse trouver son produire et à participer, le Salon du communautaires. propre chemin. C’est pourquoi, dans livre qui approche à grands pas, la tous mes livres, ainsi que pour nos version anglophone du magazine… Chacun de ces nouveaux projets magazines, nous autorisons les pho- est similaire à la création d’un nou- tocopies gratuites de Je ne vais pas faire la description vel organisme. Cela demande beau- nos textes. Parce qu’ils de tout ce qui se trouve sur ma coup d’énergie, de temps et aussi de ne sont pas fait pour planche de travail, mais la petite financement. C’est parfois essouf- être possédés égoïs- note pour fêter mes 40 ans en jour- flant de devoir assumer tout cela. tement mais pour nalisme est passée à côté. J’ai débu- Mais le résultat vaut le coup. être partagés. goo.gl/2wLSsR 4
Gregory Fitzgerald Trio Angélique Duruisseau et ses musiciens Jeunes musiciens formant Angélique Duruisseau le groupe de jazz Gregory enflamme les soirées Fitsgerald Trio, ces artistes avec son INandOUT avides de scène seront Band. Un ensemble présents une fois par mois polymorphe et éclaté pour les jeudis jazz. Am- de musiciens d’hori- biance lounge garantie. zons divers, qui font de chaque concert un moment unique. Au menu: des revisites singulières des classiques d’Édith Piaf, Nina Simone, du jazz et des grandes chan- sons d’Amérique latine, et bien plus encore! B.U Clay and friends Artiste issu de la di- Clay and friends a été versité culturelle de créé suite à une séance Montréal, B.U. est un de freestyle dans les mélange de hip-hop, coulisses d’une salle de reggae, soul, RnB et spectacle. Ce collec- tant d’autres choses. tif bilingue propose un Il définit sa musique amalgame de hip-hop, comme étant le son de la liberté. En français, an- funk, jazz et reggae. En glais ou créole, l’artiste a performé et collaboré spectacle, les échantillonnages électroniques et au Canada comme à l’étranger durant les 20 der- les envolées musicales de Clay and friends sont nières années. B.U. (alias Patrick Joseph), est né nourris par l’énergie de la foule. Aucun spectacle d’une mère Canadienne et d’un père Haïtien. du groupe n’est identique. Les Soirées marrantes Catherine Dagenais Organisées, produites Chansonnière de talent et animées par Gabrielle qui a la musique dans Caron. Les Soirées mar- la peau, Catherine s’ins- rantes sont un show talle une fois par mois d’humour tordant, de- au Bistro pour charmer vant une salle remplie le public avec un ar- et un public conquit par tiste invité. Ses paroles le charme des humoristes qui s’en donnent à coeur vibrantes et sa voix touchante sauront ravir tous joie. Des soirées présentées les premiers samedi du les cœurs. mois. Sans oublier notre collection de tableaux de l’exposition permanente ! goo.gl/AHuJBT
Courrier du lecteur Limites de l’information C’est dur de tracer la ligne entre goo.gl/dE51DH journalisme et sensationnalisme. Je trouve cette question très per- tinente. J’aspire à faire du jour- nalisme à caractère social. C’est une question que je me pose sou- vent. Lorsque je serai journaliste, je veux avoir le plus grand respect possible envers les gens que je vais rencontrer. Ce sont de grands principes sans doute difficiles à appliquer. Je remarque que vous avez un respect pour les personnes que vous rencontrez et c’est tout à votre honneur. Kharoll-Ann Souffrant Vivre avec l’anorexie J’ai vu VeronikaH en entrevue avec Denis Lévesque. J’ai été bénévole pour ANEB Québec, organisme québécois venant en aide aux per- sonnes atteintes de troubles ali- mentaires et leurs proches. Je m’inquiète d’entendre son discours disant qu’on est une personne épanouie en étant ano- rexique et qu’on peut être plus fort avec la maladie. De tels propos peuvent-ils renfor- cer l’obsession d’autres personnes atteintes et ainsi leur donner des munitions pour continuer à entre- tenir leurs troubles alimentaires, notamment les jeunes? Kharol-Ann Souffrant 6
Changement de société ser les frontières avec des papiers Il ne faut pas attendre après le bon- en règle? L’Église et les LGBT heur, il faut se l’approprier. Com- Marc Blanchard ment pouvons-nous bâtir quelque Certains ont peur des homos. chose si nous pensons constam- Reflet de Société Je suis d’accord qu’il existe un ment que nous n’avons pas la ca- Des témoignages poignants et des lobby homo très influent sur pacité de le faire? Mettons-nous à articles à faire lire par ceux qui les décisions du gouvernement chercher des solutions. La richesse souffrent sans savoir pourquoi et quant à l’orientation de notre est à l’intérieur de nous. ceux qui participent à dégrader société. Je suis d’accord pour notre société par leur lâcheté, leur dire que ce n’est pas aux lobbies Parait-il qu’il faut 300 ans à une complicité tacite et leur indiffé- de faire leur loi. Nous sommes société pour changer de mentali- rence navrante. en démocratie et c’est au Peuple té! Peut-être que cette affirmation Lisa Sion souverain de prendre les déci- donne le goût de baisser les bras, sions à travers les députés. mais peut-être aussi que c’est à Arabe et LGBT Bartneski ce moment précis que nous en Les tabous ont la vie dure. Heureu- sommes: à notre 300e année! sement qu’il existe des organismes Penser qu’on devient homo est comme Helem. une erreur. On ne le devient Reflet de Société a su se démarquer Carolle Anne Dessureault pas, on nait ainsi. Beaucoup et faire une différence dans notre d’homos se cachent derrière société. Bravo à toute l’équipe pour École au Burkina Faso l’hétérosexualité par peur. votre travail qui à chaque jour est Je voudrais par ces lignes recon- Bartneski fait avec passion et conviction. Bra- naitre l’utilité exemplaire de votre vo à Danielle Simard et à Raymond engagement en faveur de la scolari- Les Églises sont victimes de Viger! sation en Afrique. leurs freins qui les figent dans Sylvain Masse, Terrebonne Hermann Kyemtarboum, Burki- des postures archaïques. Elles na Faso s’appuient sur des textes cen- Longévité et croyance sés être complets et infaillibles, Les croyants stimulent une zone Survie du français impossible donc à remettre en du cerveau qui retarderait grande- Les élites mondialistes ne veulent pas cause malgré les évolutions de ment la maladie d’Alzheimer selon du français parce que c’est à peu près la société civile et scientifique. le docteur Gernez. la seule langue capable de concur- Marvin Bear Slipenfer rencer l’hégémonie de la langue an- glaise. Langue de culture, autrefois Je n’imagine pas un seul instant Bistro le Ste-Cath langue de la diplomatie, langue de la que le Christ ait pu condamner Félicitations à Raymond et à sa science et notamment des mathéma- un homosexuel. Il ne défend gang pour tout votre beau travail et tiques, langue olympique... pas une cause, il aime et défend votre implication! tous les hommes avec leurs Richard P. Le français est susceptible d’être particularités et différences et pratiqué par 750 millions de per- nous invite à faire de même. Trafic de femmes sonnes voire un milliard à l’hori- Pascal L. Des millions de femmes tous les zon 2050 avec le développement ans sont touchées. Comme ce sont de l’Afrique. Mais nos hommes po- C’est bizarre. Dans l’Église des asiatiques ou des filles de l’Est litiques préfèrent regarder ailleurs l’homosexualité est vilipendée. c’est moins grave et on en parle et aller se vendre aux anglo-saxons. Mais dans la société on lui fait beaucoup moins. Les sommets de la francophonies une loi pour l’implanter à tous devraient être autant médiatisés les coins de rues. Qui a raison? Pourtant ce sont les greniers à filles que ceux du G8 ou les JO; mais il Claude-Michel pour l’approvisionnement des bor- n’en n’est rien dans les faits. dels du monde entier. On récupère L’Église étant liée à des textes des victimes vietnamiennes dans le Bravo aux québécois qui tentent comportant une condamna- monde entier. La plus jeune n’avait de résister et qui y parviennent pas tion nette de l’homosexualité pas 6 ans. Et comment croyez vous si mal sur un continent où ils sont ne peut pas se prononcer pour. que ces jeunes femmes pour la plu- tant isolés. Jean part leurrées parviennent à traver- Mac, France 7
The Social Eyes Delphine Caubet En 2015, Reflet de Société aura Maintenant, vous allez apprendre à un petit frère. Âgé de 23 ans, le connaitre en tant que rédacteur notre magazine voit maintenant en chef du magazine de préven- apparaître son pendant anglo- tion et de sensibilisation The Social phone: The Social Eyes. Vécu, té- Eyes. moignages et espoir seront tou- Photo: Gracieuseté Colin McGregor. jours au rendez-vous. Contenu La question était dans l’esprit des En tant que fidèles lecteurs hautes instances de l’organisme de Reflet de Société, vous le depuis des années: pourquoi ne connaissez et vous l’avez lu: Colin pas rejoindre le lectorat anglo- McGregor, notre chroniqueur an- phone? glophone incarcéré à la prison de Cowansville. Après tout, les problèmes sociaux n’ont pas de barrières linguis- Depuis plusieurs années, il nous tiques. L’hémisphère gauche a livre des témoignages poignants, rencontré l’hémisphère droit de comiques et philosophiques sur l’organisme et ils sont arrivés à une Colin McGregor, rédacteur en chef. l’univers carcéral. Il est devenu conclusion: personne n’écrivait en le traducteur des livres d’inter- anglais. apte à prendre le poste de rédac- vention et de prévention de Ray- teur en chef. mond Viger, puis un auteur que Colin en tant que journaliste et nous avons publié aux Éditions chroniqueur à Reflet de Société Pour ce nouveau magazine, et TNT. apparut comme le candidat le plus comme à travers ses chroniques, Mot de l’éditeur Raymond Viger Vous le savez sûrement, Colin est incarcéré à la prison de Cowansville depuis plusieurs années. Il est mainte- nant rédacteur en chef d’un magazine d’information et de sensibilisation, The Social Eyes. J’accompagne Colin depuis plus de 5 ans. J’ai été son rédacteur en chef. Il est devenu le traducteur de 2 de mes livres d’intervention. Nous avons publié un de ses romans. Nous avons un long cheminement ensemble et je suis fier du travail qu’il accomplit, autant dans sa vie qu’auprès des autres détenus. Il est vrai que Colin McGregor est le rédacteur en chef du magazine, mais je suis son éditeur et superviseur et je demeure présent dans sa vie, autant personnelle que professionnelle. La nomination de Colin à ce poste est exceptionnelle. Notre revue a à cœur de représenter tous les aspects sociaux: dont le milieu carcéral bien souvent ignoré par les autres médias. Ces mêmes médias qui pourtant doivent représenter cette société qu’ils reflètent. Nous sommes fiers d’avoir dans nos rangs Colin McGregor qui maintenant occupera le poste de rédacteur en chef de The Social Eyes. S’il débute ce nouvel emploi depuis la prison de Cowansville, sachez que dans quelques années il sera libéré et prendra pleinement sa place parmi nous. Notre organisme intervient dans différents milieux depuis près de 23 ans. Je vous remercie pour la confiance que vous nous portez. Je vous remercie d’accueillir et d’accepter nos membres tels qu’ils sont. 8
il veut transmettre un sentiment contenu journalistique. En tant d’accueil, «car on est tous le pro- que lecteur, vous étiez peut-être là Qui est duit de notre vécu.» lorsque nous avons gagné nos prix. Colin McGregor? Colin a travaillé comme jour- naliste dans divers médias à travers le pays. Il a notamment collaboré avec le Halifax Daily News, Montreal Daily News, le Financial Post et a été ré- dacteur en chef du Montreal Tels les aumôniers qu’il rencontre Notamment avec Jean-Pierre Bel- Downtowner. à Cowansville, il veut donner un lemare, autre chroniqueur (et an- message de tolérance et de com- cien détenu) qui décrivait l’univers Parmi ses célèbres articles, il y préhension des autres. Toujours carcéral avec une réalité criante et eut celui dénonçant l’inconsti- avec une touche de philosophie et bouleversante. tutionnalité de la loi anti-pros- d’humour. titution de Nouvelle-Écosse en Des chroniques saluées par la com- 1986 et qui amena le gouverne- Ligne éditoriale munauté journalistique elle-même, ment à faire marche arrière. «Be the best person you can be.» Si notamment lors du grand prix des tu es un concierge, prend ton tra- éditeurs de magazines en 2008. Ou encore en Nouvelle-Écosse, vail à cœur et soit le meilleur des l’utilisation répétée des mêmes concierges. Et n’aie jamais honte de Ce nouveau magazine offrira cette cercueils par les services funé- qui tu es. Telle sera la ligne édito- même qualité au lectorat anglo- raires; scoop qui le propulsa riale de ce futur magazine. phone. Même s’il est difficile de sur la scène nationale des jour- généraliser, Colin McGregor ex- nalistes canadiens. Parmi les sujets qui tiennent à plique que la population anglo- cœur et qui seront abordés: la vio- phone à une vision plus sarcas- Aujourd’hui, il est chroniqueur lence conjugale, l’exclusion sociale, tique et plus dure des choses. Il à Reflet de Société, critique lit- la maladie mentale, les dépen- veut apporter au milieu anglo- téraire à l’Anglican Montreal, dances, la pauvreté… mais toujours phone l’émotivité de la partie fran- traducteur et auteur aux Édi- avec une touche d’espoir, précise le cophone. Toujours dans l’optique tions TNT. nouveau rédacteur en chef. de s’ouvrir aux autres et d’aider son prochain. Comme il le dit, l’écriture est Écriture dans son sang et il le prouve Reflet de Société a acquis ses The Social Eyes sera disponible par quotidiennement. lettres de noblesse en matière de abonnement à partir de 2015. 9
Au pays des Inuits Voyage dans le désert blanc Delphine Caubet Les Inuits. Une culture que beau- Photos couverture et article: François Léger-Savard. coup pensent connaître. Cer- tains les appelant plus ou moins péjorativement «Esquimaux», d’autres imaginant des Indiens dans la neige. Pour lutter contre ces préjugés et ces erreurs, des jeunes de 4e et 5e années de l’école Sophie-Barat sont partis 11 jours dans le Nunavik. Pendant 1 an, ces jeunes ont été éduqués sur l’Histoire des Inuits et des Premières Nations. Aidés et accompagnés de Lyne St-Louis, directrice de Taïga Vision (orga- nisme d’aide et conseils auprès Famille inuite en ski doo. des autochtones), les jeunes ont maintenant une mission: parler des condaire IV, se posait une question taires pour illustrer ce phénomène. Inuits et de leur Histoire pour ne importante: les Inuits sont-ils tou- Plusieurs fois par an, les habitants pas oublier. jours fâchés après les Blancs? se réunissent autour d’un festin composé de nourriture tradition- Mission Durant les mois de préparation, nelle et contemporaine. Dès leur Partir à Kangiqsualujjuaq n’était les jeunes ont vu des films tels arrivée, les jeunes ont pu assister pas le fruit du hasard. L’organisa- que We were children ou Echo of à celui organisé en l’honneur de trice, Lyne St-Louis, connait bien the last howl, suivis de discussions la fin de la formation des femmes. la région et ce petit village de 800 pour appréhender la réalité de ces Pendant cette soirée, des spec- habitants possède une riche vie peuples. Ils ont appris l’histoire tacles ont accompagné le souper, culturelle. Pour cette expédition, des pensionnats et du traumatisme et les jeunes ont eu l’opportunité Élodie, Noé et leurs acolytes y sont collectif, mais aussi de l’abat- d’échanger avec les aînés. allés en journaliste. Enregistreuse tage des chiens, qui en plus d’être en main, ils ont vécu au rythme de un crime envers ces animaux, a Un souvenir agréable pour les ap- la vie locale pour s’intégrer et poser bouleversé le mode de vie de ces prentis journalistes, bien qu’ils des questions. peuples. aient gardé une gêne à poser des questions sur les pensionnats et les Car le plus gros du travail est à leur Mais Noé est vite rassuré. À leur traumatismes du passé. retour. Au travers de conférences arrivée, leur premier contact sur et d’événements, les jeunes par- place est Charlie. Un Inuit qui a Autre exemple de force et de ré- tageront leur expérience et leurs marqué autant Noé que son profes- silience: les cultural classes. Dans connaissances pour sensibiliser la seur par le calme et la sérénité que ces cours, les garçons apprennent population québécoise aux enjeux dégageait cet homme. à réparer les motoneiges et à des Inuits. «Car il n’y aura jamais chasser, tandis que les filles ap- assez d’efforts pour sensibiliser», Survie prennent (entre autres) la couture. précise Lyne St-Louis, et il faut «Les 3 mots d’ordre de ce peuple Toujours dans le but de conserver comprendre comment ils en sont sont force, beauté et résilience», leur patrimoine. arrivés là. annonce Élodie. Les jeunes ont pu observer comment les habitants, Alimentation Comme dans toutes expéditions, avec résilience, travaillent à la Pendant leurs 3 jours au parc na- certaines craintes peuvent se pré- survie de leur culture. Noé donne tional Kuururjuaq, les jeunes ont senter au départ. Noé, élève en se- l’exemple de festins communau- appris à pêcher comme la tradi- 10
tion inuite l’exige, à chasser et Ce qui aurait tendance à conserver matière. Alors, forcément, les à monter une tente. «Comme le leur culture. élèves ont du retard dans leurs répète Éric, notre professeur, il cours. faut garder l’esprit ouvert», pré- D’un autre côté, les jeunes Inuits cisent les étudiants. Alors, après sont eux aussi influencés par En plus de ces difficultés linguis- la pêche vient le repas. Au menu: la culture américaine. Car bien tiques, le mode d’apprentissage du poisson cru. Et ils ont adoré qu’ils n’aient pas le réseau télé- des Inuits n’est pas le même que ça! À part le cœur qui a laissé un phonique, Internet et le wifi fonc- celui des autres Québécois. D’après souvenir plus partagé chez les ap- tionnent et ils voyagent en mé- Lyne: «Les Inuit ont le même prentis pêcheurs. tropole. «Ils ont tous un iPod et programme, mais il n’est pas adap- écoutent Justin Bieber», conclut té à eux, ce n’est pas assez concret. Dans le Nunavik, les Inuits se Élodie. Déjà qu’en général au Québec c’est nourrissent de viande et de pois- difficile… Eux apprennent selon son crus, tout en intégrant des Étudier? le mode watch and learn. Le pro- aliments plus «occidentalisés». Comme dans beaucoup de lieux gramme est trop abstrait pour «Mais c’est extrêmement cher», isolés, les étudiants font face à un eux.» précise Élodie. À quoi Noé ajoute choix difficile. que les prix sont parfois 3 fois plus Retour chers et qu’un sac de chips peut Dans le village de Kangiqsualu- Depuis leur retour à Montréal, les coûter 9,95$. jjuaq, jusqu’au secondaire, les jeunes ont donné quelques confé- jeunes peuvent rester dans leur rences dans les écoles pour sensibi- Pendant ces 10 jours dans le nord, famille pour étudier. Quant à liser la population et lutter contre les les jeunes n’ont pas fait que re- ceux qui souhaitent continuer, ils préjugés. «Car ce n’est pas vrai que garder. Ils ont aussi participé. À doivent quitter leur village pour se tous les Inuits sont des alcooliques, travers du bénévolat, notamment rendre au Cégep. Élodie et Noé ex- s’insurge Élodie. Pour ceux qui le dans les cuisines pour participer à pliquent alors que pour beaucoup sont, il faut comprendre leur His- une meilleure éducation alimen- d’entre eux, ils doivent faire une toire et pourquoi.» taire ou dans les écoles pour aider année de préCégep pour se mettre les jeunes avec le français. à niveau. À l’avenir, nul ne peut prévoir les effets de cette expédition sur Perte culturelle Jusqu’en 3e année, les Inuits étu- les jeunes et la communauté du Malgré la beauté de ce peuple et leur dient dans leur langue: l’Inukti- Nunavik. Une relation s’est créée et volonté de conserver leur culture, tut. Un moyen de faire vivre leur les villageois demandent des nou- comme bien d’autres jeunes dans culture. Mais à partir de la 4e an- velles des adolescents. Parmi les une situation analogue, les jeunes née, il bascule vers le français. Et apprentis journalistes, Élodie a été Inuits se trouvent pris entre deux forcément, «tu ne peux pas arriver particulièrement influencée par ce feux. D’un côté, ils vivent dans un au même résultat», explique Lyne. voyage et elle souhaite désormais village isolé qui ne possède qu’une Les jeunes doivent apprendre si- devenir infirmière ou ambulan- route pour se rendre à l’aéroport. multanément une langue et une cière dans le Grand Nord. Impact auprès des jeunes Sur les 18 jeunes faisant partie de l’expédition, environ 5 sont toujours très engagés dans leur mission de sen- sibilisation. Une réalité, mais aussi une grande déception pour Lyne, «car les jeunes ne réalisent pas toujours le travail qu’ils ont au retour.» «Mais c’est l’expérience d’une vie, et pour 50% d’entre eux, ce vécu aura un impact.» Si l’engagement sur le long terme de ces jeunes est difficile à évaluer, Lyne St-Louis n’oublie pas de préciser «que c’était un bon groupe», qui s’est bien adapté et a tout essayé. Sur le court terme, Éric Laforest, professeur d’Éducation physique et de plein air à l’école Sophie-Barat, constate une réduction du bruit de la part de ses étudiants. «On se faisait souvent dire que l’on parlait trop fort», plaisante Élodie. Si Éric constate ce 1er changement, il veut surtout que ses jeunes prennent conscience d’être des privilégiés. 11
Changer sa communauté Portraits de jeunes Inuits Delphine Caubet Par une belle journée d’automne, ça rentre et ça sort dans tous les sens au Cégep Marie-Victo- rin à Montréal. Dans l’un des bâtiments, des jeunes femmes sortent en trombe des salles de classe tout en plaisantant et dis- cutant. Je tends l’oreille pour comprendre ce qu’il se dit, mais la langue m’échappe complète- ment. À tel point que je suis inca- Photo: Delphine Caubet. pable d’en reconnaître l’origine. Je me dirige vers mon lieu de rendez-vous, et l’un d’entre eux est là à m’attendre. Un peu mal à l’aise, il me serre la main et échange quelques mots en inuktitut avec un ami. Lui, c’est Da- Daniel et Igulik devant la fontaine avec l’inukshuk (statut) au Cégep Marie-Victorin. niel et on va passer l’après-midi en- semble avec 3 de ses collègues pour indécis sur le cursus qu’il choisi- mère étant directrice de garderie à comprendre la réalité d’un jeune ra, il est bien décidé à terminer le Kangiqsualujjuaq, Igulik a déjà tra- du Nunavik qui a quitté sa commu- Cégep. Avec un léger rire, il m’ex- vaillé auprès de ce jeune public et nauté pour étudier. plique que d’après lui, «on n’est sait qu’elle aime ça. L’éducation, la pas tout seul dans l’univers». S’il famille a ça dans le sang! On m’avait prévenue: la culture ne finira pas nécessairement ex- inuite est une culture de taiseux, plorateur de l’espace, le jeune C’est à ce moment qu’arrivent en et qui plus est mon accent fran- homme a un clair penchant pour trombe Anita et Jeannie. Micro çais n’aide pas à la communication. les sciences. Dans un mélange de tempête à langue bien pendue, Ani- ta et Jeannie se refusent dans un premier temps à faire l’entrevue. La jeune femme originaire de Salluit Une pause de 10 minutes et une ci- garette plus tard, elles reviennent s’est retrouvée dans la chaleur d’une zone de guerre d’elles-mêmes auprès de Daniel et Igulik. à dater des os en laboratoire. Contrairement à leurs camarades, Anita et Jeannie sont très bavardes: Mais Daniel et Igulik, l’une de ses français et d’anglais, il me raconte «On doit même les faire taire en acolytes, sont bien entourés par 3 avec humour comment il travaille classe», plaisante Marie-Hélène, membres de la commission sco- sa troisième langue, le français, conseillère aux élèves. laire Kativik (commission scolaire grâce à des séries télévisées telles du Nunavik administrée pour et que Les parents, qu’il adore. Si l’un de ces jeunes devait incar- par les Inuits). ner la volonté, ce serait Jeannie. À À côté de lui se trouve Igulik. Jeune seulement 17 ans, elle dit être ve- Profil femme de 23 ans plutôt timide, elle nue à Marie-Victorin pour accom- Daniel est au Cégep Marie-Victo- a un objectif clair: terminer sa tech- plir des choses et être différente. rin depuis août 2013 où il a terminé nique d’éducation à l’enfance et Il faut dire que malgré son jeune son année d’intégration-adapta- peut-être rester à Montréal. Il faut âge, Jeannie en met plein les yeux. tion. Âgé de 22 ans, s’il est encore dire qu’elle a été à bonne école; sa «Moi, je mets sur mon CV qu’elle a 12
À sa gauche se trouve Anita. Du taine d’années, il plaisante sur les Photo: Commission scolaire Kativik. haut de ses 19 ans, elle semble la soirées qu’il a passées au centre plus mature du groupe. Et pour -ville avec ses amis, où après avoir cause, j’apprends quelques minutes manqué la fermeture du métro, ils plus tard qu’elle a un enfant de 2 ont dû attendre jusque 6h du matin ans et qu’elle étudie pour être édu- pour pouvoir rentrer. Raconté sur catrice spécialisée en protection de le ton plaisanterie, le jeune homme la jeunesse. apprécie cette liberté, même si elle entraîne des difficultés. Anita, jeune femme au caractère bien trempé, a établi un plan pour Pendant cet après-midi, Daniel ré- Jeannie, gagnante à l’expo-sciences. son avenir: prochainement son pète plusieurs fois avec humour conjoint ramènera son enfant à et fatalisme que le plus dur pour été mon élève», s’amuse Jacques, Kangiqsualujjuaq pour qu’il soit lui est de se lever le matin. À Ma- conseiller aux élèves. élevé par sa mère le temps qu’elle rie-Victorin, on doit être à l’heure termine ses études. Après quoi, elle en cours, et il n’y a plus de parents Il faut dire que la jeune femme les rejoindra et fera changer les pour aider avec les petites choses a remporté 2 prix pendant l’ex- choses dans sa communauté. Tout du quotidien. po-sciences pancanadienne 2014 un plan. pour la construction d’un système Igulik, qui a essentiellement des de luminothérapie. Rien que ça. Vie étudiante amis Inuits, mise sur la solidarité Lorsque je lui demande comment Étudier à Montréal n’est pas nou- entre membres. Et pour cuisiner, lui est venue l’idée, sa réponse est veau pour Anita. La jeune mère rien de mieux que de le faire entre simple: «J’ai demandé à mon pro- avait déjà fait une première tenta- copines! Les repas sont générale- fesseur ce qui me ferait gagner, et il tive, mais avait arrêté. «C’était trop ment basiques (les spaghettis en m’a dit un système de luminothéra- dur», explique-t-elle. Si le retard sont un élément clé), et il faut gérer pie.» C’est dit, c’est fait. scolaire n’aide pas, l’éloignement le porte-monnaie. de leur communauté finit par en Grâce à quoi, elle est partie un décourager certains. Lorsque je leur demande ce qu’ils mois en Israël faire un stage souhaiteraient voir améliorer, ils d’archéologie supervisé par des Mais une fois sur place, dans les convergent tous vers un point: la scientifiques. La jeune femme résidences du Cégep, chacun doit nourriture traditionnelle! Trois de originaire de Salluit s’est retrou- trouver son équilibre. Daniel est nos quatres jeunes acolytes sou- vée dans la chaleur d’une zone de monsieur sociabilité, et depuis plus haitent rester à Montréal après guerre à dater des os en labora- d’un an à Montréal, il s’est fait des leurs études, mais le country food toire. Les clichés sur les Inuits en amis de différentes cultures. En leur manque cruellement. Mais prennent un coup. tant que jeune homme d’une ving- point positif qui leur remonte le Le retard scolaire au Nunavik Michel Pruneau est conseiller pédagogique responsable du programme d’exploration et d’intégration pour la commission scolaire Kativik au Cégep Marie-Victorin. Selon lui, le retard scolaire des Inuits s’expliquerait par la culture et la tradition orale de ces peuples. La réalité scolaire est un phénomène nouveau pour eux, et elle n’occupe pas la même place dans leur esprit. L’école n’est simplement pas en haut des priorités. S’ajoute à cela une culture qui donne à l’enfant sa propre sagesse et qui lui impose peu de choses. Généralement, les jeunes Inuits ont d’excellentes capacités en anglais (voire meilleures que dans le reste du Québec), mais le français est la discipline qu’ils leur fait le plus défaut. Avant d’entrer au Cégep, la plupart d’entre eux font une année de précollégial (ou préCégep) pour se mettre à niveau. Ceux allant au Cégep Ma- rie-Victorin font une année d’exploration et d’intégration avant de commencer le programme de leur choix. Marie-Victorin accueille entre 10 et 15 nouveaux Inuits chaque année. 13
moral: les prix! C’est leur réponse D’après leurs intervenants, envi- manque tant. Non loin de là se spontanée quant aux avantages de ron 80% d’entre eux repartiraient trouverait Anita Annanack qui la métropole. dans leur village, et seule une élèverait son fils tout en aidant les faible minorité resterait à Mon- jeunes les plus récalcitrants à ac- Espoir tréal. cepter une main tendue. La jeune Daniel, Igulik, Jeannie et Anita femme s’est d’ailleurs taillée une sont l’avenir de leur communauté, Marie-Hélène ponctue cet bonne réputation dans ce domaine. chacun dans la voie qu’ils choisi- après-midi en m’expliquant que la Enfin, Jeannie Kakayuk après l’ar- ront. Leurs conseillers au Cégep, plupart de ces jeunes sont là pour chéologie en Israël poursuivrait Marie-Hélène et Jacques, parlent aider leur communauté. À noter ses aventures scientifiques. Et qui de cette quinzaine de jeunes que ces pionniers sont bien sou- sait, peut-être sera-t-elle la com- chaque année comme la crème de vent des pionnières avec une large plice de Daniel dans ses recherches la crème. majorité féminine. Une chose est spatiales. certaine, ce n’est pas la volonté et la Leur retard scolaire et les diffi- résilience qui manque à ces jeunes Vous noterez que je laisse mon cultés linguistiques sont parmi les gens. imagination s’emballer quant à plus gros handicaps qu’ils doivent l’avenir de ces 4 jeunes Inuits, surmonter, mais certains d’entre D’ici quelques années, peut-être mais après tout, ils ont réussi le eux s’accrochent. Et pour ceux pourra-t-on retrouver Daniel plus difficile en venant étudier à qui décrochent, ils bénéficient Adams tête dirigeante en re- Marie-Victorin. Alors pourquoi de cette expérience sur le plan cherche de vie extraterrestre, Igu- ne pas leur donner le temps de ces personnel et professionnel pour lik Emudluk reprendre la garde- quelques lignes un avenir extraor- trouver du travail dans leur com- rie de sa mère à Kangiqsualujjuaq dinaire à l’image du parcours qu’ils munauté. au côté de sa petite sœur qui lui ont déjà effectué. Le Nunavik: 507 000 km2 accessible seulement en avion 7 8 9 6 10 11 14 5 12 RÉGION 13 4 ARCTIQUE DU QUÉBEC COMMUNAUTÉS POPULATION 3 1. KUUJJUARAAPIK P•I 681 2. UMIUJAQ P•I 470 3. INUKJUAK P•I 1825 2 4. PUVIRNITUQ H•P•I 1791 5. AKULIVIK P•I 666 6. IVUJIVIK P•I 386 1 7. SALLUIT P•I 1391 Carte: Commission scolaire Kativik. 8. KANGIQSUJUAQ P•I 739 9. QUAQTAQ P•I 399 10. KANGIRSUK P•I 537 SEPT-ÎLES • 11. AUPALUK P•I 205 12. TASIUJAQ P•I 318 13. KUUJJUAQ H•P•I 2552 14. KANGIQSUALUJJUAQ P•I 819 H=HÔPITAL • P=POSTE DE POLICE • I=INFIRMERIE CHIBOUGAMAU • 14 QUÉBEC • SHERBROOKE •
15 goo.gl/3IhSpk
Sortir les autochtones de prison Sanctions substitutives Delphine Caubet Les chiffres sont effarants. Au Canada, les autochtones repré- sentent 4% de la population. Une minorité que l’on ne remarque pas au quotidien. Mais en pri- son, la tendance est tout autre: les Amérindiens représentent 23% des hommes et un tiers des femmes. Une surreprésentation qui ne cesse d’inquiéter et d’aug- menter. Preuve étant, en 10 ans, la présence de femmes autoch- tones en prison à augmenter de 90%. Illustration: Ian Fortin. Pour lutter contre ce phénomène, le Canada et plus lentement le Québec se dotent d’une politique de discrimination positive envers les peuples autochtones. Cette dis- crimination est le principe Gladue: elle demande aux juges de modifier des ateliers de sensibilisation dans d’un bon chasseur autochtone leurs sentences et de trouver des les écoles. L’objectif était d’éveiller condamné à être guide en forêt. sanctions substitutives pour lutter les jeunes à l’impact de la drogue L’homme, enjoué par la sentence, contre cette surreprésentation car- sur l’individu et leur culture. Lyne va jusqu’à proposer son véhicule cérale. prend les choses en main, s’adresse personnel et son carburant pour à l’école de la communauté, et le di- effectuer sa sanction. Explication recteur est enchanté. Lyne St-Louis est consultante D’après l’expérience de la consul- auprès des Premières nations, Dans ce type de réhabilitation, tante, dans de nombreux cas de et des autochtones ayant des dé- le contrevenant n’est pas laissé à sanctions substitutives, il n’y a pas mêlés avec la justice, elle en a vu. l’abandon, il est suivi et aidé. Dans de récidive. La sanction n’est pas Son travail est d’accompagner le le cas présent, la personne a fait le principal moteur de cette réus- contrevenant et le système judi- des ateliers en partenariat avec la site, c’est essentiellement l’aide ciaire pour comprendre le com- police et les aînés. qui se trouve autour. Car certains portement de la personne. Et si ne connaissent pas la cause de leur possible, de trouver des sentences Succès mal-être, et la famille n’est pas tou- substitutives pour éviter la prison Lyne St-Louis a constaté que ces jours présente pour expliquer la au contrevenant. sanctions sont plus efficaces que situation. les travaux communautaires. Ces Dans ce plan de réhabilitation, le derniers, souvent non effectués, Mylène Jaccoud, professeure au contrevenant y prend part inté- ne prennent pas en considération département de criminologie de grante en proposant des alterna- le contrevenant, ses intérêts et l’Université de Montréal, explique tives. Il y a peu, Lyne suivait une son passé. Les sanctions substitu- que bien souvent derrière chaque personne ayant des problèmes de tives sont plus efficaces, car elles contrevenant, il y a une victime. Il drogue: elle avait des démêlés avec prennent en compte le contreve- est donc important de regarder le la justice et elle risquait la prison. nant en tant que personne. Il est passé, et de comprendre comment la Pendant ses visites, Lyne discute consulté et il propose une sanc- personne en est arrivée là. Les rap- avec elle, et d’elle-même, la contre- tion adaptée pour lui permettre ports Gladue, que peuvent deman- venante proposa un plan pour faire d’évoluer. Lyne donne l’exemple der les juges, contiennent ces infor- 16
mations sur le passé de la personne, sanctions substitutives. En Abiti- leur présence en prison a augmen- ainsi que l’impact qu’ont eu sur elle bi, elle a constaté une certaine ré- té de 90%! les pensionnats, les politiques d’as- ticence au commencement, mais similation... Les jeunes générations face à l’inefficacité de la détention, Dans son article, la professeure n’ont pas vécu ces traumatismes, les hommes de loi se sont ouverts Jaccoud explique que les femmes en revanche, elles peuvent avoir été à ces possibilités. Mais comme elle autochtones représentent 45% des élevées par des victimes de ce passé dit, «le Québec est grand», et ce femmes purgeant une sentence à toujours présent. n’est pas vrai que le traitement est sécurité maximale. Ce qui d’emblée Juges Selon le lieu où se trouve l’autoch- Les sanctions substitutives sont plus efficaces, tone, les juges n’ont pas toujours la même réceptivité envers le principe car elles prennent en compte Gladue et les traumatismes du passé. le contrevenant en tant que personne. Maurice Bowen, animateur au Centre d’amitié autochtone de Montréal, constate que non seu- le même pour tous. Preuve étant, les écarte des sanctions substitu- lement les contrevenants ne avec le ressenti de Maurice Bowen tives pour éviter l’incarcération. connaissent pas les services à leur en milieu urbain. disposition, mais surtout, si le En théorie, le principe Gladue contrevenant est jeune, les juges ne Prison demande au système carcéral de tiennent pas vraiment compte des Dans son rapport destiné à Sécuri- tenir compte de la spécificité des traumatismes du passé. té publique Canada, Mandy Wes- autochtones. Des programmes ley est pessimiste quant à l’avenir tels que le Sentier de la guérison «Le Québec est à la traîne, ex- des autochtones en milieu carcé- ont été mis en place pour aider plique-t-il, on ne parle que de dé- ral, et plus particulièrement celui les détenus autochtones grâce à fense, mais il faut regarder le crime, des femmes. Elle dit: «Le plan ac- des thérapies spirituelles et leur pourquoi et faire de la médiation.» tuel du gouvernement fédéral ne culture. Quelques programmes Alors, lorsqu’il accompagne un fera qu’augmenter le nombre de ont été trouvés au Québec pour les autochtone devant la justice, il détenus et aggraver les injustices hommes, en revanche, on constate travaille pour que la cour tienne criantes que subissent déjà les un manque flagrant d’aide pour les compte de sa spécificité. peuples autochtones en général.» femmes détenues. Quant à Lyne St-Louis, elle sillonne Si les sanctions substitutives sont Les statistiques montrent que 75% la province au gré des besoins des un bon départ pour sortir les au- des détenus autochtones restent communautés. Et elle constate que tochtones de prison, les femmes incarcérés jusqu’à la fin de leur les juges immergés dans les com- autochtones se trouvent dans une sentence, soit 10% de plus que le munautés sont plus réceptifs à ces situation inquiétante. En 10 ans, reste de la population. 17
Sortir les autochtones de prison Comités de justice Delphine Caubet Notre système judiciaire classe les personnes par catégorie: vic- times et agresseurs. Mais bien souvent, la réalité n’est pas aussi simple. Si l’on observe le passé des contrevenants, des troubles peuvent s’ajouter. Les agres- seurs ont pu être des victimes, et la victime d’aujourd’hui peut être l’agresseur de demain. Au- tant de mélange et de marasme dans une société qui aime l’ordre et le rangement. Mais pour les autochtones, la jus- tice prend un autre sens. Alors doucement, certaines communau- tés tentent de travailler avec les instances officielles pour adapter la justice à leur réalité. La conception de la justice entre d’autres. Mais un point commun naux pour agression. Sa famille autochtones et allochtones est dif- émerge: nombre d’entre elles n’était pas présente, et lui-même férente, comme l’explique Mylène émettent le souhait d’assister le n’avait pas conscience du pour- Jaccoud, professeure au départe- système judiciaire. quoi de ses actes. Grâce au rap- ment de criminologie de l’Univer- port Gladue (rapport destiné à sité de Montréal. Vision de la justice éclairer la cour sur l’individu et Les comités de justice sont conçus son passé), il a été dévoilé que le Au Québec, on a une justice puni- en complément du système judi- contrevenant fut victime d’agres- tive, avec une approche contradic- ciaire traditionnel. Ils ne le rem- sions sexuelles par le passé. Une toire, basée sur le modèle défense/ placent pas. Car punir un crime simple détention ne résoudrait accusation, et «ça n’a pas de sens», n’est pas suffisant, il faut observer donc pas son problème. ajoute la professeure. le contrevenant comme une per- Philosophie Les comités de justice ont une ap- Il a été dévoilé que le contrevenant fut victime proche réparatrice, et la discus- sion avec la victime et le prévenu d’agressions sexuelles par le passé. Une simple y est très importante. Le contre- venant doit accepter la responsa- détention ne résoudrait donc pas son problème. bilité de ses actes et réparer ses méfaits. Au contraire, les autochtones sonne, et comprendre comment il a Pendant les séances, la victime et mettent l’accent sur la respon- pu en arriver là. le contrevenant émettent des so- sabilisation et la guérison. Il est lutions et besoins pour résoudre difficile de généraliser pour l’en- Maurice Bowen, animateur au ce conflit. Le comité de justice semble des communautés, cer- Centre d’amitié autochtone de fait par la suite des recommanda- taines ayant une conception de Montréal, donne l’exemple d’un tions au juge quant à la sanction la justice plus intransigeante que homme passant devant les tribu- à donner. 18
L’idée est de déjudiciariser les Les comités de justice veillent à ce En plus de candidats, les comités de autochtones pour les infractions que la cour tienne compte de l’His- justice ont besoin de fonds. Comme mineures ou d’accompagner le toire des autochtones. Par le passé, l’explique Lyne St-Louis, directrice système judiciaire et le prévenu les Cris ont connu des problèmes de de Taïga Vision (organisme d’aide lorsque l’incarcération est iné- violence domestique. Mais d’après et de soutien aux communautés vitable. Les sanctions substitu- Donald Nicholls, grâce aux comi- autochtones), le fédéral n’a pas tives font partie des mesures que tés de justice et le panel de services augmenté le financement depuis peuvent recommander les comités qu’ils offrent, ils arrivent à résoudre plusieurs années. Donc, même si de justice. eux-mêmes ces problèmes. de nouveaux comités voudraient se Infractions Mais tous les contrevenants ne L’idée est de déjudiciariser les autochtones pour peuvent pas éviter la détention. Pour les infractions mineures (moins de les infractions mineures ou d’accompagner le 5 000$, vol...) l’autochtone est gui- dé vers la déjudiciarisation. Le juge système judiciaire et le prévenu lorsque abandonne les accusations contre des mesures de rechange. l’incarcération est inévitable. Mais lors de crimes sévères, les comités de justice font des recom- Travail d’équipe former, ils n’obtiendraient que peu mandations, tandis que l’avocat D’après Jacques Prégent, du Bu- ou pas de financement du gouver- du contrevenant peut demander reau des affaires autochtones du nement fédéral. un rapport Gladue pour éclairer Québec au Ministère de la Jus- la situation de son client, particu- tice, toutes les communautés Dernier point pouvant expliquer lièrement s’il a de lourds antécé- pourraient développer des comi- que moins de la moitié des commu- dents. tés de justice. Mais en pratique nautés aient des comités de justice: moins de la moitié l’ont fait. Envi- l’ordre des priorités. Cris ron 20 communautés sur 54, sans Chez les Cris, les comités de jus- représentation homogène selon Pour les Innus qui n’ont pas de co- tice sont répandus. Actuellement, les peuples. mité, «ils ont d’autres préoccupa- 9 communautés ont des comités. tions, explique Lyne St-Louis, ils Donald Nicholls, directeur du Dé- Les Innus, par exemple, n’ont pas ont des inquiétudes par rapport partement des services juridique et mis en place de tels comités. Car il à leur territoire. Et peut-être qu’à correctionnel du Grand conseil Cri, faut une volonté de la communau- l’époque, ils avaient mal compris de explique que la communauté choi- té, explique Jacques Prégent. Peu quoi il s’agissait.» sit les membres qui représentent de ressources sont disponibles, et le mieux ses valeurs et ses normes il faut de bons candidats sur place Sur les 2 dernières années, Jacques pour siéger au conseil, où des for- pour les mettre sur pied. Si tout le Prégent fait un constat positif mations leur sont offertes. Après monde peut faire partie de ces co- des comités de justice. À quoi il quoi, ils peuvent travailler sur des mités, ils ne doivent en aucun cas conclut que «c’est un défi pour cas de leur communauté. devenir politiques. tout le monde.» 19
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