Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus

La page est créée Robert Laroche
 
CONTINUER À LIRE
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
Montréal - Kuujjuaq

Rapprocher les parallèles
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
goo.gl/Pl9LV8
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
3
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
Éditorial                                                                                        NE ME JETTE PAS
                                                                                                passe-moi à un ami

40 ans de journalisme
                                         té en juin 1974, à une époque où un       Et ce à plusieurs niveaux. La version
                                         diplôme en journalisme n’existait         anglophone du magazine, son site
                                         même pas.                                 Internet ainsi que la publication de
                                                                                   livres en anglais va permettre à l’or-
                                         Bon, je vais essayer de me souvenir       ganisme de s’ouvrir un peu plus aux
                                         en 2023 que j’aurai 49 ans de ser-        anglophones. Sur le terrain, nous
                                         vice et qu’il faut que je me prépare      sommes multiculturels, mais dans
                                         pour mon 50e. Il ne faudrait pas          les outils, nous étions essentielle-
                                         que je le manque. Parce que je sais       ment francophones.
                                         que je ne me rendrai pas à 75 ans
                                         en journalisme. J’ai prévu une se-        Le Bistro le Ste-Cath va permettre
                                         mi-retraite à l’âge de 86 ans. Je vais    un rayonnement et une implication
                                         donc me limiter à 70 ans de travail       culturelle plus importante dans le
                                         journalistique.                           soutien de nos artistes et ceux de la
Raymond Viger                                                                      relève. Ce projet permet aussi de nous
www.raymondviger.wordpress.com           J’aimerais bien en 2044 me limiter        rapprocher davantage de notre com-
                                         à écrire des livres et faire des confé-   munauté et de pouvoir nous y impli-
2014. Ça aurait pu être une année        rences. Ou peut-être quelques             quer. De plus, d’autres organismes
spéciale pour moi. Mais semblerait       spectacles d’humour. Je n’ai pas          communautaires pourront utiliser
que j’y suis encore passé tout droit.    encore fait mon coming-out, mais          nos équipements et notre expertise
                                         je devrais pouvoir le faire d’ici là.     pour soutenir leurs propres projets.
En 2005, un an après avoir chan-
gé le nom du magazine passant de         Dans mes derniers échanges avec           Continuité
Journal de la Rue à Reflet de Socié-     Julie ( journaliste à Radio-Canada        Et dans tout ce brouhaha, je ne rêve
té, j’ai réalisé que j’avais peut-être   et ancienne stagiaire chez nous),         que d’une chose. Prendre quelques
un anniversaire à souligner. Mes 25      elle me disait que d’avoir des ré-        semaines de vacances pour… écrire
ans en journalisme. Après avoir fait     férences est essentiel dans la vie.       et éditer quelques livres qui sont
le décompte, je me suis vite rendu       J’ai terminé notre conversation           sur mon bureau et que je n’ai pas eu
compte que j’avais dépassé le quart      par cette constatation: J’aimerais        le temps de terminer.
de siècle depuis longtemps: j’en         bien avoir des références. Mais tous
étais déjà à 31 ans dans le milieu!      ceux qui auraient pu m’en donner          Certains se passionnent par la lec-
                                         sont décédés ou disparus. Je me sens      ture. Moi c’est l’écriture. Mais une
Zut de zut. Je me reprendrai à 40        comme un orphelin professionnel.          écriture qu’on ne partage pas et qui
ans me dis-je. Et voilà que l’année                                                demeure dans le fond du tiroir est
va bientôt s’achever. Ayant débuté       Nouveaux projets                          comme ce peintre qui crée dans
à l’âge de 16 ans, mes 40 années de      Question nouveaux projets, l’orga-        le fond de son placard sans jamais
service auraient dû être fêtées il y     nisme a le vent dans les voiles. Des      pouvoir exposer ses œuvres.
a 6 mois. Je regarde l’agenda avec       projets qui permettront à davan-
la promotion à faire du Bistro le        tage de jeunes de trouver une place       Notre créativité trouve tout son
Ste-Cath, l’intervention auprès des      d’expression en plus d’augmenter          sens au moment où on lui donne sa
jeunes, les événements culturels à       le financement d’autres organismes        liberté et qu’on la laisse trouver son
produire et à participer, le Salon du    communautaires.                           propre chemin. C’est pourquoi, dans
livre qui approche à grands pas, la                                                tous mes livres, ainsi que pour nos
version anglophone du magazine…          Chacun de ces nouveaux projets            magazines, nous autorisons les pho-
                                         est similaire à la création d’un nou-     tocopies gratuites de
Je ne vais pas faire la description      vel organisme. Cela demande beau-         nos textes. Parce qu’ils
de tout ce qui se trouve sur ma          coup d’énergie, de temps et aussi de      ne sont pas fait pour
planche de travail, mais la petite       financement. C’est parfois essouf-        être possédés égoïs-
note pour fêter mes 40 ans en jour-      flant de devoir assumer tout cela.        tement mais pour
nalisme est passée à côté. J’ai débu-    Mais le résultat vaut le coup.            être partagés.            goo.gl/2wLSsR

4
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
Gregory Fitzgerald Trio                           Angélique Duruisseau et ses musiciens
                      Jeunes musiciens formant                                      Angélique Duruisseau
                      le groupe de jazz Gregory                                     enflamme les soirées
                      Fitsgerald Trio, ces artistes                                 avec son INandOUT
                      avides de scène seront                                        Band. Un ensemble
                      présents une fois par mois                                    polymorphe et éclaté
                      pour les jeudis jazz. Am-                                     de musiciens d’hori-
                      biance lounge garantie.                                       zons divers, qui font
                                                          de chaque concert un moment unique. Au menu:
                                                          des revisites singulières des classiques d’Édith
                                                          Piaf, Nina Simone, du jazz et des grandes chan-
                                                          sons d’Amérique latine, et bien plus encore!

                       B.U                                                Clay and friends
                            Artiste issu de la di-                                 Clay and friends a été
                            versité culturelle de                                  créé suite à une séance
                            Montréal, B.U. est un                                  de freestyle dans les
                            mélange de hip-hop,                                    coulisses d’une salle de
                            reggae, soul, RnB et                                   spectacle. Ce collec-
                            tant d’autres choses.                                  tif bilingue propose un
                            Il définit sa musique                                  amalgame de hip-hop,
 comme étant le son de la liberté. En français, an-                                funk, jazz et reggae. En
 glais ou créole, l’artiste a performé et collaboré      spectacle, les échantillonnages électroniques et
 au Canada comme à l’étranger durant les 20 der-         les envolées musicales de Clay and friends sont
 nières années. B.U. (alias Patrick Joseph), est né      nourris par l’énergie de la foule. Aucun spectacle
 d’une mère Canadienne et d’un père Haïtien.             du groupe n’est identique.

             Les Soirées marrantes                                      Catherine Dagenais

                           Organisées, produites                                  Chansonnière de talent
                           et animées par Gabrielle                               qui a la musique dans
                           Caron. Les Soirées mar-                                la peau, Catherine s’ins-
                           rantes sont un show                                    talle une fois par mois
                           d’humour tordant, de-                                  au Bistro pour charmer
                           vant une salle remplie                                 le public avec un ar-
                           et un public conquit par                               tiste invité. Ses paroles
le charme des humoristes qui s’en donnent à coeur         vibrantes et sa voix touchante sauront ravir tous
joie. Des soirées présentées les premiers samedi du       les cœurs.
mois.

           Sans oublier notre collection de tableaux de l’exposition permanente !
                                                                                             goo.gl/AHuJBT
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
Courrier
                       du lecteur

                    Limites de l’information
                    C’est dur de tracer la ligne entre
    goo.gl/dE51DH   journalisme et sensationnalisme.
                    Je trouve cette question très per-
                    tinente. J’aspire à faire du jour-
                    nalisme à caractère social. C’est
                    une question que je me pose sou-
                    vent.

                    Lorsque je serai journaliste, je
                    veux avoir le plus grand respect
                    possible envers les gens que je
                    vais rencontrer. Ce sont de grands
                    principes sans doute difficiles à
                    appliquer. Je remarque que vous
                    avez un respect pour les personnes
                    que vous rencontrez et c’est tout à
                    votre honneur.
                    Kharoll-Ann Souffrant

                    Vivre avec l’anorexie
                    J’ai vu VeronikaH en entrevue avec
                    Denis Lévesque. J’ai été bénévole
                    pour ANEB Québec, organisme
                    québécois venant en aide aux per-
                    sonnes atteintes de troubles ali-
                    mentaires et leurs proches.

                    Je m’inquiète d’entendre       son
                    discours disant qu’on est      une
                    personne épanouie en étant    ano-
                    rexique et qu’on peut être    plus
                    fort avec la maladie.

                    De tels propos peuvent-ils renfor-
                    cer l’obsession d’autres personnes
                    atteintes et ainsi leur donner des
                    munitions pour continuer à entre-
                    tenir leurs troubles alimentaires,
                    notamment les jeunes?
                    Kharol-Ann Souffrant

6
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
Changement de société                    ser les frontières avec des papiers
Il ne faut pas attendre après le bon-    en règle?                                     L’Église et les LGBT
heur, il faut se l’approprier. Com-      Marc Blanchard
ment pouvons-nous bâtir quelque                                                   Certains ont peur des homos.
chose si nous pensons constam-           Reflet de Société                        Je suis d’accord qu’il existe un
ment que nous n’avons pas la ca-         Des témoignages poignants et des         lobby homo très influent sur
pacité de le faire? Mettons-nous à       articles à faire lire par ceux qui       les décisions du gouvernement
chercher des solutions. La richesse      souffrent sans savoir pourquoi et        quant à l’orientation de notre
est à l’intérieur de nous.               ceux qui participent à dégrader          société. Je suis d’accord pour
                                         notre société par leur lâcheté, leur     dire que ce n’est pas aux lobbies
Parait-il qu’il faut 300 ans à une       complicité tacite et leur indiffé-       de faire leur loi. Nous sommes
société pour changer de mentali-         rence navrante.                          en démocratie et c’est au Peuple
té! Peut-être que cette affirmation      Lisa Sion                                souverain de prendre les déci-
donne le goût de baisser les bras,                                                sions à travers les députés.
mais peut-être aussi que c’est à         Arabe et LGBT                            Bartneski
ce moment précis que nous en             Les tabous ont la vie dure. Heureu-
sommes: à notre 300e année!              sement qu’il existe des organismes       Penser qu’on devient homo est
                                         comme Helem.                             une erreur. On ne le devient
Reflet de Société a su se démarquer      Carolle Anne Dessureault                 pas, on nait ainsi. Beaucoup
et faire une différence dans notre                                                d’homos se cachent derrière
société. Bravo à toute l’équipe pour     École au Burkina Faso                    l’hétérosexualité par peur.
votre travail qui à chaque jour est      Je voudrais par ces lignes recon-        Bartneski
fait avec passion et conviction. Bra-    naitre l’utilité exemplaire de votre
vo à Danielle Simard et à Raymond        engagement en faveur de la scolari-      Les Églises sont victimes de
Viger!                                   sation en Afrique.                       leurs freins qui les figent dans
Sylvain Masse, Terrebonne                Hermann Kyemtarboum, Burki-              des postures archaïques. Elles
                                         na Faso                                  s’appuient sur des textes cen-
Longévité et croyance                                                             sés être complets et infaillibles,
Les croyants stimulent une zone          Survie du français                       impossible donc à remettre en
du cerveau qui retarderait grande-       Les élites mondialistes ne veulent pas   cause malgré les évolutions de
ment la maladie d’Alzheimer selon        du français parce que c’est à peu près   la société civile et scientifique.
le docteur Gernez.                       la seule langue capable de concur-       Marvin Bear
Slipenfer                                rencer l’hégémonie de la langue an-
                                         glaise. Langue de culture, autrefois     Je n’imagine pas un seul instant
Bistro le Ste-Cath                       langue de la diplomatie, langue de la    que le Christ ait pu condamner
Félicitations à Raymond et à sa          science et notamment des mathéma-        un homosexuel. Il ne défend
gang pour tout votre beau travail et     tiques, langue olympique...              pas une cause, il aime et défend
votre implication!                                                                tous les hommes avec leurs
Richard P.                               Le français est susceptible d’être       particularités et différences et
                                         pratiqué par 750 millions de per-        nous invite à faire de même.
Trafic de femmes                         sonnes voire un milliard à l’hori-       Pascal L.
Des millions de femmes tous les          zon 2050 avec le développement
ans sont touchées. Comme ce sont         de l’Afrique. Mais nos hommes po-        C’est bizarre. Dans l’Église
des asiatiques ou des filles de l’Est    litiques préfèrent regarder ailleurs     l’homosexualité est vilipendée.
c’est moins grave et on en parle         et aller se vendre aux anglo-saxons.     Mais dans la société on lui fait
beaucoup moins.                          Les sommets de la francophonies          une loi pour l’implanter à tous
                                         devraient être autant médiatisés         les coins de rues. Qui a raison?
Pourtant ce sont les greniers à filles   que ceux du G8 ou les JO; mais il        Claude-Michel
pour l’approvisionnement des bor-        n’en n’est rien dans les faits.
dels du monde entier. On récupère                                                 L’Église étant liée à des textes
des victimes vietnamiennes dans le       Bravo aux québécois qui tentent          comportant une condamna-
monde entier. La plus jeune n’avait      de résister et qui y parviennent pas     tion nette de l’homosexualité
pas 6 ans. Et comment croyez vous        si mal sur un continent où ils sont      ne peut pas se prononcer pour.
que ces jeunes femmes pour la plu-       tant isolés.                             Jean
part leurrées parviennent à traver-      Mac, France

                                                                                                                       7
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
The Social Eyes
Delphine Caubet

En 2015, Reflet de Société aura           Maintenant, vous allez apprendre à
un petit frère. Âgé de 23 ans,            le connaitre en tant que rédacteur
notre magazine voit maintenant            en chef du magazine de préven-
apparaître son pendant anglo-             tion et de sensibilisation The Social
phone: The Social Eyes. Vécu, té-         Eyes.
moignages et espoir seront tou-

                                                                                                                       Photo: Gracieuseté Colin McGregor.
jours au rendez-vous.                     Contenu
                                          La question était dans l’esprit des
En tant que fidèles lecteurs              hautes instances de l’organisme
de Reflet de Société, vous le             depuis des années: pourquoi ne
connaissez et vous l’avez lu: Colin       pas rejoindre le lectorat anglo-
McGregor, notre chroniqueur an-           phone?
glophone incarcéré à la prison de
Cowansville.                              Après tout, les problèmes sociaux
                                          n’ont pas de barrières linguis-
Depuis plusieurs années, il nous          tiques. L’hémisphère gauche a
livre des témoignages poignants,          rencontré l’hémisphère droit de
comiques et philosophiques sur            l’organisme et ils sont arrivés à une   Colin McGregor, rédacteur en chef.
l’univers carcéral. Il est devenu         conclusion: personne n’écrivait en
le traducteur des livres d’inter-         anglais.                                apte à prendre le poste de rédac-
vention et de prévention de Ray-                                                  teur en chef.
mond Viger, puis un auteur que            Colin en tant que journaliste et
nous avons publié aux Éditions            chroniqueur à Reflet de Société         Pour ce nouveau magazine, et
TNT.                                      apparut comme le candidat le plus       comme à travers ses chroniques,

    Mot de l’éditeur
    Raymond Viger

    Vous le savez sûrement, Colin est incarcéré à la prison de Cowansville depuis plusieurs années. Il est mainte-
    nant rédacteur en chef d’un magazine d’information et de sensibilisation, The Social Eyes.

    J’accompagne Colin depuis plus de 5 ans. J’ai été son rédacteur en chef. Il est devenu le traducteur de 2 de mes
    livres d’intervention. Nous avons publié un de ses romans. Nous avons un long cheminement ensemble et je
    suis fier du travail qu’il accomplit, autant dans sa vie qu’auprès des autres détenus.

    Il est vrai que Colin McGregor est le rédacteur en chef du magazine, mais je suis son éditeur et superviseur
    et je demeure présent dans sa vie, autant personnelle que professionnelle. La nomination de Colin à ce poste
    est exceptionnelle. Notre revue a à cœur de représenter tous les aspects sociaux: dont le milieu carcéral bien
    souvent ignoré par les autres médias. Ces mêmes médias qui pourtant doivent représenter cette société qu’ils
    reflètent.

    Nous sommes fiers d’avoir dans nos rangs Colin McGregor qui maintenant occupera le poste de rédacteur en
    chef de The Social Eyes. S’il débute ce nouvel emploi depuis la prison de Cowansville, sachez que dans quelques
    années il sera libéré et prendra pleinement sa place parmi nous.

    Notre organisme intervient dans différents milieux depuis près de 23 ans. Je vous remercie pour la confiance
    que vous nous portez. Je vous remercie d’accueillir et d’accepter nos membres tels qu’ils sont.

8
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
il veut transmettre un sentiment        contenu journalistique. En tant
d’accueil, «car on est tous le pro-     que lecteur, vous étiez peut-être là        Qui est
duit de notre vécu.»                    lorsque nous avons gagné nos prix.     Colin McGregor?

                                                                               Colin a travaillé comme jour-
                                                                               naliste dans divers médias à
                                                                               travers le pays. Il a notamment
                                                                               collaboré avec le Halifax Daily
                                                                               News, Montreal Daily News,
                                                                               le Financial Post et a été ré-
                                                                               dacteur en chef du Montreal
Tels les aumôniers qu’il rencontre      Notamment avec Jean-Pierre Bel-        Downtowner.
à Cowansville, il veut donner un        lemare, autre chroniqueur (et an-
message de tolérance et de com-         cien détenu) qui décrivait l’univers   Parmi ses célèbres articles, il y
préhension des autres. Toujours         carcéral avec une réalité criante et   eut celui dénonçant l’inconsti-
avec une touche de philosophie et       bouleversante.                         tutionnalité de la loi anti-pros-
d’humour.                                                                      titution de Nouvelle-Écosse en
                                        Des chroniques saluées par la com-     1986 et qui amena le gouverne-
Ligne éditoriale                        munauté journalistique elle-même,      ment à faire marche arrière.
«Be the best person you can be.» Si     notamment lors du grand prix des
tu es un concierge, prend ton tra-      éditeurs de magazines en 2008.         Ou encore en Nouvelle-Écosse,
vail à cœur et soit le meilleur des                                            l’utilisation répétée des mêmes
concierges. Et n’aie jamais honte de    Ce nouveau magazine offrira cette      cercueils par les services funé-
qui tu es. Telle sera la ligne édito-   même qualité au lectorat anglo-        raires; scoop qui le propulsa
riale de ce futur magazine.             phone. Même s’il est difficile de      sur la scène nationale des jour-
                                        généraliser, Colin McGregor ex-        nalistes canadiens.
Parmi les sujets qui tiennent à         plique que la population anglo-
cœur et qui seront abordés: la vio-     phone à une vision plus sarcas-        Aujourd’hui, il est chroniqueur
lence conjugale, l’exclusion sociale,   tique et plus dure des choses. Il      à Reflet de Société, critique lit-
la maladie mentale, les dépen-          veut apporter au milieu anglo-         téraire à l’Anglican Montreal,
dances, la pauvreté… mais toujours      phone l’émotivité de la partie fran-   traducteur et auteur aux Édi-
avec une touche d’espoir, précise le    cophone. Toujours dans l’optique       tions TNT.
nouveau rédacteur en chef.              de s’ouvrir aux autres et d’aider
                                        son prochain.                          Comme il le dit, l’écriture est
Écriture                                                                       dans son sang et il le prouve
Reflet de Société a acquis ses          The Social Eyes sera disponible par    quotidiennement.
lettres de noblesse en matière de       abonnement à partir de 2015.

                                                                                                                    9
Montréal - Kuujjuaq Rapprocher les parallèles - Reflet de Société Plus
Au pays des Inuits

Voyage dans le désert blanc
Delphine Caubet

Les Inuits. Une culture que beau-

                                                                                                                   Photos couverture et article: François Léger-Savard.
coup pensent connaître. Cer-
tains les appelant plus ou moins
péjorativement «Esquimaux»,
d’autres imaginant des Indiens
dans la neige. Pour lutter contre
ces préjugés et ces erreurs, des
jeunes de 4e et 5e années de
l’école Sophie-Barat sont partis
11 jours dans le Nunavik.

Pendant 1 an, ces jeunes ont été
éduqués sur l’Histoire des Inuits
et des Premières Nations. Aidés
et accompagnés de Lyne St-Louis,
directrice de Taïga Vision (orga-
nisme d’aide et conseils auprès          Famille inuite en ski doo.
des autochtones), les jeunes ont
maintenant une mission: parler des       condaire IV, se posait une question    taires pour illustrer ce phénomène.
Inuits et de leur Histoire pour ne       importante: les Inuits sont-ils tou-   Plusieurs fois par an, les habitants
pas oublier.                             jours fâchés après les Blancs?         se réunissent autour d’un festin
                                                                                composé de nourriture tradition-
Mission                                  Durant les mois de préparation,        nelle et contemporaine. Dès leur
Partir à Kangiqsualujjuaq n’était        les jeunes ont vu des films tels       arrivée, les jeunes ont pu assister
pas le fruit du hasard. L’organisa-      que We were children ou Echo of        à celui organisé en l’honneur de
trice, Lyne St-Louis, connait bien       the last howl, suivis de discussions   la fin de la formation des femmes.
la région et ce petit village de 800     pour appréhender la réalité de ces     Pendant cette soirée, des spec-
habitants possède une riche vie          peuples. Ils ont appris l’histoire     tacles ont accompagné le souper,
culturelle. Pour cette expédition,       des pensionnats et du traumatisme      et les jeunes ont eu l’opportunité
Élodie, Noé et leurs acolytes y sont     collectif, mais aussi de l’abat-       d’échanger avec les aînés.
allés en journaliste. Enregistreuse      tage des chiens, qui en plus d’être
en main, ils ont vécu au rythme de       un crime envers ces animaux, a         Un souvenir agréable pour les ap-
la vie locale pour s’intégrer et poser   bouleversé le mode de vie de ces       prentis journalistes, bien qu’ils
des questions.                           peuples.                               aient gardé une gêne à poser des
                                                                                questions sur les pensionnats et les
Car le plus gros du travail est à leur   Mais Noé est vite rassuré. À leur      traumatismes du passé.
retour. Au travers de conférences        arrivée, leur premier contact sur
et d’événements, les jeunes par-         place est Charlie. Un Inuit qui a      Autre exemple de force et de ré-
tageront leur expérience et leurs        marqué autant Noé que son profes-      silience: les cultural classes. Dans
connaissances pour sensibiliser la       seur par le calme et la sérénité que   ces cours, les garçons apprennent
population québécoise aux enjeux         dégageait cet homme.                   à réparer les motoneiges et à
des Inuits. «Car il n’y aura jamais                                             chasser, tandis que les filles ap-
assez d’efforts pour sensibiliser»,      Survie                                 prennent (entre autres) la couture.
précise Lyne St-Louis, et il faut        «Les 3 mots d’ordre de ce peuple       Toujours dans le but de conserver
comprendre comment ils en sont           sont force, beauté et résilience»,     leur patrimoine.
arrivés là.                              annonce Élodie. Les jeunes ont pu
                                         observer comment les habitants,        Alimentation
Comme dans toutes expéditions,           avec résilience, travaillent à la      Pendant leurs 3 jours au parc na-
certaines craintes peuvent se pré-       survie de leur culture. Noé donne      tional Kuururjuaq, les jeunes ont
senter au départ. Noé, élève en se-      l’exemple de festins communau-         appris à pêcher comme la tradi-

10
tion inuite l’exige, à chasser et       Ce qui aurait tendance à conserver      matière. Alors, forcément, les
à monter une tente. «Comme le           leur culture.                           élèves ont du retard dans leurs
répète Éric, notre professeur, il                                               cours.
faut garder l’esprit ouvert», pré-      D’un autre côté, les jeunes Inuits
cisent les étudiants. Alors, après      sont eux aussi influencés par           En plus de ces difficultés linguis-
la pêche vient le repas. Au menu:       la culture américaine. Car bien         tiques, le mode d’apprentissage
du poisson cru. Et ils ont adoré        qu’ils n’aient pas le réseau télé-      des Inuits n’est pas le même que
ça! À part le cœur qui a laissé un      phonique, Internet et le wifi fonc-     celui des autres Québécois. D’après
souvenir plus partagé chez les ap-      tionnent et ils voyagent en mé-         Lyne: «Les Inuit ont le même
prentis pêcheurs.                       tropole. «Ils ont tous un iPod et       programme, mais il n’est pas adap-
                                        écoutent Justin Bieber», conclut        té à eux, ce n’est pas assez concret.
Dans le Nunavik, les Inuits se          Élodie.                                 Déjà qu’en général au Québec c’est
nourrissent de viande et de pois-                                               difficile… Eux apprennent selon
son crus, tout en intégrant des         Étudier?                                le mode watch and learn. Le pro-
aliments plus «occidentalisés».         Comme dans beaucoup de lieux            gramme est trop abstrait pour
«Mais c’est extrêmement cher»,          isolés, les étudiants font face à un    eux.»
précise Élodie. À quoi Noé ajoute       choix difficile.
que les prix sont parfois 3 fois plus                                           Retour
chers et qu’un sac de chips peut        Dans le village de Kangiqsualu-         Depuis leur retour à Montréal, les
coûter 9,95$.                           jjuaq, jusqu’au secondaire, les         jeunes ont donné quelques confé-
                                        jeunes peuvent rester dans leur         rences dans les écoles pour sensibi-
Pendant ces 10 jours dans le nord,      famille pour étudier. Quant à           liser la population et lutter contre les
les jeunes n’ont pas fait que re-       ceux qui souhaitent continuer, ils      préjugés. «Car ce n’est pas vrai que
garder. Ils ont aussi participé. À      doivent quitter leur village pour se    tous les Inuits sont des alcooliques,
travers du bénévolat, notamment         rendre au Cégep. Élodie et Noé ex-      s’insurge Élodie. Pour ceux qui le
dans les cuisines pour participer à     pliquent alors que pour beaucoup        sont, il faut comprendre leur His-
une meilleure éducation alimen-         d’entre eux, ils doivent faire une      toire et pourquoi.»
taire ou dans les écoles pour aider     année de préCégep pour se mettre
les jeunes avec le français.            à niveau.                               À l’avenir, nul ne peut prévoir
                                                                                les effets de cette expédition sur
Perte culturelle                        Jusqu’en 3e année, les Inuits étu-      les jeunes et la communauté du
Malgré la beauté de ce peuple et leur   dient dans leur langue: l’Inukti-       Nunavik. Une relation s’est créée et
volonté de conserver leur culture,      tut. Un moyen de faire vivre leur       les villageois demandent des nou-
comme bien d’autres jeunes dans         culture. Mais à partir de la 4e an-     velles des adolescents. Parmi les
une situation analogue, les jeunes      née, il bascule vers le français. Et    apprentis journalistes, Élodie a été
Inuits se trouvent pris entre deux      forcément, «tu ne peux pas arriver      particulièrement influencée par ce
feux. D’un côté, ils vivent dans un     au même résultat», explique Lyne.       voyage et elle souhaite désormais
village isolé qui ne possède qu’une     Les jeunes doivent apprendre si-        devenir infirmière ou ambulan-
route pour se rendre à l’aéroport.      multanément une langue et une           cière dans le Grand Nord.

  Impact auprès des jeunes
  Sur les 18 jeunes faisant partie de l’expédition, environ 5 sont toujours très engagés dans leur mission de sen-
  sibilisation. Une réalité, mais aussi une grande déception pour Lyne, «car les jeunes ne réalisent pas toujours
  le travail qu’ils ont au retour.»

  «Mais c’est l’expérience d’une vie, et pour 50% d’entre eux, ce vécu aura un impact.» Si l’engagement sur le long
  terme de ces jeunes est difficile à évaluer, Lyne St-Louis n’oublie pas de préciser «que c’était un bon groupe»,
  qui s’est bien adapté et a tout essayé.

  Sur le court terme, Éric Laforest, professeur d’Éducation physique et de plein air à l’école Sophie-Barat,
  constate une réduction du bruit de la part de ses étudiants. «On se faisait souvent dire que l’on parlait trop
  fort», plaisante Élodie. Si Éric constate ce 1er changement, il veut surtout que ses jeunes prennent conscience
  d’être des privilégiés.

                                                                                                                    11
Changer sa communauté

Portraits de jeunes Inuits
Delphine Caubet

Par une belle journée d’automne,
ça rentre et ça sort dans tous
les sens au Cégep Marie-Victo-
rin à Montréal. Dans l’un des
bâtiments, des jeunes femmes
sortent en trombe des salles de
classe tout en plaisantant et dis-
cutant. Je tends l’oreille pour
comprendre ce qu’il se dit, mais
la langue m’échappe complète-
ment. À tel point que je suis inca-

                                                                                                                                Photo: Delphine Caubet.
pable d’en reconnaître l’origine.
Je me dirige vers mon lieu de
rendez-vous, et l’un d’entre eux
est là à m’attendre.

Un peu mal à l’aise, il me serre la
main et échange quelques mots en
inuktitut avec un ami. Lui, c’est Da-   Daniel et Igulik devant la fontaine avec l’inukshuk (statut) au Cégep Marie-Victorin.
niel et on va passer l’après-midi en-
semble avec 3 de ses collègues pour     indécis sur le cursus qu’il choisi-             mère étant directrice de garderie à
comprendre la réalité d’un jeune        ra, il est bien décidé à terminer le            Kangiqsualujjuaq, Igulik a déjà tra-
du Nunavik qui a quitté sa commu-       Cégep. Avec un léger rire, il m’ex-             vaillé auprès de ce jeune public et
nauté pour étudier.                     plique que d’après lui, «on n’est               sait qu’elle aime ça. L’éducation, la
                                        pas tout seul dans l’univers». S’il             famille a ça dans le sang!
On m’avait prévenue: la culture         ne finira pas nécessairement ex-
inuite est une culture de taiseux,      plorateur de l’espace, le jeune                 C’est à ce moment qu’arrivent en
et qui plus est mon accent fran-        homme a un clair penchant pour                  trombe Anita et Jeannie. Micro
çais n’aide pas à la communication.     les sciences. Dans un mélange de                tempête à langue bien pendue, Ani-
                                                                                        ta et Jeannie se refusent dans un
                                                                                        premier temps à faire l’entrevue.
La jeune femme originaire de Salluit                                                    Une pause de 10 minutes et une ci-
                                                                                        garette plus tard, elles reviennent
s’est retrouvée dans la chaleur d’une zone de guerre                                    d’elles-mêmes auprès de Daniel et
                                                                                        Igulik.
à dater des os en laboratoire.
                                                                                        Contrairement à leurs camarades,
                                                                                        Anita et Jeannie sont très bavardes:
Mais Daniel et Igulik, l’une de ses     français et d’anglais, il me raconte            «On doit même les faire taire en
acolytes, sont bien entourés par 3      avec humour comment il travaille                classe», plaisante Marie-Hélène,
membres de la commission sco-           sa troisième langue, le français,               conseillère aux élèves.
laire Kativik (commission scolaire      grâce à des séries télévisées telles
du Nunavik administrée pour et          que Les parents, qu’il adore.                   Si l’un de ces jeunes devait incar-
par les Inuits).                                                                        ner la volonté, ce serait Jeannie. À
                                        À côté de lui se trouve Igulik. Jeune           seulement 17 ans, elle dit être ve-
Profil                                  femme de 23 ans plutôt timide, elle             nue à Marie-Victorin pour accom-
Daniel est au Cégep Marie-Victo-        a un objectif clair: terminer sa tech-          plir des choses et être différente.
rin depuis août 2013 où il a terminé    nique d’éducation à l’enfance et                Il faut dire que malgré son jeune
son année d’intégration-adapta-         peut-être rester à Montréal. Il faut            âge, Jeannie en met plein les yeux.
tion. Âgé de 22 ans, s’il est encore    dire qu’elle a été à bonne école; sa            «Moi, je mets sur mon CV qu’elle a

12
À sa gauche se trouve Anita. Du            taine d’années, il plaisante sur les
Photo: Commission scolaire Kativik.

                                                                              haut de ses 19 ans, elle semble la         soirées qu’il a passées au centre
                                                                              plus mature du groupe. Et pour             -ville avec ses amis, où après avoir
                                                                              cause, j’apprends quelques minutes         manqué la fermeture du métro, ils
                                                                              plus tard qu’elle a un enfant de 2         ont dû attendre jusque 6h du matin
                                                                              ans et qu’elle étudie pour être édu-       pour pouvoir rentrer. Raconté sur
                                                                              catrice spécialisée en protection de       le ton plaisanterie, le jeune homme
                                                                              la jeunesse.                               apprécie cette liberté, même si elle
                                                                                                                         entraîne des difficultés.
                                                                              Anita, jeune femme au caractère
                                                                              bien trempé, a établi un plan pour         Pendant cet après-midi, Daniel ré-
                                  Jeannie, gagnante à l’expo-sciences.        son avenir: prochainement son              pète plusieurs fois avec humour
                                                                              conjoint ramènera son enfant à             et fatalisme que le plus dur pour
                                  été mon élève», s’amuse Jacques,            Kangiqsualujjuaq pour qu’il soit           lui est de se lever le matin. À Ma-
                                  conseiller aux élèves.                      élevé par sa mère le temps qu’elle         rie-Victorin, on doit être à l’heure
                                                                              termine ses études. Après quoi, elle       en cours, et il n’y a plus de parents
                                  Il faut dire que la jeune femme             les rejoindra et fera changer les          pour aider avec les petites choses
                                  a remporté 2 prix pendant l’ex-             choses dans sa communauté. Tout            du quotidien.
                                  po-sciences pancanadienne 2014              un plan.
                                  pour la construction d’un système                                                      Igulik, qui a essentiellement des
                                  de luminothérapie. Rien que ça.             Vie étudiante                              amis Inuits, mise sur la solidarité
                                  Lorsque je lui demande comment              Étudier à Montréal n’est pas nou-          entre membres. Et pour cuisiner,
                                  lui est venue l’idée, sa réponse est        veau pour Anita. La jeune mère             rien de mieux que de le faire entre
                                  simple: «J’ai demandé à mon pro-            avait déjà fait une première tenta-        copines! Les repas sont générale-
                                  fesseur ce qui me ferait gagner, et il      tive, mais avait arrêté. «C’était trop     ment basiques (les spaghettis en
                                  m’a dit un système de luminothéra-          dur», explique-t-elle. Si le retard        sont un élément clé), et il faut gérer
                                  pie.» C’est dit, c’est fait.                scolaire n’aide pas, l’éloignement         le porte-monnaie.
                                                                              de leur communauté finit par en
                                  Grâce à quoi, elle est partie un            décourager certains.                       Lorsque je leur demande ce qu’ils
                                  mois en Israël faire un stage                                                          souhaiteraient voir améliorer, ils
                                  d’archéologie supervisé par des             Mais une fois sur place, dans les          convergent tous vers un point: la
                                  scientifiques. La jeune femme               résidences du Cégep, chacun doit           nourriture traditionnelle! Trois de
                                  originaire de Salluit s’est retrou-         trouver son équilibre. Daniel est          nos quatres jeunes acolytes sou-
                                  vée dans la chaleur d’une zone de           monsieur sociabilité, et depuis plus       haitent rester à Montréal après
                                  guerre à dater des os en labora-            d’un an à Montréal, il s’est fait des      leurs études, mais le country food
                                  toire. Les clichés sur les Inuits en        amis de différentes cultures. En           leur manque cruellement. Mais
                                  prennent un coup.                           tant que jeune homme d’une ving-           point positif qui leur remonte le

                                      Le retard scolaire au Nunavik
                                      Michel Pruneau est conseiller pédagogique responsable du programme d’exploration et d’intégration pour la
                                      commission scolaire Kativik au Cégep Marie-Victorin.

                                      Selon lui, le retard scolaire des Inuits s’expliquerait par la culture et la tradition orale de ces peuples. La réalité
                                      scolaire est un phénomène nouveau pour eux, et elle n’occupe pas la même place dans leur esprit. L’école n’est
                                      simplement pas en haut des priorités. S’ajoute à cela une culture qui donne à l’enfant sa propre sagesse et qui
                                      lui impose peu de choses.

                                      Généralement, les jeunes Inuits ont d’excellentes capacités en anglais (voire meilleures que dans le reste du
                                      Québec), mais le français est la discipline qu’ils leur fait le plus défaut. Avant d’entrer au Cégep, la plupart
                                      d’entre eux font une année de précollégial (ou préCégep) pour se mettre à niveau. Ceux allant au Cégep Ma-
                                      rie-Victorin font une année d’exploration et d’intégration avant de commencer le programme de leur choix.

                                      Marie-Victorin accueille entre 10 et 15 nouveaux Inuits chaque année.

                                                                                                                                                           13
moral: les prix! C’est leur réponse                      D’après leurs intervenants, envi-         manque tant. Non loin de là se
                                      spontanée quant aux avantages de                         ron 80% d’entre eux repartiraient         trouverait Anita Annanack qui
                                      la métropole.                                            dans leur village, et seule une           élèverait son fils tout en aidant les
                                                                                               faible minorité resterait à Mon-          jeunes les plus récalcitrants à ac-
                                      Espoir                                                   tréal.                                    cepter une main tendue. La jeune
                                      Daniel, Igulik, Jeannie et Anita                                                                   femme s’est d’ailleurs taillée une
                                      sont l’avenir de leur communauté,                        Marie-Hélène         ponctue       cet    bonne réputation dans ce domaine.
                                      chacun dans la voie qu’ils choisi-                       après-midi en m’expliquant que la         Enfin, Jeannie Kakayuk après l’ar-
                                      ront. Leurs conseillers au Cégep,                        plupart de ces jeunes sont là pour        chéologie en Israël poursuivrait
                                      Marie-Hélène et Jacques, parlent                         aider leur communauté. À noter            ses aventures scientifiques. Et qui
                                      de cette quinzaine de jeunes                             que ces pionniers sont bien sou-          sait, peut-être sera-t-elle la com-
                                      chaque année comme la crème de                           vent des pionnières avec une large        plice de Daniel dans ses recherches
                                      la crème.                                                majorité féminine. Une chose est          spatiales.
                                                                                               certaine, ce n’est pas la volonté et la
                                      Leur retard scolaire et les diffi-                       résilience qui manque à ces jeunes        Vous noterez que je laisse mon
                                      cultés linguistiques sont parmi les                      gens.                                     imagination s’emballer quant à
                                      plus gros handicaps qu’ils doivent                                                                 l’avenir de ces 4 jeunes Inuits,
                                      surmonter, mais certains d’entre                         D’ici quelques années, peut-être          mais après tout, ils ont réussi le
                                      eux s’accrochent. Et pour ceux                           pourra-t-on retrouver Daniel              plus difficile en venant étudier à
                                      qui décrochent, ils bénéficient                          Adams tête dirigeante en re-              Marie-Victorin. Alors pourquoi
                                      de cette expérience sur le plan                          cherche de vie extraterrestre, Igu-       ne pas leur donner le temps de ces
                                      personnel et professionnel pour                          lik Emudluk reprendre la garde-           quelques lignes un avenir extraor-
                                      trouver du travail dans leur com-                        rie de sa mère à Kangiqsualujjuaq         dinaire à l’image du parcours qu’ils
                                      munauté.                                                 au côté de sa petite sœur qui lui         ont déjà effectué.

                                                                Le Nunavik: 507 000 km2 accessible seulement en avion

                                                                                               7            8        9
                                                                                      6
                                                                                                                      10
                                                                                                                       11 14
                                                                                           5                    12
                                               RÉGION                                                                             13
                                                                                                4
                                               ARCTIQUE
                                               DU QUÉBEC
                                              COMMUNAUTÉS                  POPULATION
                                                                                                3
                                            1. KUUJJUARAAPIK         P•I       681
                                            2. UMIUJAQ               P•I       470
                                            3. INUKJUAK              P•I      1825                          2
                                            4. PUVIRNITUQ            H•P•I    1791
                                            5. AKULIVIK              P•I       666
                                            6. IVUJIVIK              P•I       386                      1
                                            7. SALLUIT               P•I      1391
Carte: Commission scolaire Kativik.

                                            8. KANGIQSUJUAQ          P•I       739
                                            9. QUAQTAQ               P•I       399
                                            10. KANGIRSUK            P•I       537                                                                    SEPT-ÎLES •
                                            11. AUPALUK              P•I       205
                                            12. TASIUJAQ             P•I        318
                                            13. KUUJJUAQ             H•P•I    2552
                                            14. KANGIQSUALUJJUAQ P•I           819

                                            H=HÔPITAL • P=POSTE DE POLICE • I=INFIRMERIE
                                                                                                                  CHIBOUGAMAU •

                                      14                                                                                                 QUÉBEC   •

                                                                                                                                         SHERBROOKE     •
15
goo.gl/3IhSpk
Sortir les autochtones de prison

Sanctions substitutives
Delphine Caubet

Les chiffres sont effarants. Au
Canada, les autochtones repré-
sentent 4% de la population. Une
minorité que l’on ne remarque
pas au quotidien. Mais en pri-
son, la tendance est tout autre:
les Amérindiens représentent
23% des hommes et un tiers des
femmes. Une surreprésentation
qui ne cesse d’inquiéter et d’aug-
menter. Preuve étant, en 10 ans,
la présence de femmes autoch-
tones en prison à augmenter de
90%.

                                                                                                                        Illustration: Ian Fortin.
Pour lutter contre ce phénomène,
le Canada et plus lentement le
Québec se dotent d’une politique
de discrimination positive envers
les peuples autochtones. Cette dis-
crimination est le principe Gladue:
elle demande aux juges de modifier       des ateliers de sensibilisation dans      d’un bon chasseur autochtone
leurs sentences et de trouver des        les écoles. L’objectif était d’éveiller   condamné à être guide en forêt.
sanctions substitutives pour lutter      les jeunes à l’impact de la drogue        L’homme, enjoué par la sentence,
contre cette surreprésentation car-      sur l’individu et leur culture. Lyne      va jusqu’à proposer son véhicule
cérale.                                  prend les choses en main, s’adresse       personnel et son carburant pour
                                         à l’école de la communauté, et le di-     effectuer sa sanction.
Explication                              recteur est enchanté.
Lyne St-Louis est consultante                                                      D’après l’expérience de la consul-
auprès des Premières nations,            Dans ce type de réhabilitation,           tante, dans de nombreux cas de
et des autochtones ayant des dé-         le contrevenant n’est pas laissé à        sanctions substitutives, il n’y a pas
mêlés avec la justice, elle en a vu.     l’abandon, il est suivi et aidé. Dans     de récidive. La sanction n’est pas
Son travail est d’accompagner le         le cas présent, la personne a fait        le principal moteur de cette réus-
contrevenant et le système judi-         des ateliers en partenariat avec la       site, c’est essentiellement l’aide
ciaire pour comprendre le com-           police et les aînés.                      qui se trouve autour. Car certains
portement de la personne. Et si                                                    ne connaissent pas la cause de leur
possible, de trouver des sentences       Succès                                    mal-être, et la famille n’est pas tou-
substitutives pour éviter la prison      Lyne St-Louis a constaté que ces          jours présente pour expliquer la
au contrevenant.                         sanctions sont plus efficaces que         situation.
                                         les travaux communautaires. Ces
Dans ce plan de réhabilitation, le       derniers, souvent non effectués,          Mylène Jaccoud, professeure au
contrevenant y prend part inté-          ne prennent pas en considération          département de criminologie de
grante en proposant des alterna-         le contrevenant, ses intérêts et          l’Université de Montréal, explique
tives. Il y a peu, Lyne suivait une      son passé. Les sanctions substitu-        que bien souvent derrière chaque
personne ayant des problèmes de          tives sont plus efficaces, car elles      contrevenant, il y a une victime. Il
drogue: elle avait des démêlés avec      prennent en compte le contreve-           est donc important de regarder le
la justice et elle risquait la prison.   nant en tant que personne. Il est         passé, et de comprendre comment la
Pendant ses visites, Lyne discute        consulté et il propose une sanc-          personne en est arrivée là. Les rap-
avec elle, et d’elle-même, la contre-    tion adaptée pour lui permettre           ports Gladue, que peuvent deman-
venante proposa un plan pour faire       d’évoluer. Lyne donne l’exemple           der les juges, contiennent ces infor-

16
mations sur le passé de la personne,     sanctions substitutives. En Abiti-       leur présence en prison a augmen-
ainsi que l’impact qu’ont eu sur elle    bi, elle a constaté une certaine ré-     té de 90%!
les pensionnats, les politiques d’as-    ticence au commencement, mais
similation... Les jeunes générations     face à l’inefficacité de la détention,   Dans son article, la professeure
n’ont pas vécu ces traumatismes,         les hommes de loi se sont ouverts        Jaccoud explique que les femmes
en revanche, elles peuvent avoir été     à ces possibilités. Mais comme elle      autochtones représentent 45% des
élevées par des victimes de ce passé     dit, «le Québec est grand», et ce        femmes purgeant une sentence à
toujours présent.                        n’est pas vrai que le traitement est     sécurité maximale. Ce qui d’emblée

Juges
Selon le lieu où se trouve l’autoch-          Les sanctions substitutives sont plus efficaces,
tone, les juges n’ont pas toujours la
même réceptivité envers le principe                                       car elles prennent en compte
Gladue et les traumatismes du passé.
                                                            le contrevenant en tant que personne.
Maurice Bowen, animateur au
Centre d’amitié autochtone de
Montréal, constate que non seu-          le même pour tous. Preuve étant,         les écarte des sanctions substitu-
lement les contrevenants ne              avec le ressenti de Maurice Bowen        tives pour éviter l’incarcération.
connaissent pas les services à leur      en milieu urbain.
disposition, mais surtout, si le                                                  En théorie, le principe Gladue
contrevenant est jeune, les juges ne     Prison                                   demande au système carcéral de
tiennent pas vraiment compte des         Dans son rapport destiné à Sécuri-       tenir compte de la spécificité des
traumatismes du passé.                   té publique Canada, Mandy Wes-           autochtones. Des programmes
                                         ley est pessimiste quant à l’avenir      tels que le Sentier de la guérison
«Le Québec est à la traîne, ex-          des autochtones en milieu carcé-         ont été mis en place pour aider
plique-t-il, on ne parle que de dé-      ral, et plus particulièrement celui      les détenus autochtones grâce à
fense, mais il faut regarder le crime,   des femmes. Elle dit: «Le plan ac-       des thérapies spirituelles et leur
pourquoi et faire de la médiation.»      tuel du gouvernement fédéral ne          culture. Quelques programmes
Alors, lorsqu’il accompagne un           fera qu’augmenter le nombre de           ont été trouvés au Québec pour les
autochtone devant la justice, il         détenus et aggraver les injustices       hommes, en revanche, on constate
travaille pour que la cour tienne        criantes que subissent déjà les          un manque flagrant d’aide pour les
compte de sa spécificité.                peuples autochtones en général.»         femmes détenues.

Quant à Lyne St-Louis, elle sillonne     Si les sanctions substitutives sont      Les statistiques montrent que 75%
la province au gré des besoins des       un bon départ pour sortir les au-        des détenus autochtones restent
communautés. Et elle constate que        tochtones de prison, les femmes          incarcérés jusqu’à la fin de leur
les juges immergés dans les com-         autochtones se trouvent dans une         sentence, soit 10% de plus que le
munautés sont plus réceptifs à ces       situation inquiétante. En 10 ans,        reste de la population.

                                                                                                                17
Sortir les autochtones de prison

Comités de justice
Delphine Caubet

Notre système judiciaire classe
les personnes par catégorie: vic-
times et agresseurs. Mais bien
souvent, la réalité n’est pas aussi
simple. Si l’on observe le passé
des contrevenants, des troubles
peuvent s’ajouter. Les agres-
seurs ont pu être des victimes,
et la victime d’aujourd’hui peut
être l’agresseur de demain. Au-
tant de mélange et de marasme
dans une société qui aime l’ordre
et le rangement.

Mais pour les autochtones, la jus-
tice prend un autre sens. Alors
doucement, certaines communau-
tés tentent de travailler avec les
instances officielles pour adapter
la justice à leur réalité.

La conception de la justice entre      d’autres. Mais un point commun          naux pour agression. Sa famille
autochtones et allochtones est dif-    émerge: nombre d’entre elles            n’était pas présente, et lui-même
férente, comme l’explique Mylène       émettent le souhait d’assister le       n’avait pas conscience du pour-
Jaccoud, professeure au départe-       système judiciaire.                     quoi de ses actes. Grâce au rap-
ment de criminologie de l’Univer-                                              port Gladue (rapport destiné à
sité de Montréal.                      Vision de la justice                    éclairer la cour sur l’individu et
                                       Les comités de justice sont conçus      son passé), il a été dévoilé que le
Au Québec, on a une justice puni-      en complément du système judi-          contrevenant fut victime d’agres-
tive, avec une approche contradic-     ciaire traditionnel. Ils ne le rem-     sions sexuelles par le passé. Une
toire, basée sur le modèle défense/    placent pas. Car punir un crime         simple détention ne résoudrait
accusation, et «ça n’a pas de sens»,   n’est pas suffisant, il faut observer   donc pas son problème.
ajoute la professeure.                 le contrevenant comme une per-
                                                                               Philosophie
                                                                               Les comités de justice ont une ap-
Il a été dévoilé que le contrevenant fut victime                               proche réparatrice, et la discus-
                                                                               sion avec la victime et le prévenu
d’agressions sexuelles par le passé. Une simple                                y est très importante. Le contre-
                                                                               venant doit accepter la responsa-
détention ne résoudrait donc pas son problème.                                 bilité de ses actes et réparer ses
                                                                               méfaits.

Au contraire, les autochtones          sonne, et comprendre comment il a       Pendant les séances, la victime et
mettent l’accent sur la respon-        pu en arriver là.                       le contrevenant émettent des so-
sabilisation et la guérison. Il est                                            lutions et besoins pour résoudre
difficile de généraliser pour l’en-    Maurice Bowen, animateur au             ce conflit. Le comité de justice
semble des communautés, cer-           Centre d’amitié autochtone de           fait par la suite des recommanda-
taines ayant une conception de         Montréal, donne l’exemple d’un          tions au juge quant à la sanction
la justice plus intransigeante que     homme passant devant les tribu-         à donner.

18
L’idée est de déjudiciariser les        Les comités de justice veillent à ce      En plus de candidats, les comités de
autochtones pour les infractions        que la cour tienne compte de l’His-       justice ont besoin de fonds. Comme
mineures ou d’accompagner le            toire des autochtones. Par le passé,      l’explique Lyne St-Louis, directrice
système judiciaire et le prévenu        les Cris ont connu des problèmes de       de Taïga Vision (organisme d’aide
lorsque l’incarcération est iné-        violence domestique. Mais d’après         et de soutien aux communautés
vitable. Les sanctions substitu-        Donald Nicholls, grâce aux comi-          autochtones), le fédéral n’a pas
tives font partie des mesures que       tés de justice et le panel de services    augmenté le financement depuis
peuvent recommander les comités         qu’ils offrent, ils arrivent à résoudre   plusieurs années. Donc, même si
de justice.                             eux-mêmes ces problèmes.                  de nouveaux comités voudraient se

Infractions
Mais tous les contrevenants ne           L’idée est de déjudiciariser les autochtones pour
peuvent pas éviter la détention. Pour
les infractions mineures (moins de             les infractions mineures ou d’accompagner le
5 000$, vol...) l’autochtone est gui-
dé vers la déjudiciarisation. Le juge                   système judiciaire et le prévenu lorsque
abandonne les accusations contre
des mesures de rechange.                                                  l’incarcération est inévitable.
Mais lors de crimes sévères, les
comités de justice font des recom-      Travail d’équipe                          former, ils n’obtiendraient que peu
mandations, tandis que l’avocat         D’après Jacques Prégent, du Bu-           ou pas de financement du gouver-
du contrevenant peut demander           reau des affaires autochtones du          nement fédéral.
un rapport Gladue pour éclairer         Québec au Ministère de la Jus-
la situation de son client, particu-    tice, toutes les communautés              Dernier point pouvant expliquer
lièrement s’il a de lourds antécé-      pourraient développer des comi-           que moins de la moitié des commu-
dents.                                  tés de justice. Mais en pratique          nautés aient des comités de justice:
                                        moins de la moitié l’ont fait. Envi-      l’ordre des priorités.
Cris                                    ron 20 communautés sur 54, sans
Chez les Cris, les comités de jus-      représentation homogène selon             Pour les Innus qui n’ont pas de co-
tice sont répandus. Actuellement,       les peuples.                              mité, «ils ont d’autres préoccupa-
9 communautés ont des comités.                                                    tions, explique Lyne St-Louis, ils
Donald Nicholls, directeur du Dé-       Les Innus, par exemple, n’ont pas         ont des inquiétudes par rapport
partement des services juridique et     mis en place de tels comités. Car il      à leur territoire. Et peut-être qu’à
correctionnel du Grand conseil Cri,     faut une volonté de la communau-          l’époque, ils avaient mal compris de
explique que la communauté choi-        té, explique Jacques Prégent. Peu         quoi il s’agissait.»
sit les membres qui représentent        de ressources sont disponibles, et
le mieux ses valeurs et ses normes      il faut de bons candidats sur place       Sur les 2 dernières années, Jacques
pour siéger au conseil, où des for-     pour les mettre sur pied. Si tout le      Prégent fait un constat positif
mations leur sont offertes. Après       monde peut faire partie de ces co-        des comités de justice. À quoi il
quoi, ils peuvent travailler sur des    mités, ils ne doivent en aucun cas        conclut que «c’est un défi pour
cas de leur communauté.                 devenir politiques.                       tout le monde.»

                                                                                                                  19
Vous pouvez aussi lire