Myopathies révélées par l'activité physique: quelles investigations? - Schweizerische ...
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Article de revue 27 Thierry Kuntzer Unité nerf-muscle, service de neurologie, département des neurosciences cliniques, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) et Université de Lausanne (UNIL), Lausanne, Suisse Myopathies révélées par l’activité physique: quelles investigations? Résumé Abstract Les myalgies d’effort sont parmi les plaintes fréquentes données Exertional muscle weakness and pain: which diagnostic work-up? aux médecins de premier recours et sont des manifestations com- munes de consultations des centres de référence des maladies Exertional muscle pain is among the most common complaints en- musculaires. Quelque soit le déficit causal spécifique atteignant le countered by primary care physicians, and may be the commonest métabolisme des hydrates de carbone ou des lipides, ou de la chai- presenting symptom in neuromuscular clinics. ne respiratoire, toutes les affections altérant l’apport énergétique Irrespective of the specific defect (i.e. whether affecting lipid or du muscle squelettique s’expriment par une faiblesse musculaire carbohydrate metabolism, or the respiratory chain), all disorders (surtout à l’effort) ou à une intolérance musculaire. L’effort aigu that alter energy supply to skeletal muscles essentially result in induit une fatigabilité précoce et des contractures pouvant être either muscle weakness (predominantly induced by exercise) or ex- compliquées par une rhabdomyolyse et parfois une myoglobinurie. ercise intolerance. In the latter type of disorders, acute exercise can D’autres causes d’intolérance musculaire à l’effort sont désormais trigger episodes of reversible muscle crises. Acute crises manifest aussi reconnues, comme les formes rattachées à l’hyperthermie mainly in the form of excessive, premature fatigue and contrac- maligne ou aux formes frustres de dystrophies musculaires et de tures, frequently accompanied by rhabdomyolysis and sometimes syndromes myotoniques. by myoglobinuria. Other causes are also recognized to be related to Dans cette revue sont rapportés les drapeaux rouges utiles à dif- exercise intolerance as the heralding manifestations of exertional férentier les intolérances physiologiques des intolérances patholo- heat illness and exertional rhabdomyolysis, two hypermetabolic giques qui guident les examens complémentaires et évoquent un states related to malignant hyperthermia and to the more rarely en- diagnostic différentiel. Quatre observations cliniques soulignent countered adult onset forms of muscular dystrophies, including the ces drapeaux rouges et discutent la physiopathologie des différen- type 2 form of myotonica dystrophia. In this review red flags are tes causes d’intolérance musculaire à l’effort et leur prise en charge proposed to recognized pathological muscle intolerance related to potentielle. primary muscle disorder that will guide the non-invasive and inva- sive testings, and a differential list of diagnosis are proposed. Four clinical presentations are given in order to discuss and underline the type of red flags, the pathological processes, and the possible clinical management. Schweizerische Zeitschrift für «Sportmedizin und Sporttraumatologie» 59 (1), 27–33, 2011 Introduction Quatre observations cliniques permettent de commenter les pa- thologies principales métaboliques et structurelles associées aux Les causes d’intolérance musculaire à l’effort sont de mieux en intolérances musculaires. mieux reconnues. Le déficit en phosphorylase de la maladie de McArdle a été primairement établi, mais d’autres blocs de la voie glycolytique se sont ajoutés. Puis, les anomalies mitochondriales Sémiologie clinique ont constitué un autre groupe. Plus récemment, divers syndro- mes ont été rattachés à une insuffisance de régulation calcique Intolérance physiologique à l’effort: l’expérience montre que la notamment dans des cas d’hyperthermie maligne, avec ou sans majorité des patients venant consulter pour des courbatures après hyperthermie. Une forme frustre ou tardive de dystrophie mus- un effort inhabituel ou pour des crampes survenant lors d’un exer- culaire de l’adulte ou des myopathies congénitales peuvent aussi cice violent ne sont pas porteurs d’une affection musculaire. Cette s’exprimer par une intolérance musculaire d’effort, parfois avec notion est importante car certains sportifs voient leurs performan- myoglobinurie. ces baisser parce que leur entraînement est insuffisant ou parce C’est la sémiologie clinique – intolérance physiologique à l’effort que leurs capacités musculaires physiologiques diminuent vers la ou effort pathologique – qui guide les examens complémentaires à 4e ou la 5e décennie, et souvent ils admettent difficilement cette la recherche d’une cause spécifique [1]. Après le rappel des signes baisse fonctionnelle qui n’entre pas dans un cadre pathologique. cliniques évocateurs d’une pathologie musculaire (ou drapeaux Dans d’autres cas, un effort excessif chez un sujet sans anomalie rouges), cette revue décrit les examens complémentaires utiles, et sous-jacente mais non entraîné, peut provoquer une myoglobinurie le diagnostic différentiel des intolérances musculaires à l’effort. isolée avec taux élevé de créatine-kinase (CK) sérique. L’absence
28 Kuntzer T. d’orientations à l’interrogation ou de signes cliniques à l’examen Anamnèse Examen sont les éléments rassurants de l’évaluation [2, 3, 4] (Tab. 1). L’effort pathologique. L’effort est susceptible d’entraîner des • Anamnèse familiale • Raideur à l’exercice symptômes et des signes musculaires: myalgies, crampes surtout, d’atteinte similaire • Myotonie lorsque l’énergie indispensable n’est plus fournie par la dégrada- • Myalgies lors d’un effort • Déficit moteur (ptosis; scapula alatae; tion des glucides ou des lipides du fait d’un déficit enzymatique minime signe de Gowers; sautillement unipo- • Myalgies post-effort avec dal avec Trendelenburg; impossibilité ou d’une anomalie du métabolisme des mitochondries. De tel- myo-œdème à s’asseoir depuis le décubitus) les manifestations sont décrites comme «intolérance à l’effort», • Phénomène du second • Déformations (thorax; horizontalisa «intolérance à l’exercice». L’effort déclenchant, d’intensité vari- souffle tion des clavicules; rachis raide; able, se situe entre deux extrêmes peut-être bref et intense ou un • Claudication musculaire rétraction tendineuses) ou perte du exercice modéré. Ainsi, certains sont capables de jouer au tennis • Urines Coca volume musculaire (mollets fins; alors que le football entraîne des douleurs. Enfin, la sémiologie cuisses non développées) d’effort, souvent fruste dans l’enfance, s’exagère à l’adolescence et devient maximale à l’âge adulte. Au minimum, ce sont des Table 1: Intolérance à l’exercice: drapeaux rouges de l’interrogation ou à sensations d’endolorissement diffus de la musculature ou loca- l’examen clinique. lisées, survenant lors d’un effort minime, et persistant de façon prolongée après l’effort. Une impression de fatigue accompagne la • Elévation du taux sérique de la créatine kinase (CK) douleur. Parfois, la poursuite de l’effort est possible après un court • Electromyogramme (EMG) repos. C’est le phénomène du «second souffle». À un degré de • IRM musculaire en pondération T1, T2 et T2 suppression de graisse plus, les myalgies s’accompagnent de contractures douloureuses, • Epreuve d’effort sur bicyclette ergométrique avec recherche d’élévation manifestées par une dureté ligneuse ou myo-oedème, de siège de l’acide lactique variable, prédominant sur les membres inférieurs. On parle alors • Biopsie musculaire analysé dans un centre de référence de claudication intermittente musculaire: elle est marquée par la • Autres: échocardiographie et ECG, épreuves fonctionnelles respira- survenue d’une faiblesse musculaire obligeant le sujet à s’arrêter. toires, recherche d’atteinte plurisystémique, inflammatoire, ou trouble À l’extrême, les membres inférieurs se dérobent, entraînant une endocrinien (thyroïde…), étude de génétique moléculaire chute. D’autres fois ils s’enraidissent. Cette raideur porte parfois sur les membres inférieurs et même la face. Dans tous les cas, la Table 2: Intolérance à l’exercice: examens complémentaires utiles. poursuite de la marche est impossible. Enfin, la myoglobinurie est le témoin d’une rhabdomyolyse qui traduit la nécrose musculaire, La bicyclette ergométrique différencie les intolérances à plus ou moins diffuse et signe la nécrose musculaire et la lésion l’exercice d’origine mitochondriale de celles provenant d’anomalies des membranes. Les urines deviennent de coloration foncée, dès glycolytiques lorsque la capacité maximale aérobie (VO2 max), qui que l’excrétion de myoglobine dépasse 250 g/mL (ou urines coca). représente la consommation maximale d’oxygène, est diminuée, Dans des cas extrêmes avec nécrose survient une fuite sérique de que le seuil anaérobie est diminué, que la lactacidémie déjà haute phosphates, de potassium, de créatinine, et d’enzymes sarcoplas- au repos s’élève anormalement à l’effort et persiste après celui-ci. miques comme la lacticodéshydrogénase. La complication majeu- La force de travail musculaire est diminuée. Les rapports volu- re, liée à la précipitation intratubulaire de la myoglobine, est une me ventilatoire/consommation d’oxygène et volume ventilatoire/ nécrose tubulaire aiguë. Ces symptômes rapportés à l’intolérance production de gaz carbonique sont augmentés, le débit cardiaque pathologique à l’effort sont regroupés à la Table 1. maximal est augmenté par rapport à la consommation d’oxygène. Les signes cliniques anormaux décrits dans la Table 1 permet- La différence artérioveineuse d’oxygène est diminuée. tent de retrouver les marqueurs – parfois mineurs ou au contraire L’IRM des muscles squelettiques permet en pondération T1 évidents mais bien compensés par l’évolution chronique – évoca- l’analyse des masses musculaires ou leur dégénéresence fibro-adi- teurs d’une myopathie frustre ou une forme tardive de dystrophie peuse alors qu’en pondération T2 et suppression de graisse permet musculaire de l’adulte ou de myopathies congénitales [3, 4], y de reconnaître une charge anormale en eau, soit secondaire à un compris les formes avec retard à la décontraction (myotonie), la processus myositique ou par déficit de la glycogénolyse [5]. plus fréquente étant la dystrophie myotonique (voir Cas illustratifs C’est la biopsie musculaire qui guide directement le diagnostic et commentaires). [2, 3]: présence de dépôts de glycogène dans le déficit en enzy- mes glycolytiques, fibres rouges déchiquetées (ragged red fibres) en cas de mitochondriopathie, analyse biochimique du fragment Examens paracliniques et investigations (par exemple étude des complexes de la chaîne respiratoire mito- chondriale), recherche de mitochondries anormales en microsco- Ils sont difficiles à obtenir pour certains examens (par exemple la pie électronique. Cependant la présence, par exemple d’anomalies bicyclette ergométrique ou l’imagerie par résonance magnétique mitochondriales, n’a pas forcément une signification pathologique, IRM des muscles) selon les centres, mais ils sont regroupés à la en particulier chez un sujet âgé chez lequel l’activité de la chaîne Table 2. respiratoire décline, les fibres musculaires colorées par le cyto- Le taux de CK sérique est parfois augmenté au repos, mais chrome oxydase se raréfient, des délétions de l’ADN mitochondrial surtout après effort. Seules sont à prendre en compte les aug- apparaissent, des aspects de fibres rouges déchiquetées sont visi mentations importantes d’activité de cette enzyme, au-delà par bles en petit nombre. exemple de cinq fois le taux normal à des examens successifs. La Enfin une étude de génétique moléculaire est justifiée dans les myoglobinurie et la myoglobinémie, témoignant de la nécrose mus formes héréditaires et familiales de troubles du métabolisme mus- culaire, sont à rechercher. Le sérum normal contient des taux de culaire. myoglobine compris entre 5 et 80 ng/mL, les taux habituels dans D’autres analyses peuvent être utiles, certaines sont souhaita les myopathies, compris entre 200 et 5000 ng/mL, ne suffisent pas bles, comme l’échocardiographie et l’ECG et l’étude des volumes à provoquer les complications graves des rhabdomyolyses aiguës. respiratoires, la recherche d’atteintes hématologique, hépatique, Une acidose lactique et une augmentation du rapport lactate/ rénale ou endocrinienne et inflammatoire. pyruvate dans le sang reflètent le potentiel d’oxydoréduction cyto- plasmique. Le rapport bêtahydroxybutyrate/acétoacétate reflète le potentiel d’oxydoréduction intramitochondrial. Un bloc sur la voie Diagnostic différentiel glycolytique se traduit par l’absence d’élévation de la lactacidémie d’effort sous ischémie. Ce test a la signification d’un déficit d’une Les fausses intolérances à l’effort doivent d’abord être différenciées enzyme de la glycogénolyse. L’étude de l’ammoniémie d’effort est à l’interrogatoire et au décours de l’examen clinique et sont décrites moins spécifique. dans la Table 3.
Myopathies révélées par l’activité physique: quelles investigations? 29 • • Myasthénie grave Fibromyalgie et syndrome de fatigue chronique A B C • Parkinsonisme • Claudication artérielle • Claudication médullaire • Canal lombaire étroit • Maladie de Fabry Table 3: Diagnostic différentiel des intolérances à l’exercice, les fausses intolérances. La fatigabilité myasthénique a des localisations oculo-bulbaires D E ** évocatrices et n’est pas douloureuse. La fibromyalgie, souvent associée à un syndrome de fatigue * chronique, se caractérise par un état douloureux diffus des mus cles, sans substratum organique et sans explication physiopa thologique définitive: le diagnostic se fait sur l’appréciation de la douleur spontanée, plutôt cervico-scapulaire s’étendant au dos et aux membres, l’augmentation avec le stress, l’association avec un sommeil non réparateur et à une fatigue à prédominance matinale Figure 1: Patient 1, présentant un signe de Gowers (A); myo-œdème après et la présence de points douloureux à la palpation. Il n’y a pas les 2 relevers (B); l’IRM des cuisses en pondération T2 avec suppression de drapeaux rouges de la Table 1. graisse démontrant une charge anormale en eau du muscle rectus fémoris Certains troubles de la marche chez les sujets âgés sont majorés gauche (C). La biopsie musculaire montre des accumulations de matériel PAS (periodic acid Schiff coloration) (D), ce matériel disparaît après trai- par l’exercice, en particulier la marche à petits pas, mais la sémiolo- tement par l’amylase. Les réactions histochimiques de la phosphorylase gie extrapyramidale (tonus rigide, perte des adaptations posturales, musculaire sont négatives dans les fibres musculaires (*) mais sont posi bradycinésie, tremor de repos) est aisément reconnue. tives dans les parois vasculaires (**) (E). Maladie de McArdle (glycogé- Certaines causes non musculaires d’intolérance à l’effort sont nose de type 5) confirmée. évidentes, qu’il s’agisse de la claudication intermittente artérielle ou de la claudication intermittente médullaire qui associe faiblesse et spasticité ou le canal lombaire étroit. L’étroitesse du canal lom- syndrome d’intolérance à l’effort se constitue en périodes, débutant baire est une cause rare de claudication intermittente radiculaire par une fatigabilité musculaire excessive et une myoglobinurie dont la sémiologie est un syndrome de la queue de cheval survenant intermittente lors de l’enfance ou de l’adolescence. Secondaire- lors de l’exercice et disparaissant au repos. ment, des myalgies et des contractures apparaissent. Des épisodes Dans d’autres cas, les patients décrivent des douleurs des ex de myoglobinurie s’observent dans 50% des cas. L’intolérance à trémités apparaissant lors d’efforts même minimes, qui évoquent l’exercice est ainsi le symptôme majeur, manifesté par des myal- une maladie de Fabry. La douleur, intense, parfois intolérable, gies, des contractures, un gonflement des masses musculaires et s’accompagne d’une sensation de brûlure exacerbée par la chaleur un déficit moteur. Le phénomène du «second souffle» est fréquent, et l’alcool, améliorée par l’eau froide. L’absence de sudation est lié à une suppléance de la glycogénolyse par l’utilisation des acides caractéristique. Les signes associés avec angiokératomes abdomi- gras libres. Plus tard, le déficit musculaire devient permanent dans nocruraux s’ajoutent à la constatation d’un déficit en alphagalacto- un tiers des cas. La lactacidémie ne s’élève pas à l’effort sous sidase A pour affirmer le diagnostic. L’hérédité récessive est liée ischémie. Le taux de CK est normal ou élevé en dehors des ac- à l’X (Xq22). Les anticomitiaux (hydantoïnes, carbamazépine) cès. Le traitement repose sur un entraînement physique dirigé calment habituellement les douleurs. pour développer le rendement de l’oxydation mitochondriale des muscles et une sur l’ingestion de glucose rythmée par les périodes d’exercice. Les régimes hyperprotéiques apportent des résultats Cas illustratifs et commentaires variables. Le pronostic est favorable si une rhabdomyolyse sévère est prévenue. En revanche, une myoglobinurie peut entraîner une Patient 1 insuffisance rénale mettant en jeu le pronostic vital. Les intolérances à l’effort surviennent principalement au cours Patient de 42 ans, maçon en arrêt de travail depuis 6 mois en raison de du déficit en phosphorylase et du déficit en phosphofructokinase, myalgies d’effort chroniques sur plusieurs mois, est adressé en inves- ce dernier définissant la glycogénose de type VII ou maladie de tigations. Les myalgies sont progressives en intensité et surviennent Tarui [6]. De sémiologie proche de la forme précédente, il sur- au moindre effort. Conflit assécurologique en l’absence de diagnostic. vient surtout chez l’homme. La transmission se fait sur le mode Pas de notion de faiblesse musculaire ni de phénomène de second autosomique récessif. L’anomalie génique siège sur le chromosome souffle. A l’examen, pas de déficit moteur à l’examen segmentaire, 1q32. La phosphofructokinase, absente dans le tissu musculaire, mais présence d’un signe de Gowers (Fig. 1A) et d’un myo-œdème est diminuée dans les globules rouges. La biopsie musculaire met après 2 relevers (Fig. 1B). La CK sérique est élevée à 2 fois la norme. en évidence des masses sous-sarcolemmiques et des inclusions L’EMG est sans particularités. L’IRM des cuisses en pondération T2 hyalines PAS positives. Du point de vue biochimique, l’activité de avec suppression de graisse démontre une charge anormale en eau la phosphofructokinase est diminuée. du muscle rectus fémoris gauche (Fig. 1C). La biopsie musculaire D’autres déficits glycolytiques sont exceptionnels [6]: Défi- montre des accumulations de matériel PAS (periodic acid Schiff colo- cit en phosphoglycérate-kinase, récessif lié à Xq13, il survient ration) (Fig. 1D), ce matériel disparaît après traitement par l’amylase. chez l’adolescent ou l’enfant, se manifeste par des douleurs et Les réactions histochimiques de la phosphorylase musculaire sur une faiblesse des membres inférieurs récidivantes à l’exercice, coupes à congélation, sont négatives dans les fibres musculaires, sont avec myoglobinurie. Déficit en phosphoglycérate-mutase est tout positives dans les parois vasculaires (Fig. 1E). Le diagnostic de ma- à fait superposable à celui de la maladie de McArdle, l’anomalie ladie de McArdle (glycogénose de type 5) est confirmé par la mise en génique portant sur le chromosome 7p12. Déficit en lactate dés- évidence d’une mutation K608K du gène PYGM (11q13). hydrogénase: Il s’agit d’accès de crampes et de myoglobinurie à l’exercice, l’anomalie génique porte sur le chromosome 11p15. Commentaires: Déficit en enzyme débranchante (type Cori Forbes): une atteinte La maladie de McArdle est de transmission autosomique récessi- hépatique prédomine dans lesquelles une myoglobinurie est pos- ve. Le produit du gène est la phosphorylase musculaire [6, 7]. Le sible.
30 Kuntzer T. Patient 2 d’intolérance à l’exercice. Les mitochondries sont abondantes dans les tissus riches en énergie de l’organisme et spécialement dans les Patiente de 45 ans investiguée pour des myalgies d’efforts sur- muscles, de l’ordre de 1000 à 2000 par cellule. Chacune d’entre venant de manière progressive depuis l’âge de 38 ans lors de son elles contient des centaines de protéines dont les fonctions biochi- activité de concierge. Un diabète sucré est noté à 40 ans, et une miques sont multiples. La structure fonctionnelle des mitochon surdité est appareillée à 43 ans. L’examen démontre un ptosis pal- dries génératrices d’énergie joue un rôle primordial dans l’exercice, pébral symétrique et une limitation de l’oculomotricité en latérali- ayant pour finalité la fourniture d’énergie, c’est-à-dire d’ATP. Les té, une difficulté à gonfler les joues. Les CK sont normales. L’EMG mitochondries sont entourées d’une membrane double avec une est anormalement constitué de potentiels polyphasiques à l’effort. structure plissée interne qui contient les éléments protéiques néces- La biopsie musculaire du muscle deltoïde montre l’existence saires à la synthèse d’ATP. Des petites molécules d’ADN circulaire d’une myopathie mitochondriale avec fibres rouges déchiquetées et des ribosomes y sont présents. Selon le type d’exercice entrepris, (ragged-red fibers) et déficit mosaïque en activité cytochrome oxy- l’énergie provient des sucres, des graisses ou des protéines [6]. dase (Fig. 2). Mutation 3243A>G de l’ADN mitochondrial, confir- Lors d’un exercice court et intense, le pyruvate venu du cytoplasme mant un syndrome MELAS. traverse la membrane interne grâce à une translocase. Ensuite, il Commentaires: subit une décarboxylation oxydative qui aboutit à la production de gaz carbonique et d’acétylcoenzyme A, et aussi à la réduction Le syndrome de MELAS associe Myopathie mitochondriale, En- de NAD (nicotinamide-adéninedinucléotide) en NADH-H+. Dès céphalopathie, Acidose Lactique et des tableaux neurologiques lors, l’acétylcoenzyme A est oxydé dans le cycle de Krebs. Un «Stroke-like» [8]. La maladie est rare et débute le plus souvent exercice d’endurance, de longue durée et d’intensité non maxi- chez de jeunes adultes avec une intolérance musculaire d’effort. Les male utilise les acides gras stockés sous forme de triglycérides épisodes peuvent être déclenchés par une infection ou un effort phy- dans des vacuoles proches de la mitochondrie, libérés grâce à une sique. Ils associent céphalées et vomissements et parfois des signes triglycéride-lipase puis transformés en acylcoenzyme A (acyl-Co tels confusion, hémiparésie ou hémianopsie évoquant un accident A) grâce à une ligase sur la membrane externe. La traversée de la vasculaire. Il existe souvent des symptômes chroniques comme une membrane interne nécessite l’aide d’un transporteur, la carnitine, surdité, un diabète, une petite taille, une faiblesse musculaire, des qui joue un rôle de navette. Cette translocation s’effectue sous la troubles de l’apprentissage, de la mémoire. Le syndrome est provo- direction d’une enzyme, la CPT (carnitine-palmityl-transférase). qué par des mutations de l’ADN mitochondrial, dans 80% les pa La CPT I assure par un processus d’accrochage le transfert de tients sont porteurs de la mutation 3243A>G dans le gène de l’ARN l’acide gras à la carnitine dans la membrane externe, tandis que la de transfert de la leucine (ARNt Leu). La biopsie musculaire montre CPT II restitue, par un processus de décrochage, la carnitine qui chez environ 85% des cas des fibres rouges déchiquetées (ragged- a ainsi traversé la membrane interne. À ce stade intervient, dans red fibers). L’analyse des activités enzymatiques de la chaîne respi- la matrice, une bêtaoxydation qui réduit la longueur des chaînes ratoire musculaire peut montrer un déficit respiratoire, souvent du d’acides gras de deux atomes de carbone à chaque cycle en libé- complexe I. La recherche de la mutation causale doit tenir compte rant (comme pour les pyruvates) de l’acétylcoenzyme A. Enfin, de son hétéroplasmie c’est-à-dire de sa coexistence avec une popu- les acides aminés subissent un métabolisme complexe aboutissant lation résiduelle d’ADN mitochondrial normal. L’ADN mitochon- également à la production d’acétylcoenzyme A et d’autres dérivés. drial est transmis selon les lois de l’hérédité maternelle, mais la Cet acétylcoenzyme A, qui est ainsi le produit commun du méta- proportion transmise est imprévisible. L’évolution spontanée, faite bolisme intramitochondrial, va être oxydé par les réactions se pro- de crises suivies de récupération et de rechute, fait qu’il est difficile duisant dans le cycle de Krebs tandis que sont libérés des électrons de statuer sur les nombreux rapports ponctuels sur l’effet bénéfique et des ionsH+ pris en charge par des transporteurs: NAD et FAD de l’utilisation de vitamines et de cofacteurs (coenzyme Q10 et (flavine-adénine-dinucléotide). Ainsi, le cycle citrique de Krebs son analogue l’idébénone, créatine monohydrate et arginine) ou est la voie finale commune et c’est dans la matrice que se déroule sur l’effet aggravant de certains traitements (acide valproïque). Le l’oxydation de l’acétylcoenzyme A, venu des trois voies métabo- pronostic du syndrome de MELAS est sévère. liques précédentes. C’est alors que le NADH-H+, et le FADH-H+, Les termes de déficit en enzymes mitochondriales regroupent libérés par l’oxydation des sucres et des graisses, doivent être en des myopathies complexes souvent à l’origine d’un syndrome permanence réoxydés en entrant dans la chaîne respiratoire des mi- tochondries. Selon le chaînon métabolique défectueux on distingue différentes insuffisances et anomalies. 1- Insuffisance de transport des molécules énergétiques par déficit en CPT [6]: La transmis- A B sion est de type autosomique récessif. L’anomalie porte sur le chromosome 11 (11p 11p13). Le début se fait tôt, dans l’enfance ou chez des hommes jeunes qui, après un exercice prolongé, ressentent des myalgies, un engourdissement et une faiblesse à l’exercice. Des épisodes de myoglobinurie sont habituels. Le jeûne déclenche parfois les accès, de même que le manque de sommeil et les in- fections intercurrentes. Une insuffisance rénale peut être présente. L’ensemble de la musculature peut être affecté et pas seulement les muscles qui ont été soumis à l’exercice, ce qui explique la survenue C D éventuelle d’insuffisance respiratoire. Le jeûne prolongé entraîne * une élévation de la CK sérique, normale en dehors des accès, et la présence de corps cétoniques dans la moitié des cas. La biopsie musculaire est normale ou montre une myopathie lipidique. Les régimes riches en glucides et pauvres en graisses sont préconisés, et réduiraient le nombre d’accès de myoglobinurie. 2- Insuffisance d’utilisation des substrats [6]: Elle survient surtout chez l’enfant et crée des tableaux complexes dans lesquels l’intolérance à l’exercice Figure 2: Biopsie musculaire du muscle deltoïde du patient 2. Elle montre est souvent au second plan. Une intolérance à l’exercice, cependant l’existence d’une myopathie (A; coloration hématoxyline-éosine avec no- notée dans le déficit en pyruvate décarboxylase, serait sensible à yaux centralisés) et présence de fibres rouges déchiquetées ou ragged-red la thiamine. Une myoglobinurie d’effort est parfois signalée dans fibers (B, C; trichrome de Gömöri) et déficit mosaïque en activité cytochro- des formes tardives de défaut de bêtaoxydation des acides gras me oxydase avec fibres négatives (*) (D). Mutation 3243A>G de l’ADN (déficit en acyl-Co A déshydrogénase à longues chaînes). Enfin mitochondrial, confirmant un MELAS. l’acidurie glutarique type II comporte une forme myopathique de
Myopathies révélées par l’activité physique: quelles investigations? 31 l’enfant ou de l’adulte jeune, avec intolérance à l’exercice, faiblesse A B musculaire et myopathie lipidique, sensible à la riboflavine. 3- An- omalies du cycle de Krebs: Le déficit en aconitase est associé à un syndrome d’intolérance à l’effort avec myoglobinurie et aussi à un déficit en complexe II [6]. 4- Déficits en complexes de la chaîne respiratoire: Il s’agit surtout d’enfants se plaignant de myalgies, de céphalées et de nausées à la montée d’un escalier. Ces formes, qui seraient sensibles à la riboflavine [6], évoluent vers une faiblesse musculaire permanente. Un déficit proximal est parfois présent. La biopsie musculaire met en évidence des fibres rouges déchi- quetées (ragged red fibres) et des mitochondries anormales. Le C D déficit en coenzyme Q10 est présent dans des cas souvent mécon- nus associant une myopathie lipidique avec intolérance à l’effort et une atteinte encéphalique (épilepsie, syndrome cérébelleux) et des fibres rouges déchiquetées sur la biopsie musculaire. Ces pa- thologies rares s’intègrent dans le cadre de plus en plus complexe des encéphalomyopathies mitochondriales associant de manière variable ptosis, ophtalmoplégie externe, myopathie ou fatigabili- té musculaire, cardiomyopathie, surdité, atrophie optique, rétinite Figure 3: Raideur à l’exercice par non relâchement musculaire chez 2 frères pigmentaire, diabète, encéphalopathie, épilepsie, démence, ataxie de 40 ans chez lesquels toutes les activités ont toujours été possibles, à et troubles spastiques. l’exception des activités brusques; course, descente-montées rapides des escaliers, utilisation d’un tournevis, ou comme l’ouverture et la fermeture Patient 3 rapide du poing ou battre la mesure avec le pied (A et B). Celles-ci indui- sent en effet un enraidissement parfois douloureux empêchant la poursuite Patient de 40 ans, gestionnaire, signalant depuis tout temps de l’effort, alors que la force musculaire est normale et qu’il n’y a pas de l’impossibilité à la course. Exempté de service militaire à l’âge myotonie de percussion (C) ni d’anomalie EMG. Le syndrome de Brody de 20 ans. Notion d’atteinte similaire chez un frère. A l’examen, est attribué à une réduction du transport calcique dans le réticulum sarco- raideur à l’exercice par non relâchement musculaire, mais pas plasmique des fibres musculaires (D). de myotonie de percussion. Le patient n’arrive pas à réaliser des mouvements alternés rapides (ouverture-fermeture des yeux; ex- tension-flexion du coude; battre la mesure du pied, Figure 3). EMG dine du chromosome 19 a été trouvé dans la moitié des cas. Cette normal sans décharges myotoniques. CK normales. La biopsie de anomalie entraîne une anomalie de structure du récepteur à la rya- muscle était sans particularité et le marquage de l’expression des nodine dont le temps d’ouverture n’est plus bref mais prolongé, d’où SERCA (skeletal muscle sarcoplasmic reticulum Ca2+ ATPase) un excès de calcium. Cet excès de calcium déclenche une cascade 1 et 2 était normal. Ce tableau évoque une raideur à l’exercice ou d’événements dont le résultat est une production calorique excessi- syndrome de raideur à l’exercice ou syndrome de Brody. La recher- ve, une acidose et une rigidité musculaire. Syndrome d’effort avec che d’anomalies dans le gène SERCA1 (codant pour l’ATP2a1 des hyperthermie: Ce syndrome, non rattaché à une origine génétique, fibres musculaires fast-twitch) sur le chromosome 16p12.1-.2 a dé- survient parfois lors d’un exercice intensif ou inaccoutumé [11]. montré la présence d’une mutation ponctuelle Pro789 - Leu, (i) qui Il s’accompagne souvent de rhabdomyolyse et évolue parfois de coségrége avec le syndrome, (ii) et qui réduit de 20 fois l’affinité façon sévère. Le début se fait à l’occasion d’un effort physique du transport de Ca2+ dans le réticulum sarcoplasmique des fibres intense et inhabituel, fréquent en milieu militaire (marche rapide, musculaires fast-twitch [9, 10]. marathon) ou civil qu’il s’agisse d’athlètes exposés à une chaleur excessive, de body builders ou de sujets non entraînés, le plus Commentaires: souvent des sujets jeunes de sexe masculin. La chaleur ambiante Lors de la contraction musculaire, l’excitation membranaire entraî- élevée est un facteur favorisant de même que le manque de sel ali- ne une libération du calcium contenu dans les citernes du réticulum mentaire ou l’absorption d’alcool. Des circonstances plus rares sont sarcoplasmique (Fig. 3D), à travers un canal (non énergie-dépen- l’état de mal épileptique, l’état de mal asthmatique, l’électrocution, dant), le récepteur à la ryanodine. Lors de la relaxation musculaire, l’intoxication par la strychnine, le surdosage en théophylline, des le calcium est recapté grâce à l’action (énergie dépendante) de affections métaboliques musculaires (glycogénoses), une mito- la calcium ATP-ase qui pompe le calcium vers les citernes. Du chondriopathie, la thalassémie. L’accès débute brutalement lors dérèglement de ces deux mécanismes dépendent deux maladies de l’exercice. La température est très élevée. Le début précédé de génétiques différentes: l’hyperthermie maligne et le syndrome de myalgies, de sensation d’endolorissement localisé à toute la mus- Brody. L’hyperthermie maligne, en relation, dans certaines de culature, associées à une sensation de fatigue, suivie de crampes ses formes familiales, avec une mutation du gène du récepteur à persistantes, diffuses. Puis se constitue un véritable syndrome la ryanodine du chromosome 19, est donc causée par un temps d’intolérance à l’exercice associant aux myalgies des douleurs épi- d’ouverture prolongé de ce canal, libérant un excès de calcium. Le gastriques et des vomissements, une faiblesse musculaire avec état syndrome de Brody, en relation avec une mutation du gène de la ébrieux, une impossibilité de la marche, un enraidissement, une calciumATP-ase, est lui lié à une diminution du retour du calcium myoglobinurie, parfois des crises comitiales, une agressivité et dans le réticulum sarcoplasmique. une désorientation. Les signes neurologiques sont au premier plan. Excès de libération: l’hyperthermie maligne: maladie observée Les troubles de la conscience sont importants, obnubilation, coma par les anesthésistes, a vu son cadre s’étendre à des syndromes transitoire ou progressif. Ils s’associent à l’hyperthermie. Une élé- d’intolérance à l’effort [11]. En effet, l’hyperthermie est un modè- vation au-dessus de 42°C a une signification péjorative. Des crises le de dérèglement du couplage excitation-contraction musculaire, comitiales, un syndrome cérébelleux, des signes de décérébration, sous-tendu par une libération excessive de calcium par le réticulum une hémiplégie sont associés. La tension artérielle s’abaisse et pré- sarcoplasmique. Le calcium est normalement pompé à partir du cède de peu un collapsus cardiovasculaire. La rigidité musculaire cytoplasme vers la lumière du réticulum sarcoplasmique par une est importante et diffuse, les muscles sont fermes et tendus, dou- calcium ATP-ase afin d’induire la relaxation musculaire. Lors de loureux à la palpation avec myo-œdème. Aux signes neurologiques l’excitation, le calcium est relâché à travers le récepteur à la ryano- s’associent des hémorragies cutanées et muqueuses, une épistaxis, dine et déclenche la contraction musculaire et la première étape de des hématomes liés à une coagulation intravasculaire disséminée. la glycolyse. Au cours de l’hyperthermie maligne familiale, auto- Une myoglobinurie massive entraîne une insuffisance rénale aiguë. somique dominante, une mutation du gène du récepteur à la ryano- L’évolution de l’accès cependant est le plus souvent favorable. Le
32 Kuntzer T. traitement associe refroidissement, prise de boissons, dantrolène dans les cas graves. SR Des cas d’intolérance à l’effort, d’étiologie indéterminée, chez des sujets jeunes s’expriment par une sémiologie musculaire déca- pitée, sans hyperthermie [11]. Dans certains de ces cas, la positivité des tests de contracture à l’halothane et à la caféine spécifiques de l’hyperthermie maligne autorise à les rapprocher de cette dernière. La sémiologie est celle de toute intolérance à l’exercice survenant soit après un exercice bref et intense, soit après une marche pro- longée avec endolorissement de la musculature avec sensation de AR fatigue, puis crampes avec contractures spasmodiques de plusieurs muscles, puis dureté ligneuse laissant persister des courbatures SR SR prolongées. Au maximum, l’enraidissement rend toute poursuite de l’effort impossible. Le taux de CK est élevé non seulement à l’effort SR mais aussi au repos. Une myoglobinurie est fréquente. Une évolu- tion amyotrophiante est possible. La prescription de doses modérées de dantrolène est justifiée. Enfin, des rhabdomyolyses d’étiologie SR indéterminée s’accompagnent de tests de contracture in vivo po- CR sitifs. Il s’agit notamment de rhabdomyolyses postvirales, médi- camenteuses, toxiques par vapeurs d’essence, ou simplement de Figure 4: Patient 4 (SR), son père (CR) et son frère (AR) présentant le même phénotype avec perte d’endurance à l’effort, myalgies d’effort, ra- rhabdomyolyses récurrentes. Le traitement par dantrolène sodique chis raide et bloc AV. Laminopathie A/C avec cardiomyopathie impliquant ou par anticalciques est susceptible d’améliorer la sémiologie. la pose d’un défibrillateur cardiaque. Insuffisance d’incorporation : Brody a décrit en 1969 un syn- drome rare caractérisé par un relâchement musculaire insuffisant et une diminution de l’incorporation du calcium par le réticulum A/C qui est localisé sur le chromosome 1q21. Le même déficit en sarcoplasmique après exercice. Le réticulum sarcoplasmique a lamine A/C peut être à l’origine d’autres troubles neuromusculaires une place importante dans le processus d’excitation-contraction (dystrophie musculaire d’Emery-Dreifuss, cardiomyopathie dila- du muscle. Lors d’une stimulation du tubule T, le calcium contenu tée) ainsi que de phénotypes non neuromusculaires (lipodystrophie dans les citernes du réticulum sarcoplasmique est relâché dans le héréditaire, syndromes de vieillissement prématuré). Les patients compartiment myofibrillaire afin de déclencher le glissement des bénéficient de l’implantation de défibrillateur cardiaque en préven- filaments, produisant ainsi une force. Par la suite, la concentration tion d’un syndrome de mort subite [12]. en calcium du compartiment myofibrillaire est rapidement rame- Des cas de plus en plus fréquents d’intolérance à l’exercice isolée née à son niveau de repos grâce à l’incorporation du calcium dans sont rapportés comme révélateurs de dystrophies musculaires. De- la lumière du réticulum sarcoplasmique de par l’action de la cal vant un tableau d’intolérance à l’effort ne relevant pas d’une cause cium ATP-ase localisée dans la membrane du réticulum [9]. Ainsi, métabolique mais avec l’un des drapeaux rouges listés à la Table il est essentiel pour assurer une relaxation normale que l’enzyme 1, il est nécessaire de rechercher une dystrophie musculaire com- de transport calcium-ATP-ase fonctionne normalement. Un déficit me dans le cas du patient 4 ou d’une dystrophinopathie Duchen- en calcium ATP-ase du réticulum sarcoplasmique est à l’origine du ne ou Becker surtout les femmes transmettrices, s’agissant d’une syndrome de Brody. Le syndrome de Brody est rare. La thérapeu- myopathie liée à l’X [3, 13]. De tels cas sont parfois strictement tique par Vérapamil et Dantrolène est efficace. asymptomatiques, et seule une élévation inexpliquée de l’activité de la CK sérique attire l’attention. Dans certains cas, c’est après un Patient 4 exercice brusque et important que survient une nécrose musculaire avec myoglobinurie, élévation importante de la CK et même in- Patient de 37 ans, investigué à la demande du médecin du sport suffisance rénale aiguë. Enfin, dans d’autres cas, la sémiologie est pour diminution d’endurance chez un bon sportif préparant la pa celle d’une cardiomyopathie, ou d’une intolérance à l’exercice avec trouille des glaciers, avec notion de myalgies d’effort sans crampes. rigidité, crampes, myalgies d’effort [13]. Examen neurologique normal, sans amyotrophie (Fig. 4), mais La myotonie n’est pas considérée comme une cause d’intolérance force musculaire vaincue par l’examinateur non sportif pour les à l’exercice et la douleur ne fait pas partie des symptômes de la ma- muscles biceps et triceps brachial, avec impossibilité à effectuer ladie de Steinert (ou dystrophia myotonica type 1 ou DM1) ou des plus de 10 flexions du tronc. Rétractions tendineuses anormales paralysies périodiques [14]. Cependant, les avancées de la biologie lors de l’antéflexion de la tête et syndrome du rachis raide. CK moléculaire ont rattaché aux syndromes myotoniques des variétés normales, comme l’EMG. Biopsie musculaire du muscle deltoïde nouvelles comportant cette sémiologie de myotonie avec douleurs avec inégalités de la taille des fibres musculaires et noyaux centra- et intolérance à l’exercice, en particulier des canalopathies mus- lisés. Echocardiographie normale mais bloc AV du premier degré culaires avec paralysie périodique, et la myopathie myotonique à l’ECG. Son père (CR) et son frère (AR) présentent les mêmes proximale (ou DM2) [14]. anomalies avec rachis raide (Fig. 4) et bloc AV. Mutation du gène de lamines A/C nécessitant l’implantation d’un défibrillateur car- diaque en prévention d’un syndrome de mort subite, avec évolution Conclusions favorable. Les causes d’intolérance musculaire à l’effort les mieux établies Commentaires: sont les déficits des enzymes glycolytiques et les altérations mito- La dystrophie musculaire des ceintures de type 1B est une lami- chondriales. Des anomalies métaboliques jadis considérées com- nopathie, qui fait partie du groupe des dystrophies musculaires des me rares, les glycogénoses, les lipidoses, se sont enrichies de varié- ceintures, maladies génétiquement déterminées caractérisées par tés nouvelles, de plus en plus nombreuses. D’autres causes ont, plus une faiblesse musculaire progressive, dans lesquelles les muscles récemment, été mises en évidence comme les formes rattachées des ceintures scapulaire ou pelvienne sont principalement touchés à l’hyperthermie maligne ou aux formes frustres de dystrophies [3]. La DMC 1B se caractérise par des troubles de la conduction musculaires et de syndromes myotoniques. cardiaque et par une myocardiopathie dilatée. Cette maladie dé- En présence de drapeaux rouges lors de l’interrogatoire ou à bute chez l’adulte jeune. L’élévation de la CK sérique peut être l’examen clinique, il convient d’explorer de façon précise le syn- modérée. La DMC de type 1B se transmet de manière autosomique drome d’intolérance à l’exercice dont on découvre de plus en plus dominante et est due à une mutation du gène codant pour la lamine souvent une étiologie qui, naguère encore, restait mystérieuse. La
Myopathies révélées par l’activité physique: quelles investigations? 33 difficulté relative à obtenir certains examens, ou le délai à leur 7 Lucia A., Nogales-Gadea G., Perez M., Martin M.A., Andreu A.L., obtention, laisse suggérer l’utilité à référer le patient à un centre de Arenas J. McArdle disease: what do neurologists need to know? Nat. référence où les examens complémentaires sont disponibles et un Clin. Pract. Neurol. 2008, 4: 568–577. plan de prise en charge établi avec le médecin référant. 8 McFarland R., Taylor R.W., Turnbull D.M. A neurological perspective on mitochondrial disease. Lancet. Neurol. 2010, 9: 829–840. 9 Kuntzer T., Janzer R.C. Stiffness on exercise: a non progressive disor- Adresse de correspondance: der of muscle function (Brody-Karpati’s syndrome). In Exercise intoler- ance and muscle contracture. Edited by Serratrice G, Pouget J, Azulay Prof. T. Kuntzer, service de neurologie, rue du Bugnon, CHUV JP. Paris: Springer Verlag; 1999: 55–61. BH07, 1011 Lausanne, Tél. +41 21 31 41291 10 Odermatt A., Barton K., Khanna V.K., Mathieu J., Escolar D., Kuntzer E-mail: thierry.kuntzer@chuv.ch T., Karpati G., MacLennan D.H. The mutation of Pro789 to Leu reduces the activity of the fast-twitch skeletal muscle sarco(endo)plasmic reti- culum Ca2+ ATPase (SERCA1) and is associated with Brody disease. Bibliographie Hum. Genet. 2000, 106: 482–491. 11 Capacchione J.F., Muldoon S.M. The relationship between exertional 1 Serratrice G. Orientations diagnostiques devant une atteinte muscu- heat illness, exertional rhabdomyolysis, and malignant hyperthermia. laire. Springer; 2010. Anesth. Analg. 2009, 109: 1065–1069. 2 Kissel J.T. Muscle biopsy in patients with myalgia: still a painful deci- 12 Meune C., Van Berlo J.H., Anselme F., Bonne G., Pinto Y.M., Duboc sion. Neurology. 2007, 68: 170–171. D. Primary prevention of sudden death in patients with lamin A/C gene 3 Sewry C.A. Muscular dystrophies: an update on pathology and diagno- mutations. N. Engl. J. Med. 2006, 354: 209–210. sis. Acta Neuropathol. 2010, 120: 343–358. 13 Rajakulendran S., Kuntzer T., Dunand M., Yau S.C., Ashton E.J., 4 Rocha C.T., Hoffman E.P. Limb-girdle and congenital muscular dys- Storey H., McCauley J., Abbs S., Thonney F., Leturcq F., Lobrinus J.A., trophies: current diagnostics, management, and emerging technologies. Yousry T., Farmer S., Holton J.L., Hanna M.G. Marked hemiatrophy Curr .Neurol. Neurosci. Rep. 2010, 10: 267–276. in carriers of Duchenne muscular dystrophy. Arch. Neurol. 2010, 67: 5 Wattjes M.P., Kley R.A., Fischer D. Neuromuscular imaging in inher- 497–500. ited muscle diseases. Eur. Radiol. 2010, 20: 2447–2460. 14 Machuca-Tzili L., Brook D., Hilton-Jones D. Clinical and molecular 6 Das A.M., Steuerwald U., Illsinger S. Inborn errors of energy metabolism aspects of the myotonic dystrophies: a review. Muscle Nerve. 2005, 32: associated with myopathies. J. Biomed. Biotechnol. 2010, 2010: 340849. 1–18.
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