NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES

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NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
L’ AC T UALI T E D E S CO N C ERTS E T D E L’ O PE R A
         © Jean-Baptiste Millot

                                                         ​​Nikolaï Lugansky       Le calen d ri e r
[ n° 322 mars 2019 ]

                                                         piano                    des   c o n ce rts
                                                         Strauss Ariane à Naxos   à   p A ris   et en

                                                         + Lucile Richardot       Î le-de-Fr a n c e
NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
Anniversaire
                                                                                                                         sommaire
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                                                                                                                         Adolphe Adam, Le Postillon
                                                                                                                         de Longjumeau                              4

                                                                      © Igor Studio
                                                                                                                         à Paris
                                                                                                          10             L’actualité des concerts                   6
  Il y a 180 ans…                                                                                                        Portrait                                   8
  naissait Modeste Moussorgski, le 21 mars                                                                               Nicolaï Lugansky
  1839 à Karevo dans le gouvernement
                                                                                                                         voix                                     10
  de Pskov. Homme d’une immense culture,
                                                                                                                         Lucile Richardot
  il fonda le Groupe des cinq avec Balakirev,
  Borodine, Cui et Nikolaï Rimski-Korsakov.                                                                              Piano                                    12
  Toute sa vie il défendit le folklore populaire                                                                         Louis Lortie
  russe qui l’avait bercé dans son enfance et
                                                                     © Elias

  qu’il intégrait à la musique dite « savante »,                                                                         viole de gambe                           14
  cherchant avant tout la sincérité dans sa
  musique. Avec Boris Godounov il signa en
                                                                                                          12             Robin Pharo

  1874 son œuvre la plus célèbre. Moussorgski                                                                            en famille                               16
  incarna la figure type de l’artiste maudit,
  torturé par ses questionnements mystiques,
  ses crises d’épilepsies, sa dépression, son                                                                            les concerts
  alcoolisme… Mais ce que l’on sait moins,
                                                                                                                         à paris
  et qui nuance un peu ce sombre stéréotype,
  c’est que le compositeur était également                                                                               et en île-de-fr ance                     17
                                                                     © Rita Cuggia

  amateur de chant et travaillait sa belle voix
  de baryton qu’on disait limpide et puissante.
  Son talent l’amena même à interpréter                                                                                  CD                                       26
  en 1859 le rôle du Mandarin Kau Tsing dans
  l’opéra Le Fils du Mandarin de César Cui ! E.G.
                                                                                                          14             Médias                                   28

     Cadences • ISSN 1760 - 9364 • édité par les Concerts Parisiens • SARL au capital de 10 000 euros • 21, rue Bergère 75009 Paris • Tél. 01 48 24 40
     63 • Fax 01 48 24 16 29 • Siret 44156960500013 • Directeur de la publication  : Philippe Maillard • Publicité  : Alexia Dufayet, tél. 01 48 24 40 63,
     adufayet@cadences.fr • Rédacteur en chef : Yutha Tep • Chef de rubrique : Élise Guignard • Ont participé à ce numéro : Floriane Goubault,
     Michel Fleury, Michel Le Naour • Conception graphique : Astrada design • Diffusion : Sophie Borgès, sborges@cadences.fr • Impression : RPN.
     Livry-Gargan • Tirage : 50 000 exemplaires • Abonnement : 9 nos 40 €

                                                                                                             .fr
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NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
DO s s i e r

     Richard Strauss
           Ariane à Naxos
       Brillante synthèse d’opera seria et de comedia dell’arte,                                   (Ariane à Naxos) trop sérieux pour la digestion
                   Ariane à Naxos ressuscite le théâtre baroque                                    et le divertissement de ses invités, et deman-
                                                                                                   dait qu’on l’égayât de quelques entrées de co-
             en y incorporant l’enivrante effusion romantique
                                                                                                   médiens bouffons. La difficulté de l’expérience
                                                propre à Strauss

     L
                                                                                                   explique qu’Ariane à Naxos ait donné lieu à
               a matière d’Ariane à                                                                trois versions. La première, créée le 25 octobre
               Naxos avait de quoi                                                                 1916 au théâtre de la Cour de Stuttgart sous la
               stimuler un composi-                                                                direction de l’auteur, s’incorpore à la repré-
               teur enclin à s’enga-                                                               sentation du Bourgeois gentilhomme : la céré-
     ger dans de nouvelles expé-                                                                   monie turque cède la place à un opéra (Ariane
     riences, pour ardues qu’elles                                                                 à Naxos), que Jourdain a fait composer à un
     fussent : celle-ci était particu-                                                             élève de son maître de musique afin d’en réga-
     lièrement terrifiante, puisqu’il                                                              ler ses amis. La pièce de Molière condensée en
     s’agissait de traiter le difficile                                                            deux actes est donnée avec une délicieuse par-
     problème de la simultanéité                                                                   tition de Strauss dans l’esprit de Couperin et
     des deux formes : la joyeuse                                                                  Rameau et précède donc l’opéra. Le succès mi-
     et la grave. A cela s’ajoutait                                                                tigé de la « fête baroque » de Stuttgart condui-
     l’obligation de joindre un troi-                                                              sit à une seconde version, qui est celle donnée
     sième élément, le Bourgeois                                                                   d’ordinaire, créée le 4 octobre 1916 à l’opéra
     gentilhomme, déjà de son côté                                                                 de la Cour de Vienne. La troisième version fait
     pourvu de musique par les                                                                     disparaître l’opéra Ariane à Naxos, revenant à
     soins de Lully. L’entreprise                                                                  la cérémonie turque, le tout émaillé d’une ver-
                                       © D.R.

     ne manquait cependant point                                                                   sion de la musique de scène de Strauss enrichie
     de séduction pour Strauss : le                                                                de quelques succulents suppléments.
     sujet soumis par Hugo von Hofmannsthal était       Maître incontesté de l’opéra
     paré du charme éblouissant de ce baroque qui
     depuis le Chevalier à la rose jusqu’à la Femme
                                                        et du poème symphonique,
                                                        Richard Strauss domine
                                                                                                         D’une fête galante
     sans ombre allait subjuguer le Maître alle-        de sa puissante stature
                                                        le début du xxe siècle.
                                                                                                           étincelante…
     mand ; d’autre part, ce sujet était en rapport
     direct avec l’art français classique auquel il a
     toujours voué un culte renforcé d’érudition.
     Enfin, le thème de l’opera seria, Ariane retirée
                                                                                                   L   a seconde version (celle qui est usuelle-
                                                                                                       ment donnée) est la seule qui soit entière-
                                                                                                   ment lyrique et entièrement et exclusivement
     en l’île de Naxos, abandonnée par Thésée, tirée                                               de Strauss et Hofmannsthal. Le Bourgeois n’est
     de son chagrin et ramenée à la joie par l’arri-                                               plus qu’un prétexte : son esprit imprègne ce-
     vée de Bacchus, et sa métamorphose en déesse,                                                 pendant la nouvelle œuvre, même si la facture
     laisse préfigurer le cours ultérieurement suivi                                               est différente. L’opéra (identique à celui de la
     par le compositeur dans son retour à l’Antiqui-                                               première version) y est précédé d’un prologue :
     té (Daphné, L’Amour de Danaé).                                                                la représentation doit avoir lieu non dans la
     L’idée centrale du projet était d’entrelarder      Du 21 au 30 mars – Théâtre                 maison de M. Jourdain, mais dans celle d’un
     un grave opera seria d’entrées comiques de la      des Champs-Élysées                         très riche bourgeois viennois (qui n’apparaît ce-
     comedia dell’arte. Le Bourgeois gentilhomme        Orchestre de Chambre de Paris, Jérémie     pendant à aucun moment) : le rapport est donc
                                                        Rhorer (direction), Katie Mitchell (mise
     de Molière en était le pivot. Monsieur Jour-                                                  étroit avec l’atmosphère du Chevalier à la rose.
                                                        en scène).
     dain donnait un gala dans son hôtel. En der-       Avec C. Nylund, R. Saccà, K. Lindsey,      Le prologue écrit par Hofmannsthal est d’une
     nière minute, ce dernier trouvait l’opera seria    O. Pudova…                                 invention ravissante et d’un humour étince-

2    cadences mars 2019
NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
paris

                                                                                                    © P.Victor – artcompress
© P.Victor – artcompress

                                                                                                    hiatus entre les deux univers irréconciliables
                                                                                                    (la comédie et le sérieux) est l’occasion pour
                                                                                                    Strauss d’y insérer une musique spirituelle,
                                                                                                    d’une étonnante vérité psychologique, sachant
                                                                                                    éviter la grosse farce pour traduire en filigrane
lant. Il traite des préparatifs pour la représen-       Mise en scène de Katie                      le tragique de l’existence humaine étirée entre
tation et pourrait s’intituler « Le Compositeur ».      Mitchell créée au Festival                  ciel et terre…Ulcéré par l’inéluctable profana-
Agitation de ce dernier (très jeune homme : rôle        d’Aix-en-Provence en 2018.                  tion de son chef-d’œuvre, le Compositeur s’en-
travesti), présomption et prétentions de la pri-                                                    fuit alors que tombe le rideau.
madonna (future Ariane) et du ténor (futur Bac-
chus), séduction de Zerbinette dont l’entrée dé-
cide le Compositeur à consentir à des coupures
                                                                                                                                … à l’apothéose
qui lui font horreur, sagesse du Maître de mu-                                                                                 de l’opéra baroque
sique, qui persuade les deux chanteuses (tenant
les rôles respectifs d’Ariane et de Zerbinette),
l’une après l’autre, que sa rivale ne lui arrive
pas à la cheville, et chacun des deux principaux
                                                                                                    P   eut alors commencer Ariane à Naxos :
                                                                                                        comme dans tout opéra baroque, d’abord
                                                                                                    l’ouverture, portrait psychologique de l’héroïne
interprètes masculins (rôles d’Arlequin et de                                                       énonçant les deux groupes opposés de thèmes :
Bacchus) qu’on n’a fait de coupures que dans                                                        andante en sol mineur pour ceux d’Ariane dé-
le rôle de l’autre. Les laquais traitent les artistes                                               laissée (thèmes de la solitude, des larmes, de
comme des égaux, et le maître de maison traite                                                      Thésée, amour d’Ariane, regrets, joie de vivre
tout le monde comme des laquais, y compris                                                          et bauté) ; puis bref allegro pour commenter
le compositeur puisqu’au dernier moment il                                                          son désespoir (thèmes de la douleur). Aux ten-
exige que l’opéra et le spectacle comique soient                                                    tatives des comédiens italiens et de Zerbinette
intégrés pour que le feu d’artifices puisse com-                                                    visant à l’arracher à son chagrin, Ariane oppose
mencer à 9 heures précises. Argument théâtral                                                       un grand air appelant la mort, sur lequel plane
bien vu, traité avec esprit et brio, mais dont                                                      l’ombre d’Hermès et de son caducée entraî-
l’éparpillement et l’éclatement auraient pu dé-           repères                                   nant les feuilles flétries. En vain les comédiens
concerter tout autre musicien que Strauss. En                                                       renouvellent-ils leurs assauts et Zerbinette
                                                          1864 : naissance le 11 juin à Munich
fait, après l’ouverture la plus délicieuse, la plus                                                 ses consolations de godinette : ils finissent
                                                          1874-1882 : solide formation
simple et la plus coulante, le Maître a trouvé                                                      par abandonner Ariane pour une ravissante
                                                          générale (lycée puis université)
en le texte de son librettiste favori prétexte à                                                    scène de galanterie entre les quatre hommes
                                                          1875-1880 : études d’écriture et de
un humour musical et à un ton plaisant idéale-            composition avec le chef d’orchestre
                                                                                                    et la gourgandine. La trompette lointaine an-
ment adaptés. Au fil de cette intrigue touffue de         Friedrich Wilhelm Meyer ; bénéficie des   nonce alors l’arrivée de Bacchus, les nymphes
mise en place s’ébauchent les motifs musicaux             conseils de son père, corniste réputé     (Naïade, Dryade et Echo) élevant un hymne de
de l’opéra qui va suivre. Ainsi de la mélodie qui,        1889 : Don Juan                           louanges au jeune dieu. Ariane se méprend et
peu à peu, s’empare du Compositeur et s’élève             1890 : Burlesque pour piano et            croit accueillir la mort salvatrice. Alors s’opère
lentement, de plus en plus forte, jusqu’au mo-            orchestre                                 la métamorphose, sous l’emprise des dons pro-
ment où elle se précipite de nouveau en triples           1895 : Till l’Espiègle                    phétiques de la musique : Ariane parle encore
croches, parce que le perruquier vient de sortir          1899 : Une Vie de héros                   de l’enchantement nocturne de la mort, mais
en courant de la loge du ténor. L’apparition de           1905 : Salomé                             la musique annonce déjà un autre ravissement
Zerbinette suscite une trame musicale exquise,            1911 : Le Chevalier à la rose             nocturne… Après le chant de triomphe diony-
véritable verrerie de Venise tenant lieu d’avant-         1915 : Une Symphonie alpestre             siaque et monumental du dieu, les Esprits de la
goût à la comedia dell’arte qui se prépare. Le                                                      nature font entendre dans le lointain un chant
                                                          1916 : Ariane à Naxos
Compositeur peine à expliquer à Zerbinette les                                                      de tendresse qui va s’amplifiant, les merveilles
                                                          1919 : La Femme sans ombre
intentions élevées de l’opéra où elle va devoir                                                     du théâtre baroque étendant leur dais étoilé
                                                          1938 : Daphné
intervenir ; les masques italiens ont tôt fait de                                                   sur les deux demi-dieux qui s’élèvent au firma-
                                                          1949 : mort le 8 septembre à
banaliser les nobles sentiments d’Ariane (dans                                                      ment dans l’apothéose de leur voix.
                                                          Garmisch-Partenkirchen
l’esprit d’« un de perdu, dix de retrouvés ») et ce
                                                                                                                                            • Michel Fleury
                                                                                                                                          mars 2019 cadences   3
NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
DO s s i e r

     Adolphe Adam
      Le postillon de Longjumeau
      Adolphe Adam construisit toute sa carrière sur un talent                                       un tournant en 1844 lorsqu’il se brouille avec
           de mélodiste inné. Capable de composer une profusion                                      le directeur. Adolphe Adam achète alors le
        d’œuvres avec une rapidité stupéfiante, il plut au public                                    cirque du Temple qui devient l’Opéra-National,
       de son époque par l’efficacité immédiate de sa musique. Le                                    où il souhaite monter ses propres œuvres. Mal-
                                                                                                     heureusement la Révolution de 1848 le coupe
       Postillon de Lonjumeau est aujourd’hui le titre principal
                                                                                                     dans son élan et le théâtre fait faillite. Adam,
             que l’on a retenu de ses nombreux opéras-comiques.

     D
                                                                                                     tout en continuant à composer, se fait critique
                e nos jours, Adolphe                                                                 musical pour Le Constitutionnel et L’Assemblée
                Adam est un nom                                                                      nationale et devient professeur pour rembour-
                presque oublié. On                                                                   ser ses dettes. Dans ses articles, Adam souligne
                l’évoque pour par-                                                                   son admiration pour Meyerbeer et Verdi, mais
     ler de son ballet romantique                                                                    apprécie moins Berlioz (qui lui rendra bien son
     Giselle, de son cantique Noël,                                                                  inimitié). Apres un nouveau changement de
     Chrétiens, et éventuellement                                                                    direction à l’Opéra Comique, il connait de nou-
     du Postillon de Lonjumeau.                                                                      veau le succès avec Le Toréador (1849) et Giral-
     Auber, Hérold et quelques                                                                       da (1850). En 1852, Adam n’est plus endetté. Il
     autres l’éclipsèrent dans la                                                                    continue néanmoins son activité de journaliste
     postérité et le milieu musical                                                                  et compose Si j’étais roi qui devient également
     ne fut pas tendre avec lui :                                                                    très populaire. Le compositeur décède en 1856
     la critique aussi bien que les                                                                  dans son sommeil, juste après la création aux
     compositeurs (Debussy par                                                                       Bouffes-Parisiens de son opérette Les Pantins
                                        © Costa/Leemage

     exemple) qualifièrent souvent                                                                   de Violette. Au total, il composa près de 80 opé-
     sa musique de « facile ». Pour-                                                                 ras-comiques, presque tous créés à Paris. Outre
     tant, Adam fut un compositeur                                                                   ceux-ci, Adam écrivit trois ouvrages pour l’Opé-
     majeur dans le domaine de                                                                       ra de Paris : Richard en Palestine (1844), La bou-
     l’opéra-comique et s’avéra un                                                                   quetière (1847) et Le Fanal (1849) mais il prit
     maître dans l’art de distraire sans se prétendre     Adolphe Adam contribua                     avant tout du plaisir à composer des ballets,
     génial pour autant.                                  à figer définitivement                     comme Le Corsaire (1856) et Giselle (1841) qui
     Né le 24 juillet 1803 à Paris (la même année que     les caractéristiques                       reste indéniablement son œuvre la plus connue
     Berlioz), Adolphe Adam doit s’opposer à son          de l’opéra-comique.                        depuis que Diaghilev l’a exhumée. Adam fut
     père musicien pour imposer sa volonté de faire                                                  entièrement dédié à son art comme il l’affirma
     carrière dans le même domaine que lui. Adam                                                     lui-même : « Je n’ai malheureusement aucune
     étudie d’abord la composition avec Boieldieu.                                                   manie, je n’aime ni la campagne, ni le jeu ni au-
     Ses études lui donnent le goût de composer                                                      cune distraction. Le travail musical est ma seule
     pour la scène. C’est en 1829 que l’une de ses                                                   passion et mon seul plaisir. »
     œuvres est pour la première fois à l’affiche de      Du 30 mars au 9 avril – Opéra
                                                          Comique
     l’Opéra Comique : Pierre et Catherine. Il devient
     alors l’un des compositeurs les plus en vue de
                                                          Chœur Accentus, Orchestre de l’Opéra               Plaire avant tout
                                                          de Rouen, Sébastien Rouland (direction),
     Paris et mène une vie mondaine. Il compose Le

                                                                                                     L
                                                          Michel Fau (mise en scène).
                                                                                                         es opéras-comiques d’Adam respectent par-
     Chalet en 1834 qui connait un succès fulgurant       Avec M. Spyres, F. Valiquette, F.
                                                          Leguérinel, M. Fau...                          faitement les normes du genre. Les livrets
     et sera joué régulièrement à l’Opéra Comique
                                                                                                     font se succéder scènes parlées et chantées, et
     (il connaîtra même sa 1000e représentation en
                                                                                                     la verve comique reste polie et bienséante. Le
     1873). Le Postillon de Lonjumeau voit le jour
                                                                                                     compositeur s’attache avant tout à inventer des
     en 1836 et le ballet Giselle en 1841. Mais le
                                                                                                     lignes mélodiques qui restent dans l’oreille. Il se
     triomphe d’Adam à l’Opéra Comique connait

4    cadences mars 2019
NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
paris
© Dax Bedell

                                    © D.R.

révèle incomparable de justesse et de charme,                                                          gré ces déboires, la première du Postillon est
aussi bien dans les mélodies enjouées que dans                                                         un franc succès. L’œuvre voyagera, ne convain-
les plus nostalgiques. La fluidité les caractérise,                                                    quant pas du tout le public de la Scala de Milan
ainsi qu’un grand naturel. C’est cette facilité                                                        mais connaissant un triomphe en Allemagne où
apparente d’Adam à composer des mélodies                                                               elle sera donnée régulièrement.
à succès qui agaça d’ailleurs nombre de ses                                                            L’ouvrage met un scène un postillon, c’est-à-dire
contemporains. Sa musique a pour objectif                                                              un conducteur de chevaux de poste, s’enfuyant
                                                      © Brent Calis

assumé de plaire, sans chercher à révolution-                                                          le soir même de son mariage pour tenter sa
ner un genre ou à fonder une nouvelle esthé-                                                           chance en tant que chanteur. Dix ans plus tard
tique. L’invention mélodique est seule reine et                                                        il tente de reconquérir sa femme sans même la
le compositeur se montre incroyablement doué                                                           reconnaître… Sur cette intrigue cocasse, Adam
à ce jeu-là. La société bourgeoise de l’époque        Sous la direction de                             compose une musique pleine de bonne humeur
n’attend d’ailleurs que cela car sous Louis-Phi-      Sébastien Rouland (au                            et de grâce. La scène du mariage au premier
lippe, le public est friand de plaisirs simples et    centre), le ténor Michael                        acte est particulièrement pétillante, accompa-
accessibles. La musique d’Adam, tout en visant        Spyres (à gauche) et la                          gnée d’un orchestre léger. Un chœur intéres-
l’efficacité, est également élégante, avec une        soprano Florie Valiquette                        sant conclut le premier acte, avec une fugue
écriture profondément théâtrale. Le composi-          (à droite) chanteront les                        illustrant l’effervescence de la foule introduite
teur fait varier les procédés expressifs et s’af-     deux rôles principaux.                           par l’émouvante plainte de Madeleine. L’air de
firme aussi comme un orchestrateur de talent,                                                          celle-ci qui ouvre le second acte est virtuose,
jouant avec les couleurs pour créer toutes les                                                         mais peut-être pas tant que celui de Chapelou
atmosphères nécessaires aux intrigues. Par ail-                                                        au premier acte qui a fait la renommée de l’ou-
leurs, on trouve bien des airs de bravoure dans                                                        vrage avec son contre-ré (« Mes amis, écoutez
les partitions d’Adam, qui n’hésite pas à exiger                                                       l’histoire ») et qui a attiré bien des ténors dési-
une grande virtuosité de la part des interprètes,                                                      reux de prouver leurs aptitudes vocales. L’air
pour les sopranos avant tout mais également                                                            bouffe de Biju (« Oui, des choristes du théâtre »)
pour les autres voix (comme le ténor dans Le                                                           est typique du genre, comique et plein d’en-
Postillon de Lonjumeau).                                                                               train. Au troisième acte le trio « Pendu ! Pendu !
                                                                                                       Pendu ! Pendu ! » est efficace et vif, Adam trou-

               Une partition efficace                                                                  vant le bon équilibre dans l’accompagnement
                                                                                                       orchestral qui soutient solidement les voix sans
                                                                  repères                              les noyer. Le finale clôt l’opéra sur des pages

L    e Postillon de Lonjumeau est créé en 1836
     à l’Opéra Comique, au moment où Adam a
le vent en poupe : son ballet La Fille du Danube
                                                                 1803 : Naissance d’Adolphe Adam
                                                                 à Paris
                                                                                                       variées et très vivantes.
                                                                                                       Le Postillon de Lonjumeau répondit parfaite-
                                                                                                       ment aux attentes de son public comme en
est créé trois semaines avant à l’Opéra de Pa-                   1829 : Pierre et Catherine
                                                                                                       témoigna l’écrivain Charles Monselet quelque
ris. Mais les répétitions du Postillon sont per-                 1834 : Le Chalet
                                                                                                       temps après : « Oh ! Ce Postillon de Lonjumeau !
turbées par des querelles de vedettes : le ténor                 1836 : Le Postillon de Lonjumeau
                                                                                                       Quelle place il tient dans nos oreilles et dans nos
Chollet qui interprète le rôle principal s’affiche               1841 : Giselle                        souvenirs d’enfance ! (…) Toute la France d’alors
publiquement avec la cantatrice Jenny Colon,                     1844 : Richard en Palestine           a fredonné ses fredons grivois, absous par une
alors que sa compagne Mme Prévost interprète
                                                                 1847 : Adam achète le cirque          élégance moyenne. C’était bien la littérature et
Madeleine… Adam raconte lui-même l’anec-                         du Temple                             la musique qui convenaient au gouvernement
dote : « Jenny Colon ne quittait pas Chollet et                  1848 : Son entreprise fait faillite   bon enfant de Louis-Philippe 1er. » Nul doute
arrivait aux répétitions avec lui. Prévost avait                 1850 : Giralda                        que l’œuvre mérite bien qu’on la réentende
une attaque de nerfs en voyant sa rivale ! C’était
                                                                 1856 : Décès à Paris                  aujourd’hui.
presque tous les jours la même scène (…) » Mal-
                                                                                                                                      • élise Guignard
                                                                                                                                     mars 2019 cadences      5
NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
les concerts
    du mois

                         Festival Vents d’hiver
                         du 4 au 25 mars (Musée de l’Armée)
                                                    Avec le mois de mars revient le festi-
                                                    val Vents d’hiver qui est l’un des rares
                                                    à mettre à l’honneur les instruments
                                                    à vent. On pourra y entendre les ins-
                                                    trumentistes les plus renommés du
                                                    moment mais également de jeunes
                                                    talents, comme le Quatuor Rayuela

                         © D.R.
                                                    ou encore la clarinettiste coréenne
                                                    Youjin Jung. Paul Meyer est l’un des
                         grands noms qui se produiront pendant le festival. Lors d’un
                         concert le 14 mars, il sera tour à tour soliste et chef d’orchestre,
                         révélant toute l’intensité de son jeu et sa personnalité artis-
                         tique forte dans la création prévue : Un voyage extraordinaire
                         d’André Chpelitch, une rhapsodie pour clarinette et orchestre
                         d’harmonie conçue d’après Jules Verne.

                         Gil Shaham, violon
                         11 mars (Maison de Radio France)
                                                  À 80 ans, le génial et légendaire Yuri
                                                  Temirkanov semble plus passionné
                                                  que jamais. Pour fêter son anniver-
                                                  saire, il dirige l’Orchestre Philhar-
                                                  monique de Radio France aux côtés
                         © Luke Ratray

                                                  du violoniste Gil Shaham et de la so-
                                                  prano Rachel Harnisch. Deux œuvres
                                                  sont au programme : le Concerto pour
                                                  violon et orchestre n’est peut-être pas
                         l’œuvre la plus connue de Beethoven mais développe un ly-
                         risme serein et heureux caractéristique de sa période de com-
                         position. La Symphonie n° 4 de Mahler évolue elle aussi dans
                         une atmosphère de gaieté. On s’en imprègne pour sortir émer-
                         veillé de son écoute après le tendre lied conclusif.

                         Henri Demarquette
                         13 mars (La Seine Musicale)
                                                  La Seine Musicale lance une nouvelle
                                                  série de concerts intitulée « Classic
                                                  Band » placée sous le signe du par-
                                                  tage. D’un format court (1h30), elle a
                         © Jean-Marc Solta

                                                  l’objectif louable de défaire les trop
                                                  nombreux codes qui entourent le dé-
                                                  roulement d’un concert de musique
                                                  classique et de chercher à rapprocher
                                                  public et interprètes à l’Auditorium.
                         Pour le premier concert de ce projet prometteur, le violoncel-
                         liste Henri Demarquette a invité quelques éminents collègues
                         comme le pianiste Jean-Frédéric Neuburger et la soprano Ra-
                         quel Camarinha autour d’un programme Brahms. On pourra
                         entendre plusieurs de ses Danses hongroises, des Lieder et bien
                         d’autres bijoux encore.

6   cadences mars 2019
NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
paris

Leonardo García Alarcón, chef
16 & 17 mars (Versailles, Opéra Royal)
                         Premier opéra du compositeur Fran-
                         cesco Sacrati, La Finta pazza (La Folle
                         supposée) connut un succès immédiat
                         à sa création à Venise en 1641. Préfi-
© Jean-Baptiste Millot

                         gurant ce que serait l’opéra-ballet,
                         l’ouvrage mêlait musique, danse, et
                         une machinerie époustouflante éla-
                         borée par Torelli. Il donne à entendre
                         également la première « scène de
folie » composée pour la cantatrice Anna Renzi. Le livret joue
sur les travestissements et les mises en abime, nous ramenant
aux origines même du théâtre. Leonardo García Alarcón, à la
tête de la Cappella Mediterranea, exhume la partition pour en
donner sa première version scénique française dans une mise
en scène de Jean-Yves Ruf créée à l’Opéra de Dijon en février.

Marie-Nicole Lemieux, contralto
19 mars (Philharmonie)
                        Trois chefs-d’œuvre seront donnés
                        lors de ce concert dont deux ballets
                        créés à deux semaines d’intervalle.
                        Les Jeux de Debussy, poème dansé à la
                        musique très sensuelle, répondent à
© Denis Rouvre

                        un scénario badin pensé par Nijinski,
                        et ne furent pas vraiment compris par
                        le public de l’époque. Mais Le Sacre
                        du printemps de Stravinski provoqua
de son côté un tel scandale qu’il fit oublier un temps l’œuvre
de Debussy… Kent Nagano dirige l’Orchestre symphonique de
Montréal dans ces deux monuments et l’on pourra également
entendre les Wesendonck Lieder de Wagner par l’éblouissante
Marie-Nicole Lemieux. Quel programme !

Damien Guillon, contre-ténor
25 mars (Temple du Foyer de l’Âme)
                         On sait depuis longtemps maintenant
                         que Damien Guillon fait merveille
                         dans Bach. Après avoir enregistré
                         en 2009 un disque de référence avec
© Julien Bénhamou

                         les Cantates pour alto BWV 35 &
                         BWV 170 (Zig-Zag), il vient d’enregis-
                         trer les Cantates BWV 82 & BWV 169
                         pour le label Alpha classics. Le disque
                         sera dans les bacs ce mois-ci, mais on
pourra aussi apprécier en direct l’art si subtil du contre-ténor
français et son timbre plein de lumière. Lors de ce concert au
Temple du Foyer de l’Âme, il interprètera le programme en
question. La Cantate BWV 82 « Ich habe genug » semble nous
placer en apesanteur, tandis que la BWV 169 « Gott soll allein,
mein Herze haben » évoque la puissance de Dieu.

                                                                   mars 2019 cadences   7
NIKOLAÏ LUGANSKY PIANO STRAUSS ARIANE À NAXOS - LE CALENDRIER DES CONCERTS ÀPARIS ETEN ÎLE-DE-FRANCE - CADENCES
les concerts
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         Nicolaï Lugansky
            le francophile
                héritier de la tradition russe par l’ampleur des moyens                           tôt, quelques études quand j’avais 14 ou 15 ans,
             pianistiques, Nikolaï Lugansky s’est toujours distingué par                          et il y a eu ensuite une période lors de laquelle
                                                                                                  j’ai assez souvent joué son concerto pour piano.
               une personnalité singulière, poète pudique et architecte
                                                                                                  Mais je l’ai délaissé durant une longue période ».
               sonore avide de transparence et de lisibilité. Il retrouve
                                                                                                  Il va sans dire qu’il faudra prêter une oreille
                               le public français qu’il aime et qui l’aime.
                                                                                                  attentive à la Sonate n° 3 du plus fantasque
                                                                                                  des compositeurs russes, alors que les extraits
                                                        Le 22 mars – Théâtre                      des Préludes op. 32 rappelleront l’amour de Ni-
                                                        des Champs-Élysées                        kolaï Lugansky pour Rachmaninov. Le disque
                                                        Debussy, Suite bergamasque, L’Île         consacré à ces préludes, paru chez Harmonia
                                                        joyeuse ; Scriabine, Sonate n° 3 ;        mundi l’an passé, s’est placé d’emblée dans le
                                                        Rachmaninov, Préludes op. 32 n° 5 à 13.
                                                                                                  panthéon discographique, réussissant l’impos-
                                                                                                  sible union entre virtuosité époustouflante,
                                                                                                  construction millimétrée et, toujours, cette sen-
                                                                                                  sibilité à la fois discrète et prenante qui carac-
                                                                                                  térise l’art de Lugansky.

                                                                                                  Debussy depuis toujours
     © Jean-Baptiste Millot

                                                         du tac au tac
                                                                                                  L    a nouveauté en cette soirée du 22 mars sera
                                                                                                       hexagonale, avec la Suite bergamasque de
                                                                                                  Claude Debussy. Si l’élégance souveraine du
                                                          La partition pour une île déserte.      virtuose russe, sa science des couleurs et des
                                                          Ma première pensée : la                 plans sonores appelaient cette aventure fran-

    L
                                                          Symphonie n° 7 de Sibelius.             çaise, il aura fallu patienter fort longtemps :
              es récitals de Nikolaï Lugansky au          Mais ce sera différent dans             « J’ai peut-être joué les Deux Arabesques à un
                                                          une heure.
              Théâtre des Champs-Élysées s’ins-                                                   très jeune âge, mais c’est seulement depuis un
                                                          L’auteur qu’un musicien doit
              crivent dans le paysage musical pari-                                               an et demi environ, que j’ai vraiment joué sa
                                                          absolument lire. Pour les Russes,
              sien depuis maintes saisons, faisant de     absolument Pouchkine si l’on            musique – et que je l’ai enregistrée. Debussy
    lui l’un des pianistes les plus aimés du public       veut sentir le rythme et la             est devenu très important dans ma vie et dans
    de la capitale. Le prochain rendez-vous ne            mélodie de la langue russe.             mon répertoire. Toutefois, je passe beaucoup
    décevra pas les admirateurs du pianiste russe,        Le compositeur le plus pictural. Le     de temps chaque jour avec mon lecteur de
    avec notamment deux génies russes : « Je choi-        premier me venant à l’esprit,           disques et j’écoute Debussy depuis toujours, il
                                                          Debussy.
    sis bien sûr pour mes récitals les compositeurs                                               figure parmi mes compositeurs préférés. Je suis
    dont je suis amoureux mais mon histoire avec          Le peintre le plus musical. Claude      particulièrement fasciné par son incroyable
                                                          Monnet.
    chacun d’entre eux est unique. J’ai évidemment                                                éventail de couleurs, qu’aucune autre musique
                                                          Le métier le plus proche de celui de
    bien plus souvent joué, dans ma vie, la musique                                               ne possède ».
                                                          musicien. Si l’on parle d’un
    de Rachmaninov que celle de Debussy ou même           interprète, un athlète, ou un           Fidèle en cela aux mânes de sa professeur
    de Scriabine. Je fréquente Rachmaninov depuis         membre des forces spéciales.            vénérée, la grande Tatiana Nikolaïeva, Nikolaï
    l’âge, je crois, de 11 ou 12 ans, et depuis pas       L’objet qui vous accompagne partout.    Lugansky est un auditeur insatiable, se pas-
    une saison ne passe sans que je l’aborde et je        Mon lecteur CD, qui est déjà            sionnant pour tous les genres musicaux et
    joue chaque année ses 5 concertos. À ce jour,         vieux, mais aussi mon livre             toutes les époques. Sa passion pour Debussy
    je pense avoir donné presque toutes ses pièces        électronique. Chez moi, je              se double d’un attachement certain pour la
                                                          suis entouré de livres.
    pour piano. J’ai également joué Scriabine assez                                               France, un pays qu’il n’a eu de cesse de visiter –

8   cadences mars 2019
en couverture

                                                                                           Admirer les instants
                                                                                                de la vie

                                                                                       M      ême s’il est capable de déclencher des
                                                                                              paroxysmes sonores tonitruants, Nikolaï
                                                                                       Lugansky ne goûte nullement les effets de
                                                                                       manche et sa manière aristocratique semble
                                                                                       coller organiquement à l’univers debussyste.
                                                                                       Il n’est toutefois pas si simple de défendre un
                                                                                       compositeur sans doute moins démonstratif,
                                                                                       moins immédiatement séduisant que certains
                                                      CD                               de ses confrères : « Chacun va vous répondre
© Marco Borggreve

                                                                                       différemment. Je suis persuadé que tout est lié
                                                                                       à l’évolution du dernier centenaire. Le niveau
                                                                                       de bruit est toujours plus fort, partout dans
                                                                                       le monde, avec plus de machines, d’avions,
                                                                                       de trains, de télévisions. Avec la télévision ou
cette entretien s’est d’ailleurs déroulé en fran-                                      l’internet, sans parler des publicités, le niveau
çais : « Debussy pour moi représente la France        Sergueï Rachmaninov              sonore est maintenant très haut. Ces habitudes
plus qu’aucun autre compositeur. J’ai toujours        24 Préludes op. 3 n° 2, op. 23   suscitent peut-être des difficultés pour une mu-
                                                      & op. 32
trouvé très intéressante la différence qui existe                                      sique telle que celle de Debussy. La relation que
                                                      1 Cd Harmonia mundi
entre les cultures russe et française. La musique                                      le public peut avoir en concert avec elle est bien
française se démarque aussi de la musique alle-                                        moins directe qu’avec d’autres compositeurs. Il
mande dans la forme. Chez les grands composi-                                          n’y a pas cette influence émotionnelle qu’exerce
teurs allemands, par exemple dans leur forme-                                          la musique de Rachmaninov, à laquelle les gens
sonate, il y a des éléments plus importants que                                        sont contraints de réagir. Pour sa part, Beetho-
d’autres, le thème principal primant sur les                                           ven se montre implacable envers son auditeur
thèmes secondaires etc. Dans la musique russe,                                         et l’oblige littéralement à le suivre. Debussy est
                                                      Claude Debussy
on voit défiler la vie, la naissance ou la mort.                                       à l’opposé : c’est une invitation à sortir de chez
                                                      Suite bergamasque, Images /
Quand on écoute Debussy, chaque moment mu-            deuxième série…                  soi pour contempler le soleil ou les nuages, une
sical ressemble à un moment de la vie : on sent le    1 CD Harmonia mundi              invitation à partager cette admiration des ins-
soleil, ou la pluie, ou un nuage, on regarde nager                                     tants de la vie que j’évoquais. Et cette invitation
un poisson etc. Tous ces moments sont aussi im-                                        est d’un grand calme, d’une grande modestie. Si
portants les uns que les autres, et il n’y a pas de                                    vous en avez l’envie, venez ; si vous ne le voulez
hiérarchie, au contraire : on perçoit une intense                                      pas, tant pis, ce n’est pas très grave ».
admiration pour chacun d’entre eux, qui est un                                         Toutefois, lorsqu’on considère la magnifique
petit miracle en soi. Certes, des pièces telles que                                    réussite qu’est son enregistrement consacré à
La Cathédrale engloutie possèdent une sorte                                            Debussy sous étiquette Harmonia mundi, dé-
                                                      Portrait
de sommet sonore mais on ne peut pas dire que         Concertos & pièces pour piano    cliner ladite invitation constituerait une faute
ce dernier soit l’élément le plus important de la     seul de Beethoven, Chopin,       de goût impardonnable. Nikolaï Lugansky n’a
pièce. Cette admiration de chaque moment de           Rachmaninov, Prokofiev.          jamais caché son amour profond pour les mille
la vie est à mes yeux éminemment française, il        City of Birmingham Orchestra,    joies impalpables de la vie quotidienne et il
                                                      Sakari Oramo (direction).
s’agit d’une aptitude que nous n’avons pas dans                                        n’est guère surprenant qu’il soit un interprète
                                                      9 CD Erato-Warner Classics
la culture russe ».                                                                    privilégié des brises debussystes.
                                                                                                                           •    Yutha Tep

                                                                                                                     mars 2019 cadences      9
Voix

     Lucile Richardot
         à voix basse
                                                                                                la vie, les opportunités ne se sont simplement
                                                                                                pas présentées. C’est d’ailleurs la même chose
                                                                                                pour l’Oratorio de Noël dont je n’ai encore
                                                                                                jamais chanté la partie soliste. » Si Bach est
                                                                                                un défi pour nombre de ses collègues, Lucile
                                                                                                Richardot au contraire aime particulièrement
                                                                                                le chanter : « J’adore Bach, je m’en délecte. Ses
                                                                                                parties d’alto sont souvent un peu schizoph-
                                                                                                rènes, avec à la fois de l’aigu et du grave. Il est
                                                                                                toujours difficile de trouver le chanteur idéal qui
                                                                                                aura toutes les qualités nécessaires. L’emploi
                                                                                                d’alto de la Messe en si n’est pas souvent confié
                                                                                                à une femme mais plutôt à un contre-ténor, qui
                                                                                                sera plus confortable dans les aigus. Pour ma
                                                                                                part j’ai la chance de me sentir à l’aise sur toute
                                                                                                la tessiture, c’est vraiment ma zone de confort,
                                                                                                alors que beaucoup de mezzos ne peuvent pas
                                                                                                chanter ces airs-là. » Les versions célèbres de
                                                                                                contre-ténors ont marqué la contralto : « J’ai
                                                                                                tellement été imprégnée de ces versions que
                                                                                                dès que je chante un solo d’alto de Bach je réen-
     © Igor Studio

                                                                                                tends les voix d’Andreas Scholl ou de Damien
                                                                                                Guillon par exemple et je reproduis malgré moi
                                                                                                ce que j’ai entendu, ce qui est impossible car je
                                                                                                n’ai pas du tout le même type de voix. » Quant à
          Dotée d’une voix de contralto                    Lucile Richardot collabore           l’écriture de Bach en elle-même, elle n’effraie
         profonde et puissante que l’on                    avec les plus grands                 pas la chanteuse même si elle en souligne les
                                                           ensembles de la scène                difficultés : « Les vocalises sont souvent inter-
          reconnaît entre mille, Lucile
                                                           baroque.                             minables et il y a quelque chose de très instru-
          Richardot retrouve ce mois-ci
                                                                                                mental dans les conduites de phrases. Souvent
     l’ensemble Pygmalion à Versailles
                                                                                                on chante avec un instrument colla parte ou
            pour une Messe en si de Bach,
                                                                                                qui joue à la tierce, nous obligeant à être dans
        avant un récital en juin autour
                                                                                                la même dynamique que lui. Le piège princi-
        des figures de magiciennes dans
                                                                                                pal avec Bach, pour nous chanteurs, qui avons
     le répertoire baroque. Des projets                                                         besoin d’une souplesse vocale, c’est de céder à
                qui lui tiennent à cœur.                                                        la tentation de laisser s’installer des petites iné-

     C
                                                           13 & 14 mars – Chapelle              galités rythmiques. Il faut l’éviter à tout prix.
              urieusement, les concerts du mois            Royale de Versailles                 Parfois il faut savoir se transformer un peu en
              de mars seront une première pour             24 mai – Philharmonie                viole de gambe ou en hautbois ! On doit avoir
              la contralto française : « J’ai toujours     de Paris                             l’impression de n’être qu’un instrument parmi
              chanté la Messe en si dans les chœurs,       Bach, Messe en si mineur             le reste de l’orchestre. » C’est aux côtés de l’en-
     notamment lorsque je faisais partie de la Maî-        Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon   semble Pygmalion que Lucile Richardot se pro-
                                                           (direction).
     trise de Notre-Dame de Paris. C’est la première                                            duira pour ces concerts : « L’ensemble explore
     fois que j’interprète la partie d’alto solo, ce qui   30 juin – Chateau de Versailles      de plus en plus de répertoires et de styles depuis
     me ravit. L’Agnus Dei est un véritable tube, de       Magiciennes baroques                 quelques années. Mais Raphaël Pichon revient
     toute beauté. Ce sont les étonnants hasards de        Jean-Luc Ho, clavecin                toujours à ses vieilles amours. Il ne laisse jamais

10   cadences mars 2019
paris

Bach loin de lui trop longtemps. Il y a au moins
un projet Bach chaque année avec Pygmalion,
auquel je participe généralement. Avec cette
Messe en si, on revient aux fondamentaux
de l’ensemble. »

     Sortilèges baroques

A     u mois de juin, Versailles accueillera de
      nouveau la chanteuse pour un récital avec
le claveciniste Jean-Luc Ho. Avec son timbre
envoûtant, Lucile Richardot se révèle l’inter-
prète idéale de Médée, Armide ou Circé : « Les
magiciennes baroques sont un thème qui séduit
le public, et notre programme tourne beaucoup.
Le monologue d’Armide de Lully est un incon-
tournable et j’adore également interpréter la
grande cantate de François Colin de Blamont
autour de Circé. Cette pièce est parfaite pour
une mezzo, ce qui est rare car la majorité des
cantates françaises sont écrites pour dessus
ou haute-contre. Elle est très théâtrale, et per-
met de déployer toute une palette expressive.
C’est un exemple parfait de cantate française
avec une alternance de récits, d’ariosos, de ré-
cits accompagnés, de grands airs de fureur, de
lamentations… Le programme de notre concert
s’est donc construit autour de ces œuvres, et j’ai
rajouté ensuite beaucoup d’autres pièces. J’ai
dû renoncer aussi à certaines d’entre elles, no-
tamment à la musique médiévale à mon grand
regret, car il fallait se restreindre à du réper-
toire pour voix et clavecin. » L’exercice du réci-
tal, loin de frustrer la chanteuse par rapport à
une production scénique, semble lui donner
des ailes : « On est seul maitre à bord en réci-
tal, ce qui donne une grande liberté par rapport
à une production d’opéra. Comme j’ai souvent
tendance à improviser des gestes et des petites
mises en scène, cela me convient très bien. »
Encore bien des merveilles baroques sont
programmées pour Lucile Richardot dans les
mois à venir, notamment un Sémélé de Händel
en avril avec John Eliot Gardiner (en version
concert mise en espace), mais la contralto se
dit également impatiente de chanter d’autres
répertoires : « J’aimerais travailler davantage
sur la musique de la fin du xixe siècle et celle du
début du xxe siècle. Je voudrais chanter du Brit-
ten par exemple et du Menotti. J’ai une tendresse
particulière pour Poulenc, mais également pour
Debussy, Massenet… J’ai déjà chanté beaucoup
de mélodies françaises et j’aimerais avoir la
chance d’aborder leurs opéras. En 2021 j’aurai
l’occasion de faire mon premier Pelléas et Méli-
sande dans le rôle de Geneviève, et j’ai hâte de
faire mon premier Dialogues des carmélites. »
Et nous de l’entendre !

                               • élise Guignard
                                                      mars 2019 cadences   11
piano

           Louis Lortie
      Un Québécois à Paris
     Le pianiste québécois Louis Lortie                                                                         dont ils ont laissé de remar-
     s’installe en mars à Paris et dans                                                                         quables témoignages. Avec
           la Région Île-de-France pour                                                                         l’Orchestre National d’Île-
      une série de concerts, en soliste                                                                         de-France il a mis à son pro-
                                                                                                                gramme le Concerto en fa mi-
         tout d’abord avec l’ONDIF, puis
                                                                                                                neur de Chopin, une partition
        en musique de chambre dans un
                                                                                                                qui lui est familière : « J’at-
                          cycle Brahms.

     à
                                                                                                                tends avec impatience la ren-
                l’orée de ses soixante ans, Louis                                                               contre avec Jacek Kaspszyk
                Lortie est reconnu dans le monde                                                                car je sais pour l’avoir vécu
                musical comme l’un des meilleurs                                                                que les chefs polonais en ont
                pianistes actuels. Bien que franco-                                                             une connaissance intime. Je
     phone, il est en définitive assez peu présent                                                              n’ai jamais eu l’occasion de
     dans l’Hexagone. à ses nombreuses activités                                                                jouer avec lui, mais le fait
     de concertiste, de chambriste, il joint une                                                                qu’il soit à la fois Directeur
     passion pour l’enseignement (en octobre                                                                    musical de l’Orchestre Natio-
     2016, il a succédé à Maria-João Pires à la                                                                 nal et de l’Opéra National de
     légendaire Chapelle Musicale Reine Elisa-                                                                  Varsovie constitue en soi une
     beth de Bruxelles) et pour l’enregistrement                                                                assurance. Ce Concerto n° 2
                                                      © Elias

     (sa cinquantaine de disques pour le label                                                                  présente des difficultés pia-
     Chandos couvre trois siècles de musique). Ce                                                               nistiques indéniables mais de-
     vainqueur du Concours Ferruccio Busoni à         Né à Montréal en 1957,                  mande plus encore un dialogue constant dans
     Bolzano en 1984 s’est pris d’affection récem-    Louis Lortie voit sa carrière           un respect mutuel du tempo et du rubato. On
     ment pour l’œuvre pour clavier de Gabriel        prendre son essor après                 remet sans cesse en cause les qualités d’or-
     Fauré qu’il avait quelque peu laissée en         son Premier Prix au                     chestrateur de Chopin qui n’a pas toujours
     jachère : « Adolescent, j’ai suivi à Montréal    Concours Busoni en 1984.                bonne réputation dans ce domaine auprès
     l’enseignement d’Yvonne Hubert, une proche                                               des chefs. C’est négliger la transparence, le
     d’Alfred Cortot, mais j’étais trop jeune pour                                            sens des couleurs, voire une modernité très en
     assimiler tout ce qu’elle était susceptible de                                           avance sur l’époque. » Cerise sur le gâteau, le
     me transmettre. Elle avait connu à Paris Al-                                             public parisien aura également le privilège
                                                      22 mars – Philharmonie
     beniz, Debussy, Fauré, un compositeur qui, à                                             d’assister à la Philharmonie à trois concerts
                                                      23 mars – Opéra de Massy
     rebours, me captive de plus en plus. J’ai été                                            de musique de chambre intitulés « Le Salon
                                                      24 mars – Espace Carpeaux
     très surpris par le succès remporté par mon                                              Brahms » regroupant la plupart de ses opus
                                                      à Courbevoie
     premier CD Fauré qui a eu plus de succès que     Orchestre National d’Île-de-France,     pour piano et cordes : « Au Canada, j’ai déjà
     le disque Chopin enregistré au même moment.      Jacek Kaspszyk (direction)              vécu une expérience de ce type il y a une
     On dit que Fauré est peu exportable en dehors    Chopin, Chostakovitch                   vingtaine d’années. C’est un bonheur de me
     de la France, mais les choses à mon avis sont                                            retrouver avec le violoniste Augustin Dumay
                                                      26, 27, 28 mars – Cité de
     en train de changer. » Peu de compositeurs                                               et l’altiste Miguel Da Silva – qui enseignent
                                                      la Musique
     échappent à la perspicacité de cet artiste qui                                           aussi à la Chapelle Musicale –, ainsi qu’avec le
                                                      avec Augustin Dumay, Miguel Da Silva,
     a déjà gravé les 32 Sonates de Beethoven,        Jian Wang                               violoncelliste Jian Wang dans ces pages d’une
     achève une intégrale Chopin après s’être         Brahms                                  liberté et d’une inventivité sans cesse renou-
     confronté à Liszt, Rachmaninov ou Saint-                                                 velées. » Un moment d’exception où quatre
     Saëns. Il trouve même le temps de pratiquer                                              musiciens complices mettront leur idéal au
     avec Hélène Mercier – une amie de longue                                                 service de la musique pure.
     date – l’exercice si exigeant du quatre mains                                                                        • Michel Le Naour
12   cadences mars 2019
viole de gambe

     Robin Pharo
                                la relève
      Fondé en 2017 par le jeune violiste Robin Pharo, l’ensemble
        Près de votre oreille s’attache à défendre un répertoire
                                                                                                  Répertoires oubliés

                                                                                             I
         intimiste. La sortie de leur prochain disque Come Sorrow,                              nitialement, le programme du disque était
       abordant la chanson anglaise de l’époque élisabéthaine,                                  centré autour des pièces vocales de Hume.
      est l’occasion pour l’ensemble de présenter ce programme                               Présentant la rare particularité d’avoir une ta-
                    en concert le 1er avril au Théâtre de l’Athénée.                         blature écrite spécifiquement pour la viole de

     À
                                                                                             gambe (dans un répertoire où le luth est d’ordi-
                 l’origine une asso-                                                         naire privilégié), elles suscitent inévitablement
                 ciation destinée à                                                          l’intérêt des violistes : « À cette époque, beau-
                 soutenir les projets                                                        coup de recueils de chansons sont édités avec
                 de Robin Pharo                                                              une tablature de luth accompagnant les voix.
     (notamment l’enregistrement                                                             Dans leurs préfaces, la présence de la viole est
     de son premier disque L’Ano-                                                            toujours suggérée mais son rôle n’est jamais pré-
     nyme Parisien), Près de votre                                                           cisé (doit-elle par exemple soutenir la basse ?). Il
     oreille est devenue quelque                                                             est très rare d’avoir une tablature entièrement
     temps plus tard un ensemble                                                             écrite comme pour le luth. À part chez Tobias
     original à l’effectif variable.                                                         Hume et l’un de ses contemporains Thomas
     Un nom poétique qui fait écho                                                           Ford, il n’y a que très peu d’exemples. » En cher-
     à la volonté de proposer une                                                            chant un complément aux pièces de Hume, Ro-
     musique intime et délicate,                                                             bin Pharo découvre, par l’entremise du violiste
     essentiellement baroque mais                                                            et musicologue Jonathan Dunford, les pièces
     également         contemporaine                                                         de Robert Jones. Publiées avant celle de Hume,
                                          © Rita Cuggia

     lorsque l’occasion le permet.                                                           elles proposent également des parties poly-
     Accompagné d’Anaïs Ber-                                                                 phoniques entièrement écrites pour la viole :
     trand (mezzo-soprano), Nico-                                                            « Ces pièces sont, jusqu’à preuve du contraire,
     las Brooymans (basse) et Thi-                                                           les premières pièces éditées avec tablature pour
     baut Roussel (luth), Robin Pharo s’attaque au          Robin Pharo commence             viole. C’est un recueil historique. » Robin Pharo
     répertoire vocal anglais datant du début du xviie      la viole de gambe dès            découvre alors le vrai noyau de ce qu’allait être
     siècle : « C’est la première fois que je m’intéresse   l’âge de 5 ans auprès de         le disque et recentre le programme autour de
     aussi profondément à la musique anglaise, qui          Jean-Louis Charbonnier.          l’œuvre de Jones. Après avoir consacré l’album
     est extrêmement riche à l’époque élisabéthaine                                          L’Anonyme Parisien au mystérieux Charles
     et assez peu connue et peu jouée en France ». En                                        Dollé, élève très peu connu de Marin Marais,
     effet, si le programme de Come Sorrow inclut                                            le violiste poursuit l’exhumation des composi-
     des pièces de John Dowland et Tobias Hume,                                              teurs oubliés : « C’est passionnant de s’intéres-
     il fait la part belle à un autre compositeur de        1er avril – Théâtre              ser à la musique de compositeurs peu connus.
     la même époque presque entièrement tombé               de l’Athénée                     Quand on tombe sur une pièce peu jouée, il est
     dans l’oubli, Robert Jones : « En réalité, Robert      Come Sorrow                      fascinant de se l’approprier. La musique de
     Jones était assez connu de son vivant. Il a pu-        Ensemble Près de votre oreille   Robert Jones, aujourd’hui tombée dans l’oubli,
     blié quatre livres de chansons, ce qui n’est pas                                        n’a rien à envier à celle de Dowland. Les textes
     négligeable. Il collaborait également avec des                                          utilisés dans ses chansons sont très beaux et les
     auteurs de théâtre et était très intégré à la vie                                       mélodies assez surprenantes. Come Sorrow (qui
     londonienne. »                                                                          donne son titre au disque) est une pièce magni-

14   cadences mars 2019
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