Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber

 
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Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
Numéro 100
    avril | mai | juin 2012 | No 100 | Fr. 5.–
    AZB/P.P. Journal 1820 Montreux 1 | Postcode 1
Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
Fondation Franz Weber: la griffe d’une protection animale efficace

En faveur
des animaux et
de la nature
Notre travail
est au service de la collectivité
Les actions de la Fondation sont motivées par la con-
viction que les animaux dans leur ensemble en tant
que partie intégrante de la création, ont droit à l'exis-
tence et à l'épanouissement dans un habitat conven-
able, et que l'animal individuel en tant qu'être sensi-
ble a une valeur et une dignité que l'homme n'a pas
le droit de mépriser.

Aussi bien dans ses campagnes de protection et de
sauvetage de paysages, que dans celles d'animaux per-
sécutés et torturés, la Fondation s'efforce inlassable-
ment d'éveiller en l'homme sa responsabilité vis-à-vis
de la nature et d'obtenir pour les peuples d'animaux
un statut juridique parmi les institutions humaines
leur garantissant protection, droits et survie.                                           Quand tout semble vain, quand tous les
La FFW, reconnue d'utilité publique, est exonérée                                            espoirs s’en vont, quand on est saisi
d'impôts. Pour pouvoir continuer à remplir ses gran-                                      d’accablement face à la destruction de la
des tâches au service de la nature et du monde ani-
mal, la Fondation devra toujours faire appel à la gé-                                  nature et à la misère des animaux persécutés
nérosité du public. Politiquement indépendante,
subventionnée ni par l'économie, ni par les pouvoirs                                   et torturés…on peut encore se tourner vers la
publics, elle dépend entièrement des seuls dons, do-                                              Fondation Franz Weber .
nations, legs, etc...

                Aidez-nous ! Chaque don, aussi modeste soit-il, est important et reçu avec gratitude.
                                                   Comptes:
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     FRANCE: Crédit Agricole Alpes Provence, Avignon, Compte Fondation Franz Weber no 9483909 3 133, Code établissement 11306,
                   Code Guichet 00084, Clé R.I.B 59, BIC AGRIFRPP813, IBAN FR76 1130 6000 8494 8390 9313 359
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             FONDATION FRANZ WEBER Case postale, CH-1820 Montreux, Tel. 021 964 37 37 oder 021 964 24 24, Fax 021 964 57 36, E-mail: ffw@ffw.ch, www.ffw.ch
Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
No 100 avril | mai | juin 2012
                                                                                                                           JFW | Editorial                         3

                                                                         Animaux

                                 Hommage                    Chevaux-éboueurs d’Argentine Sanctuaire de chevaux                                                    >>21
                                                            Tauromachie La corrida et les enfants                                                                 >>25
                                                            Afrique Le paradis des éléphants existe-t’il?                                                         >>27
                                                            Chasse aux phoques canadienne                                                                         >>31

C’est vrai qu’il est beaucoup question de Franz Weber
dans ce nouveau numéro, beaucoup plus que d’habitu-
                                                                         Suisse
de. Nous serions presque tentés de nous en excuser.
                                                            Franz Weber Hommages                                                                                  >> 4
Mais nous sommes innocents. Ce sont les Parques qui
                                                            100 numéros du Journal Franz Weber                                                                   >> 18
ont arrangé les choses ainsi.
                                                                         Nature
Etrange, en effet, comme tout coïncide pour Franz ces
                                                            Résidences secondaires Vote historique du peuple suisse                                              >> 15
mois-ci. Gagnée, la votation sur les résidences secon-
daires ! 25 ans de Journal Franz Weber ! Et le numéro                    Société
100 qui sort ce mois de juin, comme le premier en juin
1987 ! Et le 85ème anniversaire de Franz le 27 juillet !    Giessbach Entre passé et présent                                                                     >> 33
                                                            Il y a 50 ans à Paris                                                                                >> 37
C’est pourquoi nous sommes heureux et honorés de
dédier à notre rédacteur en chef, la première partie du
Journal No 100, de lui présenter les hommages de ses
amis et, tel un bouquet de roses, nos meilleurs vœux
de bonheur.
                                   L’équipe de rédaction

Celle qui, depuis bientôt 40 ans, partage sa vie en tant
                                                                 Numéro 100                                                              Les sept merveilles
                                                                                                                                           de Franz Weber
                                                                                                                                               design:
qu’épouse et collaboratrice, tient à dire, elle aussi, un                                                                                 Sylvie Pusztaszeri
mot très personnel à Franz : « C’était en 1972 lorsque
j’ai entendu cette nouvelle inouïe à la radio : Franz                                                                                    Engadine, Lavaux,
Weber a gagné en Engadine ! Cela m’avait remplie                                                                                        Giessbach, Delphes,
d’une profonde, d’une immense joie. Mais tu n’étais                                                                                          phoques,
qu’un mythe pour moi à cette époque-là. Jamais je                                                                                            éléphants
n’aurais osé rêver qu’un jour je pourrais te rencontrer.                                                                                     d’Afrique,
Or, le destin nous a réunis ! Et tu as allumé en moi cet-                                                                                chevaux sauvages
te flamme qui ne s’éteint jamais. C’était mon destin de                                                                                     d’Australie
te rencontrer. Et c’est mon métier d’aimer un grand
homme et de le servir du mieux que je peux dans sa
grande tâche. »                                                                                      Impressum
                                            Judith Weber     Editeur: Franz Weber pour la Fondation Franz Weber et Helvetia Nostra
                                                             Rédacteur en chef: Franz Weber
                                                             Rédaction: Judith Weber, Walter Fürsprech,Vera Weber, Alika Lindbergh
                                                             Mise en page: Fabian Dreher, Ringier Print Adligenswil AG, Vera Weber
                                                             Impression: Ringier Print Adligenswil AG
                                                             Rédaction, Administration: Journal Franz Weber, case postale, CH-1820 Montreux (Suisse),
                                                             tél 021 964 24 24 ou 964 37 37. Fax: 021 964 57 36. E-mail: ffw@ffw.ch – Site internet: http://www.ffw.ch
                                                             Abonnements: Journal Franz Weber, abonnements, case postale, 1820 Montreux,
                                                             Tél. 021 964 24 24 ou 964 37 37
                                                             Tous droits réservés. Reproduction de textes, de photographies ou d’illustrations avec la permission de la
                                                             rédaction seulement. Toute responsabilité pour des manuscrits, des livres ou autres documents (photos, etc)
                                                             non commandés est déclinée. CCP: Si vous désirez soutenir le journal ou l’œuvre de Franz Weber par un
                                                             don, veuillez l’adresser au CCP 18-6117-3, Fondation Franz Weber, 1820 Montreux.
Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
4     JFW | Suisse                                                                                                      No 100 avril | mai | juin 2012

Franz Weber, ce stupéfiant octogénaire
■   Alika Lindbergh

 Il parait qu’il a 85 ans !... Mais         courage absolu : une petite         ment : parce que je pense           lement – peut être parce que
ce stupéfiant octogénaire n’a               mante religieuse figée au mi-       qu’en effet il a la foi qui sou-    je trouve que faire tomber les
rien perdu de sa fougue lé-                 lieu d’une route de Provence        lève les montagnes, parce           idoles de leur piédestal en dit
gendaire : Franz Weber reste                où fonçait à tombeau ouvert         qu’il nous a effectivement          plus long sur les iconoclastes
le fer de lance de la protec-               un énorme camion – droit sur        prouvé que la DETERMINA-            que sur les idoles – j’ai ten-
tion de la nature et de tout ce             elle.                               TION, envers et contre tout et      dance à croire au contraire
qui vit, souffre, ou est me-                                                    tous, peut venir à bout des         que nul mieux qu’un « valet de
nacé dans notre monde dé-                   Si beau, si élégant, dans sa        ignominies, et vaincre des co-      chambre » (ou son équivalent)
boussolé, ou plus que jamais                translucide armure couleur          losses. Parce que – sans ja-        ne peut connaitre la dimen-
règne la barbarie, fût-ce sous              de feuille tendre, le minus-        mais perdre sa lucidité – il        sion et l’authenticité d’un per-
une forme sournoise. A l’âge                cule David se dressait en pos-      reste obstinément positif au        sonnage mythique. Dépouillé
où tant d’autres sont en ruine,             ture d’attaque, bouleversant        milieu de l’Enfer, convaincu        des oripeaux de la royauté, un
cet homme est un monument                   d’audace, face au gigantesque       de la puissance de l’AMOUR          vrai roi, sûr, reste un roi.
de la lutte la plus authenti-               Goliath de ferraille qui se         et du BIEN.
quement altruiste qu’il y eut               ruait sur lui :                                                         C’est dans cet esprit que
jamais, puisqu’elle ne défend                                                   Imprégné d’un esprit de che-        l’amie de longue date que je
pas seulement les humains,                  David vainqueur de Goliath,         valerie oublié, je sais qu’il en    suis peut le mieux témoigner
mais toutes les autres espèces              don Quichotte et sa magni-          maintiendra      vibrante      la   de ce qu’est vraiment Franz
vivantes.                                   fique folie, l’insecte fragile et   flamme altruiste jusqu’à son        Weber, en montrant l’homme
                                            son prodigieux courage… oui,        dernier souffle.                    derrière son image et la liste
Ce chevalier de la nature                   c’est ainsi que je ressens                                              impressionnante de ses ac-
m’évoque irrésistiblement un                Franz Weber, et la raison pour      Alors, oui, vraiment, bon an-       tions. Un homme, qui, hors
souvenir émouvant, image du                 laquelle je le respecte infini-     niversaire, Monsieur Franz          de sa légende, reste quand
                                                                                Weber ! de la part de tous les      même une légende, tout sim-
                                                                                animaux, de toutes les              plement parce qu’il n’est pas
                                                                                plantes, et des sanctuaires de      fabriqué, rien n’est du théâ-
                                                                                la beauté que vous avez sau-        tre, tout ce qu’il semble être
                                                                                vés ! Que Dieu vous garde en-       est vrai : le chevalier des ar-
                                                                                core longtemps parmi nous !         bres et des bêtes est un vrai
                                                                                La planète, notre mère la           chevalier, son dévouement
                                                                                Terre, a tellement besoin de        aux causes justes est viscéral
                                                                                vous ! Nous avons tous besoin       et assumé comme un sacer-
                                                                                de vous ! Ne nous abandon-          doce. Ce chevalier-ci est un
                                                                                nez surtout pas !                   croisé, avec tout ce que cela
                                                                                                                    implique de monacal et d’au-
                                                                                Comme dit le proverbe Nul           thentique.
                                                                                n’est un dieu pour son valet de
                                                                                chambre , qui connait trop          Oh ! je le sais : s’il est admiré
                                                                                bien les faiblesses, la face in-    par ceux qui le soutiennent,
                                                                                time cachée, de l’homme qu’il       Franz Weber fut souvent la ci-
                                                                                sert pour être encore impres-       ble de violentes attaques de la
                                                                                sionné par lui. Récemment,          part de détracteurs à l’affût
                                                                                l’épouse d’une très grande star     des défauts de la cuirasse. Au
                                                                                me disait qu’elle ne voulait        cours des décennies écou-
                                                                                pas qu’on approche son mari         lées, certains n’hésitèrent pas
                                                                                dans sa vie privée, pour ne pas     à utiliser la diffamation pour
                                                                                «détruire le mythe». Je com-        abattre une personnalité bien
                                                                                prends cela, ce n’est pas du        trop singulière (au sens pro-
Alika Lindbergh, écrivain et peintre, dans son royaume de fées…                 tout stupide, mais, personnel-      pre) pour ne pas déranger – y
Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
No 100 avril | mai | juin 2012
                                                                                                                       JFW | Suisse         5

compris de puissants lobbys –             possible pour quelqu’un de la        je l’aurais vu tomber à moult     Quelle force ! C’est vraiment
par son incorruptibilité et sa            stature de Franz Weber : s’il        reprises !...                     «un sacré bonhomme» !
persévérance.                             est différent, c’est sa nature, il
                                          ne le fait pas exprès !              En fait, lorsque la part excep-   Il semble infatigable ? Mais
C’est le lot, hélas !, de tout                                                 tionnelle d’un être l’emporte     non : ce serait bien trop facile
être charismatique, de provo-             Ce que j’aimerais en tout cas,       sur l’usure du temps, la lèpre    ! Franz Weber est humain.
quer des jalousies haineuses,             à l’inverse des iconoclastes,        du quotidien et toute fêlure      Mais ce qui le caractérise, en
c’est le prix de l’efficacité de          c’est faire toucher du doigt         possible, il n’en est que plus    revanche, c’est que sans
déclencher de basses ven-                 l’âme sensible et intègre            enthousiasmant. Et j’en té-       drogue d’aucune sorte, sans
geances…                                  qu’enferme l’armure emblé-           moigne : depuis plusieurs dé-     alcool, sans aucun autre «do-
                                          matique de cette force de la         cennies de collaboration,         pant» que sa faculté d’indi-
Pour éviter de tels inconvé-              nature nommée Franz We-              Franz, mon ami, n’a jamais        gnation, il arrive à dépasser la
nients, il faudrait être banal,           ber. Car si nous sommes de           cessé de …m’épater… Je ne         fatigue et va bien au-delà de
sans relief, être un rassurant            vieux amis, non seulement            compte plus les innombra-         ses limites «normales». Même
Monsieur-tout-le-monde                    cela n’a pas fait de moi ce          bles circonstances où je me       épuisé, il s’obstine, s’ac-
comme on en voit trop chez                que les Français appellent           suis dit en moi-même, totale-     croche, avec la persévérance
les hommes politiques… Ce                 un «béni-oui-oui», mais, si          ment bluffée : Quelle fabu-       acharnée des chats. Rien ne
n’est tout simplement pas                 masque factice il y avait eu,        leuse énergie positive !          peut arrêter Franz lorsqu’il
                                                                                                                 veut obtenir justice pour ceux
                                                                                                                 qu’il défend avec une volonté
                                                                                                                 farouche, véritablement ani-
                                                                                                                 male au sens le plus noble, le
                                                                                                                 plus respectueux, que je
                                                                                                                 puisse donner à ce mot.

                                                                                                                 Parce qu’il s’est toujours
                                                                                                                 servi des médias pour alerter
                                                                                                                 l’opinion, et que son nom et
                                                                                                                 son image y jouaient un rôle
                                                                                                                 essentiel, on a beaucoup re-
                                                                                                                 proché à Franz Weber d’avoir
                                                                                                                 un ego surdimensionné…
                                                                                                                 Mais, loin des caméras et de
                                                                                                                 toute publicité flatteuse pour
                                                                                                                 son ego, celui que je connais
                                                                                                                 bien est l’homme bouleversé
                                                                                                                 qui me téléphone au mo-
                                                                                                                 ment où il vient de découvrir
                                                                                                                 une atrocité – une de plus –
                                                                                                                 et où, horrifié, bouleversé, il
                                                                                                                 n’a pas encore maîtrisé le
                                                                                                                 choc que cela lui a infligé.
                                                                                                                 Que la cause à défendre soit
                                                                                                                 difficile, «perdue d’avance»
                                                                                                                 comme le proclament géné-
                                                                                                                 ralement les adeptes de la sa-
                                                                                                                 gesse         démissionnaire,
                                                                                                                 qu’elle soit impopulaire, ou
                                                                                                                 même dangereuse, peu lui
                                                                                                                 importe : dans la voix de ce
                                                                                                                 Juste j’entends autant de
                                                                                                                 douleur que de colère et,
                                                                                                                 déjà, la décision est prise de
                                                                                                                 se lancer au secours des vic-
                                                                                                                 times, dans une bataille qui
                                                                                                                 ne lui laissera aucun répit, ni
                                                                                                                 de jour, ni de nuit, jusqu’à la
1977 - Franz Weber en croisade contre le massacre de bébés phoques au Canada                                     victoire – même si cela doit
Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
6       JFW | Suisse                                                                                                   No 100 April | Mai | Juni 2012

                                      martyre d’un crapaud dont            rement à tant de m’as-tu vu
                                      des enfants sadiques ont crevé       du show-business, il ne porte
                                      les yeux : il y a dans ces vers-là   pas sa compassion en sautoir
                                      un cri de l’âme qui ne permet        clinquant. Et, incidemment,
                                      aucun doute sur la grandeur          j’adore que nonobstant il n’ait
                                      authentique du poète dont on         jamais cru nécessaire non
                                      a si souvent fait passer le goût     plus de s’afficher dépenaillé
                                      de la grandeur pour de la gran-      comme se doit de l’être tout
                                      diloquence. Que ce soit son          écolo-politiquement-correct.
                                      âme ou celle de Franz Weber,         Ses costumes impeccables qui
                                      toutes deux correspondent au         soulignent sa haute et mince
                                      célèbre avis de Cocteau sur les      silhouette, la crinière gris
                                      grands hommes : « Il vit dans        perle toujours nette, les mains
                                      du cristal ».                        soignées, il incarne la dignité
                                                                           suisse : avoir l’air «chic» n’a ja-
                                      Outre ses facultés d’empathie        mais empêché la générosité
                                      avec toute forme de souffrance       d’un peuple toujours prêt à ai-
                                      – de celle du taureau dans           der autrui (et ceci du banquier
                                      l’arène à celle de l’arbre tron-     le plus riche à l’employé le          fabuleuse énergie, sa vie à
                                      çonné, de celle de l’araignée        plus modeste). Et, mon Dieu,          ceux qui ne parlent pas et ne
1980 – Franz Weber dans la forêt de   écrasée à celle de l’Indien          en ce temps de laideur affi-          peuvent se faire entendre.
Giessbach                             d’Amazonie empoisonné, ce            chée et de «laisser-aller», que
                                      que j’aime chez mon ami              cela fait du bien de voir un          Il leur a apporté son amour, et
prendre des années, même              Franz, c’est le rapport aristo-      homme assumer son allure !            son pouvoir de REVE. De
s’il faut recommencer en-             cratique qu’il a avec l’argent,                                            toute manière, le monde pail-
core et encore…                       ce dieu de notre temps de pro-       Franz Weber, dans sa jeunesse,        leté eut été trop étroit pour
                                      fits, dont l’écœurante vulgarité     fut un journaliste et un écri-        lui : il lui fallait la Création
Ce qui me lie à Franz mieux           a détrôné toutes les autres va-      vain de talent. J’ai bien sûr lu      toute entière, cette œuvre de
que n’importe quel contrat,           leurs. Loin de «l’univers impi-      ses livres de combats écolo-          beauté défigurée par les
c’est de l’avoir vu ou entendu        toyable» des parvenus, Franz         giques, mais aussi ses contes         hommes que les poètes appe-
étranglé par les larmes déchi-        n’a jamais permis que l’argent       de jeunesse, où la qualité de         lèrent «Le Paradis terrestre».
rantes de la compassion – au-         soit son maître : il en a fait le    l’écriture autant que le pouvoir
trement dit : de l’AMOUR              serviteur de ses croisades. Il       d’évocation et l’univers poé-         Dans «le Paradis perdu», l’un
pour les animaux. Ces larmes          n’a ni envie ni snobisme vis-à-      tique évoquent les contes des         d’eux (Milton) a écrit : « … La
authentifient l’homme et ses          vis des gens riches, mais en re-     grands romantiques alle-              scène se passait entre les
croisades, elles justifient,          vanche il a de l’admiration          mands qui ont illuminé mon            anges, sur les débris du monde
mieux encore que ses nom-             pour ceux d’entre eux qui sa-        adolescence, et m’ont influen-        détruit… », et j’imagine très
breux triomphes, la stature           vent donner pour sauver ce           cée toute ma vie. Une fois de         bien, comme dans une gra-
du personnage et la confiance         qui doit l’être, que ce soit un      plus, et dans le domaine artis-       vure de Gustave Doré, Franz
que mettent en lui tous ceux          hérisson ou une église ro-           tique cette fois, Franz m’a           assis avec les anges sur un
qui l’entendent et qui l’ai-          mane. A ses yeux, ces riches-là      «épatée». Il eut pu sans aucun        merveilleux nuage, contem-
dent.                                 sont des princes, et ses cama-       doute faire une carrière litté-       plant le spectacle désolant
                                      rades de combat, et il les res-      raire et mener ainsi une vie          d’une terre dévastée, et disant :
Il n’y a ni «truc», ni secret à son   pecte comme tels.                    paisible infiniment moins
impact : c’est la sincérité                                                éprouvante que ne fut (et             « …Bon ! Messieurs, ça suffit !
qu’on sent jaillir du fond de         Sa gratitude envers ceux qui         reste) la sienne.                     Assez de contemplation mo-
son cœur qui emporte l’adhé-          lui donnent les moyens de ga-                                              rose et de parlottes, il faut rele-
sion, et non son talent (fut-il       gner ses causes (dites per-          Mais il a préféré partir en           ver nos manches ! On ne peut
incontestable !) pour ameuter         dues) n’est pas feinte : cela        croisade au nom du respect            pas accepter un tel désastre !
les médias. Car on ne triche          l’émeut profondément.                de la vie sauvage, au nom             Alors… allons-y ! De toute ma-
pas avec ce qui vous brise le                                              d’un idéal de bonté, de               nière, si vous préférez philoso-
cœur, le cri que cela provoque        Désintéressé au point d’avoir        beauté, et d’harmonie univer-         pher, grand bien vous fasse…
rend un son trop juste, comme         hypothéqué sa propre maison          selle. Il a laissé les paillettes     Moi, j’y vais ! J’y vais seul, et
dans le poème de Victor Hugo          pour financer l’une de ses           d’une gloire assurée, tourné          qui m’aime, me suive ! »
(premier président de la pre-         grandes causes, je ne l’ai ja-       le dos à la Jet-Set qu’il fré-
mière ligue contre la vivisec-        mais entendu en faire état,          quentait à travers ses engage-        Et comment ne pas suivre le
tion, ne l’oublions pas) où le        pas plus que de ses nom-             ments de journaliste, et il a         panache de cette crinière ar-
célèbre écrivain pleure sur le        breuses générosités. Contrai-        choisi de donner sa voix, sa          gentée ?                   n
Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
No 100 avril | mai | juin 2012
                                                                                                                                             JFW | Suisse              7

L’Afrique doit redevenir verte !
n   Roger Anderegg

Franz Weber avec 21 journalistes et 25 fours solaires au Sénégal: „L’Afrique doit rede-
venir verte!“

Ça se passait en juin 1985. Je               ambitieuse pour Franz Weber.
me rendais avec Franz Weber,                 Cet homme qui prêche dans le
vingt autres journalistes et                 désert n’a jamais reculé de-
vingt-cinq fours solaires à Sé-              vant une tâche. Le plus éton-
dhoui en Casamance, au Séné-                 nant, et c’est magnifique, c’est
gal, où Franz Weber voulait in-              que Franz Weber n’est ni un
citer la population locale à uti-            rêveur ni un utopiste comme
liser l’énergie solaire pour la              certains, pour des raisons
cuisine et freiner ainsi la défo-            inexplicables, le pensent en-
restation de la zone du Sahel                core et toujours. Avec ses slo-
et, partant, la désertification.             gans, ses campagnes et sa dé-
J'ai notamment gardé en mé-                  termination à remuer ciel et
moire une scène de cette ex-                 terre, il demande toujours
pédition mémorable. Du haut                  l’impossible et finit par l’obte-
de nos 8 000 mètres d’altitude,              nir dans la plupart des cas.
à travers les hublots de l’airbus            Personne ne peut aujourd’hui,
Paris-Dakar, cet inlassable dé-              ni ne pourra à l’avenir parcou-
fenseur de l’environnement                   rir ce merveilleux pays qu’est
regarde le désert de Maurita-                la Suisse sans penser, ne se-
nie : pas un village, pas un ar-             rait-ce que brièvement, à
bre à cent lieues à la ronde,                Franz Weber, et éprouver res-
rien que les couleurs ocres du               pect, admiration et gratitude,
désert, le sable et les pierres.             devant les paysages des lacs
Weber fronce les sourcils et,                de la Haute-Engadine, le vi-
avec opiniâtreté, il formule                 gnoble de Lavaux, les lacs de
ainsi l’objectif de son action :             Thoune et de Brienz, le Sim-
«L’Afrique     doit   redevenir              mental, Lausanne-Ouchy, le
verte.»                                      val d'Anniviers et tous les vil-
Aucun objectif n’est trop                    lages de montagne qui vivent                 Au moyen d’une initiative fédérale, Franz Weber empêche la destruction du Simmental
élevé, aucune aspiration trop                du tourisme.                   n             par une autoroute.
Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
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Un oiseau de paradis parisien
n   Gisela Blau

Un jour d’hiver des années 60,       net, il est difficile de s'imagi-   tes de la radio et de la télévisi-        charmante tragi-comédie avec
au journal St. Galler Tagblatt,      ner comment nous communi-           on, des chanteurs; et quel ne             Anna Karina et Jean-Claude
la réceptionniste nous appela:       quions: par téléphone. Et les       fut pas notre étonnement de               Brialy, la musique de Serge
il y avait quelqu'un à l'accueil     manuscrits arrivaient par la        trouver dans l'enveloppe qui              Gainsbourg, et une courte ap-
qui souhaitait parler à la rédac-    poste.                              contenait son reportage, une              parition de Marianne Faith-
tion Mode – or, cette rédaction                                          photographie de Mireille Ma-              ful), ce fut Franz Weber qui se
n'existait pas vraiment. C’était     Je devais très vite me rendre       thieu, cette petite grande da-            chargea en exclusivité de re-
le directeur junior Hans Zolli-      compte que notre «oiseau de         me, rayonnante et soulevée                chercher et de rédiger la Une
kofer, et moi-même, très jeune       paradis» était en fait un hom-      dans les bras de notre journa-            pour la Schweizer Illustrierte.
rédactrice de la page des mon-       me de lettres qui ne connais-       liste! Lorsque le régisseur suis-
danités, la fameuse «page 5»,        sait pas seulement tous les         se, Pierre Koralnik, tourna le            Quand j'étais en déplacement
installés dans les combles           grands de la mode et des vedet-     premier film en couleurs pour             professionnel à Paris, nous
aménagés de la Kornhaus-             tes de cinéma comme Michèle         la télévision française («Anna»,          nous rencontrions; je me sou-
strasse du vieux St. Gall, qui       Morgan, Jean Gabin, Jane
couvrions également le do-           Fonda, Brigitte Bardot, mais
maine de la mode.                    aussi tout le gratin littéraire
                                     (Georges Duhamel, François
Un homme élancé, vêtu de             Mauriac,      Ionesco,    Jean
turquoise de la tête aux pieds,      Anouilh,      Jean     Cocteau,
jusqu'aux chaussures après-          Georges Simenon, etc.). Je re-
ski, apparut dans l'encadre-         çus bientôt régulièrement le
ment de la porte. Nous n'en          magazine «La Voix des Poètes»
croyions pas nos yeux. Nous          qu'il publiait et dans lequel il
n'avions jamais vu une telle         écrivait à chaque fois une his-
apparition, même à St. Gall,         toire courte – en un français
capitale de la mode. Cette créa-     classique, plein d'élans mysti-
ture d'un autre monde se pré-        ques, de romantisme et
senta: Franz Weber ; il nous ex-     d'esprit théâtral. À mon plus
pliqua qu’il travaillait à Paris,    grand regret, on m’a volé le
où il habitait, et qu'il rédigeait   carton qui en contenait la col-
des articles sur la mode pour le     lection intégrale à l'occasion
compte de la National-Zeitung        d'un changement de bureau.
à Bâle. Les articles qu'il nous
montra nous plurent énormé-          Lorsque j'ai déménagé à Zu-
ment, et nous tombèrent rapi-        rich pour travailler à la rédac-
dement d’accord : l’homme en         tion de la revue Schweizer Il-
habit turquoise allait écrire        lustrierte, je l'ai tout bonne-
pour nous.                           ment emmené Franz avec
                                     moi. Mais il continuait à écrire
Ce fut le début d'une grande et      pour le St. Galler Tagblatt et
formidable amitié. Franz We-         d'autres journaux germano-
ber était un journaliste sé-         phones, et gagna la sympathie
rieux; à Paris, où il connaissait    de Werner Meier, un des der-
dieu et le monde, il écrivait        niers grands rédacteurs en
d’excellents articles, bien re-      chef de la vieille école, qui ont
cherchés, pour la presse écrite      marqué leur temps. W. Meier a
allemande et suisse. Notre col-      tout de suite su apprécier no-
laboration fut intense malgré        tre «oiseau de paradis» pari-
la hargne des vieux messieurs        sien. Franz Weber écrivait sans
grincheux de la rédaction à          relâche pour la Schweizer Il-
l'étage    d’en-dessous.     Au-     lustrierte. Des articles sur des
jourd'hui à l'époque d'Inter-        vedettes de cinéma, des vedet-      Franz Weber avec Mireille Matthieu (Moscou 1967)
Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
No 100 avril | mai | juin 2012
                                                                                                                                  JFW | Suisse            9

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                                                                                                                         Quand il fut question de con-
                                                                                                                         struire un parking souterrain
                                                                                                                         sous les vestiges du château du
                                                                                                                         centre historique de Regens-
                                                                                                                         berg dans le canton de Zurich,
                                                                                                                         Franz Weber se solidarisa avec
                                                                                                                         les défenseurs du patrimoine
                                                                                                                         culturel. Lors du reportage, j'ai
                                                                                                                         loué une armure d’origine, et
                                                                                                                         lui ai demandé de la revêtir, ar-
                                                                                                                         mé d'une lance. Il comprit tout
                                                                                                                         de suite où je voulais en venir:
                                                                                                                         sa photo de chevalier sans
                                                                                                                         peur et sans reproche parti en
                                                                                                                         croisade pour protester contre
                                                                                                                         la destruction du patrimoine
                                                                                                                         culturel, fut publiée par la
                                                                                                                         Schweizer Illustrierte. Le gara-
                                                                                                                         ge souterrain a fini par être
                                                                                                                         construit en 1975, mais avec
                                                                                                                         des modifications positives
                                                                                                                         notables, ce qui permit de pro-
Franz Weber avec Michèle Morgan (Paris 1971)                                                                             téger de manière significative
                                                                                                                         le site du centre-ville. Franz
viens qu’à une occasion, j'ai pu          coiffure les plus connus au         vement de protestation et mit              Weber avait donc réussi une
visiter son antre, un romanti-            monde, et grâce à lui on s'occu-    son talent et ses connaissances            fois de plus à faire bouger les
que appartement à Montmar-                pa de moi gracieusement: Ro-        journalistiques au service de la           choses. Et, il est resté ce preux
tre, aménagé dans les combles,            sita Carita en personne est ap-     nature. Aujourd'hui encore                 chevalier qui continue à se bat-
avec vue sur les toits de Paris.          parue avec ses ciseaux dorés, a     nous nous chamaillons pour                 tre courageusement pour ses
Etait-il au 20ème ou au 6ème              ébouriffé mes cheveux mouil-        savoir lequel des deux jour-               idéaux, en mettant son élo-
étage ? Je ne sais plus; en tout          lés et décrété: «mais c’est déjà    naux, la Coop-Zeitung ou la                quence hors du commun au
cas, arrivée en haut, j'étais             très bien coupé!». Ensuite, elle    Schweizer Illustierte, a été le            service de la nature, sans ja-
hors d'haleine: le vieil ascen-           indiqua à la coiffeuse ce qu'el-    premier à publier sa story sur             mais devenir sectaire. Cette
seur brinquebalant était tombé            le avait à faire. À la sortie,      la lutte pour la préservation de           lutte est son élixir de jouvence.
en panne. Aujourd’hui, son ap-            j'avais la même tête que toutes     Surlej. Ensuite, il s'est engagé
partement actuel ne se trouve             les femmes qui sortaient du sa-     pour le lac de Sempach où une              Franz, à l'occasion de tes 85
pas très loin. Il me semble me            lon Carita, mais mon coiffeur       frêle demoiselle, du nom de                printemps, nous te souhaitons
souvenir que sa petite voiture,           Wiederkehr, qui n'existe plus       Judith, s'engageait aussi – et ce          un très heureux anniversaire –
une Fiat décapotable, était               depuis longtemps, dans la Lö-       qui devait arriver arriva: Ju-             et encore de nombreuses et in-
bien sûr de couleur turquoise             wenstrasse à Zurich, faillit        dith est devenue Judith Weber,             trépides années!            n
elle aussi. Franz Weber m'a               éclater d’orgueil quand je lui
montré une de ces places pré-             rapportai ce compliment de la
férées; d’ailleurs c’est au-              grande «Rosita».
jourd'hui encore un de mes
endroits favoris à Paris: la mi-          Un jour, à la fin d'un bel été,
nuscule petite place Furstem-             Franz m'a appelée à la rédac-
berg à Saint-Germain-des-Prés,            tion. Il avait l'air bouleversé :
avec son candélabre-boule à               «ils veulent détruire mon En-
l’ancienne et ces arbres vénér-           gadine!» En effet, pendant les
ables.                                    vacances, il avait eu vent des
                                          projets de construction à Silva-
Un jour il est venu me cher-              plana-Surlej. Franz Weber est
cher et, au lieu d'aller déjeu-           alors passé du rôle de journa-
ner entre deux rendez-vous, il            liste valeureux, à celui de va-
m'a menée voir les sœurs Cari-            leureux protecteur de l'envi-
ta dans un de leurs salons de             ronnement. Il lança un mou-         1965 en Haute Engadine : Franz Weber proclame la création de «Pro Surlej»
Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
10      JFW | Suisse                                                                                                                   No 100 avril | mai | juin 2012

Les secrets de Franz le magnifique
n   Marc Ambroise-Rendu

Voici plus de 35 ans j'ai eu le
privilège, grâce à mon métier
de journaliste et rédacteur au
journal Le Monde chargé de
l'environnement, de faire la
connaissance de Franz Weber.
On devine pourquoi: relater
l'un des multiples combats
qu'il a livrés contre la bêtise
destructrice. Et chaque fois
que nous nous retrouvons
j'éprouve le même étonne-
ment devant la flamboyance
du personnage, la pertinence
de ses méthodes et.... ce qu'il
faut bien appeler en langage
guerrier ses «victoires».

En trois décennies et en spé-
cialiste du mouvement asso-
ciatif j'ai eu le loisir d'analyser
cette réussite, hélas trop ex-        Sauvetage des forêts alluviales du Danube (Hainburg près de Vienne) : Discours flamboyant de Franz Weber devant 12'000 citoyens
ceptionnelle. Je la crois fondée
sur au moins six éléments.            communication efficace. On                 lant au secours de sites dans               A 85 printemps, Franz Weber
                                      ne mobilise pas l'opinion en               plusieurs pays d'Europe                     serait vexé qu'on le classe mo-
- D'abord un attachement au           jouant les Cassandre mais en               (Suisse, France, Allemagne,                 nument historique. Mais il ac-
patrimoine naturel et bâti si         pointant les massacreurs de                Autriche, Grèce) Franz est le               ceptera que nous lui décer-
profond qu'il génère l'iné-           notre planète et en organisant             Dunant de l'environne-                      nions le «Prix Nobel de l’Eco-
branlable conviction que ce           la contre-attaque. Franz est le            ment.                                       logie»                       n
trésor doit être défendu bec et       premier acteur et le metteur
ongles. Franz a la foi qui sou-       en scène de ses combats.
lève les montagnes.
                                      - La conviction que l'on peut
- Une personnalité coura-             faire barrage aux intérêts fi-
geuse, généreuse et imagina-          nanciers et à la mégalomanie
tive. On ne lutte pas pour un         des aménageurs en mobili-
avenir meilleur sans imagi-           sant les simples citoyens.
ner ce qu'il pourrait être. En        Franz est un authentique
ce sens Franz est un rêveur,          auxiliaire de la démocratie.
mieux, un visionnaire.
                                      - Le choix du champ de ba-
- Une totale indépendance à           taille.   Pour    l'emporter
l'égard des idées reçues, des         contre les puissants il faut
schémas idéologiques en               une grande cause, au moins
vogue, des partis politiques et       symbolique et supra natio-
des puissances économiques.           nale, ainsi que des alliés qui
Franz est incontrôlable et            occupent le terrain après la
donc crédible.                        charge.     Autrement      dit
- Une connaissance profes-            échapper au «nimby» sans                   Sauvetage des forêts alluviales du Danube : Franz Weber est soutenu dans sa lutte par
sionnelle des règles d'une            oublier les réalités. En vo-               Konrad Lorenz, Prix Nobel
No 100 avril | mai | juin 2012
                                                                                                                                            JFW | Suisse                11

Farouchement indépendant
n   René Langel

J’ai connu Franz Weber en
1965. Il déboula un jour dans
mon bureau de la Tribune-Le
Matin, incité en cela par Clau-
de Langel qui l’avait côtoyé
dans le monde étincelant de la
haute-couture parisienne. Il
voulait sauver Surlej, un mo-
deste village de l’Engadine,
que les maquereaux de l’alti-
tude s’apprêtaient à dénaturer
en une ville touristique de
24'000 habitants. Ce coup de
force inédit à l’époque – qui
aurait songé à se battre pour
un paysage? – lui valut une pa-
ge entière en exclusivité dans
la Tribune-Le Matin-Diman-
che. Je me retrouvai ainsi le
seul journaliste romand à as-              Sauver Lavaux : les premières signatures déversées à Berne par des vignerons vaudois (1973)
sister au grand gala du Dolder
à Zurich, où ce nouveau Don                depuis les cabines publiques                Loup solitaire, il le restera, ne
Quichotte parvint à recueillir             zurichoises pour mobiliser                  s’entourant que de deux ou
des centaines de milliers de               des notables, des hommes                    trois collaborateurs. Solitaire
francs qui servirent à acheter             d’affaire, des vedettes du                  parce qu’indépendant, farou-
des bandes de terre aux quatre             spectacle. Pas de bureau, pas               chement. Il sait bien que tou-
coins de la commune, blo-                  de secrétaire. Et solitaire, il le          te alliance, toute compromis-
quant tout aménagement                     restera longtemps encore,                   sion mène au conflit d’inté-
d’envergure. Désormais, une                jusqu’à cette rencontre d’une               rêt, à la dépendance. Ne rien
vocation irrésistible l’habitait           jeune passionnée du nom de                  devoir à personne n’est
qu’il allait déployer avec une             Judith qu’il épousa. Ils pour-              qu’une des conditions néces-
énergie, une opiniâtreté, une              suivirent ainsi à deux cette                saires à la victoire. La bataille
constance jamais prises en dé-             bataille inlassable pour la na-             exige aussi une stratégie dans
faut. J’en fus le témoin attentif          ture, pour les animaux, pour                laquelle Franz Weber excelle-
jusqu’à aujourd’hui.                       le paysage et sa beauté. Puis,              ra, déployant des compé-
                                           plus tard, à trois avec leur fille          tences juridiques et politi-                Sauver Ouchy : Il fallait 3 initiatives popu-
Il était seul en 1965 à multi-             Vera qui brandit déjà très                  ques inédites. Sa guerre con-               laires cantonales (1974 – 1981) à Franz
plier les coups de téléphone               haut le flambeau de la cause.               tre la bretelle d’Ouchy en                  Weber pour empêcher la bretelle auto-
                                                                                       témoigne au cours de laquel-                routière dite «La Perraudettaz» qui aurait
                                                                                       le il déclencha des initiatives             détruit les célèbres jardins de Lausanne-
                                                                                       en cascade pour faire annuler               Ouchy.
                                                                                       le projet fédéral.
                                                                                                                                   sons l’y incitent, il adaptera
                                                                                       Loup solitaire, il saura néan-              toujours sa conduite aux cir-
                                                                                       moins se faire chef de meute                constances. Ses multiples tri-
                                                                                       pour conduire maints oppo-                  omphes le montrent à l’évi-
                                                                                       sants à la victoire. Autoritaire,           dence.
                                                                                       exigeant, péremptoire souv-
                                                                                       ent, provocant même – une                   Un tempérament de samou-
                                                                                       manière de créer l’événe-                   raï au service de la tendresse,
                                                                                       ment –, mais aussi fin diplo-               car derrière l’armure bat un
Haute Engadine – La Vallée de la Lumière                                               mate lorsque de bonnes rai-                 cœur de poète.               n
12     JFW | Suisse                                                                                                     No 100 avril | mai | juin 2012

Franz Weber, l’intrépide défenseur de la
nature et de la civilisation
n   Komnen Becirovic

Ma première rencontre avec                                                   émeraude gonflées par la           forts furent nécessaires, et le
Franz Weber s’est faite sous                                                 fonte de neiges : «Mais c’est      sont toujours, afin que la ré-
les auspices d’Apollon, dieu                                                 une symphonie de Beethoven         gion de Moratcha, avec la to-
de la lumière. En fait, j’avais                                              !» Puis, face à la magnifique      talité de son héritage, soit sau-
vu par hasard, je crois en                                                   église de l’Assomption sise        vée et mise sous la protection
1987, une émission à la Télé-                                                sur une falaise à la sortie du     de l’organisation internatio-
vision française, consacrée à                                                canyon: «La prière accomplie       nale.
Franz Weber lors de sa cam-                                                  dans la pierre!», avant de dé-
pagne pour empêcher l’im-                                                    couvrir durant la liturgie célé-   Il reste que Moratcha, Stoudé-
plantation d’une industrie dé-                                               brée par le métropolite Am-        nitsa, Kosovo constituent
vastatrice et polluante dans                                                 philochie,    ce     panthéiste    trois titres de gloire, parmi
un des sites les plus célèbres                                               grave, recueilli, tel un fidèle,   tant d’autres, que Franz We-
du monde antique, celui de          Franz Weber 1988 dans les Gorges de la   sous les hautes voûtes multi-      ber a gagnés en défendant,
Delphes abritant le sanc-           Moraca                                   séculaires ornées de fresques      par ses nombreuses cam-
tuaire d’ Apollon. C’est là que                                              dont Saint Elie au désert qui,     pagnes menées pendant un
je pris connaissance de l’ac-       ces projets néfastes. En                 de par l’attitude pensive du       demi-siècle, la culture, la na-
tion qu’il menait ou plutôt de      même temps, les deux hauts               saint, constitue une des plus      ture, la création partout où
la mission qu’il accomplissait      lieux de la nation serbe, les            réussies métaphores imagées        elles ont été menacées dans
en vue de protéger les œu-          monastères médiévaux de                  de l’interrogation humaine. Il     le monde. Et puisque, mal-
vres de la nature et de la civi-    Moratcha et de Stoudénitsa,              en alla de même le jour sui-       heureusement, il n’existe pas
lisation, menacées par l’in-        véritables joyaux de l’archi-            vant dans la laure royale de       de prix Nobel de l’Ecologie, il
conscience et la cupidité des       tecture et de l’art universels,          Stoudénitsa, édifiée dans une      faudrait instaurer un équiva-
hommes.                             s’élevant sur les bords de ces           nature plus calme, où le su-       lant qui porterait fièrement le
                                    rivières, se seraient trouvés            blime Crucifix peint sur le        nom de Franz Weber et qui ré-
Cela venait comme un don du         mortellement menacés par                 mur occidental du sanctuaire,      compenserait ceux qui, à son
ciel, car à l’époque, le gouver-    l’action des eaux souterraines           nous accueillit aux chants sa-     exemple, se dévouent sans li-
nement yougoslave, passant          et par l’effet de l’humidité.            crés des moines s’unissant au      mites au combat pour le salut
outre à l’opposition de l’opi-                                               chant immémorial de la ri-         de notre planète, de notre
nion publique, avait déve-          Naturellement, j’écrivis aus-            vière éponyme.                     survie et de notre existence
loppé une activité intense          sitôt à Franz Weber dont la                                                 sur cette terre avec tout ce
pour la construction de cen-        réaction fut immédiate, si               Il n’en aurait pas fallu autant    qu’elle porte, dans sa marche
trales hydrauliques dans la         bien qu’il se rendit, d’abord            pour que Franz Weber prît sa       parmi les constellations, de
vallée de la Moratcha au Mon-       seul avec moi, puis accompa-             décision et donnât à l’affaire     sensé, de beau, de magni-
ténégro, qui se trouve être         gné d’un groupe de journa-               de Moratcha et de Stoudé-          fique, de sublime, qu’il soit du
mon pays natal, et de la Stou-      listes, à Moratcha et à Stou-            nitsa des dimensions interna-      domaine humain ou divin n
dénitsa en Serbie, nécessitant      dénitsa dont les sites abritant          tionales, faisant ainsi s’éloi-
l’édification de barrages et la     des monuments historiques                gner définitivement le dan-
formation de lacs artificiels       provoquèrent son admira-                 ger qui planait sur ces biens
qui auraient englouti ou me-        tion. Je le vois et l’entends            uniques de la nature, de l’his-
nacé des biens inestimables         encore en ce début d’avril               toire et de la culture. Effecti-
précisément de la nature et         1988, alors que, venant de               vement, Stoudénitsa fut bien-
de la civilisation. En effet, des   Podgorica, nous nous enfon-              tôt inscrite sur la liste du pa-
canyons vieux de dizaines de        cions dans le canyon de la               trimoine de l’Unesco et
millions d’années, la flore         Moratcha, s’exclamer : «Nous             Moratcha était sur le point de
unique s’y étant développée         voici dans la cathédrale de              l’être, lorsque le gouverne-
au cours des âges, des sites        l’éternité !» Et devant le spec-         ment du Monténégro fit
préhistoriques datant de 120        tacle de la Moratcha roulant             marche arrière en s’obstinant
mille ans, devaient disparaî-       dans les profondeurs de                  dans sa logique diluvienne,        Franz Weber à Studenica en conversation
tre, en cas de la réalisation de    l’abîme ses vagues blanc-                de sorte que de nouveaux ef-       avec des prélats
JFW | Suisse        13
No 100 avril | mai | juin 2012

Une avenue Franz Weber?
n   Slobodan Despot

                                                                                                         banquise arctique au désert
                                                                                                         australien, des enclaves de
                                                                                                         nature et d’harmonie incrus-
                                                                                                         tées dans le tissu artificiel de
                                                                                                         la     civilisation   moderne
                                                                                                         comme des pas de géant dans
                                                                                                         la glaise. Traces durables
                                                                                                         d’une bataille titanesque, où
                                                                                                         il aura investi toute sa per-
                                                                                                         sonne, contre les pouvoirs,
                                                                                                         les intérêts, l’argent, et sur-
                                                                                                         tout contre ce que les esprits
                                                                                                         dociles appellent le «sens de
                                                                                                         l’histoire».

                                                                                                         Or le sens de notre passage
                                                                                                         sur terre est-il de devenir les
                                                                                                         ratés de notre propre planifi-
                                                                                                         cation, les rouages de nos pro-
                                                                                                         pres machines, les esclaves
                                                                                                         de notre propre volonté de
                                                                                                         contrôle universel ? Non,
                                                                                                         bien sûr ! Tout le monde s’en
                                                                                                         défend, mais tout le monde
                                                                                                         n’est    pas     sincère.   Au
Franz Weber à Delphes                                                                                    contraire : la plupart s’en re-
                                                                                                         mettent, hypocritement, aux
Que l’on se rassure : il n’y a     Comme tous les grands vi-           l’action associative et donc      promesses d’un progrès maté-
pas d’avenue Franz Weber.          sionnaires, Franz Weber aura        anonyme. Depuis que je le         riel qui ne fait qu’ajouter des
Les villes de Suisse et du         heurté de front la raison do-       fréquente, j’entends ses ad-      problèmes plus nombreux et
monde regorgent de grands          minante de son temps — tout         versaires dire qu’il se mêle de   plus graves à ceux qu’il pré-
boulevards dédiés à des admi-      en recueillant un soutien           ce qui ne le regarde pas, qu’il   tend résoudre. Nous capitu-
nistrateurs oubliés de longue      mystérieux et puissant : celui      irrite inutilement, qu’il dé-     lons tous, à un moment ou à
date ou à des leaders poli-        de notre part d’intuition, de       lire, qu’il ne connaît pas le     un autre, et de manière pré-
tiques qui ont fasciné leur        vertu et d’innocence. Bref, de      «fond du problème». Qu’il est     dominante. Comment expli-
époque mais que l’histoire,        l’enfant qui sommeille en           simpliste. Qu’il est fou.         quer, sinon, cette contradic-
souvent, a fini par classer du     nous et que toutes les sa-                                            tion absolue de l’«écologie»
côté des vaines gloires ou,        gesses du monde nous exhor-         Que de compliments ! Car il       devenant un nouvel argu-
pire, des prévaricateurs.          tent à retrouver. Son enfant        fallait bel et bien être sim-     ment de vente et de consom-
                                   intérieur, Franz Weber ne l’a       pliste et fou pour entrepren-     mation de masse ?
Franz Weber n’a, heureuse-         jamais quitté. Il n’hésite pas,     dre ce qu’il a entrepris. Pour
ment, pas encore eu droit à        dans ses combats, à provo-          élever des barrages de fleurs     Franz Weber est l’un des rares
de telles distinctions. C’est      quer, à extrapoler, à bomber        contre le béton armé, brandir     qui n’entrent pas dans ce cy-
qu’il est vivant et bien vivant.   le torse. Tel un conteur naïf       la beauté féminine contre le      cle des bonnes intentions et
C’est, aussi, qu’il ne semble      des temps anciens, il sait trier    carnage animal, expliquer         des mauvaises excuses. Il a
pas en odeur de sainteté chez      les faits pour ne retenir, en les   aux Grecs que leur histoire       compris que le développe-
ceux qui ont le pouvoir de les     exagérant, que ceux qui ser-        passe avant la sidérurgie et      ment d’une science sans âme
octroyer. Son soutien, c’est de    vent sa cause. Ce lion, fier et     aux Vaudois que leur paysage      nous retire autant d’huma-
l’homme de la rue qu’il est        avantageux, se sert de sa pro-      vaudra toujours plus cher que     nité et de vertu qu’il nous oc-
venu, et non des officiels qui     pre personne comme d’un             son estimation foncière. Ce       troie de confort. Il a compris
baptisent les rues mais qui ne     étendard lorsque la plupart         chevalier qu’on aime à bro-       que notre destin est notre af-
s’y attardent pas.                 de ses alliés ne croient qu’à       carder aura disséminé, de la      faire et qu’aucun ingénieur,
14       JFW | Suisse                                                                                                                  No 100 avril | mai | juin 2012

                                                                                      nant par là même au sens                 tection de la diversité et de la
                                                                                      originel, grec, de ce mot.               richesse du patrimoine hu-
                                                                                      Poïésis, l’action ! Son œuvre            main. Sa défense acharnée
                                                                                      ne traduit pas seulement                 du moindre cep de vigne, du
                                                                                      l’esthétique du poète, mais              dernier phoque de la ban-
                                                                                      aussi son intelligence tout in-          quise est un symbole et un
                                                                                      tuitive. Franz Weber a com-              message adressé à l’âme de
                                                                                      pris que le vice de la surcon-           chacun. Lui rappelant que
                                                                                      sommation, du gaspillage et              «l’homme ne vit pas de pain
                                                                                      de la destruction insensée de            seulement»,      comme       dit
                                                                                      l’environnement n’est que le             l’Évangile, mais aussi de
                                                                                      symptôme du mal profond                  beauté, d’amour et de véné-
                                                                                      qui ronge l’homme moderne.               ration. Et que c’est par là,
                                                                                      Son combat pour la préserva-             justement, qu’il est humain.
                                                                                      tion de la diversité animale,
                                                                                      des traditions et des pay-               Vive Franz Weber, l'un des
                                                                                      sages est, au fond et avant              derniers hommes encore de-
                                                                                      tout, un combat pour la pro-             bout!                    n

Athènes 1976 : Dans sa lutte pour Delphes, Franz Weber a trouvé en Mélanie Mercouri
une alliée de poids.

aucun gourou, aucun leader                depuis l’enfance et qui n’est
ne résoudra notre conflit                 qu’un formatage préalable à
mortel avec le monde qui                  notre intégration résignée et
nous entoure si nous ne com-              définitive dans la mécanique
mençons par nous y attaquer               industrielle.
nous-mêmes. Et il sait que ce
que les rats et les bourgeois             L’action de Franz Weber au
appellent du délire poétique              cours de ces quarante der-
est la sagesse suprême : que              nières années constitue une                 Bébé phoque : symbole et message adressé à l’âme de chacun…
seul l’idéalisme extrême, et              somme poétique. Ayant re-
non la froide rationalité, nous           noncé, dès la lointaine cam-
permet d’échapper à l’escla-              pagne pour Surlej, aux Gri-
vage du profit, motivé par
une fausse rationalité, maté-
rialiste et inerte, inculquée
                                          sons, à sa carrière littéraire,
                                          Franz Weber a transposé sa
                                          poésie dans l’action. Reve-
                                                                                      Un homme nécessaire
                                                                                      Franz Weber est pour moi un              un manipulateur positif, qui
                                                                                      personnage de roman, un hé-              aura sa statue dans cent ans
                                                                                      ros mystérieux et complexe               en plusieurs endroits de la
                                                                                      dont je connais les hauts faits,         planète. Et les petits enfants,
                                                                                      les conquêtes, sans pourtant             alors, entendront leurs pa-
                                                                                      connaître le fond de son âme.            rents leur expliquer ce qu’ils
                                                                                      Il est un observateur du mon-            doivent à cet homme qui fai-
                                                                                      de, un homme nécessaire qui              sait parfois semblant de dor-
                                                                                      jalonne son chemin de coups              mir pour mieux réapparaître,
                                                                                      de gueule et de coups de                 surprendre, agir, vaincre.
                                                                                      poing, de coups de cœur, de              Franz Weber, c’est cela, est un
                                                                                      coups de pub et de coups                 homme nécessaire et je le sa-
                                                                                      d’ego, qui sont en fin de                lue. Franz Weber devait exis-
                                                                                      compte bons pour les hu-                 ter, il existe.
                                                                                      mains qui ne savent pourtant             Café sur une terrasse de La-
                                                                                      pas toujours lui dire merci. Je          vaux un de ces jours, Franz ?
Le vignoble de Lavaux, aujourd’hui patrimoine mondial de l’UNESCO                     dirais que c’est un stratège,                           n Philippe Dubath
No 100 avril | mai | juin 2012
                                                                                                                                 JFW | Suisse        15

                                                                                                                          tant encore loin de la victoire,
Initiative sur les résidences secondaires                                                                                 nous en avions conscience, et
                                                                                                                          nous devions éviter de nous
Quand le peuple suisse écrit                                                                                              bercer d’illusions parce que
                                                                                                                          notre position semblait favora-
                                                                                                                          ble.» Claude Longchamp, le di-
une page de son histoire                                                                                                  recteur de l’enquête chez gfs,
                                                                                                                          avait indiqué que ces résultats
                                                                                                                          intermédiaires ne présu-
«L’idée du’ profit à tout prix’ creuse la tombe de l’humanité. Nous devons com-       SSR. Selon ce sondage, 61 %         maient en rien du vote réel. Il
battre cet esprit, qu’il s’appuie sur le commerce des armes, la production indus-     des 1 208 personnes interro-        était fréquent, expliquait-il,
trielle d’animaux de consommation, ou encore la déforestation et la destruction       gées à la fin du mois de janvier    qu’au cours d’une campagne
du paysage… Nous y arriverons. Car je crois profondément en l’homme. Je sais          soutenaient l’initiative popu-      de votation, les partisans per-
que ce qui est bon en lui, vaincra ! »                              Franz Weber       laire «Pour en finir avec les       daient du terrain tandis que
                                                                                      constructions envahissantes         les opposants en gagnaient. Et
                                                                                      de résidences secondaires», 12      en effet, le deuxième baromè-
n   Hans Peter Roth                                                                   % étaient encore indécises,         tre publié le 29 février indi-
                                                                                      tandis que 27 % désapprou-          quait, avec 52 %, une approba-
Gagner une initiative po-                 sons amovibles. Les premiers                vaient l’initiative. 85 % du pa-    tion en recul. Il était clair que
pulaire nationale contre                  membres du comité d’initia-                 nel interrogé approuvait la po-     la partie serrait serrée et que
                                          tive viennent d’arriver et cher-            sition des auteurs qui considè-     le suspens resterait entier
l’expansion immobilière
                                          chent à s’orienter dans cette               rent que les communes               jusqu'au 11 mars.
galopante ayant pour ob-
                                          grande salle lumineuse en                   comprenant un trop grand
jectif de limiter désormais               train d’être aménagée pour                  nombre de résidences secon-         11 mars 2012, 11 heures. Tout
à 20 % par commune le                     l’occasion. La voiture de la Té-            daires sont en train de se trans-   est prêt. Les affiches, les
taux de résidences secon-                 lévision suisse est déjà garée,             former en villes fantômes. 84       écrans, les câbles sont tendus,
daires… le combat sem-                    les techniciens déroulent des               % étaient enfin d’avis que les      tout est connecté. Les tables,
blait perdu d’avance. Mais                centaines de mètres de câble                résidences secondaires font         l'estrade, le buffet sont dres-
l’urgence manifeste de la                 dans le hall aux allures de                 exploser les prix immobiliers       sés. Le soleil déjà ardent du
cause, le souci du peuple                 foyer. Par la façade vitrée, la             et défigurent le paysage.           mois de mars perce la couver-
                                          vue sur la ville est époustou-                                                  ture de nuages et inonde le
suisse qui voit son sol dis-
                                          flante.                                     «Issue indéterminée et              foyer à travers les grandes
paraître mètre carré par                                                              suspens»                            baies vitrées. L’espace presse
mètre carré sous le béton,                Les perspectives étaient belles             Vera Weber se souvient : «Ces       dispose de six postes de travail
qui voit la beauté de ses                 aussi, ce 3 février 2012, après             premiers résultats ont donné        avec connexion Internet. Plus
paysages s’amoindrir à vue                la publication d’un premier ba-             des ailes à l’équipe. Pour la       les préparatifs avancent, et
d’œil, et sa volonté absolue              romètre des intentions de                   première fois se faisait jour       plus, avec le désoeuvrement
de garder ce patrimoine,                  votes réalisé par l’institut de             l’idée que ce combat pouvait        croissant, les partisans se sen-
tous ces facteurs ont fini                sondages gfs.bern pour la SRG               être gagné. Nous étions pour-       tent fébriles. La tension
par mener à la victoire
cette initiative populaire
de Franz Weber. Vivez avec
nous les moments hale-
tants avant l’annonce des
résultats du scrutin.

Dimanche 11 mars 2012. Il est
neuf heures. Le hall du Kur-
saal de Berne commence à
s’animer. La grande salle n’est
pas encore décorée. Dehors,
un vent léger pousse devant
lui des nuages bas. Vont-ils se
dissiper ? On voit déjà apparaî-
tre ici et là un bout de ciel. Des
employés embauchés pour
l’occasion installent des cloi-           Dimanche de votation: Vera Weber interviewée par la télévision
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