Numéro 1 0 0 - Fondation Franz Weber
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Fondation Franz Weber: la griffe d’une protection animale efficace En faveur des animaux et de la nature Notre travail est au service de la collectivité Les actions de la Fondation sont motivées par la con- viction que les animaux dans leur ensemble en tant que partie intégrante de la création, ont droit à l'exis- tence et à l'épanouissement dans un habitat conven- able, et que l'animal individuel en tant qu'être sensi- ble a une valeur et une dignité que l'homme n'a pas le droit de mépriser. Aussi bien dans ses campagnes de protection et de sauvetage de paysages, que dans celles d'animaux per- sécutés et torturés, la Fondation s'efforce inlassable- ment d'éveiller en l'homme sa responsabilité vis-à-vis de la nature et d'obtenir pour les peuples d'animaux un statut juridique parmi les institutions humaines leur garantissant protection, droits et survie. Quand tout semble vain, quand tous les La FFW, reconnue d'utilité publique, est exonérée espoirs s’en vont, quand on est saisi d'impôts. Pour pouvoir continuer à remplir ses gran- d’accablement face à la destruction de la des tâches au service de la nature et du monde ani- mal, la Fondation devra toujours faire appel à la gé- nature et à la misère des animaux persécutés nérosité du public. Politiquement indépendante, subventionnée ni par l'économie, ni par les pouvoirs et torturés…on peut encore se tourner vers la publics, elle dépend entièrement des seuls dons, do- Fondation Franz Weber . nations, legs, etc... Aidez-nous ! Chaque don, aussi modeste soit-il, est important et reçu avec gratitude. Comptes: SUISSE: Banque Landolt & Cie, ch de Roseneck 6, CH-1006 Lausanne, CCP 10-1260-7, compte Fondation Franz Weber, IBAN CH76 0876 8002 3045 0000 3 ou compte postal 18-6117-3 Fondation Franz Weber, 1820 Montreux 1 IBAN CH31 0900 0000 1800 61173 FRANCE: Crédit Agricole Alpes Provence, Avignon, Compte Fondation Franz Weber no 9483909 3 133, Code établissement 11306, Code Guichet 00084, Clé R.I.B 59, BIC AGRIFRPP813, IBAN FR76 1130 6000 8494 8390 9313 359 SVP, préférez le E-Banking www.ffw.ch FONDATION FRANZ WEBER Case postale, CH-1820 Montreux, Tel. 021 964 37 37 oder 021 964 24 24, Fax 021 964 57 36, E-mail: ffw@ffw.ch, www.ffw.ch
No 100 avril | mai | juin 2012 JFW | Editorial 3 Animaux Hommage Chevaux-éboueurs d’Argentine Sanctuaire de chevaux >>21 Tauromachie La corrida et les enfants >>25 Afrique Le paradis des éléphants existe-t’il? >>27 Chasse aux phoques canadienne >>31 C’est vrai qu’il est beaucoup question de Franz Weber dans ce nouveau numéro, beaucoup plus que d’habitu- Suisse de. Nous serions presque tentés de nous en excuser. Franz Weber Hommages >> 4 Mais nous sommes innocents. Ce sont les Parques qui 100 numéros du Journal Franz Weber >> 18 ont arrangé les choses ainsi. Nature Etrange, en effet, comme tout coïncide pour Franz ces Résidences secondaires Vote historique du peuple suisse >> 15 mois-ci. Gagnée, la votation sur les résidences secon- daires ! 25 ans de Journal Franz Weber ! Et le numéro Société 100 qui sort ce mois de juin, comme le premier en juin 1987 ! Et le 85ème anniversaire de Franz le 27 juillet ! Giessbach Entre passé et présent >> 33 Il y a 50 ans à Paris >> 37 C’est pourquoi nous sommes heureux et honorés de dédier à notre rédacteur en chef, la première partie du Journal No 100, de lui présenter les hommages de ses amis et, tel un bouquet de roses, nos meilleurs vœux de bonheur. L’équipe de rédaction Celle qui, depuis bientôt 40 ans, partage sa vie en tant Numéro 100 Les sept merveilles de Franz Weber design: qu’épouse et collaboratrice, tient à dire, elle aussi, un Sylvie Pusztaszeri mot très personnel à Franz : « C’était en 1972 lorsque j’ai entendu cette nouvelle inouïe à la radio : Franz Engadine, Lavaux, Weber a gagné en Engadine ! Cela m’avait remplie Giessbach, Delphes, d’une profonde, d’une immense joie. Mais tu n’étais phoques, qu’un mythe pour moi à cette époque-là. Jamais je éléphants n’aurais osé rêver qu’un jour je pourrais te rencontrer. d’Afrique, Or, le destin nous a réunis ! Et tu as allumé en moi cet- chevaux sauvages te flamme qui ne s’éteint jamais. C’était mon destin de d’Australie te rencontrer. Et c’est mon métier d’aimer un grand homme et de le servir du mieux que je peux dans sa grande tâche. » Impressum Judith Weber Editeur: Franz Weber pour la Fondation Franz Weber et Helvetia Nostra Rédacteur en chef: Franz Weber Rédaction: Judith Weber, Walter Fürsprech,Vera Weber, Alika Lindbergh Mise en page: Fabian Dreher, Ringier Print Adligenswil AG, Vera Weber Impression: Ringier Print Adligenswil AG Rédaction, Administration: Journal Franz Weber, case postale, CH-1820 Montreux (Suisse), tél 021 964 24 24 ou 964 37 37. Fax: 021 964 57 36. E-mail: ffw@ffw.ch – Site internet: http://www.ffw.ch Abonnements: Journal Franz Weber, abonnements, case postale, 1820 Montreux, Tél. 021 964 24 24 ou 964 37 37 Tous droits réservés. Reproduction de textes, de photographies ou d’illustrations avec la permission de la rédaction seulement. Toute responsabilité pour des manuscrits, des livres ou autres documents (photos, etc) non commandés est déclinée. CCP: Si vous désirez soutenir le journal ou l’œuvre de Franz Weber par un don, veuillez l’adresser au CCP 18-6117-3, Fondation Franz Weber, 1820 Montreux.
4 JFW | Suisse No 100 avril | mai | juin 2012 Franz Weber, ce stupéfiant octogénaire ■ Alika Lindbergh Il parait qu’il a 85 ans !... Mais courage absolu : une petite ment : parce que je pense lement – peut être parce que ce stupéfiant octogénaire n’a mante religieuse figée au mi- qu’en effet il a la foi qui sou- je trouve que faire tomber les rien perdu de sa fougue lé- lieu d’une route de Provence lève les montagnes, parce idoles de leur piédestal en dit gendaire : Franz Weber reste où fonçait à tombeau ouvert qu’il nous a effectivement plus long sur les iconoclastes le fer de lance de la protec- un énorme camion – droit sur prouvé que la DETERMINA- que sur les idoles – j’ai ten- tion de la nature et de tout ce elle. TION, envers et contre tout et dance à croire au contraire qui vit, souffre, ou est me- tous, peut venir à bout des que nul mieux qu’un « valet de nacé dans notre monde dé- Si beau, si élégant, dans sa ignominies, et vaincre des co- chambre » (ou son équivalent) boussolé, ou plus que jamais translucide armure couleur losses. Parce que – sans ja- ne peut connaitre la dimen- règne la barbarie, fût-ce sous de feuille tendre, le minus- mais perdre sa lucidité – il sion et l’authenticité d’un per- une forme sournoise. A l’âge cule David se dressait en pos- reste obstinément positif au sonnage mythique. Dépouillé où tant d’autres sont en ruine, ture d’attaque, bouleversant milieu de l’Enfer, convaincu des oripeaux de la royauté, un cet homme est un monument d’audace, face au gigantesque de la puissance de l’AMOUR vrai roi, sûr, reste un roi. de la lutte la plus authenti- Goliath de ferraille qui se et du BIEN. quement altruiste qu’il y eut ruait sur lui : C’est dans cet esprit que jamais, puisqu’elle ne défend Imprégné d’un esprit de che- l’amie de longue date que je pas seulement les humains, David vainqueur de Goliath, valerie oublié, je sais qu’il en suis peut le mieux témoigner mais toutes les autres espèces don Quichotte et sa magni- maintiendra vibrante la de ce qu’est vraiment Franz vivantes. fique folie, l’insecte fragile et flamme altruiste jusqu’à son Weber, en montrant l’homme son prodigieux courage… oui, dernier souffle. derrière son image et la liste Ce chevalier de la nature c’est ainsi que je ressens impressionnante de ses ac- m’évoque irrésistiblement un Franz Weber, et la raison pour Alors, oui, vraiment, bon an- tions. Un homme, qui, hors souvenir émouvant, image du laquelle je le respecte infini- niversaire, Monsieur Franz de sa légende, reste quand Weber ! de la part de tous les même une légende, tout sim- animaux, de toutes les plement parce qu’il n’est pas plantes, et des sanctuaires de fabriqué, rien n’est du théâ- la beauté que vous avez sau- tre, tout ce qu’il semble être vés ! Que Dieu vous garde en- est vrai : le chevalier des ar- core longtemps parmi nous ! bres et des bêtes est un vrai La planète, notre mère la chevalier, son dévouement Terre, a tellement besoin de aux causes justes est viscéral vous ! Nous avons tous besoin et assumé comme un sacer- de vous ! Ne nous abandon- doce. Ce chevalier-ci est un nez surtout pas ! croisé, avec tout ce que cela implique de monacal et d’au- Comme dit le proverbe Nul thentique. n’est un dieu pour son valet de chambre , qui connait trop Oh ! je le sais : s’il est admiré bien les faiblesses, la face in- par ceux qui le soutiennent, time cachée, de l’homme qu’il Franz Weber fut souvent la ci- sert pour être encore impres- ble de violentes attaques de la sionné par lui. Récemment, part de détracteurs à l’affût l’épouse d’une très grande star des défauts de la cuirasse. Au me disait qu’elle ne voulait cours des décennies écou- pas qu’on approche son mari lées, certains n’hésitèrent pas dans sa vie privée, pour ne pas à utiliser la diffamation pour «détruire le mythe». Je com- abattre une personnalité bien prends cela, ce n’est pas du trop singulière (au sens pro- Alika Lindbergh, écrivain et peintre, dans son royaume de fées… tout stupide, mais, personnel- pre) pour ne pas déranger – y
No 100 avril | mai | juin 2012 JFW | Suisse 5 compris de puissants lobbys – possible pour quelqu’un de la je l’aurais vu tomber à moult Quelle force ! C’est vraiment par son incorruptibilité et sa stature de Franz Weber : s’il reprises !... «un sacré bonhomme» ! persévérance. est différent, c’est sa nature, il ne le fait pas exprès ! En fait, lorsque la part excep- Il semble infatigable ? Mais C’est le lot, hélas !, de tout tionnelle d’un être l’emporte non : ce serait bien trop facile être charismatique, de provo- Ce que j’aimerais en tout cas, sur l’usure du temps, la lèpre ! Franz Weber est humain. quer des jalousies haineuses, à l’inverse des iconoclastes, du quotidien et toute fêlure Mais ce qui le caractérise, en c’est le prix de l’efficacité de c’est faire toucher du doigt possible, il n’en est que plus revanche, c’est que sans déclencher de basses ven- l’âme sensible et intègre enthousiasmant. Et j’en té- drogue d’aucune sorte, sans geances… qu’enferme l’armure emblé- moigne : depuis plusieurs dé- alcool, sans aucun autre «do- matique de cette force de la cennies de collaboration, pant» que sa faculté d’indi- Pour éviter de tels inconvé- nature nommée Franz We- Franz, mon ami, n’a jamais gnation, il arrive à dépasser la nients, il faudrait être banal, ber. Car si nous sommes de cessé de …m’épater… Je ne fatigue et va bien au-delà de sans relief, être un rassurant vieux amis, non seulement compte plus les innombra- ses limites «normales». Même Monsieur-tout-le-monde cela n’a pas fait de moi ce bles circonstances où je me épuisé, il s’obstine, s’ac- comme on en voit trop chez que les Français appellent suis dit en moi-même, totale- croche, avec la persévérance les hommes politiques… Ce un «béni-oui-oui», mais, si ment bluffée : Quelle fabu- acharnée des chats. Rien ne n’est tout simplement pas masque factice il y avait eu, leuse énergie positive ! peut arrêter Franz lorsqu’il veut obtenir justice pour ceux qu’il défend avec une volonté farouche, véritablement ani- male au sens le plus noble, le plus respectueux, que je puisse donner à ce mot. Parce qu’il s’est toujours servi des médias pour alerter l’opinion, et que son nom et son image y jouaient un rôle essentiel, on a beaucoup re- proché à Franz Weber d’avoir un ego surdimensionné… Mais, loin des caméras et de toute publicité flatteuse pour son ego, celui que je connais bien est l’homme bouleversé qui me téléphone au mo- ment où il vient de découvrir une atrocité – une de plus – et où, horrifié, bouleversé, il n’a pas encore maîtrisé le choc que cela lui a infligé. Que la cause à défendre soit difficile, «perdue d’avance» comme le proclament géné- ralement les adeptes de la sa- gesse démissionnaire, qu’elle soit impopulaire, ou même dangereuse, peu lui importe : dans la voix de ce Juste j’entends autant de douleur que de colère et, déjà, la décision est prise de se lancer au secours des vic- times, dans une bataille qui ne lui laissera aucun répit, ni de jour, ni de nuit, jusqu’à la 1977 - Franz Weber en croisade contre le massacre de bébés phoques au Canada victoire – même si cela doit
6 JFW | Suisse No 100 April | Mai | Juni 2012 martyre d’un crapaud dont rement à tant de m’as-tu vu des enfants sadiques ont crevé du show-business, il ne porte les yeux : il y a dans ces vers-là pas sa compassion en sautoir un cri de l’âme qui ne permet clinquant. Et, incidemment, aucun doute sur la grandeur j’adore que nonobstant il n’ait authentique du poète dont on jamais cru nécessaire non a si souvent fait passer le goût plus de s’afficher dépenaillé de la grandeur pour de la gran- comme se doit de l’être tout diloquence. Que ce soit son écolo-politiquement-correct. âme ou celle de Franz Weber, Ses costumes impeccables qui toutes deux correspondent au soulignent sa haute et mince célèbre avis de Cocteau sur les silhouette, la crinière gris grands hommes : « Il vit dans perle toujours nette, les mains du cristal ». soignées, il incarne la dignité suisse : avoir l’air «chic» n’a ja- Outre ses facultés d’empathie mais empêché la générosité avec toute forme de souffrance d’un peuple toujours prêt à ai- – de celle du taureau dans der autrui (et ceci du banquier l’arène à celle de l’arbre tron- le plus riche à l’employé le fabuleuse énergie, sa vie à çonné, de celle de l’araignée plus modeste). Et, mon Dieu, ceux qui ne parlent pas et ne 1980 – Franz Weber dans la forêt de écrasée à celle de l’Indien en ce temps de laideur affi- peuvent se faire entendre. Giessbach d’Amazonie empoisonné, ce chée et de «laisser-aller», que que j’aime chez mon ami cela fait du bien de voir un Il leur a apporté son amour, et prendre des années, même Franz, c’est le rapport aristo- homme assumer son allure ! son pouvoir de REVE. De s’il faut recommencer en- cratique qu’il a avec l’argent, toute manière, le monde pail- core et encore… ce dieu de notre temps de pro- Franz Weber, dans sa jeunesse, leté eut été trop étroit pour fits, dont l’écœurante vulgarité fut un journaliste et un écri- lui : il lui fallait la Création Ce qui me lie à Franz mieux a détrôné toutes les autres va- vain de talent. J’ai bien sûr lu toute entière, cette œuvre de que n’importe quel contrat, leurs. Loin de «l’univers impi- ses livres de combats écolo- beauté défigurée par les c’est de l’avoir vu ou entendu toyable» des parvenus, Franz giques, mais aussi ses contes hommes que les poètes appe- étranglé par les larmes déchi- n’a jamais permis que l’argent de jeunesse, où la qualité de lèrent «Le Paradis terrestre». rantes de la compassion – au- soit son maître : il en a fait le l’écriture autant que le pouvoir trement dit : de l’AMOUR serviteur de ses croisades. Il d’évocation et l’univers poé- Dans «le Paradis perdu», l’un pour les animaux. Ces larmes n’a ni envie ni snobisme vis-à- tique évoquent les contes des d’eux (Milton) a écrit : « … La authentifient l’homme et ses vis des gens riches, mais en re- grands romantiques alle- scène se passait entre les croisades, elles justifient, vanche il a de l’admiration mands qui ont illuminé mon anges, sur les débris du monde mieux encore que ses nom- pour ceux d’entre eux qui sa- adolescence, et m’ont influen- détruit… », et j’imagine très breux triomphes, la stature vent donner pour sauver ce cée toute ma vie. Une fois de bien, comme dans une gra- du personnage et la confiance qui doit l’être, que ce soit un plus, et dans le domaine artis- vure de Gustave Doré, Franz que mettent en lui tous ceux hérisson ou une église ro- tique cette fois, Franz m’a assis avec les anges sur un qui l’entendent et qui l’ai- mane. A ses yeux, ces riches-là «épatée». Il eut pu sans aucun merveilleux nuage, contem- dent. sont des princes, et ses cama- doute faire une carrière litté- plant le spectacle désolant rades de combat, et il les res- raire et mener ainsi une vie d’une terre dévastée, et disant : Il n’y a ni «truc», ni secret à son pecte comme tels. paisible infiniment moins impact : c’est la sincérité éprouvante que ne fut (et « …Bon ! Messieurs, ça suffit ! qu’on sent jaillir du fond de Sa gratitude envers ceux qui reste) la sienne. Assez de contemplation mo- son cœur qui emporte l’adhé- lui donnent les moyens de ga- rose et de parlottes, il faut rele- sion, et non son talent (fut-il gner ses causes (dites per- Mais il a préféré partir en ver nos manches ! On ne peut incontestable !) pour ameuter dues) n’est pas feinte : cela croisade au nom du respect pas accepter un tel désastre ! les médias. Car on ne triche l’émeut profondément. de la vie sauvage, au nom Alors… allons-y ! De toute ma- pas avec ce qui vous brise le d’un idéal de bonté, de nière, si vous préférez philoso- cœur, le cri que cela provoque Désintéressé au point d’avoir beauté, et d’harmonie univer- pher, grand bien vous fasse… rend un son trop juste, comme hypothéqué sa propre maison selle. Il a laissé les paillettes Moi, j’y vais ! J’y vais seul, et dans le poème de Victor Hugo pour financer l’une de ses d’une gloire assurée, tourné qui m’aime, me suive ! » (premier président de la pre- grandes causes, je ne l’ai ja- le dos à la Jet-Set qu’il fré- mière ligue contre la vivisec- mais entendu en faire état, quentait à travers ses engage- Et comment ne pas suivre le tion, ne l’oublions pas) où le pas plus que de ses nom- ments de journaliste, et il a panache de cette crinière ar- célèbre écrivain pleure sur le breuses générosités. Contrai- choisi de donner sa voix, sa gentée ? n
No 100 avril | mai | juin 2012 JFW | Suisse 7 L’Afrique doit redevenir verte ! n Roger Anderegg Franz Weber avec 21 journalistes et 25 fours solaires au Sénégal: „L’Afrique doit rede- venir verte!“ Ça se passait en juin 1985. Je ambitieuse pour Franz Weber. me rendais avec Franz Weber, Cet homme qui prêche dans le vingt autres journalistes et désert n’a jamais reculé de- vingt-cinq fours solaires à Sé- vant une tâche. Le plus éton- dhoui en Casamance, au Séné- nant, et c’est magnifique, c’est gal, où Franz Weber voulait in- que Franz Weber n’est ni un citer la population locale à uti- rêveur ni un utopiste comme liser l’énergie solaire pour la certains, pour des raisons cuisine et freiner ainsi la défo- inexplicables, le pensent en- restation de la zone du Sahel core et toujours. Avec ses slo- et, partant, la désertification. gans, ses campagnes et sa dé- J'ai notamment gardé en mé- termination à remuer ciel et moire une scène de cette ex- terre, il demande toujours pédition mémorable. Du haut l’impossible et finit par l’obte- de nos 8 000 mètres d’altitude, nir dans la plupart des cas. à travers les hublots de l’airbus Personne ne peut aujourd’hui, Paris-Dakar, cet inlassable dé- ni ne pourra à l’avenir parcou- fenseur de l’environnement rir ce merveilleux pays qu’est regarde le désert de Maurita- la Suisse sans penser, ne se- nie : pas un village, pas un ar- rait-ce que brièvement, à bre à cent lieues à la ronde, Franz Weber, et éprouver res- rien que les couleurs ocres du pect, admiration et gratitude, désert, le sable et les pierres. devant les paysages des lacs Weber fronce les sourcils et, de la Haute-Engadine, le vi- avec opiniâtreté, il formule gnoble de Lavaux, les lacs de ainsi l’objectif de son action : Thoune et de Brienz, le Sim- «L’Afrique doit redevenir mental, Lausanne-Ouchy, le verte.» val d'Anniviers et tous les vil- Aucun objectif n’est trop lages de montagne qui vivent Au moyen d’une initiative fédérale, Franz Weber empêche la destruction du Simmental élevé, aucune aspiration trop du tourisme. n par une autoroute.
8 JFW | Suisse No 100 avril | mai | juin 2012 Un oiseau de paradis parisien n Gisela Blau Un jour d’hiver des années 60, net, il est difficile de s'imagi- tes de la radio et de la télévisi- charmante tragi-comédie avec au journal St. Galler Tagblatt, ner comment nous communi- on, des chanteurs; et quel ne Anna Karina et Jean-Claude la réceptionniste nous appela: quions: par téléphone. Et les fut pas notre étonnement de Brialy, la musique de Serge il y avait quelqu'un à l'accueil manuscrits arrivaient par la trouver dans l'enveloppe qui Gainsbourg, et une courte ap- qui souhaitait parler à la rédac- poste. contenait son reportage, une parition de Marianne Faith- tion Mode – or, cette rédaction photographie de Mireille Ma- ful), ce fut Franz Weber qui se n'existait pas vraiment. C’était Je devais très vite me rendre thieu, cette petite grande da- chargea en exclusivité de re- le directeur junior Hans Zolli- compte que notre «oiseau de me, rayonnante et soulevée chercher et de rédiger la Une kofer, et moi-même, très jeune paradis» était en fait un hom- dans les bras de notre journa- pour la Schweizer Illustrierte. rédactrice de la page des mon- me de lettres qui ne connais- liste! Lorsque le régisseur suis- danités, la fameuse «page 5», sait pas seulement tous les se, Pierre Koralnik, tourna le Quand j'étais en déplacement installés dans les combles grands de la mode et des vedet- premier film en couleurs pour professionnel à Paris, nous aménagés de la Kornhaus- tes de cinéma comme Michèle la télévision française («Anna», nous rencontrions; je me sou- strasse du vieux St. Gall, qui Morgan, Jean Gabin, Jane couvrions également le do- Fonda, Brigitte Bardot, mais maine de la mode. aussi tout le gratin littéraire (Georges Duhamel, François Un homme élancé, vêtu de Mauriac, Ionesco, Jean turquoise de la tête aux pieds, Anouilh, Jean Cocteau, jusqu'aux chaussures après- Georges Simenon, etc.). Je re- ski, apparut dans l'encadre- çus bientôt régulièrement le ment de la porte. Nous n'en magazine «La Voix des Poètes» croyions pas nos yeux. Nous qu'il publiait et dans lequel il n'avions jamais vu une telle écrivait à chaque fois une his- apparition, même à St. Gall, toire courte – en un français capitale de la mode. Cette créa- classique, plein d'élans mysti- ture d'un autre monde se pré- ques, de romantisme et senta: Franz Weber ; il nous ex- d'esprit théâtral. À mon plus pliqua qu’il travaillait à Paris, grand regret, on m’a volé le où il habitait, et qu'il rédigeait carton qui en contenait la col- des articles sur la mode pour le lection intégrale à l'occasion compte de la National-Zeitung d'un changement de bureau. à Bâle. Les articles qu'il nous montra nous plurent énormé- Lorsque j'ai déménagé à Zu- ment, et nous tombèrent rapi- rich pour travailler à la rédac- dement d’accord : l’homme en tion de la revue Schweizer Il- habit turquoise allait écrire lustrierte, je l'ai tout bonne- pour nous. ment emmené Franz avec moi. Mais il continuait à écrire Ce fut le début d'une grande et pour le St. Galler Tagblatt et formidable amitié. Franz We- d'autres journaux germano- ber était un journaliste sé- phones, et gagna la sympathie rieux; à Paris, où il connaissait de Werner Meier, un des der- dieu et le monde, il écrivait niers grands rédacteurs en d’excellents articles, bien re- chef de la vieille école, qui ont cherchés, pour la presse écrite marqué leur temps. W. Meier a allemande et suisse. Notre col- tout de suite su apprécier no- laboration fut intense malgré tre «oiseau de paradis» pari- la hargne des vieux messieurs sien. Franz Weber écrivait sans grincheux de la rédaction à relâche pour la Schweizer Il- l'étage d’en-dessous. Au- lustrierte. Des articles sur des jourd'hui à l'époque d'Inter- vedettes de cinéma, des vedet- Franz Weber avec Mireille Matthieu (Moscou 1967)
No 100 avril | mai | juin 2012 JFW | Suisse 9 et la mère de Vera Weber. Quand il fut question de con- struire un parking souterrain sous les vestiges du château du centre historique de Regens- berg dans le canton de Zurich, Franz Weber se solidarisa avec les défenseurs du patrimoine culturel. Lors du reportage, j'ai loué une armure d’origine, et lui ai demandé de la revêtir, ar- mé d'une lance. Il comprit tout de suite où je voulais en venir: sa photo de chevalier sans peur et sans reproche parti en croisade pour protester contre la destruction du patrimoine culturel, fut publiée par la Schweizer Illustrierte. Le gara- ge souterrain a fini par être construit en 1975, mais avec des modifications positives notables, ce qui permit de pro- Franz Weber avec Michèle Morgan (Paris 1971) téger de manière significative le site du centre-ville. Franz viens qu’à une occasion, j'ai pu coiffure les plus connus au vement de protestation et mit Weber avait donc réussi une visiter son antre, un romanti- monde, et grâce à lui on s'occu- son talent et ses connaissances fois de plus à faire bouger les que appartement à Montmar- pa de moi gracieusement: Ro- journalistiques au service de la choses. Et, il est resté ce preux tre, aménagé dans les combles, sita Carita en personne est ap- nature. Aujourd'hui encore chevalier qui continue à se bat- avec vue sur les toits de Paris. parue avec ses ciseaux dorés, a nous nous chamaillons pour tre courageusement pour ses Etait-il au 20ème ou au 6ème ébouriffé mes cheveux mouil- savoir lequel des deux jour- idéaux, en mettant son élo- étage ? Je ne sais plus; en tout lés et décrété: «mais c’est déjà naux, la Coop-Zeitung ou la quence hors du commun au cas, arrivée en haut, j'étais très bien coupé!». Ensuite, elle Schweizer Illustierte, a été le service de la nature, sans ja- hors d'haleine: le vieil ascen- indiqua à la coiffeuse ce qu'el- premier à publier sa story sur mais devenir sectaire. Cette seur brinquebalant était tombé le avait à faire. À la sortie, la lutte pour la préservation de lutte est son élixir de jouvence. en panne. Aujourd’hui, son ap- j'avais la même tête que toutes Surlej. Ensuite, il s'est engagé partement actuel ne se trouve les femmes qui sortaient du sa- pour le lac de Sempach où une Franz, à l'occasion de tes 85 pas très loin. Il me semble me lon Carita, mais mon coiffeur frêle demoiselle, du nom de printemps, nous te souhaitons souvenir que sa petite voiture, Wiederkehr, qui n'existe plus Judith, s'engageait aussi – et ce un très heureux anniversaire – une Fiat décapotable, était depuis longtemps, dans la Lö- qui devait arriver arriva: Ju- et encore de nombreuses et in- bien sûr de couleur turquoise wenstrasse à Zurich, faillit dith est devenue Judith Weber, trépides années! n elle aussi. Franz Weber m'a éclater d’orgueil quand je lui montré une de ces places pré- rapportai ce compliment de la férées; d’ailleurs c’est au- grande «Rosita». jourd'hui encore un de mes endroits favoris à Paris: la mi- Un jour, à la fin d'un bel été, nuscule petite place Furstem- Franz m'a appelée à la rédac- berg à Saint-Germain-des-Prés, tion. Il avait l'air bouleversé : avec son candélabre-boule à «ils veulent détruire mon En- l’ancienne et ces arbres vénér- gadine!» En effet, pendant les ables. vacances, il avait eu vent des projets de construction à Silva- Un jour il est venu me cher- plana-Surlej. Franz Weber est cher et, au lieu d'aller déjeu- alors passé du rôle de journa- ner entre deux rendez-vous, il liste valeureux, à celui de va- m'a menée voir les sœurs Cari- leureux protecteur de l'envi- ta dans un de leurs salons de ronnement. Il lança un mou- 1965 en Haute Engadine : Franz Weber proclame la création de «Pro Surlej»
10 JFW | Suisse No 100 avril | mai | juin 2012 Les secrets de Franz le magnifique n Marc Ambroise-Rendu Voici plus de 35 ans j'ai eu le privilège, grâce à mon métier de journaliste et rédacteur au journal Le Monde chargé de l'environnement, de faire la connaissance de Franz Weber. On devine pourquoi: relater l'un des multiples combats qu'il a livrés contre la bêtise destructrice. Et chaque fois que nous nous retrouvons j'éprouve le même étonne- ment devant la flamboyance du personnage, la pertinence de ses méthodes et.... ce qu'il faut bien appeler en langage guerrier ses «victoires». En trois décennies et en spé- cialiste du mouvement asso- ciatif j'ai eu le loisir d'analyser cette réussite, hélas trop ex- Sauvetage des forêts alluviales du Danube (Hainburg près de Vienne) : Discours flamboyant de Franz Weber devant 12'000 citoyens ceptionnelle. Je la crois fondée sur au moins six éléments. communication efficace. On lant au secours de sites dans A 85 printemps, Franz Weber ne mobilise pas l'opinion en plusieurs pays d'Europe serait vexé qu'on le classe mo- - D'abord un attachement au jouant les Cassandre mais en (Suisse, France, Allemagne, nument historique. Mais il ac- patrimoine naturel et bâti si pointant les massacreurs de Autriche, Grèce) Franz est le ceptera que nous lui décer- profond qu'il génère l'iné- notre planète et en organisant Dunant de l'environne- nions le «Prix Nobel de l’Eco- branlable conviction que ce la contre-attaque. Franz est le ment. logie» n trésor doit être défendu bec et premier acteur et le metteur ongles. Franz a la foi qui sou- en scène de ses combats. lève les montagnes. - La conviction que l'on peut - Une personnalité coura- faire barrage aux intérêts fi- geuse, généreuse et imagina- nanciers et à la mégalomanie tive. On ne lutte pas pour un des aménageurs en mobili- avenir meilleur sans imagi- sant les simples citoyens. ner ce qu'il pourrait être. En Franz est un authentique ce sens Franz est un rêveur, auxiliaire de la démocratie. mieux, un visionnaire. - Le choix du champ de ba- - Une totale indépendance à taille. Pour l'emporter l'égard des idées reçues, des contre les puissants il faut schémas idéologiques en une grande cause, au moins vogue, des partis politiques et symbolique et supra natio- des puissances économiques. nale, ainsi que des alliés qui Franz est incontrôlable et occupent le terrain après la donc crédible. charge. Autrement dit - Une connaissance profes- échapper au «nimby» sans Sauvetage des forêts alluviales du Danube : Franz Weber est soutenu dans sa lutte par sionnelle des règles d'une oublier les réalités. En vo- Konrad Lorenz, Prix Nobel
No 100 avril | mai | juin 2012 JFW | Suisse 11 Farouchement indépendant n René Langel J’ai connu Franz Weber en 1965. Il déboula un jour dans mon bureau de la Tribune-Le Matin, incité en cela par Clau- de Langel qui l’avait côtoyé dans le monde étincelant de la haute-couture parisienne. Il voulait sauver Surlej, un mo- deste village de l’Engadine, que les maquereaux de l’alti- tude s’apprêtaient à dénaturer en une ville touristique de 24'000 habitants. Ce coup de force inédit à l’époque – qui aurait songé à se battre pour un paysage? – lui valut une pa- ge entière en exclusivité dans la Tribune-Le Matin-Diman- che. Je me retrouvai ainsi le seul journaliste romand à as- Sauver Lavaux : les premières signatures déversées à Berne par des vignerons vaudois (1973) sister au grand gala du Dolder à Zurich, où ce nouveau Don depuis les cabines publiques Loup solitaire, il le restera, ne Quichotte parvint à recueillir zurichoises pour mobiliser s’entourant que de deux ou des centaines de milliers de des notables, des hommes trois collaborateurs. Solitaire francs qui servirent à acheter d’affaire, des vedettes du parce qu’indépendant, farou- des bandes de terre aux quatre spectacle. Pas de bureau, pas chement. Il sait bien que tou- coins de la commune, blo- de secrétaire. Et solitaire, il le te alliance, toute compromis- quant tout aménagement restera longtemps encore, sion mène au conflit d’inté- d’envergure. Désormais, une jusqu’à cette rencontre d’une rêt, à la dépendance. Ne rien vocation irrésistible l’habitait jeune passionnée du nom de devoir à personne n’est qu’il allait déployer avec une Judith qu’il épousa. Ils pour- qu’une des conditions néces- énergie, une opiniâtreté, une suivirent ainsi à deux cette saires à la victoire. La bataille constance jamais prises en dé- bataille inlassable pour la na- exige aussi une stratégie dans faut. J’en fus le témoin attentif ture, pour les animaux, pour laquelle Franz Weber excelle- jusqu’à aujourd’hui. le paysage et sa beauté. Puis, ra, déployant des compé- plus tard, à trois avec leur fille tences juridiques et politi- Sauver Ouchy : Il fallait 3 initiatives popu- Il était seul en 1965 à multi- Vera qui brandit déjà très ques inédites. Sa guerre con- laires cantonales (1974 – 1981) à Franz plier les coups de téléphone haut le flambeau de la cause. tre la bretelle d’Ouchy en Weber pour empêcher la bretelle auto- témoigne au cours de laquel- routière dite «La Perraudettaz» qui aurait le il déclencha des initiatives détruit les célèbres jardins de Lausanne- en cascade pour faire annuler Ouchy. le projet fédéral. sons l’y incitent, il adaptera Loup solitaire, il saura néan- toujours sa conduite aux cir- moins se faire chef de meute constances. Ses multiples tri- pour conduire maints oppo- omphes le montrent à l’évi- sants à la victoire. Autoritaire, dence. exigeant, péremptoire souv- ent, provocant même – une Un tempérament de samou- manière de créer l’événe- raï au service de la tendresse, ment –, mais aussi fin diplo- car derrière l’armure bat un Haute Engadine – La Vallée de la Lumière mate lorsque de bonnes rai- cœur de poète. n
12 JFW | Suisse No 100 avril | mai | juin 2012 Franz Weber, l’intrépide défenseur de la nature et de la civilisation n Komnen Becirovic Ma première rencontre avec émeraude gonflées par la forts furent nécessaires, et le Franz Weber s’est faite sous fonte de neiges : «Mais c’est sont toujours, afin que la ré- les auspices d’Apollon, dieu une symphonie de Beethoven gion de Moratcha, avec la to- de la lumière. En fait, j’avais !» Puis, face à la magnifique talité de son héritage, soit sau- vu par hasard, je crois en église de l’Assomption sise vée et mise sous la protection 1987, une émission à la Télé- sur une falaise à la sortie du de l’organisation internatio- vision française, consacrée à canyon: «La prière accomplie nale. Franz Weber lors de sa cam- dans la pierre!», avant de dé- pagne pour empêcher l’im- couvrir durant la liturgie célé- Il reste que Moratcha, Stoudé- plantation d’une industrie dé- brée par le métropolite Am- nitsa, Kosovo constituent vastatrice et polluante dans philochie, ce panthéiste trois titres de gloire, parmi un des sites les plus célèbres grave, recueilli, tel un fidèle, tant d’autres, que Franz We- du monde antique, celui de Franz Weber 1988 dans les Gorges de la sous les hautes voûtes multi- ber a gagnés en défendant, Delphes abritant le sanc- Moraca séculaires ornées de fresques par ses nombreuses cam- tuaire d’ Apollon. C’est là que dont Saint Elie au désert qui, pagnes menées pendant un je pris connaissance de l’ac- ces projets néfastes. En de par l’attitude pensive du demi-siècle, la culture, la na- tion qu’il menait ou plutôt de même temps, les deux hauts saint, constitue une des plus ture, la création partout où la mission qu’il accomplissait lieux de la nation serbe, les réussies métaphores imagées elles ont été menacées dans en vue de protéger les œu- monastères médiévaux de de l’interrogation humaine. Il le monde. Et puisque, mal- vres de la nature et de la civi- Moratcha et de Stoudénitsa, en alla de même le jour sui- heureusement, il n’existe pas lisation, menacées par l’in- véritables joyaux de l’archi- vant dans la laure royale de de prix Nobel de l’Ecologie, il conscience et la cupidité des tecture et de l’art universels, Stoudénitsa, édifiée dans une faudrait instaurer un équiva- hommes. s’élevant sur les bords de ces nature plus calme, où le su- lant qui porterait fièrement le rivières, se seraient trouvés blime Crucifix peint sur le nom de Franz Weber et qui ré- Cela venait comme un don du mortellement menacés par mur occidental du sanctuaire, compenserait ceux qui, à son ciel, car à l’époque, le gouver- l’action des eaux souterraines nous accueillit aux chants sa- exemple, se dévouent sans li- nement yougoslave, passant et par l’effet de l’humidité. crés des moines s’unissant au mites au combat pour le salut outre à l’opposition de l’opi- chant immémorial de la ri- de notre planète, de notre nion publique, avait déve- Naturellement, j’écrivis aus- vière éponyme. survie et de notre existence loppé une activité intense sitôt à Franz Weber dont la sur cette terre avec tout ce pour la construction de cen- réaction fut immédiate, si Il n’en aurait pas fallu autant qu’elle porte, dans sa marche trales hydrauliques dans la bien qu’il se rendit, d’abord pour que Franz Weber prît sa parmi les constellations, de vallée de la Moratcha au Mon- seul avec moi, puis accompa- décision et donnât à l’affaire sensé, de beau, de magni- ténégro, qui se trouve être gné d’un groupe de journa- de Moratcha et de Stoudé- fique, de sublime, qu’il soit du mon pays natal, et de la Stou- listes, à Moratcha et à Stou- nitsa des dimensions interna- domaine humain ou divin n dénitsa en Serbie, nécessitant dénitsa dont les sites abritant tionales, faisant ainsi s’éloi- l’édification de barrages et la des monuments historiques gner définitivement le dan- formation de lacs artificiels provoquèrent son admira- ger qui planait sur ces biens qui auraient englouti ou me- tion. Je le vois et l’entends uniques de la nature, de l’his- nacé des biens inestimables encore en ce début d’avril toire et de la culture. Effecti- précisément de la nature et 1988, alors que, venant de vement, Stoudénitsa fut bien- de la civilisation. En effet, des Podgorica, nous nous enfon- tôt inscrite sur la liste du pa- canyons vieux de dizaines de cions dans le canyon de la trimoine de l’Unesco et millions d’années, la flore Moratcha, s’exclamer : «Nous Moratcha était sur le point de unique s’y étant développée voici dans la cathédrale de l’être, lorsque le gouverne- au cours des âges, des sites l’éternité !» Et devant le spec- ment du Monténégro fit préhistoriques datant de 120 tacle de la Moratcha roulant marche arrière en s’obstinant mille ans, devaient disparaî- dans les profondeurs de dans sa logique diluvienne, Franz Weber à Studenica en conversation tre, en cas de la réalisation de l’abîme ses vagues blanc- de sorte que de nouveaux ef- avec des prélats
JFW | Suisse 13 No 100 avril | mai | juin 2012 Une avenue Franz Weber? n Slobodan Despot banquise arctique au désert australien, des enclaves de nature et d’harmonie incrus- tées dans le tissu artificiel de la civilisation moderne comme des pas de géant dans la glaise. Traces durables d’une bataille titanesque, où il aura investi toute sa per- sonne, contre les pouvoirs, les intérêts, l’argent, et sur- tout contre ce que les esprits dociles appellent le «sens de l’histoire». Or le sens de notre passage sur terre est-il de devenir les ratés de notre propre planifi- cation, les rouages de nos pro- pres machines, les esclaves de notre propre volonté de contrôle universel ? Non, bien sûr ! Tout le monde s’en défend, mais tout le monde n’est pas sincère. Au Franz Weber à Delphes contraire : la plupart s’en re- mettent, hypocritement, aux Que l’on se rassure : il n’y a Comme tous les grands vi- l’action associative et donc promesses d’un progrès maté- pas d’avenue Franz Weber. sionnaires, Franz Weber aura anonyme. Depuis que je le riel qui ne fait qu’ajouter des Les villes de Suisse et du heurté de front la raison do- fréquente, j’entends ses ad- problèmes plus nombreux et monde regorgent de grands minante de son temps — tout versaires dire qu’il se mêle de plus graves à ceux qu’il pré- boulevards dédiés à des admi- en recueillant un soutien ce qui ne le regarde pas, qu’il tend résoudre. Nous capitu- nistrateurs oubliés de longue mystérieux et puissant : celui irrite inutilement, qu’il dé- lons tous, à un moment ou à date ou à des leaders poli- de notre part d’intuition, de lire, qu’il ne connaît pas le un autre, et de manière pré- tiques qui ont fasciné leur vertu et d’innocence. Bref, de «fond du problème». Qu’il est dominante. Comment expli- époque mais que l’histoire, l’enfant qui sommeille en simpliste. Qu’il est fou. quer, sinon, cette contradic- souvent, a fini par classer du nous et que toutes les sa- tion absolue de l’«écologie» côté des vaines gloires ou, gesses du monde nous exhor- Que de compliments ! Car il devenant un nouvel argu- pire, des prévaricateurs. tent à retrouver. Son enfant fallait bel et bien être sim- ment de vente et de consom- intérieur, Franz Weber ne l’a pliste et fou pour entrepren- mation de masse ? Franz Weber n’a, heureuse- jamais quitté. Il n’hésite pas, dre ce qu’il a entrepris. Pour ment, pas encore eu droit à dans ses combats, à provo- élever des barrages de fleurs Franz Weber est l’un des rares de telles distinctions. C’est quer, à extrapoler, à bomber contre le béton armé, brandir qui n’entrent pas dans ce cy- qu’il est vivant et bien vivant. le torse. Tel un conteur naïf la beauté féminine contre le cle des bonnes intentions et C’est, aussi, qu’il ne semble des temps anciens, il sait trier carnage animal, expliquer des mauvaises excuses. Il a pas en odeur de sainteté chez les faits pour ne retenir, en les aux Grecs que leur histoire compris que le développe- ceux qui ont le pouvoir de les exagérant, que ceux qui ser- passe avant la sidérurgie et ment d’une science sans âme octroyer. Son soutien, c’est de vent sa cause. Ce lion, fier et aux Vaudois que leur paysage nous retire autant d’huma- l’homme de la rue qu’il est avantageux, se sert de sa pro- vaudra toujours plus cher que nité et de vertu qu’il nous oc- venu, et non des officiels qui pre personne comme d’un son estimation foncière. Ce troie de confort. Il a compris baptisent les rues mais qui ne étendard lorsque la plupart chevalier qu’on aime à bro- que notre destin est notre af- s’y attardent pas. de ses alliés ne croient qu’à carder aura disséminé, de la faire et qu’aucun ingénieur,
14 JFW | Suisse No 100 avril | mai | juin 2012 nant par là même au sens tection de la diversité et de la originel, grec, de ce mot. richesse du patrimoine hu- Poïésis, l’action ! Son œuvre main. Sa défense acharnée ne traduit pas seulement du moindre cep de vigne, du l’esthétique du poète, mais dernier phoque de la ban- aussi son intelligence tout in- quise est un symbole et un tuitive. Franz Weber a com- message adressé à l’âme de pris que le vice de la surcon- chacun. Lui rappelant que sommation, du gaspillage et «l’homme ne vit pas de pain de la destruction insensée de seulement», comme dit l’environnement n’est que le l’Évangile, mais aussi de symptôme du mal profond beauté, d’amour et de véné- qui ronge l’homme moderne. ration. Et que c’est par là, Son combat pour la préserva- justement, qu’il est humain. tion de la diversité animale, des traditions et des pay- Vive Franz Weber, l'un des sages est, au fond et avant derniers hommes encore de- tout, un combat pour la pro- bout! n Athènes 1976 : Dans sa lutte pour Delphes, Franz Weber a trouvé en Mélanie Mercouri une alliée de poids. aucun gourou, aucun leader depuis l’enfance et qui n’est ne résoudra notre conflit qu’un formatage préalable à mortel avec le monde qui notre intégration résignée et nous entoure si nous ne com- définitive dans la mécanique mençons par nous y attaquer industrielle. nous-mêmes. Et il sait que ce que les rats et les bourgeois L’action de Franz Weber au appellent du délire poétique cours de ces quarante der- est la sagesse suprême : que nières années constitue une Bébé phoque : symbole et message adressé à l’âme de chacun… seul l’idéalisme extrême, et somme poétique. Ayant re- non la froide rationalité, nous noncé, dès la lointaine cam- permet d’échapper à l’escla- pagne pour Surlej, aux Gri- vage du profit, motivé par une fausse rationalité, maté- rialiste et inerte, inculquée sons, à sa carrière littéraire, Franz Weber a transposé sa poésie dans l’action. Reve- Un homme nécessaire Franz Weber est pour moi un un manipulateur positif, qui personnage de roman, un hé- aura sa statue dans cent ans ros mystérieux et complexe en plusieurs endroits de la dont je connais les hauts faits, planète. Et les petits enfants, les conquêtes, sans pourtant alors, entendront leurs pa- connaître le fond de son âme. rents leur expliquer ce qu’ils Il est un observateur du mon- doivent à cet homme qui fai- de, un homme nécessaire qui sait parfois semblant de dor- jalonne son chemin de coups mir pour mieux réapparaître, de gueule et de coups de surprendre, agir, vaincre. poing, de coups de cœur, de Franz Weber, c’est cela, est un coups de pub et de coups homme nécessaire et je le sa- d’ego, qui sont en fin de lue. Franz Weber devait exis- compte bons pour les hu- ter, il existe. mains qui ne savent pourtant Café sur une terrasse de La- pas toujours lui dire merci. Je vaux un de ces jours, Franz ? Le vignoble de Lavaux, aujourd’hui patrimoine mondial de l’UNESCO dirais que c’est un stratège, n Philippe Dubath
No 100 avril | mai | juin 2012 JFW | Suisse 15 tant encore loin de la victoire, Initiative sur les résidences secondaires nous en avions conscience, et nous devions éviter de nous Quand le peuple suisse écrit bercer d’illusions parce que notre position semblait favora- ble.» Claude Longchamp, le di- une page de son histoire recteur de l’enquête chez gfs, avait indiqué que ces résultats intermédiaires ne présu- «L’idée du’ profit à tout prix’ creuse la tombe de l’humanité. Nous devons com- SSR. Selon ce sondage, 61 % maient en rien du vote réel. Il battre cet esprit, qu’il s’appuie sur le commerce des armes, la production indus- des 1 208 personnes interro- était fréquent, expliquait-il, trielle d’animaux de consommation, ou encore la déforestation et la destruction gées à la fin du mois de janvier qu’au cours d’une campagne du paysage… Nous y arriverons. Car je crois profondément en l’homme. Je sais soutenaient l’initiative popu- de votation, les partisans per- que ce qui est bon en lui, vaincra ! » Franz Weber laire «Pour en finir avec les daient du terrain tandis que constructions envahissantes les opposants en gagnaient. Et de résidences secondaires», 12 en effet, le deuxième baromè- n Hans Peter Roth % étaient encore indécises, tre publié le 29 février indi- tandis que 27 % désapprou- quait, avec 52 %, une approba- Gagner une initiative po- sons amovibles. Les premiers vaient l’initiative. 85 % du pa- tion en recul. Il était clair que pulaire nationale contre membres du comité d’initia- nel interrogé approuvait la po- la partie serrait serrée et que tive viennent d’arriver et cher- sition des auteurs qui considè- le suspens resterait entier l’expansion immobilière chent à s’orienter dans cette rent que les communes jusqu'au 11 mars. galopante ayant pour ob- grande salle lumineuse en comprenant un trop grand jectif de limiter désormais train d’être aménagée pour nombre de résidences secon- 11 mars 2012, 11 heures. Tout à 20 % par commune le l’occasion. La voiture de la Té- daires sont en train de se trans- est prêt. Les affiches, les taux de résidences secon- lévision suisse est déjà garée, former en villes fantômes. 84 écrans, les câbles sont tendus, daires… le combat sem- les techniciens déroulent des % étaient enfin d’avis que les tout est connecté. Les tables, blait perdu d’avance. Mais centaines de mètres de câble résidences secondaires font l'estrade, le buffet sont dres- l’urgence manifeste de la dans le hall aux allures de exploser les prix immobiliers sés. Le soleil déjà ardent du cause, le souci du peuple foyer. Par la façade vitrée, la et défigurent le paysage. mois de mars perce la couver- vue sur la ville est époustou- ture de nuages et inonde le suisse qui voit son sol dis- flante. «Issue indéterminée et foyer à travers les grandes paraître mètre carré par suspens» baies vitrées. L’espace presse mètre carré sous le béton, Les perspectives étaient belles Vera Weber se souvient : «Ces dispose de six postes de travail qui voit la beauté de ses aussi, ce 3 février 2012, après premiers résultats ont donné avec connexion Internet. Plus paysages s’amoindrir à vue la publication d’un premier ba- des ailes à l’équipe. Pour la les préparatifs avancent, et d’œil, et sa volonté absolue romètre des intentions de première fois se faisait jour plus, avec le désoeuvrement de garder ce patrimoine, votes réalisé par l’institut de l’idée que ce combat pouvait croissant, les partisans se sen- tous ces facteurs ont fini sondages gfs.bern pour la SRG être gagné. Nous étions pour- tent fébriles. La tension par mener à la victoire cette initiative populaire de Franz Weber. Vivez avec nous les moments hale- tants avant l’annonce des résultats du scrutin. Dimanche 11 mars 2012. Il est neuf heures. Le hall du Kur- saal de Berne commence à s’animer. La grande salle n’est pas encore décorée. Dehors, un vent léger pousse devant lui des nuages bas. Vont-ils se dissiper ? On voit déjà apparaî- tre ici et là un bout de ciel. Des employés embauchés pour l’occasion installent des cloi- Dimanche de votation: Vera Weber interviewée par la télévision
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